Notions de santé des populations - The Association of Faculties of

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Notions de santé des populations de l'AFMC
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Un cybermanuel sur les concepts de santé publique à l’usage des cliniciens.
Étude de cas principale
Partie 1 - La théorie : réfléchir à la santé
Chapitre 1 Les concepts de la santé et de la maladie
Introduction : la médecine, un domaine dont la portée s’élargit
Morbidité ressentie, morbidité perçue par l'entourage et maladie
Maladie ou syndrome?
Les définitions de la santé
La santé publique et des populations
Questions d'auto-évaluation
Bibliographie
Chapitre 2 Les déterminants de la santé et les iniquités en santé
Les inégalités en santé
Concepts de base : causes, facteurs de risque et déterminants
Les facteurs de risque
Les déterminants de la santé
Les comportements liés à la santé
Questions d'auto-évaluation
Bibliographie
Chapitre 3 La compétence et la communication culturelles
Sensibilisation, sensibilité et sécurité culturelles
La pertinence de la culture pour la santé
Les catégories de la culture
La santé des peuples indigènes du Canada
Questions d'auto-évaluation
Bibliographie
Chapitre 4 : Les concepts de base de la prévention, de la surveillance et de la promotion de la santé
L'histoire naturelle de la maladie
Les étapes de la prévention
La mise en ?uvre de la prévention, de la protection de la santé et de la promotion de la santé
Questions d'auto-évaluation
Bibliographie
Partie 2 - Les méthodes : étudier la santé
Chapitre 5 L'évaluation des preuves et de l’information
L'évaluation de l’information et des preuves
Évaluer les preuves scientifiques : la recherche qualitative vs quantitative
La recherche qualitative
La recherche quantitative
Les plans de recherche
Les études expérimentales (ou d?intervention)
Les études par observation
Les mesures du risque : risque attribuable et nombre nécessaire pour traiter
Les erreurs d’échantillonnage et les erreurs aléatoires dans les études
Le biais
La confusion
La hiérarchie des preuves
L'étape finale : appliquer des résultats d’étude à vos patients
Question d'auto-évaluation
Bibliographie
Chapitre 6 Les méthodes : mesurer la santé
L'éventail des mesures de la santé
Les mesures individuelles et les indicateurs en population
Les taux de mortalité
Les échelles de mesure de la santé
La fiabilité et la validité des mesures de la santé
L'interprétation de tests sur des personnes
Établir des points de coupure : qu'est-ce qu'une valeur normale?
Question d'auto-évaluation
Bibliographie
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Chapitre 7 Les applications des méthodes de recherche à la surveillance et à l'évaluation de programmes
La surveillance
Les profils de développement des maladies dans une population : la courbe épidémique
La recherche sur les services de santé
Questions d'auto-évaluation
Bibliographie
Partie 3 - La pratique : améliorer la santé
Chapitre 8 La promotion de la santé et la prévention
Les approches pour améliorer la santé
Est-il préférable d'intervenir auprès des personnes ou des populations?
Le but de la prévention
Le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs
La prévention en pratique clinique
Les systèmes organisationnels qui améliorent la prévention en milieu clinique
Changer les comportements
La réduction des méfaits
La promotion de la santé
Questions d'auto-évaluation
Bibliographie
Chapitre 9 Le dépistage
Le but du dépistage
Dépister ou ne pas dépister?
Des fausses croyances sur le dépistage
Détails de certaines politiques
Les enjeux éthiques propres au dépistage
Les critères pour juger de la pertinence d’un dépistage
Questions d'auto-évaluation
Bibliographie
Chapitre 10 L'identification des dangers et la communication des risques
L'identification de problèmes environnementaux
La réduction du risque
Les dangers professionnels
La gestion du risque
La communication du risque
Questions d’auto-évaluation
Bibliographie
Chapitre 11 La lutte contre les maladies infectieuses
La détection et la lutte contre les éclosions
La transmission des maladies infectieuses
Les modes de transmission et leur maîtrise
Les problèmes associés aux soins médicaux
Les maladies à déclaration obligatoire
Questions d'auto-évaluation
Bibliographie
Chapitre 12 L'organisation des services de santé au Canada
Les éléments d'un système de soins de santé
Les objectifs et les valeurs de la société
La Loi canadienne sur la santé
L'organe de réglementation
Les sources de financement
Contrôler les coûts
La prestation des services de soins de santé
Pour assurer l'équité
Les services de santé aux peuples autochtones (Premières Nations, Inuits et Métis)
Le vieillissement de la population
Les informations médicales et leur diffusion
Quelques services spécifiques
Questions d'auto-évaluation
Bibliographie
Chapitre 13 L'évaluation et l'amélioration de la qualité des soins de santé
La sécurité du patient
Les effets indésirables des médicaments
La qualité des soins de santé
Les approches de gestion de la qualité
L'examen de la qualité
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L'amélioration de la qualité
Questions d'auto-évaluation
Bibliographie
Chapitre 14 Le processus décisionnel : les politiques et l'éthique des soins de santé et de la santé publique
Les politiques publiques
Ce qui influence l'élaboration de politiques de santé
Le cycle des politiques
Le cycle budgétaire
L'économie du bien-être et l'analyse coûts-avantages
L'éthique de la santé publique
L'éthique de la santé publique et la pratique clinique
Questions d'auto-évaluation
Bibliographie
AFMC Petit Guide de la santé des populations
Étude de cas principale
Dr Rao est médecin de famille à Goosefoot, une petite ville industrielle au Canada. La ville compte 15 000 habitants et est à deux heures de route
de Weenigo, la municipalité la plus proche. Goosefoot s’est bâtie autour de l’extraction du minerai de fer et de l’industrie forestière, mais ces deux
secteurs vivent une période difficile. L’une des sociétés forestières a fermé il y a cinq ans, et la mine fait des mises à pied. Une partie de sa maind’œuvre fait la navette entre Goosefoot et le projet de sables bitumineux, et certains travailleurs sont partis définitivement. Les temps sont durs.
Dr Rao est à Goosefoot depuis 20 ans. Il est venu au Canada avec un diplôme de médecine international après avoir étudié en Inde et travaillé en
Grande-Bretagne. Il est arrivé en ville pour remplacer un praticien en solo qui prenait sa retraite. Dr Rao a fait des pieds et des mains pour attirer
des collègues, et il a mis en place un centre de pratique en groupe de cinq médecins de famille : lui-même, deux nouvelles recrues (les Drs
Middleton et Paul) et deux anciens praticiens en solo (les Drs Nguyen et Cormier). Le cabinet a une infirmière, M me Jennings, et a négocié une
entente qui lui donne accès aux services de physiothérapie et d’ergothérapie de l’hôpital communautaire de la ville. Le cabinet a aussi un
gestionnaire, M. Bertoli, qui a eu l’initiative d’établir des relations avec tous les dispensateurs locaux de soins de santé et de services sociaux, y
compris les associations de bienfaisance. Il tient les professionnels du cabinet au courant de l’organisation des services dans la région.
Quand Dr Rao est arrivé, l’hôpital local était un centre de soins actifs et offrait des services de médecine interne, de cardiologie, de médecine
respiratoire, de chirurgie générale et d’obstétrique. Depuis la rationalisation des services régionaux et en raison de la pénurie de professionnels de
la santé dans la région, l’hôpital a changé de mission pour se concentrer sur les soins communautaires et de longue durée; il fait appel aux services
d’approche de l’hôpital de Weenigo pour ce qui est de l’ophtalmologie, de la cardiologie, de l’endocrinologie et de la rhumatologie ainsi que pour les
soins actifs aux malades hospitalisés.
Dans les Notions de santé des populations, vous rencontrerez quelques-uns des patients de Dr Rao, et en particulier la famille Richards :
Paul Richards, 50 ans, est un mineur au chômage. Paul est l’époux de Julie.
Julie Richards, 50 ans, a occupé plusieurs emplois à temps partiel et travaille actuellement 25 heures par semaine comme caissière au
supermarché local. Julie est l’épouse de Paul.
Catherine Richards, 70 ans, est atteinte de problèmes cardiaques et de démence précoce. Catherine est la mère de Paul.
David Richards, 21 ans, n’a jamais terminé ses études secondaires. David est le plus jeune des deux enfants de Paul et de Julie.
Audry Richards est l’aînée des enfants de Paul et de Julie. Elle ne vit plus à Goosefoot.
D’autres patients sont aussi mentionnés :
Mary Sulaweso, 29 ans, est une réfugiée du Nigéria.
Peter Sulaweso, 3 ans, est le fils de Mary Sulaweso.
Irina Rebikov, 86 ans, est atteinte d’un cancer terminal.
Darryl Crow, 55 ans, se meurt d’un cancer du poumon.
Mary Monye, 26 ans, originaire du Nigéria, a immigré au Canada quand elle était enfant.
Myriam Fortin, 29 ans, est chef de famille monoparentale.
AFMC Petit Guide de la santé des populations
Partie 1 - La théorie : réfléchir à la santé
AFMC Petit Guide de la santé des populations
Chapitre 1 Les concepts de la santé et de la maladie
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Après avoir achevé ce chapitre, le lecteur sera en mesure :
de définir et de décrire les concepts de la santé, du bien-être et de la maladie (y compris la morbidité ressentie et la morbidité perçue par l'entourage;
de discuter d’autres définitions de la santé;
d’aborder les concepts du parcours de vie et de l'histoire naturelle des maladies, particulièrement en ce qui concerne les interventions possibles en santé
publique et sur le plan clinique;
la spiritualité sur la santé et les pratiques médicales et leurs liens avec d'autres facteurs déterminants de la santé;
comprendre le rôle que le médecin peut jouer dans la promotion de la santé et la prévention des maladies aux niveaux individuel et communautaire.
Paul Richard consulte le D r Rao au sujet de sa santé. Il ne s’est pas vraiment senti bien depuis qu'il a perdu son emploi il y a cinq ans. Il se plaint aujourd’hui de
fatigue et de douleur thoracique, et le D r Rao soupçonne une angine de poitrine. Le docteur réfléchit. Il examinera certainement la douleur thoracique, mais il est
d'avis que la perte d'emploi de Paul est la cause principale de sa mauvaise santé, et que le meilleur traitement serait un nouvel emploi. Cependant, ce n'est pas une
chose que le D r Rao peut prescrire. Il pourrait orienter Paul vers une thérapie sociale ou psychologique, mais il n'est pas certain que cela serait efficace. Selon lui,
un passe-temps ou du bénévolat pourrait aider Paul à penser à autre chose qu’à ses symptômes et donner un deuxième souffle à sa vie.
Introduction : la médecine, un domaine dont la portée s’élargit
Au cours des 50 dernières années, la longévité, la santé et le bien-être de la population canadienne ont fait des gains sans précédent.
L’assainissement de l'environnement, les politiques de santé, l’évolution des modes de vie et les percées thérapeutiques ont contribué à
l'amélioration de la durée et de la qualité de la vie. Il est aujourd'hui très possible d'être octogénaire, et nos attentes ne cessent d'augmenter. Le
grand public est persuadé que de nouveaux traitements seront développés pour guérir des affections auparavant intraitables. Les patients
s'attendent à avoir un accès plus rapide aux soins de santé et à recevoir des renseignements plus complets sur leurs traitements.
La santé s’améliore au Canada
Les taux de mortalité sont en baisse depuis de nombreuses années. Si l’on ne tient pas compte de la hausse de l'âge moyen de la population, la mortalité au
Canada, toutes causes confondues, est passée de 8,2 décès p. 1 000 habitants en 1981 à 6,9 p. 1 000 en 1996, et à 5,4 en 2006.
Parallèlement, l'espérance de vie, soit le nombre d'années qu'un nouveau-né canadien peut s’attendre à vivre, est en hausse. L'espérance de vie à la naissance est
passée d'environ 75 ans en 1981 à près de 79 ans en 1996. En 2006, l'espérance de vie à la naissance était de plus de 81 ans.
Le taux de mortalité infantile est en baisse depuis 50 ans. En 1982, il y avait 9,1 décès de nourrissons p. 1 000 naissances vivantes. Ce taux était de 5,6 en 1996 et
se situe en 2006 à environ 5,0. C’est l’un des taux les moins élevés au monde, mais il est quand même très supérieur à celui du Japon, le champion dans cette
catégorie, qui ne déclare que 3,8 décès p. 1 000 naissances vivantes.
Entre 1979 et 1996, les changements suivants sont survenus dans les taux de décès au Canada :
Fièvre rhumatismale aiguë : décès en baisse de 40 %, bien qu'il existe toujours des vagues d'incidence élevée.
Infections respiratoires aiguës : décès en baisse de 40 %.
Cardiopathies ischémiques : décès en baisse de 26 %, entre 1956 et 2002, l'ensemble des décès dus aux maladies cardiovasculaires a baissé de 70 %.
Maladies de l'?sophage, de l'estomac et du duodénum : décès en baisse de 24 %.
Emphysème : décès en baisse de 22 %.
Maladies hypertensives : décès en baisse de 20 %.
Maladies cérébrovasculaires : décès en baisse de 16 %.
Les homicides sont passés de 2,3 p. 100 000 habitants en 1981 à 1,8 p. 100 000 en 1996, et ce taux demeure à peu près le même depuis.
Les suicides oscillent entre 13 et 15 p. 100 000 habitants, mais la tendance est plutôt imprévisible.
Malgré le nombre croissant de véhicules, le nombre de décès annuels dus aux accidents de la route a baissé de 52 %, passant de 5 933 en 1979 à
2 875 en 2004.
Du point de vue de l'espérance de vie, des taux de mortalité et des perceptions individuelles de l'état de santé, le Canada se situe à peu près au troisième rang
parmi les pays industrialisés.
(Sources : divers rapports de Statistique Canada)
Cela peut sembler étonnant, mais l’amélioration de la santé n'a pas allégé la tâche des médecins. Ceux-ci sont plutôt appelés à élargir l'éventail des
affections qu'ils traitent. L'hyperactivité chez les enfants, l'infertilité chez les jeunes couples, le gain de poids chez les adultes d'âge moyen ou les
divers effets naturels du vieillissement, entre autres, n'étaient pas considérés comme des problèmes médicaux auparavant. De nos jours, ces
affections sont souvent les raisons qui amènent les patients à consulter, et il est probable que la liste s’allongera.
Les percées médicales sont spectaculaires, mais elles créent aussi des obstacles et soulèvent des préoccupations. Premièrement, on craint qu’elles
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ne soient pas équitables : les améliorations de l'état de santé ne sont pas réparties également, et des tranches identifiables de la société présentent
toujours un état de santé inférieur à la moyenne. Cela suscite des appels à l'action visant à réduire les inégalités en santé, dont il sera question dans
le deuxième chapitre. Deuxièmement, les innovations thérapeutiques nous obligent à considérer les répercussions financières d'un système de
soins de santé universels subventionnés par l'État. Troisièmement, en plus des questions financières, l'envergure que prennent les soins a des
implications philosophiques. Tous ces traitements médicaux qui pallient à des problèmes évitables (comme l'obésité ou le diabète de type II),
découlant dans une large mesure de nos modes de vie, attirent l’attention sur notre responsabilité sociale. Une question pratique surgit de ces
débats complexes : quelles affections les médecins doivent-ils traiter (et être rémunérés pour traiter)?
Dans le but de remédier partiellement à ce problème, le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada a publié le cadre CanMEDS dans les
années 1990 afin de définir les compétences que devraient posséder les médecins et les rôles qu'ils devraient maîtriser pour fournir la meilleure
qualité de soins possible au cours du nouveau millénaire.1 Aujourd’hui, en plus d'être des experts médicaux, les diplômés en médecine doivent être
des communicateurs, des collaborateurs, des gestionnaires, des promoteurs de la santé, des savants et des professionnels compétents. On est loin
du médecin en pratique privée d’autrefois qui s'engageait dans une relation de soins à long terme avec chacun de ses patients; le médecin est
devenu un agent de la santé qui doit traiter ses patients, promouvoir de meilleures politiques, défendre les ressources en santé, participer à des
conférences et faire de la recherche.
Les discussions portant sur la délimitation de la médecine ont abouti à une conclusion surprenante : il n'existe aucun critère largement accepté pour
définir ce en quoi consiste une maladie. Sous la double pression de l’offre (des entreprises ou des médecins) et de la demande (des patients et de
la société), nous sommes amenés à considérer de plus en plus d'affections courantes comme des maladies. Le Viagra a transformé l'impuissance
(qui existe vraisemblablement depuis des milliers d'années) d'une source d'humiliation personnelle en un problème très médiatisé contre lequel on
prescrit systématiquement un traitement. La définition élargie de la maladie présente à la fois des avantages et des inconvénients. Ivan Illich, ancien
prêtre, critique social et polémiste, a souligné les dangers potentiels qui s’y rattachent dans ses propos sur « la société morbide ».
La société Morbide
« Chaque civilisation crée ses propres maladies. Ce qui dans l’une est maladie peut être crime, manifestation de sainteté ou
péché dans une autre. Dans une société morbide prévaut l’idée qu’une mauvaise santé définie et diagnostiqué est
infiniment préférable à toute autre forme d’étiquetage négatif. Cela vaut mieux que d’être catalogué comme criminel ou
comme déviant politique, comme paresseux, comme tire-au-flanc. De plus en plus de gens savent dans leur subconscient
qu’ils sont fatigués et malades de leur travail et de leurs loisirs passifs, mais ils veulent qu’on leur mente et qu’on leur dise
que la maladie physique les exempte de toute responsabilité politique et sociale. Ils veulent que leur docteur se comporte
comme un homme de loi et comme un prêtre.2 »
« La non-maladie »
En 2002, le British Medical Journal lance un débat sur les attentes à l’endroit des médecins et la délimitation de la médecine. Richard Smith, rédacteur du Journal,
questionne des lecteurs dans le but de recueillir des exemples de non-maladies et en trouve près de 200. Selon lui, la non-maladie est « un processus ou un
problème humain qui, selon certains, est une affection médicale, mais dont les résultats pourraient être plus positifs s'il n'était pas défini ainsi ». L'épuisement
professionnel, la sensibilité chimique, les anomalies génétiques, la sénilité, la solitude, les yeux pochés, les problèmes liés au travail, la calvitie, les taches de
rousseur et le décalage horaire en sont des exemples.
Smith veut souligner que la maladie est un concept fluide sans délimitation précise. Il fait remarquer divers dangers découlant d'une définition trop inclusive de la
santé : si une personne reçoit un diagnostic de maladie et devient un patient, elle peut se voir refuser une assurance, perdre son travail, subir un traitement effractif
ou être stigmatisée d'une manière quelconque.3
Le débat est publié dans le British Medical Journal du 13 avril 2002, vol. 324, pages 859-866 et 883-907.
Morbidité ressentie, morbidité perçue par l'entourage et maladie
Pour pouvoir traiter dans le détail de la définition de la maladie, il faut faire la distinction entre des concepts semblables. En 1973, Susser, un
épidémiologiste, a proposé certaines définitions qui nous sont toujours utiles.4 Il a privilégié le mot illness (« morbidité ressentie ») pour désigner la
perception subjective d'un malaise; il ne s'agit pas d'une pathologie spécifique, mais plutôt de l'expérience subjective de la personne quant à son
état, par exemple l'inconfort, la fatigue ou un malaise généralisé. La manière dont un patient signale ses symptômes est influencée par son origine
culturelle, et Susser a privilégié le mot sickness (« morbidité perçue par l'entourage ») pour définir les conceptions culturelles et sociales liées aux
affections de santé (p. ex., la crainte du cancer ou la stigmatisation associée à la maladie mentale), qui, en dernier ressort, influencent la réaction du
patient (voir culture dans le glossaire). Les perceptions sociales de la maladie selon Illich modifient les façons dont un patient perçoit et présente
ses symptômes.2 De même, les conventions culturelles définissent la frontière entre la maladie et la non-maladie : on peut considérer la ménopause
comme un problème de santé en Amérique du Nord, mais ses symptômes sont signalés beaucoup moins souvent au Japon.5,6 Par « maladie »
(disease), on entend des processus pathologiques qui peuvent ou non produire des symptômes et qui sous-tendent la morbidité ressentie par un
patient. Par exemple, un patient se plaint de fatigue et de malaise (morbidité ressentie). Il juge bon de consulter un médecin sur son état (morbidité
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Un exemplaire de ce permis se trouve au http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/. Les autorisations dépassant l'étendue de ce permis se trouvent au http://www.afmc-phprimer.ca/termsofuse.
patient. Par exemple, un patient se plaint de fatigue et de malaise (morbidité ressentie). Il juge bon de consulter un médecin sur son état (morbidité
perçue par l'entourage). Le médecin peut expliquer ses symptômes par une affection de la glande thyroïde (maladie).
Le « modèle biomédical » de la maladie domine la pensée médicale depuis l'époque de Louis Pasteur (1822?1895) et la révolution microbiologique.
Ce modèle porte principalement sur les processus pathologiques et sur la compréhension, le diagnostic et le traitement des aspects physiques et
biologiques de la maladie. Le traitement vise à rétablir l'intégrité et la fonction physiologique du patient. Le diagnostic comprend l'identification et
l'application d'une étiquette à une constellation de signes et de symptômes qui sont, du moins en partie, compris comme étant une structure ou un
fonctionnement anormal des cellules, des organes et des systèmes. Ce modèle offre un fondement rationnel à la recherche de traitements
efficaces. Par exemple, un certain profil de douleur thoracique appelé angine de poitrine est compris biologiquement comme étant une affection des
artères coronaires qui cause une ischémie cardiaque. Son traitement cherche spécifiquement à rétablir la circulation coronarienne et à réduire
l'effort cardiaque.
Selon les premières conceptions biomédicales, une maladie était soit présente, soit absente : l'organisme était envahi ou non par une bactérie, par
exemple. Cependant, quand la médecine s’est mise à traiter des affections, comme l'hypertension, caractérisées par un écart par rapport à des
valeurs moyennes (sur lesquelles on ne s’entend pas toujours), il est devenu évident qu'un seuil établi n'était pas nécessairement suffisant pour
définir la maladie. Ainsi, plutôt qu'être perçues comme des états se distinguant qualitativement de la santé, de nombreuses maladies doivent être
considérées comme des seuils quantitatifs sur un continuum de variabilité biologique (voir les différentes définitions de la maladie dans Pour les
mordus). Des organismes comme l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et les National Institutes of Health [États-Unis] ont avancé différentes
classifications de l'hypertension et ont modifié ce en quoi elle consiste au fil du temps. L'hypertension peut être d'intensité légère, modérée ou
grave, ou on peut la définir comme une pré-hypertension ou une hypertension de stade 1 ou 2. Les façons de définir une valeur « normale » sont
abordées plus en détail au sixième chapitre.
Autres approches pour définir la maladie
Fondement de la définition de la
« maladie »
Commentaires
La définition de « pathologique » peut être difficile à cerner, notamment dans les cas de troubles psychologiques ou
comportementaux. Quelle est la frontière entre « normal » et « pathologique »? On doit souvent définir le seuil selon
l'impact sur la fonction : voir ci-dessous.
États anormaux menant à une
fonction restreinte ou altérée
Morbidité ressentie ou perçue par
l'entourage produisant des
symptômes désagréables
On suppose que la maladie existe uniquement lorsqu'elle restreint la fonction. On suppose également que, si la personne
ne se plaint pas, il n'est pas nécessaire de s'en faire. Par conséquent, des affections comme une perte progressive de la
vue chez les personnes âgées pourraient ne pas être traitées.
Le recours aux autres expressions (« morbidité ressentie » ou « morbidité perçue par l'entourage ») ne s'avère pas très
utile; encore une fois, on suppose que la maladie doit produire des symptômes.
Questions de réflexion :
En l'absence de symptôme, s'agit-il d'une maladie?
La santé et la maladie sont-elles des entités différentes ou simplement des points différents sur un continuum?
Dans l'affirmative, doit-on laisser tomber la notion de maladie et s'attarder uniquement aux différents niveaux de santé, passant d'un modèle catégorique à un
modèle dimensionnel?
Suggestion :
La maladie devrait peut-être se définir en tant que processus pathologique (physique ou mental) qui, en l'absence de traitement, donnerait lieu à une
évolution naturelle produisant des symptômes et nuisant au bon fonctionnement de l’organisme.
Maladie ou syndrome?
Il se peut qu'au fur et à mesure qu'on en apprend sur le fondement biologique de la morbidité perçue par le patient, elle se verra reclassifier comme
une maladie. Par exemple, on accepte maintenant que les sensations permanentes de fatigue sont l'affection médicale nommée « syndrome de
fatigue chronique ». Lorsqu'un médecin identifie les plaintes d'un patient de manière officielle (pose un diagnostic), ces plaintes sont justifiées, et il
se peut que le patient soit rassuré.7 Cependant, il arrive souvent qu'un ensemble de signes et de symptômes dépasse la compréhension
biomédicale. Si l'ensemble est courant au point de présenter un profil reconnu, on le nomme « syndrome » plutôt que « maladie ». Un syndrome
désigne un ensemble de symptômes qui se manifestent en même temps, plus souvent que si seul le hasard était en cause. On a tendance à
apposer des étiquettes explicatives aux maladies (« AVC hémorragique »), mais des étiquettes purement descriptives aux syndromes (« syndrome
des jambes sans repos »). Il arrive souvent que l'étiquette « syndrome » subsiste longtemps après la découverte d’une cause, ce qui porte à
confusion. C'est le cas du syndrome de Down, du sida (syndrome d'immunodéficience acquise) et du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère).
D'autre part, le syndrome de fatigue chronique, la fibromyalgie, le syndrome du côlon irritable et le syndrome des jambes sans repos sont toujours
des affections syndromiques que les modèles biomédicaux classiques n'expliquent pas efficacement.
La maladie en tant que processus : histoire naturelle et évolution clinique
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Depuis la révolution intellectuelle du xixe siècle introduite par Koch et Pasteur, on divise le développement d'une maladie en étapes distinctes. Sans
traitement, une maladie évoluerait en suivant une série d'étapes qui caractérisent son histoire naturelle. Lorsqu'on a recours à une intervention,
cette dernière modifie l'histoire naturelle, ce qui résulte en une évolution clinique de l'affection. La figure 1.1 représente la santé et la maladie en
tant que processus (plutôt qu'états) qui se déroulent dans le temps selon une série d'étapes. La ligne pointillée au centre du diagramme indique que
la progression de la maladie peut être interrompue à n’importe quelle étape. Notons qu'il est possible que certains cas ne passent pas par toutes les
étapes.
Figure 1.1 : Évolution clinique d'une maladie du point du vue biomédical
Après le contact avec un agent infectieux (ou à la suite d'un autre événement physiopathologique), il existe un point théorique à partir duquel le
processus de la maladie est enclenché. Les symptômes peuvent apparaître en quelques secondes (comme pour l'anaphylaxie) ou après plusieurs
années (comme pour certains cancers). Le patient peut interpréter ses symptômes comme la manifestation d'une morbidité et obtenir des soins
professionnels. Peu de temps après un diagnostic médical, le traitement est habituellement entamé, et les résultats à court et à long terme peuvent
être consignés. Si le résultat est insatisfaisant ou inattendu, on peut procéder à un autre diagnostic de l'affection et modifier le traitement, comme
l'indique la courbe rose. Quand on a commencé à admettre que la maladie pouvait être un processus plutôt qu'un état, il a fallu de nouveaux
concepts pour décrire les étapes de ce processus.
La séquence des résultats de la maladie
En 1980, l'OMS a publié la Classification internationale des handicaps : déficiences, incapacités et désavantages, qui propose des termes normatifs
pour décrire les étapes de l'évolution clinique d'une maladie (fig. 1.2).8 Selon cette conception, la pathologie produit une forme de maladie et résulte
en une déficience (la déviation de la fonction normale d'un organe ou d'un système). Par exemple, lorsque les artères coronaires se rétrécissent en
présence de plaque athérosclérotique, le patient peut présenter une angine de poitrine, et sa fonction cardiaque peut faire défaut. Les déficiences
ne sont pas toujours perçues par le patient. On a recours aux tests de dépistage pour déceler celles dont le patient n'est pas conscient.
Une déficience peut mener à une incapacité, mais ce n'est pas toujours le cas. Une incapacité est une restriction, résultant d'une déficience, dans
l'aptitude d'une personne à mener une activité d'une manière ou dans une mesure qu'on considère normale pour un être humain. Par exemple, si le
rétrécissement des artères de Paul Richards lui cause une douleur thoracique et que cela gêne sa capacité de marcher, il a une incapacité
découlant d’une maladie cardiaque et d’une angine de poitrine. Cependant, une déficience peut souvent être corrigée (grâce à la médecine, à la
chirurgie ou à une prothèse). S'il y a lieu, aucune incapacité n'en découle.
L'incapacité peut ou non affecter l'aptitude du patient à jouer ses rôles sociaux normaux. Par exemple, une angine grave peut empêcher une
personne de travailler, entraînant des difficultés sociales, psychologiques et économiques liées à la perte de son salaire, de sa confiance en soi et
de sa position sociale. Par handicap, on entend l'impact d'une déficience ou d'une incapacité sur une personne, exprimé en fonction du
désavantage qu'elle connaît devant l'impossibilité de jouer un rôle normal pour son âge, son sexe et son groupe social ou culturel. Le handicap fait
le pont entre l'impact d'une maladie et les rôles sociaux de la personne qui en est atteinte. Les interventions pratiques (trouver un travail de bureau
à une personne qui souffre d'angine d'effort ou rendre des édifices accessibles en fauteuil roulant aux personnes à mobilité réduite) peuvent
empêcher qu'une incapacité ne devienne un handicap. Par contre, certaines conséquences sont plus difficiles à éviter : un patient de 49 ans
souffrant de claudication intermittente peut avoir l'impression de ne plus faire partie de son groupe d'amis, parce qu'il ne peut plus jouer au soccer
avec eux le dimanche, ou de décevoir son fils en ne participant pas au tournoi annuel père-fils de basketball. Comme elles sont plus difficiles à
corriger, les séquelles psychologiques et sociales sont souvent négligées.
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Figure 1.2 : Triade de la déficience, de l'incapacité et du handicap de l'OMS
La représentation hiérarchique des résultats de la maladie
Fries est le premier à proposer une autre séquence, qu'on nomme en anglais les cinq « D », pour représenter les résultats d'un problème de santé. Il énumère
plusieurs résultats possibles dans l'évolution clinique d'une maladie : l'inconfort (discomfort), la toxicité médicamenteuse (drug toxicity), l'incapacité (disability), le
décès (death) et le coût des soins (dollar cost of care).9 D'autres auteurs modifieront cette liste de la manière suivante : l'inconfort (discomfort), la dysfonction
(dysfunction), l'incapacité (disability), la détresse (distress) et le décès (death). Peu importe les termes utilisés, le concept englobe tous les impacts qu'une maladie
peut avoir sur différents patients et incite les médecins à ne pas s'attarder uniquement à la fonction physique du patient.
On peut représenter les liens entre ces diverses descriptions de l'impact de la maladie sur un axe du niveau d’impact (de la fonction cellulaire à la fonction sociale)
et un axe temporel, comme l'illustre la figure 1.3.
Figure 1.3 : Liens entre la maladie, la morbidité ressentie, l'incapacité, la morbidité perçue par l'entourage et le handicap
La Classification internationale du fonctionnement
Les concepts comme l'incapacité et le handicap mettent l’accent sur les conséquences négatives et pourraient ne pas tenir compte du fait que bien
des gens s'adaptent très efficacement à leur état. En 2001, l'OMS, dans sa Classification internationale du fonctionnement ou CIF,10 a proposé des
tournures plus positives pour désigner les activités et les aptitudes. Dans cette nouvelle classification, on remplace « incapacité » et « handicap »
par « activité » et « participation », rendant la distinction entre la santé et la maladie encore plus floue. Cependant, la CIF fait beaucoup plus que
proposer de nouveaux termes; il s'agit d'un système de classification des états de santé qui tient compte des structures et des fonctions corporelles,
des déficiences, des activités et de la participation sociale d'une personne. Elle tient également compte des facteurs contextuels, comme le
logement, le transport et le travail, qui peuvent affecter les niveaux d'activité; ces facteurs font partie des déterminants sociaux de la santé décrits
dans le deuxième chapitre. Autrement dit, la fonction est perçue comme une interaction entre l'affection de la personne (une maladie ou une
blessure) et le contexte dans lequel elle vit, y compris son milieu physique et les normes culturelles ayant trait à la maladie. En tant que projet
international, la CIF établit un langage commun pour décrire les états de santé aux fins d'analyses comparatives de toute maladie et dans tous les
pays.
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Quelques-uns des concepts de la CIF
Structures anatomiques les parties du corps comme les organes, les membres et leurs composantes.
Fonctions corporelles : fonctions physiologiques des systèmes corporels, y compris les fonctions psychologiques.
Déficiences : problèmes dans la fonction organique ou la structure anatomique, manifestés par un écart ou une perte importante.
Activité : exécution d'une tâche ou d'une action par une personne.
Limitations à l'activité : difficultés qu'une personne peut rencontrer pour mener une activité.
Participation : le fait de prendre part à une situation de vie réelle.
Restrictions de participation : problèmes qu'une personne peut rencontrer pour participer à une situation réelle.
Facteurs environnementaux : l'environnement physique, social et attitudinal dans lequel les gens vivent et mènent leur vie. Les éléments de l’environnement
peuvent faciliter ou entraver la réalisation d’activités ou la participation sociale.
Le D r Rao fait le nécessaire pour l'examen et le traitement initial de la douleur thoracique de Paul. Il voit ensuite Mme Rebikov, une femme de 86 ans qui a reçu un
diagnostic de cancer du côlon il y a six ans après une occlusion intestinale. Mme Rebikov a toujours été énergique; elle s'est rétablie rapidement de sa résection
intestinale et disait aimer se rendre à Weenigo pour sa chimiothérapie parce que cela lui permettait de bouquiner dans une très bonne librairie. Étant donné
l'évolution du cancer de Mme Rebikov, elle ne reçoit maintenant que des soins palliatifs. Elle relate son expérience du cancer dans le journal local de Piedoie. Le D r
Rao ne peut s'empêcher de croire que Mme Rebikov est en bien meilleure santé que Paul Richard.
Les définitions de la santé
La santé est encore plus difficile à définir que la maladie. Les définitions ont évolué au fil du temps. Toujours d'un point de vue biomédical, les
premières définitions de la santé portaient sur le thème de l'aptitude de l'organisme à fonctionner; on considérait la santé comme un état de
fonctionnement normal pouvant être perturbé à l'occasion par la maladie. Voici un exemple d'une telle définition : « un état caractérisé par l'intégrité
anatomique, physiologique et psychologique; la capacité de jouer des rôles valorisés par l'individu sur les plans familial, professionnel et
communautaire; la capacité de composer avec une situation de stress physique, biologique, psychologique et social.11 » Puis, en 1948, l'OMS a
proposé une définition très différente et plus globale afin d'établir un lien entre la santé et le bien-être, comme suit : « La santé est un état de
complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en l'absence de maladie ou d'infirmité.12 » Bien que certains aient
reconnu l'innovation et l'enthousiasme qui sous-tendent cette définition, d'autres l'ont trouvée vague, trop générale et non mesurable. On l’a
longtemps mise de côté, la considérant comme irréaliste, et la plupart des discussions sur la santé se sont de nouveau fondées sur le modèle
biomédical, jugé plus pratique.
La santé en tant que ressource
La perception de la maladie est passée d'un état à un processus, et ce même changement est survenu dans les définitions de la santé. L'OMS a,
une fois de plus, joué un rôle de premier plan lorsqu'elle a favorisé le développement du mouvement de promotion de la santé dans les années
1980. Cela a donné lieu à une nouvelle conception de la santé, non comme un état, mais comme une entité dynamique de résilience. Autrement dit,
la santé est une « ressource de la vie13 ». La définition de la santé modifiée en 1984 par l'OMS est la suivante : « mesure dans laquelle un groupe
ou un individu peut, d'une part, réaliser ses ambitions et satisfaire ses besoins et, d'autre part, évoluer avec le milieu ou s'adapter à celui-ci. La
santé est donc perçue comme une ressource de la vie quotidienne, et non comme le but de la vie; il s'agit d'un concept positif mettant en valeur les
ressources sociales et individuelles, ainsi que les capacités physiques.14 » Ainsi, la santé désigne l'aptitude de maintenir l'homéostase et de se
rétablir à la suite d’agressions. La santé (mentale, intellectuelle, émotionnelle et sociale) désigne l'aptitude d'une personne à gérer le stress, à
acquérir des compétences et à entretenir des relations. Chacune de ses actions est une ressource de résilience et d’autonomie.
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Regard sur l'évolution des conceptions de la santé
En 1977, le psychiatre George Engel avance l'idée d’une « aptitude à la santé » dans un article au titre plutôt lourd : « Le modèle biopsychosocial de la santé 15 ».
Selon ce modèle, la maladie est l'ensemble des réponses physiologiques aux éléments déclencheurs environnementaux et sociaux éprouvants. Tout comme
Susser, Engel considère la maladie selon l'interprétation de ses symptômes par le patient. Cette interprétation est influencée par les croyances et les relations
personnelles du patient, les deux étant des composants de la santé (ou résilience). Ainsi, Engel ne considère pas la santé et la maladie comme un simple
continuum sur lequel se situe une personne à un moment donné, mais plutôt comme un type d'interaction entre des forces opposées de stimulus ou de défis et
d'adaptation.
Bien avant Engel et Susser, Freud avait défini la santé comme la capacité d'aimer et de travailler (un point de vue qui plaît à certains étudiants en médecine). Une
personne qui est capable de faire ce qu'elle veut est en santé. Freud est l’un des premiers à passer d'une définition absolue à une définition relative de la santé, en
la rapprochant des notions de liberté et de qualité de vie subjective.
Un corollaire est qu'un patient peut être atteint d'une maladie grave tout en se considérant raisonnablement en santé s’il est toujours en mesure de faire ce qu'il
souhaite : on peut ainsi considérer la santé selon l’adaptation à la réalité. De même, la notion de vieillissement sain peut être définie comme l’adaptation d'une
personne au déclin naturel de ses facultés, lui assurant une vie équilibrée selon ses capacités. Le processus par lequel une personne baisse ses attentes pour
s'ajuster à une santé décroissante et maintenir ainsi sa satisfaction se nomme adaptation de la réponse.16
Le mieux-être
L'introduction de ce chapitre portait sur les aspirations croissantes de la population et sur la reconceptualisation de la maladie et de la santé qui en
découle. Beaucoup de praticiens y ont répondu en ajoutant le mieux-être à l’extrémité positive du continuum de la santé. Certains distinguent deux
dimensions interdépendantes : maladie/non-maladie et bien-être/mal-être; d'autres en distinguent plusieurs, comme les dimensions spirituelle,
émotionnelle, sociale et mentale. Selon Last, le mieux-être est « un mot qu'utilisent les scientifiques du comportement pour décrire un état
dynamique de bien-être physique, mental, social et spirituel qui permet à une personne d'atteindre son plein potentiel et de mener une vie
agréable.17 »
Compte tenu de la multitude de maladies à traiter, les médecins doivent-ils se préoccuper du mieux-être? La médecine doit-elle chercher à
promouvoir des états de santé positifs? Certains universitaires font la distinction entre un système de soins médicaux et un système de soins de
santé, se fondant sur l'argument que, pour réduire les coûts, le financement public doit se limiter au traitement des maladies et à la restauration de
la capacité fonctionnelle du patient. Pour d'autres, les activités comme les conseils et la sensibilisation des personnes en santé à la saine
alimentation et à l’activité physique favorisent le mieux-être et la résilience et font ainsi partie de la pratique normale de la médecine préventive.
D'autres vont plus loin et sont d'avis que les médecins doivent promulguer l'amélioration des conditions de travail et environnementales, comme
promouvoir la marche et le vélo plutôt que la voiture, et promulguer des politiques de redistribution du revenu, la limitation de l'accès aux aliments
malsains et les programmes axés sur les enfants. Comme les concepts de santé et de maladie ne cessent de s'élargir, les médecins seront sans
doute forcés à ajouter à leurs tâches la promotion d'états de santé positifs chez leurs patients. Conformément à cette tendance, les essais cliniques
des nouveaux produits pharmaceutiques doivent aussi maintenant viser l'amélioration de la qualité de vie, ce qui, évidemment, va beaucoup plus
loin qu'une simple amélioration des indicateurs biomédicaux de la pathologie.
Les discussions portant sur le mieux-être ont desserré l'emprise du modèle biomédical. Des modèles écologiques sont apparus en guise de
remplacement; ces modèles tiennent compte des interactions complexes entre les personnes, leurs caractéristiques individuelles et l'environnement,
et de leur influence sur la santé. Trevor Hancock donne un exemple de cette nouvelle pensée dans son « mandala de la santé18 » (fig 1.4). Il s'agit
d'un modèle écosystémique de la santé et de la communauté qui représente les déterminants de la santé en tant qu'influences concentriques
imbriquées. La personne se trouve au centre du mandala, qui fait la distinction entre le corps, l’intellect et l'esprit. Les facteurs externes sont ensuite
pris en considération, soit le milieu social et physique, puis les influences culturelles, économiques et sociétales. Le mandala met l'accent sur la
vaste gamme de déterminants de la santé et sur le besoin de tenir compte de niveaux multiples lors de l'élaboration de stratégies d'amélioration de
la santé.
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Figure 1.4 Mandala de la santé
Plus près de nous, la perspective mondiale de la santé a ajouté d'autres anneaux pour représenter les influences du climat, des processus
économiques, des guerres, de la culture et des migrations sur la transmission rapide des maladies. (Le thème des déterminants sociaux de la santé
est traité en profondeur dans le deuxième chapitre.) Le modèle intégré du parcours de vie et des déterminants sociaux de la santé autochtone (fig
1.5), proposé par Reading et Wein, ajoute une dimension temporelle au mandala.19, p. 26 Ce modèle représente les influences sur la santé comme
un ensemble de sphères concentriques (une coupe transversale permet de voir les sphères internes). L'enfance se trouve au centre, la jeunesse et
l'âge adulte l'entourent, et les sphères successives représentent d'autres déterminants. Les sphères internes sont divisées selon les aspects mental,
physique, émotionnel et spirituel de la santé19, p. 26 . Ce modèle de la santé autochtone est l’exemple d’une façon plus intégrée et complexe de
considérer la santé. Il tient compte de la dimension temporelle en représentant le cheminement de l'enfance à l'adolescence et à l'âge adulte ainsi
que l'influence de la culture, de la société et d'autres déterminants de la santé.
Figure 1.5. Modèle intégré du parcours de vie et des déterminants sociaux de la santé autochtone19
La santé spirituelle et les traditions de guérison indigènes au Canada
En s’élargissant, les conceptions de la santé ont remis en question la tradition occidentale cartésienne de séparation du corps et de l’esprit (voir
« Descartes » dans Pour les mordus). Le modèle biomédical a grandement fait progresser notre capacité de traiter le physique, mais ne réussit pas
aussi bien à traiter le mental. Une des réponses a été d'adopter des traditions médicales d'autres cultures, qui se concentrent beaucoup plus sur la
guérison que sur le traitement, et de diriger notre attention sur l'esprit du patient en plus de son corps. La santé spirituelle peut se manifester par
une sensation de paix, d'espoir, de motivation, d'engagement ou de valeur. Certaines personnes développent leur spiritualité dans le cadre d'une
pratique religieuse, alors que d'autres le font en renouant avec leurs valeurs, la nature, l'art, le sport ou la musique. Un médecin qui reconnaît la
pertinence de la santé spirituelle pourrait être mieux en mesure d'appuyer ses patients, de contribuer à leur impression de paix, de confort, de force,
d'amour ou d'interrelation afin d'améliorer leur sensation de bien-être.20 Par exemple, la chimiodépendance est de plus en plus traitée comme un
problème aux dimensions biologiques, psychologiques, sociales et spirituelles.
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Descartes
Avant le mathématicien et philosophe français René Descartes (1596?1650), les explications du monde observé se fondaient sur un mélange de croyances
religieuses et d'interprétations d’observations souvent biaisées. Descartes est l'un des premiers à adopter le doute méthodique qui caractérise la science moderne.
Il rejette d’emblée toutes les idées préconçues et les croyances. La science doit considérer uniquement ce qui est observable, et « l’esprit » ne l’est pas. Selon
Descartes, nous ne pouvons pas compter sur nos sens pour nous fournir des informations précises. Il propose donc une division rigide entre l’esprit et le corps : le
dualisme cartésien.
Certains enseignements vont à l’encontre de la pensée cartésienne, par exemple ceux des Premières nations, des Inuits et des Métis; ces peuples
reconnaissent depuis longtemps les autres dimensions, non physiques, de la santé.21,22 Les diverses traditions indigènes se fondent sur une
approche écologique vaste et considèrent la santé comme l’équilibre entre les dimensions spirituelle, émotionnelle, physique et mentale de la
personne en tant que sujet, mais aussi en tant que membre d'une famille, d'une communauté et d'une nation dans plusieurs environnements
culturels, sociaux, économiques et politiques. Contrairement à la médecine occidentale, orientée vers le traitement des maladies, la médecine
indigène met l'accent sur la guérison, laquelle est possible en rétablissant l'équilibre entre les quatre domaines de la santé (spirituel, émotionnel,
mental et physique). La relation de guérison indigène se fonde sur le respect, l'humilité, la compassion, la vérité, le partage, l'hospitalité et l'amour
divin. Elle tient compte d'un plus grand nombre de voies vers la guérison que la science biomédicale, et ce contraste met en lumière le dilemme
auquel sont confrontés les médecins actuels qui souhaitent fournir des soins de santé alors que le temps ne leur permet que de traiter des
maladies.23 Ces idées sont symbolisées de diverses façons par différents groupes indigènes. Chez les Premières nations du Canada, elles sont
souvent représentées par les quadrants de la roue médicinale (voir À titre d'illustration).24 Chez les peuples inuits, on utilise le symbole de la
« couverture d'apprentissage » pour expliquer la santé et le mieux-être. Et chez les Métis, cette vision holistique de la santé est illustrée par l’arbre
de l'apprentissage tout au long de la vie (voir À titre d'illustration).
L'Association des médecins indigènes du Canada (AMIC) et l'Association des facultés de médecine du Canada (AFMC), reconnaissant la pertinence
des concepts indigènes de la santé et de la guérison, ont élaboré des normes de compétence pour les étudiants en médecine qui travaillent auprès
de patients des Premières nations, inuits et métis. Ces compétences se rapprochent des rôles du médecin dans le programme CanMEDS; elles sont
conçues pour apprendre aux médecins à tenir compte de la complexité de la relation historique entre les peuples indigènes et non indigènes et à
constater son influence actuelle sur les soins de santé fournis aux peuples indigènes. Par ces compétences, on veut orienter l'élaboration du
programme scolaire pour aider les étudiants en médecine à avoir des pratiques saines sur le plan culturel lorsqu'ils travaillent auprès de patients
des Premières nations, inuits et métis. Les Compétences essentielles en matière de santé des Inuits, des Métis et des Premières nations sont
disponibles sur le site Web de l'AFMC (www.afmc.ca/social-Aboriginal-health-f.php).
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La roue médicinale
La roue médicinale symbolise l’interdépendance de tous les organismes vivants, les cycles de la nature et le parcours circulaire de la vie. Elle comprend quatre
quadrants de couleur rouge, jaune, noire et blanche ou verte (on en trouve une illustration sur www.webpanda.com/There/uot_directions-colors.htm).
Le chiffre quatre est sacré pour de nombreux peuples autochtones de l'Amérique du Nord. Il représente plusieurs choses :
1) Les quatre points cardinaux et leurs quatre esprits-guides symbolisent les stades de la vie. L'est, le lieu de naissance quotidien du soleil, représente les débuts et
les premières années de vie. Le sud représente l'enfance et la croissance intellectuelle. L'ouest symbolise l'âge adulte et l'introspection, tandis que le nord
représente le quatrième âge, la sagesse et les aspects spirituels de la vie. Le centre de la roue est l'axe de la Terre mère et du Créateur, qui jouent un rôle du début
à la fin de la vie.
2) Les points cardinaux peuvent également représenter l’équilibre entre les quatre aspects de la santé : la santé spirituelle (l'est), la santé mentale (le nord), la santé
physique (l'ouest) et la santé émotionnelle (le sud).
3) La roue peut signifier le processus décisionnel. Les valeurs (représentées par l'est, où se lève le soleil) guident les décisions dans le domaine mental (situé au
nord, dans la partie supérieure de la roue). Les décisions sont ensuite mises en ?uvre dans le domaine physique (l'ouest), et les actions produisent des réactions
dans le domaine émotionnel (le sud). Ces réactions affectent le système de valeurs, et la boucle est bouclée. Par exemple, la perte de valeurs traditionnelles
résultant des expériences dans les pensionnats peut affecter les décisions relatives à la santé (consommation d'alcool ou perte de l'alimentation traditionnelle), ce
qui ébranle la stabilité émotive de la personne.
4) La roue peut représenter les quatre médicaments sacrés :
Le foin d'odeur (le nord) est utilisé par la plupart des peuples indigènes d’Amérique du Nord pour la purification rituelle. Lorsqu'on marche dessus, le foin d'odeur
plie, mais ne casse pas, d'où son lien avec la vertu : on peut répondre à une injustice par la bienveillance, en pliant plutôt qu'en se brisant.
Le tabac (l'est) est révéré car il fait le pont entre la personne et le monde des esprits; il absorbe les prières, les porte vers le monde spirituel et remercie le Créateur
de ses cadeaux. Traditionnellement, on ne fumait le tabac que lors de cérémonies spéciales.
On utilise le cèdre (le sud) pour purifier et, en tisane, pour attirer de l'énergie et des émotions positives et retrouver l’équilibre. Sa teneur en vitamine C a aidé à
prévenir le scorbut lorsque les fruits et les légumes n'étaient pas disponibles pendant les mois d'hiver.
La sauge (l'ouest) est un médicament pour les femmes, apportant force, sagesse et lucidité. Ses puissantes propriétés purifiantes chassent les énergies négatives.
On retrouve la sauge tressée et suspendue dans les foyers, parfois avec un ruban de l'une des couleurs de la roue médicinale. La tresse à trois mèches représente
le corps, l'intellect et l'esprit.
La couverture d'apprentissage
C’est une couverture colorée et circulaire avec des représentations de la vie inuite qui symbolisent les sources d'apprentissage et les domaines de savoir ? la
culture, les autres et la sila (la force de vie ou l'énergie essentielle qui découle de la relation que les Inuits entretiennent depuis longtemps avec leur
environnement). L'apprentissage expérientiel du terroir est à la base de l'identité inuite, mais il existe d'autres sources de savoir : les langues, les traditions, la
famille, la communauté, les aînés, la terre et l'environnement. Chacune de ces sources est représentée sur la couverture par une image de la vie inuite. La forme
circulaire de la couverture représente l'interdépendance de tous les organismes vivants et le cycle continu de la vie, de la mort et du renouveau qui lie le passé, le
présent et l'avenir. Une image du modèle de la couverture se trouve au : http://cli.ccl-cca.ca/Inuit/index.php?l=fr&q=model (site consulté en septembre 2010).
(Source : L'apprentissage holistique tout au long de la vie chez les Inuits du Conseil canadien sur l'apprentissage : http://cli.ccl-cca.ca/Inuit/index.php?l=fr&q=home.)
Le Modèle de l’apprentissage holistique tout au long de la vie chez les Métis
Il n'existe pas vraiment de conception de la santé et du mieux-être largement acceptée chez les Métis; divers modèles existent parmi les différents groupes. Par
exemple, l'un d'entre eux décrit les Métis comme des personnes qui perçoivent la vie comme un processus d'apprentissage faisant partie d'un système vivant et
régénérateur, d’un ordre naturel qui régit les saisons et englobe une communauté d'apprenants. Au sein de ce système organique, les relations d’interdépendance
maintiennent l'équilibre et l'harmonie. Elles peuvent être représentées par une forêt. Les racines de chaque arbre représentent la santé et le bien-être de la
personne (sur le plan social, physique, économique et spirituel); ce sont les conditions qui nourrissent son apprentissage tout au long de la vie. Le tronc contient les
anneaux de croissance, au centre desquels se trouve la santé spirituelle. Les couches externes représentent les aspects émotionnel, physique et mental de
l'identité métisse. Ces aspects évoluent au cours de la vie à mesure que d'autres anneaux viennent s'ajouter chaque année. Le savoir s’acquiert comme les feuilles
des arbres; les branches représentent les différentes sources de ce savoir : le soi, les autres, la terre et les traditions. Un diagramme de l'arbre se trouve au :
www.ccl-cca.ca/pdfs/RedefiningSuccess/CCL_Learning_Model_MET_Fr.pdf.
(Source : Conseil canadien sur l'apprentissage, http://cli.ccl-cca.ca/Metis/index.php?q=home&l=fr).
La médecine intégrative
La médecine occidentale contemporaine est de plus en plus confrontée à des perspectives et des traitements qui ne font pas partie de la panoplie
allopathique classique (voir « La médecine allopathique » dans Pour les mordus). On a proposé, entre autres, l'approche de la médecine
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intégrative25 pour unir les approches biomédicales et d'autres traditions de guérison, y compris les remèdes à base de plantes médicinales, les
interventions manuelles comme la massothérapie ou la chiropratique, et les pratiques à la fois physiques et mentales, comme l'hypnose. De même,
le Canadian College of Naturopathic Medicine offre une formation aux médecins naturopathes qui emploient des traitements naturels en plus des
méthodes diagnostiques traditionnelles de la médecine allopathique.
« La médecine intégrative veille à diriger les efforts de la médecine vers la guérison, plutôt que vers la maladie. Elle nécessite ainsi une compréhension des
influences de l'intellect, de l'esprit et de la communauté, ainsi que du corps. Le fournisseur cherche à mieux comprendre la culture, les croyances et le mode de vie
du patient afin d'être en mesure d'apporter les modifications nécessaires au comportement dans le but d'améliorer la santé.25 »
La médecine allopathique
Dans les sociétés primitives, la médecine est un mélange de magie, de religion et de remèdes populaires sans aucun fondement scientifique. Au Moyen-Âge en
Europe, la magie et la superstition perdent peu à peu de leur importance, et la médecine cherche à se redéfinir. On veut qu’elle se base sur des principes actifs qui
impressionneront les patients et remplaceront les incantations et l'encens, dénigrés par les sceptiques. La réponse choisie, que l'on nommera beaucoup plus tard
« allopathie », existait déjà environ un siècle av. J.-C. au Moyen-Orient. L'idée est simple : lorsque le fonctionnement du corps s'éloigne de la norme, le médecin doit
tenter de rétablir la fonction normale. Si un homme fait de la fièvre, on diminue sa température corporelle; s'il est constipé, on lui administre un laxatif. On croit que
les maladies sont causées par des toxines, qu’il faut éliminer. Cela mène à des traitements comme les saignements, les sangsues, les lavements et les purges. Les
interventions sont souvent dures. Molière les dépeint cyniquement dans l'une de ses pièces à l'aide d'une métaphore de guerre : les patients combattent la maladie,
les médecins font la guerre aux pathogènes, et patients et médecins s'allient pour lutter contre le cancer. Notons qu'en français, on désigne les autres traitements
(non allopathiques) par l’expression « médecine douce ». On attribue l'invention du terme « allopathie » à Samuel Hahnemann, le fondateur de l'homéopathie.
Alors que l'allopathie sous-entend une opposition aux symptômes de la maladie, l'homéopathie suppose une collaboration avec la maladie en encourageant le
corps à produire des défenses naturelles (p. ex., immunitaires).
Pendant un certain temps au milieu du xixe siècle, l'homéopathie (traitement par similitude) fait concurrence à l'approche allopathique, mais le développement de la
théorie des germes donne une base scientifique à de nombreux remèdes allopathiques. Cependant, dès le milieu du xxe siècle, un désenchantement s'installe : les
hôpitaux sont toujours bondés et les listes d'attente sont longues malgré les percées dans « la conquête des maladies infectieuses ». La demande croissante de
soins découle possiblement de la perception de leur efficacité, mais la médecine allopathique est victime de son succès : conjuguée à l’amélioration des conditions
sociales, elle permet à la population de vivre assez longtemps pour souffrir de maladies dégénératives, contre lesquelles l'approche allopathique s'avère moins
efficace. En outre, l'approche allopathique a des conséquences non souhaitables, dont la croissance rapide des coûts et le grand nombre de personnes atteintes
de troubles iatrogènes.2 Les remèdes allopathiques sont souvent très efficaces, mais les praticiens savent aussi que le meilleur traitement consiste parfois
simplement à rétablir l'équilibre dans la vie du patient en s'assurant qu'il dort suffisamment, qu’il fait de l'exercice et qu’il s'alimente sainement.
La santé publique et des populations
Bien que la santé publique soit un terme courant, il peut être difficile de la définir de manière exacte. Son objectif général est de prévenir la
maladie et de protéger la santé (voir Protection de la santé dans le glossaire) : « La santé publique se rapporte aux efforts organisés déployés par
une société pour maintenir les personnes en santé et éviter les blessures, les maladies et les décès prématurés. Il s’agit d’un mélange de
programmes, de services et de politiques qui visent à protéger et à favoriser la santé des Canadiens.26 » Toutefois, cette définition ne permet pas
de départager ce qu'elle est de ce qu'elle n'est pas. Cette difficulté existe, en partie, parce que la santé publique ne se rapporte pas à un appareil
organique, à un type de maladie ou à une approche thérapeutique, mais plutôt à diverses façons d’aborder les problèmes de santé les plus urgents
de l’heure et du lieu. Comme on avait peine à déterminer si les interventions devaient être axées principalement sur les facteurs environnementaux,
les comportements individuels ou les politiques sociétales, la discipline a connu une succession de noms (voir « L'évolution de la perception » dans
Pour les mordus).
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Un exemplaire de ce permis se trouve au http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/. Les autorisations dépassant l'étendue de ce permis se trouvent au http://www.afmc-phprimer.ca/termsofuse.
L'évolution de la perception de la santé publique
Le profil des maladies évolue au xxe siècle, et les efforts de santé publique doivent s’y adapter, ce qui occasionne des changements de nom pour la discipline. On
parle d’abord d’ « hygiène publique », en mettant l’accent sur l'assainissement du milieu. Entre 1920 et 1940, on se préoccupe des maladies propagées par
l'immigration et les déplacements plus fréquents et on parle plutôt de « protection de la santé ». Les maladies liées au mode de vie connaissent une hausse dans
les années 1950 et 1960, ce qui donne naissance à l' « éducation à la santé ». Quand on se rend compte que l'éducation n’est pas suffisante, le domaine s’élargit à
la « promotion de la santé ». Le contexte social est officiellement reconnu quand des départements universitaires de « santé communautaire » ou de « médecine
communautaire » voient le jour. Le mouvement de la promotion de la santé modifie également la perspective du rôle de la personne. L’individu, autrefois simple
destinataire de l’éducation à la santé, devient un participant actif qui a la responsabilité de sa propre santé, principalement en adoptant un mode de vie plus sain.
Les programmes nationaux font la promotion de l’activité physique, de l'alimentation saine et de l'arrêt du tabac. Cela suppose souvent des changements
environnementaux (p. ex., la construction d'installations sportives, de sentiers pédestres et d'aires piétonnières) et, dans les années 1980, le mouvement des villes
saines met l'accent sur le milieu bâti. On se demande s’il y a lieu d’élargir la discipline de la santé publique pour inclure de telles activités ou s’il faut circonscrire
son champ d’action.
Entre-temps, les critiques de l'éducation à la santé font valoir que bien des gens, notamment les plus pauvres, n'ont pas nécessairement les moyens d'améliorer
leur mode de vie étant donné les limites considérables de leurs milieux socioéconomiques et culturels. On dit souvent que l'éducation à la santé risque de verser
dans la « condamnation de la victime » (voir « Blâmer la victime » dans Pour les mordus), et qu'en se limitant aux modifications du mode de vie, on en oublie les
déterminants qui sous-tendent la santé. Les comportements sont les symptômes de déterminants sociaux sous-jacents, plutôt que les causes principales de la
mauvaise santé. Cela donne lieu à la perspective de la santé des populations, axée sur les déterminants sociaux de la santé, comme on le verra au deuxième
chapitre.
Ce débat a fait naître la perspective de la santé des populations selon laquelle on doit promouvoir la responsabilité personnelle de la santé tout en
tenant compte des déterminants sociaux sous-jacents, comme la pauvreté ou l'accès limité aux soins, qui gênent l'aptitude d'une personne à
véritablement améliorer sa santé.
Blâmer la victime
William Ryan, un psychologue américain, est le premier à utiliser l'expression « blâmer la victime » dans son sens non juridique en 1976. Ryan critique un rapport
publié sur les familles noires aux États-Unis qui attribue leur pauvreté persistante à leurs habitudes culturelles et comportementales plutôt qu'aux conditions
structurales de la société qui limitent leurs choix.
Le concept s'avère pertinent lorsque l'on se demande comment les cliniciens peuvent être empathiques envers les patients atteints de maladies liées à leur mode
de vie (tabagisme, manque d'exercice, abus d'alcool). En fait, il est presque impossible de déterminer si le mode de vie d'un patient est un choix ou s’il découle de
pressions et de contraintes sociales, et dans quelle mesure. Néanmoins, lorsqu'un patient ne suit pas les conseils pour changer ses habitudes, le clinicien peut
tomber dans le piège de « blâmer la victime ». Par exemple, une analyse superficielle révèle que l'obésité découle en partie de mauvais choix alimentaires, mais
ces choix peuvent être influencés par la disponibilité des aliments, les moyens financiers et le milieu social, et le clinicien n’en est probablement pas conscient. Le
défi est d'aider le patient à trouver des ressources pour surmonter le problème tout en gardant une perspective juste quant à son aptitude à contrôler son
comportement et à son inaptitude à contrôler son milieu.
La tendance à condamner la victime relève en partie d'une croyance en un monde juste : si l'on est persuadé que les bons comportements sont récompensés, il est
difficile de croire que de bonnes personnes sont victimes des circonstances. Selon cette perspective, il est logique d'attribuer au moins une partie du blâme à la
personne souffrante.
Étant donné que la santé des populations est une notion relativement nouvelle, il est difficile de préciser en quoi exactement elle se distingue de la
santé publique. Les deux s’intéressent au portrait de la santé et de la maladie dans des groupes plutôt que chez des individus; les deux surveillent
les tendances en matière de santé, en examinent les déterminants, proposent des interventions en population pour protéger et promouvoir la santé
et discutent des possibilités de fournir ces interventions. La distinction est subtile, mais la santé des populations est un domaine plus vaste, car elle
avance un paradigme qui unit des disciplines, de la biologie à la sociologie. Elle propose un fondement rationnel à l'attribution des ressources en
santé, qui reflète un équilibre entre la protection et la promotion de la santé et la prévention et le traitement des maladies, tout en contribuant de
manière significative à la science fondamentale.27 Lorsque la santé publique aborde un problème de santé, ses interventions visent à maintenir la
santé ou à prévenir la maladie. Par exemple, une approche de santé publique à l'obésité infantile pourrait promouvoir l'éducation des parents et des
enfants, des programmes d'alimentation saine dans les écoles, l'interdiction des boissons gazeuses dans les distributeurs automatiques en milieu
scolaire, la réglementation plus stricte de la commercialisation de la malbouffe auprès des enfants, la promotion de l'activité physique, etc. Une
approche de santé des populations aborderait l'obésité infantile dans une perspective plus vaste. Elle pourrait considérer le système alimentaire en
soi : comment les subventions agricoles affectent-elles le prix des aliments? Les politiques d’urbanisme peuvent-elles empêcher l’apparition de
déserts alimentaires urbains (de vastes zones où l’on ne trouve pas d’épiceries)? La santé publique s'attarde aux services de prévention et de
protection de la santé, tandis que l'approche de la santé des populations est plus générale. Elle vise toujours la santé comme résultat principal, mais
considère les enjeux d'un point de vue global et a tendance à tenir compte d’un plus grand nombre de facteurs, comme l'économie, la durabilité
environnementale, la justice sociale, etc.
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Les définitions de la santé des populations
Certains définissent la santé des populations de manière descriptive : « la santé des populations mesurée selon les indicateurs de l'état de santé 17 », mais la
plupart des définitions la présentent comme une façon de réfléchir aux profils de la santé dans la société :
John Frank (directeur fondateur de l'Institut de recherche sur la santé des populations des IRSC), 1995 :
« La santé des populations est un cadre conceptuel pour réfléchir aux raisons qui sous-tendent le fait que certaines personnes et certains peuples sont en meilleure
santé que d'autres ? les déterminants de la santé aux niveaux de la personne et de la population. Les principaux déterminants de l'état de santé humaine,
notamment dans les pays dont le développement socioéconomique est avancé, ne sont pas les intrants et l'utilisation des soins médicaux, mais plutôt les facteurs
culturels, sociaux et économiques ? tant à l'échelle de la population que pour la personne.28 »
Kue Young (auteur d'un manuel important sur la santé des populations), 1998 :
« Un cadre conceptuel pour réfléchir aux raisons qui sous-tendent le fait que certaines personnes sont en meilleure santé que d'autres, ainsi que l'élaboration de
politiques, le programme de recherche et l'attribution de ressources qui en découlent? Les études en santé des populations visent à décrire l'état de santé d'une
population, expliquer les causes des maladies, prédire les risques pour la santé chez les personnes et les communautés et offrir des solutions pour prévenir et
contrôler les problèmes de santé. Pour y parvenir, la santé des populations doit collaborer avec la science fondamentale de l'épidémiologie, plusieurs sciences
sociales qui touchent également au phénomène des populations, les sciences humaines et les sciences biomédicales en laboratoire 27, p. 4 . »
Ces façons de penser donnent lieu à des moyens d'améliorer la santé, comme l'a expliqué Santé Canada, en 1994 :
« Une stratégie d’amélioration de la santé de la population s’intéresse à tous les déterminants de la santé, individuels ou collectifs, alors que les soins de santé
traditionnels mettent l’accent sur les facteurs de risque et les éléments cliniques particuliers aux diverses maladies. Une stratégie d’amélioration de la santé de la
population s’applique à des groupes entiers ou à une population entière, alors que les soins de santé cliniques s’appliquent à une personne à la fois,
habituellement à une personne qui a déjà un problème de santé ou qui court fortement le risque d’en avoir un.29 »
Un regard organique sur la santé des populations
Bien qu'en général, nous considérions une population d'un point de vue géographique, par exemple celle d'un pays, d'une ville ou d'un quartier, une population
peut être définie selon n’importe quel facteur commun à un groupe de personnes, comme l'âge, le statut socioéconomique, la langue ou le mode de vie. En outre,
une population peut être perçue simplement comme un ensemble de personnes ou comme une entité plus grande que la somme de ses parties : un organisme
collectif, des personnes agissant en groupe. On peut décrire le Canada comme un pays qui adore le hockey, qui apprécie la bière (d’ailleurs de plus en plus
buvable) et qui croit aux soins de santé subventionnés par l’État.
Quand on perçoit une population comme un simple ensemble de personnes, on examine la santé dans la population. Par contre, lorsqu'une population est perçue,
comme on commence à le faire, comme un tout aux éléments interdépendants, la santé des populations peut désigner la santé de la population.30 Selon cette
perspective, une communauté ou une population saine collabore en tant que groupe pour promouvoir son bien-être et affronter les difficultés. Par exemple, une
population saine se mobiliserait en cas de catastrophe naturelle pour décider d’une réponse collective efficace. Dans cette perspective, une population saine
appuie et encourage la promotion de la santé de ses membres, contribuant ainsi à la santé individuelle. Les lois sur l'équité sociale et l'élaboration de politiques
publiques saines, qui caractérisent « la société bienveillante », en sont des exemples.
De telles discussions ont élargi la portée de l'approche de promotion de la santé pour en faire un hybride qu’on appelle parfois « promotion de la santé des
populations ». Bon nombre d’unités de santé publique privilégient maintenant une perspective dynamique et élaborent des programmes qui aident les groupes
communautaires à travailler ensemble pour améliorer leur propre santé.
Bien qu'en général un médecin traite le patient et non la population, il doit être conscient du profil des maladies au sein de la population en question.
Premièrement, bien qu'une affection médicale puisse résulter du mode de vie d'un patient, les éléments moteurs de ce mode de vie se trouvent
dans le milieu social. Deuxièmement, le vieux dicton de l'enseignement médical énonçant que « les maladies courantes sont courantes » est bien
vrai : l'affection du patient est un symptôme de profils de santé que l'on retrouve à l'échelle de la population. La prévalence sous-jacente dans la
population sera donc affectée par la hiérarchie des diagnostics différentiels d'un médecin. Au Canada, il est plus probable que la douleur thoracique
d’un homme de 50 ans soit d'origine cardiaque que la même douleur chez une fille de 15 ans. Troisièmement, selon le milieu social du patient, les
efforts pour l'aider à modifier ses habitudes de santé pourraient être contrecarrés par les pressions sociales qu’il subit. Ainsi, il pourrait être plus
efficace d'aborder une maladie à l'échelle de la population (p. ex., exercer des pressions politiques pour taxer les aliments très gras, puis utiliser
l’argent des taxes pour subventionner des programmes d'activité physique) que de traiter un grand nombre de personnes (voir chapitre 8).
Dans une approche de santé des populations, le Collège des médecins et des chirurgiens du Canada attribue aux médecins un rôle de promoteurs
de la santé : « Comme promoteurs de la santé, les médecins utilisent leur expertise et leur influence de façon responsable pour promouvoir la santé
et le mieux-être des patients, collectivités et populations. »
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Au rendez-vous de suivi de Paul Richard, sur le plan professionnel, le D r Rao est satisfait d'avoir bien diagnostiqué l'angine de poitrine de Paul, mais il doit
admettre que la constellation de symptômes qu’il présente est typique d'une maladie courante, et donc assez facile à diagnostiquer. En outre, le D r Rao voit de plus
en plus de maladies dues au stress depuis que l’économie de Piedoie se détériore. De fait, l'angine de Paul est un symptôme de profils de santé présents à
l'échelle de la population.
Le D r Rao reconnaît que ses efforts pour aider Paul et d'autres patients à modifier leur mode de vie pourraient être contrecarrés par les pressions sociales dans la
communauté. Il est bien conscient de son rôle de promoteur de la santé et essaie d'être un modèle pour ses patients en faisant régulièrement de l'exercice et en
s'alimentant sainement. Il est aussi porte-parole de certains groupes de pression qui réclament que la mairie décrète une semaine de sensibilisation à la santé
cardiaque et favorise l’accès aux moyens de transport « actifs ».
Questions d'auto-évaluation
1. Comment définiriez-vous la santé?
2. Comment sauriez-vous si une personne est en santé ou non?
3. Si un pathogène est à l'état latent dans l'organisme (par exemple, le virus de l'herpès), la personne est-elle malade? S'agit-il d'une maladie uniquement
lorsque les symptômes apparaissent (par exemple, le zona)?
4. Selon vous, quelle est la différence entre une maladie et une blessure?
5. Où se situe la frontière entre la liberté de vivre comme on le souhaite et la responsabilité de mener une vie saine? On peut respecter le droit de chaque
personne à agir d'une manière qui nuit à sa santé, mais tous les contribuables acquittent les factures médicales découlant de ce comportement. Chacun de
nous assume le coût de ce manque à gagner; l’argent de nos taxes aurait pu être dépensé pour des ressources dont plus de gens auraient profité.
6. La dépendance est de plus en plus perçue comme une maladie. Devons-nous excuser le comportement antisocial d'un toxicomane parce qu'il souffre
d'un problème médical?
7. Que feriez-vous pour mesurer votre approche devant un patient dont le mode de vie est la cause de ses troubles médicaux : y a-t-il un juste milieu entre le
tenir entièrement responsable de son destin et rejeter cette notion par peur de « condamner la victime »?
8. Comment les environnements sociaux affectent-ils la santé d'une personne? Donnez des exemples. Faites de même pour les environnements urbains.
9. Dans les années 1950, Talcott Parsons a décrit le « rôle de malade », qui comprenait selon lui plusieurs comportements acceptables chez une personne
malade, mais non chez une personne en bonne santé : rester au lit plutôt qu'aller travailler, avoir ses repas préparés par une autre personne, etc. Selon
vous, quels comportements sont appropriés pour une personne malade de nos jours? Dans quelle mesure pourraient-ils varier en fonction des strates
socioéconomiques et des groupes culturels?
10. Si un médicament contre la polyarthrite rhumatoïde diminue la vitesse de sédimentation ou le facteur rhumatoïde, mais n’a pas d’effets décelables sur la
qualité de vie des personnes qui le prennent, s'agit-il d'un médicament efficace?
1. Comment la définition de la santé de l'Organisation mondiale de la Santé a-t-elle évolué au fil du temps?
Le changement principal a été le passage d'un « état de bien-être », qui semblait un peu statique, à « une ressource de la vie quotidienne », définissant la santé
comme la capacité d’affronter les difficultés.
2. Quelles sont les dimensions principales de la santé?
On s'entend généralement sur le fait que la santé a une dimension physique, mentale et sociale. La dimension sociale est plus difficile à décrire que les autres; elle
désigne souvent la capacité d'établir et de maintenir des liens sociaux et d'interagir efficacement avec les autres. Certains auteurs incluent aussi la dimension
spirituelle (être à l'aise avec son destin ou en paix avec soi-même).
3. Nommez une différence entre la définition biomédicale classique de la santé et la conception traditionnelle autochtone d'un groupe indigène avec lequel vous
êtes familier.
Réponses possibles : la conception autochtone comprend la dimension spirituelle; par contre, l’approche biomédicale accorde la priorité à la pathologie et à la
maladie plutôt qu'aux aspects positifs du bien-être; elle accorde la priorité au traitement de la maladie plutôt qu'à la guérison de la personne; elle tente d’éliminer
les pathogènes plutôt que d’amener le patient à retrouver l'équilibre, etc.
4. Faites la distinction entre la morbidité ressentie et la maladie.
C’est une question de perspective : l'expérience du patient comparativement à l'interprétation des symptômes et des signes.
5. Énumérez les niveaux auxquels les environnements sociaux affectent la santé dans le modèle écologique.
Une représentation courante est un rayonnement de cercles concentriques à partir de la personne : les membres de la famille et les proches (qui influencent les
sentiments et les comportements); le contexte professionnel ou scolaire (qui peut être une source de stress); la communauté, la province et la région (qui
influencent la qualité des soins reçus); la nation (qui régit les grands enjeux comme la guerre ou le changement climatique); et le niveau mondial (les grandes
tendances climatiques ou migratoires, qui peuvent affecter la santé par la transmission de maladies infectieuses, par exemple).
6. Qu’est-ce que le comportement lié à la maladie?
Les diverses réactions d'un patient à sa perception d'être malade, y compris s’il a recours ou non à des soins et s’il suit les recommandations du médecin. Ces
réactions varient en fonction de la culture et de la personnalité : la réponse de chaque patient est différente!
7. Indiquez comment la culture d'une personne peut affecter sa stratégie d’accès aux soins de santé.
Premièrement, chaque culture conçoit différemment la maladie. Deuxièmement, chaque culture diffère quand à la réponse appropriée aux symptômes (fait-il
prendre des médicaments ou non? suivre les conseils d'un médecin ou d'une grand-mère?). Troisièmement, la réaction émotive au diagnostic diffère selon la
culture. Quatrièmement, il y a des différences culturelles dans l'acceptation de différentes formes de traitement, parfois même de systèmes médicaux tout entiers :
l'acupuncture ou l'Âyurveda comparativement à la médecine occidentale, par exemple.
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AFMC Petit Guide de la santé des populations
Chapitre 2 Les déterminants de la santé et les iniquités en santé
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Après avoir achevé ce chapitre, le lecteur sera en mesure :
de définir les concepts de base de la santé et de la maladie : causes, facteurs de risque et déterminants;
d'énumérer les principaux déterminants de la santé et de décrire les mécanismes par lesquels chaque déterminant peut influencer l'état de santé :
a. le niveau de revenus et la situation sociale
b. les réseaux de soutien social
c. le niveau d’instruction
d. le développement du jeune enfant
e. l’environnement social et culturel
f. l’environnement physique
g. l'emploi et les conditions de travail
h. les services de santé
i. le sexe
j. les comportements liés à la santé
de décrire au moins un modèle de changement de comportement, y compris les facteurs prédisposants, habilitants et de renforcement.
Mme Sulawesi consulte le D r Rao une fois de plus au sujet de Peter, son fils de trois ans. Ils habitent un logement humide et mal chauffé. Elle a dû se rendre en salle
d'urgence avec Peter à trois reprises au cours du dernier mois en raison de l’asthme mal maîtrisé de son fils. Mme Sulawesi est une mère célibataire ayant
récemment immigré au Canada. Elle n'est pas entourée de membres de sa famille et n'a que très peu d'amis. Elle travaille comme concierge à l'école locale surtout
en soirée et pendant les fins de semaine. Le D r Rao a tenté d'impliquer les services sociaux, mais ils sont débordés de travail en raison d'enjeux plus pressants de
violence et d'abus en milieu familial. Le propriétaire refuse de faire des réparations dans le logement, et l'hiver arrive à grands pas.
Les inégalités en santé
Dans chaque société, il existe des variations dans la santé des gens. D'importantes recherches médicales et en sciences sociales cherchent à
déterminer pourquoi certaines personnes sont en santé alors que d'autres ne le sont pas1. L'épidémiologie porte principalement sur les variations
systématiques : des groupes de personnes (définies en fonction de leur âge, de leur sexe, de leur situation sociale, de leur groupe ethnique ou d'un
autre critère) présentent différents niveaux de santé. D'autres variations sont individuelles : un membre de la famille est atteint d'un cancer, alors
que les autres ne le sont pas. On explique généralement les variations individuelles en santé en fonction des facteurs de risque : les caractéristiques
de la personne, de son comportement ou de son environnement qui influent sur ses probabilités de contracter une certaine maladie. On a recours
au langage probabiliste des « facteurs de risque » parce que très peu de causes produisent inévitablement des conséquences sur la santé :
d'autres facteurs modifient toujours leur effet. On nomme « déterminants de la santé » les profils généraux des maladies au sein de groupes entiers
de personnes. Les effets des déterminants se présentent souvent par l'entremise de facteurs de risque individuels; on peut ainsi les considérer
comme étant « les causes des causes » de la maladie.
La plupart des maladies et des états de santé ont un profil prévisible (on sait qui sont les gens qui tombent malades, où ils vivent, etc.). La figure 2.1
donne un aperçu global de l'espérance de vie au Canada en fonction du sexe et du revenu2. Les données proviennent d'une étude auprès de
2 735 000 Canadiens suivis pendant dix ans à partir du Recensement de 1991. Les décès survenus pendant cette période ont été associés aux
renseignements sur le revenu consignés dans le Recensement de 1991. On a ajusté le revenu en fonction de la taille de la famille qui en dépendait
afin de mieux voir s’il était adéquat ou non. Le résultat est divisé en cinq catégories, ou quintiles, allant de pauvre (représenté par le chiffre 1) à riche
(représenté par le chiffre 5). Les barres verticales représentent la moyenne des années de vie restantes d'une personne de 25 ans pour chaque
catégorie de sexe et de revenu.
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Figure 2.1 : Espérance de vie restante à l'âge de 25 ans au Canada en quintiles représentant le sexe et le revenu de la population hors
établissement de 1991 à 2001
On constate que les hommes les plus pauvres peuvent s'attendre à vivre environ sept ans de moins que les hommes les plus riches (48 ans passé
l'âge de 25 ans pour les plus pauvres, contre 55 ans pour les plus riches); ce contraste chez les femmes est d’un peu plus de quatre ans.
Cependant, les personnes dont les revenus sont les plus faibles ne sont pas les seules victimes : un des points clés est la hausse constante (ou
gradient) de la longévité par rapport aux niveaux de revenus, ce qu’on appelle le gradient social de santé. On retrouve des gradients de santé
semblables qui découlent du niveau d’instruction, de l'emploi et de la région de résidence, qui reflètent tous le statut socioéconomique. Il existe des
contrastes systématiques de santé entre certains groupes raciaux ou ethniques, ainsi qu'un contraste évident entre les sexes. La figure ci-dessus
indique que même les femmes pauvres vivent plus longtemps que les hommes riches2. Notons que cet histogramme n'indique que l'espérance de
vie; il existe aussi des gradients dans d'autres aspects de la santé. Par exemple, les taux d'incapacité et de mauvaise santé sont inversement
proportionnels au statut socioéconomique. Les pauvres sont doublement touchés; leur vie est plus courte, et leur santé est moins bonne.
Une question évidente se pose : ce gradient résulte-t-il simplement du hasard ou représente-t-il des variations systématiques que l'on peut attribuer
à une cause? Il existe une variation biologique naturelle dans la santé des gens et leur susceptibilité à ce qui influence la santé. Les cultures
traditionnelles attribuaient souvent ces différences individuelles au destin, à la saison de naissance, au karma, voire même à la sorcellerie; on parle
aujourd'hui de variations aléatoires. Comme la science offre de plus en plus d'explications de la maladie, la proportion des variations de la santé
jugées aléatoires ne cesse de diminuer (voir « Le rôle du hasard » dans Pour les mordus).
Le rôle du hasard dans la maladie
Le hasard est-il un facteur inhérent lorsqu’on tente d’expliquer la maladie? Dieu joue-t-il véritablement aux dés? Ou a-t-on recours au terme « hasard » pour
expliquer les cas de maladie que l'on n'arrive toujours pas à comprendre à l'aide des connaissances scientifiques actuelles? Nous prenons pour acquis que des
facteurs encore inconnus seront découverts et nous fourniront de meilleures explications, mais jusqu’où cela ira-t-il? Avec une meilleure compréhension de la
génétique, des influences environnementales et ainsi de suite, pourrons-nous un jour prédire l’heure et les circonstances du décès d'une personne?
Votre position face à cet enjeu influencera la manière dont vous réagissez aux patients qui vous demandent ce qu'ils peuvent faire pour ne pas tomber malade. Si,
en dernier ressort, le hasard joue un rôle important, que faut-il dire au patient?
Des réflexions semblables sur les origines de la variabilité peuvent être appliquées aux profils de maladie de populations entières. La représentation
de résultats comme ceux de la figure 2.1 vise, entre autres, à identifier des variations systématiques entre des groupes de personnes. Les variations
non aléatoires peuvent, en principe, être corrigées : même si les riches vivent plus longtemps, on peut présumer qu'il n'y a pas de raison inhérente
qui empêcherait les pauvres de vivre tout aussi longtemps. Une disparité de l'état de santé est un contraste entre des groupes de personnes qui
confère un désavantage systématique à un groupe (comme la différence dans l'espérance de vie des femmes et des hommes). Si ce désavantage
peut être corrigé ou aurait pu être évité, on parle d'iniquité, ce qui sous-tend l'idée d'injustice et d'irrecevabilité. Les iniquités sont une incitation
morale à agir. Les sources les plus marquantes d'iniquité en santé au Canada sont le statut socioéconomique et l'identité autochtone.
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Un exemplaire de ce permis se trouve au http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/. Les autorisations dépassant l'étendue de ce permis se trouvent au http://www.afmc-phprimer.ca/termsofuse.
Les disparités de l'état de santé ou les inégalités en santé désignent les différences systématiques dans l'état de santé qui surviennent dans des groupements de
population. Comme il s'agit de contrastes dans la santé de groupes socialement définis, on présume qu'ils peuvent être corrigés. La réduction des inégalités
sociales en santé est ainsi devenue un objectif principal des politiques de santé des populations3 .
Les termes « disparités » et « inégalités » désignent à peu près la même chose bien que, comme l'a remarqué Marmot, en anglais, on parle davantage de «
disparités » aux États-Unis et d’ « inégalités » en Grande-Bretagne.4 Peu importe le terme choisi, il n'est pas réaliste de penser que toute forme d'inégalité peut être
éliminée. Il faut établir des priorités, et le concept d'iniquités en santé s'avère utile en ce sens.
Les iniquités en santé désignent les inégalités en santé que l'on juge injustes ou qui découlent d'une injustice. « La réduction des iniquités en santé est obligatoire
sur le plan éthique. L'injustice sociale tue à grande échelle... Les conditions qui entourent la vie et la mort des personnes sont modelées par des forces politiques,
sociales et économiques. » 3
Les iniquités en santé chez les peuples indigènes du Canada
La plupart des indicateurs de la santé des peuples autochtones du Canada ont connu de nettes améliorations au cours des 20 dernières années, mais ils
présentent toujours un décalage par rapport aux mêmes statistiques pour l'ensemble de la population.
Santé Canada a publié un Profil statistique de la Santé des Premières nations au Canada en 2003 (www.hc-sc.gc.ca/fniah-spnia/pubs/index-fra.php). En
voici quelques points saillants :
L’espérance de vie à la naissance s’est améliorée au sein de la population des Premières nations. En 2000, elle atteint 68,9 ans pour les hommes et
76,6 ans pour les femmes, soit une augmentation de 13,1 % et de 12,6 %, respectivement, depuis 1980. Par rapport à la moyenne canadienne, ces
données représentent toujours une espérance de vie raccourcie de neuf ans chez les hommes et de cinq ans chez les femmes.
En 1999, l'espérance de vie chez les Inuits du Nunavut atteint 67,7 ans pour les hommes et 70,2 ans pour les femmes.
En 1979, le taux de mortalité infantile au sein des Premières Nations est de 27,6 décès p. 1 000 naissances vivantes. En 1999, ce taux a baissé à 8,0
p. 1 000, ce qui est quand même une fois et demie le taux pour l’ensemble de la population canadienne (5,5 p. 1 000).
En 2003, les principales causes de décès chez les personnes de 1 à 44 ans sont les blessures et les empoisonnements. Chez les enfants de moins
de 10 ans, les décès résultent principalement de blessures, mais le suicide et l'automutilation priment chez les jeunes et les adultes de moins de 44
ans. Chez les 45 ans et plus, les maladies circulatoires sont la première cause de décès. Ces tendances sont parallèles à celles de l'ensemble de la
population canadienne.
En ce qui a trait au suicide, tous les groupes d'âges de moins de 65 ans chez les Premières nations présentent un risque plus élevé que la
population canadienne. Le contraste le plus marquant par rapport à l'ensemble des taux canadiens se manifeste chez les femmes de 15 à 24 ans et
chez les hommes de 25 à 39 ans (qui ont des taux environ huit et cinq fois plus élevés que les taux canadiens, respectivement).
Les Premières nations traînent un fardeau disproportionné de maladies infectieuses, dont la coqueluche (au taux trois plus élevé que la moyenne
nationale), la chlamydia (taux sept fois plus élevé), l'hépatite A (taux cinq fois plus élevé) et la shigellose (taux près de 20 fois plus élevé). [La
shigellose est une infection bactérienne courante dans les pays en développement; elle résulte d'une eau insalubre et d'une évacuation inadéquate
des eaux usées, lesquelles sont causées par la pauvreté et la piètre qualité des infrastructures.)
La proportion des cas de sida touchant les Autochtones au Canada est passée de 1 % des cas totaux en 1990 à 7,2 % en 2001.
Au cours de cette même période, le taux de tuberculose chez les Premières nations est resté de huit à dix fois plus élevé que dans l’ensemble de la
population canadienne.
Les taux de carie dentaire chez les enfants autochtones en Ontario est de deux à cinq fois plus élevé que les taux chez les enfants non autochtones.
Établir l'équité
L'équité est sous-tendue de trois éléments :
1. l'égalité : par exemple, le mouvement pour l'égalité des femmes lutte pour un accès égal aux possibilités d’instruction et d'emploi;
2. l'impartialité : une personne d’ascendance africaine devrait obtenir un emploi non parce qu'elle est noire, mais parce qu'elle possède les titres et qualités
demandés;
3. l'évitabilité : on reconnaît le besoin d'agir pour améliorer les situations d'iniquités.
Les iniquités sociales sont souvent redressées par l'entremise de programmes d'action positive qui offrent des services de manière préférentielle aux groupes
défavorisés. Bien que cela semble contrevenir au principe des chances égales pour tous, l’objectif ultime de l’action positive est l'équité. La Charte canadienne des
droits et libertés reconnaît ce paradoxe. Le paragraphe 15(2) de la Charte énonce que l'égalité ne doit pas avoir « pour effet d'interdire les lois, programmes ou
activités destinés à améliorer la situation d'individus ou de groupes défavorisés... » Consultez le site Web du ministère de la Justice au :
http://laws.justice.gc.ca/fra/charte/1.html.
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Vue d'ensemble : les disparités de l'état de santé à l'échelle internationale
Selon les taux de décès de 2005, les Canadiens peuvent s'attendre à vivre en moyenne jusqu'à l'âge de 80,4 ans, tout comme les Espagnols. Les citoyens de la
Suède, de l'Australie, de l'Islande, de la Suisse et du Japon vivent un peu plus longtemps que nous. Les Britanniques ont une espérance de vie de 79,1 ans, tandis
que celle des Américains est de 77,8 ans, ce qui les place au 23 e rang mondial.
Il existe d'énormes iniquités relatives à l'espérance de vie à l'échelle internationale. Les Japonaises vivent en moyenne plus de 85 ans; leur espérance de vie est
donc deux fois plus élevée que celle des Afghanes (42 ans), comme on le voit dans la figure ci-dessous. La longévité est liée à la richesse d'un pays, mais il y a des
exceptions : les É.-U. sont un pays très riche, mais l’espérance de vie moyenne y est plus courte que dans plusieurs autres pays.
En général, quand des pays très pauvres s'enrichissent, l'espérance de vie y augmente rapidement, mais cette croissance ralentit lorsque le revenu national brut
atteint environ 10 000 $US par année (voir l'inflexion de la courbe entre la Jordanie et la Malaisie dans la figure). Par la suite, les hausses de l'espérance de vie
plafonnent et semblent être davantage liées aux modèles de répartition des revenus et des dépenses à l’intérieur du pays qu'à sa richesse globale.
Figure 2.2 : Espérance de vie des femmes et revenu national brut par habitant dans certains pays, 2006 (chiffres des rapports de l'OMS et de la Banque mondiale).
Point de discussion : Comment pourriez-vous expliquer le profil de cette courbe?
Concepts de base : causes, facteurs de risque et déterminants
Paul Richards souffre de douleur thoracique. Il l'a d'abord remarquée en ramassant du bois pour le poêle de sa famille. Selon lui, ce n'est rien de grave; il ne se sent
pas vieux et il a arrêté de fumer, bien qu'il fume à l'occasion dernièrement lorsqu'il est avec ses amis; comme ils sont tous des fumeurs, il est difficile de refuser une
cigarette. Julie lui rappelle que son père est décédé d'une crise cardiaque à l'âge de 62 ans et insiste pour qu'il consulte le D r Rao à ce sujet.
Étant donné les antécédents familiaux de Paul, son mode de vie et le genre de douleur dont il dit souffrir, le D rRao soupçonne une angine d'effort d'intensité légère.
Ils discutent des risques et des avantages de l'activité physique, notamment de l'effort intense qu'exige le transport de bûches, surtout pour un homme comme Paul,
généralement sédentaire et pas très en forme. Julie fait la remarque qu'ils vivent des difficultés financières; la rente d'invalidité de Paul est insuffisante. La banque
alimentaire à laquelle ils doivent régulièrement avoir recours n'offre pas de fruits ni de légumes frais, mais surtout des aliments transformés dont la teneur en
glucides, en matières grasses ou en sel est élevée. Il leur est donc difficile de bien s'alimenter. Ils chauffent leur foyer au bois pendant l'hiver parce que le bois est
gratuit si Paul le ramasse lui-même. Il est peu probable que Paul trouve un autre emploi parce que la plupart des emplois offerts exigent un niveau d’instruction plus
élevé que le sien.
Une prise en charge efficace de la maladie exige une gestion immédiate du problème, puis des facteurs de risque du patient et, finalement, des
déterminants sous-jacents. Par exemple, un patient qui présente une angine de poitrine doit être traité pour le problème apparent (la douleur et le
risque de complications), puis pour les facteurs de risque (l'usage du tabac et le manque d'activité physique) et enfin pour les déterminants sousjacents (la pauvreté, l'environnement et les normes sociales). Selon la représentation traditionnelle que l'on applique souvent aux maladies
infectieuses, une maladie survient d'une interaction complexe entre la personne (l'hôte), l'agent pathologique (le virus, la bactérie ou une substance
ingérée, comme la fumée de tabac) et l'environnement; voir la figure 2.3. En cas de maladie non infectieuse, on peut substituer à l'agent infectieux
le facteur causal (la plaque d'athérosclérose dans une artère coronaire s’il s’agit d'un infarctus cardiaque).
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Figure 2.3 : Le triangle épidémiologique :agent, hôte et facteurs environnementaux
Les facteurs de risque
Ce modèle explique bien les cas de maladie existants, mais l’un des principaux problèmes est que notre compréhension de l'évaluation préalable de
la susceptibilité d'une personne n’en est qu'à ses débuts. Par conséquent (à tout le moins jusqu'à ce que les analyses génétiques deviennent
beaucoup plus perfectionnées), nous ne pouvons identifier de manière précise qui sera malade après une exposition à un agent pathologique. Nous
avons recours à la probabilité pour aborder cette incertitude. On parle ainsi de « facteurs de risque » qui augmentent la probabilité statistique qu'une
personne tombera malade. Certains facteurs de risque, comme ne pas porter de ceinture de sécurité en cas de collision automobile, ont un effet
direct et probabiliste sur la vraisemblance d'un résultat indésirable. D'autres font partie d'un profil causal complexe, comme l'effet de l'alimentation
sur la coronaropathie, où l’alimentationinteragit avec beaucoup d’autres; il est alors plus pratique de résumer cette complexité par un énoncé de
probabilité. La notion de facteurs de risque suppose une relation causale, mais les associations statistiques qui identifient ces facteurs peuvent aussi
comprendre des variables qui sont des marqueurs du véritable facteur de risque. L'âge en est un exemple : dans certains cas, l'âge en soi n'est pas
le facteur de risque, mais les changements qu'il occasionne le sont. Dans de tels cas, les expressions « marqueur de risque » ou « indicateur de
risque » peuvent s'avérer plus pertinents.
Les facteurs de risque ont eux-mêmes des causes, que l'on appelle déterminants. Pour illustrer cette distinction, la figure 2.4 se fonde sur le
diagramme de l'histoire naturelle vu au premier chapitre et y ajoute une temporalité antérieure afin d'incorporer les antécédents du trouble médical.
Il s'agit d'un modèle écologique : le patient se situe maintenant dans son milieu social, lequel est tout aussi pertinent avant l'apparition de la maladie
que pendant qu’elle évolue et que le patient reçoit des soins (par exemple, la pauvreté aura toujours une influence sur le patient, même si on le
traite).
L’écologie
L'écologie est le champ de la biologie qui étudie les relations entre les organismes et leur milieu, y compris d'autres organismes. Oikos (translittéré en « éco ») est
un mot grec qui signifie habitat ou maison.
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Figure 2.4 : Précurseurs et évolution clinique de la maladie
Les déterminants de la santé désignent les caractéristiques sous-jacentes de la société qui, en dernier ressort, façonnent la santé des personnes
et des communautés. On peut les définir comme les causes des causes d'une mauvaise santé ou comme des « facteurs en amont ». Attention : le
terme « déterminant » ne sous-entend pas un caractère inévitable ou un déterminisme; son origine est le mot latin de termine, ou « à partir du bout
» (c.-à-d., à l'origine) de la chaîne causale.
Les preuves des déterminants de la santé
Vous pouvez consulter un résumé des données probantes sur l'impact de certains déterminants sur la santé sur le site Web de l'Agence de la santé publique du
Canada au : www.phac-aspc.gc.ca/ph-sp/determinants/determinants-fra.php.
Métaphore de l'amont et de l'aval
Le terme « amont » vient d’une métaphore qui s’applique à l'approche de la santé publique à l’égard de la prévention. Supposons que plusieurs personnes se sont
noyées dans une rivière dangereuse. Les secouristes ont tenté de les sortir de l'eau, mais ils se rendent compte qu'en dépit de leurs efforts, ils ne peuvent réanimer
tous les victimes. Ils discutent de façons de réunir des fonds pour embaucher d'autre personnel et proposent d’installer des panneaux d'avertissement. L'approche
de santé publique est différente : elle recommande que l’on regarde en amont pour tenter de déterminer pourquoi les gens tombent ou sautent dans la rivière. On
propose de résoudre le problème en construisant un pont ou en installant une clôture.
Une autre métaphore courante fait la distinction entre les facteurs proximaux, comme le fait de se faire vacciner, les facteurs intermédiaires, comme
l'accessibilité aux établissements locaux de soins de santé, et les facteurs distaux, comme la politique gouvernementale de prestation de services
d'immunisation.
Les déterminants comprennent des facteurs non spécifiques (récession, pauvreté, manque d'instruction) et des politiques précises (comme les lois
régissant l'alcool et le tabac) qui visent à améliorer les comportements liés à la santé ou la santé de manière générale, plutôt qu’à combattre des
maladies particulières. Leur influence est transmise par une chaîne de processus intermédiaires qui aboutissent à un cas spécifique de maladie (voir
À titre d'illustration).
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Une chaîne d'influences causales
Santé Canada raconte l'histoire fictive d’Éric, un garçon hospitalisé en raison d'une coupure infectée à la jambe. Cet exemple illustre clairement l'idée d'une chaîne
de causes (voir Causalité dans le glossaire) qui part du cas individuel et s'étend aux déterminants sociaux sous-jacents, les causes des causes. (cf. Les cinq
raisons de l'« examen de la qualité », chapitre 13)
Les profils de santé, comme ceux de la figure 2.1, peuvent être cohérents et prévisibles, sans nécessairement être explicables. Même si l'on
démontre qu'en moyenne, les hommes pauvres vivent moins longtemps que les hommes riches, on ne démontre pas pourquoi, ni quels hommes
pauvres mourront à un jeune âge. Selon le gradient social, un processus systématique quelconque est en jeu, mais il n’aide à comprendre qu'une
partie du problème, et donc de ce que nous pouvons faire. Afin d'y arriver, nous devons trouver un juste équilibre entre les analyses individuelles et
celles du groupe.
Les modèles de déterminants de la santé : précis ou généraux?
La question suscite un débat intéressant : est-il possible qu'un modèle général puisse expliquer l'action des déterminants sociaux, ou les modèles doivent-ils
représenter des groupes particuliers? Cette question a fait l'objet des propos de Reading et Wein sur les populations autochtones5 et de ceux de Dyck sur la
population métisse (l’auteure a rédigé une version métisse de l'histoire d’Éric, voir À titre d'illustration ci-dessus). Le document sur les déterminants sociaux de la
santé métisse peut être consulté sur le site Web de l'Organisation nationale de la santé autochtone (ONSA) au :
www.naho.ca/metiscentre/english/documents/Research_SocialDeterminantsofHealth.pdf
On peut considérer les facteurs qui influencent la santé au niveau d’une personne (Pourquoi le patient est-il malade?) ou d’une population (Pourquoi
les habitants de la Colombie-Britannique vivent-ils en moyenne plus longtemps que ceux du Yukon?). L'épidémiologiste britannique Sir Geoffrey
Rose a distingué les causes de cas individuels de celles des profils d'incidence dans une population6,7. La distinction est subtile, mais très utile
lorsqu'on étudie le raisonnement nécessaire pour établir un diagnostic. Par exemple, le Sud de l’Ouganda et la Jamaïque ont à peu près le même
climat et la même végétation, mais il y a longtemps de cela, la Jamaïque a eu les ressources socioéconomiques et la volonté politique nécessaires
pour mettre sur pied des efforts d'éradication du paludisme qui se sont avérés efficaces. Le paludisme est donc assez rare en Jamaïque, alors qu'il
est courant dans le Sud de l'Ouganda. Les déterminants sous-jacents identifient les maladies courantes dans une population. Cette différence dans
la prévalence guidera, bien entendu, votre diagnostic, qui sera différent selon que vous traitez un enfant fébrile en Ouganda (le paludisme figurera
au début de votre liste) ou en Jamaïque (ce diagnostic sera beaucoup plus bas dans la liste). Par contre, les déterminants n'indiquent pas quel
enfant sera atteint de paludisme; il faut pour cela tenir compte des facteurs individuels, comme le fait que l'enfant dort ou non sous une moustiquaire
(c.-à-d., l'histoire clinique). Les personnes qui ont toujours recours aux moustiquaires peuvent présenter un risque plus faible que la moyenne de la
population, alors que celles qui n'y ont jamais recours présenteront une incidence supérieure à la moyenne. Lorsqu’on tente d'expliquer un cas
individuel, il est donc nécessaire de considérer les causes sous-jacentes de l'incidence de la maladie et les circonstances individuelles qui modifient
le taux de base chez le patient.
On peut débattre des détails qui distinguent les déterminants et les facteurs de risque : selon de nombreux auteurs, la répartition d'un facteur de
risque dans une population devient un déterminant dans des cas individuels. Plus les personnes qui choisissent d'utiliser une moustiquaire sont
nombreuses, plus la demande de moustiquaires augmente et plus leur prix diminue. Leur utilisation devient donc la norme et, de là, un déterminant
social de la santé.
En dernier lieu, les maladies elles-mêmes sont réparties sur un spectre selon leur profil de causes. Certaines affections sont exclusivement
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génétiques (comme la fibrose kystique), d’autres, comme le cancer du sein, l'autisme ou le diabète de type 2, découlent à la fois d'influences
génétiques et environnementales, et d’autres encore, comme les empoisonnements au mercure présent dans l'environnement ou le trouble de
stress post-traumatique, résultent surtout de déterminants en population8.
Le modèle écologique de la santé vu au premier chapitre est souvent représenté par des cercles concentriques de déterminants entourant la
personne, comme on le voit à la figure 2.5. La partie sud-ouest de la figure illustre l'idée que les déterminants environnementaux exercent leur
influence de l’extérieur vers l'intérieur : les politiques nationales influencent les communautés, les quartiers, puis les personnes. Par contre, la partie
sud-est suggère que les comportements des personnes peuvent aussi influencer leur environnement. Ainsi, les facteurs de risque des niveaux
internes se rassemblent pour former des niveaux externes d'influence. Par exemple, les profils des comportements liés à la santé dans les familles
se rassemblent pour produire des profils plus vastes aux niveaux du quartier et, en dernier ressort, de la communauté. La moitié supérieure du
diagramme illustre deux façons de réfléchir à une explication : le comment et le pourquoi. Pour expliquer les raisons de la prévalence d’une maladie,
il faut probablement chercher des réponses dans les cercles externes du diagramme (le coin nord-ouest), tandis que les réponses aux questions sur
les mécanismes se trouveront principalement dans les cercles internes (le côté nord-est). Un médecin qui traite un patient fait porter la prise en
charge vers les cercles internes : le patient et son environnement immédiat, comme sa famille et, possiblement, son milieu de travail. Par contre, les
médecins en santé publique abordent des déterminants plus vastes (les politiques gouvernementales et l'environnement). Leur travail porte donc
sur les cercles intermédiaires. Parallèlement, le ministre de la Santé devra considérer les déterminants plus vastes, dans les cercles externes du
diagramme. Ensemble, ces deux approches se complètent et forment un ensemble exhaustif d'approches pour améliorer la santé individuelle et
collective.
Figure 2.5 : Un modèle écologique des influences sur la santé
Pour en apprendre davantage sur le sujet, consultez les articles de N. Pearce, Am J Public Health 1996, vol. 86, p. 678-683, de M. Susser, Am J Public Health 1996,
vol. 86, p. 674-677, ou de KJ Rothman, Am J Public Health 2005, vol. 95 (suppl. 1), p. S144-S150.
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Réductionnisme vs émergence
On a présenté deux perspectives de la santé des populations dans le premier chapitre. Selon la première, la santé d’une population est égale à la somme de la
santé des personnes qui la composent. Il s'agit d'une perspective ascendante ou réductionniste : la santé du groupe peut être réduite à la santé moyenne de ses
membres. Selon l'autre perspective, celle de l'émergence, la santé d’une population est plus que la somme de la santé de ses membres; elle reflète aussi le
fonctionnement global de l'organisme; elle est le produit des interactions entre les membres, comme les institutions créées dans la société. Il s'agit d'un modèle
écologique dynamique : des personnes en santé contribuent à la santé de la population, mais une population saine favorise à son tour la santé de chacun, comme
l'indiquent les flèches dans la partie inférieure de la figure 2.5. Selon cette perspective de l'émergence, une société de personnes en forme qui collaborent
harmonieusement est plus saine qu'une société de personnes tout aussi en forme, mais qui vivent dans un état de tension et de discorde. Ainsi, selon cette
perspective, la santé de l'ensemble ne peut être décrite, encore moins expliquée, uniquement en fonction de la santé individuelle : on doit aussi tenir compte du
fonctionnement de la société.
De même, on ne peut comprendre les profils de la santé, ni les disparités de l'état de santé, qu’en examinant la dynamique globale d'une société. S’il existe des
disparités dans l'état de santé, ce n’est pas simplement parce qu’il y a toujours des gens à la queue de la courbe de répartition des soins de santé et que, comme
par hasard, ces mêmes gens se trouvent aussi à la queue de la courbe de répartition des revenus. Si ces disparités existent, c’est parce que le fonctionnement de la
société, les interactions entre les groupes, présentent des caractéristiques systématiques. Ainsi, on interprète les caractéristiques individuelles, comme l'ethnicité,
au niveau de la population de manière à produire des réactions systématiques, et celles-ci peuvent influencer la santé individuelle dans ces groupes. Cette
perspective descendante reflète le point de vue de Rose : les causes des profils de santé dans une population ne sont pas les mêmes que les causes individuelles
de la santé 6,7 .
L’une des preuves à l'appui de la perspective de l’émergence est la corrélation entre les statistiques nationales de la mortalité et celles du revenu : jusqu'à un
certain niveau de richesse nationale, la mortalité d'un pays est corrélée à son revenu. Au-delà de ce niveau de référence, la corrélation entre la mortalité et le
revenu national s’atténue (fig. 2.2), mais on remarque une corrélation entre la mortalité et la répartition du revenu dans le pays. Dans les pays riches où l'écart entre
les riches et les pauvres est important, la santé a tendance à être moins bonne (taux de mortalité plus élevé, espérance de vie plus courte) que dans les pays où la
répartition des revenus est plus équitable. Cela semble indiquer qu’au-delà d'un certain niveau de revenus, la répartition des revenus dans un pays a un impact
plus puissant que la somme des revenus des citoyens (voir « Revenu relatif et revenu absolu » dans Pour les mordus). De telles interprétations suscitent de vifs
débats. Vous pouvez consulter celui publié dans l'International Journal of Epidemiology sur ce sujet.9 L'article de Frolich et Potvin vous mènera aux autres articles
dans la série.
Les déterminants de la santé
À peu près toutes les caractéristiques d'une société peuvent influer sur la santé de ses citoyens et pourraient donc être considérées comme des
déterminants de la santé. Pour ramener le sujet à des proportions gérables, les organismes comme Santé Canada et l'OMS ont identifié les
déterminants de la santé qui méritent une attention particulière; les principaux figurent ci-dessous. On en trouvera une liste plus complète dans les
Liens.
Voici la liste des déterminants de la santé de l'Agence de la santé
publique 10 :
Niveau de revenus et situation sociale
Réseaux de soutien social
Niveau d’instruction
Emploi et conditions de travail
Environnement social
Environnement physique
Voici la liste de déterminants sociaux de l'Organisation mondiale de la Santé 3 :
Améliorer les conditions de vie quotidiennes :
Développement du jeune enfant
Planification urbaine
Pratiques équitables en matière d'emploi et travail décent
Protection sociale
Soins de santé universels
Habitudes de vie et compétences d'adaptation personnelles
Lutter contre les inégalités dans la répartition du pouvoir, de l’argent et des
ressources :
Développement sain durant l’enfance
Inclusion de l’équité en santé dans les critères de performance du gouvernement
Patrimoine biologique et génétique
Affectation de ressources à la santé
Services de santé
Réglementation internationale
Sexe
Équité entre les sexes
Culture
Bonne gouvernance à l'échelle du monde
Mesurer le problème, l’analyser et évaluer l’efficacité de l’action :
Observation, recherche et formation
Le développementdu jeune enfant
Lorsqu'un médecin traite une maladie, il intervient dans un processus qui a souvent commencé de nombreuses années plus tôt. Lorsqu’on
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s’interroge sur les causes, on peut choisir la perspective du parcours de vie, qui étend les origines de la maladie encore plus loin que ce que reflète
la figure 2.4. On va même jusqu'à considérer les éléments auxquels les parents du patient ont été exposés. La perspective du parcours de vie
insiste sur l’influence profondément formatrice des expériences précoces. L'alimentation, la croissance et la forme physique pendant la petite
enfance sont importantes, tout comme le développement affectif, qui peut renforcer la résilience (s'il est positif) ou augmenter la vulnérabilité (s'il est
négatif). Le moment des expositions et des expériences peut être critique11. Par exemple, les expériences traumatiques de la petite enfance
façonnent la personnalité et ont un effet durable sur la manière dont une personne perçoit le monde où elle vit, sur ses interactions avec son
entourage et sur son interprétation des événements. Une famille désunie ou un stress chronique pendant l'enfance ont des effets non spécifiques,
qui se manifestent principalement par une plus grande vulnérabilité affective à l'âge adulte. L'identification des périodes critiques dans le
développement du jeune enfant a popularisé les programmes de stimulation des nourrissons, comme Head Start.
Les programmes d'aide préscolaire
Le programme Head Start a été mis sur pied aux États-Unis en 1965 pour que les jeunes enfants de familles démunies soient prêts à entrer en maternelle à cinq
ans. Ce programme offre un soutien complet aux enfants d'âge préscolaire et aux familles à faibles revenus, ce qui favorise la réussite scolaire des jeunes enfants.
Le programme procure généralement des soins prénataux, des services de garde et des repas nutritifs aux jeunes enfants. Au Canada, des programmes d'aide
préscolaire ont été mis à la disposition des peuples indigènes à compter de 1995; il existe aujourd'hui 125 centres d'aide préscolaire pour les Autochtones dans les
communautés urbaines et du Nord à l'échelle du pays (voir www.phac-aspc.gc.ca/dca-dea/programs-mes/ahs_main-fra.php).
Le niveau de revenus et la situation sociale
La figure 2.1 n'était qu'un exemple du lien entre la situation sociale et la santé. La situation sociale d'une personne se définit à la fois par une
combinaison de sa richesse, de son niveau d’instruction, de sa profession et de son mode de vie. Dans un deuxième temps et à différents égards,
elle s’explique par d'autres facteurs comme l'ethnicité, la personnalité et le hasard. Chacun de ces éléments, seul ou combiné, peut influencer la
santé d'une personne de manière positive ou négative. Peu importe le marqueur de la situation sociale (richesse, instruction, profession ou pouvoir)
et l'indicateur de la santé choisi (longévité, taux de mortalité, morbidité ou détresse autodéclarée), on observe une tendance universelle : les
personnes dont la situation sociale est plus élevée sont en meilleure santé. Les exceptions sont rares et souvent transitoires. On en a vu un
exemple dans les années 1930 lorsque les cardiopathies étaient en hausse. De nombreux cas sont survenus chez des personnes riches qui avaient
les moyens de s'alimenter en conséquence et d'adopter un mode de vie sédentaire. Toutefois, la baisse subséquente des cardiopathies a été plus
prononcée chez les riches, et le gradient social familier s’est rétabli12. On a maintenant recours à l'expression inégalités sociales en santé (voir
Inégalités en santé dans le glossaire) pour définir l'association entre la situation sociale et la santé, laquelle est résumée dans de nombreux
écrits.1,13,14
Les indicateurs de la position sociale
La position d'une personne dans la société influence sa santé de maintes façons : par son mode de vie (l'alimentation et les possibilités de faire de l'activité
physique varient en fonction de la richesse), par son niveau d'instruction (qui peut jouer dans la compréhension des risques pour la santé et influencer l'aptitude
d'une personne à suivre les consignes thérapeutiques), par son emploi (qui peut nuire à la santé s'il est dangereux ou stressant; l'accident de Paul a été causé par
un travail dangereux à un moment particulièrement stressant de sa vie), par ses conditions de vie (les crises d'asthme de Peter, le fils de Mme Sulawesi, sont
probablement exacerbées par l'humidité dans leur appartement), et ainsi de suite.
Il est impossible de mesurer la position sociale directement. Elle doit être décrite à l'aide d'au moins un indicateur (puisque la santé ne peut être mesurée
directement par elle-même). Les indicateurs les plus courants sont le revenu (ou la richesse dans son ensemble), l’instruction et la profession. Il est difficile de
déterminer lequel est le meilleur; le choix varie en fonction de la disponibilité des renseignements. Parfois, la nature de l'affection de santé dictera un indicateur
plutôt qu'un autre (une étude sur les maladies pulmonaires professionnelles utilisera probablement une classification professionnelle comme indicateur principal).
Dans le cadre d'applications non spécifiques, chaque indicateur a ses avantages et ses limites. Le revenu est un indice utile des caractéristiques du mode de vie,
comme l'alimentation et les conditions de vie, qui peuvent s'avérer pertinentes dans le cas de certaines affections. Par contre, le revenu doit habituellement être
ajusté selon le nombre de personnes qui en dépendent, et il peut être un mauvais indicateur du mode de vie pour des groupes comme les étudiants, dont la
pauvreté est vraisemblablement temporaire. Le niveau d’instruction a l'avantage de demeurer relativement stable chez les personnes de plus de 25 ans environ et,
dans une certaine mesure, il peut prédire le revenu et s'avérer utile pour prédire des affections comme la déficience cognitive. Le groupe professionnel peut être
difficile à classer et, comme le revenu, il peut changer rapidement. Les antécédents professionnels sont ainsi difficiles à résumer. La profession peut cependant être
un très bon indice de la santé, étant donné que les personnes dont les revenus et l’instruction sont les mêmes, mais qui travaillent dans des milieux très différents,
sont exposées à des risques pour la santé tout aussi différents. À l'occasion, les études utilisent un indicateur composé de la position sociale, qui englobe les trois
indicateurs cités, mais on en choisit habituellement un seul, selon la nature de l'affection et la disponibilité des données.
La plus évidente parmi ces influences est le revenu (surtout s'il est insuffisant). L’influence du revenu se fait sentir de manière relative ou absolue.
La pauvreté absolue désigne un manque de ressources pour combler les besoins fondamentaux : un logement, une alimentation nutritive, des
vêtements et de l’instruction. Les personnes pauvres n'ont pas suffisamment de ressources et de possibilités pour faire des choix qui favorisent la
santé. Le fait d'être pauvre peut aussi exposer les gens à un environnement physique de qualité inférieure, qui peut poser des risques pour leur
santé. La pauvreté absolue est le déterminant principal de la santé dans les pays à faible revenu; les nourrissons et les enfants sont
particulièrement sensibles à ses effets. Dans les pays riches, cependant, les personnes très pauvres ne sont pas les seules victimes des disparités
de l'état de santé, comme on l’a vu avec le gradient de santé de la figure 2.15. Comme il existe un gradient de santé dans toutes les catégories de
revenu, on doit utiliser le revenu relatif, et non la pauvreté absolue, pour analyser les inégalités en santé dans les pays à revenu intermédiaire ou
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élevé. La pauvreté relative dénote un niveau de revenus beaucoup plus faible que celui des autres groupes dans une communauté. Plus qu'un
simple contraste binaire entre riches et pauvres, elle représente le gradient social (voir Pour les mordus).
Revenu relatif et revenu absolu
Un gradient de santé selon le revenu ne veut pas nécessairement dire que le revenu en soi est responsable de l'effet de gradient; le revenu peut être le marqueur
d'un éventail de facteurs causaux possibles (milieu de vie, mode de vie, etc.). En fait, la position sociale relative est souvent un indice plus important de la santé que
le niveau de revenus absolu. L'argent n'est peut-être pas la véritable influence. Une personne qui gagne 20 000 $ par année a tendance à être plus en santé s'il
s'agit du revenu moyen du pays que si ce revenu est inférieur à la moyenne.
Si la position sociale relative influence la santé, la santé de la population sera inférieure dans une société où la hiérarchie sociale est inégalitaire (où il y a des
personnes très riches, mais aussi des très pauvres) que dans une société où l'écart hiérarchique ou de revenu est restreint. La disparité du revenu est donc un
déterminant important de la santé : parmi les pays riches, la plage des revenus peut avoir un impact beaucoup plus significatif sur la santé de la population que le
revenu moyen. Cette découverte ne laisse pas indifférent. On lui a proposé plusieurs explications plausibles. Certaines des voies par lesquelles la situation sociale
et les disparités du statut dans une région influent sur la santé sont décrites par Wilkinson et Marmot, et par Kawachi et al.15,16
Nous avons vu que l'incapacité de Paul et sa situation de travail précaire peuvent lui causer des difficultés économiques et compromettre son rang dans la
communauté. Il fume et a pris du poids. Ces deux réalités contribuent à son risque de maladies cardiovasculaires et autres. Par contre, ce pourrait être sa
perception de sa position dans la vie, de son statut, qui le porte à agir ainsi. La perception d’avoir un faible statut social est sans doute davantage un problème dans
une société où les disparités sont importantes que dans une société plus égalitaire. Le D r Rao devrait peut-être en tenir compte pour amener Paul à changer ses
habitudes.
Travailler auprès de patients vivant dans la pauvreté
Beaucoup d’organismes de santé ont pour mandat d’offrir des soins aux pauvres. Par exemple, les centres de santé communautaire en Ontario traitent souvent des
personnes sans assurance et sans abri et cherchent à créer une atmosphère où ces gens se sentent à l'aise. Le personnel sociosanitaire des centres de santé
communautaire est composé de médecins, d’infirmières praticiennes, de nutritionnistes, de travailleurs sociaux et de travailleurs d’approche, qui adaptent leurs
programmes aux besoins de la clientèle locale et peuvent fournir certaines ressources (une unité de réduction des méfaits, des ateliers pour les nouveaux
immigrants, des cours pour apprendre à cuisiner selon ses moyens, et ainsi de suite). Il arrive souvent que les membres de groupes ethniques utilisent le centre
après les heures d'ouverture pour des réunions et des activités d'entraide.
Le niveaud’instruction et la littératie
L'instruction est l'une des nombreuses caractéristiques qui contribuent à la position sociale, et qui en découlent. La position sociale d'une personne
pendant l'enfance influence son accès aux possibilités de s’instruire. Le niveau d’instruction qui en résulte influence la position sociale de diverses
façons : il a un impact sur les possibilités d'emploi, le revenu, l'entourage et l'endroit du domicile. Chacun de ces facteurs influence indirectement la
santé. L’instruction a aussi une influence directe sur la santé, car elle modifie l'aptitude d'une personne à naviguer dans le système de soins de
santé, à interpréter les renseignements médicaux et à communiquer efficacement avec les médecins et autres professionnels.17,18 La « littératie en
santé » désigne l'aptitude du patient à comprendre les renseignements médicaux et à suivre les consignes thérapeutiques. Les médecins doivent
être conscients que beaucoup de leurs patients ne sont pas en mesure de comprendre les renseignements concernant leur santé parce qu’on les
leur communique en utilisant un format qui ne convient pas à leur niveau d’instruction. Le niveau d’instruction peut aussi être un facteur de risque
pour certaines affections. La démence en est un exemple. Dans ce cas, un manque d’instruction peut mener à des professions qui exposent le
travailleur à des substances neurotoxiques qui nuisent à la fonction cérébrale. Inversement, les études supérieures, et les carrières stimulantes qui
s'y rattachent, peuvent établir des réseaux neuronaux complexes qui ralentissent le vieillissement du cerveau.19
Petit, Paul ne s'intéressait pas à l'école. Il avait de la difficulté à suivre en classe. Ses parents ne voyaient pas l'importance de l'instruction, car on pouvait trouver
dans les mines de bons emplois qui n'exigeaient pas d'études. Cependant, l'industrie minière a subi des revers, et les directeurs de compagnies se sont permis des
libertés avec les lois en matière de sécurité. Paul s'est rendu compte que son travail n'était pas sécuritaire. Cela le préoccupait, mais il n'avait aucune façon de s'en
sortir. Il devait passer outre aux consignes de sécurité et travailler de longues heures. À la fin d'un quart de 12 heures, Paul a fait une chute et s'est tordu le cou en
portant une charge lourde et encombrante. Cette blessure a causé un arrêt de travail.
Les réseaux de soutien social
M me Sulawesi n’a pas de réseau de soutien social. Elle ne connaît personne qui parle sa langue maternelle. Elle se sent seule dans un lieu
étranger. Le soutien social comporte plusieurs bienfaits pour la santé. Il est une source de réconfort et offre un lieu sûr où une personne peut parler
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de ses problèmes, ce qui l'aide à affronter l'adversité. Avec un réseau de soutien social, on trouve des renseignements et une aide pratique : on
connaît toujours quelqu’un qui peut offrir de l'aide si besoin est. Un tel réseau encourage aussi les gens à adopter des comportements plus sains.
Selon l'Enquête sociale générale de 2003, l’état de santé autodéclaré est positivement associé à l’existence d’un bon réseau de soutien social, à
l’appartenance à des organismes, à la réciprocité (le fait de donner et de recevoir de l'aide), au bénévolat et au fait de recevoir de l'aide pour
accomplir ses tâches quotidiennes.20
Ces mêmes associations entre les liens sociaux et la santé sont présentes au niveau de la population : les communautés en santé se créent des
réseaux de collaboration pour aborder leurs problèmes sociaux et économiques. Le capital social désigne la volonté des gens de s’unir et de
s'engager dans des actions collectives, ce qui en retour renforce la confiance au sein des réseaux; les programmes de surveillance de quartier en
sont un exemple. Par contre, un faible capital social est caractérisé par un manque de volonté de collaborer avec les autres, qui sont perçus comme
étant différents. Cette situation se présente généralement là où il existe des disparités importantes dans les revenus et une perception d'inégalités
sociales. Selon Kawachi et al., un faible capital social est lié à un taux plus élevé de mortalité, alors que l'adhésion à des groupes sociaux est liée à
un taux plus faible de mortalité, toutes causes confondues.16 Selon une analyse documentaire transnationale, le capital social serait associé à de
plus hauts niveaux de santé, de bien-être et de soins des enfants et à des taux de criminalité plus faibles.21
L'emploi, les conditions de travailet la santé au travail
Selon l'OMS, les pratiques équitables en matière d'emploi et un travail décent sont les pierres angulaires de la santé. L’Organisation préconise un
salaire minimum juste, le plein emploi et des normes de santé et de sécurité en milieu de travail.14 Bien que le taux global de chômage au
Canada(6,3 % en 2008) soit à envier d'un point du vue international, il existe des iniquités dans certaines régions et groupements de population (p.
ex., 11,5 % des nouveaux immigrants sont chômeurs, et beaucoup d’autres sont sous-employés).22
Le stress professionneltouche de nombreuxCanadiens, surtout les femmes.23 Il coïncide avec d'autresdéterminants, comme le revenu : les
ménages aux revenus les plus faiblesdéclarent des niveauxélevés de stress professionnel en raison de la précarité et de l'insatisfactionliées au
travail. Les travailleurs qui disentavoirunemploiprécaireéprouventdavantaged'effets physiques et mentaux indésirables.24 Le stress
professionneldécoule de la combinaisond’exigencespsychologiquesélevées (comme le fait de devoir travaillerrapidement) et d'un manque de liberté
par rapport aux décisions relatives au travail (comme le fait d’avoir un poste de subordonné).25 M me Sulawesi rencontretouscesdéfisdans son
travail. Ce stress résulteaussid'unedisparité entre l'effortexigé et la récompense : les postespeurémunérés qui exigent un effort important donnent
lieu à un stress, ce qui mènesouvent à des problèmes de santé.26 Selonuneétudedans le cadre de laquelle on a suivi 10 000
fonctionnairesbritanniques pendant dixans, le manque de contrôle en milieu de travail augmente le risque de maladies cardiaquessubséquentes.
Des tâches plus variéeset un plus grand pouvoirdécisionnel au travail pourraientdiminuer le risque.27
Le stress professionnel (voir Maladie aggravée par le travail dans le glossaire) découle du contrôle qu’une personne pense exercer sur les exigences de son
travail, de sa satisfaction professionnelle, des niveaux perçus de risque physique et de la sécurité d'emploi.
Pour l’instant, Paul est sans emploi et touche une indemnité d'accident du travail. On ignore le niveau de stress professionnel qu’il vivait au moment de son
accident, mais il est probable que le travail de mineur est lié à un stress physique considérable et, possiblement, à un stress mental en raison du niveau élevé de
risque qu’il comporte. Son indemnité d’accident du travail peut soulager certaines des inquiétudes financières de Paul, mais elle ne correspond pas à son salaire
de mineur, et ses possibilités d'emploi futures sont limitées. Les symptômes qu'il présente sont aggravés par son stress. Il est ainsi encore moins en mesure de
trouver un emploi.
Le fardeau des obligations familiales : être aidant naturel
Prendre soin d'un parent malade ou âgé occasionne souvent un travail non rémunéré, surtout pour les femmes. Chez les aidants naturels qui ont aussi un emploi,
cela peut augmenter le stress professionnel et nuire à la sécurité d'emploi en raison des absences liées au soin du parent. La diminution du revenu qui en découle
a des répercussions sur toute la famille. En 2006, on a mis sur pied les prestations de compassion dans le cadre de l'assurance-emploi pour réduire le stress en
offrant un revenu supplémentaire aux personnes qui prennent soin de parents malades. La loi fédérale stipule que ces soins sont destinés à une personne qui
présente un risque considérable de mourir.
Les maladies professionnelles sont des troubles qui découlent des conditions de travail, généralement des expositions aux dangers physiques,
chimiques et, parfois, psychologiques. Le mésothéliome qui découle d'une exposition à l'amiante en est un exemple. Il s'agit de dangers
environnementaux qui surviennent de manière concentrée en milieu de travail; le traitement et la prévention de telles maladies relèvent de la
médecine du travail(voir Santé au travail dans le glossaire). On distingue les maladies professionnelles des affections aggravées par le travail
(voir Maladie aggravée par le travaildans le glossaire), dont les causes sont liées à d'autres aspects de la vie du patient, mais qui sont exacerbées
par ses conditions de travail. Par exemple, une maladie cardiovasculaire ou une lombalgie peut se manifester après une période prolongée. Il est
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possible qu’elle se soit déclarée en l’absence d’un effort lié au travail, mais elle peut être aggravée par certains types d’emplois.
On distingue les maladies professionnelles des accidents du travail, qui résultent d'un traumatisme survenu en milieu de travail (foulure, entorse,
lacération, brûlure, contusion). Les accidents du travail découlent surtout de facteurs mécaniques (lever des charges, se pencher) ou de
défaillances dans les mesures de sécurité. Ils sont une source importante d'incapacité et de mortalité au Canada. En 2003, 630 000 travailleurs ont
subi au moins un accident du travail limitant leur activité. Ces accidents se produisent plus souvent chez les hommes que chez les femmes (5,2 %
contre 2,2 %). Plus le revenu d'un travailleur est faible, plus il est probable qu'il subisse un accident de travail.28
Le domaine de la santé au travail comprend la gestion et la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail, ainsi que
l'amélioration globale des milieux de travail. Son fondement est simple : le travail et la santé s’influencent réciproquement de manière positive ou
négative. Le rôle du médecin en santé au travail est de maintenir une relation positive entre les deux.
L’environnement physique
Les influences environnementales sur la santé peuvent être positives ou négatives et englober une vaste gamme de facteurs : à l'échelle mondiale
(changement climatique), à l'échelle nationale et régionale (récessions économiques, conflit, pollution atmosphérique et des eaux), à l'échelle locale
dans le milieu bâti (qualité de l'air intérieur) et dans l'environnement social. On comprend clairement les effets positifs d'un bel environnement, mais
la plupart des recherches médicales portent sur les aspects négatifs de l'environnement. Les expositions aux contaminants dans l'air, l'eau, les
aliments et le sol sont associées à de nombreuses maladies chroniques et à des maladies transmissibles émergentes. Le changement climatique et
son cortège de températures extrêmes influent aussi sur la santé : l'hyperthermie par temps très chaud, les blessures dues aux conditions éoliennes
et pluviales extrêmes, les perturbations sociales entraînées par les changements du niveau de la mer et leurs effets sur l’agriculture, et la répartition
changeante des vecteurs et des agents infectieux introduisent des maladies dans des régions où elles étaient absentes auparavant.
La santé environnementale tient compte de tous les facteurs physiques, chimiques et biologiques extérieurs à une personne qui peuvent nuire à sa santé, et des
facteurs sociaux qui influencent ses comportements liés à la santé. Elle englobe l'évaluation et le contrôle de ces facteurs dans le but de prévenir la maladie et de
créer des environnements favorables à la santé.
Le Centre de collaboration nationale en santé environnementale est une des six centres de collaboration. Il réalise les revues systématiquessur les dangers en
santé environnementale et qui préparent des lignes directrices. Vous pouvez obtenir de plus amples renseignements sur son site Web, www.ncceh.ca/fr/accueil, où
vous trouverez des analyses documentaires, des communiqués de presse, des énoncés de politique et des descriptions de pratiques novatrices.
À l'échelle mondiale, l'Organisation mondiale de la Santé offre un site Web sur la santé environnementale au :
www.who.int/topics/environmental_health/fr/index.html.
La pollution atmosphérique au Canada
Environnement Canada présente les tendances dans les émissions de polluants atmosphériques. Les émissions proviennent surtout de la fonderie et de l'affinerie
de métaux, puis de la production d'électricité. Les émissions de dioxydes de soufre au Canada sont en baisse constante; elles sont passées de 3,73 millions de
tonnes en 1985 à 1,9 million en 2007. Les tendances pour les oxydes d'azote, dont environ la moitié provient des émissions de l'industrie du transport, se sont
maintenues pour cette même période, passant de 2,66 à 2,47 millions de tonnes. Les émissions de monoxyde de carbone (CO) ont baissé, passant d'environ 16,8
millions de tonnes en 1985 à 11 millions en 2007. La source majeure de CO est l'industrie du transport. Le CO est en baisse constante depuis que l’on a resserré
les normes régissant les émissions des véhicules, mais il provient aussi de sources naturelles comme les feux de forêt. Son niveau varie considérablement (il a
présenté un creux de 760 000 tonnes en 1985 et un sommet de 9,4 millions de tonnes en 1989). La santé respiratoire est également influencée par les matières
particulaires totales (MPT) dans l'air. La quantité de MPT de sources industrielles a diminué d'environ la moitié entre 1985 et 2007, mais cela ne représente qu'une
petite partie du problème global : près de 95 % des MPT proviennent de « sources ouvertes » (la poussière des routes, de l'agriculture et des chantiers), qui
émettent près de 17 millions de tonnes de MPT par année, et le nombre de ces sources continue d'augmenter.
Les polluants atmosphériques peuvent aussi causer le changement climatique, qui touche chaque communauté de manière différente. « Des infrastructures
inadéquates, l'ignorance des dangers, le manque de ressources humaines et sociales ou des disparités économiques pourraient empêcher certaines collectivités
de faire face avec succès à des problèmes climatiques. Les personnes qui travaillent dehors sont plus vulnérables puisqu'elles sont directement exposées aux
chaleurs extrêmes et aux taux élevés de rayons ultraviolets (UV). Les individus qui vivent de la terre ou dont la subsistance tient à un emploi dans le secteur des
ressources naturelles sont également plus exposés.29 »
De plus amples renseignements selon la perspective canadienne sont disponibles dans les rapports de Ressources naturelles Canada.30
La qualité de l'air atmosphérique est en hausse constante au Canada, bien que les habitants des centres urbains vivent encore des épisodes de
mauvaise qualité de l'air. L'air intérieur peut contenir des constituants nuisibles pour la santé, comme l'amiante, les moisissures, le radon, le
monoxyde de carbone et le méthane. Le « syndrome des bâtiments malsains » désigne une gamme d'affections liées au fait de vivre ou de travailler
dans des bâtiments étanches où la qualité de l'air est mauvaise. Cependant, la plus grande menace à la qualité de l'air intérieur au Canada
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demeure la fumée du tabac, surtout pour les enfants qui vivent avec des fumeurs. Ces enfants souffrent plus souvent d'asthme et de bronchite,
présentent un risque plus élevé de mort subite du nourrisson et sont plus souvent atteints d'infections pulmonaires et d'otites que les enfants qui
vivent dans des foyers où l’on ne fume pas.
La conception de l'environnement bâti influence aussi la santé. Le surpeuplement des logements et la conception urbaine (qui touche le transport et
le potentiel piétonnier des quartiers) sont de plus en plus perçus comme des facteurs de risque de maladies chroniques, et surtout d’affections
respiratoires.31 À mesure que les gens s’éloignent des centres-villes, ils doivent conduire davantage, ce qui augmente les collisions et favorise « les
taux de maladies cardiaques et respiratoires, l'obésité, et le stress découlant des déplacements quotidiens où le trafic est intense et des
augmentations des niveaux de bruit.14 » Dans les régions rurales, notamment, où la voiture personnelle est le seul moyen de transport et où la
marche et le vélo ne sont pas pratiques (et même souvent dangereux en raison des conditions routières), l'obésité est plus élevée qu’en milieu
urbain, et les accidents de la route sont fréquents.
Les services de santé individuelle et publique
Les percées dans les soins de santé ont entraîné des avantages énormes pour la santé et la longévité dans les pays développés et dans de
nombreux pays en voie de développement. L'invention des antibiotiques, l'antisepsie, les chirurgies salvatrices et les nouveaux produits
pharmaceutiques ont révolutionné la prise en charge d'une vaste gamme de maladies.
À l'échelle de la population, les interventions de santé publique (assainissement, lutte contre les maladies transmissibles, etc.) et la prévention des
maladies (immunisation, lutte antitabac et dépistage) ont beaucoup contribué à améliorer la survie et la santé.32 Les mesures relativement simples,
comme la protection des sources d'eau, ont souvent le plus d’impact sur l'état général de santé. Un exemple bien connu est la baisse de la
tuberculose en Angleterre et au pays de Galles. Comme l'illustre la figure 2.6, la mortalité liée à la tuberculose était en baisse depuis au moins 100
ans avant l'introduction d'un traitement efficace pour les cas individuels; cette baisse initiale découlait de mesures non spécifiques, comme
l’amélioration des logements et de la nutrition, et de mesures législatives, comme l'interdiction de cracher dans les lieux publics, qui ont réduit la
transmission de la maladie. Des baisses semblables sont survenues dans l'histoire de la poliomyélite, de la variole et de la coqueluche, lesquelles
ont répondu de manière spectaculaire aux améliorations de l'hygiène, bien avant la découverte de traitements médicaux efficaces.
Figure 2.6 : La baisse historique de la tuberculose en Angleterre et au pays de Galles, 1840?1970, avec le moment des découvertes
essentielles à la compréhension de la maladie
Bien que la plupart de maladies transmissibles étaient en baisse avant la découverte de vaccins, la vaccination a énormément réduit les taux d'incidence et de
décès. Par exemple, sur le site Web de l'Agence de la santé publique du Canada, on trouve un graphique qui illustre le lien entre l'utilisation croissante du vaccin
contre l'hépatite B et la diminution considérable de l'incidence de la maladie (www.phac-aspc.gc.ca/im/vpd-mev/hepatitis-b-fra.php).
Tous les citoyens profitent des interventions de santé publique qui améliorent la qualité de l'air et de l'eau, mais les bienfaits des soins médicaux
individuels sont répartis moins également. À peu près quatre millions de Canadiens n'ont pas accès à un médecin de famille.33 Malgré les soins de
santé universellement assurés, l'accès aux médicaments, à la médecine dentaire, et aux soins et au soutien à domicile varie considérablement en
fonction du revenu, du lieu de résidence, voire même de l'ethnicité. Les cabinets de praticiens ont tendance à ouvrir dans les quartiers les plus
riches, où la valeur des propriétés est stable et où la qualité de vie attirera davantage d’employés, mais où le besoin est moins grand. La capacité
de tirer parti des programmes de promotion de la santé et de prévention est influencée par les niveaux de revenus et d’instruction : il est moins
probable que l’on construise des établissements qui jouent un rôle dans la promotion de la santé, comme les centres de culture physique, dans des
quartiers où habitent des personnes à faibles revenus ou des immigrants.34 Même en l'absence d’obstacles financiers à l’accès aux soins, nous
courons le risque de perpétuer les inégalités en santé si nos programmes ne sont pas accessibles en raison de leur emplacement ou parce que les
bénéficiaires ne se sentent pas à l'aise de se présenter aux établissements. Notons que les établissements de soins de santé sont généralement
situés dans des endroits plus facilement accessibles aux personnes riches vivant en milieu urbain. De nombreux services spécialisés au Canada
sont maintenant décentralisés, ce qui gêne l'accès des personnes à faibles revenus vivant dans les quartiers ruraux. Il faut mettre sur pied des
cliniques qui simplifient l'accès des groupes défavorisés : des cliniques pour les personnes de la rue, les travailleurs du sexe et les toxicomanes; des
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cliniques de planification familiale pour les adolescentes; et des cliniques où le personnel parle des langues minoritaires et où il est sensible aux
réalités culturelles.
Le sexe et le genre
Le sexe désigne l'identité biologique, le fait d'être un homme ou une femme. À l'heure actuelle, les femmes au Canada vivent en moyenne plus
longtemps que les hommes, comme l'illustre la figure 2.1. Les différences biologiques entre les sexes, ainsi que les contrastes dans la répartition
d'autres déterminants de la santé (mode de vie, statut et accès aux services) contribuent à cet écart. Les premières sont des différences entre les
sexes, tandis que les deuxièmes sont des différences entre les genres. Ces deux types de différences peuvent exercer une force opposée. Surtout
en raison du mouvement féministe, on a porté une attention particulière aux disparités de genre. Elles surviennent dans toutes les sociétés,
touchent au pouvoir, à la liberté, aux ressources et aux valeurs, et peuvent avoir des répercussions sur la santé. Comme les disparités (voir
Disparités de l'état de santé dans le glossaire) sont générées socialement, on pourrait, en principe, les corriger. Certains des exemples les plus
frappants sont l'exploitation des femmes dans l'industrie du sexe, les mariages de femmes mineures ou les conditions de travail dans les ateliers
clandestins de l'industrie du vêtement. Dans les pays développés, il existe souvent des iniquités du revenu liées au genre; les femmes (à l'extérieur
de l'industrie agricole) gagnent environ 20 % de moins que les hommes.35 Comme les parents seuls sont presque toujours des femmes, le revenu
inférieur des femmes concerne aussi leurs enfants.14
Le genre « renvoie à toute la gamme des rôles déterminés socialement, les traits de personnalité, les attitudes, les comportements, les valeurs, l’influence et le
pouvoir relatifs que la société attribue de façon différente à l'un et à l'autre sexe.36 »
Les iniquités liées au genre ne résultent pas uniquement des disparités du revenu; le genre est aussi associé à l'accès différentiel aux services de
santé, aux obligations inégales de s’acquitter des tâches familiales non rémunérées et aux disparités dans la nutrition.13 Des iniquités liées au genre
existent également dans la recherche sur la santé : par le passé, il était plus probable que les études évaluant divers médicaments aient recours à
des sujets expérimentaux de sexe masculin. L'interaction entre les facteurs liés au sexe et au genre et les résultats cliniques des maladies
cardiovasculaires chez les femmes est toujours un domaine de recherche important.37 Par exemple, les femmes ne présentent pas une maladie
cardiaque de la même façon que les hommes et sont moins susceptibles de recevoir un bon diagnostic et un traitement en temps opportun. En
outre, les bienfaits de nombreuses interventions varient entre les hommes et les femmes.38,39
La culture
« La culture est un système d'idées, de valeurs et de métaphores que l'on utilise ou que l’on incarne de manière consciente ou subconsciente dans
la vie de tous les jours. Il ne s'agit pas d'un strict ensemble de traits comportementaux, mais d'un système fluide et adaptatif d’attribution de sens.40
» L'origine culturelle d'une personne influence grandement ses croyances, ses comportements, ses perceptions, ses émotions, son langage, son
alimentation, son image corporelle et ses attitudes quant à la maladie, à la douleur et au malheur. Tous ces éléments peuvent influencer la santé et
le recours aux soins de santé.41 La culture « explique ce que l'on doit savoir et faire pour fonctionner dans une certaine société.42 » Nous donnons
ici un aperçu des manières dont la culture peut influencer la santé; dans le troisième chapitre, nous verrons les manières dont les cliniciens peuvent
incorporer la sensibilisation culturelle dans leur pratique quotidienne de la médecine.
La science est universelle, mais l'accès à la science et à ses interprétations varie en fonction de la culture. Le savoir acquis est influencé par notre
culture, ce qui détermine, par exemple, les sujets que nous étudions et les livres que nous lisons à l'école. En outre, en l'absence de savoir, ce sont
souvent les croyances culturelles qui l'emportent. Personne ne sait ce qui arrive après la mort, mais toutes les cultures adoptent des rituels
caractéristiques face à la mort, fondés sur leurs croyances. La culture sous-tend aussi les valeurs, lesquelles sont des croyances profondes qui
définissent ce qui est souhaitable et moral. Les valeurs influencent les attentes comportementales, comme la manière dont les actions d'un médecin
sont perçues par le patient. Les interventions qui visent à appuyer les comportements sains sont plus efficaces lorsqu'elles tiennent compte de la
culture de la population cible et que la communauté contribue activement à la conception et à la mise en ?uvre de l'intervention.43 Cependant, bien
que les cultures soient partagées, les personnes de même culture sont loin de former un groupe homogène. Il faut éviter le piège de présumer que
toutes les personnes d’une certaine culture vivent selon les mêmes normes et valeurs ou réagiront de la même manière aux idées et aux
connaissances nouvelles. On peut éviter certaines erreurs en veillant à considérer la culture comme une influence sur le comportement dans
chaque contexte, plutôt qu'en général.41
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Le partage et la transmission de la culture
La culture est apprise et transmise d'une génération à l'autre par le processus de la socialisation. Les parents transmettent des valeurs culturelles, mais les pairs et
les écoles le font aussi. Les enfants de familles immigrantes reçoivent souvent des messages conflictuels de la part de la famille et des pairs. La rébellion
adolescente, qui peut avoir des conséquences graves sur la santé, comme l'abus de drogues, découle souvent de la lutte d'une jeune personne pour identifier le
code culturel à suivre.
La culture n'est pas unitaire. La plupart des sociétés sont composées d'une culture populaire et de diverses sous-cultures. On peut les définir selon l'âge (la culture
adolescente), le mode de vie (la culture homosexuelle), l'ethnicité (la culture antillaise), le lieu (la culture de la rue), voire même les problèmes de santé (la culture
de la toxicomanie, les Alcooliques Anonymes). La plupart de personnes participent à au moins deux cultures en même temps.
L'ethnicité est un terme imprécis pour désigner l'identité collective selon une combinaison de la race, de la religion ou d'une histoire particulière. Un groupe
ethnique partage des coutumes culturelles qui le distinguent des groupes environnants. À la différence de la race, les caractéristiques ethniques partagées sont des
valeurs, des normes et des idées plutôt que des caractéristiques physiques. Les groupes ethniques sont habituellement des sous-groupes d'une culture ou d'un
regroupement racial. L'ethnicité peut désigner la manière dont une personne se décrit selon son origine, son histoire et sa culture.
La race est une classification quasi biologique des êtres humains qui se fonde sur les caractéristiques physiques communes héréditaires : « une division de
l'espèce humaine possédant des traits qui sont transmissibles par la descendance et suffisants pour être caractérisés comme étant de type humain. » La race n'est
pas une classification rigoureuse sur le plan scientifique. Il existe des mélanges parmi les races, et il peut y avoir davantage de différences génétiques dans une
même race qu'entre deux races.
Le multiculturalisme est la reconnaissance de la diversité raciale et culturelle et le respect des coutumes et des croyances des autres. Il comprend le droit à
l'égalité des chances et de la reconnaissance, sans distinction de race, de couleur ou de religion.
Les préjugés sont des idées sans fondement (généralement négatives, mais pouvant aussi être positives) au sujet d'un groupe (racial, social ou ethnique). Ces
idées résistent au changement et se prêtent rarement à une discussion logique.
Les combinaisons de déterminants
Les paragraphes précédents portent sur les déterminants individuels de la santé, mais les différents déterminants sont souvent regroupés chez les
personnes ou les communautés. Par exemple, il est probable qu'une personne peu instruite occupe un emploi insatisfaisant et mal rémunéré, et
vive dans un logement médiocre. Au niveau de la communauté, elle habite probablement un quartier indésirable, peut-être parce qu’il est situé près
d'un complexe industriel où la circulation est dense. Les services dans le secteur sont vraisemblablement peu nombreux et, étant donné le manque
de cohésion sociale, le quartier a peu de chances d’acquérir un pouvoir politique suffisant pour exiger des améliorations. Étant donné cet ensemble
d'éléments, il est difficile d'identifier les déterminants individuels qui sont associés aux résultats cliniques personnels. De plus, les différents
déterminants peuvent créer des boucles de rétroaction. Par exemple, les logements surpeuplés causent une hausse de la transmission des
infections, et donc une augmentation des arrêts de travail, et donc une diminution du revenu, ce qui force les gens à vivre dans des logements
surpeuplés. On désigne cette multiplicité d'associations, de liens et de boucles de rétroaction par l'expression « réseau de causes44 ».
Les comportements liés à la santé
De nombreux déterminants sous-jacents influencent la santé par l'entremise de comportements personnels. Par exemple, un manque d'activité
physique, une alimentation à haute teneur en matières grasses et la consommation d'alcool ou de tabac occasionnent des facteurs de risque
personnels de maladie, alors que l'activité physique régulière et l'alimentation saine entraînent des bienfaits pour la santé.
L'usage du tabac. Au cours des 25 dernières années, la proportion de Canadiens qui fument la cigarette régulièrement est en baisse constante :
une véritable victoire pour la santé publique. Selon l'Enquête de surveillance de l'usage du tabac au Canada (ESUTC), menée annuellement, la
proportion des Canadiens qui disent « fumer quotidiennement ou à l'occasion » est passée de 25 % en 1999 à 18 % en 2008; cela représente
environ 1,2 million de fumeurs en moins. Les taux de tabagisme au Canada sont plus bas que dans beaucoup d’autres pays de l'OCDE, bien que
l'industrie du tabac exerce toujours une pression importante pour s’imposer. La fabrication du tabac est une industrie importante au Canada; elle a
contribué 1,7 milliard de dollars au produit intérieur brut en 2004.45,46
L'alimentation et l'activité physique. Les aliments que nous consommons et notre niveau d'activité physique ont des effets directs sur notre poids.
Environ 49 % des Canadiens faisaient de l'embonpoint ou étaient obèses (indice de masse corporelle (IMC) > 25) en 2007, comparativement à 25 %
en France et à 21 % au Japon.47 Un IMC élevé, un mode de vie sédentaire et une mauvaise alimentation augmentent les risques de diabète, de
maladies cardiovasculaires, d'arthrose, et ont d'autres conséquences médicales et sociales négatives. Comme c'est le cas pour l'usage du tabac, il
existe d’importants déterminants qui favorisent l'obésité dans la société et l'industrie. Par exemple, les bonnes habitudes alimentaires sont plus
coûteuses, et les familles à faibles revenus n'ont souvent pas les moyens de bien s'alimenter. En outre, le sel, le sucre et les matières grasses
peuvent créer une dépendance de manière très semblable à la nicotine. Selon Kessler, le potentiel d’accoutumance du sel et du sucre permet à
l'industrie alimentaire d'inciter les gens à surconsommer.48 Les profils d'activité physique sont également influencés par la conception
communautaire : dans les quartiers où le taux de criminalité est élevé, les gens évitent de faire de l’activité physique à l'extérieur.
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Comprendre les comportements liés à la santé
En général, les cliniciens sont d'avis que la modification des habitudes de vie de leurs patients (les aider à arrêter de fumer, à entamer un
programme d'activité physique, etc.) est longue et difficile. La psychologie offre plusieurs modèles théoriques pour cerner les facteurs personnels et
situationnels aptes à influencer les comportements liés à la santé; ils aident à expliquer pourquoi il est souvent si difficile de changer un
comportement.
Vous trouverez de plus amples renseignements sur les théories des comportements liés à la santé dans le document suivant : Theory at a glance: a guide for health
promotion practice, www.cancer.gov/PDF/481f5d53-63df-41bc-bfaf-5aa48ee1da4d/TAAG3.pdf.
Les comportements liés à la maladie. Dans la prestation de soins au patient, la promotion de la santé est souvent axée vers les comportements liés
à la santé. L’expression « comportement lié à la maladie » désigne les actions d'une personne en réponse à une morbidité ressentie, y compris le
fait de chercher ou non à recevoir des soins de santé et de suivre ou non les recommandations d'un médecin. En 1951, le sociologue américain
Talcott Parsons a décrit le « rôle de malade » comme une attitude socialement définie à l’égard de la maladie qui permet à une personne ayant reçu
un diagnostic de se défaire de ses rôles sociaux normaux. Cependant, en retour, la personne malade est tenue d'essayer de retrouver la santé, en
allant chercher des soins médicaux compétents et en suivant les recommandations du médecin.49,50 La décision d'un patient de consulter un
médecin est souvent appelée « demande de soins ». La demande peut chevaucher le besoin de soins, mais s'en distingue d'un point de vue
conceptuel. Il arrive que des patients demandent des soins sans en avoir un besoin précis (notamment si le besoin est défini selon le modèle
biomédical de la maladie). Inversement, les patients nécessitant des soins pourraient ne pas chercher à en obtenir. On traite la notion de besoin
dans la boîte ci-bas et traitera les mesures de besoin dans la planification des soins de santé dans le septième chapitre.
La définition du besoin
Le besoin de soins peut être défini de manière absolue : une personne est blessée et doit recevoir des soins d’urgence pour survivre. La difficulté est de savoir
quand s'arrêter; on peut penser que les patients mourants nécessitent des interventions héroïques, mais celles-ci peuvent prolonger l'affection sans la guérir. Tout
comme le propose le rôle de gestionnaire des ressources de la santé du programme CanMEDS, une approche différente consiste à définir le besoin de manière
relative, selon les avantages qui découleraient des soins possibles.
En se fondant sur l'approche relative, Acheson définit le besoin comme « l'aptitude d'une personne à profiter des soins. [Le besoin] existe lorsqu'une personne
présente une affection contre laquelle il existe une intervention efficace et acceptable.51 » Selon cette conception, s’il n’existe pas de soins efficaces pouvant aider
le patient, ce dernier n'a pas besoin de soins. Cela peut sembler paradoxal, mais dans une perspective de soins de santé, il est raisonnable d'employer les
ressources limitées à des activités offrant un avantage et de ne pas les gaspiller pour des traitements inefficaces.
Selon une synthèse plus récente des perspectives absolue et relative, la relation entre le besoin et la demande ne doit pas être conflictuelle. Le patient et le
médecin doivent négocier les attentes en matière de soins. Les fournisseurs ne font qu’offrir des services, et le patient et sa famille sont en partie responsables
d'identifier les services à recevoir.
La distinction entre le besoin et la demande nous rappelle les facteurs qui jouent dans la définition de la maladie. Celle-ci est influencée d'une part par la demande
(de traitements) et de l'autre, par l’offre (p. ex., la commercialisation des nouveaux produits pharmaceutiques, dont les ventes financent la recherche pour mettre au
point des produits qui répondront à la demande future).
Le Modèle des croyances relatives à la santé
Le Modèle des croyances relatives à la santé a d'abord été proposé par G.M. Hochbaum en 1958 pour tenter d'expliquer la participation aux
programmes de dépistage de la tuberculose. Il présente trois éléments qui peuvent déterminer si une personne suivra ou non la recommandation
d'un médecin et modifiera son comportement (en entamant un programme d'activité physique, en cessant de fumer, etc.) :
1. La personne ressent-elle le besoin d'agir? Cet élément est influencé par le degré auquel elle se croit susceptible à la maladie en question et par
la gravité perçue de la maladie.
2. La personne croit-elle que l'action recommandée est efficace? Préviendra-t-elle la maladie ou en réduira-t-elle la gravité? Y a-t-il des coûts ou des
limites sur le plan psychologique, financier ou autre, liés à l'action proposée?
3. Un certain signal doit également déclencher un véritable changement dans le comportement. Ce peut être un signal interne (l'apparition de
symptômes) ou externe (un ami qui tombe malade).52
La figure 2.7 est un croquis des composantes du modèle.
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Figure 2.7 : Aperçu schématique du Modèle des croyances relatives à la santé
Quel est le degré d'exactitude du Modèle des croyances relatives à la santé?
Selon une analyse documentaire réalisée par Janz et Becker sur la valeur prédictive du Modèle, les études prospectives témoignent de sa validité, tout comme
plusieurs études transversales. Les obstacles perçus quant à l'action semblent être le meilleur indice du comportement subséquent.53
Plusieurs études évaluent la capacité du Modèle à prédire le recours au dépistage mammographique, et le Modèle est utilisé pour orienter la conception
d'interventions visant à promouvoir ce dépistage. Selon Janz et al., les interventions qui tiennent compte des facteurs précisés par le Modèle ont tendance à donner
de meilleurs résultats, même s'il est souvent impossible, d’après les études, d'isoler les effets du Modèle des autres caractéristiques de l'intervention.54
La Théorie du comportement planifié
Pendant les années 1980, une analyse approfondie des comportements liés à la santé a donné lieu à la Théorie du comportement planifié (TCP)
d'Ajzen. Elle se fonde sur une perspective cognitive, ce qui veut dire qu'elle prend pour acquis que les comportements liés à la santé peuvent être
analysés en fonction d'une planification rationnelle.55 La TCP tient compte des idées du Modèle des croyances relatives à la santé (résumées à la
ligne supérieure de la figure 2.8), mais considère aussi le contexte social, en ajoutant l’effet des « normes subjectives » (les pressions sociales
perçues qui portent à agir d'une certaine façon). Ces dernières englobent les croyances du patient quant à la manière dont ses comportements
actuels et proposés sont perçus par les autres et la valeur accordée par le patient aux opinions de son groupe de référence. Le troisième élément
de la TCP porte sur le contrôle comportemental perçu par le patient, c'est-à-dire s'il se sent capable de concrétiser le changement proposé. Ce
contrôle découle de ses perceptions des obstacles à l'action et de l’assurance de pouvoir les surmonter. Cette notion se rapproche de l'autoefficacité.
Figure 2.8 : Aperçu schématique de la Théorie du comportement planifié
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Quel est le degré d'exactitude de la Théorie du comportement planifié?
La validité de la TCP est appuyée par une quantité impressionnante d’articles publiés, dont plusieurs méta-analyses et revues systématiques. Par exemple, selon
une méta-analyse datant de 1991, les variables de la TCP expliquent 50 % des variances dans l'intention comportementale (selon 19 études) et 26 % des
variances dans la prévision du véritable comportement (selon 17 études).55 Selon un examen systématique datant de 1996, la Théorie expliquerait 41 % des
variances dans l'intention et 34 % des véritables comportements liés à la santé.56
En 2001, Armitage et Conner publient une méta-analyse de 185 études, représentant un échantillon de plus de 300 000 sujets. La plupart des études sont
transversales, mais 44 études longitudinales prouvent la validité prédictive des intentions comportementales, et 19 études prédisent le véritable comportement. Les
résultats sont semblables : à peu près le tiers de la variance des comportements est prédit par la Théorie.57
Ces modèles représentent un vaste éventail de facteurs qui influencent les comportements liés à la santé et aident ainsi à déterminer pourquoi un
simple conseil n'est pas suffisant pour modifier le comportement d'un patient. Par contre, les modèles indiquent également que les facteurs qui
influencent les comportements sont logiques. Les comportements liés à la santé ne sont donc pas si mystérieux. Les stratégies visant à modifier les
comportements liés à la santé (qui sont évidemment les plus intéressantes pour le médecin) se fondent sur le Modèle des croyances relatives à la
santé et la Théorie du comportement axé sur un objectif, et font l'objet du huitième chapitre.
Questions d'auto-évaluation
1. Quels sont les « déterminants sociaux de la santé »?
Ce sont les aspects de la structure sociale, du fonctionnement et des institutions d'une société qui représentent, par de nombreuses voies distinctes, les causes
sous-jacentes des profils de la santé. Il existe de nombreuses listes de déterminants, dont celle des 12 déterminants de l'Agence de la santé publique du Canada
(le niveau de revenus et la situation sociale, les réseaux de soutien social, le niveau d’instruction, l'emploi et les conditions de travail, l’environnement social,
l’environnement physique, les habitudes de vie et les compétences d'adaptation personnelles, le développement sain durant l’enfance, le patrimoine biologique et
génétique, les services de santé, le sexe et la culture).
2. Décrivez les voies par lesquelles les déterminants sociaux influent sur la santé d'une population.
C'est la grande question, et elle n’est toujours pas résolue; comment, exactement, ces forces externes réussissent-elles à « percer la carapace » d’une personne?
De prime abord, on peut citer les voies comme les expositions différentielles (les lieux de résidence et de travail, etc.); les différents profils de comportements liés à
la santé et de modes de vie, définis socialement dans les deux cas; l'accès différentiel aux ressources comme l'alimentation et les soins de santé adéquats, qui
peuvent entraîner des écarts dans la prévention et les soins lorsqu'un problème survient; les différents profils de sentiments et d'émotions qui peuvent aider à
affronter l'adversité, y compris les problèmes de santé (désespoir vs confiance, sentiment de contrôle ou d’auto-efficacité, etc.); ainsi que les différents niveaux de
rapports sociaux qui peuvent fournir une aide pratique et des renseignements fiables, ainsi qu'un soutien affectif.
3. Que signifie l'expression « iniquités en santé »?
Ce sont les inégalités en santé qui entraînent un désavantage systématique chez un groupe identifiable et que l'on peut prévenir et corriger (du moins en théorie) :
les éléments comme le manque d'accès aux soins de santé pour les personnes non assurées ou la vie plus courte des personnes pauvres. Les iniquités nous
portent à agir sur le plan éthique.
4. Illustrez par des exemples comment le genre peut occasionner des iniquités en santé.
Notons que cette question peut s'appliquer à toute autre division sociale identifiable. Pour le genre, on peut d'abord s’interroger sur les valeurs sociales : les
femmes sont-elles traitées de manière égalitaire, ont-elles un accès égal aux ressources et aux possibilités et sont-elles réellement respectées? Existe-t-il des
programmes visant à atteindre une véritable égalité des chances (p. ex., des programmes de leadership à l'intention des femmes)? Là où les femmes sont jugées
égales aux hommes, respecte-t-on aussi les différences entre les sexes, par exemple dans les approches diagnostiques et les traitements médicaux?
5. En tant que médecin, que pouvez-vous faire pour contrer les iniquités en santé?
Jouer un rôle de promoteur : promulguer des mesures préventives efficaces et factuelles pouvant être appliquées de manière universelle et ainsi réduire les
iniquités. Les médecins sont très respectés dans la société et peuvent exercer des pressions efficaces sur les gouvernements pour attirer l'attention sur des enjeux
sociaux. Si vous signalez les répercussions sanitaires d’une iniquité, en citant des exemples précis et réels, votre public ne pourra faire autrement que de
considérer l’enjeu d'un point de vue personnel : les gens se diront « je risque, moi aussi, d’attraper telle ou telle maladie », ou « en tant que contribuable, c’est moi
qui paie pour les soins dispendieux pour les maladies évitables », etc. Les médecins peuvent aussi proposer des actions efficaces pour corriger les iniquités : il
s'agit souvent de règlements très simples comme d’interdire les jouets dangereux, d’installer une barrière en haut des escaliers dans les maisons où vivent des
tout-petits, ou de faire la promotion des sièges d'auto pour les enfants.
6. À quelle étape du parcours de vie le praticien de santé publique devrait-il intervenir pour prévenir le plus de maladies possible?
On s'entend généralement sur le fait que le plus rentable est de favoriser le développement sain du jeune enfant. Voir les écrits de Fraser Mustard à ce sujet.
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AFMC Petit Guide de la santé des populations
Chapitre 3 La compétence et la communication culturelles
Après avoir assimilé ce chapitre, le lecteur sera en mesure :
d’expliquer les effets de la culture et de la spiritualité sur la santé et les habitudes de vie, et leurs liens avec les autres déterminants de la santé;
de décrire l'importance et l'impact d'une communication bien adaptée à la culture du patient, de sa famille et, s'il y a lieu, de la communauté dans son
ensemble, concernant les facteurs de risque et leur modification;
de décrire l'impact des déterminants médicaux, sociaux et spirituels sur la santé et le bien-être des Premières Nations, des Inuits et des Métis;
de décrire le lien entre les pratiques gouvernementales antérieures et actuelles envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis (y compris, sans
toutefois s'y limiter, la colonisation, les pensionnats, les traités et les revendications territoriales) et leurs résultats sur la santé des générations suivantes.
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Dans la salle du personnel, D r Rao prend son repas avec la nouvelle recrue de la clinique. D re Middleton est arrivée il y a six mois, à la fin de sa résidence. Elle a
eu une matinée difficile. Pendant sa tournée dans l'unité des soins palliatifs, l'infirmière en chef l'a informée que la famille d'un de ses patients mourants, Darryl
Crow, lui causait des ennuis. Il est membre d'une communauté locale des Premières Nations. Cinq ou six membres de la famille sont dans la chambre de Darryl. Ils
prient souvent tout haut avec lui. Certains patients de l'unité, ainsi que leur famille, trouvent que ce comportement ne respecte pas leur besoin de tranquillité.
Par après, à la clinique, D re Middleton a rencontré Myriam Fortin, une jeune mère monoparentale de deux jeunes enfants, pour le suivi d’une légère hypertension.
Selon D re Middleton, l'hypertension de Myriam est causée par son obésité, et elle tente, en vain, de la convaincre de mieux s'alimenter et d’être plus active. Elle a
suggéré à Myriam de s'inscrire à un centre d'entraînement et aux séances d'information alimentaire offertes par la bibliothèque publique à prix raisonnable.
D re Middleton avoue avoir ressenti de la frustration lorsque Myriam a rejeté ses conseils en lui disant que toutes les femmes de se famille aiment manger et font de
l'embonpoint; selon sa grand-mère, c'est un signe de bonne santé.
Le dernier patient que D re Middleton a vu en matinée était Mary Monye, une jeune femme nigériane qui a immigré au Canada avec sa famille lorsqu'elle était petite.
Elle s'est plainte de symptômes qui, selon D re Middleton, découlent d'une maladie pseudo-grippale qui touche plusieurs patients ces jours-ci. Mary est une femme
instruite et salariée, âgée d'environ 25 ans. Elle a demandé un rendez-vous d'urgence ce matin, mais s'est présentée en retard avec sa mère et l'une de ses sœurs.
D re Middleton a trouvé la consultation assez difficile étant donné que les trois femmes avaient un mot à dire sur les antécédents médicaux de sa patiente et ont mis
en doute son diagnostic et le traitement proposé.
Sensibilisation, sensibilité et sécurité culturelles
Dans le dernier chapitre, la culture est définie sous l'angle des connaissances, des croyances et des valeurs que partage un groupe social. Les
humains tiennent au sentiment d'identité qui résulte de leur appartenance à un groupe identifiable. À l'époque primitive et nomade, la survie d'une
personne était plus certaine si elle établissait des liens solides avec un clan ou un cercle fermé de parents dignes de confiance. La coopération et le
partage se faisaient à l'intérieur du clan, plutôt qu'avec les personnes de l'extérieur, avec qui l’on se disputait les ressources limitées. Dans la société
moderne et son brassage de nationalités, nous sommes nombreux à tenir à notre identité culturelle. Nous faisons souvent référence à nos racines
culturelles ou à une double appartenance (« je suis canado-ukrainienne »). Nous devons être conscients de nos propres influences culturelles et de
leurs effets possibles sur notre perception de l'autre, notamment dans la relation médecin-patient. Cette relation comporte de nombreux non-dits qui
découlent de l’identité culturelle des protagonistes. Dans un pays comme le Canada, cela peut s'avérer un défi stimulant pour le médecin.
La culture et l'identité personnelle
Nous sommes tous uniques, mais nous partageons des similarités. La culture désigne les éléments que nous avons en commun, mais bien entendu, nous faisons
tous partie de nombreuses sous-cultures différentes (notre classe en médecine, notre équipe de soccer, le fait d’être Canadien irlandais, etc.). Toutes ces influences
confondues semblent faire de nous des personnes uniques. Par contre, malgré notre unicité, nous partageons la plupart de nos caractéristiques avec un groupe
identifiable.
Notre perception des autres se fait à travers le filtre ou la perspective de notre propre éducation culturelle. Il arrive que nous ne nous en rendions
même pas compte, ce qui peut causer des malentendus. Le clinicien doit être sensible aux réalités culturelles, s’y adapter, puis acquérir une
compétence culturelle pour que sa pratique soit assurée d'une sécurité culturelle.
La sensibilisation culturelle est le fait d’observer et de prendre conscience des ressemblances et des contrastes entre les groupes culturels et de comprendre
comment la culture peut influencer l'approche et la compréhension de la santé, de la maladie et de la guérison chez différentes personnes.
La sensibilité culturelle est la conscience (et la compréhension) des valeurs et des perceptions caractéristiques de notre propre culture et de la manière dont elles
façonnent notre approche aux patients d'autres cultures.
La compétence culturelle désigne les attitudes, le savoir et les compétences que nous devons posséder, en tant que praticiens, pour soigner efficacement des
patients d’origines diverses. La compétence nécessite une combinaison de savoir et de conviction, en plus d'une capacité d'agir. « Un médecin qui fait preuve de
compétence culturelle tient compte de l'origine culturelle du patient lorsqu'il s'entretient avec lui et lui offre des conseils et des traitements médicaux, et il
communique de manière à ce que le patient comprenne les possibilités thérapeutiques qui s'offrent à lui.1 »
La sécurité culturelle est plus que le résultat d’une pratique adaptée aux différences culturelles. Elle se manifeste quand le praticien comprend qu'il existe des
déséquilibres de pouvoir inhérents et une discrimination institutionnelle possible en raison des relations historiques entre des personnes d'origines différentes. Elle
sous-entend que le fournisseur de soins a réfléchi à sa propre identité et à la manière dont elle pourrait être perçue par des personnes de cultures différentes. Une
pratique sécuritaire sur le plan culturel sous-entend une aptitude à ne pas laisser ces différentes perspectives brouiller le traitement du patient, qui doit toujours être
considéré comme une personne digne de respect.
La compétence culturelle dans la pratique de la médecine exige que le praticien respecte et apprécie la diversité qui existe dans la société. Les
cliniciens qui font preuve de compétence culturelle reconnaissent les différences, mais ne se sentent pas menacées par elles. « Lorsque la
communication est culturellement compétente, les patients sentent que l’on a compris ce qui les préoccupe, qu’un lien de confiance s’est tissé et,
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surtout, qu’ils ont été traités avec respect.2 » Puisque le clinicien ne connaît pas nécessairement la culture de tous ses patients, l'approche directe
est souvent à privilégier : demandez au patient ce que vous devez savoir au sujet de sa culture et de son origine pour être en mesure de l'aider.
Une approche directe permet d'établir un respect mutuel et de personnaliser les soins à chaque patient. La sensibilisation à sa propre culture est
une étape importante pour se sensibiliser et s’adapter à la culture et à l'ethnicité des autres. Les cliniciens qui ne sont pas conscients de leurs
propres biais culturels pourraient, sans s'en rendre compte, imposer leurs valeurs culturelles à d'autres personnes. « En tant que médecins, nous
devons apporter de nombreux ajustements, tous les jours, dans nos interactions avec nos patients, afin de leur offrir des soins adaptés aux diverses
origines présentes dans notre société si multiculturelle.2 »
La sécurité culturelle désigne un échange médecin-patient où le patient se sent respecté et libre d'agir, et estime que l'on reconnaît sa culture et son
savoir. La sécurité culturelle a trait aux sentiments du patient lorsqu'il a recours à des soins de santé, tandis que la compétence culturelle désigne
les aptitudes requises par le praticien pour que le patient se sente en sécurité.3 Avant d’avoir une pratique culturellement sécuritaire, les praticiens
doivent réfléchir aux déséquilibres des pouvoirs inhérents à la prestation des soins de santé. Opter pour une approche sécuritaire sur le plan culturel
veut également dire adopter un rôle de promoteur de la santé : veiller à améliorer l'accès aux soins; exposer au grand jour le contexte social,
politique et historique des soins de santé; et mettre fin aux relations inégalitaires. Étant donné que le patient est pris en charge par plusieurs
systèmes de soins à la fois, lesquels sont influencés par sa famille, sa communauté et ses traditions, le praticien qui opte pour une pratique
culturellement sécuritaire permet au patient de définir sa propre sécurité culturelle.4,5
D r Rao et M. Crow
D r Rao explique à sa collègue qu’il a vécu des expériences semblables avec d'autres patients mourants de la communauté de M. Crow. À l’époque, il a discuté des
mesures à prendre avec le personnel responsable de l'unité des soins palliatifs, et on a convenu que les patients de la communauté locale des Premières Nations
devaient être hospitalisés dans une chambre au bout du couloir pour ne pas que les autres patients entendent les prières. Il se souvient d’avoir eu peine à obtenir
l’autorisation de l’administration, car certains gestionnaires ne voulaient pas donner l'impression que les membres de la communauté de M. Crow recevaient un
traitement préférentiel. Ils ont fini par s'entendre après avoir invité un porte-parole de la communauté à une réunion du personnel pour discuter des pratiques et des
croyances de la communauté face à la mort. Malheureusement, il y a eu depuis un roulement du personnel, et les besoins des membres de la communauté de M.
Crow ont encore une fois été oubliés.
L'angle culturel : l’influence de la culture sur la perception des autres
Notre culture influence la manière dont nous percevons à peu près tout ce qui nous entoure, même si nous n'en sommes pas conscients. Plusieurs concepts utiles
décrivent les enjeux qui peuvent en découler :
L'ethnocentrisme. C’est le sentiment que nos croyances, nos valeurs et nos habitudes de vie sont supérieures à celles des autres, et plus souhaitables. Par
exemple, vous êtes diplômé en médecine occidentale, mais votre patient insiste pour prendre un remède à base de plantes médicinales. Vous avez peut-être envie
de lui demander pourquoi il prend la peine de vous consulter! L'ethnocentrisme survient souvent de manière inconsciente et implicite dans le comportement d'une
personne. La réflexion personnelle est un précieux outil pour les médecins; elle leur permet de poser un regard critique sur leurs propres points de vue et
comportements ethnocentriques.
La cécité culturelle. C’est la tentative (souvent bien intentionnée) d'agir de manière impartiale sous prétexte que la race ne change rien. Si l'on ne reconnaît pas
les différences culturelles, les personnes d'une autre culture pourraient se sentir minimisées ou ignorées; on pourrait donner l'impression que leur race ou leur
culture ne sont pas importantes, et que les valeurs de la culture dominante sont universelles. La personne culturellement aveugle aura l'impression d'être juste et
impartiale, sans être consciente des sentiments qu'elle provoque chez les autres. La cécité culturelle devient, en réalité, le contraire de la sensibilité culturelle.
Le choc culturel. La plupart des médecins proviennent de familles de la classe moyenne et n'ont jamais été pauvres, sans abri ou toxicomanes. L'exposition à de
telles réalités chez leurs patients exige donc une capacité d'adaptation considérable, et elle peut être bouleversante. Il s'agit d'une expérience courante chez les
personnes qui visitent un taudis dans un pays en développement, mais un choc culturel peut également survenir dans un milieu familier lorsqu'une personne est
confrontée à l'avortement, à l'infanticide ou à la mutilation génitale des femmes.
Le conflit culturel. Un conflit survient lorsque les règles de sa propre culture contredisent celles d'une autre. Par exemple, dans la culture autochtone de M. Crow, il
est normal d'être entouré de membres de sa famille élargie quand on est mourant. Les invités chantent et pratiquent des rituels pour accompagner l'âme dans l’audelà; le bruit peut facilement ennuyer les autres patients mourants, qui cherchent plutôt la paix et la tranquillité.
L'imposition culturelle (ou l'assimilation ou le colonialisme). C’est l'imposition de points de vue et de valeurs de notre propre culture sans tenir compte des
croyances des autres. L’histoire des pensionnats pour enfants autochtones au Canada est un exemple d'imposition culturelle. On en trouve un excellent portrait
dans les archives électroniques de la CBC. On trouve aussi dans ces archives des court-métrages de propagande gouvernementale.
Le stéréotypage et la généralisation. Il ne faut pas présumer que les caractéristiques d’un groupe s'appliquent à toutes les personnes qui en font partie. Les
discussions portant sur la culture peuvent entraîner des généralisations dangereuses. Les préjugés sont la tendance à appliquer des idées reçues au sujet d'un
groupe à une personne du groupe. Cette sorte de sensibilisation culturelle peut être mal reçue dans des cas individuels. Pourtant, il peut être tout aussi nuisible
d'ignorer la culture (cécité culturelle). L'essentiel est de reconnaître les différences et de les respecter, et de demander au patient d'expliquer sa perspective en cas
de doute.
La pertinence de la culture pour la santé
La culture influence la santé de diverses façons :
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1. Les bonnes et les mauvaises habitudes de vie. Nous nous attardons souvent aux influences négatives de certaines cultures (la culture de la
drogue, ou la mauvaise alimentation en vogue chez les adolescents, par exemple), mais il ne faut pas oublier les influences positives de la culture
sur les comportements et les pratiques. Par exemple, les mormons et les adventistes du septième jour vivent plus longtemps que la population
générale. Cela est dû, en partie, à leur mode de vie, y compris à leur refus de l'alcool et du tabac, mais également à leur réseau de soutien social
étendu.6
2. Les croyances et les attitudes relatives à la santé. Elles comprennent ce qu'une personne perçoit comme étant une maladie exigeant un
traitement, et les soins et mesures préventives qu'elle est prête à accepter. Les témoins de Jéhovah, par exemple, refusent d'utiliser des produits de
sang total.
3. Les réactions au fait d'être malade. Le rôle de malade qu'adopte une personne (et, ainsi, la manière dont elle réagit au fait d'être malade) est
souvent guidé par ses racines culturelles. Par exemple, le machisme peut décourager un homme d'obtenir des soins médicaux en temps opportun;
la culture peut aussi déterminer de qui on acceptera des conseils.
4. Les types de communication, y compris le langage et les modes de pensée. Par contre, la culture peut aussi gêner la communication : un patient
pourrait ne pas être à l'aise d'exprimer son opinion au médecin, ou une femme, ne pas parler ouvertement devant son mari. De telles influences
peuvent entraver les efforts visant à établir une relation d'aide et, de ce fait, les soins au patient.
5. Le statut. La perception d’une culture par une autre peut miner le statut de groupes entiers de personnes et les placer dans une situation
désavantageuse. L'inégalité sociale qui en découle, voire même l’exclusion, devient un déterminant de la santé. Par exemple, dans certaines
sociétés, les femmes n'ont pas suffisamment de pouvoir pour exiger le port du condom.
La culture de la pauvreté
Le statut socioéconomique influence la plupart des aspects de la santé, mais la nature de cette influence est complexe et variée. Néanmoins, certaines constantes
peuvent s'avérer pertinentes pour le clinicien. L'expression culture de la pauvreté désigne des caractéristiques comportementales et conceptuelles que l'on peut
voir chez les personnes vivant dans des conditions de désavantage social. Voici certains points dont on doit tenir compte dans nos rapports avec des personnes
vivant dans la pauvreté :
1. Les personnes au bas de la hiérarchie sociale souffrent des mêmes maladies que le reste de la population, mais ont tendance à en présenter davantage.
2. Une personne pauvre et malade perçoit l'avenir comme étant sombre et évite donc d'y penser. Elle vit dans le présent et ne fait que des plans à court terme.
3. Une personne dont les choix sont limités se préoccupe de la survie au quotidien; survivre aujourd'hui est plus important qu'être en santé à long terme.
4. Des comportements qui peuvent sembler irresponsables à des gens de l’extérieur n’ont pas la même signification pour ceux qui vivent dans des situations
marginales. Par exemple, la grossesse pendant l'adolescence peut contribuer à l'estime de soi. La toxicomanie peut être un antidote à la réalité. Ces deux
exemples font durer la pauvreté, mais il ne faut pas oublier le besoin de survie susmentionné.
5. Il se peut qu'une personne vivant dans la pauvreté ne soit pas en mesure de suivre les conseils du médecin, faute de temps, d'argent ou de possibilités que le
médecin prend probablement pour acquis. Une personne pauvre n’aura pas nécessairement d’assurance-médicaments et donc ne pourra pas se permettre
d’acheter l’antibiotique que vous venez de lui prescrire.
6. Il ne faut pas confondre instruction et intelligence. De nombreuses personnes peu scolarisées comprennent très bien de nouveaux concepts s'ils sont expliqués
clairement.7 « Quand on n'est pas trop bien instruit, il faut utiliser son cerveau encore plus. » (citation attribuée à Yogi Berra)
Les catégories de la culture
La culture porte sur des profils de comportements et de valeurs. Une perspective plus large permet de grouper et de classer ces profils
apparemment aléatoires de manière rationnelle. Une classification de base s'avérera utile au clinicien dans sa pratique. On fait souvent la distinction
entre les sociétés ou les cultures collectivistes et individualistes. Les cultures collectivistes(comme certaines familles traditionnelles chinoises ou
certains groupes africains) sont fondées sur des valeurs de partage, de solidarité du groupe ou de la famille et d'interdépendance émotionnelle;
elles mettent l'accent sur les tâches et les obligations mutuelles, ainsi que sur la prise de décisions en commun. Par contre, les sociétés
individualistes (comme la société nord-américaine en général) préconisent l'autonomie, l'initiative personnelle, l'indépendance émotionnelle, le droit
à la vie privée, la recherche du plaisir et la sécurité financière. Les personnes de cultures collectivistes qui s'installent en Amérique du Nord se
sentent souvent isolées et comprennent mal qu’on les juge individuellement responsables de leur santé. Dans les cultures collectivistes, les familles
s’épaulent en toute circonstance, et les décisions relatives au traitement sont souvent prises en commun. Par conséquent, les familles de cultures
collectivistes s'occupent habituellement des personnes âgées dans le foyer familial, formant ainsi des familles à trois générations. Par contre, les
familles de cultures individualistes placent souvent leurs parents âgés dans des centres d’hébergement.
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Renseignements supplémentaires sur les types de culture
Le tableau suivant est fondé sur le travail de Geerd Hofstede, un sociologue hollandais, et applique le contraste entre la culture individualiste et collectiviste à
d'autres domaines de la vie quotidienne. Il suggère certaines implications générales liées à la santé et aux soins médicaux.
L’identité : individualisme vs
Dans les pays individualistes (Canada, États-Unis), chacun est responsable de soi, et l'initiative est encouragée; les liens
collectivisme.
entre les personnes et le groupe (travail, université, organisation) sont relativement faibles. Dans les sociétés
collectivistes (Chine, Japon), l'identité personnelle se fonde sur la place au sein du groupe. On accorde donc de la valeur
aux cadres sociaux solides et au sentiment d'appartenance au groupe. Les obligations interpersonnelles sont fortes.
Pertinence sur le plan médical : Les gens de cultures individualistes s'attendent à prendre leurs propres décisions en
matière de santé. Les gens de cultures collectivistes prendront souvent ces mêmes décisions en tant que membres d'un
groupe; les pressions du groupe peuvent influencer grandement la personne; elle peut avoir peur de se sentir humiliée si
elle ne s’y conforme pas. Les sociétés collectivistes préconisent l'harmonie, alors que les sociétés individualistes
préconisent le respect de soi, l'autonomie et les réalisations personnelles.
L’étendue du pouvoir :
Comment la société compose-t-
Dans certaines cultures, comme celles des pays arabes, du Mexique ou de l’Inde, la distance hiérarchique, ou « étendue
du pouvoir », est considérable. Dans ces cultures, les subordonnés doivent se résigner à l'autorité, respecter et accepter
elle avec l'inégalité? Quel est son
leur patron, simplement en raison de sa position (« chacun a sa place »).
degré de tolérance des
Pertinence sur le plan médical : Les patients d'une société qui accepte une grande distance hiérarchique ont tendance à
déséquilibres de pouvoir?
suivre les conseils du médecin sans se poser de questions. Par contre, les patients des sociétés où les distances
hiérarchiques sont plus faibles peuvent ne pas respecter automatiquement l'opinion du médecin et ont tendance à
s’interroger sur le bien-fondé d’une recommandation.
L’évitement de l'incertitude :
Dans les pays comme le Japon, la France ou la Grèce, on a tendance à éviter l'incertitude; on préfère la prévisibilité, et
Les normes et les croyances qui
l’on a établi des hiérarchies, des lois et des procédures rigides. Les idées déviantes sont mal vues, et le consensus est
sous-tendent la réaction des
personnes aux situations
important. On y trouve donc généralement un fort sentiment nationaliste. Dans les pays nordiques ou anglophones, les
gens semblent mieux tolérer l'incertitude; ils n'aiment pas la structure, et le sentiment nationaliste y est moins fort.
ambiguës.
Toutefois, les gens des pays qui évitent l'incertitude les perçoivent les seconds comme étant désorganisés et confus.
Pertinence sur le plan médical : Les personnes des cultures qui évitent l'incertitude s'attendent à ce que leur médecin leur
dise précisément quoi faire. Les personnes de cultures qui tolèrent l'incertitude peuvent accepter le fait que plusieurs
approches sont possibles; si un traitement est efficace, tant mieux, mais s'il ne l'est pas, un autre le sera peut-être.
La masculinité :
Pertinence sur le plan médical : Les valeurs masculines ont tendance à correspondre à une distinction claire entre les
Quel degré de polarisation y a-t-il
rôles sexuels : le mari prendra souvent les décisions pour la femme.
entre les rôles des hommes et des
femmes dans la société? Les
hommes sont-ils assertifs et les
femmes soumises, ou existe-t-il
une égalité?
L’orientation par rapport au temps : Les sociétés occidentales sont généralement axées sur des buts à court terme et perçoivent le temps comme une
Les personnes se fixent-elles des
objectifs à court ou à long terme?
ressource précieuse. On met l'accent sur la réalisation d'une chose à la fois. Dans d'autres sociétés (de l'Afrique, des
Caraïbes et de certains groupes indiens), l'urgence temporelle est beaucoup moins centrale. Elles peuvent agir de
manière polychronique (plusieurs choses peuvent se passer en même temps, et on peut tout remettre à plus tard :
mañana).
Pertinence sur le plan médical : Les patients de telles cultures peuvent ne pas être ponctuels (« 8 heures au temps de la
Jamaïque » veut plutôt dire 9 ou 10 heures). Dans certaines cultures arabes, les échéances sont perçues comme une
insulte : les choses importantes exigent beaucoup de temps; on ne peut s'empresser de les faire.
(Source : G. Hofstede, Cultures and Organizations: Software of the Mind, Londres, McGraw-Hill, 1991.)
La santé des peuples indigènes du Canada
Un thème important de la culture canadienne est l'histoire des peuples indigènes, et de nombreux événements historiques ont eu un impact durable
sur la santé de ces peuples. Ces événements déterminants sont la création du système de réserves, les relocalisations imposées, l'obligation de
placer les enfants dans des pensionnats, les services inadéquats dans les réserves et le racisme systémique. Dans le reste de la société, les
impacts de ces expériences sont mal compris.
En imposant les valeurs culturelles et les lois occidentales, le Canada a profondément influencé de nombreux déterminants de la santé des
Premières Nations, des Inuits et des Métis. On a décrit la colonisation comme étant « l'usurpation du territoire des Autochtones et la subjugation de
leurs peuples depuis l'arrivée des Européens. Pour les Autochtones, la colonisation a provoqué une perte de leurs terres, de leurs ressources et de
leur autonomie, ainsi qu'un bouleversement profond de leurs coutumes et de leurs valeurs.8 » Les tentatives d'assimilation culturelle ont privé les
groupes indigènes de leurs terres, de leurs systèmes d'autonomie gouvernementale, de leurs cultures, de leurs langues, de leurs systèmes de soins
de santé et d'éducation et de leurs économies traditionnelles. Ces mesures sociales et économiques ont eu des effets considérables sur la santé
des peuples indigènes, qui se trouvent aujourd’hui dans une condition bien pire que celle de leurs concitoyens. Selon l'Organisation nationale de la
santé autochtone (ONSA), les données préliminaires semblent indiquer que le transfert de compétence en matière de prestation de services
entraînera des meilleurs résultats cliniques pour les Autochtones. Une présentation de l'ONSA9 fait référence à l'impact indésirable de la
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colonisation sur le changement environnemental, à la destruction des économies traditionnelles et de l'autosuffisance, aux effets dommageables
des migrations et des influences culturelles sur les habitudes alimentaires traditionnelles, à l'élimination des formes traditionnelles de soins, et à
l'impact de la perte de l'autodétermination sur l'identité et, par conséquent, sur les taux de suicide.
Plus près de nous, les pensionnats ont eu un impact durable. Leur mise en place a représenté une tentative systématique d'assimiler les groupes
indigènes. De nombreux enfants ont été forcés de quitter leurs familles et leurs communautés pour fréquenter ces écoles. Certaines familles étaient
toutefois favorables à la formule des pensionnats, qui permettait à leurs enfants de vivre parmi les Blancs. Dans ces pensionnats, il était interdit aux
élèves de parler leur langue maternelle, et ils devaient respecter des valeurs et des normes très différentes des leurs, notamment en matière
d'éducation. Ces enfants ont vécu des expériences à tout le moins pénibles, et certains ont été victime de violence sexuelle et physique. Le
programme de pensionnats a été instauré vers 1874 pour remplacer les écoles de missionnaires, dont le but était de convertir les Autochtones au
christianisme. La fréquentation des pensionnats est devenue obligatoire à compter des années 1920. Le dernier a fermé ses portes en 1996. Le
programme de pensionnats n'a pas atteint son but, qui était de détruire les langues et les culturelles traditionnelles des Premières Nations, des
Inuits et des Métis, mais il a réussi à miner leurs cultures et, de ce fait, leur dignité. Chez les peuples indigènes, l’héritage des pensionnats se
manifeste par la perte d'identité, l’aliénation et le cynisme envers le reste de la société. Ce traumatisme a laissé dans son sillage des problèmes de
dépendance, de violence familiale (les victimes de violence qui n'en sont pas guéries finissent par être violentes envers les autres) et de suicide qui
risquent de se transmettre aux générations suivantes. Les communautés indigènes s'acharnent à guérir de ce traumatisme et à assurer la résilience
de leur jeunesse et de leur culture. La présence d’effectifs de santé qui peuvent offrir des soins culturellement sécuritaires fait partie de cette
guérison.
Les effets du traumatisme culturel de la colonisation sur la santé sont durables : il s'agit « de plaies cumulatives, émotionnelles et psychologiques
qui s'étendent sur des générations et pendant toute une vie découlant du traumatisme de masse d'un groupe.10 » « Ce traumatisme a eu un impact
sur les attitudes, les croyances et les comportements des peuples indigènes, et est un déterminant social crucial de leur santé. Les effets de la
colonisation qui demeurent présents sont un manque de compréhension culturelle entre les peuples indigènes et les autres peuples du Canada et
un grand manque de confiance mutuel.11 » « Parallèlement, les peuples des Premières Nations, Inuits et Métis ont fait preuve d’une grande
résilience face à ces défis et ont une riche collection de savoir et de traditions à faire connaître. Le savoir et les pratiques de guérison traditionnels
continuent d’être mis à contribution par les guérisseurs, les sages-femmes et les praticiens de la médecine rituelle qui forment un important système
de prestation de soins de santé aux peuples des Premières Nations, Inuits et Métis.5 » La médecine indigène comprend d'innombrables remèdes à
base de plantes, dont certains ont servi de base aux traitements pharmaceutiques que la médecine occidentale utilise régulièrement aujourd’hui.
Par exemple, l'écorce de l'if de l'Ouest est utilisée traditionnellement depuis des siècles et représente la source de Taxol, un médicament employé
contre le cancer du sein. Les approches de guérison sont holistiques : elles tiennent compte du corps, de la pensée et de l'esprit, comme dans la
définition de la santé de l'OMS. La médecine indigène se distingue de la guérison, qui va au-delà d'un simple traitement de la maladie et comporte
souvent une dimension spirituelle.
Les contrastes entre l'approche autochtone et l'approche occidentale de la guérison peuvent représenter un défi pour les praticiens de la médecine
occidentale lorsqu'ils cherchent à répondre aux besoins des patients autochtones; cela peut donner lieu à des tensions et des malentendus. Par
conséquent, dans de nombreuses villes, on met sur pied des établissements médicaux qui tentent d'intégrer la médecine occidentale et les
enseignements autochtones; le centre de santé Anishnawbe de Toronto est un bon exemple. On en trouve une description sur www.aht.ca. L'ONSA
offre huit directives pour garantir la sécurité culturelle dans la prestation de soins de santé aux patients autochtones. Elles portent sur la disponibilité
de salles pour les Autochtones dans les hôpitaux; la nécessité de permettre aux patients autochtones d'avoir accès à des cérémonies, des
chansons et des prières; le respect du besoin des patients de s’entourer d'objets cérémoniaux; la nécessité d’offrir des renseignements et du
soutien à la famille; des directives pour l’élimination appropriée des restes humains; et des consignes à suivre lorsqu’un patient meurt.3
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Voici quelques-unes des pratiques autochtones de guérison qui sont habituellement utilisées par les aînés d'une communauté.
La purification (« smudging »)
On utilise la fumée de plantes (« smudge ») pour la purification rituelle. Il s’agit d’une cérémonie pratiquée traditionnellement par certaines cultures autochtones
pour purifier ou nettoyer physiquement ou spirituellement un lieu ou une personne de ses énergies, émotions ou pensées négatives. Les médicaments sacrés,
comme le cèdre, la sauge, le foin d'odeur ou le tabac, sont brûlés dans une coquille d'ormier. La personne se met les mains dans la fumée et la porte vers son
corps, en s'attardant aux parties qui nécessitent une guérison spirituelle (la pensée, le cœur et le corps).
Les cercles de guérison
Il s'agit d’assemblées dont l'objet est de guérir les plaies physiques, émotionnelles et spirituelles. Un objet symbolique, souvent une plume d'aigle, est remis à une
personne qui souhaite prendre la parole, puis tour à tour aux autres personnes qui veulent parler. Les cérémonies sont parfois animées par des chamans.
La suerie (ou hutte de sudation)
On utilise un sauna cérémonial pour la guérison et la purification. Il s'agit habituellement d'un dôme fait de bois et recouvert de couvertures ou de peaux. Il fait 1,5
mètre de hauteur, et huit personnes peuvent s'y asseoir en cercle sur le sol. On place des pierres chaudes dans un trou peu profond au centre de la hutte. Un
guérisseur fait couler de l'eau sur les pierres pour produire de la vapeur, et les participants peuvent rester dans la hutte pendant une heure. La suerie combine les
quatre éléments : le feu, l'eau, l'air et la terre. Les offrandes, les prières et la vénération font partie des cérémonies. Il arrive que l'exposition excessive à la chaleur
de la suerie ait des effets néfastes sur la santé; des toxines environnementales peuvent aussi être libérées si des herbes exposées aux pesticides sont placées sur
les pierres.
La Danse du Soleil (ou de la Pluie, de la Soif ou de la Médecine)
C’est un rituel qui célèbre l'harmonie entre l'homme et la nature, et la dévotion spirituelle. À l'origine, on pratiquait la Danse du Soleil au solstice d'été. Elle
représente la continuité entre la vie, la mort et le renouveau. L’un de ses symboles est souvent le bison, dont dépendaient les tribus indiennes des plaines pour leur
subsistance. Le bison était vénéré, mais il fallait aussi le tuer pour s’en nourrir. Quatre jours avant la cérémonie, les danseurs se préparent en se purifiant, parfois
dans une suerie, en méditant et en recueillant des objets cérémoniaux à porter. La Danse elle-même dure aussi quatre jours et comprend généralement de la
musique de tambours, des chansons et des danses, mais également un jeûne et, dans certains cas, des douleurs auto-infligées. Cela symbolise la renaissance et
comprend souvent le perçage de la peau et le nouage de cordes dont il faut se libérer. En raison de cet élément, les gouvernements ont interdit la Danse du Soleil
vers 1880, mais elle a depuis été réintroduite.
Le calumet
On utilise le calumet individuellement et en groupe pour des prières et des cérémonies. Les participants forment un cercle. On brûle une tresse de foin d'odeur pour
purifier les environs et les personnes présentes afin de rendre l'endroit sacré et d’y inviter les esprits. On fume du tabac ou de la busserole (un mélange traditionnel
de raisins d'ours et d'herbes sauvages ou de copeaux de bois de flèche) pour prier le Grand Esprit ou transmettre des demandes à d’autres esprits. On fume aussi
le calumet au début d'autres assemblées ou cérémonies. Lorsqu'il n'est pas utilisé, le bol et la tige sont séparés et transportés par une personne, le porteur du
calumet.
Le potlatch
C’est un festin cérémonial tenu par les peuples autochtones de la côte Nord-Ouest du Pacifique lors de grands événements familiaux, comme les mariages ou les
naissances. L'hôte distribue des cadeaux en fonction du statut de chaque invité, renforçant ainsi les relations hiérarchiques perçues entre les groupes. À l'occasion,
le don de cadeaux devenait compétitif : l'hôte offrait des biens personnels en espérant que les autres feraient de même. Une telle largesse contribuait au prestige
que l'on accordait à l'hôte. Les missionnaires ont incité les gouvernements à interdire le potlatch vers 1885, mais cela s'est avéré difficilement applicable et on a fini
par lever l’interdiction. La cérémonie est courante de nos jours.
Questions d'auto-évaluation
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1. Selon vous, quels sont les éléments de la culture d'un patient dont on doit tenir compte pour assurer la meilleure prise en charge possible?
Les influences culturelles peuvent jouer sur les réactions du patient à l’égard de la maladie, du traitement que vous lui suggérez et de vos efforts pour l'aider à
prévenir les récurrences en modifiant ses facteurs de risque. Il peut donc être important de vous renseigner sur ces possibilités; vous devez lui expliquer qu'il doit
partager ses impressions et celles de sa famille quant à vos recommandations. Expliquez-lui que sa communauté ne vous est pas familière et qu'il doit vous aviser
de toutes croyances ou obligations dont vous devez être conscient, comme des restrictions alimentaires, thérapeutiques, etc., si elles s'avèrent pertinentes.
2. Décrivez au moins une différence entre la compétence culturelle et la sécurité culturelle.
La compétence culturelle fait partie de la sécurité culturelle, mais cette dernière va au-delà de la compétence pour promouvoir la perspective du patient afin de
protéger son droit à ses propres convictions. Si un patient estime que vous respecterez ses convictions et que vous ne tenterez pas de les changer, il sera plus
ouvert à vos recommandations. Un médecin dont la pratique est culturellement sécuritaire a pris le temps de réfléchir à ses propres biais culturels, de les
reconnaître et de faire en sorte qu'ils ne nuisent pas aux soins que reçoit le patient. Ce modèle d'autoréflexion, de sensibilisation et de promotion est également de
mise à l'échelle d’une organisation.
3. Comment la colonisation continue-t-elle à avoir un impact sur la santé des peuples indigènes du Canada?
En imposant les valeurs culturelles et les lois occidentales, le Canada a profondément influencé tous les déterminants de la santé des Premières Nations, des Inuits
et des Métis. Ces tentatives d'assimilation culturelle les ont privés de leurs terres, de leurs systèmes d'autonomie gouvernementale, de leurs cultures, de leurs
langues, de leurs systèmes de soins de santé et d'éducation, de leur économie, etc. Il est impossible de profiter d'un bon état de santé et de mieux-être lorsqu’autant
de déterminants ne sont pas satisfaits. Une préoccupation plus récente est l'impact durable des pensionnats. On a systématiquement tenté de détruire les langues,
les cultures traditionnelles et, ainsi, la dignité des Premières Nations, des Inuits et des Métis. La plupart des Canadiens commencent tout juste à connaître
l'envergure des abus de ce système, qui a d'abord obligé la séparation des enfants d’avec leurs parents, leur famille, leur communauté et leur culture. Certains
enfants ont été victimes de violence sexuelle et physique. Chez les peuples indigènes, l’héritage des pensionnats se manifeste par la perte d’identité, l’aliénation et
le cynisme envers le reste de la société. Ce traumatisme a laissé dans son sillage des problèmes de dépendance, de violence familiale (les victimes de violence
qui n'en sont pas guéries finissent par être violentes envers les autres) et de suicide qui risquent de se transmettre aux générations suivantes. Les communautés
indigènes s'acharnent à guérir de ce traumatisme et à assurer la résilience de leur jeunesse et de leur culture. La présence d’effectifs de santé qui peuvent offrir des
soins culturellement sécuritaires fait partie de cette guérison.
1. L'Association des facultés de médecine du Canada (AFMC) offre un module sur la sensibilisation culturelle. Bien qu’il s'adresse aux personnes qui enseignent
aux médecins provenant de l'étranger, on y trouve des renseignements généraux utiles sur la culture et la sensibilisation culturelle :
http://www.afmc.ca/img/modules_fr.htm
2. Plusieurs ressources expliquent l'importance de la sécurité culturelle pour la santé et la guérison des Autochtones (p. ex., l’article de Brascoupé et Waters intitulé
« Exploring the applicability of the concept of cultural safety to Aboriginal health and community wellness », Journal of Aboriginal Health, novembre 2009, pages 6–
41). On trouve cet article, ainsi que d'autres documents utiles, sur le site Web de l'Organisation nationale de la santé autochtone (ONSA). http://www.naho.ca/fr/
Bibliographie
1. Hruschka D, Hadley C. A glossary of culture in epidemiology. J Epidemiol Community Health 2008;62:947-951.
2. Caron N. Caring for Aboriginal patients: the culturally competent physician. Royal College Outlook 2006;3(2):19-23.
3. National Aboriginal Health Organization (NAHO). Cultural competency and safety: a First Nations, Inuit, and Métis Context & guidelines for health
professionals. Presentation to the Royal College of Physicians and Surgeons of Canada: Advisory Committee on First Nations, Inuit and Métis Health
Education in PGME & CME 2001 April 21.
4. Spence D. Hermeneutic notions illuminate cross cultural nursing experiences. J Adv Nurs 2001;35(4):624-630.
5. Indigenous Physicians Association of Canada, Association of Faculties of Medicine of Canada. First Nations, Inuit, Métis health: core
competencies: a curriculum frameword for undergraduate medical education. 2008; Available at: http://www.afmc.ca/pdf/CoreCompetenciesEng.pdf.
Accessed April, 2010.
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8. National Aboriginal Health Organization. Broader Determinants of Health in an Aboriginal Context. Available at:
http://www.naho.ca/documents/naho/publications/determinants.pdf. Accessed July 28, 2011.
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28, 2011.
10. Dodgson J. Indigenous women's voices. J Transcult Nurs 2005;16(4):339.
11. Navaneelan T. Determinants of health status of Aboriginal people in Canada. Available at:
http://www.medicine.uottawa.ca/sim/data/Aboriginal_Health_Determinants_e.htm. Accessed April, 2010.
AFMC Petit Guide de la santé des populations
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AFMC Petit Guide de la santé des populations
Chapitre 4 : Les concepts de base de la prévention, de la surveillance et de la promotion de la santé
Après avoir achevé ce chapitre, le lecteur sera en mesure :
d’aborder les concepts du parcours de vie et de l'histoire naturelle de la maladie, notamment à l'égard des interventions possibles en santé publique et sur le plan
clinique;
de comprendre les quatre niveaux de prévention (primordiale, primaire, secondaire et tertiaire);
de reconnaître le rôle que jouent les médecins dans la promotion de la santé et la prévention des maladies auprès des personnes et des communautés (par ex. la
prévention du faible poids à la naissance, la prévention de l'obésité, l'arrêt du tabac, le dépistage du cancer, etc.);
de décrire les stratégies d'évaluation des besoins de la communauté, d'éducation à la santé, de mobilisation communautaire et de promotion de la santé;
de décrire les cinq stratégies de promotion de la santé de la Charte d'Ottawa et de les appliquer aux situations pertinentes;
de décrire les avantages et les inconvénients liés, d’une part, à l'identification et au traitement des personnes, et de l’autre, à la mise en ?uvre d'approches de
prévention en population.
L'histoire naturelle de la maladie
Dans le premier chapitre, nous avons présenté l'histoire naturellede la maladie : de l'exposition aux agents causaux et à l'évolution, jusqu’aux
résultats finaux. S’il connaît l'histoire naturelle caractéristique d'une maladie, le médecin peut établir un pronostic et repérer les occasions de
prévention et de contrôle.1 Par exemple, selon ce qu’il sait au sujet du diabète de type 2, le Dr Rao peut s’inquiéter que sa patiente Catherine
Richards peut s’attendre à une perte d'acuité visuelle, à une insuffisance rénale et peut-être à l’amputation d’un membre si elle ne fait rien pour
lutter contre sa maladie. Si son médecin connaît l'histoire naturelle du diabète, il aura aussi une bonne idée du temps dont il dispose pour en altérer
l'évolution clinique et prévenir les complications.
Idéalement, la prévention a lieu avant que la personne ne contracte une maladie. Les programmes préventifs sont donc souvent proposés aux
personnes en santé dans la population générale. Pour concevoir de tels programmes, il faut connaître la répartition de l'affection dans la population
et savoir repérer les futurs cas. Selon la métaphore de l'iceberg de la maladie, pour chaque cas présenté à un médecin, il est probable que
beaucoup d’autres personnes sont atteintes de la maladie à un stade préclinique dans la communauté, et qu'encore plus de gens présentent des
facteurs de risque liés à l'affection. La figure 4.1 fait le lien entre les phases de l'histoire naturelle et de l'évolution clinique d'une maladie et les
étapes successives de la prévention. Les diverses stratégies préventives sont offertes par différents groupes, à différents endroits.
Figure 4.1 : Évolution clinique d'une maladie : les quatre étapes de la prévention
Les étapes de la prévention
Le premier chapitre a montré comment une maladie quelconque chez un patient évolue en fonction d'une histoire naturelle qui, pour des raisons
pratiques, peut être divisée en étapes. On peut appliquer des mesures préventives à chaque étape de l'histoire naturelle d'une maladie dans le but
d’arrêter son évolution (voir Prévention dans le glossaire). Pour simplifier, il est pratique de classer les mesures préventives en quatre grandes
étapes, bien que celles-ci ne soient pas clairement délimitées.
La prévention primordiale désigne les mesures prises pour réduire les dangers futurs pour la santé et ainsi inhiber les facteurs de manifestation
(environnementaux, économiques, sociaux, comportementaux, culturels) qui augmentent les risques d'être atteint d'une maladie.2 Elle touche aux
grands déterminants de la santé plutôt que de tenter de prévenir l'exposition individuelle aux facteurs de risque, ce que la prévention primaire se
donne comme objectif. Ainsi, l'interdiction de l'alcool dans certains pays représente une mesure de prévention primordiale, mais les campagnes
contre la conduite en état d'ébriété sont un exemple de prévention primaire.
L'amélioration de l'hygiène (pour empêcher l'exposition aux agents infectieux), le développement de communautés saines, la promotion d'un mode
de vie sain à un jeune âge (par ex. les programmes de nutrition prénatale et de développement du jeune enfant) et les stratégies écoénergétiques
sont des exemples de prévention primordiale. L'article de Starfield et al. en donne d'autres exemples.2 Ainsi, pour prévenir le diabète de
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Catherine Richards, on aurait pu avoir recours à des programmes de conditionnement physique subventionnés au centre sportif, qui rendraient
l'activité physique plus abordable pour les femmes comme Catherine et feraient en sorte que l'exercice devienne une activité normale pour les
femmes de sa communauté. De même, des programmes sportifs plus étoffés dans les écoles pourraient contribuer à réduire l'obésité chez les
générations futures.3 Étant donné que ces programmes sont tous à l'échelle de la population, la prévention primordiale entretient un rapport
conceptuel avec la santé des populations et la promotion de la santé, mais les cliniciens ont aussi un rôle à jouer, en attirant l’attention sur les
problèmes et en promulguant des mesures axées sur leurs déterminants.
Des communautés saines
Au début des années 1980, le Bureau régional de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour l’Europe propose des mesures pour améliorer la qualité de vie
dans les villes en rendant les milieux urbains plus propices aux modes de vie sains : on veut fournir des ressources récréatives, améliorer les transports, assainir
l’environnement, rendre les logements plus agréables, et ainsi de suite. La ville de Toronto est l’une des premières à s’être jointe au mouvement Villes-santé.4
La prévention primaire veille à prévenir l'apparition de certaines maladies par la réduction des risques, soit en modifiant les comportements ou les
expositions qui peuvent entraîner des maladies, soit en améliorant la résistance aux agents infectieux. L'arrêt du tabac et la vaccination en sont des
exemples. La prévention primaire réduit l'incidence des maladies en abordant leurs facteurs de risque ou en améliorant la résistance. Certaines
approches prévoient une participation active, comme se brosser les dents régulièrement ou se passer la soie dentaire pour prévenir les caries.
D'autres approches sont passives : ajouter du fluorure à l'eau potable municipale pour durcir l'émail des dents et prévenir les caries. La prévention
primaire cible généralement les causes spécifiques et les facteurs de risque de certaines maladies, mais elle cherche également à promouvoir les
comportements sains, à améliorer la résistance des hôtes et à favoriser des environnements sécuritaires qui réduisent le risque de maladie, par
exemple en nettoyant les salles d'opération pour prévenir les infections postopératoires. On peut inclure les efforts préventifs dans le modèle causal
agent-hôte-environnement vu au deuxième chapitre.
La prévention secondaire comprend les méthodes de détection et de traitement des changements pathologiques précliniques afin d’enrayer
l'évolution des maladies. Les méthodes de dépistage (comme la mammographie pour dépister le cancer du sein à un stade précoce) sont souvent
la première étape. Elles favorisent l’intervention précoce, ce qui est plus économique que d’intervenir après l’apparition des symptômes. Les tests de
glycémie réguliers administrés aux personnes de plus de 40 ans sont un exemple pertinent de dépistage précoce dans le cas du diabète de
Catherine. Le dépistage est habituellement effectué par des professionnels de la santé lors de rencontres individuelles médecin-patient (comme
pour les tests réguliers de la tension artérielle) ou par des programmes de dépistage de santé publique (comme les mammographies). Les critères
de mise en ?uvre d'un programme de dépistage sont décrits dans la troisième partie.
Une fois qu'une maladie se développe et qu'elle est traitée en phase clinique aiguë, laprévention tertiaire veille à réduire l'impact de la maladie sur
les fonctions, la longévité et la qualité de vie du patient. La réadaptation cardiaque après un infarctus du myocarde en est un exemple : on cherche
à modifier les comportements du patient pour réduire la probabilité de récurrence. La prévention tertiaire peut comprendre la modification des
facteurs de risque, comme aider un patient cardiaque à perdre du poids ou apporter des changements à l'environnement d'un patient asthmatique
pour réduire son exposition aux allergènes. Dans le cas de Catherine Richards, elle pourrait comprendre des suivis réguliers de son état de santé, y
compris des examens de la vue pour dépister d’éventuels effets indésirables du diabète. Si l'affection est irréversible, la prévention tertiaire est axée
sur la réadaptation pour aider le patient à vivre avec son incapacité. Si l'affection est réversible, comme c’est le cas de nombreuses maladies
cardiaques, la prévention tertiaire peut en réduire la prévalence dans la population, mais si l'affection ne peut être guérie, la prévention peut en
augmenter la prévalence en prolongeant la survie. L'objectif principal de la prévention tertiaire est d'améliorer la qualité de vie.
Le tableau 4.1 illustre les niveaux primaire, secondaire et tertiaire de la prévention.
Table 4.1 : Exemples de mesures préventives primaires, secondaires et tertiaires ciblant des personnes et des populations
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Maladie
Niveau
Primaire
d'intervention
Secondaire
Tertiaire
Cancer
colorectal
Personne
Promotion des modes de vie sains : conseils
diététiques aux personnes qui présentent un
risque de cancer colorectal, etc.
Analyse des selles
(Hemoccult) pour
le dépistage
précoce du cancer
colorectal
Examens de suivi pour déceler
la récurrence ou la métastase
d'une maladie : examen
médical, test de mesure des
enzymes hépatiques,
radiographie thoracique, etc.
Population
Campagnes de publicité pour informer le public
des habitudes de vie qui préviennent le cancer
Programmes
structurés de
Mise en ?uvre de modèles
organisationnels de soins de
Maladies
Personne
infectieuses :
hépatite C
colorectal; promotion d'une alimentation à haute dépistage par
teneur en fibres; subventions des programmes
coloscopie
d'activité physique; campagnes de lutte contre
le tabagisme
santé améliorant l'accès aux
soins de haute qualité
Conseils de réduction des risques de la
consommation de drogue pour prévenir la
transmission du virus de l'hépatite C (VHC);
conseils sur les pratiques sexuelles à risques
réduits
Traitement du VHC pour guérir
l'infection et prévenir la
transmission
Dépistage de
l'infection à VHC
chez les patients
ayant des
antécédents
d'usage de
drogues par
injection
Population
Syndrome
Personne
métabolique
Population
Prévention du VHC : pratiques sexuelles à
risques réduits, programmes de lutte contre le
partage d'aiguilles chez les utilisateurs de
drogues par injection, etc.
Établissement d’un
système universel
d'analyse du VHC
dans les groupes à
risque élevé
(Semblable à la prévention
primaire) : contrôle serré des
sites à risques élevés associés
aux éclosions, comme les
salons de tatouage
Conseils sur la nutrition et l'activité physique
Dépistage du
diabète
Orientation vers des cliniques
de réadaptation cardiaque
Milieux bâtis favorables aux transports actifs
(marche ou vélo), plutôt qu’à la voiture
Programmes
communautaires
de perte de poids
Mise sur pied de cliniques
multidisciplinaires
et d'activité
physique
Attention : on utilise souvent à tort l'expression « prévention secondaire » lorsqu'on parle (par exemple) de prévenir un deuxième accident vasculaire cérébral chez
un patient qui en a déjà subi un. Cet emploi est erroné. Lorsqu’on cherche à prévenir des dommages ultérieurs au système vasculaire d’un patient, il s'agit de
prévention tertiaire.
Des corps dans la rivière
Un passant aperçoit un corps qui flotte dans la rivière et compose le 9-1-1. Des pompiers se présentent et sortent la personne de l'eau. Les ambulanciers tentent de
réanimer la victime et l’emmènent en toute hâte à l’urgence. Le bureau des relations publiques de l'hôpital annonce que toutes les mesures ont été prises pour
sauver le noyé, mais qu'il est malheureusement décédé. On pense qu’il s’agit d’un suicide.
Quelque temps après, un événement semblable survient. Selon le député local, il s'agit d'une occasion politique idéale pour faire pression sur le ministère de la
Santé en faveur de la construction d'un poste d'ambulances dans les environs, avec de l'équipement de sauvetage de pointe et une formation spécialisée en
réanimation « pour que de telles tragédies ne se répètent plus dans notre communauté. » À la conférence de presse, un journaliste demande carrément s'il ne
serait pas préférable d'installer des filets ou des clôtures sur le pont situé en amont étant donné que ce serait plus efficace et moins coûteux que d’avoir des
services en aval. Les assistants du politicien s’empressent d’escorter le gêneur hors de la réunion.
Si l'on applique la métaphore des interventions « en amont » et « en aval » du deuxième chapitre au cas des corps dans la rivière, la prévention
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tertiaire comprendrait les efforts en aval pour réanimer les victimes sur les lieux et à l'hôpital. Bien entendu, ces mesures peuvent être jugées
insuffisantes et tardives. La prévention secondaire porterait sur les activités en amont (littéralement?) et pourrait comprendre des mesures pour
repérer les personnes suicidaires avant qu'elles ne passent à l’acte, peut-être en administrant de brefs tests de dépistage des symptômes
dépressifs dans les cabinets de soins primaires. Les personnes qui présentent des signes de la dépression pourraient faire l'objet d'évaluations
approfondies par un psychologue. La réussite de la prévention secondaire peut dépendre de nombreux facteurs, mais selon les preuves actuelles, il
ne s'agit pas d'une mesure efficace pour prévenir le suicide. La prévention primaire ou primordiale est sans doute plus efficace dans ce cas. La
prévention primaire pourrait comprendre des programmes sociaux à l'intention des jeunes à risque dans les régions où le taux de suicide est élevé
ou la mise en place de filets de sécurité pour prévenir les gestes suicidaires. La prévention primordiale fait partie des approches de santé des
populations, lesquelles impliquent un large éventail d'organismes gouvernementaux et portent principalement sur l'élaboration de politiques
publiques saines et la modification des déterminants sous-jacents de la santé. Si l'on applique la prévention primordiale à l’exemple des corps dans
la rivière, les efforts seraient surtout concentrés sur l'écologie sociale du suicide : la recherche des déterminants sous-jacents expliquant pourquoi
des gens de la région se jettent dans la rivière. Existe-t-il, par exemple, un lien entre le ralentissement économique à l’échelle mondiale et le
chômage, l'endettement et les sentiments de désespoir à l’échelle locale? Ces problèmes sont-ils plus fréquents dans les petites villes du Canada
qui dépendent d'une seule industrie?
Un deuxième coup d’?il sur les étapes de la prévention
Présenter la prévention comme une série d'étapes est utile pour donner un aperçu du sujet, mais il n’est pas toujours simple de classer une intervention à telle ou
telle étape; cela dépend beaucoup du contexte. À partir d’un certain point, la notion d'étapes n’est plus utile.
Par exemple, la vérification (puis le contrôle) de la tension artérielle peut être une mesure de prévention primaire si l'affection que vous souhaitez prévenir est une
crise cardiaque. Mais ce peut être une mesure de prévention secondaire si le patient a des antécédents d'hypertension et que vous effectuez un dépistage à cet
effet ? ce peut même être une mesure de prévention tertiaire si le patient a déjà subi une crise cardiaque et que le but est de prévenir une récurrence. Ouf!
On a écrit que la prévention secondaire vise à freiner l'évolution d'une maladie ou de ses séquelles à n’importe quel stade après son apparition. De ce point de vue,
le traitement d'une maladie peut être préventif s'il ralentit l'évolution de la maladie ou en prévient les séquelles. Dans une entrevue diffusée sur CBC le 19 juillet
2010, Michel Kazatchkine, le directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, note que le traitement du sida et du VIH peut
être une mesure de prévention primaire étant donné qu'il réduit le risque de transmission du virus.
Inversement, un usage excessif d'antibiotiques peut être perçu comme une force opposée à la prévention s'il contribue au développement d'organismes résistants.
Les cliniciens devraient toujours peser les coûts et les avantages de traiter ou de ne pas traiter, comme ils le font lorsqu'il est question de prévention. Dans la même
veine, on entend parfois l'expression « prévention quaternaire » : si un patient risque une surmédication, la prévention quaternaire le protège contre un nouvel acte
médical invasif en proposant des interventions acceptables sur le plan éthique et en assurant la qualité du processus de soin.5
La mise en ?uvre de la prévention, de la protection de la santé et de la promotion de la
santé
La prestation des programmes préventifs se fait par l'entremise de nombreux services de santé publique, de cliniciens individuels (souvent des
omnipraticiens, des infirmières et des infirmières praticiennes) ou d'organismes communautaires (y compris des groupes de bénévoles, comme les
étudiants contre l’alcool au volant, ou des groupes sans but lucratif). Le programme idéal a recours aux efforts coordonnés de divers organismes;
au Canada, les exemples de bons programmes sont nombreux, mais leur coordination a tendance à se faire en vase clos par des agences qui en
sont seules responsables, ce qui laisse des lacunes et crée des chevauchements entre les programmes. La difficulté est aussi d’adapter les
programmes à la situation locale, car il n’existe pas de solution universelle. On doit considérer les données démographiques et la situation sur le
terrain; nous aborderons ce thème dans la section traitant de la planification des programmes au douzième chapitre.
La protection de la santé
Par protection de la santé, on entend la vaste gamme d'activités menées par les services de santé publique et par certains organismes
gouvernementaux, comme l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC). La protection de la santé englobe la prévention primordiale et
primaire. « La protection comprend la salubrité des réserves d'aliments et d'eau, les conseils aux organismes nationaux de réglementation des
aliments et des drogues, la protection de la population contre les menaces de l'environnement et un cadre de réglementation pour le contrôle des
maladies infectieuses. Assurer la manipulation adéquate des aliments dans les restaurants et adopter des règlements sur l'interdiction de fumer sont
des exemples de mesures de protection de la santé.6 » La protection de la santé publique veille également à réduire les menaces
environnementales à la santé de population, comme les agents biologiques, chimiques ou physiques qui peuvent causer une épidémie s’ils ne sont
pas maîtrisés. Les services de santé publique sont souvent tenus légalement de composer avec des menaces bien définies, que l'on peut détecter
grâce à des systèmes de surveillance (voir Surveillance dans le glossaire), comme on le verra au septième chapitre.
L'approche de protection de la santé varie en fonction du type de risque biologique, chimique ou physique dont il est question. Par exemple, les
risques biologiques liés à certaines maladies transmissibles, comme ceux associés à la contamination de l'eau ou des aliments, seront gérés par
des inspecteurs fédéraux, provinciaux et locaux. Les risques chimiques, comme ceux de la fumée secondaire du tabac, relèvent de lois et de
règlements; pour les écarter, on impose des amendes. Appliquée aux corps dans la rivière, une approche traditionnelle de protection de la santé
publique ou de réduction des risques pourrait comprendre l'installation de filets de protection autour du pont. Même si ces filets n'empêchent pas
une personne vraiment déterminée de se suicider, ils peuvent réduire les suicides impulsifs et rappellent aux passants que des personnes se sont
suicidées à cet endroit. Leur visibilité peut être une aide indirecte, car elle augmente la vigilance du public et encourage les gens à prendre les
signes précurseurs du suicide au sérieux.
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La promotion de la santé
Alors que la protection de la santé vise à éliminer les influences négatives sur la santé, la promotion de la santé vise à améliorer la santé en
développant une politique publique saine, des milieux sains et la résilience personnelle. Cela se rattache à une philosophie de soutien de
l’autonomie individuelle et communautaire face à la santé. Lancée dans les années 1970 et 1980, la promotion de la santé s’inscrivait dans la
continuité de l'éducation à la santé, que l’on commençait à juger insuffisante en soi. Les objectifs de la promotion de la santé englobent ceux de la
prévention des maladies, mais ils vont plus loin. « La promotion de la santé comprend le renforcement des compétences des personnes en vue
d'encourager les comportements sains. Elle comprend aussi la création de milieux sociaux et physiques sains à l'appui de ces comportements.7 » Il
s’agit de « toute combinaison d'éducation à la santé et (des) interventions organisationnelles, économiques et politiques connexes conçues pour
favoriser les changements comportementaux et environnementaux propices à la santé.8 »
Un programme de promotion de la santé peut comprendre une mesure précise comme l'arrêt du tabac, mais l'aborde généralement dans le cadre
d'un ensemble plus général d'interventions interdépendantes comprenant des modifications au milieu et au mode de vie qui appuient le non-usage
du tabac. En améliorant les milieux favorables et en favorisant des comportements sains par une approche de promotion de la santé, on contribue à
la prévention primaire des maladies, mais cette approche doit également avoir un effet bénéfique plus large pour encourager les gens à assumer la
responsabilité de leur santé. Cette idée touche aux préoccupations quant à l'érosion de la responsabilité individuelle à l’égard de la santé : comme
on l’a vu au premier chapitre (voir Pour les mordus), dès lors qu’un traitement existe, les gens ont tendance à en dépendre plutôt que de se fier à
leurs propres ressources. Si l'on applique cette idée aux corps dans la rivière, une approche de promotion de la santé pourrait d'abord découvrir la
raison pour laquelle les gens se jettent dans la rivière, puis tenter de la corriger. On créerait par exemple des programmes pour aider les gens à
composer avec le stress dans leur vie, en organisant des groupes d’entraide et en veillant à améliorer les conditions de vie, et ainsi de suite.
La promotion de la santé reconnaît qu'il est invraisemblable que les comportements liés à la santé changent de manière permanente à moins que
les facteurs environnementaux qui les sous-tendent ne changent aussi. Elle adopte donc une approche écologique de mobilisation de la
communauté et de modification du milieu, en plus de chercher à changer les comportements individuels. Une approche écologique commence
souvent par une évaluation des besoins communautaires. Comme l'indiquent les modèles de changement de comportement décrits dans le
deuxième chapitre, il est rare que les gens modifient l’un de leurs comportements, sauf s’ils considèrent qu’ils n’ont plus le choix. Il en va de même
pour une communauté, où il existe un ensemble de priorités plus ou moins bien définies pouvant appuyer ou inhiber les efforts de promotion de la
santé. C'est pourquoi l’évaluation des besoins de la communauté est souvent la première étape d'une campagne locale de promotion de la santé :
quelles sont les priorités de cette communauté? Est-ce qu’elles correspondent aux objectifs de l'équipe de promotion de la santé? Pour répondre à
ces questions, on recueillera des données sur les problèmes sociosanitaires vécus par les personnes, les familles et l'ensemble de la communauté,
généralement à l'aide d'une combinaison de sondages et d'entrevues auprès d’éclaireurs de l'opinion locale. Les centres de santé communautaires
appliquent souvent une approche fondée sur les besoins lorsqu’ils planifient leurs programmes de promotion de la santé; ces centres invitent
habituellement des représentants communautaires à siéger à leur conseil d'administration et planifient les programmes en fonction de la rétroaction
de la communauté. L'implication des membres de la communauté dans le processus de planification offre non seulement de meilleures chances que
le programme tienne compte des besoins locaux, mais il favorise l’appui et la participation de la communauté au programme. La conception du
programme proprement dite peut se faire à la suite d'une conférence de cas rassemblant des experts dans les spécialités pertinentes, qui proposent
des approches reflétant la situation locale.
Les principes qui sous-tendent la conception des stratégies de promotion de la santé sont décrits dans la Charte d'Ottawa pour la promotion de la
santé.
La philosophie de la promotion de la santé
La promotion de la santé reflète un ensemble caractéristique de valeurs libérales, comme l'autoresponsabilité pour la santé, qui sous-tend largement la pensée de
l'OMS : « La promotion de la santé est le processus qui confère aux populations les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé, et d’améliorer
celle-ci. » Cette définition provient de la conception de la santé de l'OMS (voir Santé dans le glossaire) décrite dans le premier chapitre : « La mesure dans laquelle
un groupe ou un individu peut, d'une part, réaliser ses ambitions et satisfaire ses besoins et, d'autre part, évoluer avec le milieu ou s'adapter à celui-ci.8 » En plus de
l'autoresponsabilité, de nombreux facteurs « en amont » font partie des valeurs fondamentales de la promotion de la santé :
la promotion de l'équité et de la justice sociale;
l'application d'une définition holistique de la santé;
la considération de tout l’éventail des déterminants de la santé;
la reconnaissance des influences environnementales sur la santé;
la responsabilisation des personnes et le renforcement des capacités individuelles et collectives;
le désir d'accroître la participation sociale des personnes;
la promotion d'une collaboration interagence.
La Charte d'Ottawa pour la promotion de la santé
Dans le premier chapitre, on explique comment le concept de la prévention a évolué lorsque les maladies liées aux modes de vie se sont répandues
dans les années 1950 et 1960. L'éducation à la santé a d'abord été considérée comme une approche clé pour modifier les comportements liés à la
santé, mais on a ensuite reconnu qu’à elle seule, elle n'était pas suffisante, ce qui a donné lieu à un élargissement du domaine de la promotion de la
santé. En 1986, Ottawa a été l'hôte d'une conférence internationale financée par l'OMS visant à établir les principes de base de la conception des
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programmes de promotion de la santé.8 La Charte issue de cette conférence propose un plan d'action ayant pour thème « la santé pour tous d’ici à
l'an 2000 ». Elle énonce une gamme d'approches en amont et en aval dont on trouvera un aperçu dans l’encadré ci-dessous.
La Charte d'Ottawa pour la promotion de la santé
La Charte d'Ottawa et le manifeste « Santé pour tous d'ici l'an 2000 » comprennent les stratégies suivantes :
Établir une politique publique saine. L'objectif est de mettre la santé au programme de tous les décideurs afin qu'ils considèrent les répercussions liées à la
santé dans leurs décisions. Une politique publique saine est une politique qui n'a pas d'effet négatif sur la santé en tentant d'atteindre un autre objectif.
Créer des milieux favorables. L'accent mis sur le milieu reflète une sensibilisation quant à l'impact des environnements naturels, bâtis et sociaux sur la santé
et propose une approche socioécologique à la santé.
Renforcer l'action communautaire. La promotion de la santé exige une responsabilisation et un engagement de la part de la communauté dans la
détermination des priorités, et la planification et la mise en ?uvre de stratégies visant une meilleure santé.
Développer les aptitudes personnelles. La promotion de la santé appuie le développement personnel et social en fournissant de l'information et en
améliorant les aptitudes à la vie quotidienne.
Réorienter les services de santé. La promotion de la santé préconise une répartition plus égale entre le traitement et la prévention des maladies dans
l’attribution des ressources en santé. Essentiellement, les services de santé doivent être élargis pour comprendre les quatre stratégies ci-dessus, en plus
des soins médicaux classiques. La responsabilité quant aux services de promotion de la santé doit être partagée entre les personnes, les groupes
communautaires, les professionnels de la santé, les services de santé et les gouvernements.
La Charte définit également sept conditions préalables à la santé : la paix, un abri, de l’instruction, de la nourriture, un revenu, un écosystème stable et des
ressources durables. Ces conditions préalables sont étroitement liées aux déterminants macrosociaux de la santé et sont essentielles pour comprendre pourquoi
nous n'avons pas réussi à atteindre la « Santé pour tous d'ici l'an 2000 », même dix ans plus tard.9,10 Points de discussion : dans quelle mesure le monde a-t-il
échoué à cet égard, et pourquoi? Comment un médecin peut-il influencer ces facteurs dans sa pratique?
Une application de la Charte d'Ottawa
Un programme de santé publique de Glasgow, en Écosse, a appliqué la Charte d'Ottawa dans le cadre d'une expérience visant à améliorer la santé dentaire des
enfants de cinq ans vivant dans des quartiers défavorisés.11 La santé buccodentaire des enfants de Glasgow comptait en effet parmi les plus mauvaises d’Europe
de l'Ouest.
Ce programme de prévention des caries « dès la naissance » a abordé les déterminants précoces de la carie dentaire liés au mode de vie. Les interventions ont été
menées par des équipes de santé buccodentaire dans les 15 régions administratives de soins de santé du pays.
Voici des exemples des activités entreprises :
Établir une politique publique saine : éducation du personnel des jardins d’enfants; mise en ?uvre de politiques de collations saines au jardin d’enfants;
subventions à l’achat d'ustensiles et de mélangeurs pour aliments; dons de pâte dentifrice au fluor.
Créer des milieux favorables : organisation d'activités communautaires pour promouvoir la santé buccodentaire; changements apportés dans les jardins d’enfants;
consultations communautaires offertes; cours de cuisson offerts.
Développer les aptitudes personnelles : adaptation en style clair et simple de la documentation disponible; formation aux techniques de brossage des dents; livres
de chansons sur la santé dentaire.
Renforcer l'action communautaire : on a beaucoup insisté sur la mobilisation communautaire, y compris en créant des réseaux de militants bénévoles pour faire de
l’action sociale, en aidant des groupes communautaires à trouver des moyens de promouvoir des activités et des comportements anticaries, et en formant des
formateurs.
Réorienter les services de santé : les équipes d'intervention en santé buccodentaire ont fait la promotion de sessions de santé buccodentaire périnatale dans les
cabinets de médecins; et l’on a créé des programmes de registres dentaires.
Le programme comprenait également une composante évaluative, laquelle fera l'objet du septième chapitre.
Questions d'auto-évaluation
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1. Faites la distinction entre l'histoire naturelle et l'évolution clinique d'une maladie.
L'histoire naturelle porte sur la séquence des changements et sur l'évolution d'une maladie non traitée. Le traitement peut en modifier le cours, ce qui représente
son évolution clinique. Si le traitement n'est pas efficace (par ex. le recours aux antibiotiques pour une affection virale), l’histoire naturelle et l’évolution clinique
peuvent coïncider.
2. Le frottis cervical (« test Pap ») dépiste le cancer du col utérin chez les femmes à un stade précoce (avant l'apparition de symptômes, quand la maladie n’est pas
visible à l’?il nu). Lequel des énoncés suivants s'applique au cas d'une femme sans antécédents de cancer du col utérin qui subit un test Pap?
A. Elle fait de la prévention primordiale.
B. Elle fait de la prévention primaire.
C. Elle fait de la prévention secondaire.
D. Elle fait de la prévention tertiaire.
E. Il s'agit d'un test de dépistage, et non d'une méthode de prévention.
C) Prévention secondaire
Explication :
A. La prévention primordiale s’exerce tôt dans la chaîne causale pour modifier les conditions sociales ou économiques générales pouvant donner lieu à des
facteurs de risque. Le test Pap ne tient pas compte des conditions générales, mais d'un processus morbide particulier.
B. La prévention primaire veille à éviter la maladie ? or, subir un test Pap ne prévient pas l'apparition de la maladie.
C. La prévention secondaire veille à interrompre le processus d’une maladie avant l'émergence de symptômes reconnus ou de résultats diagnostiques de
l'affection. Le test Pap est une étape essentielle : il détecte le processus morbide avant l'émergence de symptômes.
D. La prévention tertiaire veille à éviter les séquelles d'un processus morbide une fois que la maladie est diagnostiquée et traitée. Le test Pap est lié à la détection
précoce; il n'a rien à voir avec les effets subséquents de la maladie.
E. Oui, il s'agit bel et bien d'un test de dépistage, mais il fait partie intégrante d'une approche de prévention. Cette réponse est épineuse, car on peut supposer que
l'intention du médecin qui administrait le test était de prévenir l'évolution du cancer.
3. Quelle est la différence entre les philosophies de la promotion de la santé et de la protection de la santé?
La promotion de la santé veille à autoresponsabiliser une communauté, lui permettant ainsi d'améliorer sa santé par l’action collective. La protection de la santé est
un ensemble de mesures, souvent appuyées par les lois, appliquées par des autorités externes en vue d'éviter des conséquences négatives pour la santé.
L'implication de la communauté peut être limitée.
4. Donnez un aperçu des éléments de la Charte d'Ottawa pour la promotion de la santé.
Établir une politique publique saine; créer des milieux favorables; renforcer l'action communautaire; développer les aptitudes personnelles; et réorienter les
services de santé. Comment pourrait-on mettre en pratique ces éléments dans un centre de médecine familiale typique de votre ville?
Bibliographie
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2. Porta M. Dictionary of epidemiology. New York: Oxford University Press; 2008.
3. Starfield B, et al. The concept of prevention: a good idea gone astray? J Epidemiol Community Health 2008;62:580-583.
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6. Public Health Agency of Canada. Health goals for Canada. 2009; Available at: http://www.phac-aspc.gc.ca/hgc-osc/new-1-eng.html. Accessed Nov
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8. World Health Organization. Ottawa charter for health promotion. 1986; Available at: http://www.who.int/hpr/NPH/docs/ottawa_charter_hp.pdf.
Accessed July 28, 2011.
9. Bryant J, Zuberi R, Thaver I. Alma Ata and health for all by the year 2000. The roles of academic institutions. Infec Dis Clin North Am
1991;5(2):403-416.
10. Gunning-Schepers L. "Health for all by the year 2000": a mere slogan or a workable formula? Health Policy 1986;6(3):227-237.
11. Blair Y, Macpherson L, McCall D, McMahon A. Dental health of 5-year olds following community-based oral health promotion in Glasgow, UK. Int
J Paediatric Dentistry 2006;16:388-398.
AFMC Petit Guide de la santé des populations
Partie 2 - Les méthodes : étudier la santé
AFMC Petit Guide de la santé des populations
Chapitre 5 L'évaluation des preuves et de l’information
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Après avoir achevé ce chapitre, le lecteur sera en mesure :
d'obtenir et de recueillir de l’information sur la santé afin de décrire la santé d'une population :
1. Décrire les types de données et les principaux éléments (tant qualitatifs que quantitatifs) utilisés pour évaluer les besoins d'une collectivité en matière
de santé;
2. Évaluer de façon critique les sources possibles de données pour décrire la santé d'une population, y compris l'importance de la codification et de la
consignation exactes de l’information sur la santé;
3. Décrire l'incertitude liée à la saisie de données sur le nombre d'incidents et les populations à risque.
d'analyser les données sur la santé des populations à l'aide de mesures pertinentes :
a. Appliquer les principes de l'épidémiologie dans l'analyse de situations sanitaires courantes observées en cabinet et dans la collectivité;
b. Aborder les différentes mesures d'association, notamment le risque relatif, les rapports de cotes, le risque attribuable et les corrélations (voir
Corrélation dans le glossaire);
c. Comprendre l'utilisation appropriée des différentes présentations graphiques des données;
d. Décrire les critères d'évaluation de la causalité
e. Être en mesure d'évaluer des données de recherche de façon critique et de les intégrer, en mettant l'accent sur les éléments suivants :
i. Les caractéristiques des plans d'études (essai comparatif hasardisé, étude de cohorte, étude cas-témoin, étude transversale;
ii. Les problèmes de mesure (biais, confusion;
iii. Les mesures de la santé et de la maladie (mesures de la tendance centrale) et l'échantillonnage.
Julie Richard a des inquiétudes au sujet de sa ménopause. Elle souffre de bouffées de chaleur et de fatigue généralisée. Elle reconnaît qu'elle est à un point dans
sa vie où les changements sont nombreux. Par exemple, ses risques d'ostéoporose et de cancer sont plus élevés. Elle en a discuté avec sa fille Audrey, qui a fait
une recherche sur Internet et a trouvé beaucoup d’information sur l'hormonothérapie, les suppléments de calcium et des produits comme l'huile d'onagre. On disait
aussi que l'activité physique était une façon d'améliorer le bien-être. Julie Richard consulte le D r Rao à cet effet et lui fait part de l’information qu'Audrey a trouvée.
D r Rao y jette un coup d'?il et se demande quoi penser de ces allégations. En particulier, Julie veut savoir si un aimant aiderait à soulager ses symptômes de
ménopause. Elle a obtenu des renseignements à ce sujet sur le Web et montre l'imprimé au D r Rao. Le site Web contient une foule d'information au sujet de la
ménopause et cite des articles évalués par des pairs suggérant que les aimants statiques sont un traitement efficace de la dysménorrhée.
D r Rao consulte Medline et d'autres sources sur Internet pour vérifier ces allégations. Il découvre que l'auteur est propriétaire d'une clinique privée qui se spécialise
dans les problèmes liés à la ménopause. Sur le site Medline, D r Rao trouve plusieurs articles portant sur le soulagement de la douleur par les aimants. Dans une
étude méthodique, il est indiqué que les aimants pourraient soulager légèrement la douleur liée à l'arthrose, mais que rien ne démontre leur efficacité contre
d'autres types de douleur. Selon les promoteurs des aimants, leur mécanisme produit soit une interférence directe avec la conduction nerveuse, soit une action sur
les petits vaisseaux pour améliorer la circulation sanguine.
L'évaluation de l’information et des preuves
On prétend depuis toujours pouvoir guérir les troubles de santé. Certaines méthodes de guérison se fondent sur la science; on connaît leurs
mécanismes d'action et les principes qui les sous-tendent. On sait empiriquement que d'autres améliorent la santé, sans toutefois comprendre
entièrement comment elles fonctionnent. D'autres encore n’ont aucun effet bénéfique avéré. Beaucoup n'ont pas fait l'objet d'études rigoureuses.
Enfin, certaines n’ont qu'un effet placebo : leur effet bénéfique est associé à la suggestion plutôt qu'à une action chimique directe.
Chaque année, environ deux millions d'articles résument les résultats de recherches scientifiques. Bien des conclusions sont discordantes. Ces
discordances ont de multiples raisons : un biais dans le plan d'étude, la perspective du chercheur, les caractéristiques uniques des sujets de l'étude,
les méthodes utilisées pour analyser les résultats? L'étude parfaite n’existe pas. Pourtant, idéalement, la pratique d’une médecine factuelle exige
que les cliniciens appuient leurs décisions sur des preuves scientifiques. Comme certaines « preuves » présentent des failles, le clinicien doit être en
mesure d'évaluer la validité de l'information publiée dans la documentation médicale, d'où l’idée d’une évaluation critique de la documentation. Dans
le but de guider la pratique médicale, divers organismes font un examen régulier des publications et élaborent des directives cliniques fondées sur
les preuves actuelles, mais pour s’y retrouver (voir la discussion entre le Dr Rao et Julie sur les aimants et la ménopause), chaque clinicien doit
connaître les bases de l'évaluation critique des recherches médicales.
L'évaluation critique
Le principe même de la médecine factuelle est de déterminer la qualité des preuves par une évaluation critique, c’est-à-dire en appliquant les
règles de la science et du bon sens pour évaluer la qualité des articles publiés. L'évaluation critique consiste à juger de la validité des méthodes et
des procédures utilisées pour recueillir les données, à repérer les biais possibles, à évaluer la pertinence de l'analyse, l'exhaustivité du compte
rendu et les conclusions tirées, et à vérifier si l’étude est conforme aux codes d’éthique de la recherche. Il existe de nombreuses listes de vérification
pouvant guider le processus d'évaluation critique, mais en dernier ressort, les cliniciens doivent utiliser leur jugement pour évaluer la qualité de
l'étude et la pertinence des résultats dans leur situation clinique particulière.
Une première approche de l'évaluation critique repose sur le simple bon sens. Voici une approche datant de 1990 pour évaluer de manière critique
la qualité des données. En anglais, elle est connue sous l'acronyme FiLCHeRS (Falsifiability, Logic, Comprehensiveness, Honesty, Replicability,
Sufficiency). Les équivalents français sont la réfutabilité, la logique, l'intégralité, l'honnêteté, la reproductibilité et la suffisance1.
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Tableau 5.1 : Normes FiLCHeRS d'évaluation de la qualité de l’information
Réfutabilité
On doit pouvoir concevoir des preuves qui contrediraient l'allégation (par exemple, il n'existe pas de manière
logique de prouver que Dieu n'existe pas).
Logique
Les arguments à l'appui d'une allégation doivent être cohérents sur le plan logique.
Intégralité
Les preuves à l'appui d’une allégation doivent être exhaustives ? on doit tenir compte de toutes les preuves
disponibles, sans faire abstraction des preuves contraires.
Honnêteté
Les preuves à l'appui d’une allégation doivent être évaluées avec ouverture d'esprit et sans aveuglement.
Reproductibilité On doit pouvoir obtenir des résultats semblables dans le cadre d'autres expériences et essais.
Suffisance
Les preuves à l'appui d’une allégation doivent être suffisantes pour établir la vérité de cette allégation, mais aux
conditions suivantes :
c’est à celui qui fait l’allégation qu’il incombe d’en faire la preuve;
les allégations extraordinaires exigent des preuves extraordinaires; et les preuves que l’on tient « de source sûre »
ou de témoignages sont toujours inadéquates dans le cas d’une allégation paranormale.
La médecine factuelle repose sur l’accumulation de résultats de recherche qui ont été évalués de manière critique et dont la qualité est reconnue.
La médecine factuelle
La médecine factuelle est définie comme étant « l'usage systématique dans le traitement des patients des meilleures preuves tirées de recherches
cliniques et épidémiologiques publiées, en mettant en balance les risques et les avantages des épreuves diagnostiques et des options
thérapeutiques, et en tenant compte des circonstances particulières de chaque patient, y compris le risque de base, les comorbidités et les
préférences personnelles2. »
En pratique clinique, la médecine factuelle est l'intégration de l'expérience clinique aux meilleures preuves cliniques externes disponibles provenant
de la recherche systématique. L'approche a été élaborée en grande partie au Canada par le Dr David Sackett et d'autres chercheurs de l'Université
McMaster au cours des années 1970, et elle est reconnue aujourd'hui comme un élément fondamental de la pratique médicale3. Selon Sackett, la
médecine factuelle est le processus consistant à trouver de l'information pertinente dans la documentation médicale pour traiter un problème
clinique spécifique, l'application de règles simples de la science et du bon sens pour déterminer la validité de l'information, et l'application de cette
information à la question clinique. On veut ainsi s’assurer que les soins au patient sont fondés sur les preuves des meilleures études disponibles.
Sackett fait valoir que « l'art de la médecine » consiste à prendre les résultats de plusieurs sources de preuves et de les interpréter en fonction de
patients individuels : cela s'oppose à une médecine axée sur les règles (cookbook medicine). Par la suite, l'approche a été appliquée au-delà de la
médecine clinique pour proposer, par exemple, une santé publique fondée sur les preuves et une élaboration des politiques fondée sur les preuves.
Petit truc mnémotechnique (en anglais) : les cinq « A » de la médecine factuelle
Voici une séquence qu'un clinicien peut suivre pour prendre une décision fondée sur la médecine factuelle quant à la prise
en charge d'un cas clinique complexe :
Assess (apprécier la situation) : reconnaître les problèmes et les classer en ordre de priorité.
Ask (s’interroger) : élaborer des questions cliniques pouvant faciliter la recherche efficace de preuves.
Acquire (acquérir) : rassembler des preuves de sources dont la qualité est reconnue.
Appraise (évaluer) : évaluer les preuves en fonction de leur validité, de leur importance et de leur utilité.
Apply (appliquer) : appliquer les preuves au cas du patient en tenant compte des préférences et des valeurs de ce dernier.
Vous trouverez de plus amples renseignements sur les cinq « A » sur www.jamaevidence.com et
www.ebm.med.ualberta.ca..
Évaluer les preuves scientifiques : la recherche qualitative vs quantitative
Le savoir médical ressort d'une combinaison de la recherche qualitative et quantitative. Lorsqu'il est question de recherche qualitative, on utilise des
observations non numériques pour expliquer le « pourquoi ». Les méthodes quantitatives se fondent plutôt sur des données pouvant être
quantifiées ou converties en format numérique pour expliquer le « comment ». Comme le montre le tableau 5.2, chaque approche comble un besoin
différent; la plupart des chercheurs considèrent donc la recherche qualitative et la recherche quantitative comme étant complémentaires et
Droits d'auteur © L'Association des facultés de médecine du Canada. Le contenu est autorisé en vertu du permis Creative Commons « Attribution-NonCommercial-ShareAlike 3.0 Unported ».
Un exemplaire de ce permis se trouve au http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/. Les autorisations dépassant l'étendue de ce permis se trouvent au http://www.afmc-phprimer.ca/termsofuse.
acceptent une approche mixte.
Variables qualitatives vs études qualitatives
Les études quantitatives portent souvent sur des variables qualitatives. Par exemple, un chercheur qui souhaite connaître la satisfaction des patients à l’égard des
services peut poser la question suivante : « Dans quelle mesure êtes-vous satisfait des soins que vous avez reçus? » Ce chercheur peut utiliser un barème qui
permet de quantifier grossièrement les réponses, par exemple à l'aide d'une série d'énoncés : très satisfait, satisfait, insatisfait ou très insatisfait. Il peut attribuer à
chaque énoncé un score de 1, 2, 3 ou 4, et présenter ses résultats selon le mode ou la médiane. L'étude, même si elle mesure la qualité d'une chose, exprime les
résultats en nombres et est ainsi une étude quantitative.
D'autre part, une étude qualitative sur le même sujet pourrait impliquer un groupe de discussion composé de patients auxquels un animateur poserait la même
question, tout en permettant aux participants de partager ce qu'ils considèrent comme étant important pour leur satisfaction. L’animateur leur poserait ensuite des
questions de suivi pour approfondir leurs idées. Les renseignements obtenus seraient examinés et analysés pour dégager des thèmes et des sous-thèmes
communs dans les discussions du groupe.
Tableau 5.2 : Comparaison des méthodes de la recherche qualitative et quantitative
Recherche qualitative
Recherche quantitative
Génère des hypothèses
Vérifie des hypothèses
Est généralement inductive (part d'un cas précis pour arriver à
une conclusion générale)
Est généralement déductive (part d'une théorie générale pour
arriver à une explication précise)
Examine un ensemble d’idées; l'approche d'échantillonnage
permet une couverture représentative des idées ou des
concepts
Examine un ensemble de personnes; l'échantillonnage permet
une couverture représentative des personnes dans la population
Explique « pourquoi » et « qu’est-ce que cela veut dire »
Explique « quoi », « combien » et « dans quelle mesure »
Capte des renseignements étoffés, contextuels et détaillés
Obtient des estimations numériques de la fréquence, de la gravité
auprès d'un petit nombre de participants
et des associations à partir d'un grand nombre de participants
Exemple de question d'étude : Quelle est l’expérience des
personnes traitées pour un cancer du sein?
Exemple de question d'étude : Ce traitement du cancer du sein
réduit-il la mortalité et améliore-t-il la qualité de vie?
Recherche qualitative vs quantitative
Pour une comparaison plus détaillée de plans d'études qualitatives et quantitatives, consultez le site
www.pngted.uconn.edu/siegle/research/Qualitative/qualquan.htm.
Les nombres ne disent pas tout
Dans le cadre d'études quantitatives, on peut avoir recours aux nombres pour catégoriser les réponses à des questions qualitatives comme « Dans quelle mesure
êtes-vous satisfait? » (réponses : 1 = très insatisfait à 4 = très satisfait). Attention : ces nombres sont arbitraires, et on ne peut présumer qu'ils représentent un
gradient égal de la satisfaction. Dans le jargon technique, ces nombres sont « ordinaux » (comme les numéros civils des maisons sur une rue) (voir Échelles de
mesure dans le glossaire), mais le changement de niveau de satisfaction d’un nombre à l’autre n'est pas nécessairement égal. Par conséquent, de telles données
doivent être analysées à l'aide de méthodes statistiques non paramétriques ? par exemple, à l'aide d'une médiane, plutôt que d'une moyenne.
Par contre, le fait de mesurer la température corporelle en degrés Celsius représente une mesure « d’intervalle » : le changement de température est égal entre
chaque nombre successif sur l'échelle. Les données découlant de telles mesures peuvent être analysées à l'aide de statistiques paramétriques : il est alors légitime
de calculer les valeurs moyennes.
La recherche qualitative
La recherche qualitative désigne « tout type de recherche qui emploie des informations non numériques pour explorer les caractéristiques des
individus et des groupes et arrive à des résultats qu'il est impossible d'obtenir par des techniques statistiques ou d'autres méthodes quantitatives.
Les études de cas cliniques, les études narratives sur le comportement, l'ethnographie, les études des organisations et les études sociales en sont
quelques exemples4. » La recherche qualitative est utile pour comprendre un domaine méconnu, ou pour lequel la recherche antérieure semble
insuffisante ou non applicable à une situation particulière. Elle est explicative : elle veille à expliquer des situations complexes où la réduction des
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données à des éléments quantifiables entraînerait la perte d'une trop grande quantité d'information. Ses méthodes d'échantillonnage portent ainsi
sur le contenu de l'échantillon, plutôt que sur les personnes. Elle montre comment certaines situations sont vécues et interprétées. Les méthodes
qualitatives sont utiles pour édifier une théorie ou un cadre théorique à partir d'une réalité observable et pour comprendre un phénomène de
manière approfondie et détaillée. C’est la question de recherche qui dicte les méthodes de collecte de données qualitatives et analytiques que l'on
doit privilégier. Il existe un grand nombre de méthodes; les trois principales (et leurs caractéristiques) sont décrites dans l’encadré Pour les mordus.
Tableau 5.3 : Types d'études qualitatives
Méthode
qualitative
Type de question
Phénoménologie
Source des données
Technique analytique
Primaire :
Réflexion thématique et phénoménologique;
enregistrement
magnétophonique
prise de notes et écriture réfléchie
d’une longue
conversation
Secondaire : poésie,
peinture, cinéma
Ethnographie
Questions observationnelles (Comment l'équipe chirurgicale
Primaire : observation
Description dense, relecture des notes et
collabore-t-elle en salle d'opération?) et questions descriptives
des participants; notes
codage thématique; narration; analyse de cas;
portant sur les valeurs, les croyances et les pratiques d'un
d'observation;
diagramme pour représenter les tendances et
groupe culturel (Que se passe-t-il ici?)
entrevues structurées
les processus
ou non structurées
Secondaire :
documents, groupes de
discussion
Théorie à base
Questions de processus portant sur l’évolution de l'expérience
Primaire :
Sensibilité théorique; élaboration de concepts
empirique
au fil du temps ou sur ses stades ou phases (Comment les
enregistrement
pour le développement de théories; prise de
résidents en médecine composent-ils avec la fatigue?) ou
magnétophonique
notes thématiques; diagrammes; accent sur la
questions de compréhension (Quelles sont les dimensions de
d'entrevues;
recherche des concepts et des processus
ces expériences?)
observations
Secondaire :
fondamentaux
expérience personnelle
Source : adaptation de Richards et al.5
Juger de la qualité de la recherche qualitative
Pour évaluer la recherche qualitative, vous devez répondre aux questions suivantes :
1. Le projet était-il sous-tendu d'un plan d'étude rigoureux?
Les éléments à considérer sont les compétences et les connaissances du chercheur et l'exhaustivité de l'analyse documentaire. La question de
recherche doit aussi être claire et convenir à l'analyse qualitative. Le chercheur doit énoncer dans quelle perspective on a recueilli et analysé les
données.
2. L'exécution de l'étude était-elle rigoureuse?
L'échantillon final doit représenter tous les groupes pertinents. Par exemple, une étude de la satisfaction des patients doit représenter tous les types
de patients qui se présentent à la clinique : des hommes et des femmes de tous les âges, présentant tous les types d’affections. Dans le cadre
d'une recherche qualitative, la taille de l'échantillon n'est pas nécessairement stable. L'échantillonnage peut se poursuivre tant que de nouvelles
idées ou de nouveaux concepts se présentent. C'est ce que l'on appelle la saturation. Le protocole d'entrevue peut être modifié. Il n'est pas
nécessaire que les questions soient uniformes, mais elles doivent capter les indicateurs verbaux et non verbaux afin que le sujet soit exploré à fond.
Pendant le projet, le protocole d'entrevue peut évoluer selon les résultats des entrevues antérieures.
Bien que souples, les méthodes de collecte des données doivent être systématiques et organisées, et elles doivent être décrites. L’analyse des
mêmes données par plusieurs chercheurs est une façon de cerner les biais d’interprétation possibles; on doit avoir noté comment on s’y est pris
pour concilier les différences dans l'interprétation des résultats. Dans certaines études, on demande aux participants de valider l'interprétation. Le
lecteur doit chercher les preuves que la recherche a été réalisée de manière éthique. La confidentialité et l'anonymat, notamment, représentent un
défi pour la recherche qualitative, car les données sont tirées de comptes rendus très personnels provenant de petits échantillons.
Les biais sont inhérents à la recherche qualitative. La collecte de données observationnelles, que l'observateur soit ou non à la vue des personnes
observées, peut influencer leurs comportements. L'interaction entre les intervieweurs et les interviewés peut également influencer les réponses. De
même, les résultats de l'analyse des données peuvent dépendre du savoir et de la perspective de l’analyste. Il s'agit des mêmes problèmes que l'on
rencontre dans la recherche quantitative (voir la rubrique sur les biais), mais les méthodes de résolution ne peuvent être les mêmes. La recherche
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rencontre dans la recherche quantitative (voir la rubrique sur les biais), mais les méthodes de résolution ne peuvent être les mêmes. La recherche
quantitative vise l'uniformité et la normalisation pour réduire les biais. La recherche qualitative, de par sa nature même, réagit au contexte. Elle doit
aussi expliquer le contexte ou la perspective du chercheur afin de permettre au lecteur d'évaluer l'influence de celui-ci sur les résultats. L'analyse
d’une étude de recherche qualitative est souvent réalisée par au moins deux chercheurs afin que l'on puisse reconnaître les perspectives
personnelles et réduire leurs effets sur l'interprétation des résultats. Il est également préférable d’énoncer les connaissances et la perspective de
chaque analyste pour le bénéfice du lecteur.
3. Puis-je transférer les résultats de cette étude à mon propre milieu?
Les lecteurs doivent décider si le contexte et les sujets de l'étude ressemblent suffisamment à leur propre contexte et à leurs propres patients pour
que les résultats soient applicables. On peut aussi comparer les résultats à ce qui est publié : dans quelle mesure l'étude en corrobore-t-elle
d'autres? Si les corroborations sont nombreuses, les résultats de l’étude sont probablement généralisables, et donc transférables à un contexte
semblable.
Complémentarité des approches qualitatives et quantitatives
La chercheuse Jill Cockburn a étudié la satisfaction des patientes à l’égard des services de dépistage du cancer du sein en Australie. Elle a eu recours à des
méthodes qualitatives pour mesurer le niveau de satisfaction : elle a réalisé une analyse documentaire et mené des entrevues auprès des patientes et du personnel
sur leur expérience des services. Elle a ensuite élaboré un questionnaire normalisé pour mesurer divers aspects des services de dépistage en tenant compte des
études antérieures et de l’expérience vécue par les patientes; les résultats de ce questionnaire ont été analysés de manière quantitative 6 .
La recherche quantitative
Le paradigme scientifique occidental a été perfectionné au cours des siècles pour mieux comprendre les principes généraux qui sous-tendent les
phénomènes observables; la recherche qualitative décrit des cas précis de ces phénomènes. La recherche quantitative, quant à elle, se fonde
comme son nom l’indique sur la comptabilisation et l'analyse mathématique; elle a recours à des plans d'étude rigoureux, lesquels cherchent à
réduire au minimum le rôle du jugement humain dans la collecte et l'interprétation des données. En général, les chercheurs utilisent des méthodes
quantitatives pour étudier des associations statistiques entre des variables, ou des différences dans les profils de santé de diverses populations.
L'intention première de beaucoup de ces études (mais non de toutes) est de découvrir les facteurs causaux qui influencent l'état de santé. On
étudiera par exemple quels sont les facteurs de risque des personnes diabétiques et non diabétiques, comment se rétablissent les patients traités et
non traités, ou quels sont les modes de vie de différents segments de la population. Les essais cliniques de l'efficacité d'un nouveau traitement sont
aussi des études causales : le traitement a-t-il causé le rétablissement du patient? Comme l'interprétation causale sous-tend une très grande partie
de la recherche médicale, nous décrirons brièvement la logique de l’inférence des causes avant d'aborder les plans d'étude qui visent à découvrir
ces causes.
Les critères d’inférence des causes
Les études et les analyses épidémiologiques peuvent démontrer des associations entre des variables, mais une association n'est pas
nécessairement causale. Malheureusement, on ne peut établir de relation causale entre un facteur et une maladie de manière définitive. En 1965,
Austin Bradford Hill a proposé un ensemble de critères pour évaluer la causalité des relations épidémiologiques; il s'est basé en partie sur les
postulats de Koch. Comme ces critères ont été modifiés à maintes reprises, il en existe plusieurs versions comprenant un nombre différent de
critères.
Les postulats de Koch
Robert Koch (1843?1910), un médecin prussien, a remporté le prix Nobel de physiologie en 1905 pour son travail sur la tuberculose. Un des pères de la
microbiologie, il a isolé le Bacillus anthracis, le Mycobacterium tuberculosis (autrefois appelé bacille de Koch) et le Vibrio cholerae. Ses critères (ou postulats) pour
déterminer qu'une maladie est causée par un microbe sont que le microbe doit être :
présent dans tous les cas examinés de la maladie;
préparé et maintenu en culture pure;
capable de produire l'infection originale, même après plusieurs générations en culture;
récupérable d'un animal vacciné et cultivable de nouveau.
Ces postulats se fondent sur les critères de causalité élaborés par le philosophe John Stuart Mill en 1843. Bien que les mordus de la microbiologie puissent citer
des maladies causées par des organismes qui ne satisfont pas entièrement à tous les critères, les postulats de Koch offrent un fondement rationnel à l'étude de la
microbiologie médicale.
Tableau 5.4 : Critères d'inférence d'une relation causale
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Critères
Commentaires
1. Relation chronologique : l'exposition à la cause
Ce critère est largement accepté. Par contre, il est difficile de connaître le
présumée doit être antérieure à l'apparition de la
maladie.
véritable début de certaines maladies si leur période latente est longue. Par
exemple, il peut s'avérer difficile de déterminer le moment exact où un
cancer est apparu.
2. Force de l'association : si toutes les personnes
atteintes de la maladie ont été exposées à l’agent
causal présumé, mais que très peu de personnes en
santé dans le groupe de comparaison y ont été
exposées, l'association est forte. D'un point de vue
Ce critère peut être contesté : la force varie beaucoup en fonction du nombre
de facteurs étudiés et de la manière dont ils sont contrôlés dans le cadre de
l'étude. Une forte association peut résulter d'un facteur confusionnel non
reconnu. L’association significative entre le rang de naissance et le risque
de syndrome de Down en est un exemple : en réalité, le risque découle de
quantitatif, plus le risque relatif est important, plus il
est probable que l'association est causale.
l'âge maternel au moment de la naissance de l'enfant. Une faible association
peut aussi être causale, notamment si elle est modifiée par d'autres facteurs.
3. Intensité ou durée de l'exposition (ou gradient
C’est un critère raisonnable s’il est présent, mais qui ne s'applique pas
biologique ou relation dose-réponse) : si les
personnes dont l'exposition à l'agent est la plus
intense ou la plus longue présentent une fréquence
ou une gravité plus importante de la maladie, alors
que les personnes dont l'exposition est moindre ne
nécessairement si un niveau seuil doit être atteint pour que l'agent se
manifeste. L'absence de réponse à une dose ne réfute donc pas la causalité.
sont pas aussi malades, il est fort probable que
l'association est causale.
4. Spécificité de l'association : si l'on découvre un
Ce critère est faible, et découle des réflexions sur les maladies infectieuses.
agent ou un facteur de risque associé de façon
constante à une seule maladie, il joue fort
probablement un rôle causal.
Les facteurs comme le tabagisme ou l'obésité sont associés de manière
causale à plusieurs maladies; l'absence de spécificité n'amoindrit pas une
interprétation causale.
5. Constance des résultats: une association est
constante si elle est confirmée par différentes études;
elle est encore plus convaincante si ces études
concernent différentes populations.
C’est un bon critère, mais il peut dissimuler les relations causales qui
s'appliquent uniquement à une minorité de personnes. Par exemple,
l'hémolyse d'origine médicamenteuse associée au déficit en glucose-6phosphate déshydrogénase (GPD) peut être difficile à démontrer dans les
populations où la prévalence du déficit en GPD est faible.
6. Cohérence ou plausibilité des résultats : existe-t-il
une explication biologique (ou comportementale,
etc.) à l'association observée? Les preuves
C’est un bon critère s'il existe une théorie, mais il peut être subjectif : on peut
souvent trouver une explication post-hoc à un résultat inattendu. D'autre part,
il ne faut pas écarter une cause potentielle en l’absence d'une explication
découlant d'expériences sur les animaux, d'effets
analogues créés par des agents analogues et des
informations d'autres systèmes expérimentaux et
méthodes d'observation font partie des preuves à
considérer.
biologique. Le savoir évolue au fil du temps, et de nouvelles théories
résultent parfois de résultats inattendus. La vérité existe dans la nature que
nous soyons ou non en mesure de l'expliquer à l'heure actuelle.
7. Cessation de l'exposition : si l'on enlève le
facteur causal d'une population, l'incidence de la
maladie devrait diminuer.
Cela peut être vrai dans une population, mais non chez une personne. La
pathologie n'est pas toujours réversible.
L'amiante cause-t-il le cancer du poumon?
Plus le nombre de critères satisfaits est élevé pour un cas particulier, plus on présume que l'association est causale. Par exemple, l'exposition des travailleurs du
bâtiment aux fibres d'amiante a-t-elle causé le cancer du poumon chez certains d'entre eux?
1. Relation chronologique : Est-il certain que l'exposition à l'amiante date d'avant le cancer (dont le développement peut avoir pris de nombreuses années)?
2. Force de l'association : Les groupes de travailleurs les plus exposés à l'amiante présentent-ils les taux les plus élevés de cancer?
3. Intensité et durée de l'exposition : Les travailleurs dont les états de service sont les plus longs sont-ils les plus susceptibles d’être malades?
4. Spécificité : Les travailleurs du bâtiment ont-ils uniquement le cancer du poumon?
5. Constance : A-t-on signalé des résultats semblables dans d'autres pays?
6. Cohérence et plausibilité : Biologiquement parlant, l'amiante peut-il causer le cancer du poumon?
7. Cessation de l'exposition : Après l'adoption de lois interdisant l'amiante, les taux de cancer du poumon ont-ils diminué parmi les travailleurs du bâtiment?
En dernier ressort, le fait qu'un facteur soit accepté comme la cause un non d’une maladie est une question de jugement. Il existe toujours des
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défenseurs du tabac qui s'appuient sur des arguments scientifiques et factuels pour démontrer la fausseté de la conclusion que le tabagisme cause
le cancer et les cardiopathies.
Les sections suivantes décrivent les principaux plans de recherche quantitative qui sont pertinents dans le domaine médical. Les méthodes de
mesure que l'on utilise dans la recherche sur la santé seront examinées dans le sixième chapitre. Chaque étude doit réduire au minimum deux
types d'erreur dans son plan et sa collecte de données : les biais et les erreurs aléatoires. En outre, les études doivent tenir compte de la confusion
possible, laquelle peut nuire à l'interprétation des résultats. Ces erreurs sont expliquées en détail plus loin dans ce chapitre, mais voici quelques
brèves définitions à titre explicatif.
Erreur : résultat faux ou erroné obtenu dans une étude ou une expérience 1 . On peut distinguer les erreurs aléatoires et systématiques :
Erreur aléatoire : écart par rapport à la réalité qui peut gonfler ou minimiser les estimations découlant d'une mesure ou d'une étude. On suppose généralement que
de telles erreurs sont dues au hasard et, s'il s'agit d'un gros échantillon, qu'elles ne déforment pas les résultats globaux de manière considérable. Des statistiques
comme l'intervalle de confiance servent à estimer leur ampleur (voir « Erreur d'échantillonnage ou au hasard » ci-dessous).
Erreur systématique ou biais : écart systématique de résultats d’étude ou d’inférences par rapport à la réalité; sous-estimation ou surestimation systématique. Ces
erreurs peuvent découler de failles dans le plan d'étude, y compris l'échantillonnage, ou dans les méthodes de mesure.
Confusiondifficulté, dans l'interprétation des résultats d'une étude, à distinguer lequel de deux processus est à l'origine des effets (voir « Confusion » plus loin).
Les plans de recherche
Contrairement aux méthodes qualitatives, la recherche quantitative se fonde sur un échantillonnage systématique de personnes et fait appel à la
mesure, l’analyse et l’interprétation normalisées de données numériques. Elle fait appel à divers plans d'étude qui se divisent en deux grandes
catégories : les études expérimentales (ou essais expérimentaux) et les études par observation (voir Étude par observation dans le glossaire).
Figure 5.1 : Types d'études
Les études expérimentales (ou d?intervention)
Comme le nom l'indique, dans le cadre de ces études, les participants subissent une intervention quelconque dont on évalue l'impact. Il peut s’agir
d’une intervention médicale ou chirurgicale, d’un nouveau médicament ou d’une intervention sur le mode de vie. Comme il s'agit du plan le plus
rigoureux d'un point de vue méthodologique, les études expérimentales sont le choix implicite lorsqu’on veut trouver des preuves à l’appui des
meilleures pratiques de prise en charge des patients. C'est pourquoi ce thème est abordé en premier. Le chercheur expérimental exerce un contrôle
sur l'intervention, le moment, la dose et l’intensité. Sous sa forme la plus simple, une étude expérimentale évalue l'effet d'un traitement en suivant
ces étapes :
1. Le chercheur énonce officiellement l'hypothèse à tester.
2. Le chercheur choisit des personnes admissibles au traitement.
3. L'échantillon est divisé en deux groupes.
4. Un groupe (le groupe expérimental ou d'intervention) reçoit l'intervention, alors que l'autre (le groupe témoin) ne la reçoit pas.
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5. Les résultats pertinents sont consignés sur une certaine période, puis on compare les résultats des deux groupes.
À la troisième étape, une distinction critique apparaît (voir à la gauche de la figure 5.1) : on peut procéder soit à un essai comparatif hasardisé, soit
opter pour un plan non hasardisé. Dans le cadre d'un essai comparatif hasardisé, les personnes sont réparties entre un groupe d'intervention et un
groupe témoin de manière entièrement aléatoire, alors que dans le cadre d'une étude non hasardisée, les décisions relatives à l'intervention sont
prises autrement. On peut, par exemple, répartir les participants en fonction de l'endroit ou du moment où ils ont été recrutés, ou de leur ordre
d’entrée dans l'étude. Il existe de nombreux types d'études non hasardisées; comme le chercheur n'a pas nécessairement le plein contrôle sur la
répartition entre le groupe expérimental et le groupe témoin, ces études sont perçues comme étant inférieures aux plans véritablement hasardisés
(voir Pour les mordus). On les appelle souvent des plans quasi expérimentaux.
Les plans quasi expérimentaux
Voici un exemple d'étude quasi expérimentale : traiter des patients hypertensifs dans un hôpital selon un certain protocole, et comparer les résultats à ceux de
patients recevant un protocole thérapeutique différent dans un autre hôpital. L'avantage réside dans la simplicité : il n'est pas nécessaire de répartir aléatoirement
les patients entre chaque hôpital, et la formation du personnel est beaucoup plus facile. Cependant, plusieurs biais pourraient survenir dans le cadre d'une telle
étude : les patients pourraient choisir leur hôpital ou leur clinicien (autosélection); l’un des hôpitaux pourrait traiter des cas plus graves que l’autre; d'autres aspects
des soins pourraient être différents d’un hôpital à l’autre, et ainsi de suite.
La série chronologique est un autre type d'étude quasi expérimentale. Elle désigne un plan de recherche à groupe unique où l’on compare des mesures réalisées
avant et après une intervention, ce qui permet de comparer des tendances pour déterminer l'impact de l'intervention. Par exemple, pour voir si un nouveau manuel
de santé publique est utile à l'apprentissage des étudiants, on peut comparer les résultats obtenus à l'examen LCMC par des cohortes successives d'étudiants en
médecine, avant et après l’introduction du manuel. On peut considérer ce plan comme étant une expérience si le chercheur contrôle le moment de l’introduction du
manuel. Sinon, il s'agit d'une étude par observation. Encore une fois, ce plan a l'avantage d'être réalisable : il serait difficile de répartir aléatoirement les étudiants
entre un groupe ayant recours au manuel et un autre n'y ayant pas recours, car les deux groupes pourraient se partager le manuel.
Néanmoins, les possibilités de biais sont si importantes dans les études quasi expérimentales qu’on juge que ces études sont considérablement inférieures aux
expériences véritablement hasardisées. Ainsi, leurs résultats sont rarement considérés comme définitifs.
L'avantage principal de la répartition aléatoire des sujets entre différents groupes est que les autres facteurs qui pourraient influencer le résultat (par
ex. les facteurs confusionnels) seront probablement également présents dans chaque groupe, y compris les facteurs inconnus, comme les
caractéristiques génétiques qui influent sur le pronostic. En moyenne, si l'on suppose l’absence d'erreur systématique ou de biais, la seule
différence entre deux groupes répartis aléatoirement est l'intervention. Par conséquent, toute différence dans les résultats découle probablement de
l'intervention. Plus l'échantillon est gros, plus on peut être certain que les autres facteurs sont équivalents dans les deux groupes. Ainsi, toute
différence observée est véritablement due à l'intervention. Par contre, comme il s'agit toujours de probabilités, il faut en tester la signification
statistique. On peut ainsi démontrer la probabilité que les différences observées entre le groupe expérimental et le groupe témoin découlent
purement du hasard.
Est-ce vraiment aléatoire?
Pour des raisons pratiques, certains essais répartissent les patients de manière non aléatoire. Par exemple, un patient sur deux est affecté au groupe recevant un
traitement et les autres sont affectés au groupe témoin. La qualité de cette méthode est supérieure à celle d'une étude où les participants choisissent eux-mêmes le
groupe dont ils souhaitent faire partie, et peut se rapprocher de la qualité d'une répartition aléatoire. La méthode de répartition doit être examinée minutieusement
pour en déceler les biais possibles. Par exemple, si tous les patients du lundi matin sont affectés au groupe de traitement et que tous les patients du lundi aprèsmidi sont affectés au groupe témoin, est-il possible que des différences systématiques entre les groupes puissent influer sur les résultats?
Sélection aléatoire des sujets vs répartition aléatoire entre les groupes d'étude
Il faut distinguer la sélection aléatoire des sujets d'un cadre d'échantillonnage et la répartition aléatoire des sujets entre un groupe expérimental et un groupe
témoin. La question de la sélection non aléatoire des sujets se pose surtout dans un cadre de recherche descriptive, car elle peut donner des résultats non
généralisables à l’ensemble d’une population (voir la section sur les biais d'échantillonnage). La répartition non aléatoire entre un groupe expérimental et un
groupe témoin peut donner des résultats qui portent à confusion en raison des différences entre les groupes. Par exemple, le patient du lundi matin peut habiter
dans la région, alors que celui du lundi après-midi peut venir de l’extérieur, son rendez-vous correspondant à l’heure d'arrivée de l'autobus de sa ville (voir « Est-ce
vraiment aléatoire? » dans Pour les mordus)
Les essais comparatifs hasardisés
Le plan expérimental le plus commun en recherche médicale est l'essai comparatif hasardisé (ECH). Un ECH est une véritable expérience, du fait
que le chercheur contrôle l'exposition et, dans sa forme la plus simple, répartit les sujets aléatoirement entre le groupe expérimental et le groupe
témoin (lequel pourrait ne recevoir aucun traitement, le traitement classique ou un placébo). Le suivi et l'évaluation des deux groupes sont réalisés à
l'aide d'une comparaison rigoureuse de leurs taux de morbidité, de mortalité et d'événements indésirables, de leur état fonctionnel de santé et de
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leur qualité de vie. Les ECH ne sont pas nécessairement limités à deux groupes; on peut comparer plusieurs schémas thérapeutiques en même
temps. On a surtout recours aux ECH pour étudier des médicaments, mais on peut aussi s’en servir pour étudier des mesures de prévention. Ils
sont souvent réalisés dans plusieurs centres, comme c’est le cas des essais cliniques sur les traitements anticancéreux (voir l'encadré).
Les essais sur les traitements anticancéreux au Canada
Le Groupe des essais cliniques de l'Institut national du cancer du Canada entreprend des essais multicentriques afin d'augmenter la taille de l'échantillon et
d'améliorer la généralisabilité des résultats. Vous trouverez de plus amples renseignements sur ce groupe sur le site Web de la Société canadienne du cancer :
www.cancer.ca/research/Partnerships%20and%20Programs/National%20Programs/NCIC%20CTG.aspx?sc_lang=fr-ca.
Voici les étapes d'un ECH :
1. Énoncer l'hypothèse de manière quantitative et opérationnelle.
2. Sélectionner les participants. Cette étape comprend le calcul de la taille de l'échantillon requis, l'établissement de critères d'inclusion et
d'exclusion, et l'obtention d'un consentement libre et éclairé.
3. Répartir les participants aléatoirement entre un groupe recevant le traitement et un groupe témoin. La répartition aléatoire exclut la possibilité
d'un biais de répartition, augmente les chances que les facteurs confusionnels soient répartis également entre les deux groupes et justifie l’utilisation
de tests statistiques. Notons qu'il peut y avoir plus d'un groupe d'intervention, par exemple si l'on veut tester différentes doses d’un médicament
expérimental
4. Administrer l'intervention. Il vaut mieux que cela soit effectué à l'insu afin que le patient ne sache pas à quel groupe il a été affecté. Idéalement, le
chercheur (et certainement l'intervenant qui surveille la réaction du patient) ne doit pas non plus savoir à quel groupe le patient est affecté (il s'agit
alors d'une expérience à double insu). Cela aide à éliminer l'influence des attentes possibles du patient et du clinicien à l’égard du traitement,
attentes qui pourraient biaiser l’évaluation des résultats.
5. Examiner les résultats (par ex. les paramètres physiologiques ou biochimiques, la morbidité, la mortalité, les événements indésirables, l'état de
santé fonctionnelle ou la qualité de vie) à un moment déterminé d'avance et comparer ceux du groupe d'intervention et du groupe témoin à l'aide
d'analyses statistiques. Cela permet de déterminer si une différence dans les taux observés dans les deux groupes survient plus souvent que si seul
le hasard était en cause. Il arrive que les personnes qui analysent et interprètent les résultats ne sachent pas quel groupe reçoit quel traitement tant
que l'analyse n’est pas terminée. Le cas échéant, il s'agit d'une expérience à triple insu.
On considère les ECH comme étant les meilleurs plans de recherche, mais ils comportent tout de même des limites. En effet, ils sont conçus pour
étudier l'efficacité d'un traitement dans des conditions expérimentales bien contrôlées. Il est donc possible que les preuves ne reflètent pas
l’efficacité du traitement sur le terrain. Par efficacité potentielle, on entend l'impact potentiel d'un traitement dans les conditions optimales typiques
d'un milieu de recherche contrôlé. Par efficacité réelle, on entend son impact dans les conditions normales de pratique : par exemple, dans des
conditions expérimentales, le médicament peut être efficace parce que les patients savent qu'ils participent à un projet de recherche et qu'ils sont
supervisés. En réalité, le médicament pourrait ne pas être efficace, car sans supervision, les patients pourraient ne pas prendre tout le médicament
à la bonne dose. Il se peut également qu'une intervention efficace ne soit pas suffisamment efficiente pour être mise en pratique. L'auto-examen
des seins est une méthode efficace de dépistage précoce du cancer du sein, mais uniquement dans des conditions expérimentales où des
infirmières qualifiées effectuent un suivi constant auprès des femmes. Le coût d’un tel niveau d'intervention est trop élevé pour être appliqué de
manière générale.
De plus, on réalise souvent des essais auprès de populations très ciblées (par ex. des fumeurs de sexe masculin âgés de 50 à 74 ans qui
présentent une angine de poitrine instable sans comorbidité et qui acceptent de participer à une étude de recherche). Cela peut réduire la
généralisabilité des résultats aux patients typiques souffrant d'angine de poitrine. L’attrition peut aussi être un problème si les participants
abandonnent l'étude avant la fin. En dernier lieu, les essais d'intervention, bien qu'ils soient conçus pour détecter les différences dans les résultats
connus et souhaités, peuvent être de trop petite taille pour détecter des effets inconnus antérieurement ou rares.
L'essai à effectif unique est une adaptation de l'ECH qui peut s'avérer particulièrement utile pour tester l'application d'un traitement chez un patient
unique de manière à exclure la plupart des sources de biais (voir « Les essais à effectif unique » dans Pour les mordus).
Droits d'auteur © L'Association des facultés de médecine du Canada. Le contenu est autorisé en vertu du permis Creative Commons « Attribution-NonCommercial-ShareAlike 3.0 Unported ».
Un exemplaire de ce permis se trouve au http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/. Les autorisations dépassant l'étendue de ce permis se trouvent au http://www.afmc-phprimer.ca/termsofuse.
Les essais à effectif unique
Un essai à effectif unique est un essai clinique qui porte sur un seul patient. Il peut être efficace dans l'évaluation d'un traitement chez un patient en particulier.
Pour ce faire, l'effet du traitement doit être réversible. Le patient reçoit soit le traitement actif, soit un agent témoin (un placébo), attribué aléatoirement et administré à
l'insu. Les résultats sont consignés après un délai approprié, puis on entame une période d'élimination pendant laquelle le patient ne reçoit pas le médicament afin
d’en éliminer toute trace. Le patient reçoit ensuite l'autre traitement (placébo ou actif), et les résultats sont évalués. On peut répéter le cycle afin d'établir des
estimations stables des résultats. L'avantage principal est que le résultat de l'étude s'applique spécifiquement à ce patient et permet une calibration précise pour
optimiser la dose thérapeutique. Les résultats ne peuvent être généralisés; ils ne sont pertinents que pour ce patient.
Certaines études ont recours à une approche à effectif unique, mais chez un plus grand nombre de personnes. Comme chaque patient représente son propre sujet
témoin, ces études peuvent produire des résultats très valides étant donné que presque toutes les sources de biais sont éliminées.
L'éthique des ECH
Des questions éthiques particulières (voir Éthique dans le glossaire) surviennent pendant toutes les expériences médicales. Deux principes de base
peuvent s’opposer : il n'est pas éthique de refuser à un patient l'accès à un traitement efficace, mais il n'est pas non plus éthique d'adopter un
nouveau traitement dont l’efficacité n’est pas rigoureusement prouvée. Par conséquent, si l’on soupçonne déjà qu'un traitement est supérieur, il
pourrait ne pas être éthique de le prouver à l'aide d'un essai hasardisé, car cela impliquerait de refuser le traitement aux patients du groupe témoin.
Ainsi, l'ECH convient sur le plan éthique uniquement lorsqu'il existe une incertitude réelle quant à la supériorité du traitement expérimental; c’est ce
qu’on appelle la pondération. Il est également contraire à l'éthique de poursuivre un essai si le traitement est clairement efficace (ou clairement
dangereux). On établit donc à l’avance des règles précisant les conditions dans lesquelles il est permis d’interrompre une étude (voir « L’interruption
anticipée des essais »). Enfin, il est contraire à l'éthique de mener des essais qui n'offrent que des bienfaits marginaux dans la perspective de leur
utilité sociale (par ex. les études qui contribuent davantage à étoffer la liste des publications du chercheur qu'à la santé des patients ou les études
qui sont aussi des projets de commercialisation). Compte tenu de ces principes éthiques, de nombreux traitements établis ne feront probablement
jamais l'objet d'un essai comparatif :
l'appendicectomie pour l’appendicite;
l'insuline pour le diabète;
l'anesthésie pour les chirurgies;
la vaccination pour la variole;
l'immobilisation pour les os fracturés;
le parachute pour sauter d'un avion, comme l'a noté le British Medical Journal avec humour7.
L’éthique de la recherche sur les humains
Vous trouverez des renseignements sur la conduite éthique des ECH et d'autres types de recherche dans l'Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la
recherche avec des êtres humains (http://www.ger.ethique.gc.ca/pdf/fra/eptc2/EPTC_2_FINALE_Web.pdf).
L’interruption anticipée des essais
En principe, les essais d'intervention sont conçus pour inclure le plus petit nombre de patients nécessaire pour démontrer l'efficacité de l'intervention. En principe,
les résultats ne sont pas statistiquement significatifs tant qu’on n’a pas atteint le nombre prévu de participants. Les observations précoces de différences
importantes entre les groupes peuvent en effet découler du hasard. Les chercheurs peuvent décider de mettre fin à l'essai avant que le nombre de participants soit
assez important pour bien démontrer la supériorité d'un mode d'action, ou continuer l'essai même si, pour le moment, un mode d'action semble clairement supérieur
à l'autre. Les chercheurs doivent recourir à des méthodes de surveillance continue des résultats pour pouvoir mettre fin à l'essai dès que des différences
significatives se manifestent.
Les phases des études d'intervention
Une fois qu'un nouveau traitement pharmaceutique est au point, il est testé en plusieurs phases successives avant que son utilisation par le public
ne soit approuvée par les organismes de réglementation. Les essais hasardisés sont l’une des étapes de cette longue séquence, laquelle
commence par des études en laboratoire sur des modèles animaux, puis sur des humains :
Phase I : Le nouveau médicament ou traitement est mis à l'essai pour la première fois dans un petit groupe de personnes afin d’en déterminer la
posologie sécuritaire et les effets secondaires possibles.
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Phase II : Le médicament ou traitement est administré à un groupe plus nombreux, à la dose recommandée, pour déterminer son efficacité dans
des conditions contrôlées et pour évaluer son innocuité. Il ne s'agit généralement pas d'une étude hasardisée.
Phase III : Le médicament ou traitement est mis à l'essai dans des groupes de grande taille afin d’en confirmer l'efficacité, d’en surveiller les effets
secondaires, de le comparer aux traitements couramment utilisés et de recueillir des renseignements en vue de son utilisation sécuritaire. Les
études de phase III comprennent normalement une série d'essais randomisés. À la fin de cette phase, il est possible que l'utilisation publique du
médicament soit approuvée. L'approbation peut limiter l’utilisation du médicament, par exemple à des maladies spécifiques ou à certains groupes
d'âge.
Phase IV : Une fois le traitement commercialisé, on poursuit la collecte de données pour décrire son efficacité dans différentes populations et pour
en détecter les effets secondaires possibles. Il ne s'agit pas d'un ECH, mais d'une surveillance post-commercialisation. Comme elle se fonde sur les
effets secondaires déclarés par les médecins (et les patients), elle exige la participation active des médecins traitants, nécessaire pour détecter les
effets secondaires rares ou qui se développent lentement.
Le registre des essais cliniques
Il arrive que des études qui produisent des résultats négatifs ne soient pas publiées, bien que ces résultats soient importants pour fournir des preuves cliniques de
l'inefficacité possible d'un traitement. Pour prévenir le biais de non-déclaration des résultats négatifs, tous les essais prévus doivent être enregistrés; une liste
exhaustive des essais cliniques est tenue par les National Institutes of Health des États-Unis (www.clinicaltrials.gov).
Sur le site Web du groupe CONSORT (Consolidated Standards for Reporting Trials), on propose un aide-mémoire pour évaluer l'exhaustivité des résultats déclarés
pour un ECH : www.consort-statement.org/index.aspx?o=1031.
Pour obtenir des renseignements généraux sur le groupe CONSORT, on peut consulter le site www.consort-statement.org.
Les études par observation
Dans le cadre d'une étude par observation, le chercheur observe ce qui arrive à des personnes exposées à des conditions qu’il a sélectionnées luimême ou qui sont déterminées par des influences sur lesquelles il n'exerce aucun contrôle. Le chercheur peut choisir les expositions à étudier, sans
toutefois les influencer. Étant donné qu'il s'agit d'un plan non hasardisé, le problème principal, pour l'inférence de causes, est que les groupes
exposés et non exposés peuvent présenter des différences quant à d'autres facteurs clés, lesquels peuvent être la véritable cause du résultat, plutôt
que les caractéristiques à l'étude. De tels facteurs se nomment des facteurs de confusion.
Les études descriptives
Les études descriptives ont pour but de décrire ce qui est, et non de tester des hypothèses. Par exemple, l'Enquête sur la santé dans les
collectivités canadiennes décrit la santé et les habitudes de santé de la population canadienne. Un médecin de famille pourrait aussi décrire le profil
démographique des patients qui fréquentent son cabinet. Ces études sont habituellement transversales. On a souvent recours aux enquêtes de
manière descriptive, par exemple pour établir la prévalence d'une maladie ou pour prendre note des personnes qui utilisent les services de santé et
ce qu'elles en pensent. Ce type de renseignements peut s'avérer utile aux cliniciens qui veulent savoir quels types d'information fournir à leurs
patients ou quels services ils devraient leur offrir. Ils sont particulièrement utiles en santé publique et en planification des soins de santé. Les
renseignements descriptifs sont souvent recueillis au moyen d’enquêtes ou par les programmes de surveillance, qui tiennent compte des
personnes, des endroits et du moment d'occurrence des maladies.
Les études analytiques
La principale différence entre une étude descriptive et une étude analytique est que la seconde est conçue pour tester une hypothèse. Lorsqu'une
variable de résultat, comme la cardiopathie, est étudiée en lien avec une variable d'exposition, comme le poids corporel, l'étude fait plus que
dénombrer : elle teste une hypothèse qui devine une association entre les deux. Il existe trois types d'études d’observation analytiques. Elles sont
divisées selon leur séquence temporelle et les méthodes d'échantillonnage auxquelles on a recours pour recueillir les données.
Les études transversales
Dans le cadre de ces études, les sujets sont choisis sans tenir compte de la présence ou de l'absence des caractéristiques d'intérêt pour tester
l’hypothèse. L'une des études analytiques transversales les plus courantes est le type d’enquête où l’on choisit un échantillon aléatoire représentatif
d’une population. Cela ressemble à une enquête descriptive, sauf que l'objectif de l'analyse est de consigner les associations entre les variables,
plutôt que de simplement signaler la fréquence des occurrences.
Voici un exemple d'étude transversale : un chercheur choisit un échantillon aléatoire de personnes pour tester des hypothèses concernant
l'association entre les sensations de stress et l'utilisation des services médicaux. Le chercheur demande aux personnes si elles ont consulté un
médecin au cours des deux dernières semaines, et si elles ont éprouvé du stress au cours de la dernière année. Supposons que l'échantillon à
partir duquel on étudie le stress et les visites chez le médecin compte plus de 18 000 personnes et que les résultats sont les suivants :
Tableau 5.5 : Stress et visites chez le médecin : calcul de l'association entre deux variables
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Consulté un médecin au cours des deux dernières semaines?
Oui
Non
Total
1 442
3 209
4 651
2 633
11 223
13 856
Total 4 075
14 432
18 507
Éprouvé du stress au cours de la dernière année? Oui
Non
Notons que ce résultat peut être interprété de deux façons :
1. Parmi les personnes ayant éprouvé du stress au cours de la dernière année, 31 % (1 442/4 651) ont consulté un médecin au cours des deux
dernières semaines, contre seulement 19 % (2 633/13 856) des personnes n'ayant pas éprouvé de stress.
2. Parmi les personnes ayant consulté leur médecin au cours des deux dernières semaines, 35 % (1 442/4 075) ont éprouvé du stress au cours de
la dernière année, contre 22 % (3 209/14 432) des personnes n'ayant pas consulté.
Ces deux approches conviennent. Le chercheur est libre de décider comment les résultats seront présentés; le plan d'étude permet les deux types
d'analyse. La seule chose que l'on peut conclure est qu'il existe une association entre les deux variables. On peut supposer que le stress prédispose
les gens à consulter leur médecin, mais se pourrait-il que la perspective d’une visite chez le médecin engendre du stress ou qu'autre chose (la peur
d'une maladie sous-jacente) soit à la fois une source de stress et une raison de consulter? Ces résultats ne peuvent appuyer une inférence causale,
étant donné que cette étude transversale ne permet pas de savoir si le stress était présent avant la visite chez le médecin.
Les études écologiques
Les études écologiques mesurent les variables au niveau de populations entières (pays, provinces) plutôt qu’au niveau individuel. Il s'agit du plan approprié pour
étudier l'effet d'une variable qui agit sur l'ensemble de la population, comme le changement climatique, un ralentissement économique ou une pénurie de
médecins. Comme les enquêtes, ces études peuvent être descriptives ou analytiques. Elles ont l'avantage de pouvoir souvent utiliser des données déjà
disponibles, comme les statistiques gouvernementales. Les études écologiques peuvent servir à générer des hypothèses qui peuvent être testées au niveau
individuel. Par exemple, l'hypothèse selon laquelle les lipides dans l’alimentation sont un facteur de risque pour le cancer du sein vient d'une étude ayant démontré
une corrélation entre la consommation de lipides par habitant et les taux d'incidence du cancer du sein dans plusieurs pays. Les pays où la consommation de
lipides par habitant était élevée présentaient une incidence plus élevée de cancer du sein.
Cependant, il est illogique de tirer des conclusions à partir d'études écologiques pour des cas individuels. En effet, comme le résultat écologique se fonde sur des
moyennes de groupe, il n'indique pas nécessairement que les personnes qui consomment beaucoup de lipides sont celles qui sont les plus susceptibles de
développer un cancer. Il se peut que les personnes atteintes de cancer du sein qui vivent dans les pays où l’on consomme beaucoup de lipides aient en fait un
régime faible en gras; il est impossible de le déterminer par une étude écologique. Cette difficulté de tirer des conclusions au sujet de personnes à partir de
données écologiques se nomme « sophisme écologique ». Pour tirer des conclusions définitives au sujet du lien entre la consommation de lipides et le risque de
cancer du sein, les deux facteurs doivent être étudiés chez les mêmes personnes. Néanmoins, on a souvent recours aux études écologiques comme première
étape, afin de déterminer si une étude auprès de personnes, plus coûteuse, en vaudrait la peine.
Les études de cohortes
Une cohorte est un groupe de personnes faisant partie d'un échantillon quantifiable qui partagent une certaine caractéristique et auprès desquelles
on peut effectuer un suivi sur une période déterminée : par exemple, les membres d'une cohorte de naissance ont tous la même année de
naissance. Dans le domaine de la santé, les études de cohortes portent souvent sur des facteurs causaux; la caractéristique d'intérêt est
habituellement un type d'exposition qui semble augmenter la probabilité d'un résultat clinique. Typiquement, une étude de cohorte porte d'abord
sur un échantillon de personnes n'ayant pas la maladie d'intérêt; elle recueille des renseignements sur l'exposition au facteur à l'étude, et effectue
un suivi auprès de personnes exposées et non exposées sur une certaine période (figure 5.2). Le nombre de nouveaux cas (incidents) de la
maladie est consigné et comparé entre les groupes d'exposition. Les études de cohortes sont également appelées études longitudinales ou de suivi.
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Figure 5.2 : Schéma d'une étude de cohorte
Cohorte
Cohorte : du latin cohors, signifiant « un enclos ». Le sens du terme a été élargi à un corps d'infanterie de l'armée romaine, privilégiant la notion d'un groupe clos ou
d'une escorte. Pensez à une cohorte de l'infanterie romaine qui s'approche; certains hommes portent une nouvelle armure métallique, d'autres sont protégés par un
vieil habit de toile et de cuir. Des bandits tirent des flèches sur la troupe; le général Évidentius note les résultats de la bataille, et son scribe fidèle, Épidémiologicus,
compare ces résultats à l'aide de simples calculs arithmétiques.
Dans les études de cohortes simples, les résultats peuvent être présentés dans un tableau « 2 fois 2 » (deux rangées et deux colonnes, sans
compter la colonne des totaux).
Tableau 5.6 : Modèle type de tableau 2 x 2 établissant un lien entre une exposition et un résultat
Présence d'un résultat (par ex. une
maladie)
Absence d'un résultat (par ex. une
maladie)
Total
Présence d'une exposition (ou facteur de
risque)
a
b
a+b
Absence d'une exposition (ou facteur de
risque)
c
d
c+d
L'incidence (le risque) de maladie dans le groupe est calculée à l'aide de la formule a/(a + b). De même, le risque des personnes non exposées est
égal à c/(c + d). On peut comparer ces risques pour obtenir un rapport de risque (souvent appelé risque relatif ou RR), qui donne une indication de
la force de l'association entre l'exposition et le résultat : [a/(a + b)]/[c/(c + d)]. Un risque relatif de 1,0 indique que la probabilité de contracter la
maladie est la même chez les personnes exposées et non exposées : il n'existe aucune association entre l'exposition et la maladie. Un risque relatif
supérieur à 1,0 implique qu'il est plus probable qu'une personne ayant été exposée au facteur devienne malade, comparativement à une personne
non exposée. Un risque relatif inférieur à 1,0 implique un effet protecteur : il est moins probable que les personnes exposées tombent malades,
comparativement aux personnes non exposées. Le principal avantage des études de cohortes est que l'exposition est consignée avant les résultats;
le critère causal d'une séquence temporelle entre l'exposition et le résultat peut être clairement établi si les participants n'étaient pas atteints de la
maladie au début de l'étude. En outre, comme on prévoit consigner les expositions et les résultats dès le début de la période d'étude, les données
peuvent être consignées de manière normalisée.
La définition des groupes d'exposition
Imaginez une étude de cohorte conçue pour tester l'hypothèse que l'exposition aux vapeurs de soudage cause des maladies des voies
respiratoires. On pourrait choisir l'échantillon en fonction d'un indicateur brut d'exposition, par exemple considérer la profession comme un substitut
(on suppose que les soudeurs sont exposés et que les autres travailleurs ne le sont pas). On a souvent recours à cette approche en épidémiologie
professionnelle et militaire. Une autre solution, plus détaillée, serait de quantifier les niveaux d'exposition (par ex. selon les antécédents de soudage
de la personne); cela exige beaucoup plus d'information, mais permet d'estimer la réponse à la dose ? un des critères pour inférer une cause (voir
le tableau 5.4). On peut pousser la quantification encore plus loin, dans une étude de cohorte, non pas ensuivant un groupe non exposé, mais en
choisissant un échantillon de personnes dont l'exposition est assez variée pour permettre des comparaisons entre tous les niveaux d'exposition, ou
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pour établir un modèle mathématique de l'exposition. Les études de cohortes portant sur l'alimentation, l'activité physique ou l'usage du tabac ont
souvent recours à cette approche, puisant des renseignements dans un questionnaire initial. Les études de cohortes communautaires comme
l'étude coronarienne de Framingham utilisent cette approche.
L’étude coronarienne de Framingham
Depuis 1948, la ville de Framingham, au Massachusetts, participe à une étude de cohorte sur les facteurs de risque liés aux coronaropathies. L'étude a recueilli des
données sur deux générations subséquentes des familles impliquées initialement. Elle a produit des estimations quantitatives de l'impact des facteurs de risque liés
aux maladies cardiaques, y compris le niveau d'activité physique, l'usage de la cigarette, la tension artérielle et le cholestérol sanguin. On trouve de plus amples
renseignements sur les études de Framingham sur le site www.framinghamheartstudy.org.
Une étude de cohorte prouve...?
Lorsque l'on tire des conclusions d’une étude de cohorte, il est tentant de présumer que l'exposition a causé le résultat. L'étude peut démontrer qu'il existe une
association temporelle entre les deux; l'exposition est associée au résultat et survient avant celui-ci. L'étude peut aussi démontrer un gradient dose-réponse. Cela
satisfait à deux des critères d'une relation causale, mais la confusion peut toujours poser problème (voir la section sur la confusion).
C’est peut-être la raison pour laquelle tant d'études épidémiologiques produisent des conclusions contradictoires; voila pourquoi on privilégie l'essai comparatif
hasardisé lorsque cela s'avère possible et éthique. Le traitement substitutif hormonal et la maladie cardiovasculaire chez les femmes en est un exemple (voir
l'encadré « Autre exemple de confusion : l'hormonothérapie et la maladie cardiovasculaire »).
Les études cas-témoins
Les études cas-témoins(voir Étude cas-témoin dans le glossaire) comparent un groupe de patients présentant un résultat particulier (par ex. des
cas de cancer pancréatique confirmés par un pathologiste) à un groupe semblable par ailleurs, mais n’ayant pas la maladie (les témoins). Comme le
montre la figure 5.3, les antécédents d'exposition (par ex. la consommation d'alcool) avant l'apparition de la maladie sont ensuite comparés entre
les groupes. Le nom du plan d'étude sert de rappel que les groupes à comparer sont définis en fonction du résultat d'intérêt : sa présence (chez les
cas) ou son absence (chez les témoins).
Figure 5.3 : Schéma d'un plan d'étude cas-témoin
Remarquez qu'une étude cas-témoin ne permet pas de calculer l'incidence ou le risque d’une maladie, étant donné qu'elle commence avec des
personnes atteintes de la maladie et un nombre prédéterminé de personnes qui n'en sont pas atteintes. Il n'est donc pas possible de calculer un
rapport de risque. L'étude détermine plutôt l'exposition d'un échantillon de cas et d'un autre de témoins. Ces renseignements permettent de calculer
la probabilité qu'une personne ait été exposée à la maladie ? le rapport a:c dans le tableau 2 x 2 (tableau 5.7). On peut la comparer à la probabilité
qu’un témoin ait été exposé ? le rapport b:d. Le résultat de l'étude cas-témoin est ensuite exprimé comme étant le rapport de ces deux probabilités,
ou rapport de cotes (RC) : (a/c)/(b/d). Afin de simplifier le calcul, on a habituellement recours à la formule algébrique ad/bc.
Tableau 5.7 : Tableau générique 2 x 2 pour calculer le rapport de cotes
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Présence d'un résultat (ou d'une
maladie)
Présence d'un résultat (ou d'une
maladie)
Présence d'une exposition (ou d'un facteur de
risque)
a
b
Absence d'une exposition (ou d'un facteur de
risque)
c
d
Le RC calculé à l'aide d'une étude cas-témoin peut s'approcher du risque relatif, mais uniquement lorsque la maladie est rare (disons jusqu'à
environ 5 % de l’échantillon, comme c'est le cas pour de nombreux états chroniques). L'interprétation d'un RC est la même que pour le RR. Comme
pour le risque relatif, un RC de 1,0 implique qu'il n'y a aucune association entre l'exposition et la maladie. Une valeur supérieure à 1,0 implique qu'il
est plus probable que les personnes malades aient été exposées comparativement aux témoins. Une valeur inférieure à 1,0 implique que le facteur
est protecteur. Cela peut survenir, par exemple, lorsqu’une étude cas-témoin montre qu’une alimentation à faible teneur en lipides offre une
protection contre les coronaropathies.
Principale différence entre une étude de cohorte et une étude cas-témoin
Dans une étude de cohorte, les groupes de participants sont classés en fonction de leur état d'exposition (selon qu’ils
présentent ou non le facteur de risque).
Dans une étude cas-témoins, les différents groupes sont sélectionnés en fonction de leurs résultats cliniques (selon qu’ils
ont ou non la maladie).
Prospective ou rétrospective?
Ces termes sont souvent mal compris, avec raison.
Les études de cohortes définissent les groupes d'étude en fonction de leur exposition initiale, qui peut avoir eu lieu avant le début de l'étude. On peut entamer
aujourd'hui une étude en obtenant des relevés d'emploi indiquant les niveaux d'exposition des personnes qui travaillent actuellement comme soudeurs, puis
effectuer un suivi auprès de ces personnes sur une certaine période pour vérifier leur état de santé dans plusieurs années. Il s'agirait d'une étude de cohorte
prospective. Par contre, il serait plus efficace de consulter des relevés d'emploi pour choisir des personnes qui ont travaillé comme soudeurs il y a 30 ans, et de
comparer leur état de santé actuel en fonction de leur niveau antérieur d'exposition. On pourrait appeler cela une étude de cohorte rétrospective, mais on préfère
l’expression « étude de cohorte historique ».
Le mot rétrospective porte à confusion étant donné qu'il désignait auparavant une étude cas-témoin. La plupart des autorités ont abandonné le terme.
Les mesures du risque : risque attribuable et nombre nécessaire pour traiter
Le RR et le RC indiquent dans quelle mesure le risque de contracter une maladie augmente en fonction de l'exposition à un facteur causal, en
termes relatifs. Les deux statistiques répondent à la question « Comparativement à une personne ne présentant pas ce facteur de risque, dans
quelle mesure suis-je plus susceptible de contracter la maladie? ». La réponse prend la forme suivante : « Il est deux fois plus probable que vous
contractiez la maladie. » ou « Vos probabilités de contracter la maladie sont plus élevées de 10 %. » La réponse attendue par le patient, cependant,
a souvent trait au risque absolu, lequel fait référence à l'incidence d'une maladie et répond à la question « Quelle est ma probabilité d'être atteint de
la maladie (dans la prochaine année, dans les dix prochaines années, au cours de ma vie)? » La réponse est une proportion, comme 1 pour 10, ou
1 pour 100. Lors d'un entretien avec un patient, il est important de garder à l'esprit que si la maladie est rare, le RR de présenter un facteur de
risque peut sembler assez inquiétant ? « 100 % plus de risque de mourir au cours de la prochaine année » ? mais que le risque absolu est petit. Si
le risque absolu est d'un pour un million, une augmentation relative de 100 % ne représente que deux pour un million.
Pour évaluer l'ampleur d'un risque, on doit tenir compte du concept du risque attribuable, lequel indique le nombre de cas de la maladie parmi les
personnes exposées pouvant être attribués à cette exposition :
Risque attribuable = Incidence dans le groupe exposé − Incidence dans le groupe non exposé
Cela nous indique combien de cas supplémentaires de la maladie ont été causés par cette exposition, en termes absolus : un cas par million de
personnes dans l'exemple ci-dessus. S'il s'agit d'un facteur qui protège contre la maladie, comme une vaccination, cela nous indique combien de
cas on peut prévenir. La valeur est parfois exprimée en proportion de l'incidence parmi les personnes exposées, ce qui donne la fraction attribuable
du risque chez les sujets exposés, FARe:
FARe = [Incidence (sujets exposés) - Incidence (sujets non exposés)]/Incidence (sujets exposés)
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Un exemplaire de ce permis se trouve au http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/. Les autorisations dépassant l'étendue de ce permis se trouvent au http://www.afmc-phprimer.ca/termsofuse.
Cette statistique peut s'avérer utile quand on donne des conseils à un patient exposé : « Non seulement vous présentez un risque élevé de cancer
du poumon, mais 89 % de votre risque est attribuable à votre usage du tabac. Cesser de fumer pourrait vous être très bénéfique. »
L'idée du risque attribuable peut aussi servir à décrire l'impact des facteurs de risque dans une population. Cela donne lieu à deux mesures : le
risque attribuable dans la population (RAP) et la fraction attribuable dans la population (FAP). Ces statistiques évaluent l'impact d'un facteur causal
en substituant l'incidence dans l'ensemble de la population à l'incidence chez les sujets exposés (voir Pour les mordus).
Le risque attribuable dans la population
Lorsqu'il est question de l'impact des programmes préventifs, le risque attribuable dans la population indique le nombre de cas que l'on éviterait en éliminant un
facteur de risque :
Incidence (population) - Incidence (sujets non exposés)
Malheureusement, on n'utilise presque jamais cette statistique malgré son utilité évidente pour l'établissement de priorités dans les politiques de santé. Elle
s'exprime en tant que proportion de l'incidence dans l'ensemble de la population et produit la fraction attribuable dans la population (une notion que l'on nomme de
plusieurs autres façons) :
[Incidence (population) - Incidence (sujets non exposés)]/Incidence (population)
Cette statistique, qui s'avère très pertinente dans le domaine de la santé publique, indique la proportion de tous les cas d'une maladie qui sont attribuables à un
certain facteur de risque. À titre d'exemple, elle a permis d'estimer que 40 000 Canadiens succombent chaque année aux effets du tabagisme. Avec un peu
d'algèbre, on peut voir que cette proportion dépend de la prévalence du facteur de risque et de la force de son association (risque relatif) avec la maladie. Voici la
formule :
FAP = Pe (RR e -1) [1 + Pe (RR e -1)],
où Pe est la prévalence de l'exposition (par ex. la proportion de personnes obèses) et RR e est le risque relatif de la maladie lié à cette exposition.
La fraction évitée dans la population est la proportion du fardeau hypothétique total de la maladie qui a été prévenue grâce à l'exposition au facteur protecteur,
comme un programme d'immunisation. Voici la formule :
Pe (1-RR).
Une application utile du risque attribuable est le concept du « nombre nécessaire pour traiter » (NNT). Ce nombre résume l'efficacité d'un traitement
ou d'une mesure préventive pour obtenir un résultat souhaité. On sait qu'aucun traitement n’est infaillible. Par conséquent, le nombre nécessaire
pour traiter est le nombre de patients atteints d'un trouble qui doivent suivre un schéma thérapeutique pendant une période donnée pour qu'une
seule personne obtienne le résultat souhaité. Le NNT est calculé en tant que valeur réciproque de l'amélioration absolue. Ainsi, si un médicament
guérit 35 % des personnes qui le prennent, alors que 20 % guérissent spontanément, l'amélioration absolue est de 15 %. La valeur réciproque =
1/0,15 = 7. Donc, en moyenne, il faudrait traiter sept personnes pour en guérir une (au cours de la période donnée). Le NNT peut aussi servir à
décrire l’utilité d’une mesure préventive pour prévenir un résultat indésirable. De même, il peut servir à calculer le danger d'un traitement, comme
les réactions indésirables à un médicament. Le cas échéant, on utilise l’expression « nombre nécessaire pour nuire. »
Calcul du RC, du RR, du RA, de la RRA et du NNT
Dans le cadre d'une étude de cohorte portant sur l'efficacité d'une immunisation, on a examiné si les personnes immunisées et non immunisées sont tombées
malades ou non. Voici les résultats :
Malades En santé
Immunisées
20 (a)
100 (b)
Non immunisées
50 (c)
30 (d)
Total = 200
Rapport de cotes (RC) (Remarque : le résultat est < 1, l'immunisation est donc protectrice.) 0,12
ad/bc
Risque relatif (RR)
0,167/0,625 = 0,267
a/(a + b)/c/(c + d)
Risque attribuable (RA) (Un risque attribuable négatif indique une protection.)
0,167 ? 0,625 = -0,458 a/(a + b) - c/(c + d)
Réduction du risque absolu (RRA) (Égale au risque attribuable, avec le symbole inverse.)
0,625 ? 0,167 = 0,458
c/(c + d) - a/(a + b)
Nombre nécessaire pour traiter (NNT)
1/0,458 = 2,18
1/RRA
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Les erreurs d’échantillonnage et les erreurs aléatoires dans les études
Bien des raisons peuvent faire en sorte qu'une étude produise des conclusions trompeuses, mais il est utile de considérer trois catégories
d'explications : le hasard, les biais et la confusion (HBC).
Le hasard
La principale raison d’étudier un échantillon est d'estimer la valeur d'un paramètre (comme le poids moyen d'une fille à la naissance) dans la
population d’où l'échantillon est tiré. Toutes les études se fondent sur des échantillons de personnes et, comme toute personne est différente, il est
probable que des échantillons tirés d'une même population donnent des résultats différents purement par hasard. Ainsi, toute estimation de la
valeur d'un paramètre dans une population d’après un échantillon comporte un certain degré d'incertitude. Des différences minimes entre des
études peuvent simplement refléter l’utilisation d’échantillons différents, même lorsque les populations sont identiques. C’est ce qu’on appelle «
erreur d'échantillonnage » ou « variation aléatoire ». La sélection aléatoire de personnes dans une population assure qu'en moyenne, les résultats
obtenus à partir d'échantillons successifs reflèteront la vraie valeur du paramètre étudié dans la population, mais les résultats d'échantillons
individuels ne seront pas les mêmes que ceux dans la population apparentée. Certains seront même très différents. Comment indiquer l'ampleur
probable de cette incertitude?
Un paramètre est la valeur réelle dans la population; c’est cette valeur que l’on tente d’estimer à l’aide d’un échantillon. Si vous connaissez le paramètre dans la
population, vous pouvez lui comparer les valeurs obtenues par votre patient : Le poids de naissance de cet enfant est-il normal et rassurant pour cette population?
Les paramètres dans la population sont habituellement représentés par des lettres grecques, et les estimations de ces paramètres à partir d’échantillons sont
représentées par des lettres latines :
la moyenne dans la population =
son estimation dans l'échantillon =
(on prononce « mu »),
(on prononce « x barre »);
l’écart-type dans la population = s (on prononce « delta »),
son estimation dans l'échantillon = s
La statistique désigne le champ des mathématiques, fondé sur la théorie des probabilités, qui traite de l'analyse des données numériques. Lorsqu'il
est question de recherche biologique, on parle de biostatistique. Le présent guide ne donne qu'un aperçu très général des méthodes statistiques; il
faut consulter un manuel de statistique pour de plus amples renseignements. La statistique permet de mesurer la probabilité que les variations d'un
résultat (par exemple les lectures de la tension artérielle moyenne dans le groupe expérimental et le groupe témoin) résultent uniquement du
hasard, en raison de la variation aléatoire de l'échantillonnage. Il faut s'attarder davantage à la possibilité d'appliquer les résultats de l'étude ailleurs,
par exemple aux patients de votre cabinet, qu'aux échantillons d'étude comme tels. C'est l'essence de la médecine factuelle : s'il se peut que les
résultats découlent uniquement du hasard, il ne faut pas les incorporer dans sa pratique! La statistique peut estimer la probabilité que la
caractéristique moyenne sera différente, et de combien, dans un échantillon d'une certaine taille et dans l'ensemble de la population. Par exemple,
si vous sélectionnez un échantillon de personnes, que vous mesurez leur tension artérielle systolique et que vous calculez la moyenne du groupe,
vous pouvez avoir recours à la statistique pour estimer la plage de valeurs dans laquelle se situe la moyenne de la population d’où provient
l’échantillon.
Statistiques descriptives (relatives à une population) et statistiques inférentielles (relatives à un échantillon)
Les tests statistiques aident à déterminer si le hasard (par ex. en raison de l'échantillonnage) a eu une influence sensible sur les résultats d’une étude. Les
mathématiques qui sous-tendent les résultats varient en fonction de l'objectif de l'étude. Si celle-ci a pour but de mesurer le niveau d'une variable dans une
population, on a recours aux mathématiques de la statistique descriptive. Si l'étude a pour but de comparer des groupes, on a recours aux mathématiques de la
statistique inférentielle. Heureusement, les résultats des deux types de tests statistiques ont l'avantage d'être résumés de manière semblable en utilisant des
valeurs p ou des intervalles de confiance, mais les formules et les tableaux que l'on utilise pour y arriver ne sont pas les mêmes.
L'intervalle de confiance (ou IC) est une statistique qui sert à indiquer le degré possible d'erreur dans l'estimation d'un paramètre d’après un
échantillon. Une phrase comme « une tension artérielle systolique moyenne de 120 mm Hg (IC de 95 % = 114-126 mm Hg) » signifie que la tension
artérielle systolique moyenne dans l'ensemble de la population était de 120 mm Hg et que, selon la taille de l'échantillon et la variabilité des lectures
de la TA, il y a une probabilité de 95 % que la moyenne réelle dans l'ensemble de la population se situe entre 114 et 128 mm Hg. On peut
représenter l'intervalle de confiance à l'aide d'un graphique à ligne ou à barre d'erreur, comme dans la figure 5.7.
On utilise une logique semblable lorsqu'il est question de statistique inférentielle si l'on étudie les différences entre des groupes ou des associations
entre les variables d’un échantillon. Par exemple, dans le cadre d'un ECH portant sur un médicament antihypertenseur, le chercheur doit connaître
la probabilité que la différence observée entre la tension artérielle moyenne du groupe expérimental et celle du groupe témoin découle du hasard. Si
les résultats d'un test statistique suggèrent que cette différence pourrait facilement être due au hasard, le chercheur doit conclure qu'il n'existe
aucune preuve que le traitement réduit la tension artérielle.
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Comme les valeurs moyennes, les rapports de cotes et les risques relatifs sont aussi exprimés par des intervalles de confiance. L'intervalle de
confiance d'un rapport de cotes indique si l'association est statistiquement significative ou non, ainsi que la plage probable des valeurs. Si l'intervalle
de confiance des rapports de cotes ou des risques relatifs inclut 1,0, on présume qu'il n'existe aucune différence statistiquement significative entre
les deux groupes, étant donné qu'un rapport de cotes ou un risque relatif de 1,0 indique qu'il n'existe aucune différence entre les deux groupes. Par
exemple, un risque relatif de 1,4 (IC de 95 % = 0,8-2,1) signifie que l’on peut être sûr à 95 % que le risque relatif réel se situe entre 0,8 et 2,1. De
plus, comme cette plage comprend la valeur de 1,0, il est très possible qu'il n'existe aucune association dans la population. La valeur de 95 % est
arbitraire, mais on l'utilise souvent.
La signification statistique et la signification clinique sont différentes
La signification statistique nous dit uniquement si la différence observée (par ex. entre des patients recevant un traitement antihypertenseur et d'autres recevant un
placébo) pourrait ou non être due au hasard. Elle ne nous dit pas directement quelle est l'ampleur de cette différence, ce qui serait important pour prendre une
décision clinique. Par exemple, une baisse de 2 mm Hg dans un essai portant sur un traitement contre la TA pourrait être statistiquement significative, mais avoir
une importance négligeable sur le plan clinique.
Afin qu'un nouveau traitement soit utile, le résultat doit être à la fois statistiquement et cliniquement significatif. Ce raisonnement ressemble à celui qui sous-tend la
statistique du nombre nécessaire pour traiter, laquelle permet aussi de quantifier l'amélioration découlant du traitement, et non seulement de déterminer la
signification statistique.
Limites de la signification statistique
Si un test statistique ne montre aucune différence significative entre deux groupes, cela veut dire soit qu'il n'existe réellement pas de différence dans la population,
soit qu'il pourrait y avoir une différence, mais que l'échantillon n'a pas permis de la révéler. C’est habituellement parce que l'échantillon était trop petit pour qu’on
puisse démontrer une différence avec confiance (l'échantillon n’avait pas la « puissance » nécessaire pour détecter la véritable différence). On sait intuitivement
que plus l'échantillon est grand, plus l'estimation sera précise. Si votre étude porte sur l'ensemble de la population, les intervalles de confiance ou la signification
statistique ne sont pas nécessaires, étant donné que vous avez mesuré le véritable paramètre.
Plus la différence réelle est petite (comme la différence entre les patients recevant un nouveau médicament contre la TA et ceux recevant un traitement classique),
plus l'échantillon doit être grand pour la détecter avec confiance. Inversement, si un échantillon doit être de très grande taille pour démontrer une différence
statistiquement significative, la différence doit être très petite. Il y a donc tout lieu de vous demander si une différence aussi petite est cliniquement importante.
Il n'existe pas de seuil absolu pour déterminer si un résultat est dû au hasard. Le protocole des études quantitatives doit indiquer le niveau de
probabilité qui distingue les résultats dus au hasard de ceux qui sont statistiquement significatifs. Le niveau choisi est habituellement de 5 %, ce qui
équivaut à calculer un intervalle de confiance de 95 % pour un risque relatif. Ensuite, si le test statistique indique qu'il y a moins de 5 % de
probabilité que le résultat soit dû au hasard, ce résultat sera accepté comme ne découlant pas simplement du hasard. Les résultats d'une étude
sont habituellement représentés en tant que valeur p; la formule p< 0,05 signifie que la probabilité que ce résultat est dû au hasard est de moins de
5 %. La formule statistique que l'on utilise pour calculer la valeur p varie en fonction de divers éléments du plan d'étude. Pour connaître les différents
tests et leurs conditions d’utilisation, consultez un manuel de biostatistique.
Le biais
Le biais, ou l'écart systématique de résultats ou d’inférences par rapport à la réalité, représente un danger dans tous les plans d'étude2. Les
chercheurs doivent prendre les précautions nécessaires pour éviter (ou du moins contrôler) les nombreux types de biais que l’on a identifiés8. Ces
biais se divisent en deux grandes catégories : les biais d'échantillonnage (dus à la manière dont on a sélectionné les participants à l'étude) et les
biais de mesure (dus aux erreurs dans la mesure des expositions ou des résultats).
Le biais d'échantillonnage (ou de sélection)
L'échantillonnage aléatoire vise à sélectionner un échantillon véritablement représentatif d’une population; à strictement parler, toute personne dans
la population doit avoir une chance égale (et non nulle) d'être sélectionnée. C’est particulièrement important dans les études descriptives qui
estiment la prévalence. Cela peut avoir moins d’importance dans les études qui visent à dégager des vérités scientifiques abstraites, comme
l'association entre deux variables9. Par exemple, un chercheur qui souhaite étudier l'association entre l'arthrite et l'obésité pourrait avoir de bonnes
raisons de choisir son échantillon à partir d'une population présentant un risque anormalement élevé d'obésité afin d'obtenir une quantité suffisante
de personnes obèses et très obèses pour son étude.
Pour des raisons pratiques, très peu d'études peuvent choisir un échantillon aléatoire à partir de l'ensemble de la population cible; le chercheur
définit habituellement un « cadre d'échantillonnage » qu’il considère comme étant semblable à l'ensemble de la population. Il choisit ensuite un
échantillon à partir de ce cadre. Ainsi, le chercheur peut choisir son échantillon à partir de patients se présentant à l'Hôpital général de Weenigo
pour tirer des inférences au sujet de tous les patients fréquentant les hôpitaux de Weenigo. Un biais d'échantillonnage peut donc survenir à deux
étapes : d'abord lors du choix du cadre d'échantillonnage, étant donné que les patients qui se présentent à l'Hôpital général de Weenigo ne sont pas
nécessairement les mêmes que ceux qui se présentent aux autres hôpitaux locaux; et ensuite, lors du choix de la méthode d'échantillonnage des
patients se présentant à l'hôpital. Ces notions sont illustrées à la figure 5.4.
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patients se présentant à l'hôpital. Ces notions sont illustrées à la figure 5.4.
Figure 5.4 : Extrapolation de l’échantillon à la population cible
Un biais survient surtout lorsque l’échantillon n’est pas choisi aléatoirement (que tous les membres de la population n’ont pas la même probabilité
d’être sélectionnés). Par exemple, une annonce dans un journal qui dit : « Nous sommes à la recherche de participants pour une étude sur la
tension artérielle » pourrait attirer des personnes à la retraite ou sans emploi qui ont le temps de se porter bénévoles, surtout celles que le sujet
intéresse particulièrement (elles pourraient avoir des antécédents familiaux d'hypertension). Si ces caractéristiques sont, à leur tour, associées à la
tension artérielle, l'estimation de la TA moyenne dans la population d’après la moyenne de cet échantillon sera biaisée. La plupart des recherches
sont menées dans des hôpitaux d'enseignement, mais les patients qui fréquentent ces centres varient systématiquement des patients atteints de la
même maladie qui se présentent dans des établissements de soins primaires. On les a souvent aiguillés vers des centres de soins tertiaires parce
que leur maladie a tendance à être plus grave, qu’ils ont davantage de comorbidités et que, souvent, le traitement classique n'a pas été efficace
dans leur cas. Si les échantillons des études en milieux de soins tertiaires donnent des résultats différents de ceux observés dans l'ensemble de la
population atteinte d'une maladie, les résultats reflètent un biais spécifique appelé biais d'aiguillage.
D r Rao remarque que l'étude sur l'utilité d'un aimant magnétique pour traiter les symptômes de la ménopause a recruté son échantillon en publiant une annonce où
l’on offrait aux femmes de faire gratuitement l’essai de l'aimant. Il craint que les femmes qui ont répondu à une telle annonce aient été prédisposées à croire en
l’efficacité de l'aimant, et qu'il soit possible que cette croyance ait été établie par l’annonce elle-même. Il se peut que ces femmes ne représentent pas
nécessairement toutes les femmes qui souffrent de symptômes de la ménopause.
Un échantillon biaisé
Pendant les élections présidentielles américaines de 1948, un sondage de la firme Gallup avait prédit que le candidat Dewey, un républicain, allait l'emporter sur le
candidat Truman, un démocrate, par une marge de plus de 10 points de pourcentage. En fait, c’est Truman qui a remporté l'élection par 4,4 points de pourcentage.
Une des raisons de cette mauvaise prédiction est que le sondage avait été réalisé par téléphone. À l’époque, les propriétaires de téléphones étaient peu nombreux.
Les gens riches étaient plus susceptibles à la fois d’avoir un téléphone et de voter pour le parti républicain. Ainsi, le sondage était probablement biaisé en faveur
des partisans républicains. C'est l’exemple d'un biais d'échantillonnage où la sélection était basée sur une variable confusionnelle qui a entraîné une conclusion
trompeuse. Nous traiterons de la confusion un peu plus loin.
Le biais de non-réponse
Même si la méthode d'échantillonnage n'est pas biaisée, on ne peut prendre pour acquis que toutes les personnes sélectionnées participeront à
l'étude. Si certains types de personnes ont choisi de ne pas participer, cette non-réponse pourrait biaiser les résultats. Une des façons de déceler un
éventuel biais de non-réponse est de comparer les caractéristiques des participants, comme leur âge, leur sexe et leur lieu de résidence, avec
celles des personnes qui ont choisi de ne pas participer. Notons cependant que même si ces caractéristiques sont pareilles, un biais lié à d’autres
caractéristiques, non consignées, est toujours possible. On peut également comparer l'échantillon final aux renseignements sur cette population
dans le Recensement.
Le biais d'information : les erreurs systématiques de mesure
L'erreur de mesure désigne les écarts entre les valeurs consignées à l'aide d'une mesure et les valeurs réelles chez les participants de l’étude.
Comme pour les erreurs d'échantillonnage, les erreurs de mesure peuvent être aléatoires ou systématiques. Le biais de désirabilité sociale désigne
les erreurs systématiques dans la réponse qui semblent rendre le répondant plus acceptable sur le plan social. Par exemple, la plupart des gens
disent être plus actifs physiquement que la moyenne des Canadiens, ce qui est illogique. Les hommes ont tendance à exagérer leur taille et à sousDroits d'auteur © L'Association des facultés de médecine du Canada. Le contenu est autorisé en vertu du permis Creative Commons « Attribution-NonCommercial-ShareAlike 3.0 Unported ».
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estimer leur poids10. D'autres biais découlent de problèmes dans le plan du questionnaire : par exemple, si on interroge les gens en février au sujet
de leur activité physique, cela peut biaiser l'estimation de leur niveau annuel d'activité, étant donné que beaucoup de personnes sont plus actives
durant les mois tempérés que durant les mois très chauds ou très froids. Le biais de rappel survient souvent dans les sondages, notamment dans
les études cas-témoins. La mémoire des gens est peu fiable. Par exemple, selon des sondages par questionnaire portant sur la période écoulée
depuis la dernière mammographie, beaucoup plus de femmes auraient subi une mammographie au cours des deux dernières années que ce que
révèlent les dossiers de facturation des mammographies.
Augmenter la taille de l'échantillon ne réduit pas le biais d'échantillonnage
L'augmentation de la taille de l'échantillon peut réduire les erreurs aléatoires de mesure et d'échantillonnage, mais n’aura aucun effet sur les erreurs systématiques;
les résultats seront toujours biaisés, peu importe le nombre de participants. Une étude biaisée de grande taille peut être plus trompeuse qu'une étude de petite
taille!
Figure 5.5 : Erreurs d'étude aléatoires et systématiques
Dans la figure 5.5, chaque point représente l’estimation d'un paramètre d’après un échantillon. Les deux sections dans la partie supérieure de la figure illustrent la
présence d’une erreur systématique; les estimations de l'échantillon sont hors cible ou biaisées. En présence d'une erreur systématique, augmenter la taille de
l'échantillon ou utiliser un plus grand nombre d'échantillons ne rendra pas l'étude plus vraie, mais pourrait donner l'impression que les résultats sont plus précis.
Dans la partie inférieure de la figure, où il y a peu d'erreurs systématiques, augmenter la taille de l'échantillon ou le nombre d’échantillons réduira l'incertitude de
l'estimation.
Les quatre configurations de la figure 5.5 peuvent aussi être utiles pour comprendre la validité et la fiabilité des tests et des mesures, comme nous le verrons dans
le sixième chapitre. Pour ce faire, remplacez « erreur systématique » par « validité » et « erreur aléatoire » par « fiabilité ».
Le biais d'information : l'objectivité du chercheur
Lorsque D r Rao lit dans un rapport d'étude qu'il existe une relation entre une exposition et un résultat, il veut être raisonnablement certain que ce résultat est « vrai
». Les revues dont le processus d'évaluation par les pairs est rigoureux publient généralement des études de haute qualité. En consultant de telles revues, D r Rao
peut avoir confiance en leurs résultats jusqu'à un certain point, mais il doit tout de même tenter de leur trouver d’autres explications avant de les accepter comme
étant vrais.
Qu'il s'agisse de textes imprimés ou de renseignements trouvés sur Internet, il est important d'en savoir le plus possible au sujet de leur source, d’en
vérifier la crédibilité et de déceler les éventuels conflits d'intérêt. C'est pourquoi Dr Rao s’est renseigné sur l'auteur de l'article sur les aimants et la
ménopause. L'auteur était-il commerçant en produits médicaux, peut-être vendeur d'aimants? Il est plus probable que les conclusions d’essais
publiés par des personnes qui ont un intérêt financier dans le produit à l'étude soient favorables au produit. Il est moins probable que les
conclusions de chercheurs sans intérêt financier soient trompeuses, même lorsque les résultats sont semblables. La Food and Drug Agency et la
Federal Trade Commission des États-Unis proposent de poser les questions suivantes pour évaluer les sources d'information :
1. Qui a commandé l'étude?
Droits d'auteur © L'Association des facultés de médecine du Canada. Le contenu est autorisé en vertu du permis Creative Commons « Attribution-NonCommercial-ShareAlike 3.0 Unported ».
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2. Pourquoi publie-t-on cette information?
3. D'où provient l’information du site Web?
4. Y a-t-il des preuves à l’appui de cette information?
5. Qui est responsable de l’information?
6. L’information date de quand?
Évaluer des allégations
Pour apprendre à détecter les allégations fallacieuses au sujet d'interventions médicales, on peut consulter le site Web de la Federal Trade Commission au :
www.ftc.gov/bcp/edu/pubs/consumer/health/hea07.shtm.
Le site Web suivant partage dix conseils pour évaluer l’information médicale sur Internet :
http://nccam.nih.gov/health/webresources.
Le présent guide n'offre qu'un bref aperçu des nombreux types possibles de biais d'étude. Plusieurs auteurs ont écrit beaucoup plus longuement sur
le sujet. Voir « Les types de biais » dans Pour les mordus.
Les types de biais
Toutes sortes de biais peuvent influencer les résultats de recherche. Les épidémiologistes sont fascinés par le biais (peut-être par souci de prouver qu'ils sont
impartiaux); en 1979, David Sackett a publié un inventaire de plus d'une centaine de biais pouvant survenir à différentes étapes d'un projet de recherche. Les listes
suivantes représentent les principaux en-têtes de l'inventaire de Sackett8 .
Analyse documentaire
Exécution de l'étude
Plan d'étude
Collecte de données
Biais de sélection
-Biais lié à l'instrument de mesure - Biais de confusion
- Biais de cadre d'échantillonnage
- Biais lié à la source de données
Analyse
- Biais de stratégie d’analyse
- Biais d'échantillonnage non aléatoire - Biais lié aux sujets
- Biais d'analyse post-hoc
- Biais de non-couverture
- Biais de rappel
Interprétation des résultats
- Biais de non-comparabilité
- Biais de traitement des données Publication
Les véritables mordus peuvent consulter l'article original et examiner la littérature ultérieure pour compléter l'inventaire. Pour les autres, il suffit de se rappeler
qu'une erreur systématique peut se glisser à toute étape d'un projet de recherche. Les rapports de recherche doivent être relus avec un ?il critique; le lecteur doit se
demander ce qui a pu se passer à chaque étape et déterminer comment cela a pu influencer les résultats.
La confusion
Selon une étude publiée en 1960, le syndrome de Down serait plus courant chez les quatrièmes de famille et les enfants suivants11. Il n'y avait
aucun signe de biais d'échantillonnage ou de mesure dans cette étude, et le résultat était statistiquement significatif. Auriez-vous cru au résultat? La
réponse peut être « oui » si l'on s'en tient à la présence d'une association, mais doit être « non » si l'on présume une relation causale. Autrement dit,
le rang de naissance peut être un marqueur du risque, mais non un facteur de risque (ou causal).
La confusion survient lorsqu'une troisième variable (ou une quatrième, cinquième, etc.) dans un réseau de causes est associée à l'exposition et au
résultat à l'étude (voir la figure 5.6). Si l'on ne tient pas compte de cette troisième variable dans l’étude, les conclusions portant sur la relation entre
les deux premières variables peuvent être mal interprétées. Dans l'exemple du syndrome de Down, l'âge de la mère est un facteur confusionnel, car
le quatrième enfant et les suivants naissent souvent de mères plus âgées, et que l'âge maternel est en soi un facteur de risque pour le syndrome de
Down. Dans la plupart des articles scientifiques, le premier tableau compare les groupes d'étude (par ex. les mères de nourrissons trisomiques et
les mères sans enfant trisomique) en fonction de nombreuses variables qui pourraient influer sur le résultat, comme l'âge maternel moyen à la
naissance de l'enfant. Cela permet au lecteur de déterminer si l'une de ces variables est associée au résultat et pourrait potentiellement être un
facteur confusionnel dont il faut tenir compte lors de l'analyse.
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Figure 5.6 : Illustration de la confusion
Autre exemple de confusion : l'hormonothérapie et la maladie cardiovasculaire
Avant 1990, de nombreuses études par observation ont conclu que les femmes postménopausées qui prenaient un traitement substitutif hormonal étaient moins
susceptibles de développer des problèmes cardiovasculaires que celles qui ne prenaient pas ce traitement. On a donc recommandé que toutes les femmes
postménopausées prennent un traitement substitutif hormonal. Cependant, un essai hasardisé sur la santé des femmes (Women’sHealth Initiative Trial) a montré
tout le contraire : en réalité, le traitement substitutif hormonal était associé à une augmentation de la maladie cardiovasculaire. Les recommandations sur ce
traitement ont dès lors été modifiées. Il semble que le statut social ait été un facteur de confusion dans les études par observation : il était plus probable que les
femmes de statut social supérieur prennent un traitement substitutif hormonal et qu’elles présentent moins de maladies cardiaques12 .
Pour tenir compte de la confusion
On peut réduire la confusion lors de la conception ou de l'analyse de l'étude, ou aux deux étapes. Dans le cadre de plans expérimentaux, la répartition aléatoire
entre les groupes d'intervention et les groupes témoins est la façon la plus élégante d'éviter la confusion. En effet, la répartition aléatoire fait en sorte que tous les
groupes d'étude présentent les mêmes caractéristiques ? surtout si la taille des groupes est importante. Néanmoins, tous les facteurs qui pourraient brouiller les
résultats doivent être mesurés et comparés dans chaque groupe au début de l'étude. Cette étape doit figurer dans le rapport afin de permettre au lecteur de
déterminer si, malgré la répartition aléatoire, des variables confusionnelles potentielles se retrouvent davantage dans un groupe que dans l'autre.
En plus de la répartition aléatoire, l'étude peut se limiter, par exemple, à un sexe ou à un intervalle d'âge restreint. Cela réduit l'effet confusionnel des facteurs
utilisés pour limiter l'étude, mais cela limite aussi la généralisabilité de l'étude, étant donné que ses résultats ne pourront s'appliquer qu'à cette population restreinte.
L'appariement est une autre stratégie de conception : il s'agit de la sélection délibérée des sujets pour que le niveau de variables confusionnelles soit égal dans les
groupes à comparer. Par exemple, si l'on soupçonne que le sexe, l'âge et l'usage du tabac peuvent porter à confusion dans une étude de cohorte, le chercheur
consigne le niveau de ces facteurs dans le groupe exposé et sélectionne les sujets du groupe témoin de manière à refléter un niveau de facteurs semblable.
À l'étape de l'analyse de l'étude, on peut avoir recours à la stratification pour évaluer la confusion. On examine l'association entre l'exposition et le résultat au sein
des strates influencées par la variable confusionnelle potentielle, comme l'âge. Les rapports publiés font souvent référence à une analyse de Mantel-Haenszel,
laquelle représente une moyenne pondérée des risques relatifs dans les diverses strates. Si des différences sont observées entre les estimations propres à une
strate et l'estimation brute (non ajustée), il y a possibilité de confusion. Les techniques de modélisation multivariée, comme la régression logistique, pour ajuster une
estimation ponctuelle en fonction des effets de variables confusionnelles sont une autre stratégie d’analyse. Le concept à l’origine de la modélisation multivariée
ressemble à celui de la normalisation (voir le chapitre 6), une technique de mesure de l'état de santé qui permet des comparaisons entre diverses populations et sur
diverses périodes de temps. Cependant, on ne peut plus corriger les biais de sélection et de mesure à l'étape de l'analyse. Une planification soignée de la sélection
aléatoire au moment de la conception de l’étude et le recours à des méthodes de mesure normalisées sont les seules façons de réduire ces biais.
La hiérarchie des preuves
La mesure dans laquelle les plans d'étude peuvent contrôler diverses formes d'erreur varie. Certains plans fournissent des preuves plus fiables que
d'autres (voir la section sur les plans d'étude pour de plus amples renseignements). C’est en 1994 que le Groupe d'étude canadien sur l'examen
médical périodique a avancé l'idée d’une hiérarchie des preuves, un sous-produit de son travail pour formuler des recommandations sur les
interventions de dépistage et de prévention. Cette hiérarchie sous-entend que les cliniciens doivent évaluer la crédibilité des preuves en fonction du
type d'étude auquel on a eu recours.
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I
Preuves provenant d'au moins un ECH bien conçu.
II- Preuves provenant d'essais comparatifs bien conçus, mais non hasardisés.
1
II- Preuves provenant d'études de cohortes ou cas-témoins bien conçues, réalisées de préférence dans plus d'un centre ou groupe
2 de recherche.
II- Preuves provenant de multiples études en séries chronologiques, avec ou sans l'intervention. Les résultats marquants découlant
3 d'expériences non contrôlées (par ex. la première utilisation de la pénicilline dans les années 1940) font aussi partie de cette
catégorie.
III Opinions d'autorités respectées fondées sur l'expérience clinique, des études descriptives, des rapports de comités d’experts, de
conférences consensuelles, etc.
Les examens systématiques
Depuis la proposition d'une hiérarchie des preuves par le Groupe d'étude, on est mieux en mesure de réaliser des examens systématiques des
articles publiés, puis de combiner les résultats de nombreux essais hasardisés pour produire des méta-analyses. L'examen systématique vise à
répertorier toutes les études pertinentes relatives au traitement ou à l'intervention dans le but de l'évaluer et d'en résumer les résultats. Un élément
essentiel est l'exhaustivité de cette analyse documentaire, dont les conclusions doivent se fonder sur l'ensemble de la documentation, et non
seulement sur un petit groupe d'études pouvant être biaisées13. Un examen systématique doit suivre une procédure rigoureuse et explicite qui
permet de le répéter. Lorsque les articles répertoriés sont assez semblables, leurs données peuvent être rassemblées et méta-analysées.
Les méta-analyses
Une méta-analyse fournit une synthèse statistique de données d'études différentes, mais comparables. Elle peut rassembler les données relatives
à tous les participants et réanalyser les données combinées ou totaliser les résultats de chaque étude tels qu’ils sont publiés afin de produire une
estimation combinée globale. Les essais comparatifs hasardisés ou d'autres plans d'étude, y compris les études cas-témoins et les études de
cohortes, peuvent faire l'objet de méta-analyses. On accepte généralement qu'une méta-analyse de plusieurs essais comparatifs hasardisés offre
de meilleures preuves qu'un seul essai. S'il est impossible de rassembler des données, on peut résumer les résultats de différentes études dans un
examen narratif ou les présenter à l'aide d'un graphique en forêt, comme dans la figure 5.7.
Figure 5.7 : Exemple de graphique en forêt comparant les rapports de cotes de quatre études cas-témoins (les RC sont représentées par
des carrés et les intervalles de confiance par des traits horizontaux), avec le résultat de la méta-analyse (représenté par le losange)
rassemblant les résultats des études individuelles. La taille des carrés est relative à la taille de l’échantillon de chaque étude. Le trait
vertical représente un rapport de taux de 1,0 indiquant qu'il n'existe aucune différence relative au risque entre les groupes d'étude. Les
résultats à la gauche du trait vertical indiquent une réduction du risque (RC < 1,0); les résultats à la droite indiquent une augmentation
(RC > 1,0).
La Collaboration Cochrane
Les examens systématiques, y compris les méta-analyses, sont habituellement réalisés par des spécialistes des contenus et de la recherche. Ils
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travaillent souvent en équipe, comme c'est le cas de la Collaboration Cochrane, une organisation internationale qui aide les scientifiques, les
médecins et les décideurs à prendre des décisions éclairées relatives aux soins de santé en coordonnant des examens systématiques portant sur
les effets d’interventions cliniques. Les versions électroniques de ces examens se trouvent dans la base de données d'examens systématiques de
Cochrane. Les examens sont préparés par des groupes de collaboration internationaux composés de spécialistes du sujet à l'étude et des
méthodes de recherche. Un des premiers exemples d'examen systématique est celui portant sur le recours aux corticostéroïdes chez les femmes
donnant naissance prématurément afin d'accélérer la maturation des poumons du f?tus et de prévenir le syndrome de détresse respiratoire
néonatal. Les bébés très prématurés présentent un risque plus élevé de détresse respiratoire en raison de l'immaturité de leurs poumons. Cela
représente une cause importante de morbidité et de mortalité. Selon les résultats de 21 essais hasardisés, le traitement par corticostéroïdes
n'augmente pas le risque pour la mère, réduit la mort néonatale de 30 % et offre des bienfaits semblables pour toute une gamme d'autres résultats.
On a donc généralisé ce traitement pour les femmes présentant un risque d'accouchement prématuré afin d’accélérer la maturation des poumons
de leur f?tus.
On considère aujourd'hui les méta-analyses comme étant la source des meilleures preuves. Il a donc fallu modifier la hiérarchie des preuves initiale
du Groupe d'étude canadien; ainsi, le premier niveau de la hiérarchie est maintenant subdivisé comme suit :
examens de la Collaboration Cochrane;
examens systématiques;
directives fondées sur les preuves;
résumés de preuves.
L'étape finale : appliquer des résultats d’étude à vos patients
La boucle est bouclée, nous voilà de retour à l'évaluation critique de la documentation. La première étape consiste à formuler un jugement global de
la qualité de l'étude ou des études. Pour ce faire, de nombreuses listes de vérification sont à notre disposition. Les listes originales ont été élaborées
à l'Université McMaster et publiées en une série d'articles parus dans le Journal of the American Medical Association en 1993 et 1994. Ces articles
traitent de l'évaluation critique de preuves liées à la cause, au pronostic, à la précision du diagnostic et à l'efficacité des traitements. Il existe
aujourd'hui de nombreuses listes de vérification pour aider les évaluateurs. La liste ci-après, marquée d’un trombone, est un modèle général de
certaines questions à poser pour évaluer un article traitant de l'efficacité d'un traitement.
Évaluation critique
Les articles du Journal of the American Medical Association traitant de l'évaluation critique figurent dans un manuel électronique écrit par Gordon Guyatt. Il se trouve
peut-être dans la bibliothèque de votre université. Il est aussi disponible en ligne sur http://jamaevidence.com/resource/520.
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Liste de vérification pour évaluer la qualité d'une étude sur l'efficacité d'un traitement
Les résultats sont-ils valides?
Les patients ont-ils été répartis aléatoirement?
La répartition aléatoire a-t-elle été réalisée à l'insu?
Les patients savaient-ils dans quel groupe ils étaient? (La répartition a-t-elle été réalisée à l'insu des patients?)
Les cliniciens traitant les patients étaient-ils au courant de la répartition des groupes?
Les évaluateurs des résultats étaient-ils au courant de la répartition des groupes? (La répartition a-t-elle été réalisée à l'insu
des évaluateurs?)
Les patients dans le groupe de traitement et le groupe témoin étaient-ils semblables quant aux variables connues du
pronostic? (Par exemple, le nombre de fumeurs était-il semblable dans chaque groupe d'une étude sur un traitement contre
l'asthme?)
Le suivi est-il terminé?
Les patients ont-ils été analysés dans les groupes auxquels ils ont été affectés?
Quels sont les résultats?
Quelle était l'ampleur de l'effet du traitement?
Quel était le degré de précision de l'estimation de l'efficacité du traitement?
Comment puis-je appliquer les résultats aux soins des patients?
Les patients de l'étude ressemblent-ils aux miens?
Les bienfaits probables du traitement l'emportent-ils sur ses risques et ses coûts potentiels?
Comment dois-je traiter ce patient-ci?
Quels sont les résultats probables dans son cas?
Ce traitement est-il voulu par le patient?
Le traitement est-il offert ici?
Le patient est-il disposé et apte à recevoir le traitement?
Pour connaître les questions à poser au sujet des essais comparatifs hasardisés (ECH), voir l'encadré « Le registre des
essais cliniques».
Quand vous êtes raisonnablement certain qu'une étude fournit une réponse valide à une question clinique pertinente pour votre patient, vérifiez si
les résultats sont applicables à l’ensemble de vos patients.
La population cible
La population de l'étude ressemble-t-elle à celle de votre cabinet, pour que vous puissiez appliquer les résultats à votre propre pratique (voir la
figure 5.4)? Demandez-vous si le sexe, le groupe d'âge, l’origine ethnique, les conditions de vie et les ressources des participants de l'étude sont
semblables à ceux de vos patients. Par exemple, une étude sur la prise en charge des cardiopathies peut avoir sélectionné son échantillon dans
une clinique de soins cardiovasculaires spécialisés. Il est probable qu'un patient dans un centre de médecine familiale soit moins gravement malade
qu'un patient dans un centre de soins spécialisés. Ces deux patients pourraient donc réagir différemment au traitement. Si l’étude utilise des critères
d'inclusion restreints et des critères d'exclusion étendus, il est possible que très peu de vos patients ressemblent à ceux de l'étude. En outre, il est
probable que les soins complémentaires et les autres ressources disponibles dans un centre de soins spécialisés soient très différents de ceux d’un
milieu de soins primaires. Si ces éléments comptent beaucoup dans la prise en charge des patients, leur absence peut éliminer les bienfaits du
traitement à l'étude. D'autres aspects de l'environnement peuvent aussi être différents : si l’étude conclut que les conseils en matière d'exercice sont
efficaces, mais qu’elle a été réalisée dans une grande ville, vous pourriez ne pas obtenir les mêmes résultats dans un milieu rural où il est plus
difficile de faire de l'exercice au quotidien.
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L'intervention
L'intervention est-elle réalisable au sein de votre pratique? Possédez-vous l'expertise, la formation et les ressources nécessaires pour réaliser
l'intervention vous-même? Pouvez-vous orienter votre patient ailleurs, où l'expertise et les ressources sont disponibles? Dans bien des cas, de tels
problèmes pratiques indiquent qu'une intervention s'avérant efficace dans un essai ne l'est pas nécessairement en pratique courante.
L'enthousiasme et le savoir-faire des pionniers expliquent en partie cette différence; les fonds et les ressources supplémentaires que l'on utilise
dans le cadre de projets de recherche peuvent aussi produire un effet.
Quel est le coût?
Le coût comprend la somme nécessaire pour payer l'intervention, le salaire du personnel qui doit l'administrer, la souffrance qu'elle cause au
patient, la somme que le patient doit débourser pour recevoir l'intervention, les services médicaux complémentaires, le transport et l'absence du
travail. Une intervention qui exige beaucoup de temps, d'argent et de souffrance pourrait ne pas être acceptable en pratique.
L'intervention dans le groupe témoin
Qu’a-t-on fait pour les participants du groupe témoin? S’ils n'ont rien reçu, y compris aucune attention de la part des chercheurs, est-il possible que
les personnes dans le groupe d'intervention active manifestent, en partie, un effet placébo découlant de l'attention reçue? En général, on doit
comparer les nouvelles interventions au traitement classique dans le groupe témoin afin que les bienfaits et les coûts supplémentaires du nouveau
traitement puissent être comparés à ceux de l'ancien.
Les préférences de votre patient
En dernier lieu, tous les plans de prise en charge doivent respecter les préférences et les aptitudes des patients. Le clinicien doit expliquer les
risques et les avantages de tous les traitements, surtout les nouveaux, en s'assurant que le patient les comprenne, et aider le patient à choisir une
ligne de conduite qui réduise les méfaits et qui maximise les bienfaits pour lui ou pour elle.
Question d'auto-évaluation
1. Vous êtes la conseillère du ministre de la Santé : comment feriez-vous pour concevoir et mettre en ?uvre une série d'études visant à déterminer la relation entre
l'utilisation personnelle d'une chaîne stéréo et la perte auditive due au bruit?
D’abord, il faut discuter des plans d'étude. Compte tenu qu'un essai hasardisé sur des sujets humains serait contraire à l'éthique, une étude de cohorte est-elle
réalisable? Quelle en serait la durée? Si vous choisissez une étude cas-témoin, comment allez-vous recueillir les renseignements sur le volume sonore? Est-il
nécessaire d'étudier ce phénomène au niveau individuel? Pourriez-vous obtenir une approximation brute, mais utile, au niveau de la population en établissant une
corrélation entre la surdité et la vente des chaînes stéréo (donc, ne réaliser aucune entrevue)? Deuxièmement, songez à la collecte de données : Dans quelle
mesure l'autodéclaration serait-elle efficace? Quel serait le degré de précision d'une autodéclaration rétrospective de l'usage par des personnes devenues
sourdes? Est-il possible qu'elles déclarent un usage plus élevé étant donné qu'elles souffrent maintenant d'un problème médical? Serait-il préférable de modifier
certaines chaînes stéréo personnelles pour enregistrer la fréquence d’utilisation et le volume sonore?
Bibliographie
1. Lett, J. A field guide to critical thinking. Skeptical Inquirer [serial online]
1990;4(14)http://www.csicop.org/si/show/field_guide_to_critical_thinking/(Accessed Nov 2009).
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5. Richards, I., Morese, J. Read me first for a users' guide to qualitative methods. 2nd ed. Thousand Oaks (CA): Sage Publications, 2007.
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11. Renkonen, K., Donner, M. Mongoloids: their mothers and sibships. Ann Med Exp Biol Fenn 1964;42: 139-144.
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12. Anderson, G., Judd, H., Kaunitz, A., et al. Effects of estrogen plus progestin on gynecologic cancers and associated diagnostic procedures: The
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health care interventions: explanation and elaboration. Ann Intern Med 2009;151: W65-W94.
AFMC Petit Guide de la santé des populations
Chapitre 6 Les méthodes : mesurer la santé
Après avoir achevé ce chapitre, le lecteur sera en mesure :
1. d'analyser les données sur la santé des populations à l'aide de mesures pertinentes :
Décrire les concepts de l'incidence, de la prévalence, du taux d'atteinte et du taux de létalité (voir Létalité dans le glossaire), calculer ces taux et comprendre les
principes de la standardisation.
1. d'interpréter et de présenter l'analyse des indicateurs de l'état de santé :
1. Pouvoir utiliser les systèmes d'information sur la santé en milieu clinique pour surveiller la santé des patients et déterminer les besoins de santé non comblés;
2. Comprendre l'utilisation appropriée des différents graphiques de présentation des données (voir les figures 6.1, 6.3, et 6.5);
3. Pouvoir évaluer des données de recherche de façon critique et les intégrer, en mettant l'accent sur les éléments de mesure (validité, sensibilité, spécificité, valeur
prédictive positive, valeur prédictive négative, fiabilité);
4. Appliquer les principes de l'épidémiologie en analysant de façon exacte les répercussions des mesures.
D r Rao, le médecin de famille des Richards, a vu des statistiques au sujet de Piedoie dans la brochure Actualités médicales des services régionaux de santé
publique de Weenigo. On y trouve des renseignements démographiques sur la répartition par âge et par sexe de la population et sur le revenu moyen, le chômage
et le niveau d'instruction. Il y a aussi des renseignements sur les habitudes de santé et sur les taux d'hospitalisation, de décès et de consultation. L’une des pages
présente l’information suivante sur la localité et sa région environnante :
Tableau 6.1 : Indicateurs de la santé pour la localité de Piedoie et pour toute la région de Weenigo
Principaux indicateurs de santé
Piedoie Région de Weenigo
Nombre de décès, moyenne sur trois ans
132
9 829
Taux de mortalité (p. 100 000 habitants), moyenne sur trois ans
884
808
Taux standardisé de mortalité (p. 100 000 habitants), moyenne sur trois ans 670
751
Espérance de vie des hommes à la naissance (en années)
76,2
77,5
Espérance de vie restante des hommes à 65 ans (en années)
20,0
17.9
Espérance de vie des femmes à la naissance (en années)
80,7
82,4
Espérance de vie restante des femmes à 65 ans (en années)
20,1
21,7
Nombre de naissances vivantes (2009)
140
13 981
Taux de mortalité infantile (p. 1 000 naissances vivantes, 2009)
4,2
4,9
Taux de mortalité périnatale (p. 1 000 naissances totales, 2009)
5,5
7,0
Le docteur se demande ce qu'indiquent ces nombres et pourquoi il y a tant de mesures de la mortalité.
L'éventail des mesures de la santé
Le modèle médical de la santé, abordé au premier chapitre, définissait et mesurait la santé en fonction de faibles taux d'épisodes morbides. La
plupart des premières mesures de la santé des populations portaient sur les taux d'incidence de la maladie, les taux de du décès, puis la mesure de
l'incapacité, de l'inconfort ou de la détresse (qu'on nomme en anglais les cinq « D » : death, disease, disability, discomfort et distress.) Notons que
les cinq « D » représentent une hiérarchie : des indicateurs objectifs et numériques jusqu'aux indicateurs plus subjectifs et qualitatifs, ou des
indicateurs recueillis régulièrement (par ex. les certificats de décès) jusqu'aux indicateurs que seuls une étude de recherche peut produire (par ex.
des questions sur les sentiments de détresse).
La qualité des données sur la santé varie. Les indicateurs fondés sur les taux de décès sont fiables et presque exhaustifs étant donné que les
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La qualité des données sur la santé varie. Les indicateurs fondés sur les taux de décès sont fiables et presque exhaustifs étant donné que les
certificats de décès sont une obligation légale (même si l'on peut douter de l'exactitude du diagnostic). Les registres de maladie peuvent également
être assez exhaustifs (par ex. on peut extraire des diagnostics des registres des sorties des hôpitaux, mais ces données ne peuvent être appliquées
qu'aux personnes traitées en milieu hospitalier). La qualité des statistiques fondées sur les registres de maladie dépend du soin mis à remplir les
formulaires originaux par le médecin, mais elles sont relativement exactes. Étant donné leur disponibilité et leur comparabilité, les organismes
nationaux et internationaux ont recours aux statistiques de mortalité et de morbidité pour comparer l'état de santé d'un pays à l'autre. Certaines des
statistiques les plus courantes à ces fins sont le taux de décès p. 1 000 habitants, le taux de mortalité infantile, l'espérance de vie moyenne et divers
indicateurs de la morbidité, comme le taux de maladies à déclaration obligatoire. On peut réaliser des analyses plus approfondies dans une région
pour comparer la santé de différents groupes de personnes ou pour suivre des problèmes de santé particuliers, comme la grippe ou le VIH/sida.
L’évolution dynamique des indicateurs de santé
Les indicateurs choisis pour repérer les problèmes de santé ne sont pas statiques; ils évoluent au fil du temps. Habituellement, les organismes recueillent des
renseignements sur des problèmes qui les intéressent ou qui les préoccupent, et le fait même de les mesurer attire l’attention sur ces problèmes. Il peut s'agir d'un
problème de santé, comme la mortalité infantile. Si les interventions qui en découlent sont efficaces, elles réduiront l'importance du problème en question. Cela finit
par réduire l’utilité de l’indicateur en tant que marqueur des problèmes actuels de santé. Entre-temps, l'émergence de nouvelles préoccupations motive la collecte
de renseignements sur ces problèmes dans le but de surveiller les progrès réalisés sur la voie de nouveaux objectifs, et le cycle recommence.1 Par exemple, au fur
et à mesure que diminue la mortalité infantile, un nombre croissant des enfants qui survivent présentent des problèmes de santé liés à l’insuffisance de poids à la
naissance ou à la prématurité. Ces problèmes sont rares dans les populations où la mortalité infantile est élevée. Les efforts sont ainsi redirigés vers les indicateurs
de l'incapacité et de la qualité de vie, plutôt que vers la mortalité. Cette évolution globale reflète l'évolution des définitions de la santé décrite dans le premier
chapitre.
Les mesures individuelles et les indicateurs en population
Les mesures de la santé peuvent donner des renseignements sur des personnes ou des populations entières. En population, les mesures les plus
courantes (mortalité et morbidité) découlent de données individuelles qui sont totalisées pour refléter la réalité dans l’ensemble de la population (la
prévalence et les taux d'incidence en sont des exemples). Selon Morgenstern, il s'agit de mesures agrégées, qu’il faut distinguer des mesures
environnementales et globales de la santé des populations.2 Les indicateurs environnementaux de Morgenstern portent sur des facteurs externes à
la personne, comme la qualité de l'air ou de l'eau. Ces indicateurs peuvent être recueillis au niveau individuel ou écologique : songez à la différence
entre un dosimètre personnel et la surveillance régionale de la qualité de l'air. En recherche sur la santé, on utilise souvent les indicateurs
environnementaux pour mesurer des facteurs qui touchent à la santé individuelle, mais ils peuvent aussi servir à mesurer l'attention portée à la
santé dans une société. Par exemple, il est probable qu'une société où les niveaux de pollution atmosphérique sont élevés présentera des taux de
maladies respiratoires importants; elle peut néanmoins tolérer cette pollution en raison de priorités contradictoires, comme l'édification d'une
économie industrielle. La caractéristique particulière de la troisième catégorie d'indicateurs de la santé de Morgenstern, celle des indicateurs
globaux, est qu’elle n’a pas d’équivalent chez la personne. Ces indicateurs, par ex. la présence de politiques publiques saines (comme les lois
interdisant l'usage du tabac dans les endroits publics) ou l’équité sociale dans l'accès aux soins, peuvent influencer la santé des gens, mais peuvent
également être perçus comme des mesures synthétiques de la bonne santé d'une population : Cette société est-elle bienveillante? Veille-t-elle à
protéger la santé de ses citoyens? Le contraste entre les mesures agrégées et globales correspond à la distinction entre la santé dans la population
et la santé de la population décrite dans le premier chapitre.(Link to Nerd’s corner Box on Page 18 in chapter 1 "Alternative conceptions?"
thendeletethisreference)
La prévalence et l'incidence
La prévalence et l'incidence sont deux indicateurs de la morbidité. L'incidence (voir Taux d'incidence dans le glossaire) désigne la vitesse à laquelle
les nouveaux cas (ou événements) surviennent dans une population au cours d'une période donnée; on peut l’exprimer comme une proportionà
l’aide de la proportion de l’incidence ou comme un taux,soit le taux d’incidence. Le taux de mortalité annuel de Piedoie est de 884 p. 100 000
habitants, ou en d’autres mots 884 nouveaux cas pour 100 000 personnes-année. La proportion de l'incidence est calculée en divisant le nombre de
nouveaux cas ou de morts au cours d'une période donnée par le nombre de personnes en bonne santé au début de la période d’observation.
Habituellement, la période de référence est d'une année, ce qui produit l'incidence annuelle. On obtient une proportion (de 0 à 1) à laquelle on
associe la durée de la période d’observation. L’incidence s'avère utile pour traduire le risque pour un individu de mourir ou de développer la
maladie. Elle permet de répondre à la question : Quelle est la probabilité qu'une personne soit atteinte de cette maladie au cours de cette période?
Notons que vous pourriez aussi rencontrer le terme incidence cumulative ou incidence cumulée : ces termes sont synonymes au terme proportion
de l'incidence. Pour Piedoie la proportion de l’incidence est de 0,00884 par année civile.
La proportion de l'incidence présente deux difficultés. D'abord, elle a tendance à être sous-estimée. Les « perdus au suivi » ont tendance à réduire
le numérateur, étant donné qu'il est impossible de savoir si ces gens ont vraiment eu la maladie; ils peuvent aussi augmenter le dénominateur s’ils
ont déménagé à notre insu. De même, les personnes qui meurent d'autres causes ont tendance à augmenter le dénominateur, car il est impossible
de déterminer si, ayant survécu, elles auraient présenté la maladie. Deuxièmement, bien des maladies sont récurrentes, et si l'on inclut les
récurrences, la proportion de l'incidence peut dépasser 1,0, ce qui semble inapproprié. D'autre part, en n’acceptant qu'une seule occurrence par
personne, on peut sous-estimer le véritable fardeau de la maladie. On peut donc se fonder sur une autre approche et exprimer l'incidence en tant
que taux : le nombre de cas par période d'observation, généralement le nombre de cas pour 100 ou pour 1 000 personnes-années d'observation.
Les taux d'incidence sont un peu comme l'enregistrement de la vitesse en km/h. Comme la vitesse, le taux d'incidence donne une lecture
instantanée de la fréquence à laquelle survient la maladie ou du délai prévu avant l'apparition du prochain cas. Une illustration graphique de la
différence entre le taux et la proportion de l'incidence se trouve plus loin dans le chapitre, à la figure 6.5. Ces deux méthodes de représentation de
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l'incidence présentent le même problème : le numérateur peut être sous-estimé en raison des cas subcliniques ou non déclarés. L'incidence est utile
pour étudier les causes, tandis que la prévalence est utile pour estimer les besoins en services de santé. Ainsi, quand on cherche à prévenir les
accidents de la route, on évalue leur incidence dans différentes conditions, mais quand on planifie des services de réadaptation, on évalue la
prévalence de l'incapacité à long terme découlant des accidents de la route.
L'incidence mesure des événements, et la prévalence mesure des états pathologiques; c’est le nombre des cas existants au cours d'une période
donnée (y compris les cas s'étant manifestés avant la période d'observation) divisé par la taille de la population. La prévalence est donc influencée à
la fois par l'incidence et par la durée de la maladie, laquelle est liée à la survie. La prévalence est calculée pour un moment précis dans le temps,
auprès d’une population statique (prévalence ponctuelle ou instantanée). D'autre part, on peut calculer la prévalence sur une certaine période,
comme une année (prévalence au cours d’une période donnée). La prévalence est habituellement la mesure choisie pour évaluer le fardeau d'une
maladie chronique, car les nouveaux cas peuvent être assez rares, et les cas existants peuvent durer longtemps, exiger des soins et causer une
incapacité considérable.
Dans les hôpitaux, la prévalence est élevée et l’incidence est faible
La prévalence des maladies cardiaques chez les patients d’une unité de soins cardiaques est près de 100 %; seules de rares erreurs de diagnostic peuvent
légèrement la réduire. Par contre, l'incidence des maladies cardiaques chez ces patients est très faible (à moins d'inclure les récurrences), car seules les personnes
mal diagnostiquées risquent d'être atteintes d’une maladie cardiaque, toutes les autres l’étant déjà.
Des statistiques morbides
On utilise souvent des statistiques de la morbidité extraites des registres des sorties des hôpitaux ou des factures médicales pour dégager des tendances ou
comparer des régions. Cependant, ces statistiques reflètent souvent la quantité de services offerts, plutôt que le besoin de services des patients. Par exemple, les
taux élevés d’implantation d’endoprothèses vasculaires dans une région indiquent probablement un meilleur accès aux services de cardiologie dans cette région.
Les taux de mortalité
Comme l'incidence, la mortalité est un événement. Les taux de mortalité sont exprimés de diverses façons, par exemple pour des causes, comme le
taux spécifiques de mortalité par cancer, ou pour des groupes d'âge particuliers, comme les taux de mortalité infantile, jusqu'au taux brut de
mortalité (ou de décès) qui traduit la mortalité pour l’ensemble des individus et l’ensemble des causes dans une population. Comme la mort d'un
enfant représente le plus grand nombre d’années potentielles de vie perdues, et parce que la santé d'un enfant est sensible aux variations dans
l'environnement social et dans la qualité des soins de santé, il existe plusieurs indicateurs de la mortalité infantile.
Le taux de mortalité infantile (TMI)
Le taux de mortalité infantile est le nombre de décès d’enfants de moins d'un an survenus au cours d'une année, divisé par le nombre de
naissances vivantes au cours de la même année, multiplié par 1 000. Étant donné qu'il mesure directement la santé des enfants et indirectement la
santé des mères (qui forment une proportion considérable de la population adulte), le TMI est souvent cité; il représente un indicateur utile de la
santé d’une population. Cependant, comme la mortalité infantile est rare dans les pays développés, il faut une population de grande taille pour
obtenir un taux fiable. Dans les populations de petite taille, il y a si peu de décès infantiles que la variation aléatoire brouille toute véritable variation.
Le taux de mortalité périnatale (TMP)
Dans la plupart des pays industriellement développés, ce taux est défini (pour une année donnée) de la manière suivante :
Le taux de mortalité néonatale (TMN)
Le taux brut de mortalité tous âges confondus
Ce taux est une estimation du taux de décès des membres d'une population sur une période donnée. Le numérateur est le nombre de personnes
qui décèdent pendant la période; le dénominateur est la taille de la population, habituellement au milieu de la période (population au jour médian de
l'année).
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(Remarques : la valeur « 10n » veut simplement dire que l'on peut multiplier le taux par 1 000, voire par 100 000 en cas de maladies rares, afin
d'obtenir un nombre entier plus pratique. L'intervalle de temps le plus courant est l’année, mais dans l'exemple ci-dessus, la période est une
moyenne sur trois ans. En effet, la population de Piedoie est plutôt petite, et les taux pourraient varier quelque peu d'une année à l'autre; la
moyenne sur trois ans est une représentation plus stable.)
Le taux brut de mortalité au Canada se situe entre 7 et 8 p. 1 000 habitants par année, mais augmente légèrement à mesure que la population
vieillit. La figure 6.1 montre les dix principales causes de décès au Canada.
Figure 6.1 : Les dix principales causes de décès au Canada, 2006 (Source : Statistique Canada)
La discussion préalable porte sur les « taux bruts » dans l'ensemble de la population, mais il est souvent souhaitable de se concentrer
sur certains segments de la population (comme les hommes ou les femmes), en général pour les comparer. Notons que les calculs
s'appliquent à tout indicateur de la santé, mais qu'on utilise ici les taux de mortalité à titre d’exemple. Les taux spécifiques sont fondés
sur des taux bruts de mortalité, mais concernent un groupe plus homogène défini en fonction de l'âge, du sexe, de la race, etc. Ces taux peuvent
aussi porter spécifiquement sur plus d'une caractéristique de la population, comme les taux de décès dus au cancer du côlon selon l'âge, le sexe et
la race.
Le taux de mortalité standardisé
On a recours à la standardisation pour comparer la mortalité de deux populations qui diffèrent selon certaines caractéristiques susceptibles
d’influencer la mortalité, dont la structure démographique. Elle sert souvent à éliminer l'effet des différences d'âge, mais peut aussi réduire l'effet
d'autres variables confusionnelles. Par exemple, les personnes âgées sont plus nombreuses à Victoria, en Colombie-Britannique, qu’à Whitehorse,
au Yukon. Ainsi, une comparaison des taux bruts de mortalité indiquera un taux plus élevé à Victoria qu'à Whitehorse, simplement en raison de la
population plus âgée de Victoria. Pour comparer le risque de décès de manière juste, on doit éliminer l'effet confusionnel de la différence d'âge en
calculant les taux standardisés selon l'âge.
Non seulement les Canadiens vivent-ils plus longtemps, mais leur santé s'améliore. Le taux de mortalité standardisé selon l'âge le démontre. Alors que le taux brut
de décès est d’environ 7 à 8 p. 1 000 habitants depuis 1970, le taux standardisé selon l'âge a diminué, passant de près de 10/1 000 en 1970 à un peu plus de 6/1
000 en 2004 (standardisation en fonction de la population de 1991).
Comment faut-il interpréter cette observation?
La standardisation peut être indirecte ou directe. La standardisation indirecte est exprimée comme un rapport standardisé de mortalité (RSM),
lequel indique le changement du risque de décès dans la population à l'étude comparativement à une population de référence (comme l'ensemble
du Canada). Il s'agit du rapport entre le nombre de décès observés dans la population et le nombre de décès attendu si la population possédait la
même structure que la population de référence. Un RSM de 100 signifie que les décès sont au niveau attendu; un RSM de 110 indique que le taux
de décès est 10 % plus élevé que le niveau attendu.
La standardisation directe est exprimée comme un taux (x nombre de décès pour ynombre de personnes), mais ce taux est fictif, et on n'y a recours
qu'à des fins de comparaison. Voir Pour les mordus pour savoir comment calculer les RSM à l'aide de la standardisation directe et indirecte.
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Figure 6.2 : Exemple de standardisation indirecte.
On notera les disparités croissantes dans les taux de mortalité selon la strate professionnelle en Grande-Bretagne pendant les années
1970.
Vous trouverez de plus amples renseignements sur la standardisation sur le site Web de l'Organisation panaméricaine de la santé au :
http://www.paho.org/english/sha/be_v23n3-standardization.htm
Vous trouverez des exemples de standardisation directe sur le site Web de l'Agence de la santé publique du Canada au www.phac-aspc.gc.ca/dsol-smed.
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Calculer les taux et les rapports standardisés selon l'âge
Prenons l’exemple de la mortalité selon le groupe d'âge à Piedoie et dans la région de Weenigo :
Standardisation directe
Le taux de mortalité standardisé selon l'âge (TMSA) est calculé en quatre étapes :
1. Sélectionnez une population de référence (habituellement l'ensemble d'un pays) et déterminez à l'aide du recensement combien il y a de personnes dans
chaque groupe d'âge (habituellement des groupes de 5, 10 ou 20 ans). Saisissez-les dans une feuille de calcul.
2. Calculez les taux de mortalité par âge à Piedoie et dans la région de Weenigo, et saisissez-les dans des colonnes sur la feuille de calcul.
3. Pour chaque endroit et chaque groupe d'âge, multipliez ces taux (p. ex., 111 p. 100 000 habitants chez les enfants âgés de 0 à 14 ans à Piedoie) par le nombre
de personnes dans le groupe d'âge correspondant dans la population de référence. Vous obtiendrez un nombre élevé; il indique le nombre de décès attendus dans
cet endroit si la taille de sa population était la même que celle de la population de référence.
4. Pour obtenir le TMSA, additionnez le nombre de décès attendus pour chaque groupe d'âge, à Piedoie, puis à Weenigo. Divisez ensuite chaque nombre par le
nombre d’habitants dans la population de référence pour obtenir le taux de mortalité standardisé selon l'âge de chaque ville
Le tableau montre que le taux brut de mortalité pour Piedoie dépasse celui de la région (884 contre 808), mais que le taux standardisé selon l'âge est moins élevé.
Cet effet se produit parce que la population de Piedoie compte plus de personnes d’âge avancé; le processus de standardisation élimine cette disparité et révèle
que la population de Piedoie est relativement bien portante. Le taux brut de mortalité est élevé étant donné que la population est relativement âgée.
Notons que les TMSA sont artificiels; ils ne veulent rien dire si on ne les compare pas au taux brut de mortalité dans la population de référence ou aux TMSA
d'autres groupes (calculés à partir des mêmes mesures). On peut aussi considérer les TMSA comme une moyenne pondérée des taux propres à l'âge pour une
région donnée, les mesures étant la proportion de la population de référence dans chaque groupe d'âge
Standardisation indirecte
Cette fois, nous partirons des taux de mortalité par âge dans la population de référence :
1. Multipliez ces taux par le nombre de personnes dans chaque groupe d'âge à Piedoie. Répétez l’opération pour la région.
2. Additionnez-les pour obtenir le total des décès prévus à chaque endroit.
3. Divisez le nombre de décès prévus par le nombre de décès observés pour obtenir le rapport standardisé de mortalité de chaque ville. Une valeur de 1 indique
que la mortalité par âge de la ville est la même que dans la population de référence. On l'exprime habituellement en pourcentage pour se baser sur un RSM d'une
valeur de 100.
Encore une fois on perçoit que les habitants de Piedoie sont en meilleure santé que la population de la région. Notons que l’on peut comparer les
RSM à la référence de 1,0, mais qu’on ne peut pas faire de comparaisons entre deux RSM, étant donné qu’ils sont calculés à partir de pondérations
différentes.
D r Rao réfléchit depuis quelque temps à la signification des taux standardisés de mortalité de Piedoie et se demande pourquoi le taux standardisé est tellement
inférieur au taux brut (670 contre 884). C'est sa femme qui finit par lui suggérer la solution : il y a surtout des personnes âgées à Piedoie, car la plupart des jeunes
quittent la ville pour trouver du travail à Weenigo. Selon elle, il est évident que le taux de décès pour 1 000 habitants sera plus élevé que dans une population plus
jeune.
D r Rao est soulagé : la standardisation des taux lui donne un résultat plus comparable; en fait, si l'on élimine l'effet de l'âge, la situation de Piedoie est meilleure que
celle de l'ensemble de la région de Weenigo (670 décès p. 100 000, contre 751 dans l’ensemble de la région).
L'espérance de vie
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L'espérance de vie est l’âge moyen des individus au décès. L’espérance de vie à la naissance est une estimation du nombre d’années qu’un
nouveau-né peut s’attendre à vivre selon les taux de mortalité par âge sur une période donnée. L'espérance de vie est ainsi une abstraction
statistique habituellement fondée sur les taux de décès par âge actuels (après tout, il faudra attendre toute une vie pour connaître la durée de vie
des bébés qui naissent aujourd'hui). On l'utilise comme un indicateur sommaire de la santé qui permet des comparaisons internationales. Au
Canada, en 2010, l'espérance de vie des femmes était d'environ 83 ans et celle des hommes était d'environ 78 ans. Nous sommes tout près de
l'Australie et suivons de très près le Japon. L’impacte d’instabilité sociale se révèle dans le cas de Russie pendant la décennie 1990 à 2000 : on
constate que l'espérance de vie peut diminuer rapidement si les conditions se détériorent (voir Figure 6.3).
L’espérance de vie en Russie postsoviétique
Les perturbations sociales en Russie postsoviétique se sont traduites par une croissance rapide des taux de décès. Entre 1990 et 1994, l'espérance de vie des
femmes est passée de 74,4 à 71,2 ans, et celle des hommes a baissé de six ans, passant de 63,8 à 57,7 ans (figure 6.3). Ensemble, les maladies cardiovasculaires
et les blessures représentaient 65 % de cette baisse.3
Figure 6.3 : Tendances temporelles de l'espérance de vie en Russie, 1950 à 2007
Source :http://en.wikipedia.org/wiki/File:Russian_male_and_female_life_expectancy.PNG (site consulté en juillet 2010)
D r Rao réfléchit aux chiffres bizarres de l'espérance de vie à Piedoie :
Piedoie Région de Weenigo
Espérance de vie des hommes à la naissance (en années)
76,2
77,5
Espérance de vie restante des hommes à 65 ans (en années) 20,0
17.9
Espérance de vie des femmes à la naissance (en années)
80,7
82,4
Espérance de vie restante des femmes à 65 ans (en années)
20,1
21,7
Il sait, évidemment, que les femmes vivent plus longtemps que les hommes, et que les hommes de Piedoie vivent moins vieux que dans l'ensemble de la région.
Mais il trouve surprenant que les hommes qui atteignent l'âge de 65 ans finissent par vivre aussi longtemps que les femmes. « Ils doivent être coriaces! » se dit-il en
songeant aux mineurs qu'il connaît. Ceux qui ne souffrent pas de maladie pulmonaire chronique sont, en fait, de grands amateurs de plein air qui pratiquent
activement la chasse et la pêche. « S'ils vivent jusqu'à cet âge, peut-être vivent-ils plus longtemps que les hommes de la ville » songe-t-il. La tendance à vivre plus
longtemps, chez les quelques personnes plus robustes que les autres, est ce qu'on appelle l'effet du survivant en santé.
Les années potentielles de vie perdues
Lorsqu’on tente de décider vers quelles maladies orienter les efforts de prévention, il est important de tenir compte de l'impact de ces maladies dans
la population. Une mesure évidente de l'impact est le nombre de décès causés par une maladie. Au Canada, selon cette mesure, les maladies
cardiaques, le cancer et les AVC sont les affections qui ont le plus d’impact. Cependant, elles ont tendance à causer le décès de personnes qui se
rapprochent de la fin de leur durée de vie prévue. Par conséquent, leur prévention pourrait n’avoir qu'un effet limité sur l'augmentation de
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l'espérance de vie globale. La prévention des décès prématurés ajouterait davantage d'années de vie (et, possiblement, des années plus
productives) aux personnes et à la société. On peut définir le décès prématuré comme étant le nombre de décès survenant avant l'espérance de vie
moyenne d'une personne (homme ou femme) ou selon une valeur arbitraire, comme avant l'âge de 75 ans. Les personnes qui meurent
prématurément perdent des années potentielles de vie. Une des façons d'étudier l'impact des maladies sur une société consiste à les classer en
fonction des années potentielles de vie perdues (APVP) attribuables à chacune. (On utilise aussi l'abréviation AVPP, ou années de vie potentielle
perdues.) Ainsi, une personne qui succombe à un infarctus du myocarde à 55 ans perd 20 années potentielles de vie. On peut totaliser ces valeurs
pour une population et obtenir l'impact (en années potentielles de vie perdues) de différentes causes. Les priorités basées sur les APVP ne seront
pas les mêmes que les priorités basées sur de simples taux de mortalité. Selon la figure 6.4, si on a recours aux APVP pour mesurer cet impact,
alors le cancer et les maladies du système circulatoire demeurent les plus grandes priorités, mais les blessures (accidentelles et volontaires) sont
aux troisième et quatrième rangs : comparez ces données à celles de la figure 6.1. Effectivement, ensemble, les suicides et les blessures
accidentelles représentent davantage d'années potentielles de vie perdues que les maladies du système circulatoire.
Figure 6.4 : Différents indicateurs de l'impact de la maladie sur la mortalité
(Remarque : les valeurs des APVP dans le tableau sont multipliées par 1 000 pour indiquer les années de vie perdues.)
Les courbes de Kaplan-Meier ou courbes de survie
Dans les études de cohortes, on peut choisir comme résultat la survie sans symptôme (la période sans symptôme après un traitement) ou
simplement la survie (l'intervalle de temps entre le diagnostic et le décès), d’où l’expression courbes de survie (voir Courbe de survie dans le
glossaire). Kaplan et Meier ont mis au point des tests statistiques pour évaluer la différence entre deux courbes de survie. Cette sorte d'analyse de
survie est courante dans la documentation clinique, car elle présente plusieurs avantages. Elle donne une vue d'ensemble de l'évolution clinique
d'une maladie selon les taux de survie à des intervalles précis après le diagnostic ou le traitement. La figure 6.5 est un exemple hypothétique. Les
résultats des deux traitements après un an sont semblables, mais le traitement A prolonge la survie pendant les premiers mois qui suivent le
traitement. Les courbes de survie peuvent aussi être ajustées mathématiquement pour tenir compte des perdus au suivi et des différentes périodes
de suivi.
Figure 6.5 : Exemple d'une étude de cohortes analysée à l'aide de courbes de survie
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Courbes de survie et taux d'incidence
Dans la figure 6.5, remarquez la manière dont les courbes de survie sont associées à l'incidence (des décès, dans ce cas). La proportion de l'incidence, mesurée
sur les 53 semaines, est la même pour les deux traitements. Cependant, le taux d'incidence des décès par personne-semaine de suivi (en d’autres mots la vitesse
de survenue des décès) du groupe de traitement A est inférieur à celui du traitement B, étant donné que moins de patients sont décédés au cours des six premiers
mois du suivi.
Les échelles de mesure de la santé
Il y a évidemment des limites aux indicateurs de la morbidité et de la mortalité. Ils ne s'appliquent qu'aux affections graves et ne sont donc pas très
pertinents pour la plupart des gens. En outre, un diagnostic qui devient une statistique de la morbidité n'est pas très révélateur du véritable niveau
de fonctionnement d'une personne, et les indicateurs de la morbidité ne peuvent tenir compte des aspects positifs de la santé. C'est pourquoi on a
créé une gamme d'indicateurs subjectifs appelés échelles de mesure de la santé. Cependant, mesurer un concept aussi abstrait que la santé est un
défi en soi. Contrairement à la morbidité, elle n'est pas définie par des indicateurs précis pouvant servir de paramètres de mesure.
Mesurer les concepts abstraits
Comme la santé est un concept abstrait, on ne peut la mesurer directement à l'aide d'une échelle mécanique, comme on mesure le poids et la taille. On a plutôt
recours à des indicateurs de la santé auxquels on applique une évaluation numérique pour les quantifier ou les rapporter à une échelle. Par exemple, si l’on définit
la santé en fonction du bien-être physique, mental et social, il faut choisir trois indicateurs connexes et un système d'évaluation numérique pour déterminer le
résultat d'une personne pour chaque indicateur. On peut ensuite avoir recours à un deuxième système d'pondération pour représenter l'importance relative des
composantes physique, mentale et sociale sous la forme d’un résultat agrégé. Cela permet de présenter la mesure de la santé qui en résulte en tant que nombre
unique : un indice de la santé qui va généralement de 0 (décès) à 1 (parfaite santé). D'autre part, on peut présenter les résultats de chaque composante
séparément pour produire un profil de la santé.
Des échelles de mesure ont été mises au point pour les diagnostics les plus courants; ce sont les échelles propres aux maladies. Certaines évaluent
la gravité des symptômes d'un appareil organique en particulier (perte de la vision, essoufflement, faiblesse des membres); d'autres portent sur un
diagnostic, comme les échelles de l'anxiété ou de la dépression. D'autres mesures sont de plus grande envergure. Elles portent sur des syndromes
(par ex. les échelles du bien-être émotionnel), sur l'état général de santé et sur la qualité de vie relative à la santé. Il s'agit d'échelles génériques,
étant donné qu'elles peuvent s'appliquer à tous les types de maladies et de personnes; le SF 36 (Short-Form-36 Health Survey), un instrument de
mesure de la santé fonctionnelle à partir de 36 questions, en est un exemple courant. D'un point de vue encore plus général, certaines mesures
cherchent à capter le bien-être des populations; c'est le cas de l'Indice canadien du mieux-être, dont une grande partie porte sur la santé.
Les applications des mesures de la santé entrent dans trois grandes catégoriesLes instruments diagnostiques recueillent une grande variété de
renseignements provenant d'auto-évaluations et d'évaluations cliniques, puis les traitent à l'aide d'algorithmes pour suggérer un diagnostic. Le
domaine de la psychiatrie en compte plusieurs, dont l'Entretien diagnostique international global.4 Les mesures pronostiques comprennent les tests
de dépistage et, parfois, des renseignements sur les facteurs de risque, lesquels peuvent être combinés pour estimer les états futurs de santé; les
Centers for Disease Control des États-Unis examinent les évaluations du risque pour la santé numérisées. Les mesures évaluatives tiennent compte
des changements dans l'état de santé au fil du temps et sont utilisées pour déterminer les résultats des soins. Cette catégorie est le groupe
d'instruments le plus important; elle comprend les mesures des résultats génériques et propres aux maladies.
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Indicateurs objectifs et subjectifs
Un indicateur de la santé peut être consigné mécaniquement, comme dans le cas d'une épreuve sur tapis roulant, ou provenir du jugement d'un expert, comme
l'évaluation d'un symptôme par un médecin. On peut aussi le consigner par autodéclaration, comme lorsqu’une patiente décrit sa douleur. Les mesures
mécaniques recueillent des données objectivement; la collecte se fait sans aucun jugement ou presque, bien qu'un jugement puisse être nécessaire pour
l’interprétation subséquente. Pour ce qui est des mesures subjectives, le jugement humain (par le clinicien, le patient ou les deux) fait partie intégrante de
l'évaluation et de l'interprétation. Les mesures subjectives de la santé présentent plusieurs avantages : elles décrivent la qualité, plutôt que la quantité, du
fonctionnement; elles peuvent évaluer des éléments comme la douleur, la souffrance et la dépression, qu'il est difficile d'estimer par des mesures physiques ou des
analyses en laboratoire. De plus, les mesures subjectives n'ont pas recours à des procédures effractives ni à de l'équipement coûteux. La grande majorité des
mesures subjectives de la santé recueillent des renseignements à l'aide de questionnaires : beaucoup ont fait l'objet d'études approfondies et sont couramment
utilisées pour mesurer les résultats d'essais cliniques. Les essais de médicaments doivent dorénavant comprendre des échelles de la qualité de vie, en plus des
échelles propres aux symptômes ou aux maladies, afin de consigner les éventuels effets secondaires indésirables, comme les nausées, l’insomnie, etc.
Les indicateurs combinés
Comme les indicateurs objectifs et subjectifs ont tous deux des avantages, ils sont parfois combinés. Par exemple, pour décider s'il subira ou non une
chimiothérapie ou une chirurgie, un patient atteint d'un cancer souhaitera comparer la hausse prévue de son espérance de vie à un jugement sur la qualité de sa
vie prolongée (en tenant compte des effets secondaires du traitement, de la douleur et de l'incapacité résiduelle). Socialement, cela aide à déterminer si prolonger
l'espérance de vie (par ex. par des traitements salvateurs) peut aussi augmenter le nombre de personnes malades et infirmes dans la société. Cette question a
mené à des indicateurs combinés de la mortalité et de la qualité de vie, comme la survie ajustée pour la qualité de vie (SAQV). (Voir la rectangularisation de la
courbe de morbidité, figure 8.2).
La survie ajustée : SAQV, AVCI et AVPAS
La survie ajustée pour la qualité de vie (SAQV) approfondit l'idée de l'espérance de vie en y ajoutant un indicateur de la qualité de vie des
survivants. Plutôt que de considérer chaque année de survie comme étant équivalente, cette statistique ajuste à la baisse la valeur des années
vécues en mauvaise santé. Chacune de ces années est considérée comme ayant moins de valeur qu'une pleine année de vie saine. Dans le cadre
de l'évaluation d'un traitement, la SAQV compte le nombre moyen d'années supplémentaires de vie gagnées grâce à l’intervention, puis le multiplie
par une appréciation de la qualité de vie pendant chacune de ces années. Par exemple, une personne peut recevoir un traitement contre
l'hypertension pendant 30 ans. Cela prolonge sa vie de dix ans et réduit légèrement sa qualité de vie en raison de la restriction croissante de ses
activités. Une pondération subjective est appliquée pour indiquer la qualité (ou à l'utilité) d'une année de vie dont la qualité est ainsi réduite (disons
une valeur de 0,9 comparativement à 1,0 pour une année saine). En outre, la nécessité d'un traitement médicamenteux continu pendant 30 ans
réduit légèrement la qualité de vie, disons de 0,03. Ainsi, la SAQV découlant du traitement serait : 10 ans x 0,9 ? 30 ans x 0,03 = 8,1 ans.
On peut également avoir recours à la SAQV pour indiquer le fardeau d'une maladie. Par exemple, l’année qui suit un accident vasculaire cérébral
incapacitant pourrait valoir 0,8 année normale. Prenons l’exemple de deux jumeaux, Bob et Bill. Bob subit un AVC à l'âge de 55 ans et succombe à
ses séquelles dix ans plus tard, le jour de son 65e anniversaire. Bill, lui, est en parfaite santé jusqu'à ce qu'il se fasse renverser par un autobus en
pratiquant son jogging le jour de son 65e anniversaire. C'est plutôt tragique, mais leur durée de vie est exactement la même. Cependant, si les dix
dernières années de la vie de Bob sont ajustées pour la qualité, il a perdu l'équivalent de deux ans en raison de son AVC (10*0,8 = 2); sa vie,
ajustée pour la qualité, a donc été de deux ans plus courte que celle de son jumeau. En résumant les statistiques de la SAQV, comme cette valeur
de deux ans, dans une population, on peut estimer le fardeau sociétal des AVC.
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Les pondérations de la SAQV
On appelle « scores d’utilité » les pondérations numériques que l'on attribue à la gravité des incapacités. Ils vont de 0 (décès) à 1,0 (meilleur état de santé
possible). Ces scores s’obtiennent par des études dans le cadre desquelles des patients, des professionnels ou des membres du public utilisent des méthodes
d'évaluation pour exprimer leurs préférences pour différents résultats, y compris leur appréciation de la gravité de divers niveaux de déficience. Les méthodes
courantes d'évaluation sont le pari standard et le marchandage-temps.
Le pari standard consiste à demander aux sujets de choisir entre i) vivre dans l'état à l'étude (lequel est moins qu'idéal) le reste de leur vie, ou ii) miser sur un
traitement (comme une chirurgie) ayant une probabilité p de leur faire recouvrer la pleine santé, mais ayant aussi une probabilité 1-p de mettre fin à leur vie sur-lechamp. Dans le cadre de cette appréciation, le risque de décès est modifié jusqu'à ce que l'évaluateur ne présente aucune préférence claire pour l'option i) ou ii).
Cela démontre le degré du risque de mortalité opératoire que la personne est prête à tolérer pour ne plus vivre dans l’état décrit dans la première option. Ce risque
sert d'indicateur de l'« utilité » perçue (c.-à-d. de la gravité) de son état. En principe, plus le patient juge que son état est grave, plus il acceptera un risque élevé de
mortalité opératoire1-p (parfois jusqu'à 5 ou 10 p. 100).
Le marchandage-temps est une autre façon de présenter le pari standard. Comme dans le cas précédent, on demande aux évaluateurs d'imaginer qu'ils souffrent
de l'affection de laquelle on doit évaluer la gravité. On leur demande de choisir entre demeurer dans cet état le reste de leur vie naturelle (par ex. 30 ans pour une
personne âgée de 40 ans) et être en parfaite santé pendant moins longtemps. Le nombre d'années d'espérance de vie qu'ils sont prêts à sacrifier pour recouvrer la
santé indique dans quelle mesure l'affection est grave selon eux. Son utilité, pour la personne dont l'espérance de vie est de 30 ans, est exprimée par la formule
suivante : Utilité = (30 - années échangées)/30.
L’une des méthodes de mise à l'échelle de l'utilité est l'indice des états de santé selon l'utilité (Health Utilities Index) du Canada. Par exemple, la cécité totale
correspond à un score d’utilité de 0,61; la présence d'une déficience cognitive, comme la maladie d'Alzheimer, correspond à un score de 0,42.5 Notons que ces
pondérations d’utilité sont subjectives et peuvent varier d'une population à l'autre.
Certaines méthodes de mesure permettent aux patients d'attribuer eux-mêmes les pondérations d’utilité. Elles peuvent s'avérer utiles pour les cliniciens qui
souhaitent aider un patient à décider s'il subira ou non un traitement associé à un risque d'effets secondaires. Le Q TWIST (temps écoulé sans symptômes ni
toxicité, ajusté pour la qualité de vie) est un exemple de ce type d'instrument.1
Les années de vie corrigées de l'incapacité (AVCI) et les années de vie perdues ajustées sur la santé (AVPAS) ressemblent beaucoup à la
SAQV. Les AVCI mettent l’accent sur l'impact négatif des incapacités dans le calcul de la pondération des années de vie, tandis que les AVPAS
mettent l’accent sur l'impact positif d'une bonne santé. L'approche de la SAQV, des AVCI et des AVPAS peut aussi servir à ajuster les estimations de
l'espérance de vie, en tenant compte de la qualité de vie, de l'incapacité et de la santé, respectivement. Dans ce dernier cas, la mesure s’appelle
l'espérance de vie corrigée en fonction de la santé (EVCS).
Plusieurs guides expliquent comment choisir et interpréter des mesures de la santé :
1. B. Spilker, éd.,Quality of Life Assessment in Clinical Trials, New York, Raven Press, 1990.
2. I. McDowell, Measuring Health: A Guide to Rating Scales and Questionnaires, New York, Oxford University Press, 2006.
3. A. Bowling, Measuring Disease: A Review of Disease-Specific Quality of Life Measurement Scales, Buckingham (Angleterre), Open University Press, 1995.
Voici un bon guide technique sur les méthodes de mesure de la santé:
1. D.L. Streineret G.R. Norman, Health Measurement Scales: A Practical Guide to their Development and Use,New York, OxfordUniversity Press, 1995.
La fiabilité et la validité des mesures de la santé
Les indicateurs et mesures de la santé, ainsi que les tests cliniques, comprennent tous une part d'erreur. Il existe trois sources principales d'erreur
de mesure : la chose mesurée (« mon poids oscille, il est difficile d'en obtenir un aperçu exact »); la personne qui mesure (« si vous me demandez
mon poids un lundi, il se peut que j'enlève un kilo si je me suis gavé de la cuisine de ma belle-mère au cours de la fin de semaine
le kilo
supplémentaire ne reflète certainement pas mon véritable poids! »); et l'instrument de mesure (« le pèse-personne de la clinique est imprécis, il
faudrait vraiment le faire réparer »).
Comme pour l'échantillonnage, des erreurs aléatoires et systématiques peuvent survenir. Les erreurs aléatoires sont comme les interférences dans
un système : leur effet n'est pas stable. Si l'on fait de nombreuses observations, l'ensemble des erreurs aléatoires devrait se rapprocher de zéro,
étant donné que certaines lectures les surestiment et d'autres les sous-estiment. Ces erreurs surviennent pour plusieurs raisons : le bourdonnement
d'une mouche peut avoir distrait le Dr Rao alors qu'il mesurait la tension artérielle de Julie; il est difficile pour un patient de se rappeler son niveau de
douleur du mardi précédent; et ainsi de suite. Les erreurs aléatoires sont détectées par les tests de fiabilité d'une mesure.
Les erreurs systématiques vont toutes dans le même sens, et il est probable qu'elles sont liées à une cause précise. Les sous-estimations ou les
surestimations systématiques (« j'ai tendance à exagérer mes prouesses d'athlète ») faussent une mesure et nuisent à sa validité. Ces distinctions
sont illustrées à la figure 6.6 par la métaphore d'une cible de tir : une grande dispersion des balles indique un manque de fiabilité, alors que des tirs
excentrés indiquent un biais ou une faible validité.
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Un exemplaire de ce permis se trouve au http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/. Les autorisations dépassant l'étendue de ce permis se trouvent au http://www.afmc-phprimer.ca/termsofuse.
Figure 6.6 : La métaphore de la cible : pour illustrer les erreurs potentielles de fiabilité et de validité d'une mesure comparativement à la
valeur réelle que l’on désire estimer
La fiabilité
La fiabilité se rapporte à la cohérence. Votre patient, Jim, a un comportement imprévisible : il arrive parfois à l'heure, parfois en retard à son rendezvous. Il est même arrivé tôt à quelques reprises. Jim n'est pas très fiable. Jack, lui, arrive toujours exactement dix minutes à l'avance. Même s'il ne
se présente pas à l’heure exacte, Jack est fiable. Une mesure fiable peut être très reproductible, mais peut tout de même être erronée. Le cas
échéant, elle est fiable, mais non valide (partie supérieure gauche de la figure 6.6).
La validité
La définition de base de la validité est la suivante : Le test mesure-t-il ce que nous voulons mesurer? En voici une définition un peu plus abstraite :
Les résultats d'une mesure s’approchent-ils de l'état réel du phénomène à l'étude? Et une autre encore plus complexe : Que signifie tel ou tel
résultat à ce test? Cette dernière interprétation de la validité s’inscrit dans une conception plus générale qui cherche à répondre à la question
suivante : Comment pouvons-nous interpréter les résultats du test?
Il n'existe pas qu'une seule approche pour mesurer la validité : l'approche varie en fonction de l'objectif de la mesure et des sources d'erreur de
mesure que l'on souhaite détecter. En médecine, la manière la plus courante d'évaluer la validité est de comparer la mesure à celle d'un examen
clinique ou pathologique approfondi du patient. On appelle cela la validation du critère (voir Validité de critère dans le glossaire), étant donné que
l'on compare la mesure à une analyse complète dont l'excellence est reconnue. Par exemple, pour dépister un cancer du colon, on peut comparer,
chez un échantillon de personnes dont certaines sont atteintes de la maladie et d'autres non, les résultats d'une recherche de sang occulte dans les
selles à ceux d'une coloscopie. On a recours à cette comparaison lorsqu’il existe une mesure simple et rapide pour évaluer l’état d’un patient et que
l’on veut savoir si cette méthode simple prédit les mêmes résultats qu'un examen complet et détaillé (et coûteux, parfois même effractif).
L'interprétation de tests sur des personnes
Le tableau 6.2, un tableau standard 2 x 2, sert à calculer la validité de critère d'un test. On a procédé au dépistage d'une certaine maladie dans une
population de N personnes à l'aide d'un nouveau test (voir les résultats en rangées), et chaque personne a également subi un examen diagnostique
dont l'excellence est reconnue (voir les résultats en colonnes). (On suppose en théorie que les résultats de l'examen reconnu sont exacts; bien
entendu, en réalité, l'excellence n'est pas si catégorique.)Plusieurs statistiques peuvent être calculées pour démontrer la validité du test de
dépistage.
Tableau 6.2 : Relations entre les résultats du test et la présence de la maladie
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Résultat du test
Positif
Maladie
Présence
Absence
a
b
Totaux
a+b
Vrais positifs Faux positifs
(VP)
(FP)
c
Négatif
Totaux
d
c+d
Faux négatifs Vrais négatifs
(FN)
(VN)
a+c
b+d
N
La sensibilité
La sensibilité indique sommairement si un test détecte bien une maladie. Il s'agit de la probabilité que le test détecte la maladie chez une personne
qui en est atteinte (l'expression est logique : le test est sensible à la maladie, donc il peut la détecter). À l'aide de la notation dans le tableau
précédent, la sensibilité se calcule comme ceci :
a/(a+c), ou VP/(VP + FN).
L'inverse de la sensibilité est la proportion de faux négatifs (c/a+c), qui exprime la proportion de cas de la maladie manqués par le test. Un test à
faible sensibilité produira une grande quantité de résultats faux négatifs.
Voici un petit truc mnémotechnique : la sensibilité est inversement associée à la proportion de faux négatifs d'un test (sensibilité élevée = peu de
faux négatifs). Si la sensibilité est faible, la valeur prédictive négative est faible.
La spécificité
La spécificité mesure la capacité d'un test à reconnaître correctement les personnes qui ne sont pas atteintes de la maladie :
d/(b+d), ou VN/(VN + FP).
La spécificité est l'inverse de la proportion de faux positifs (b/b+d), laquelle est la proportion des personnes bien portantes reconnues comme étant
malades. Un test très spécifique produit très peu de résultats faux positifs. Encore une fois, l'expression est logique : un test spécifique produit peu
de faux positifs, ne détectant que cette maladie spécifiquement.
La spécificité est importante cliniquement, car un résultat faussement positif peut causer des inquiétudes et entraîner un examen approfondi
inutilement coûteux, voire même un traitement inutile.
Petit truc mnémotechnique : la spécificité est inversement associée à la proportion de faux positifs. Une fois de plus, l'expression est intuitive : un
test de dépistage spécifique est un test qui ne détecte que la maladie qu'il est spécifiquement conçu pour détecter; les personnes atteintes d'autres
maladies n'auront donc pas de résultats faussement positifs. Si la spécificité est faible, la valeur prédictive positive est faible.
Les valeurs prédictives positives et négatives
La sensibilité et la spécificité sont des caractéristiques inhérentes d'un test et sont utiles pour décrire son rendement prévu. Par contre, elles ne
peuvent être mesurées que si le véritable état pathologique des personnes subissant le test est connu. Naturellement, lorsqu'on administre un test
en clinique, on ne sait pas qui est atteint de la maladie; on a recours au test pour tenter de le découvrir. La signification du résultat d’un test négatif
ou positif pour la personne est ce qui nous intéresse. Pour découvrir cette signification, nous utilisons les valeurs prédictives.
La valeur prédictive positive (VPP) est la proportion de personnes dont le résultat est positif et qui sont véritablement atteintes de la maladie :
a/(a+b), ou VP/(VP + FP).
Comme l'indique le tableau 6.2, si la spécificité d'un test est faible (c.-à-d., s'il produit beaucoup de faux positifs), sa VPP sera faible. De même, la
valeur prédictive négative (VPN) est la proportion de personnes dont le résultat est positif, mais qui ne sont pas vraiment atteintes de la maladie :
d/(c+d), or VN/(VN + FN).
Si la sensibilité du test est faible, sa VPN sera réduite.
Les valeurs prédictives et la prévalence
Il faut savoir que l'interprétation des résultats d’un test est encore plus compliquée, car les valeurs prédictives varient en fonction de la prévalence
de la maladie dans la population où l’on utilise le test. Les cliniciens doivent en tenir compte lorsqu'ils interprètent un résultat : il faut traiter la
personne et non le résultat du test! Les raisons sont illustrées à la figure 6.7, où le rendement du même test est comparé dans un milieu où la
prévalence de la maladie est élevée et dans un autre où elle est faible.
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Figure 6.7 : Impact de la prévalence sur les valeurs prédictives d'un test diagnostique dans un milieu à prévalence élevée (hôpital de
recours spécialisé) et dans un milieu à prévalence faible (soins primaires)
Les tests sont souvent validés en milieu hospitalier, où la prévalence de la maladie à l'étude est élevée, comme dans la colonne de gauche de la
figure. Cependant, le test peut ensuite être utilisé en milieu de soins primaires, où la prévalence de la maladie est plus faible, comme dans la
colonne de droite. Notons que la sensibilité et la spécificité du test demeurent les mêmes dans les deux milieux, mais que la valeur prédictive d'un
résultat positif est très différente. C’est simplement que dans un milieu de soins primaires, il existe beaucoup moins de cas à dépister et beaucoup
plus de non-cas. Ainsi, si la spécificité du test n'est pas extrêmement élevée, le nombre de faux positifs peut dépasser les vrais positifs. De même,
une faible prévalence indique qu'un résultat de test négatif est précis : vous pouvez rassurer une personne dont le résultat est négatif, car sa
probabilité d'être atteint de la maladie est très faible (vous lui rappellerez, cependant, de revenir se faire évaluer si ses symptômes persistent : il
pourrait être l'un des rares patients dont le résultat est faussement négatif).
En résumé, l'interprétation des résultats d’un test exige une bonne connaissance de la population où l’on utilise le test. L'application de tests de
dépistage ou diagnostiques dans des milieux à faible prévalence peut être trompeuse : elle peut donner de nombreux résultats faux positifs. Une
stratégie pour améliorer la valeur prédictive positive d'un test est d'effectuer le dépistage auprès d’un échantillon restreint, plutôt que global
(dépistage universel). On peut, par exemple, tester uniquement les personnes dont le risque d'être atteintes de la maladie est élevé ? celles
présentant des facteurs de risque, des antécédents familiaux ou des symptômes suggérant la présence de la maladie, parmi lesquelles la
prévalence de la maladie sera plus importante. Les programmes de dépistage de masse peuvent poser problème. Par exemple, dans le cadre du
dépistage du cancer du sein, la valeur prédictive positive d'une mammographie positive n'est que d'environ 10 %. Cela veut dire que 90 p. 100 des
femmes qui doivent subir des analyses approfondies après un résultat anormal à un dépistage par mammographie n'ont pas le cancer.6
Allons plus loin : plus vous administrez de tests à une personne, par exemple lors de son examen annuel, plus il est probable que vous obteniez un
résultat faussement positif (et donc trompeur) à l'un des tests. Il faut donc choisir attentivement les tests et les appliquer en suivant une séquence
particulière pour confirmer ou exclure un certain diagnostic. Si l'objectif est d'exclure d'autres diagnostics, vous pouvez administrer les tests en
parallèle, en procédant à plusieurs tests à la fois, afin d'augmenter la sensibilité de détection des diagnostics rivaux. Si l'objectif est de confirmer un
diagnostic, vous pouvez administrer les tests en série et vous arrêter lorsqu'un résultat positif est obtenu. Chaque test doit être choisi en fonction de
la conclusion que vous avez tirée des résultats du test précédent. N'oubliez pas que les tests inutiles sont non seulement coûteux pour le système
de soins de santé, mais douteux sur le plan moral s'ils exposent une personne à des risques (comme le rayonnement d'une radiographie) ou à un
traitement inutiles après un résultat faussement positif.
Confirmer ou exclure un diagnostic
Les cliniciens se fondent souvent sur les résultats de tests pour confirmer ou exclure un diagnostic possible, mais la logique qui sous-tend ce
procédé est souvent mal comprise elle aussi. Pour confirmer un diagnostic, la spécificité du test utilisé doit être élevée; pour exclure un diagnostic,
c’est la sensibilité du test qui doit être élevée. Comme cela peut sembler contre-intuitif, penchons-nous plus longuement sur la question, en abordant
d'abord l'exclusion d'un diagnostic. Un test parfaitement sensible reconnaîtra tous les cas d'une maladie. Ainsi, si vous obtenez un résultat négatif à
partir d'un test sensible, vous pouvez être suffisamment certain que la personne n'est pas atteint de cette maladie (test sensible = peu de faux
négatifs). Inversement, pour confirmer un diagnostic, vous devez obtenir un résultat positif à partir d'un test spécifique (test spécifique = peu de faux
positifs) étant donné que ce dernier sert à identifier uniquement ce type de maladie. Il faut noter, malheureusement, que si une personne obtient un
résultat négatif à un test spécifique, il pourrait quand même être atteint de la maladie (c.-à-d. avoir eu un résultat faussement négatif). Le recours
aux tests pour améliorer la probabilité d'un diagnostic nous amène à présenter la notion des rapports des vraisemblances.
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Il se peut qu'à l'occasion une personne soutienne que vous avez besoin d'un test sensible pour confirmer un diagnostic, mais c’est faux.
La raison? Le test sensible reconnaîtra effectivement la plupart des cas réels de la maladie, mais un test très sensible aura souvent une faible spécificité. Cela veut
dire qu'un certain nombre de faux positifs pourraient faire partie de vos résultats. Le test sensible ne peut donc pas confirmer la présence d'une maladie.
Les rapports de vraisemblance
Un rapport de vraisemblance combine la sensibilité et la spécificité en un seul nombre, qui indique dans quelle mesure le résultat du test réduit
l'incertitude d'un certain diagnostic. Le rapport de vraisemblance est la probabilité qu’un résultat donné à un test survienne chez une personne
atteinte de l'affection à l'étude, divisée par la probabilité que le même résultat survienne chez une personne qui n'en est pas atteinte.
Un rapport de vraisemblance positif (RV+) indique dans quelle mesure il est plus probable qu'une personne atteinte de la maladie obtienne un
résultat positif, comparativement à une personne qui n'en est pas atteinte.
RV+ = sensibilité/(1 ? spécificité),
Un rapport de vraisemblance négatif (RV-) indique dans quelle mesure il est plus probable qu'une personne qui n'est pas atteinte de la maladie
obtienne un résultat négatif, comparativement à une personne atteinte.
RV? = (1 - sensibilité)/spécificité,
ou le rapport entre les faux négatifs et les vrais négatifs. Voici la formule selon le tableau 6.2 :
[1 - (a/a + c)]/(d/b + d).
Autrement dit, le RV+ exprime le degré auquel un test positif augmente la probabilité qu'une personne soit atteint de la maladie; le RV- exprime le
degré auquel un test négatif diminue la probabilité elle soit atteint de la maladie.
Si l’on applique ceci à une situation clinique, on doit encore une fois tenir compte de la prévalence. Le recours au nomogramme (figure 6.8) élimine
le besoin de faire des calculs. L'échelle de gauche du nomogramme représente la probabilité prétest de la maladie, la colonne du centre représente
les rapports des vraisemblances, et l'échelle de droite représente la probabilité post-test. Pour utiliser un nomogramme, vous devez connaître le
rapport des vraisemblances du test et la probabilité prétest que le patient soit atteint de la maladie. Il peut être difficile d'estimer la probabilité prétest
(voir Pour les mordus), mais vous pouvez d'abord vous baser sur l'incidence de l'affection dans votre milieu de pratique. Elle peut ensuite être
modifiée à la hausse ou à la baisse selon votre impression clinique initiale et les antécédents que vous avez notés pour ce patient. À l'aide du
nomogramme, tirez une ligne droite entre la probabilité prétest et le rapport des vraisemblances, et traversez l'échelle de droite; vous obtiendrez la
probabilité post-test que le patient soit atteint de la maladie, en tenant compte de la probabilité initiale et du résultat au test. Évidemment, si, selon
vos observations initiales, vous êtes presque certain que le patient est atteint, un résultat positif au test ne vous apprendra pas grand chose ? mais
un résultat négatif, oui.
Dans l'exemple de la figure 6.7, la sensibilité et la spécificité du test sont toutes les deux de 0,91; le RV+ est donc de 0,91/(1 - 0,91) = 10,1. Tirez un
trait à partir de la probabilité prétest (à gauche sur le diagramme) en passant par 10,1 dans la colonne centrale, puis notez la probabilité post-test
dans la colonne de droite. En milieu hospitalier, la prévalence était de 33 %, alors qu'elle était de 3 % en milieu de soins primaires; cela nous donne
une approximation de la probabilité prétest. Par conséquent, en milieu hospitalier, un test positif indiquerait que la probabilité post-test qu'un patient
soit atteint de la maladie est supérieure à 80 % (ligne bleue), tandis qu’en milieu de soins primaires, elle serait d'environ 20 % (ligne rouge). Dans
les deux cas, le résultat du test a augmenté de beaucoup la probabilité clinique que le patient soit atteint de la maladie. Si vous travaillez en milieu
hospitalier, vous êtes maintenant être à peu près certain du diagnostic. En milieu de soins primaires, tant que la situation n'est pas urgente, il serait
préférable d'être plus certain avant d'entamer un traitement potentiellement nuisible. En général, les tests dont le RV est supérieur à 5 sont utiles
pour confirmer la présence d'une maladie.
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Figure 6.8 : Nomogramme pour interpréter les résultats de tests diagnostiques (Sackett et al.7) Les traits illustrent les résultats du RV+
décrits ci-dessus.
La probabilité prétest
L'estimation de la probabilité prétest nécessite un retour sur la distinction entre les déterminants de la santé et les facteurs de risque, présentée dans le deuxième
chapitre. Les déterminants sont responsables du taux d'incidence dans une population, et l'incidence fournit une première approximation de la probabilité prétest
d'une maladie pour toute personne dans cette population. Toutefois, on ne peut appliquer des données en population directement à une personne (qui est unique
et ne se situe probablement pas exactement dans la moyenne de la population). On peut donc modifier l'estimation brute de la probabilité prétest à la hausse ou à
la baisse à l'aide des facteurs de risque individuels. Par exemple, l'incidence chez les hommes de 35 ans pourrait être de x p. 1 000 habitants, mais si un patient est
âgé de 35 ans, qu’il présente un surpoids et qu’il fume, le clinicien peut estimer que son risque est de 2x par 1 000 habitants. En outre, le profil des signes et
symptômes peut augmenter le risque encore davantage, jusqu'à 4x par 1 000 habitants, par exemple. Le plus souvent, l'évaluation du risque est décrite de manière
imprécise comme étant un doute clinique élevé ou faible, et un test diagnostique est réalisé pour confirmer ou exclure le diagnostic putatif. À ce moment, on peut
avoir recours à un test pour « confirmer » le doute clinique (ou la probabilité prétest élevée). Un test de confirmation positif n'indique souvent qu'un niveau plus
élevé de probabilité, mais un niveau auquel on doit cesser de douter jusqu'à preuve du contraire. De même, lorsqu'un test exclut la possibilité de la maladie, le
clinicien peut dire au patient que son risque est très faible, mais qu'il doit tout de même lui signaler des symptômes inquiétants. Autrement dit, les cliniciens doivent
toujours examiner et revoir leurs diagnostics.
Le rapport des vraisemblances d’un résultat de test négatif (RV-) est de (1
sensibilité)/spécificité, soir le rapport des faux négatifs sur les vrais
négatifs. Le résultat est inférieur à 1 : les valeurs inférieures à 0,2 environ sont utiles pour exclure la possibilité d'une maladie. Dans notre exemple,
le RV- est de 0,099. Pour un patient qui obtient un résultat négatif à un test en milieu hospitalier, la probabilité post-test d'être atteint de la maladie
est d'environ 4 % (bien moins que la probabilité de 33 % avant l'administration du test). Pour un patient recevant des soins primaires qui obtient un
résultat négatif, la probabilité post-test d'être atteint de la maladie est d'environ 0,2 % (1 p. 500). Il est donc presque certain de ne pas en être
atteint.
Établir des points de coupure : qu'est-ce qu'une valeur normale?
La médecine exige la prise de décisions binaires : prescrire ou non un traitement, opérer ou non, et dire au patient s’il est ou non atteint d’une
maladie. Cependant, la plupart des mesures biologiques ne donnent pas seulement deux résultats possibles, mais une plage continue de valeurs,
comme c'est le cas pour la tension artérielle, le cholestérol sanguin, le glucose, la créatinine et la densité osseuse. Ainsi, on doit déterminer un
point de coupure sur chacune de ces échelles pour séparer les résultats « normaux » des résultats « anormaux ». Même pour les tests qualitatifs
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comme les radiographies ou les coupes histologiques, on doit choisir parmi une gamme de résultats, de ceux qui sont résolument anormaux à ceux
qui sont tout à fait normaux.
Définir la normalité est une entreprise complexe. D'un point de vue superficiel, elle est définie par rapport au résultat moyen, ou le plus courant, pour
une personne de ce type. Malheureusement, normalité n'est pas synonyme de santé : en moyenne, les Canadiens font de l'embonpoint. De plus,
l'anormalité survient aux deux extrémités du continuum ? l’insuffisance comme le surplus de poids est nuisible pour la santé. On pourrait définir la
normalité en fonction de plages, peut-être des centiles ou des écarts-types, sur le continuum de mesure (par ex. le poids). La notion de normalité
semble ainsi se rapprocher de la santé, mais il n'est pas facile d’en définir les marges. On ne peut définir la plage normale en fonction de deux
écarts-types, l’un au-dessus et l’autre en-dessous de la moyenne, étant donné qu'elle ne serait pas la même d'une mesure à l'autre.
Une approche plus prometteuse nous ramène à la médecine factuelle et définit la normalité en fonction d'une plage de valeurs au-dessus ou endessous desquelles le traitement s'avère bénéfique. Cette approche nous rappelle la définition du « besoin de soins » présentée dans le premier
chapitre : l'anormalité est le seuil au-delà duquel une personne profiterait du traitement. Une conséquence de cette approche est qu'une évolution
des traitements modifie la plage de normalité perçue. La détérioration précoce des fonctions cognitives en est un bon exemple, car de nouveaux
traitements permettent d’intervenir plus tôt qu'auparavant. On reconnaît donc de nouvelles strates de déficience cognitive chez des personnes
autrefois considérées comme « normales » ou simplement « un peu séniles ». De même, les points de coupure définissant l'hypertension ont
changé. En 2003, on a redéfini la pré-hypertension comme étant une tension artérielle systolique de 120 à 139 mm Hg, ou une tension diastolique
de 80 à 89 mm Hg.8 En modifiant les points de coupure, un plus grand nombre de personnes sont jugées atteintes de la maladie et deviennent
admissibles à un traitement. On modifie habituellement les points de coupure lorsqu’un essai clinique auprès de ce nouveau groupe de patients
indique une amélioration de leurs résultats, bien que cette amélioration puisse être minime. Il n'est pas surprenant que la modification des points de
coupure fasse le bonheur des compagnies pharmaceutiques qui fabriquent et vendent les traitements.
En dernier lieu, on peut établir des liens entre la notion d'erreur aléatoire et systématique et celle de la sensibilité et de la spécificité d'un test. La
sensibilité imparfaite de certains tests peut découler d'erreurs aléatoires; elle peut aussi découler d'une erreur systématique, comme un point de
coupure trop élevé pour un certain type de patient. Si l'erreur est aléatoire et que le test est répété, les personnes malades et en santé pourraient
être reclassifiées.9 Le cas échéant, il pourrait s'avérer nécessaire de répéter les tests dont les résultats sont légèrement élevés afin de confirmer la
stabilité de la valeur (voir « La régression à la moyenne » ci-dessous). La décision de diagnostiquer une personne doit être prise en regardant la
situation dans son ensemble, et non seulement le résultat d’un test. Il existe une tension inhérente entre vouloir intervenir tôt (lorsque le traitement
peut prévenir une détérioration future) et poser un faux diagnostic. Cet équilibre fait partie de l'art de la médecine.
La régression à la moyenne
La variation aléatoire d'une mesure augmente ou diminue la valeur d'une mesure unique chez une personne par rapport à la moyenne de toutes les valeurs que
vous pourriez enregistrer pour cette personne. Ainsi, si vous répétez une mesure ayant donné une lecture élevée ou faible, il est probable que la nouvelle valeur se
rapprochera de la moyenne pour cette personne. La pertinence clinique de ce phénomène est qu'un résultat extrême à un test diagnostique instable ne doit pas
être pris trop au sérieux : le résultat ne se reproduira probablement pas si l’on répète le test.
Question d'auto-évaluation
1. Quelles sont les principales causes de décès au Canada? Dans quel ordre seraient-elles si vous vous basiez sur les années potentielles de vie perdues?
Les principales causes de décès sont les cardiopathies ischémiques, suivies des cancers de la trachée, des bronches et du poumon, puis des maladies
cérébrovasculaires en troisième position. En se basant sur les APVP, chez les hommes, les blessures sont au premier rang, suivies de tous les cancers, puis des
maladies cardiovasculaires. Chez les femmes, le cancer est au premier rang, suivi des blessures et des maladies cardiovasculaires, qui se disputent la deuxième
position.
Bibliographie
1. McDowell I. Measuring health: a guide to rating scales and questionnaires. New York (NY): Oxford University Press; 2006.
2. Morgenstern H. Ecologic studies in epidemiology: concepts, principles, and methods. Annu Rev Public Health 1995;16:61-81.
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Un exemplaire de ce permis se trouve au http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/. Les autorisations dépassant l'étendue de ce permis se trouvent au http://www.afmc-phprimer.ca/termsofuse.
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AFMC Petit Guide de la santé des populations
Chapitre 7 Les applications des méthodes de recherche à la surveillance et à l'évaluation de programmes
Après avoir achevé ce chapitre, le lecteur sera en mesure :
de consulter et de recueillir de l’information sur la santé afin de décrire la santé d'une population :
Décrire les types de données qui servent à évaluer les besoins d'une collectivité en matière de santé;
Connaître les sources importantes de données sur la santé(cliniques ou en population) et reconnaître les avantages et les inconvénients de chacune;
Comprendre les systèmes de surveillance et le rôle des médecins et de la santé publique dans la déclaration et le traitement des maladies;
Comprendre l'importance de la surveillance des maladies pour préserver la santé des populations et connaître les méthodes de surveillance;
d'analyser les données sur la santé des populations à l'aide de mesures pertinentes :
Interpréter et présenter l'analyse d’indicateurs de l'état de santé :
Être en mesure d'utiliser les systèmes d'information sur la santé en milieu clinique pour surveiller la santé des patients et déterminer les besoins de santé non
comblés;
Appliquer les principes de l'épidémiologie en expliquant de façon exacte les répercussions des mesures;
de comprendre l'utilisation appropriée des différentes présentations graphiques des données :
Posséder une certaine connaissance des évaluations économiques, comme les analyses coûts-avantages et coûts-efficacité (voir Analyse coûts-avantages et
Analyse coûts-efficacité dans le glossaire), ainsi que des problèmes d’affectation des ressources;
Décrire les principes et les méthodes de limitation des coûts et d'évaluation économique.
de connaître les caractéristiques déterminantes et les signes distinctifs d'une éclosion :
Posséder les compétences nécessaires pour prendre en charge de façon efficace une éclosion, y compris la prévention des infections lorsqu'une éclosion est
attribuable à un agent infectieux.
D re Li, une interniste médicale à l'hôpital de Weenigo, prépare le formulaire de sortie de Catherine Richard. On a transféré Mme Richard de son foyer de soins de
longue durée à l'hôpital en raison d'une toux qui s'aggravait, accompagnée de signes de bronchopneumonie et d'une légère insuffisance cardiaque liée à la
pneumonie. L'investigation initiale a révélé que le diabète de Mme Richard était loin d'être maîtrisé et il y avait croissance de pneumocoques dans ses cultures
sanguines. Mme Richard a bien réagi au traitement et a pu retourner à son foyer de soins une semaine après son entrée à l’hôpital. D re Li est fatiguée; elle se
demande ce qu'elle doit inscrire dans l'espace réservé au diagnostic principal, et l'importance qui sera réellement accordée à ce qu'elle finit par écrire. Est-il
nécessaire de mentionner l'accident vasculaire cérébral de Mme Richard qui, en l’immobilisant a probablement contribué au développement de sa
bronchopneumonie? Elle aimerait pouvoir inscrire « syndrome métabolique » parmi les causes sous-jacentes de l'hospitalisation, mais la dernière fois qu'elle a
utilisé cette expression dans un rapport de sortie, l'archiviste lui a dit qu'aucun code n'y était lié. Elle se demande aussi si elle doit déclarer l'infection invasive à
pneumocoque au service de santé publique.
La surveillance
Pour être fondée sur les preuves, la planification de tout service de santé ou programme préventif exige la collecte initiale de renseignements sur les
types et la répartition des problèmes de santé dans la population. C'est là le rôle de la surveillance, à savoir la collecte et l'analyse continues et
systématiques d'information sur la santé d'une population afin de guider l'élaboration d'interventions de santé publique et de prévention. Il existe
deux grandes catégories de surveillance. La surveillance passive, à long terme, des tendances générales et des déterminants de la santé fournit
des renseignements importants sur l'état de santé des populations. C’est grâce à ce type de surveillance que l’on a pu confirmer l'épidémie actuelle
d'obésité et l’évolution des tendances de certains cancers. La surveillance active, continue ou à court terme, cherche à déceler des maladies
émergentes ou des éclosions, comme le SRAS ou la grippe pandémique A (H1N1), et aide la société à réagir rapidement aux nouvelles menaces.
Dans les deux cas, on identifie un état de santé, une maladie ou un agent spécifique en tant que cible à surveiller.
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La surveillance est la collecte systématique et l’analyse de renseignements sur la santé des populations et la diffusion opportune de ces renseignements aux
personnes concernées pour qu’elles puissent intervenir. Grâce à la surveillance, on connaît mieux les profils de la santé et de la maladie et leur évolution. Ces
renseignements peuvent guider les efforts de prévention et de contrôle, ainsi que contribuer à la planification des services de santé et, ultérieurement, à l’évaluation
de leur impact. Comme la santé peut être influencée par des facteurs personnels, communautaires et environnementaux, les données de surveillance de la santé
peuvent provenir de diverses sources :
les statistiques démographiques, comme les naissances et les décès;
les données environnementales sur la qualité de l'air et de l'eau;
les indicateurs des services de santé, comme les sorties des hôpitaux, tandis que
le Recensement fournit de l’information sur la population, comme le revenu, la langue et le groupe ethnique.
La surveillance représente une bonne partie du travail des autorités régionales et provinciales de santé publique et de l'Agence de la santé publique du Canada :
http://www.phac-aspc.gc.ca/surveillance-fra.php.
Le rôle des cliniciens dans la surveillance de la santé publique
De manière générale, c’est aux services de santé publique de coordonner la surveillance de la santé, mais chaque clinicien joue un rôle primordial
en déclarant la survenue de certaines maladies contagieuses chez ses patients. Les médecins de premier recours sont habituellement les premiers
à voir les cas qui pourraient se transformer en épidémie. Ils constateront par exemple une augmentation d'une affection particulière, et il se peut
que leurs patients mentionnent d'autres personnes atteintes de la même maladie. Le médecin peut être en mesure d'entamer une enquête
préliminaire, mais doit également communiquer avec le service de santé publique pour amorcer des mesures de prévention et de contrôle (p. ex., le
retraçage des contacts), au besoin. Les autorités de santé publique réunissent les données sur les cas déclarés pour dresser un portrait de
l'étendue et de la gravité d'une menace pour la santé. En plus de se conformer à la déclaration obligatoire des maladies, les médecins contribuent
aux systèmes de surveillance en remplissant les certificats de décès et en veillant à l’exactitude des diagnostics dans les rapports de sortie d’hôpital
et les factures médicales.
Les types de surveillance
La surveillance passive
Le terme « passive » dans l'expression « surveillance passive » désigne la nature du rôle de l'agence responsable. Cette dernière ne fait que
recevoir les déclarations : les données recueillies systématiquement, comme les registres des sorties des hôpitaux, les données relatives à la
mortalité ou les factures médicales, et les données sur les maladies à déclaration obligatoire. Le professionnel de la santé à l'origine de la
déclaration joue un rôle actif dans ce type de surveillance. Cependant, comme les professionnels de la santé ne se rendent pas toujours compte de
l'importance des renseignements qu'ils fournissent, la sous-déclaration peut s'avérer problématique.
Les maladies à déclaration obligatoire sont les maladies d’importance pour la santé publique. La loi exige que les médecins et les laboratoires
déclarent ces maladies aux services locaux de santé publique lorsqu'elles sont soupçonnées ou diagnostiquées. Cela permet de suivre la fréquence
de ces maladies et de détecter rapidement les éclosions pour pouvoir mettre en ?uvre des mesures de prévention et de contrôle en temps
opportun. En outre, certaines provinces ont des lois qui exigent la déclaration de toutes les éclosions éventuelles, même pour les maladies qui ne
sont pas à déclaration obligatoire. Par exemple, selon la Loi sur la santé publique du Québec, « un médecin qui soupçonne une menace à la santé
de la population doit en aviser le directeur de santé publique du territoire. » Les services de santé publique doivent ainsi être avisés de menaces
potentielles à la santé afin d'être en mesure d'enquêter et d'intervenir rapidement en vue de réduire le risque pour la population. Le onzième
chapitre contient de plus amples renseignements sur les maladies à déclaration obligatoire.
Les maladies à déclaration obligatoire
Le concept de maladie à déclaration obligatoire s'applique surtout aux maladies transmissibles qui présentent une menace d'épidémie, mais il peut aussi
s'appliquer à certains états non transmissibles. Au Québec, les empoisonnements par certains agents, comme les métaux lourds ou le monoxyde de carbone,
doivent être déclarés. Il en va de même pour certaines maladies causées par des agents environnementaux non transmissibles.
La désignation d’une maladie comme étant à déclaration obligatoire dépend de la menace qu'elle représente pour la communauté. De nouvelles maladies
infectieuses peuvent s'ajouter à la liste au fur et à mesure qu'elles apparaissent, surtout si elles sont souvent transmises par les voyageurs internationaux. De
nombreuses infections contagieuses doivent être déclarées à l'OMS, comme la peste, le choléra, la fièvre jaune et d'autres maladies énumérées dans le Règlement
sanitaire international. L'OMS surveille également les tendances mondiales relatives à la poliomyélite, au paludisme, au SRAS et à la grippe de type A. Le Réseau
mondial d'alerte et d'action en cas d'épidémie de l'OMS est un dispositif de collaboration entre experts qui permet de riposter rapidement aux éclosions
d'importance internationale. La loi fédérale canadienne ne comprend qu'un cadre pour la déclaration obligatoire des maladies, bien que l'Agence de la santé
publique exige que certaines maladies soient déclarées à l'échelle nationale. Leur déclaration est régie par les lois provinciales, et la liste des maladies varie d'une
province à l'autre. Vous pouvez consulter un aperçu du système actuel en cliquant ici. Vous pouvez aussi consulter les Maladies à déclaration obligatoire en direct
pour connaître les maladies devant être déclarées, ainsi que leur fréquence.
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Les registres des hôpitaux et les factures médicales
Les registres des sorties des hôpitaux contiennent parfois des renseignements utiles sur les profils de maladies et les traitements connexes, mais la
disponibilité des services influence grandement l'utilisation que l'on en fait. Par conséquent, il n'est pas très utile de comparer ces données d'un
endroit à l'autre ou au fil du temps. De même, on peut consulter les factures médicales, mais les nouvelles méthodes de rémunération des
médecins et les diagnostics inexacts et manquants limitent la pertinence de cette source de données pour la surveillance.
Les statistiques démographiques : naissances et décès
L'enregistrement des naissances et des décès est obligatoire dans la plupart des pays et fournit des statistiques démographiques de base. Les
médecins sont responsables d'inscrire les causes de décès sur les avis de décès. Ces causes sont codées conformément à la Classification
internationale des maladies afin que les pays puissent comparer les taux de décès et rendre compte de l'évolution des maladies. Encore une fois,
l'exactitude de ces renseignements dépend de l'exactitude avec laquelle le médecin responsable de la déclaration a consigné la cause du décès,
étant donné qu'elle est rarement confirmée par autopsie.
Selon les règles de codage de la Classification internationale des maladies, le médecin responsable de la déclaration doit faire la distinction entre la
cause initiale de décès et son ou ses déclencheurs. La cause initiale de décès est « la maladie ou le traumatisme qui a déclenché l'évolution
morbide conduisant directement au décès, ou les circonstances qui ont entraîné le traumatisme mortel.1 » Les compilateurs de données ont un
protocole à respecter lorsqu’ils décident de la maladie à consigner comme principale cause de décès. Par exemple, si un patient atteint d'un cancer
du poumon succombe à une pneumonie, il est probable que l'on attribue son décès au cancer, même si la pneumonie n'était pas liée au cancer. On
a souvent recours aux registres des décès pour compiler des renseignements nationaux sur les tendances des maladies comme le cancer.
D re Li ne sait pas trop comment s'y prendre pour consigner le diagnostic principal de Catherine Richard. Elle consulte la CIM pour voir si le syndrome métabolique
s'y trouve; il n'est pas dans l'édition 2007. Cependant, l'obésité y figure sous le code E66. Elle décide d'utiliser plutôt cette cause. Elle se demande si une nouvelle
édition de la CIM paraîtra bientôt et remarque que le site de l'OMS lance une invitation pour collaborer à la 11 e révision
(www.who.int/classifications/icd/ICDRevision/en/index.html).
D re Li demande aussi à sa secrétaire, Mme Bibi, de se renseigner sur la déclaration de l'infection invasive à pneumocoque. Après avoir communiqué avec le service
de santé publique local, sa secrétaire lui apprend que l'infection invasive à pneumocoque doit être déclarée. Elle ajoute toutefois qu’en jasant avec Roxanne, une
secrétaire du laboratoire des maladies infectieuses, elle a appris que le laboratoire transmet déjà des renseignements sur de nombreuses maladies au bureau de
santé publique, y compris sur les infections à pneumocoques.
La surveillance active
La surveillance active est une forme de surveillance où les responsables jouent un rôle plus actif dans la collecte de données. Comme ce type de
surveillance exige davantage de ressources, il est habituellement réalisé à des fins précises. Par exemple, la Société canadienne de pédiatrie
envoie périodiquement des lettres aux pédiatres leur demandant de signaler les cas d'affections rares. Les cas de paralysie flasque aiguë, par
exemple, permettent d’évaluer l’efficacité de la vaccination antipoliomyélitique, et les cas d’?dème cérébral en présence d'acidocétose diabétique
ont permis de caractériser l'affection et d’élaborer des directives pour sa prise en charge. La Société déclare ensuite ces données à l'Agence de la
santé publique du Canada.
Les enquêtes sur la santé
Les enquêtes, comme l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) et le Recensement national, peuvent aussi être considérées
comme de la surveillance active. L'ESCC a vu le jour en 2001. Tous les deux ans, elle recueille des données sur l'état général de santé et les
habitudes de santé d'un échantillon aléatoire de la population. Les autres années, elle recueille des données sur des sujets précis liés à la santé
auprès d’un échantillon plus petit. Les enquêtes peuvent aussi cibler des groupes particuliers, comme les utilisateurs de drogues par injection ou les
personnes ayant reçu tel ou tel diagnostic, pour répertorier les changements dans les profils de comportement qui pourraient avoir un impact sur les
maladies ou leur transmission. C’est ce qu’on appelle la surveillance de deuxième génération. À l'OMS, par exemple, on enregistre périodiquement
les renseignements sur les comportements à risque en lien avec le VIH, et l’on s’en sert pour expliquer les changements dans les taux d’infection et
pour en aviser les autorités.
Le Recensement
Les renseignements sur les dénominateurs de la population nécessaires à l'interprétation de la plupart des données de surveillance proviennent du
Recensement. Le premier Recensement national canadien décennal a été réalisé en 1871. Conformément aux normes internationales, il y a depuis
un Recensement tous les dix ans, lors des années se terminant en « 1 ». Depuis 1956, un Recensement supplémentaire est réalisé lors des années
se terminant en « 6 ». Les deux Recensements tiennent compte de l'ensemble de la population et recueillent des données démographiques de base
(environ huit questions). En outre, on recueille auprès d'un échantillon aléatoire représentant 20 % de la population des renseignements plus
détaillés portant sur des sujets démographiques, sociaux et économiques, mais non sur la santé (environ 50 questions). Au cours de l'été 2010, le
gouvernement conservateur a éliminé le questionnaire complet obligatoire et l'a remplacé par un formulaire volontaire associé à l'Enquête nationale
auprès des ménages. Cette décision a été largement critiquée par de nombreux intervenants, y compris des groupes francophones, autochtones et
d'autres groupes ethniques, des économistes, des urbanistes et des intervenants en santé publique. Tous ces secteurs comptent sur le
Recensement pour avoir des renseignements exacts et fiables sur le profil démographique et le statut socioéconomique de la population en vue de
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planifier des programmes, de faire de la promotion et d’offrir des services. On craint qu'en raison de la nature volontaire du questionnaire complet,
les groupes minoritaires soient sous-représentés, et que les résultats présentent un biais de sélection.
La surveillance sentinelle
La surveillance par réseau sentinelle est une forme de surveillance passive et active dans le cadre de laquelle des cliniciens choisis recueillent des
données et les acheminent à des responsables de la surveillance. Le mot sentinelle évoque l’idée de faire le guet pour détecter certaines maladies
d'intérêt. Par exemple, le Réseau canadien de surveillance sentinelle en soins primaires relie des équipes de santé familiale au moyen d'un système
de surveillance des dossiers électroniques. Ce système peut servir à signaler des événements rares (comme les effets secondaires des vaccins
contre la grippe) et contribue à améliorer la qualité des soins. Si l'échantillon de médecins est bien choisi, on peut faire des estimations de
l'incidence de l'événement d'intérêt dans la population sans avoir à sonder toute la population.
La surveillance de la grippe
Le système national de surveillance de la grippe au Canada, appelé « Surveillance de l'influenza », offre aux professionnels de la santé et au grand public un
portrait pancanadien de l'activité grippale tout au long de l'année.
Le système :
détecte rapidement les éclosions de grippe au pays;
fournit aux professionnels de la santé et au public des renseignements à jour sur l'activité grippale au Canada et à l'étranger;
surveille les souches de virus de la grippe en circulation, y compris les nouveaux sous-types, et leur sensibilité aux antiviraux;
fournit des renseignements de surveillance virologique dont l'OMS se sert pour formuler des recommandations sur le meilleur vaccin à utiliser durant la
saison grippale suivante.
Les renseignements de Surveillance de l'influenza proviennent de diverses sources :
les rapports sur le virus de l'influenza et d'autres virus respiratoires recueillis par les laboratoires du réseau sentinelle du pays;
l'identification des souches et l'évaluation de leur sensibilité aux antiviraux par le Laboratoire national de microbiologie;
les consultations de soins primaires portant sur le syndrome grippal d’après les praticiens du réseau sentinelle du pays;
les niveaux régionaux d’activité grippale selon les rapports des représentants provinciaux et territoriaux du système Surveillance de l'influenza;
les entrées dans les hôpitaux pédiatriques et la mortalité associée à la grippe selon le Programme canadien de surveillance active de l’immunisation
(IMPACT).
Vous trouverez de plus amples renseignements sur le site Web de l'Agence de la santé publique du Canada au www.phac-aspc.gc.ca/fluwatch/index-fra.php. De
plus, Google publie des renseignements sur les tendances de l'activité grippale : http://creativeherb.com/google-flu-trends-canadian-edition/.
Analyser les rapports de surveillance
Si, selon la surveillance, il y a des changements au profil d’une maladie, il faut se poser les questions suivantes :
1. S'agit-il d'un véritable changement?
Si l’augmentation semble rapide, est-ce en raison du petit nombre de cas initiaux? Lorsqu’une maladie est rare, les fluctuations aléatoires peuvent causer
d'importantes variations proportionnelles. Le regroupement de données provenant de lieux ou d’intervalles de temps différents peut parfois rectifier ce problème;
cependant, certains regroupements peuvent mener à différentes interprétations des données.
2. Est-il possible que le changement découle d'une modification des pratiques de déclaration? La précision des données varie-t-elle?
A-t-on répertorié tous les cas? Toutes les personnes malades ne communiquent pas avec les services de santé; elles peuvent donc ne pas être comptées dans les
statistiques sanitaires. Les programmes de dépistage peuvent augmenter la prévalence apparente d'une maladie, car ils reconnaissent des cas qui n'étaient pas
diagnostiqués antérieurement. Les pratiques de déclaration ont-elles changées? Par exemple, la récente augmentation de cas de chlamydia déclarés peut être
partiellement due au dépistage systématique, surtout depuis l’introduction de l’analyse urinaire non invasive (voir L.K. Altman, « Sex diseases still rising; Chlamydia
is leader », New York Times, 14 novembre 2007).
3. A-t-on modifié la définition de la maladie, ce qui a pu causer le changement?
A-t-on recours aux mêmes critères diagnostiques? Si les critères changent, la prévalence apparente de la maladie peut changer. Par exemple, la modification de la
définition de certaines maladies entre la neuvième et la dixième révision de la Classification internationale des maladies a fait baisser le nombre de décès attribués
aux chutes et à la pneumonie et a fait augmenter le nombre de décès attribués au cancer. Les professionnels de la surveillance tiennent habituellement compte des
modifications au codage, mais il peut être mélangeant de comparer des rapports de surveillance parus avant et après 2001. De même, les changements aux
critères diagnostiques de l'autisme ont mené, à tort, à des rapports sur l’incidence croissante de ce trouble.
Un peu d'histoire : la Classification internationale des maladies a vu le jour en 1891 quand la Société internationale d'épidémiologie a entamé une classification
des causes de décès. En 1900, 26 pays avaient adopté cette classification. Depuis, la plupart des pays l'ont adoptée, et la classification a été révisée en fonction du
développement des sciences médicales. Depuis 1946, l'OMS se charge de la coordination des révisions à la liste. La dixième révision est parue en 1994, et le
Canada l'a adoptée aux fins de codage des causes de décès en 2001.
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Les profils de développement des maladies dans une population : la courbe épidémique
Lorsqu'en dépit de nos efforts de prévention, une éclosion survient, la distribution des cas qui en résultent peut prendre diverses formes, qu’on
appelle les courbes épidémiques (voir Courbe épidémique dans le glossaire). Elles représentent la distribution des nouveaux cas dans le temps,
retraçant ainsi l'évolution de l’éclosion dans la population. Cela correspond à l'histoire naturelle de la maladie pour un cas individuel. L'histoire
naturelle d'une éclosion dans une population est la plus évidente lorsqu'il s’agit d’une maladie infectieuse, mais on peut également la suivre dans
des situations comme un déversement de produits chimiques menant à des cas de maladie respiratoire ou, sur un intervalle beaucoup plus long, à
des cas de maladies chroniques non transmissibles. On peut se baser sur la forme de la courbe épidémique pour avancer des hypothèses sur la
nature de la maladie et son mode de transmission. La courbe peut fournir des renseignements sur le profil de propagation dans le temps,
l’envergure de l'éclosion (le nombre de cas) et la période d'incubation probable de l'affection, et peut révéler des valeurs aberrantes (par rapport au
temps et parfois au lieu).
Afin de caractériser les différents types d'éclosions, les Centers for Disease Control classent les courbes épidémiques en fonction du type
d'exposition présumé.2 En présence d'une éclosion de source commune, les personnes sont exposées, en groupe, à une même influence nocive.
Selon les circonstances, la source peut être présente pendant un court laps de temps ou sur une période prolongée. Lorsque l'exposition est très
brève, la plupart des personnes deviennent malades lors d'une même période d'incubation suivant l'exposition. Il s'agit alors d'une éclosion d'origine
ponctuelle. Une intoxication alimentaire par la bactérie Staphylococcus aureus lors d'un repas de mariage (quelle gêne!) en est un exemple. Elle
produit une courbe unique qui décline rapidement, pourvu qu'il n’y ait pas de transmission de personne à personne (figure 7.1).
Figure 7.1 : Courbe épidémique d'une éclosion d'origine ponctuelle
La distribution temporelle des cas reflète la période d'incubation différentielle pour chaque personne et le temps qu'elles mettent à consulter et,
ainsi, à faire partie de la collecte de données. Il se peut que certaines personnes aient consommé davantage de l'aliment infecté et qu’elles soient
tombées malades plus tôt que les autres, qu'elles aient été plus susceptibles à la source d’infection, ou qu'elles aient consulté plus rapidement.
Source persistante : Il arrive que l'exposition à une source commune se prolonge, comme l'exposition à l’eau d’un réseau contaminé, ou aux
aliments dans un restaurant dont le système de réfrigération fait défaut et n'est pas réparé. Les cas surviennent alors au cours d'une période
prolongée, mais toujours d'une source commune ou unique. La courbe épidémique qui en résulte est plus longue et étendue, indiquant la durée
prolongée de la contamination et les variations individuelles des périodes d'incubation (voir la figure 7.2). La courbe se termine lorsque la source de
contamination est corrigée ou lorsque toutes les personnes susceptibles deviennent immunisées. L'aspect relativement plat de la courbe suggère
que l'infection provient d'une source commune et qu'il n'y a pas de transmission de personne à personne; sinon, le nombre de cas augmenterait au
fur et à mesure que le temps avance et qu’une personne en infecte d'autres.
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Figure 7.2 : Courbe épidémique d'une source persistante
Exposition intermittente : La figure 7.3 montre un profil irrégulier de cas qui reflète la date d’apparition et la durée d'expositions répétées. A priori, il
est difficile de déterminer si la source est commune (par exemple un contaminant industriel émis à certains intervalles) ou si les sources sont variées
(comme une série d'éclosions de toxi-infections alimentaires survenant dans différents camps d'été pour enfants). L'écart entre les éclosions
pourrait suggérer une transmission de personne à personne suivie d'une période d'incubation, mais les pics successifs n’augmentent pas de taille et
ne fusionnent pas, comme ce serait le cas si les éclosions résultaient d'une propagation infectieuse où une personne en infecte plusieurs. Ainsi, la
courbe épidémique de la figure 7.3 semble représenter une affection non transmissible.
Figure 7.3 : Courbe épidémique d'une éclosion intermittente
Cas index à transmission limitée : La figure 7.4 illustre une transmission de personne à personne qui présente un profil typique survenant lorsqu'un
seul cas, qu’on appelle le cas index (par exemple, un voyageur qui revient de l'étranger), infecte d'autres personnes après une période d'incubation.
Il s'agit d'une origine ponctuelle à transmission secondaire. L'éclosion diminue lorsque les personnes infectées cessent de transmettre l'infection à
d'autres personnes susceptibles, possiblement en raison de mesures de lutte efficaces (isolement ou quarantaine).
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Figure 7.4. Transmission secondaire par un cas index unique
Transmission disséminée : Elle débute comme une infection découlant d'un cas index (figure 7.4), mais les cas secondaires de la maladie agissent
ensuite comme des sources qui infectent de nouvelles personnes, lesquelles en infectent d’autres à leur tour. Comme on le voit à la figure 7.5, cela
produit des pics de plus en plus hauts qui sont d'abord séparés par une période d'incubation. Par la suite, les pics ont tendance à se joindre et à
former des vagues présentant des nombres croissants de cas à chaque génération (c.-à-d., les cas secondaires et tertiaires); l'épidémie persiste
jusqu'à ce que le nombre de personnes susceptibles diminue ou que les mesures d'intervention donnent des résultats. C’est le profil des maladies
comme la rougeole, qui se transmettent de personne à personne.
Figure 7.5 : Cas index avec courbe épidémique de transmission disséminée
La recherche sur les services de santé
Avec les coûts croissants associés aux percées médicales, les systèmes subventionnés par l'État ont de la difficulté à absorber le coût de chaque
nouveau traitement qui voit le jour. Pour ne pas dépasser leurs budgets, les gestionnaires et les professionnels de la santé doivent donc faire un tri
parmi les programmes à financer. Leurs décisions se fondent sur la nécessité, les bienfaits et l'amélioration éventuelle des programmes. La
recherche qui alimente ces décisions est la recherche sur les services de santé, laquelle comprend l'appréciation des besoins, l'évaluation
économique et l'évaluation globale des programmes.
L'appréciation des besoins
Les planificateurs des services de santé doivent savoir de combien de services de santé la population a besoin (voir Besoin de soins dans le
glossaire) et de quels types de services. La méthode classique, pour répondre à ces questions, consiste à examiner les données d’utilisation et les
profils historiques des soins, ce qui permet de prédire la demande future en tenant compte des prévisions de croissance démographique.
L’avantage de cette méthode est que, d'ordinaire, ces données sont facilement accessibles et peuvent être comparées à celles d'autres
administrations afin d'estimer le niveau approprié de prestation de services. Cependant, les données d'utilisation reflètent généralement l’offre et la
demande passées beaucoup plus que le véritable besoin de services.3,4
La planification des services peut également se fonder sur l'appréciation épidémiologique des besoins.5-7 Avec cette méthode, on tient compte de la
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capacité à profiter d'une intervention donnée (préventive ou curative). On commence par déterminer la prévalence d'une maladie et de ses facteurs
de risque dans l'ensemble de la population (et non pas seulement chez les personnes qui consultent). Ensuite, on prend en considération les
preuves de l'efficacité des traitements offerts contre cette maladie afin d'estimer le nombre d'interventions requises. En comparant ces estimations
au niveau actuel de la prestation de services, on peut déterminer le surplus ou le manque de certaines interventions. L'encadré « À titre
d'illustration » donne un exemple d'appréciation des besoins de services destinés aux victimes d'accidents vasculaires cérébraux.
Combien de lits faut-il réserver aux victimes d'AVC?
Une étude des besoins de services destinés aux victimes d'accidents vasculaires cérébraux dans l'Est de l'Ontario a été réalisée en cinq étapes.
1. On a cerné les facteurs de risque de subir un AVC à l'aide d'une combinaison de stratégies de recherche systématiques et de consultations avec des expertscliniciens;
1. On a estimé la fréquence des AVC et de leurs facteurs de risque dans l'Est de l'Ontario;
2. On a identifié des services de santé efficaces ciblant chaque affection ou facteur de risque à partir des examens systématiques et des directives de pratique
publiés;
3. De là, on a déterminé le nombre et le type de services de santé requis;
4. On a comparé ces estimations aux services réellement offerts.
Selon cette étude, il existe plusieurs disparités entre le besoin estimé et les services réellement offerts aux victimes d'AVC. Cette méthode est une façon efficace de
prendre des décisions relatives à la planification des soins de santé.8
L'évaluation économique
Les ressources étant limitées, il faut choisir parmi les services de santé. L'économie de la santé (voir Analyse économique dans le glossaire) utilise
des renseignements sur les coûts et les résultats des soins pour guider ces choix. L'économie de la santé est un domaine de l'économie qui
considère les coûts, les avantages, la répartition des ressources, l'utilisation, les intrants, les extrants et les résultats de soins de santé de toute
sorte.1 Les coûts représentent la valeur des ressources utilisées pour la prestation d’un service. Ils comprennent les éléments comme le salaire du
personnel, les édifices, l'équipement, l'entretien et les fournitures. Les coûts sont habituellement mesurés en valeur monétaire. Les résultats ou les
avantages sont les conséquences d'un traitement ou d'une intervention, et peuvent comprendre le soulagement de symptômes, les taux de survie
ou l'amélioration de la qualité de vie, comme on l’a vu au sixième chapitre. Dans le cadre d'évaluations économiques, les résultats sont souvent
mesurés en fonction de la SAQV ou des AVCI (voir Survie ajustée pour la qualité de vie ou Années de vie corrigées de l'incapacité dans le
glossaire).
La perspective économique centrale est qu'un service de santé doit fournir le meilleur avantage possible par coût unitaire. Comme il existe plusieurs
façons d'estimer les avantages ou les extrants, on trouve quatre grands types d'évaluation économique. Elles évaluent le coût des intrants de
manière semblable, mais se distinguent par leur façon d'évaluer le coût des extrants.
1. L’analyse de minimisation des coûts est l'analyse économique la plus simple. Elle s’applique quand deux interventions ont des avantages
identiques, et qu’il est donc préférable de fournir l'intervention la moins coûteuse. Le choix entre un médicament de marque et un médicament
générique en est un exemple.
2. L’analyse coûts-avantages présente les avantages en valeur monétaire (en dollars). Par exemple, si une entreprise offre un programme de
conditionnement physique à ses employés, ce programme représente un certain coût par participant, mais l’entreprise en retire un gain financier si
le programme réduit les congés de maladie et augmente la productivité.
3. L’analyse coûts-efficacité évalue les extrants en fonction de l'amélioration des résultats cliniques (maîtrise des symptômes, survie, etc.). Par
exemple, une étude a comparé la méthode classique de fécondation in vitro à une nouvelle méthode. L'étude a tenu compte des coûts de chaque
approche et a utilisé comme extrant le nombre de grossesses menant à des naissances vivantes.9
4. L’analyse coûts-utilité est une forme d'analyse coûts-efficacité où l’on ajuste la mesure de l'avantage pour tenir compte de son utilité, au moyen
de la SAQV, des AVCI ou de l'espérance de vie corrigée en fonction de la santé (EVCS). Un atout considérable de cette approche est qu'elle permet
de comparer différentes interventions et leurs résultats. Notons que de nombreux articles publiés prétendent être des analyses coûts-efficacité alors
que ce sont en réalité des analyses coûts-utilité.
Le coût de la prévention
Vaut-il mieux prévenir que guérir? Un débat intéressant sur le rapport coût-efficacité des programmes de prévention se trouve sur le site Web de la Fondation
canadienne de la recherche sur les services de santé au : http://www.chsrf.ca/MIGRATED/PDF/MYTHBUSTERS/myth9_f.pdf.
L'évaluation des programmes
Un programme de santé est une série d'activités planifiées; le plan comprend l'objectif, le financement, les rôles et les responsabilités, et les
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résultats attendus du programme. Le programme national de dépistage du cancer du sein, la clinique de réadaptation cardiaque du Centre
hospitalier universitaire de Sherbrooke ou celle de l’Institut de cardiologie de l’université d’Ottawa et la campagne annuelle de vaccination contre la
grippe à la clinique du Dr Rao sont tous des exemples de programmes de santé. Comme on tente généralement d'économiser, chaque programme
comprend une évaluation afin de démontrer que l'on dépense les fonds public de manière responsable. L'évaluation de programme « englobe la
collecte, l'analyse et la diffusion systématiques de données sur un programme dans le but de faciliter la prise de décision. » Cette définition se
rapproche de la définition générale de la recherche, la différence principale étant qu'elle porte sur un programme spécifique et qu'elle vise à
appuyer la prise de décision. Une évaluation doit répondre à la question suivante : Le programme a-t-il atteint les buts et les objectifs énoncés? (Un
but est un énoncé général de ce que le programme souhaite réaliser, tandis qu'un objectif est une cible plus précise qui mène à la réalisation du but
global). La réponse n'est pas nécessairement évidente puisqu'il se peut que les buts et les objectifs du programme ne soient pas énoncés de
manière à ce qu'ils puissent être facilement mesurés. Les méthodes de recherche quantitative et qualitative décrites dans le cinquième chapitre
s'appliquent à l'évaluation de programme.
On peut évaluer les programmes en fonction de leur structure, de leur processus et de leur résultat, comme l'a proposé Donabedian en 196610 :
Structure : le caractère adéquat des installations, de l'équipement, du personnel et/ou de l'administration du programme. (Le Dr Rao devrait-il
embaucher une autre infirmière pour aider l'infirmière Jennings pendant la « soirée des vaccins »?)
Processus : ce que fait le programme. Par exemple, dans un hôpital, cela peut représenter le caractère adéquat de l’interrogatoire, de
l'examen physique, du diagnostic, du traitement ou de la prévention secondaire. En santé publique, le processus peut comprendre le nombre
de tests de dépistage réalisés, le nombre de messages diffusés à la radio, etc. (Comment la clinique doit-elle être disposée lors de la soirée
des vaccins? Où doit-on administrer les vaccins? Qui doit administrer le questionnaire de dépistage prévaccination et le formulaire de
consentement?)
Résultat : les résultats ou extrants du programme. Les attitudes et la satisfaction des patients, leur niveau de réadaptation ou d'incapacité
résiduelle ou les taux de mortalité parmi eux. (Quelle proportion des patients du groupe cible a-t-on immunisée lors de la soirée des vaccins?
Reviendront-ils l'an prochain? Combien de patients ont-ils attrapé la grippe cette année, comparativement à l'an dernier?)
Les résultats possibles des services de santé pour le patient
La séquence des résultats d'un problème de santé (qu'on nomme en anglais les cinq « D ») de Fletcher et al. est légèrement
différente de celle présentée au sixième chapitre. En recherche sur les services de santé, on l'utilise souvent comme cadre
pour mesurer les résultats des patients11 :
Insatisfaction
(Dissatisfaction)
Réaction émotive à la maladie et aux soins connexes, y compris la tristesse ou la colère
Maladie (Disease)
Symptômes, signes physiques et résultats anormaux aux tests en laboratoire
Inconfort (Discomfort)
Douleur, nausées, dyspnée, démangeaisons, acouphène?
Incapacité (Disability)
Décès
(Death)
Capacité restreinte à vaquer à ses tâches habituelles à la maison, au travail ou pendant ses
loisirs
La mort est un mauvais résultat si elle survient prématurément ou si elle est douloureuse
Il existe bien des façons d'évaluer un programme de santé; on en trouvera un exemple dans l'encadré Pour les mordus intitulé « Les étapes de
l'évaluation d'un programme ».
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Les étapes de l'évaluation d'un programme
Stade 1 : Le modèle logique
La première étape consiste à travailler à partir du « modèle logique » du programme, lequel doit être élaboré pendant la phase de planification d'un programme
complexe. Le modèle logique donne un aperçu de la manière dont une intervention (comme un programme de santé publique ou de prévention) est censée
produire des résultats. Il permet de s'assurer que toutes les personnes impliquées sont conscientes de la manière dont leurs activités contribuent au but global : le
modèle logique donne une vue d'ensemble. Il aide également à orienter l'évaluation du programme en définissant des objectifs intermédiaires, mesurables, afin de
suivre l'évolution vers le but ultime. Il aide aussi à repérer les échecs en cours de route si le but ultime n'est pas atteint. Les éléments d’un modèle type sont la
description de la situation ou du problème à aborder, les intrants ou les ressources nécessaires, les activités à entreprendre, les extrants et les résultats prévus.
Voici un modèle logique fictif pour le programme de santé dentaire décrit dans le quatrième chapitre.
Situation : la santé buccodentaire des enfants de Glasgow compte parmi les plus mauvaises d’Europe de l'Ouest.
Intrants : collaboration entre les dentistes, les médecins de premier recours et les autorités municipales.
Activités : établir une politique publique saine; créer des milieux favorables; développer les aptitudes personnelles; renforcer l'action communautaire; et
réorienter les services de santé (pour plus de détails, voir le quatrième chapitre).
Extrants: nombre de jardins d'enfants contactés; nombre d'enfants recevant des soins dentaires; améliorations selon les indicateurs de la santé dentaire.
Systèmes ciblés : jardins d'enfants; familles avec enfants de moins de cinq ans; centres communautaires.
Résultats :
À court terme : participation des mères aux programmes de formation en santé buccodentaire; réduction de la consommation d'aliments produisant des caries;
modifications des aliments servis dans les jardins d'enfants.
À moyen terme : amélioration du profil de santé buccodentaire.
À long terme : réduction du pourcentage d'adolescents et d'adultes présentant des problèmes dentaires.
Le manuel des modèles logiques (Logic Models Workbook) du Centre de promotion de la santé de l'Université de Toronto est une ressource utile. Il se trouve au :
www.thcu.ca/infoandresources/publications/logicmodel.wkbk.v6.1.full.aug27.pdf (site consulté en octobre 2010).
Stade 2 : L'évaluation
Selon l'Agence de la santé publique du Canada, l'évaluation d'un programme se divise en cinq étapes principales. On peut les illustrer à l'aide du programme de
promotion de la santé buccodentaire abordé à la fin du quatrième chapitre.12
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Guide d'évaluation de l'ASPC
Illustration à l'aide du programme de promotion de la santé buccodentaire
1. Définir le but de l'évaluation :
« Évaluer les résultats d'un programme de promotion de la santé buccodentaire par des
Énoncer le but de l'évaluation;
Élaborer un modèle logique pour le programme en
indiquant comment la structure et le processus sont censés
mener au résultat (voir Pour les mordus);
Énumérer les parties prenantes;
Élaborer des questions d'évaluation et vérifier la
faisabilité d'une évaluation objective.
2. Sélectionner les méthodes appropriées :
Énoncer les attentes ;
Formuler un plan de collecte des données;
Élaborer un plan logistique et en vérifier la faisabilité.
analyses secondaires de jeux de données systématiques sur la carie dentaire chez les enfants
de cinq ans à Glasgow entre 1997-1998 et 2003-2004.12 »
Le modèle logique figure dans l'encadré ci-dessous.
Les parties prenantes sont les services de santé de la Ville de Glasgow; l'hôpital dentaire de
l'Université de Glasgow; le bureau écossais du ministère de la Santé; et plusieurs groupes
communautaires.
On a confirmé la possibilité d'accéder aux dossiers dentaires.
La réalisation d'un sondage par auto-évaluation ne semblait pas possible; la santé
buccodentaire devait être évaluée par des experts pour consigner les résultats.
« À Glasgow, des sondages transversaux sur la carie dentaire sont réalisés périodiquement
auprès d'un échantillon aléatoire d'enfants de cinq ans dans les classes d'accueil d'écoles
primaires dans le cadre d'un programme national. »
L'extraction de données anonymes de sondages antérieurs a été approuvée.
3. Élaborer des outils :
Examiner les mesures actuelles;
Choisir des catégories de questions et de réponses;
Les sondages « sont réalisés conformément aux critères standardisés de la British Association
for the Study of Community Dentistry...
? et comprennent des exercices annuels de formation et de calibrage à l'échelle nationale tout
de suite avant chaque sondage... »
Planifier une évaluation de la qualité de la collecte de
données.
4. Recueillir et analyser les données :
Collecte de données et prétest;
Analyse quantitative et/ou qualitative.
(Cette étude a utilisé les données secondaires d'un jeu de données existant.)
Un indice de la précarité socioéconomique de la région a été associé aux données sur la santé
buccodentaire selon le code postal.
Les analyses quantitatives ont porté sur les changements dans les scores moyens de santé
buccodentaire sur une période donnée, en comparant les secteurs municipaux participant à
l'étude aux secteurs où le programme n'a pas été mis en ?uvre.
5. Prendre des décisions :
Interpréter les résultats;
Formuler un plan d'action;
Produire un rapport.
« Cet article fait état des résultats positifs et reproductibles d'activités communautaires de
promotion de la santé buccodentaire ciblées dans des communautés défavorisées sur le plan
socioéconomique. »
« Plus l'enfant est jeune lorsque les facteurs de risque liés aux caries sont améliorés, plus
l'impact sur l'incidence des caries est important pour l'enfant individuel et la prévalence des
caries dans la communauté.12 »
Réexaminons l'étude de cas de D re Li :
1. Pourquoi est-il important d’inscrire les diagnostics dans les rapports de sortie d'hôpital?
Les praticiens de la santé publique ont recours aux rapports de sortie et aux codes de facturation des hôpitaux pour surveiller les tendances relatives à l'incidence,
à la prévalence et à la gravité clinique de diverses maladies aiguës et chroniques. Ces données hospitalières fournissent des renseignements utiles pour la
planification et l'évaluation de programmes et permettent de comparer les taux de maladie à l'échelle internationale.
2. Comment les maladies sont-elles classifiées à l'échelle internationale?
Elles sont classifiées à l'aide de la CIM-10 (Classification internationale des maladies, 10 e révision).
3. Quels types d'infections faut-il déclarer aux services de santé publique? Pourquoi la déclaration des maladies est-elle importante?
Le concept de maladie à déclaration obligatoire s'applique surtout aux maladies transmissibles qui présentent une menace d'épidémie, mais il peut aussi
s'appliquer à certains états non transmissibles. L'Agence de la santé publique du Canada publie les critères de la liste nationale des maladies à déclaration
obligatoire : http://www.phac-aspc.gc.ca/publicat/ccdr-rmtc/06vol32/rm3219a-fra.php
Questions d'auto-évaluation
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1. Quelles sont les différences entre la surveillance active, passive et sentinelle? Donnez un exemple de chacune.
La surveillance passive est l'examen de renseignements recueillis systématiquement (parfois pour d'autres raisons, comme des factures médicales) pour en
dégager des tendances relatives aux maladies. Les renseignements sont ensuite transmis aux autorités de santé publique pour qu’elles puissent intervenir s'il y a
lieu. Exemple : la déclaration systématique des cas de maladies à déclaration obligatoire.
La surveillance active est souvent utilisée dans des circonstances beaucoup plus urgentes et consiste à mettre en place un système de collecte de données sur une
maladie précisément pour suivre son évolution. Elle est souvent initiée par les autorités de santé publique qui s'inquiètent d'une menace particulière à la santé
publique. Exemple : la déclaration des cas de grippe H1N1 lorsqu’on soupçonne une éclosion.
La surveillance sentinelle combine les deux : elle comprend la mise en ?uvre d'un réseau de médecins ou de bureaux de santé publique choisis soigneusement et
le partage systématique de renseignements sur des maladies d'intérêt. Exemple : un réseau de médecins de premier recours choisis en fonction de leur lieu de
pratique afin d'étudier et de comparer le profil des infections transmissibles sexuellement dans les régions rurales et urbaines.
2. Un examen systématique montre qu’un nouveau programme est très efficace pour réduire l'hypertension. Vous êtes la conseillère du ministre de la Santé :
comment procéderiez-vous pour déterminer le besoin d'un tel programme et pour évaluer son impact sur les résultats et les coûts?
Pour transformer un programme efficace en une politique à l’échelle de la population, il faut présenter une argumentation politique justifiant la réaffectation des
fonds d'un autre programme (coût de renonciation).
Voici un exemple des étapes à suivre pour formuler des arguments politiques et économiques convaincants à l’appui d’une nouvelle politique en matière
d''hypertension :
Premièrement, présenter les coûts actuels de l'hypertension (p. ex., en fonction du nombre de personnes affectées, de leur morbidité et mortalité subséquentes, des
coûts du traitement des affections secondaires de l'hypertension, etc.).
Deuxièmement, résumer l'approche actuelle de prise en charge de l'hypertension : le système actuel est-il efficace? Sinon, que doit-on faire pour le réparer? Quel
serait l'avantage du nouveau programme?
Ensuite, évaluer la faisabilité de la mise en ?uvre du programme proposé à l'échelle de la population (A-t-on les installations, le personnel, l'équipement? Peut-il
être mis en ?uvre partout, ou y aura-t-il des disparités d'accès?)
Finalement, prévoir les coûts de la mise en ?uvre du programme et les comparer aux avantages gagnés : Une intervention précoce contre l'hypertension réduira-telle véritablement les coûts de traitement subséquents? Idéalement, cette analyse coûts-avantages doit être comparée aux coûts-avantages des méthodes
actuelles de prise en charge de l'hypertension et de tout autre programme qui pourrait être abandonné pour dégager des fonds pour le nouveau programme.
Plusieurs de ces étapes exigent la modélisation de l'impact et des coûts du programme selon des méthodes d'estimation fondées sur des sondages antérieurs (par
exemple, des sondages sur la prévalence et la répartition géographique de l'hypertension).
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AFMC Petit Guide de la santé des populations
Partie 3 - La pratique : améliorer la santé
AFMC Petit Guide de la santé des populations
Chapitre 8 La promotion de la santé et la prévention
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Après avoir assimilé ce chapitre, le lecteur sera en mesure :
de reconnaître le rôle que peuvent jouer les médecins dans la promotion de la santé et la prévention des maladies auprès des personnes et des
communautés (p. ex., la prévention d’un faible poids à la naissance, l'immunisation, la prévention de l'obésité, l'arrêt du tabac, le dépistage du cancer, etc.);
de comprendre l’influence des politiques publiques sur les modes de vie, et donc leur incidence sur la santé d'une population;
de définir le concept des niveaux de prévention à l’échelle individuelle (clinique) et à celle de la population, et de formuler des mesures de prévention à
intégrer dans ses stratégies de prise en charge clinique;
la santé des interventions communautaires visant à promouvoir la santé et à prévenir les maladies;
de décrire les avantages et les inconvénients liés, d’une part, à l'identification et au traitement des personnes malades, et de l’autre, à la mise en ?uvre
d'approches populationnelles en prévention;
changement de comportement, y compris les facteurs prédisposants, habilitants et de renforcement;
de nommer les facteurs communautaires, sociaux, physiques et environnementaux qui peuvent favoriser les comportements sains, ainsi que des moyens
d'aider les collectivités à intégrer ces facteurs.
David Richard consulte le D r Rao. Il y a quatre semaines, David s'est rendu à l'urgence de l’hôpital de la ville en raison d'une toux. On lui a prescrit des
antibiotiques. Pensant que David pouvait faire de l’asthme, l'urgentiste l’a orienté vers le D r Rao pour le suivi. Ce dernier connaît bien les antécédents et la famille
de David et, après avoir effectué une histoire détaillée, suivi par un examen de son appareil respiratoire, il est à peu près certain que David n'est pas asthmatique. Il
note cependant que David fume du tabac et de la marijuana et qu’il boit souvent plus de cinq consommations d'alcool de suite. De plus, la sécurité lui importe peu. Il
n’attache pas sa ceinture en voiture. Il travaille dans l’industrie du bâtiment, mais ne porte pas de bottes à embout d'acier, ni de protecteurs d'oreille sur les chantiers
bruyants. Il a été renvoyé d’un chantier au moins une fois parce qu'il ne portait pas de casque protecteur. David a une petite amie, mais cela ne l’empêche pas
d’avoir, à l'occasion, des relations sans lendemain. Il ne porte un condom que si sa partenaire insiste. En prenant toutes ces informations en considération, D r Rao
décide qu’il doit aider David à abandonner ses comportements à risque pour adopter et maintenir des comportements favorables à la santé.
Les approches pour améliorer la santé
Deux grandes approches de maintien et d’amélioration de la santé se chevauchent : la première consiste à identifier les personnes à risque élevé et
à intervenir pour réduire leur risque, et la seconde, à réduire le niveau de risque moyen dans l'ensemble de la population. L'intervention auprès des
personnes présentant un risque élevé relève généralement de la médecine clinique, bien que les autorités de santé publique coordonnent certains
programmes mis en ?uvre en milieu clinique afin d'atteindre des objectifs de santé des populations. Par exemple, au Canada, les programmes de
dépistage du cancer du sein et de vaccination des enfants sont appliqués lors de rencontres individuelles, mais leurs objectifs touchent à l'ensemble
de la population. D'autres interventions individuelles, comme le dépistage et le traitement de l'hypertension et du diabète, ou le counseling sur le
tabac et l'alcool, ne sont généralement pas liées à des objectifs populationnels.
La seconde approche pour améliorer la santé consiste à intervenir au niveau de la population; il arrive que cela se fasse sans le consentement,
voire même à l'insu, des personnes ciblées. L'ajout de certains éléments nutritifs aux aliments en vue de réduire les maladies est un exemple
d'intervention populationnelle : on peut ajouter de l'iode au sel pour réduire le goitre, de la vitamine D au lait pour remplacer ce qui est perdu lors du
processus d'écrémage, ou des vitamines B à la farine et au pain pour remplacer les vitamines qui sont enlevées avec le son. Ces interventions à
l'échelle de la population modifient toute la distribution de l'exposition pour réduire le niveau global de risque dans la population. Bien que certaines
personnes présentent toujours un risque plus élevé que la moyenne, le fardeau global de la maladie est réduit.
Les interventions à l'échelle de la population ciblent aussi les déterminants de la santé, pour tenter d'améliorer la santé globale, plutôt que de
prévenir des maladies spécifiques. Par exemple, si des politiques de redistribution du revenu réussissent à réduire la pauvreté, elles amélioreront la
santé et réduiront le fardeau de toutes les maladies associées à la pauvreté. L'amélioration des milieux bâtis peut cibler de nombreux déterminants
de la santé et facteurs de risque en même temps. Par exemple, les quartiers où il y a des voies sécuritaires pour les piétons et des services
accessibles à pied favorisent le transport actif et, par conséquent, contribuent à atténuer les facteurs de risque du syndrome métabolique et de
l'arthrite. Les immeubles bien éclairés réduisent le risque d'accidents. Ces interventions de nature générale sont difficiles à mettre sur pied, car elles
exigent la collaboration de nombreux secteurs de la société qui ne partagent pas nécessairement les mêmes rôles et objectifs.
Est-il préférable d'intervenir auprès des personnes ou des populations?
Geoffrey Rose a écrit un article sur les avantages relatifs de la prévention auprès de l’ensemble de la population par rapport à la prévention auprès
des groupes ou individus à risque.1 Ses idées sont fondées sur une observation empirique : de nombreux cas de maladie surviennent chez des
personnes qui ne font pas partie d'un groupe à risque élevé. En outre, le nombre de cas dans la population dont le niveau de risque est moyen est
souvent supérieur au nombre de cas dans la population à risque élevé. La raison en est simple : il y a beaucoup plus de gens dans la population à
risque moyen. La figure 8.1 montre, à l’aide de données canadiennes, que 61 % des cas de diabète sucré sont des personnes dont le risque est
faible ou modéré, et que 39 % seulement sont des personnes dont le risque est élevé. Rose a fait des observations semblables pour les
cardiopathies, l'hypertension et la trisomie 21, à titre d'exemples, mais beaucoup d’autres maladies ont un profil similaire.
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Figure 8.1 Comparaison du nombre de nouveaux cas de diabète par catégorie d'indice de masse corporelle, Canada 2007-2017.2
Selon Rose, prévenir une maladie en tentant de modifier la distribution d'un facteur de risque dans l'ensemble d'une population peut s'avérer plus
efficace que d'intervenir uniquement auprès des personnes dont le risque est élevé. Par exemple, on estime qu'en Amérique du Nord, on pourrait
réduire de 14 % le nombre d'accidents vasculaires cérébraux en diminuant la tension artérielle moyenne de 2 mm Hg ou en réussissant à traiter
toutes les personnes présentant une tension diastolique égale ou supérieure à 95 mm Hg.3 Cependant, ce type de stratégie à l'échelle des
populations ne fonctionne pas pour toutes les maladies. Par exemple, selon une analyse des effets potentiels de la réduction du cholestérol pour
prévenir la coronaropathie, une stratégie ciblant les personnes à risque élevé serait probablement plus efficace qu'une stratégie qui s’appliquerait à
toute la population.4 La meilleure stratégie préventive doit tenir compte de la maladie à prévenir, de la distribution des facteurs de risque dans la
population et de la probabilité de réduire le facteur de risque au niveau souhaité.
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Le risque élevé et moyen de trisomie 21
Comparaison des effets de l'éradication totale du risque dans un groupe à risque élevé et d'une petite réduction du risque dans l'ensemble de la population
Le tableau 8.1 montre les chiffres utilisés par Rose pour illustrer ses arguments;1 ils portent sur le risque de donner naissance à un enfant trisomique selon le
groupe d'âge maternel en 1979.5 Les femmes de 35 ans et plus présentent un risque élevé de donner naissance à un enfant trisomique. Supposons que le
dépistage axé vers ce groupe est efficace à 100 % et qu'il prévient toutes les naissances d'enfants trisomiques : le nombre total serait réduit de six (voir les
naissances chez les femmes de 35 ans et plus dans la colonne intitulée « Naissances d'enfants trisomiques »).
Tableau 8.1 : Distribution des nourrissons trisomiques selon l'âge de la mère
Âge maternel
Total des naissances Enfants trisomiques p. 1 000 naissances Naissances d'enfants trisomiques
Moins de 30 ans 111 429
0,7
78
De 30 à 34 ans
12 308
1,3
16
De 35 à 39 ans
1 351
3,7
5
De 40 à 44 ans
73
13,1
0,95
45 ans et plus
1
34,6
0,05
Total
100
En revanche, le tableau 8.2 illustre l'impact hypothétique d'une intervention à l'échelle de la population qui réduirait le risque d’à peine 0,1 p. 1 000, mais dans tous
les groupes d'âge :
Tableau 8.2 : Impact d’une réduction de 0,1 p. 1 000 du risque de donner naissance à un enfant trisomique dans tous les groupes d'âge maternel
Âge maternel
Total des naissances Enfants trisomiques p. 1 000 naissances Naissances d'enfants trisomiques
Moins de 30 ans 111 429
0,6
67
De 30 à 34 ans
12 308
1,2
15
De 35 à 39 ans
1 351
3,6
5
De 40 à 44 ans
73
13,0
0,94
45 ans et plus
1
34,5
0,05
Total
87
En réduisant le risque de trisomie 21 d’à peine 0,1 p. 1 000 grossesses dans tous les groupes d'âge, on réduirait le nombre total de naissances d'enfants
trisomiques à 87, une diminution de 13; ce serait un meilleur résultat que celui de la stratégie ciblant les femmes à risque élevé.
Les approches individuelles et populationnelles ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients, comme on peut le voir dans le tableau 8.3. En
pratique, comme l'indique la Charte d'Ottawa pour la promotion de la santé (voir chapitre 4), l'amélioration de la santé doit se faire à l'aide de
différentes stratégies qui ciblent différents niveaux simultanément : les personnes, les communautés et les populations. En effet, l’amélioration de la
santé devrait se construire à partir du modèle écologique de la santé.
Tableau 8.3 : Stratégies ciblant les groupes à risque élevé vs stratégies populationnelles (adaptation de Rose1)
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Avantages
Stratégie individuelle, axée sur le risque élevé
Stratégie populationnelle, axée sur le risque moyen
L'intervention convient à la personne.
Il est probable que les personnes qui découvrent qu'elles
L'intervention, qui cible les sources du problème, réduit
la maladie dans l'ensemble de la population, y compris
présentent un risque élevé modifient leur comportement
pour réduire ce risque (comme le prédit le Modèle des
chez les personnes présentant un risque faible ou
moyen.
croyances relatives à la santé).
On s'attaque à la maladie à un stade précoce, lorsque
Les médecins s’estiment justifiés à réduire les facteurs de
les interventions peuvent être plus efficaces.
risque chez les patients à risque élevé.
On peut soutenir que c’est une utilisation efficiente des
Un changement minime du niveau d'un facteur de risque
ressources, car elles sont dirigées vers les personnes qui
dans une population peut améliorer la santé d’un grand
en ont le plus besoin.
nombre de personnes.
Le rapport risques/avantages est favorable : il est
C’est une stratégie appropriée sur le plan
probable que les personnes à risque élevé profitent
comportemental et social : plus le non-usage du tabac
davantage de l'intervention que les personnes à faible
risque, et la probabilité d'effets nuisibles est la même
dans les deux groupes.
Inconvénients L’identification des personnes ou des groupes à risque
devient « normal », plus les fumeurs ont tendance à
réduire leur consommation et à essayer d’arrêter de
fumer.
Le risque lié à l'intervention, si petit soit-il, peut
peut être difficile et coûteux. La frontière entre un risque
l'emporter sur l'avantage minime qu'en tirent la plupart
moyen et un risque élevé est souvent arbitraire, et
beaucoup de personnes à risque moyen peuvent tout de
des personnes (voir Paradoxe de la prévention).
C’est une stratégie dont le rendement est minime (et
même présenter un risque considérable.
On joint les personnes les plus à risque, mais on touche à peut-être contraire à l'éthique) : elle exige un
changement de la part de nombreuses personnes qui
peine au fardeau de la maladie dans la société, car la
n'auraient jamais contracté la maladie.
plupart des cas de maladie surviennent chez des
personnes présentant un risque faible ou modéré.
Les personnes à faible risque gagnent peu à modifier
C’est une stratégie palliative et temporaire : comme on ne leur comportement.
tient pas compte des déterminants, il y aura toujours des
On risque d'augmenter les iniquités en santé (voir
personnes qui auront besoin de l'intervention.
Iniquité en santé).6 À moins d'avoir recours à des
Elle est inappropriée sur le plan comportemental : un
stratégies conçues spécifiquement, les personnes
changement de comportement qui arrive à réduire de
vulnérables qui ont le plus besoin de changer leurs
manière significative le risque d’une personne peut aussi
habitudes sont les moins susceptibles de le faire.
la priver de son réseau social.
Il semble qu'intervenir auprès des personnes en santé
est plus délicat, moralement, qu'intervenir auprès de
celles qui ont des problèmes. Cela peut être perçu
comme proche à l'ingénierie sociale, ce qui est
inacceptable dans une société libérale.
Les critiques de la position de Rose
Depuis la parution de l’article « Sick individuals and sick populations » en 1985, puis du livre The Strategy of PreventiveMedicine en 1992, on a critiqué l'approche
de Geoffrey Rose. Certains sont d'avis que la stratégie de prévention axée sur la population est contraire à l'éthique. Selon eux, les preuves des causes de diverses
maladies manquent de rigueur, et les données sur les facteurs de risque proviennent d'études observationnelles. Les mesures proactives de prévention doivent
reposer sur des preuves solides, mais il serait difficile de réaliser des essais comparatifs auprès de populations entières. Or, on doit se fonder sur une science sûre
avant d'intervenir dans la vie des gens. Sinon, imaginez les possibilités d'abus!7
Selon un autre argument, Rose adopte un point de vue trop négatif de l'approche axée sur le risque élevé. Au fur et à mesure que notre compréhension des
facteurs de risque augmente, nous devrions pouvoir cibler nos interventions plus précisément vers les personnes à risque. Ainsi, l'approche axée sur le risque
élevé devrait, à tout le moins, être aussi efficace que la stratégie en population pour prévenir certaines maladies. La démonstration de Rose porte sur l'utilisation
d'un marqueur unique pour identifier les personnes à risque élevé, produisant trop de faux positifs et de faux négatifs pour définir exactement le risque d'une
personne. Des algorithmes plus modernes pour mesurer le risque, dont certains comprennent des marqueurs génétiques, permettent de repérer plus exactement
les personnes à risque élevé, y compris de nombreuses personnes qui n'auraient pas été identifiées à l'aide d'un seul facteur de risque. Le recours à ces
algorithmes pourrait bel et bien s'avérer plus efficace pour réduire les taux de mortalité des maladies que le recours aux stratégies en population.4
En pratique, les stratégies d'amélioration de la santé doivent tenir compte des deux approches : individuelle et collective. Ces deux types d'approches sont
généralement compatibles et complémentaires.
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Pour une discussion facile à lire sur les risques des populations et des personnes, consultez le deuxième chapitre du Rapport sur la santé dans le monde
2002(www.who.int/whr/2002/en/chapter2fr.pdf).
Le but de la prévention
Au niveau de la population, la prévention des maladies résulte en une compression de la morbidité. Au fil du temps, nous sommes exposés à divers
facteurs nocifs. Une fois rendus à l'âge moyen, notre état de santé commence à se détériorer et continue de le faire, à des taux variables, jusqu'à la
mort. Ce phénomène est illustré à l'aide des courbes de survie; la figure 8.2 en est un exemple. Comme le montre le diagramme, la prévention (ou
du moins le report) des maladies potentiellement mortelles étire la courbe de survie vers la haut et vers la droite, lui donnant une forme
rectangulaire. Évidemment, il ne faut pas qu’en prolongeant la vie, et en permettant ainsi au plus grand nombre de personnes possible d'atteindre
un âge avancé, ces années de vie gagnées soient vécues en mauvaise santé. Cependant, d'un point de vue empirique, ce n'est pas le cas : les
mesures qui prolongent la vie semblent aussi améliorer la santé. Ensemble, la prévention des maladies et la promotion de la santé ont tendance à
élever la courbe de survie sans incapacité. La rectangularisation de la courbe représente un idéal, qui serait de retarder le déclin de la santé associé
à l'âge pour que les gens profitent d'une bonne qualité de vie et qu’ils meurent le plus en santé et le plus tardivement possible. Cela suppose des
interventions qui améliorent la qualité et la durée de la vie, et non pas seulement qui prolongent la vie coûte que coûte. Un exemple pratique est la
décision de ne pas recommander le dépistage systématique du cancer du sein chez les femmes très âgées, étant donné que les années de vie
gagnées ne l’emporteraient pas sur les coûts et les éventuels effets nuisibles du dépistage.
Figure 8.2 : Rectangularisation de la courbe de survie et compression de la morbidité (adaptation de Fries8)
Le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs
Dans le but d'améliorer la santé, le médecin, en consultation avec le patient, a le devoir de choisir des interventions de santé efficaces. Les
méthodes de la médecine factuelle sont utiles pour guider ces choix. Cependant, en raison de l’énorme quantité de données probantes publiées, de
nombreux organismes professionnels et universitaires se sont attelés à l'examen de ces preuves pour produire des directives factuelles sur la prise
en charge et la prévention des maladies. Autrefois, en Amérique du Nord, on croyait que l'examen physique annuel était essentiel pour maintenir la
santé. Dans les années 1920, les compagnies d'assurance en ont fait la promotion, et plus tard, dans les années 1930, l'American Medical
Association a fait de même. Par conséquent, l’examen annuel fait aujourd'hui partie des croyances collectives médicales. Il s’agit d’un examen
physique complet avec recours à tous les tests disponibles : formule sanguine complète, dépistage urinaire (glycosurie et protéinurie), radiographies
thoraciques et, depuis les années 1950, ECG, tomodensitogramme et IRM.
Lorsque le Canada a instauré le régime universel d'assurance-maladie, qui permettait à tous d'obtenir un examen physique annuel financé par
l'État, les ministres provinciaux de la Santé se sont rendu compte que cet examen était très coûteux, que ses composantes pouvaient varier
considérablement, et que certaines étaient d'une valeur discutable. En 1976, la Conférence des sous-ministres de la Santé a mis sur pied le Groupe
d'étude sur l'examen médical périodique. Sous la présidence de Dr Walter O. Spitzer, qui venait, à l'époque, d'être nommé à un poste à l'Université
McGill, ce groupe devait décider des services à offrir dans le cadre de l'examen physique périodique. Spitzer a rassemblé des épidémiologistes, des
médecins de famille, des pédiatres généralistes, des internistes et un psychiatre. On a eu recours à des experts en certains domaines de
connaissances pour recueillir des preuves sur l'efficacité des mesures préventives, lesquelles ont par la suite été évaluées par des personnes sans
expertise particulière dans le domaine. Le Groupe d'étude a élaboré un ensemble de règles guidant la recherche des preuves disponibles,
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l'évaluation de leur qualité et l'expression de jugements en termes simples. Une déclaration du Groupe que les preuves étaient insuffisantes, pouvait
stimuler la recherche. C'est ainsi que le Groupe d'étude a été la pierre angulaire de ce qui est aujourd'hui la médecine factuelle.
La recommandation principale du premier rapport du Groupe d'étude, paru en 1976, était d'abandonner complètement l'examen annuel. C'est
pourquoi le Groupe s’est dorénavant appelé « Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs ». Le rapport formulait aussi des
recommandations sur le moment et la manière d'utiliser une batterie de mesures de prévention : counseling sur divers sujets, dépistage,
chimioprévention (p. ex., supplémentation vitaminique et micronutritive) et vaccination. On a attribué un score à chaque recommandation selon la
solidité des preuves à l'appui et le rapport entre les risques et les avantages.
Le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs
Le rapport du Groupe d'étude canadien a été bien accueilli partout dans le monde, et les États-Unis l'ont reproduit quelques années plus tard. Les groupes
canadien et américain ont collaboré pour produire une série de révisions et de rapports sur de nouveaux sujets. Bien que les deux groupes aient examiné les
mêmes preuves, leurs recommandations n'étaient pas toujours les mêmes en raison de différences culturelles et contextuelles (voir la rubrique « Les influences sur
l'élaboration de politiques de santé » dans le chapitre 14). Le premier rapport a été révisé périodiquement, au fur et à mesure que de nouvelles preuves se sont
accumulées, jusqu'au tirage d'un deuxième rapport en 1994. Il s'agissait d'un livre rouge volumineux, affectueusement surnommé « la brique rouge ». Le deuxième
rapport a été lui aussi périodiquement révisé jusqu'en 2006. Faute de subvention, le Groupe d'étude a dû se dissoudre en 2005, mais il a été reconstitué en 2010.
Son site web se trouve à http://www.canadiantaskforce.ca/index_fra.html
L’un des obstacles majeurs du Groupe d'étude canadien est son manque d'influence sur le système de soins de santé. Bien que ses directives soient bien reçues,
leur mise en ?uvre est restreinte par le manque d'incitations et par la difficulté de changer les modèles cliniques et les rôles professionnels établis. Au cours des
dernières années, de nombreux changements au système ont amélioré les conditions de mise en ?uvre des recommandations du Groupe. Notamment, grâce aux
modifications à la rémunération des médecins, ceux qui pratiquent la prévention seront vraisemblablement récompensés. En outre, il est probable que le
développement de l'approche multidisciplinaire des soins favorisera les pratiques préventives.
Des groupes étrangers semblables au Groupe d'étude canadien sont toujours en activité, y compris :
le US Preventive Services Task Force;
le National Institute for Clinical Excellence au Royaume-Uni;
le Royal Australian College of General Practitioners et son « livre rouge ».
De même, au Canada et dans d'autres pays, bon nombre de regroupements professionnels ont recours aux méthodes de la médecine factuelle pour produire des
« recommandations pour la pratique clinique » (RPC) sur une gamme de sujets.
La prévention en pratique clinique
Les cliniciens représentent une ressource pour leurs patients individuels, pour leur population de patients et pour l'ensemble de la communauté. En
tant que ressource pour les patients individuels, ils veillent au maintien et à l'amélioration de la santé en appliquant des interventions appropriés qui
visent à :
promouvoir la santé;
prévenir les maladies;
réduire la durée ou la gravité des maladies;
réduire les incapacités et les handicaps.
Les niveaux de prévention
Consultez le chapitre 4 pour une discussion des niveaux de prévention et de leurs liens avec l'histoire naturelle de la maladie.
En tant que ressource pour la population de leurs patients, les cliniciens peuvent :
mettre en ?uvre des systèmes administratifs qui améliorent la pratique de la prévention;
améliorer la qualité de manière continue (voir le chapitre 13);
s'assurer que l’aménagement de leur cabinet favorise la santé (p. ex., supports à vélos, bureau facilement accessible à pied ou par les
transports en commun, installations adaptées aux personnes physiquement handicapées, livres et périodiques appropriés dans la salle
d'attente, absence de points de vente ou de distributeurs automatiques de boissons gazeuses et de malbouffe);
promulguer la santé de la population de leurs patients. Les spécialistes peuvent, par exemple, s'assurer que les consultations qu'ils
fournissent sont accessibles à tous et orientées vers les besoins de la population. Les cliniciens qui enseignent doivent s'assurer que la
matière enseignée prend en considération les besoins de la population. Et tous les médecins doivent promouvoir l'équité et les soins
préventifs de haute qualité.
La réflexion sur la prévention en milieu clinique se limite souvent à l'interaction entre un clinicien et un patient, mais cette interaction n’a pas lieu en
vase clos. Elle se trouve au centre d'un ensemble complet d'influences et de contraintes, tant sur le patient que sur le clinicien (voir la figure 8.3).
Certaines de ces influences et contraintes sont décrites de manière plus approfondie dans le chapitre 2. Si l'on veut améliorer la pratique clinique
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préventive, il faut reconnaître l'influence de nombreux éléments du système et évaluer dans quelle mesure ils sont modifiables.
Figure 8.3 : Influences sur la pratique clinique
(adaptation de Walsh et McPhee9)
Les systèmes organisationnels qui améliorent la prévention en milieu clinique
Comme beaucoup de choses peuvent influencer la prévention, il existe plus d'une solution pour améliorer la pratique préventive (voir la figure
8.3).10 L'essentiel est que les cliniciens et leur personnel aient une attitude positive, et qu’ils connaissent les preuves de l'efficacité de la prévention.
Il existe plusieurs outils et guides d'information pour les patients et les cliniciens.11 En voici quelques-uns qui peuvent améliorer la pratique de la
prévention :
Les organigrammes de soins préventifs : on les garde dans les dossiers des patients pour effectuer le suivi des interventions et de leurs
résultats;
Les rappels aux patients : on les envoie par la poste à l’approche de la date d’une intervention;
Les messages visuels en cabinet : p. ex., des affiches indiquant les interventions recommandées selon les groupes d'âge;
Les renseignements destinés aux patients et les dossiers préventifs tenus par les patients : ils ressemblent aux organigrammes de soins,
mais ils permettent aux patients de s’approprier leurs soins;
Les rappels autocollants : ces autocollants de différentes couleurs indiquent si un patient présente un comportement à risque ou un risque de
maladie spécifique. Attention : leur emplacement doit respecter la confidentialité du patient;
Les prescriptions de prévention : elles énoncent l'objectif à atteindre (négocié avec le patient), la date de suivi et les changements à apporter.
Cela permet au patient de ne pas oublier ce qu'il a convenu de faire;
L’évaluation des risques pour la santé : ce questionnaire, à utiliser selon le contexte, peut être rempli par le patient dans la salle d'attente;
Les systèmes de suivi informatisés : ils ont les mêmes fonctions que les organigrammes et les rappels autocollants. On peut les utiliser pour
générer des prescriptions de prévention et des renseignements destinés aux patients.
On trouve de plus amples renseignements sur les moyens de mettre la prévention en pratique dans le livre 10 Steps: Implementation Guide. Put Prevention Into
Practice (www.ncbi.nlm.nih.gov/bookshelf/br.fcgi?book=hsarchive&part=A8916).
Également dans le revue des écrits: Provost MH et autres (2007). Description, impact et conditions d’efficacité des stratégies visant l’intégration de la prévention
dans les pratiques cliniques : revue de la littérature
http://msssa4.msss.gouv.qc.ca/fr/document/publication.nsf/ff52dbec0b2ed788852566de004c8584/d93931b92d211699852573d2005375e8?OpenDocument
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Le modèle PRECEDE-PROCEED de planification et d'évaluation 12
Pour savoir quand commencer à mettre la prévention en pratique et comment en évaluer les résultats, on peut se servir du modèle PRECEDE-PROCEED élaboré
par Lawrence Green.
Figure 8.4 : Le modèle PRECEDE-PROCEED de planification des programmes communautaires de promotion de la santé
Le modèle PRECEDE-PROCEED est un outil précieux pour un clinicien qui planifie un projet dans le cadre d'une réorientation de sa pratique clinique. Il énumère
un éventail de facteurs à prendre en ligne de compte lors de la planification d'un programme en se fondant sur des preuves empiriques qui décrivent la
communauté où se trouve la clinique. La phase de planification commence à la droite du modèle : on évalue la qualité de vie, l'état de santé qui l'influence, puis le
mode de vie et les facteurs environnementaux qui influencent l'état de santé. Cette évaluation guide l'élaboration d’objectifs visant à améliorer l'état de santé et la
qualité de vie des patients dans la communauté en question (la flèche bleue). Les facteurs prédisposants, habilitants et de renforcement qui favorisent ou inhibent
l'atteinte de ces objectifs peuvent représenter des cibles pour le programme de santé. On peut ensuite évaluer les politiques, les ressources et l'organisation des
services et des programmes nécessaires pour atteindre ces cibles. Le modèle donne donc une vue d'ensemble du problème et un plan de mise en ?uvre des
solutions. Une fois qu'un programme est mis en place, on peut l'évaluer. Pour ce faire, on suit les étapes de la phase d'évaluation (en sens inverse de la phase de
planification) afin de déterminer si l'action prévue a eu lieu, si les objectifs ont été atteints, et si les résultats attendus en ont découlé (la flèche verte).
Le modèle PRECEDE-PROCEED est inspiré des modèles explicatifs des comportements liés à la santé décrits dans le deuxième chapitre et illustre le vaste
éventail de facteurs pouvant être responsables des problèmes de santé évitables à l’échelle individuelle. Notons que de nombreux facteurs sont indépendants de
la volonté du patient et du clinicien, d'où l'importance d’intervenir à l'échelle de la communauté.
D r Rao appose un autocollant dans le dossier de David pour se rappeler que son patient a besoin de conseils sur ses facteurs de risque. Il demande à David de
voir l'infirmière Jennings, qui lui pose d’autres questions au sujet de sa consommation de tabac et de marijuana. David est réticent à cesser de fumer : selon lui, cela
ne lui fait aucun mal. L'infirmière lui fait remarquer que sa toux et son asthme potentiel pourraient être liés à la cigarette. Elle lui donne un feuillet spécialement écrit
pour les jeunes sur ce sujet. David ne croit pas non plus que sa consommation de marijuana est un problème : il croit pouvoir conduire après avoir fumé un joint, ce
qu’il ne peut pas faire après avoir bu de l’alcool. La plupart de ses amis fument de la marijuana et ne semblent pas s’en ressentir.
Changer les comportements
Une intervention médicale exige habituellement un changement de comportement de la part du patient. La plupart du temps, le changement est
simple (p. ex., prendre une pilule tous les jours), mais il arrive qu'il impose une modification du mode de vie, ce qui peut être beaucoup plus difficile.
Le comportement actuel est souvent présent depuis des années et reflète un certain mode de vie au sein d'un certain cercle social. Le changer peut
avoir des conséquences fâcheuses. Par exemple, cesser de fumer peut vouloir dire que le patient n'aura plus de contact social avec d'autres
fumeurs; réduire sa consommation d'alcool peut rendre la Soirée du hockey avec les amis moins amusante; modifier son alimentation peut
empêcher les arrêts pratiques aux comptoirs de restauration rapide.
De nombreuses théories tentent d'expliquer la façon dont un comportement lié à la santé est façonné (voir le chapitre 2). Prochaska et DiClemente
ont combiné plusieurs théories pour élaborer leur propre modèle transthéorique des étapes d'un changement de comportement. Ce modèle est
particulièrement utile lors de consultations cliniques.13 À l'origine, il visait à décrire la réceptivité d'une personne à l’idée de cesser de fumer en
expliquant les étapes typiques qu'il faut habituellement franchir pour adopter un nouveau comportement et en énumérant les facteurs qui peuvent
motiver ou gêner une telle progression. Grâce au modèle transthéorique, un clinicien peut déterminer l'étape où se trouve un patient et ainsi
personnaliser son intervention pour mieux appuyer le changement de comportement en se fondant sur sa connaissance des diverses influences qui
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entrent en jeu à chaque étape.
Selon le modèle des étapes du changement, une personne se trouve nécessairement à l'une des étapes suivantes :
1. Pré-réflexion : La personne n'a pas l'intention de modifier son comportement (p. ex., David Richard n'est aucunement intéressé à cesser de
fumer). À toutes fins pratiques, aucun changement n’aura lieu au cours des six prochains mois.
2. Réflexion : La personne n'a pas entamé le changement de comportement, mais y réfléchit et compte agir au cours des six prochains mois
(David a maintenant parlé au Dr Rao de la possibilité de cesser de fumer).
3. Préparation : La personne n'a pas encore changé son comportement, mais compte le faire au cours des 30 prochains jours (David a fixé la
date à laquelle il arrêtera de fumer).
4. Action : La personne a changé son comportement au cours des 6 derniers mois (David ne fume plus).
5. Maintien : Le changement de comportement dure depuis 6 mois.
6. Rechute : Il est souvent difficile pour les patients de maintenir un nouveau comportement, et ils font une rechute. Ils peuvent abandonner
l'idée de changer et revenir à l'étape de la pré-réflexion, ou se sentir motivés à essayer de nouveau et se retrouver à l'étape de la réflexion,
voire même de la préparation, comme l'illustre la figure 8.5.
Figure 8.5 : Illustration du modèle transthéorique de changement de comportement
Le rôle du clinicien varie selon les étapes, comme l'illustre le tableau 8.4.
Tableau 8.4 : Étapes et prise en charge d'un changement au niveau de l'activité physique (adaptation de Zimmerman, Olsen et
Bosworth 14)
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Étape
Explication
Objectif
thérapeutique
Conseils au clinicien
Invitez le patient à envisager le changement.
Personnalisez l'information sur la santé : « Une personne
Selon le patient, il n'est pas
1.
Préréflexion
nécessaire de changer :
« Mon oncle était obèse et
comme vous a une chance sur cinq de développer le diabète.
Inviter le patient à
songer au
détestait l'activité physique. Il changement
a vécu jusqu'à 90 ans. »
»
Mettez l'accent sur les symptômes pouvant être liés au
comportement. Exprimez votre inquiétude, sans être
alarmiste.
Semez des pensées positives chez le patient : « Quel serait
l’avantage de changer, à votre avis? »
2. Réflexion
Le patient songe au
Inviter le patient à
changement, pèse le pour et
le contre : « Je sais que je
évaluer les
avantages et les
devrais, mais je n'ai pas le
obstacles de
temps. »
manière équilibrée
Le patient fait de petits
changements :
3. Préparation « Je me suis acheté des
chaussures de jogging,
4. Action
6. Rechute
solutions, un obstacle à la fois. Sondez son ambivalence.
Invitez le patient à planifier le changement. Incitez sans
forcer. Dites« C'est utile pour certaines personnes; cela vous
aiderait peut-être » plutôt que « Vous devriez essayer. »
Encouragez-le à agir. Aiguillez-le vers des programmes qui
Inviter le patient à
élaborer un plan de
peuvent l'aider.
Demandez au patient de choisir une date précise pour le
changement
changement. Aidez-le à inventer des stratégies pour
mais... »
surmonter les difficultés.
Le patient prend des mesures
Le rôle du médecin est de fournir un encouragement et un
appui. Félicitez-le et encouragez-le pour ses petites réussites.
définitives : « J'ai fait du
jogging ce matin. »
Le patient maintient son
5. Maintien
Demandez au patient d'énumérer les avantages et les
obstacles liés au changement. Demandez-lui de trouver des
Inviter le patient à
concrétiser son plan Discutez des problèmes rencontrés et examinez les solutions
possibles. Fixez des rendez-vous de suivi.
Faire en sorte que le
nouveau
nouveau comportement : « Je
comportement
fais de l'activité physique
devienne
depuis environ 6 mois. »
« habituel »
Continuez à encourager le patient.
Demandez-lui ce qu’il fera s’il est tenté d’abandonner.
« Le temps devenait mauvais Rétablir la
Discutez des leçons apprises du changement antérieur.
et j'ai laissé tomber. »
motivation du patient Reformulez l'échec en réussite partielle. Rappelez au patient
que la rechute est une partie normale du processus de
changement.
Comprendre le processus du changement de comportement et les éléments qui l'influencent aide à ne pas « blâmer le patient » (voir le chapitre 1)
qui ne suit pas les recommandations sur la santé. Les cliniciens qui ressentent une frustration lorsqu'un patient ne change pas doivent se demander
s’ils ont bien diagnostiqué l'étape où il se trouvait et si leur intervention était pertinente. Conseiller un patient peut être une occasion d'apprentissage
pour le médecin. Le patient peut lui faire part des trucs auxquels il a eu recours pour changer et pour maintenir le changement. Le clinicien peut
ensuite les partager avec d'autres patients qui vivent des choses semblables.
Depuis sa première parution, le modèle transthéorique a été perfectionné. La figure 8.6 compare le modèle original à une adaptation ultérieure de
Weinstein.15
Droits d'auteur © L'Association des facultés de médecine du Canada. Le contenu est autorisé en vertu du permis Creative Commons « Attribution-NonCommercial-ShareAlike 3.0 Unported ».
Un exemplaire de ce permis se trouve au http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/. Les autorisations dépassant l'étendue de ce permis se trouvent au http://www.afmc-phprimer.ca/termsofuse.
Figure 8.6 : Deux modèles de changement de comportement et le rôle du clinicien.
Les flèches indiquent que les patients peuvent franchir les étapes dans l'une ou l'autre direction. Le rôle du médecin est d'aider le
patient à atteindre l'étape du « maintien ».
L'infirmière Jennings donne des conseils à David sur la consommation à risques réduits de la marijuana et de l'alcool, en lui rappelant que les effets peuvent durer
une journée ou plus selon la dose et que ses facultés peuvent être affaiblies s’il conduit. Elle lui parle des pratiques sexuelles à risques réduits. Elle lui demande s’il
fait de l'activité physique. David aimait le basketball au secondaire. L'infirmière Jennings l'encourage à recommencer. Elle se souvient qu’un autre patient lui a dit
que le YMCA local est un bon point de départ pour pratiquer le sport. Elle remet à David des feuillets informatifs à ce sujet. Plus tard, pendant la pause-repas, D r
Rao et l'infirmière Jennings discutent des mesures pour aider les patients à faire le plus d'activité physique possible pour protéger leur santé. Selon l'infirmière
Jennings, il vaut mieux incorporer l'activité physique dans la vie de tous les jours que de trouver quelques heures supplémentaires pour en faire. Elle demande au
D r Rao s'il serait possible de mettre une affiche sur la porte de l'ascenseur pour inviter les gens à utiliser les escaliers, en indiquant où ils se trouvent. D r Rao se dit
qu'il devrait, lui aussi, prendre les escaliers plus souvent et se demande quelles autres mesures pourraient être prises dans son cabinet pour encourager les
comportements sains.
La différence entre la prévention et le traitement
Dans le quatrième chapitre, nous avons présenté les niveaux de prévention en précisant que les distinctions étaient arbitraires et que leur valeur n'était
qu'heuristique. Dans le premier chapitre, on a vu que la définition de la « maladie » était aussi arbitraire. De même, selon de nombreux experts, la distinction entre
la maladie et les facteurs de risque est artificielle : elle varie en fonction du stade de l'histoire naturelle de la maladie. La dépendance à la nicotine, l'hypertension et
le diabète peuvent être considérés comme des maladies en soi, mais ce sont aussi des facteurs de risque modifiables pour les maladies pulmonaires chroniques,
les AVC et les maladies rénales, respectivement. Même une chirurgie pour corriger une hémorragie sous-arachnoïdienne ne guérit ni l'hémorragie, ni ses effets;
elle ne tente que d'en prévenir la récurrence.
La définition de la prévention de l'OMS laisse entendre que toutes les interventions cliniques doivent prévenir quelque chose : l'occurrence, l'évolution ou la
prolongation d’une maladie, ou de l'incapacité ou du handicap qui en résulte.16 On doit toujours évaluer les risques et les avantages d'intervenir ou de ne pas
intervenir et en discuter avec le patient. Il est peut-être juste de dire que la différence principale entre la « prévention » et le « traitement » est que les interventions
préventives s'appliquent aux patients qui ne sont pas atteints de la maladie cible et qui, souvent, n'ont pas sollicité l'intervention. Avant d’intervenir auprès d'un
patient qui semble en bonne santé, surtout s'il n'a pas demandé à être traité, le clinicien doit veiller d'autant plus soigneusement à réduire les méfaits, à maximiser
les bienfaits et à obtenir un consentement éclairé.
La réduction des méfaits
Il peut être extrêmement difficile de modifier un comportement dangereux : la dépendance en est un exemple courant. Dans un tel cas, le médecin
peut envisager une approche de réduction des méfaits. La réduction des méfaits se fonde sur l'idée que prendre des risques est un
comportement humain naturel. Il peut être difficile, voire impossible, de mettre fin à un comportement dangereux, mais on peut en réduire les effets
nuisibles. Cette approche peut s'avérer utile dans plusieurs domaines, mais elle est habituellement associée à la prise en charge de la toxicomanie.
On peut, par exemple, fournir des accessoires d’injection propres aux utilisateurs de drogues par injection pour prévenir la sepsie et la transmission
de maladies véhiculées par le sang, ou on peut offrir un traitement de maintien à la méthadone aux utilisateurs d'opiacés pour réduire les risques
liés à leur consommation de drogue illégale. Un exemple au niveau de la population est l’Opération Nez rouge : plutôt que de convaincre les gens
de ne pas boire d'alcool, on raccompagne les buveurs à la maison après les soirées du temps des Fêtes afin de réduire les accidents de la route
liés à la conduite en état d'ébriété.
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La réduction des méfaits est une stratégie qui vise à réduire les conséquences négatives de comportements dangereux, plutôt que de changer les comportements
eux-mêmes (p. ex., obliger les fumeurs à fumer dehors plutôt que d'interdire le tabac tout court). On peut la définir comme étant un ensemble de stratégies pratiques
qui aident les gens à réduire les méfaits associés à leurs comportements dangereux (cette définition, adaptée de celle de la Harm Reduction Coalition, États-Unis,
en 2000, a été acceptée par la Société canadienne du sida en 2000).
Controversée, la réduction des méfaits est souvent rejetée par les personnes qui s'opposent aux comportements eux-mêmes. Par exemple, bien
des gens sont contre les distributeurs de condoms dans les toilettes des écoles secondaires parce qu'à leur avis, c’est fermer les yeux sur l'activité
sexuelle des jeunes, voire même l’encourager. De même, on peut penser qu’offrir des sites d'injection supervisée ou des accessoires d'injection
propres revient à tolérer l'utilisation de drogues illicites. Dans les prisons, en particulier, le fait de fournir des accessoires propres est interprété par
certains comme un aveu de notre incapacité de garder la drogue hors du milieu carcéral.
Du point de vue de la santé, par contre, si les mesures prises pour enrayer un comportement échouent à plusieurs reprises, il est logique de mettre
en ?uvre des approches éprouvées qui réduisent les méfaits associés à ce comportement. On ne doit pas, bien entendu, relâcher les tentatives
pour réduire les comportements dangereux. Des programmes récents, d’optique globale, considèrent la réduction des méfaits comme l'une des
quatre composantes essentielles pour alléger le fardeau des comportements malsains, les trois autres étant la prévention, le traitement et
l'application des lois et règlements.17
La réduction des méfaits d’un point de vue politique
En 2003, Insite, le premier et unique site d'injection supervisée en Amérique du Nord, a ouvert ses portes dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver, l'un
des plus pauvres du Canada. Insite a été conçu pour élargir l'accès des toxicomanes aux soins de santé et aux services d’aide, afin de réduire les décès liés aux
surdoses et la transmission des maladies véhiculées par le sang.18 On estime que Vancouver compte 12 000 utilisateurs de drogues par injection, dont le tiers vit
dans le Downtown Eastside.
Les utilisateurs d'Insite apportent leurs propres drogues dans un kiosque d’injection où ils reçoivent des accessoires d'injection propres, y compris des aiguilles.
Des infirmières ayant reçu une formation pour pouvoir intervenir en cas de surdose les supervisent pendant qu’ils pratiquent leurs injections. Ils peuvent aussi
obtenir sur place des conseils sur la toxicomanie et être aiguillés vers des centres de désintoxication et d'autres services de soutien communautaire. Enfin, pour les
toxicomanes, dont le réseau social est déficient, Insite est une porte d'accès au système de soins de santé.18
Le centre réussit à inviter certains de ses utilisateurs à recourir aux services de désintoxication. Il a réduit le nombre de décès par surdose et contribué à une
diminution des comportements à risques élevés, y compris le partage d'aiguilles; par contre, on n’a fait état d’aucune diminution dans la transmission du VIH ou du
VHC. Insite a amélioré l'ordre public, réduisant les taux d'injection en public et les déchets connexes. Selon les critiques, les sites d'injection à moindre risque
entraîneront une augmentation de la criminalité liée à la drogue et favoriseront la consommation de drogue dans la communauté, mais ces allégations ne sont pas
appuyées par les preuves actuelles.19,20
En dépit des preuves qui s’accumulent à l'appui des centres d'injection à moindre risque, le gouvernement fédéral s'y oppose toujours. Insite bénéficie d’une
exemption fédérale de l’application de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, mais en 2006, au moment du renouvellement de la phase pilote
d'Insite, le gouvernement fédéral a menacé de retirer cette exemption et de fermer le centre. Des organismes communautaires locaux, avec l'appui de la
communauté scientifique et médicale, ont intenté un procès contre le gouvernement fédéral, en faisant valoir que la politique fédérale en matière de drogues est
contraire à la Charte canadienne des droits et libertés. Le 27 mai 2008, un juge provincial a tranché en leur faveur, et le centre Insite est toujours ouvert. Depuis, la
Cour d'appel de la Colombie-Britannique a maintenu ce jugement, et la décision de la Cour suprême du Canada est en instance.21
Pour en apprendre davantage au sujet du site d'injection supervisée de Vancouver, consultez le site Web du bureau sanitaire Vancouver Coastal Health :
http://supervisedinjection.vch.ca/.
La réduction des méfaits et l’approche des quatre piliers de Vancouver
On trouvera de plus amples renseignements sur la stratégie antidrogue « à quatre piliers » de Vancouver sur le sitehttp://vancouver.ca/fourpillars/.
Pour en savoir davantage sur la réduction des méfaits, consultez le site :
http://www.medicine.uottawa.ca/sim/data/Harm_Reduction_f.htm.
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Le recours au modèle de marché pour réduire l'abus d'alcool ou d'autres drogues
La réduction de l'offre (p. ex., la destruction des récoltes d'où proviennent les drogues illicites ou l'interruption de l'expédition des drogues) est une approche tentée
depuis des années, mais elle est coûteuse, elle contribue à une escalade de la violence et elle n'est pas nécessairement rentable. En outre, les déterminants sousjacents dans les pays d'où proviennent les drogues, comme la pauvreté et la corruption, continuent d’alimenter l’offre.
L'augmentation du prix est une mesure efficace pour réduire l'utilisation de substances légales, comme les cigarettes. Elle est analogue à la réduction de l’offre, du
fait que les deux réduisent l'accès à une substance. Ne vendre un produit qu’en grande quantité réduit aussi l'accès, le prix de vente étant plus élevé. Par exemple,
au Canada, les cigarettes ne sont vendues qu'en paquets de 20 ou plus. Jouer sur le prix est particulièrement efficace pour limiter la consommation chez les jeunes,
dont le revenu disponible est habituellement moindre. Notons que les fabricants de tabac contournent la loi sur la quantité de cigarettes en faisant la promotion des
cigarillos auprès des jeunes. Comme il ne s'agit pas strictement parlant de cigarettes, ils peuvent être vendus individuellement. La loi peut difficilement intervenir
dans l'établissement du prix des substances illicites, mais les mesures de réduction de l’offre font monter les prix. Les tendances de consommation des substances
illicites reflètent habituellement leur prix sur la rue.
La réduction de la demande, l’autre élément de l’équation du marché, vise à dissuader les gens de consommer des drogues illicites. Pour ce faire, on a
généralement recours à la sensibilisation et à l'information, aux programmes communautaires ou aux sanctions légales. Selon la recherche, ces approches sont
plus efficaces auprès des personnes dont la dépendance est faible et moins efficaces parmi la population à risque élevé.
Conseils de réduction des méfaits à donner aux patients qui consomment des drogues à usage récréatif22
Conseils généraux aux consommateurs de drogue :
Ne mélangez pas les substances;
Buvez beaucoup d’eau, mais sans excès;
Ne prenez de la drogue que dans des endroits sûrs, avec des gens en qui vous avez confiance;
Demandez aux autres d'intervenir si quelque chose ne va pas;
Mangez sainement, dormez suffisamment et faites de l'exercice régulièrement;
Renseignez-vous sur les effets des substances que vous prenez;
Sachez où trouver de l’aide.
Conseils supplémentaires à l'intention des utilisateurs de drogues injectables :
Assurez-vous que vos vaccins contre les hépatites A et B sont à jour;
Essayez des voies d'administration non intraveineuses (par la bouche, par le nez, etc.);
Réduisez la fréquence ou la quantité de votre consommation;
Évitez les surdoses : injectez lentement la substance, soyez attentif à la qualité et à la pureté de la drogue;
Ayez recours à des pratiques d'injection à risques réduits et ne partagez pas vos accessoires;
Déposez vos aiguilles usagées dans un contenant sécuritaire.
La promotion de la santé
La promotion de la santé, également appelée prévention primordiale, vise à aider les gens à avoir un plus grand contrôle sur leur propre santé,
et à l’améliorer. Bien qu'elle puisse avoir un effet sur certaines maladies, son but est plus général : améliorer la santé afin d’accroître la résistance
de la personne aux influences indésirables de son milieu physique et social. Elle peut être mise en ?uvre directement (au niveau de la personne) ou
indirectement (au niveau de la population). La promotion de la santé des populations cherche à influencer les déterminants de la santé au moyen de
l'action communautaire, de pressions politiques ou par la publication d'information, afin d’obtenir des changements dans les politiques publiques, les
milieux sociaux et physiques et les services de santé. De tels changements finissent par se manifester à l’échelle individuelle, créant ainsi des
milieux favorables à l’acquisition de compétences personnelles et d'habitudes saines. De plus, les promoteurs de la santé ont souvent recours à des
interventions qui visent directement les gens, comme les campagnes d'information sur la santé. Le modèle intégré de promotion de la santé des
populations (Figure 8.7) illustre les trois grandes dimensions dont on doit tenir compte lors de la planification d'une intervention de promotion de la
santé. Il comporte des questions comme : Qui a besoin de l'intervention? Que doit cibler l'intervention? Comment devrait-on atteindre les objectifs?
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Figure 8.7 : Les trois dimensions de la promotion de la santé23
Qui a besoin de l'intervention?
Il ne s'agit pas simplement de déterminer qui présente le problème; il faut savoir à quel niveau (d’individuel à sociétal) l'intervention sera
vraisemblablement la plus efficace. Par exemple, qui doit faire l'objet des campagnes d'alimentation saine pendant l'adolescence : les conseils
scolaires, les parents ou leurs enfants? Pour certains problèmes de santé, il n'est pas possible d'intervenir à l'échelle de la population : les facteurs
de causalité manquent de clarté, la maladie est extrêmement rare, ou le rapport coûts-avantages n'est pas favorable. Pour d'autres problèmes, les
interventions à l'échelle de la population ou de la communauté sont possibles et sont plus aptes à améliorer la situation que les interventions axées
vers la personne. Par exemple, les lois sur le tabac se sont avérées plus efficaces que le counseling individuel pour réduire le niveau de tabagisme.
Dans la plupart des cas, il est nécessaire d’intervenir à plusieurs niveaux, et ces interventions peuvent se renforcer mutuellement. Par exemple,
pour réduire la prévalence du syndrome métabolique, il faut que les cliniciens conseillent leurs patients sur l'alimentation et l'activité physique, et que
les communautés offrent à leurs membres un accès à des aliments sains et à des infrastructures qui favorisent l'activité physique, comme des
centres de culture physique ou des incitations au transport actif. Parallèlement, il faut que la société détermine s’il y a équilibre entre le produit
économique (emplois, aliments abordables) fourni par l'industrie alimentaire et la santé des populations.
Le transport actif est le recours à un moyen de transport exigeant un effort physique de la part de l'utilisateur, comme la marche, la course et le vélo, ou l'utilisation
des escaliers plutôt que d'un ascenseur ou d'un escalateur. Le transport en commun est plus actif que le transport automobile privé, car il faut habituellement
marcher entre l'arrêt (d’autobus, de train, de métro) et la destination.
Que doit cibler l'intervention?
Les cliniciens sont dans une position idéale pour intervenir dans la santé individuelle. Ils ont la formation requise pour traiter les processus
pathologiques et peuvent conseiller les patients sur leur santé personnelle, leurs comportements liés à la santé et les manières de composer avec la
maladie. Cependant, les déterminants sociétaux et environnementaux ont aussi un impact important sur la santé individuelle. En plus de fournir des
services de santé, les médecins doivent parfois faire de la sensibilisation sur certains problèmes de santé et exercer des pressions pour qu’ils soient
résolus, adoptant ainsi le rôle de promoteurs de la santé défini dans le Cadre CanMEDS. Pour établir des priorités, quand on fait de la prévention
des maladies, il peut être utile de considérer les approches individuelles et populationnelles pour tenir compte des différents niveaux de prévention.
Comment peut-on atteindre la santé?
Pour atteindre les objectifs de santé des populations, on doit avoir recours à différentes stratégies. Par exemple, les campagnes publicitaires de
masse ont peu d'impact, à elles seules, sur les taux de tabagisme. Il faut y ajouter les différents types de lois conçues pour réduire le tabagisme :
des lois qui interdisent l'usage du tabac dans les lieux publics et qui réduisent la visibilité des produits du tabac, pour que le tabagisme soit moins
acceptable sur le plan social; et des lois qui augmentent le prix des produits du tabac, pour réduire l'usage du tabac parmi les jeunes. Pour faire
adopter de telles lois, il faut des efforts soutenus sous forme de pressions politiques ou de sensibilisation.
De même, quand ils s’adressent à leurs patients, les cliniciens doivent avoir recours à différentes stratégies pour les aider à avoir le meilleur état de
santé possible. Par exemple, dans la prise en charge de l'obésité, en plus d’évaluer le stade de changement du patient et de discuter du problème
et d'un poids cible avec le patient, le clinicien peut lui suggérer de prendre part à un programme d'amaigrissement, de s'engager, avec sa famille, à
adopter un régime qui favorise la santé cardiovasculaire et de se mettre à un programme d'activité physique progressif qui intègre l’exercice dans sa
vie quotidienne par le transport actif.
Questions d'auto-évaluation
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1. Nommez les étapes du changement et suggérez ce qu’un patient pourrait dire à chaque étape (ce qui permet de déterminer où il en est).
Étape
Ce qu'un patient pourrait dire
Pré-réflexion : Le patient n'a pas l'impression d'être à risque et, selon lui, il n'est pas
« Mon oncle n'a jamais fait cela (ou a toujours fait cela), et il a
nécessaire de changer.
vécu jusqu'à 90 ans. »
Réflexion : Le patient est conscient du risque et des mesures à prendre pour le prévenir,
mais manque toujours de motivation pour modifier ses habitudes. Il pèse habituellement le
pour et le contre.
« Je sais que je devrais, mais... »
Préparation : Le patient modifie petit à petit ses habitudes. Ses plans deviennent plus
« Je me suis acheté des chaussures de jogging (un stock de
concrets.
gomme à mâcher, un laissez-passer d'autobus, un livre de
recettes, etc.), mais... »
Action : Le patient concrétise ses plans et prévoit une date définitive dans un avenir
rapproché.
Maintien : Le patient a fait le changement et le maintient, bien qu'il ne s'agisse peut-être
pas encore d'un comportement « habituel ».
Rechute : Après avoir modifié son comportement pendant un certain temps, le patient
reprend ses anciennes habitudes.
« Je commence demain. »
« Il y a plus d'un mois que j'ai changé mes habitudes. »
« Tout se passait bien, mais... »
2. Qu’est-ce qui influence la décision d’appliquer ou non une intervention? Nommez les influences principales.
Dans un contexte clinique, certains facteurs influencent le clinicien, certains influencent le patient, et d'autres influencent les deux parties.
Facteurs qui influencent le patient : les facteurs personnels comme e niveau d'instruction, les connaissances sur la santé et le revenu.
Facteurs qui influencent le médecin : la formation et l’expertise technique.
Facteurs qui influencent le système de prestation de soins de santé : les coûts, les risques, l’efficacité et l’acceptabilité de l'intervention.
Facteurs situationnels : les éléments poussant à l'action pendant la consultation.
(Voir Figure 8.3, adaptation de Walsh et McPhee, 1992)
3. Quels sont les avantages et les inconvénients de réduire un risque à l’échelle d’une population plutôt que de cibler les personnes à risque élevé?
Avantages d'une stratégie populationnelle
Les stratégies populationnelles s’attaquent aux racines du problème. Elles réduisent ainsi la maladie dans l'ensemble de la population, y compris dans les groupes
à risque faible ou moyen. Pour un certain nombre de maladies, il y a plus de cas chez les groupes à risque faible ou moyen que chez les groupes à risque élevé
(voir la figure 8.1). Une stratégie populationnelle peut donc prévenir plus de cas que des stratégies visant uniquement les personnes à risque élevé.
Un changement minime du niveau d'un facteur de risque dans une population peut apporter un grand changement dans les résultats.
En mettant l'accent sur les causes en amont et situationnelles du problème plutôt que sur les facteurs individuels, les stratégies populationnelles réduisent la
probabilité que les personnes se sentent coupables de leur comportement et donnent un résultat plus durable. Les stratégies populationnelles aident à normaliser
le comportement voulu. Les personnes sont plus aptes à l'adopter. De plus, le dépistage et l'identification d’un groupe à risque élevé ne sont plus nécessaires. Par
conséquent, on évite de rassurer faussement les personnes à risque faible ou moyen et d’inquiéter inutilement les personnes à risque élevé.
Inconvénients d'une stratégie populationnelle
Le risque lié à l'intervention, si petit soit-il, peut l'emporter sur l'avantage minime qu'en tire la plupart des personnes. Par exemple, les recommandations sur la
réduction des matières grasses dans l’alimentation ont porté certaines mères à donner du lait écrémé à leur bébé, alors qu'en réalité, les bébés ont besoin de lait
entier.
L'absence d'un avantage personnel direct évident peut réduire l'acceptabilité d’une telle stratégie chez les membres d’une population, notamment chez les
personnes qui considèrent que leur risque est faible.
On court le risque d'augmenter les iniquités en santé : il se peut que les ressources ne soient pas axées vers les personnes qui en ont le plus besoin. À moins
d'avoir recours à des stratégies conçues spécifiquement pour elles, les personnes vulnérables qui ont le plus besoin de changer leurs habitudes sont les moins
susceptibles de le faire. Lorsqu'on a recours à une stratégie visant l'ensemble d'une population, les personnes les plus instruites et les mieux informées, qui sont
également celles qui présentent le risque le plus faible, sont souvent celles qui suivent les recommandations.
Les interventions qui touchent aux personnes qui semblent en santé sont contestables sur le plan éthique et peuvent être difficiles à justifier sur le plan politique.
Les interventions qui touchent aux personnes n'ayant pas donné leur consentement peuvent être perçues comme de l'ingénierie sociale, ce qui est inacceptable
dans une société libérale.
4. Quelles sont les valeurs fondamentales d'une approche favorisant la santé?
Selon la Charte d'Ottawa (voir la figure 8.7), les valeurs d'une approche favorisant la santé sont les suivantes :
les ententes entre les décideurs des politiques et des programmes doivent être fondées sur des preuves;
les promoteurs de la santé doivent analyser toutes les possibilités et agir sur le territoire relevant de leur compétence;
les activités doivent profiter d'une coordination globale;
l'ensemble d'une société doit veiller au bien-être de ses membres;
les interactions entre les personnes et leurs milieux physiques et sociaux influent sur la santé et les comportements liés à la santé;
la justice sociale, l'équité, le respect mutuel et la bienveillance sont nécessaires à la santé;
les soins de santé, la protection de la santé et la prévention des maladies sont complémentaires à la promotion de la santé.
5. Donnez l’exemple d'une intervention de prévention primaire que l'on recommande en pratique clinique.
La consultation des directives comme celles du groupe d'étude sur les soins de santé préventifs des États-Unis sous-tend de nombreuses interventions de ce type,
comme les conseils sur l'arrêt du tabac, les conseils sur le port de la ceinture de sécurité ou la prescription d'acide folique aux femmes qui souhaitent devenir
enceintes. La prévention primaire se rapporte aux interventions auxquelles on a recours avant l'apparition de la maladie.
6. Donnez l’exemple d'une intervention de prévention primaire que l'on peut appliquer à une population.
Une vaste gamme d'interventions de prévention primaire ont été appliquées à des populations entières. L'adoption de lois sur les ceintures de sécurité, les casques
de cyclistes et de motocyclistes ainsi que celles limitant la publicité, la vente et la consommation des produits du tabac en sont des exemples. Beaucoup d'activités
municipales régissant le logement, l'approvisionnement en eau et les égouts, ainsi que les programmes d'inspection alimentaire, comprennent aussi des éléments
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de prévention primaire. Les activités qui favorisent les modes de vie sains, comme les pistes cyclables et les cours de cuisine-santé dans les milieux défavorisés, en
sont d'autres.
1. Selon votre expérience clinique, quelles sont les limites à la pratique de la prévention primaire?
2. Selon votre expérience clinique, qu'est-ce qui favorise la pratique de la prévention?
3. Quelles sont les ressources d'information dont disposent les cliniciens qui décident d’intervenir pour réduire un risque?
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http://www.phac-aspc.gc.ca/ph-sp/php-psp/index-eng.php. Accessed September, 2009.
AFMC Petit Guide de la santé des populations
Chapitre 9 Le dépistage
Après avoir assimilé ce chapitre, le lecteur sera en mesure :
1. principes du dépistage et d'évaluer l'utilité d'une intervention de dépistage donnée, y compris de discuter du biais de dépassement (biais de temps d’avance
au diagnostic, ou de temps de latence) et du biais de durée (biais lié aux cas de longue durée);
de comprendre les problèmes d'ordre éthique liés à la répartition des ressources.
Paul Richard consulte D r Rao au sujet d'une douleur au dos. Il se demande s'il a besoin d’une radiographie. Il mentionne avoir entendu parler du « test de la
prostate » à la radio et se demande s'il devrait en subir un. Après avoir vérifié les antécédents de Paul et examiné son dos, D r Rao lui suggère de poursuivre ses
activités habituelles et, si possible, de faire plus d'exercice. Il ne voit aucune raison d'avoir recours à l'imagerie et le dit à Paul. Il jette un coup d'?il à l'horloge et se
demande s'il a le temps de discuter du dépistage contre le cancer de la prostate avec Paul ou s'il devrait lui demander de prendre un autre rendez-vous.
Le but du dépistage
Le dépistage vise à détecter la maladie de manière précoce, avant qu'elle ne se manifeste cliniquement. Selon la définition officielle, c’est
l'application d'un test ou d'une intervention aux personnes asymptomatiques afin de les classer en deux groupes : les personnes à haut risque de
développer la maladie clinque et les personnes à bas risque de développer la maladie. Selon l'hypothèse qui sous-tend le dépistage, une maladie
qui est diagnostiquée à un stade précoce de son développement répondra mieux au traitement. Par conséquent, le patient vivra plus longtemps, et
sa qualité de vie sera meilleure. Cependant, même si le dépistage semble logique, on doit y réfléchir très attentivement. Comme il s'agit d'une
intervention sur un patient qui pourrait ne pas profiter directement du dépistage puisqu'il n'est probablement pas atteint de la maladie en question, le
clinicien doit s'assurer que la probabilité de causer du tort est vraiment très faible. C’est la raison pour laquelle on a laissé tomber de nombreux tests
qui étaient populaires auparavant : le dépistage ne satisfait pas toujours aux attentes.
Les échecs du dépistage
Voici une liste des tests de dépistage qui ont été abandonnés :
Les analyses urinaires par bandelettes réactives pour dépister la maladie rénale;
L’auscultation des enfants pour percevoir un souffle cardiaque;
Le test de Wassermann (pour dépister la syphilis) avant le mariage;
Les électrocardiogrammes réguliers;
Le dosage de l'homocystéine pour dépister les cardiopathies;
Le dosage du CA 125 pour dépister le cancer de l'ovaire;
Les radiographies régulières pour dépister le cancer du poumon;
L'auto-examen des seins;
L'auto-examen pour dépister le cancer des testicules;
Les capteurs de température infrarouges dans les aéroports pour dépister le SRAS.
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L’objectif du dépistage
En générale, le dépistage est catégorisé comme la prévention secondaire?l’identification d’une maladie à un stade précoce pour permettre l’intervention lorsqu’on
peut réduire les effets de la maladie. Le résultat d’un test de dépistage indique la probabilité que le patient est atteint de la maladie. Or, plusieurs maladies trouvées
par le dépistage régressent spontanément, alors que d’autres progressent de façon si lentement qu’elles ne font jamais mal aux patients, même sans traitement
(comme c’est le cas du cancer de la prostate chez les hommes âgées). En conséquence, on considère que le but du dépistage est de distinguer entre les
personnes à risque de subir des dommages dus à la maladie de celles n’ayant pas de risque, afin d’offrir du traitement efficace à celles à risque.
De nombreuses personnes sont concernées par le dépistage. Celles qui réalisent le dépistage et celles qui fournissent les appareils ont un intérêt
financier connexe, et cela peut biaiser leur opinion. Il arrive que les personnes qui souffrent d'une certaine maladie veuillent éviter que d’autres
personnes vivent une expérience semblable. Elles les invitent donc à subir un dépistage. Les directeurs des services de santé, responsables du
contrôle des coûts, peuvent craindre que les coûts du dépistage n’épuisent leur budget et ne laissent plus de fonds pour d'autres demandes
urgentes. Par exemple, le dépistage du cancer du col utérin peut grever le budget réservé aux soins primaires, mais les économies réalisées grâce
à la prévention du cancer se feront sentir dans le budget des soins oncologiques. Étant donné que chaque intervenant appuie son point de vue par
des preuves, la décision de mettre en ?uvre des programmes de dépistage à l’échelle de la population reste controversée.
Les mots souvent utilisés
Le dépistage universel ou de masse cible une population définie par des facteurs démographiques. Il peut s’agir d’un programme organisé de dépistage tel que
les programmes provinciaux de dépistage des nouveau-nés ou bien le programme canadien de dépistage du cancer du sein. Le dépistage universel peut se faire
sans organisation formelle lorsque des cliniciens de façon individuelle tiennent compte des recommandations des guides de pratique. Les cliniciens pourraient
mettre en ?uvre du dépistage systématique en implantant des outils de bureau afin d’effectuer le dépistage systématique auprès de sa clientèle, par exemple pour
s’assurer mesurer de façon régulière la tension artérielle des adultes inscrits à sa pratique. Souvent les cliniciens effectuent du dépistage opportuniste en se
permettant de recommander une intervention appropriée de dépistage lorsque le patient consulte pour autre chose.
L’objectif de la recherche des cas est de déceler la pathologie au stade asymptomatique, cependant la population cible est définie par les facteurs de risque
autres que démographiques. Par exemple, une fois que l’hypercholestérolémie familiale est diagnostiquée chez un patient, on peut dépister les autres membres de
sa famille. Dans le même ordre d’idées, les gens atteints du diabète devraient subir le dépistage de la rétinopathie.
La recherche des cas peut avoir l’un ou l’autre des sens suivants :1
1. Dans la lutte contre les maladies infectieuses, une procédure standard qui consiste à faire diligence pour localiser et traiter les personnes ayant été en
contact étroit ou intime avec un cas connu. On l'appelle également le retraçage des contacts.
2. Dans la lutte contre les épidémies, la recherche des personnes ayant été exposées à un risque ou à des facteurs potentiellement dangereux.
Dépister ou ne pas dépister?
La seule différence entre un dépistage et une épreuve diagnostique a trait au risque de maladie que présente le patient. Dans le cas du dépistage,
le patient est asymptomatique, et son risque d’avoir la maladie semble faible. Dans le cas de l’épreuve diagnostique, le patient présente des
symptômes ou des signes indiquant une probabilité élevée de la maladie. Comme ces deux situations se ressemblent, certains des enjeux cidessous liés au dépistage sont également applicables aux épreuves diagnostiques.
Identifier les personnes qui développeront la maladie clinique
Peu d’indicateurs des maladies précliniques sont dichotomiques, c'est-à-dire que peu d'entre elles peuvent distinguer nettement les personnes qui
développeront la maladie clinique et celles qui ne la développeront pas. La glycémie, le cholestérol et la tension artérielle se mesurent sur des
échelles continues. Selon la sensibilité et la spécificité d'un test (qui sont parfois combinées à l'aide de la courbe de la fonction d'efficacité du
récepteur ou courbe ROC), les experts décident d’un point sur l'échelle qui sépare les personnes à faible risque de développer la maladie et ceux
qui en sont à risque élevé. Dans le cas du dépistage du cancer, bien que certains résultats d'imagerie ou de cytologie puissent identifier
définitivement un cancer comme étant néoplasique ou comme bénin, d'autres images ou échantillons permettent d'apercevoir des changements
intermédiaires dont l'interprétation peut varier même chez les lecteurs chevronnés. De plus, certaines personnes développent une maladie même si,
selon les résultats du dépistage, elles sont dans le groupe à faible risque (faux négatifs), et d’autres, dont le risque apparent est élevé, ne
développent jamais la maladie (faux positifs). Si le point de coupure se rapproche trop de l'extrémité à risque élevé de l'échelle, un trop grand
nombre de patients atteints de la maladie à un stade précoce ne sont pas reconnus. La sensibilité et la valeur prédictive négative sont donc faibles.
Si le point se rapproche trop de l'extrémité à faible risque de l'échelle, les coûts nécessaires pour tester davantage et pour rassurer le grand nombre
de patients à faible risque l'emportent sur les avantages de traiter de façon précoce les patients qui autrement auraient développé une maladie
ayant des séquelles cliniques. La spécificité et la valeur prédictive positive sont donc faibles.
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Figure 9.1 : L'efficacité d'un test de dépistage
Aucun test n'est entièrement spécifique et sensible; il y aura toujours des faux négatifs et des faux positifs. En outre, la prévalence de la maladie à
l'étude influe sur la valeur prédictive positive du test. Les populations apparemment bien portantes ont tendance à présenter une faible
prévalence de la maladie faisant l'objet du dépistage; la valeur prédictive positive des tests de dépistage a donc tendance à être plus faible que celle
des épreuves diagnostiques.
Comme il est souvent difficile de dépister une maladie à un stade précoce, seuls les tests dont les caractéristiques de rendement sont excellentes
(sensibilité et spécificité) peuvent être utilisés aux fins de dépistage. Pour que la mammographie soit acceptée comme test de dépistage, il a fallu
que les techniciens et les radiologistes, dont beaucoup étaient des professionnels chevronnés dans le domaine de la mammographie diagnostique,
approfondissent leur formation afin que les caractéristiques de rendement de leur dépistage soient égales à celles des essais de dépistage du
cancer du sein.
Le surdiagnostic
Comme le dépistage détecte la maladie à un stade présymptomatique, c'est-à-dire avant qu'elle ne cause un dommage ou une incapacité
perceptible, il risque de déceler une maladie qui ne nuirait peut-être jamais au patient. Le premier chapitre a présenté l'histoire naturelle des
maladies en présumant qu’elles évoluent de manière stable, mais ce n'est pas toujours le cas. Une maladie peut régresser en raison de la
résistance naturelle du patient. Par exemple, environ deux tiers des cas de dysplasie cervicale légère redeviennent normaux, alors que l'évolution
d'une dysplasie légère en dysplasie grave ou pire ne survient qu'à raison d'environ 1 % par année.2 Quand la progression est lente, la patiente peut
mourir d'autres causes avant de succomber à un cancer du col utérin détecté par dépistage. Il n'existe pas à l'heure actuelle de méthode prédisant
ce qui se passera dans des cas individuels. On dit avec raison que « les hommes qui meurent avec un cancer de la prostate sont plus nombreux
que les hommes qui meurent d'un cancer de la prostate ». La sensibilité du test de l'antigène prostatique spécifique (APS) n'est que d'environ 70 %,
mais il est toujours utile pour détecter des cas de cancer de la prostate de manière précoce.3 Selon les autopsies, environ 30 à 40 % des hommes
de plus de 50 ans ont un cancer de la prostate. Cette proportion augmente avec le temps, mais seulement 3 % des hommes y succombent. On ne
sait toujours pas ce que l'on doit faire une fois que le cancer de la prostate de stade précoce est détecté. De même, selon des études sur le
dépistage du cancer du sein, il y a jusqu'à 30 % de plus de diagnostics de cancer du sein dans le groupe ayant fait l'objet d'un dépistage que dans le
groupe n'en ayant pas fait l'objet. C’est probablement en raison des cancers qui n'auraient jamais été détectés sans avoir été dépistés.4
L'opinion du créateur de l'APS
Pour lire l'opinion du professeur Richard J. Ablin, créateur de l'APS, sur l’utilisation de ce test, consultez le : www.nytimes.com/2010/03/10/opinion/10Ablin.html.
Grâce à l'évolution des techniques d'imagerie et de dépistage, on peut maintenant diagnostiquer les cancers à un stade très précoce. L'histoire
naturelle de ces lésions très précoces est mal comprise. Notamment, il peut être difficile de faire la distinction entre une inflammation et une
néoplasie précoce. Les responsables du diagnostic (pathologistes et radiologistes), qui préfèrent pécher par excès de prudence, peuvent ainsi
surdiagnostiquer les cas limites.
Des fausses croyances sur le dépistage
La détection précoce est synonyme d'un bon pronostic
Il est probable que la vie d'un patient présentant des symptômes de cancer de stade très précoce sera plus longue, après le diagnostic, que celle
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d'un patient atteint d'un cancer à un stade très avancé. Il est également probable que le pronostic des patients diagnostiqués à la suite d'un
dépistage sera meilleur que celui des patients qui présentent des symptômes. Cependant, ces deux observations peuvent découler de biais
d'échantillonnage appelés « biais de dépassement » (biais de temps d’avance au diagnostic, ou bien de temps de latence) et « biais de durée »
(biais lié aux cas de longue durée), et pourraient ne pas donner une évaluation juste de l’utilité de détecter la maladie et d'intervenir à un stade
précoce.
Le biais de dépassement
Ce type de biais s’explique par le délai entre le moment où la maladie est décelable par dépistage et celui où il est probable qu’elle produira des
symptômes et sera diagnostiquée sans dépistage. Le dépistage mène à un diagnostic plus précoce, comme indiqué dans la figure 9.2. Le patient vit
donc plus longtemps avec le diagnostic, mais il est possible que le dépistage ne modifie pas sa durée de vie globale. Par conséquent, si l'on évalue
le programme de dépistage en fonction de la durée de la survie, on pourrait avoir une fausse évaluation de son efficacité.
Figure 9.2 : Le biais de dépassement
Le biais de durée
Les variantes à évolution lente d'une certaine maladie demeurent au stade présymptomatique (mais dépistable) plus longtemps que les variantes de
la même maladie qui évoluent rapidement. Ainsi, il est plus probable que le dépistage reconnaîtra les cas qui évoluent lentement. Pour un clinicien
qui compare les cas dépistés aux cas symptomatiques, y compris ceux qui évoluent plus rapidement, il semble que les personnes présentant des
maladies dépistées vivent plus longtemps, comme l'illustre la figure 9.3.
Figure 9.3 : Le biais de durée. Dans cette population, le nombre de cas à évolution lente (en bleu) et à évolution rapide (en rouge) est
égal. Par contre, le test de dépistage ne reconnaîtra que cinq des cas lents et deux des cas rapides. Le calcul de la survie moyenne à
partir de ces sept cas donnera l'impression d'une survie plus longue que la survie moyenne dans la population.
Les sujets dépistés peuvent vivre plus longtemps, mais pour d'autres raisons
Les personnes qui adoptent facilement de nouveaux comportements censés être sains ont tendance à mieux se porter que les autres. Selon des
études par observation, qui permettent une autosélection, les personnes qui ont opté pour un dépistage présentent généralement de meilleurs
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résultats que les autres. Par exemple, il est moins probable que les femmes qui subissent un test Pap meurent du cancer du col utérin. Cependant,
elles ont aussi tendance à être mieux instruites et plus riches; leur risque initial de succomber au cancer du col utérin est donc plus faible que celui
des femmes qui ne subissent pas de test Pap. Même en tenant compte du stade de la maladie au moment du diagnostic, le pronostic des femmes
de statut socioéconomique supérieur est meilleur que celui des femmes de statut socioéconomique inférieur. Il est difficile de déterminer dans quelle
mesure le résultat favorable, chez les femmes qui subissent des tests Pap, est lié au test et au traitement, et dans quelle mesure il est lié aux autres
déterminants de la santé favorables.
« Je suis en vie aujourd'hui grâce au dépistage précoce de ma maladie. »
L'un des arguments les plus convaincants en faveur du dépistage est le témoignage des patients qui ont été diagnostiqués et traités après un
dépistage. Ces patients attribuent souvent leur survie au dépistage et en deviennent parfois des promoteurs. Cependant, il est impossible de
déterminer, pour un cas individuel, si le dépistage a changé le cours des choses. En outre, environ 70 % des femmes n'ayant pas subi un dépistage,
mais ayant reçu un diagnostic de cancer du sein n'y succombent pas.5 Chose intéressante, on entend rarement quelqu'un dire « Je suis en vie
aujourd'hui grâce aux symptômes qui m'ont porté à consulter un médecin. »
« Si je subis un dépistage, je ne serai pas atteint de la maladie. »
Un autre danger est la croyance, tant dans la population que parmi les professionnels, que le dépistage est efficace à 100 %. Ses résultats sont bien
connus, et les brochures sur le dépistage énoncent clairement qu'il ne sauve pas toutes les vies, mais pourtant, les personnes qui le subissent ont
tendance à croire qu’il sauvera la leur. Cette réaction cognitive est logique : si vous ne croyez pas que le dépistage vous sauvera, pourquoi subir
l'inconfort qui y est associé? Malheureusement, même les programmes de dépistage les plus efficaces ne le sont pas à 100 %. Par exemple, le
dépistage et le traitement du cancer colorectal réduisent la mortalité de ce cancer d'environ 15 %, mais les personnes dont le cancer a été détecté
par dépistage peuvent tout de même y succomber. Selon des essais comparatifs, le dépistage du cancer du sein réduit la mortalité, au mieux, de
30 %, et non de 100 %. Selon une étude, la survie sur cinq ans des femmes atteintes d'un cancer du sein détecté par dépistage était de 94 %,
comparativement à 84 % chez les femmes atteintes d'un cancer non détecté par ce moyen.6 Dans leur cas, on a pu réduire la mortalité, mais non la
prévenir. Bien d'autres tests de dépistage sont beaucoup moins efficaces. Le diagnostic et le traitement du diabète peuvent réduire ou reporter
quelque peu les complications liées à cette maladie, mais selon les données dont on dispose, les patients hypertensifs sont les seuls à en profiter.7
Les avantages du dépistage sont souvent expliqués en fonction des risques dans la population. Par exemple, le dépistage du cancer du sein peut
réduire de 30 % le taux de décès lié à ce cancer dans la population. Le risque d'une personne est ainsi réduit de 30 %. Il s'agit toutefois d'un risque
relatif. Selon le risque absolu, une femme de 50 ans qui s'engage à subir un dépistage biennal pour les 20 années suivantes diminue son risque
de mourir du cancer du sein d'environ 4 % à environ 3 %. Bien que l'avantage pour l'ensemble d'une population soit considérable, l'avantage pour
une seule personne peut être assez minime (voir le chapitre 8).
Éléments de réflexion
Vous pouvez consulter l'article « Mythe : Le dépistage corps entier est efficace pour dépister les cancers cachés » sur le site Web de la Fondation canadienne de la
recherche sur les services de santé au : http://www.fcrss.ca/PublicationsAndResources/Mythbusters/ArticleView/09-12-01/96a2ba7f-c114-410e-a9fe123b74682ece.aspx.
Vous pouvez consulter l'article « Mythe : Le dépistage précoce est salutaire à tous » sur le site Web de la Fondation canadienne de la recherche sur les services de
santé au : http://www.fcrss.ca/PublicationsAndResources/Mythbusters/ArticleView/06-06-01/e2338423-6991-472e-ae90-adf84f1e1130.aspx.
Détails de certaines politiques
Même lorsqu'une mesure de dépistage est reconnue comme étant utile, on doit prendre une série de décisions avant de la mettre en pratique. Il
faut évaluer attentivement l'épidémiologie de la maladie pour déterminer le segment démographique à dépister, y compris l'âge de début et de fin
du dépistage. Par exemple, l'incidence du cancer du sein chez les Chinoises de Hong Kong est très inférieure à celle des femmes dans les pays
occidentaux; un programme de mammographie ne leur serait donc pas très bénéfique.8 Cependant, avec le changement des modes de vie à Hong
Kong, un tel programme pourrait s'avérer utile à l'avenir.9 Dans de nombreux pays, le dépistage du cancer du col utérin ne commence qu'à 25 ans,
car avant cet âge, le cancer est extrêmement rare, et les changements minimes associés au papillomavirus humain qui sont identifiés comme étant
anormaux régressent habituellement de manière spontanée.
Le contexte culturel et organisationnel du dépistage influe également sur les recommandations. Par exemple, l'épidémiologie du cancer du sein au
Royaume-Uni, en Australie et en Amérique du Nord est semblable, mais au Royaume-Uni, le dépistage du cancer du sein est recommandé tous les
trois ans, en Australie, tous les deux ans, et aux États-Unis, une fois par année jusqu’en 2009, mais depuis, tous les deux ans.10
Le choix de l'intervalle du dépistage doit se fonder sur les connaissances de l'histoire naturelle de la maladie à dépister et sur la sensibilité du test. Il
arrive trop souvent que l’on opte pour un dépistage annuel pour des raisons pratiques plutôt qu'en raison des preuves à l'appui. Par exemple,
certaines autorités américaines et bon nombre de professionnels de la santé recommandent toujours un test Pap annuel. Chose intéressante, les
meilleurs résultats du dépistage du cancer du col utérin sont observés en Finlande et en Hollande, où le test Pap est administré tous les cinq ans,
mais à une très grande proportion de la population. La pratique courante au Canada, qui consiste à dépister annuellement les femmes qui veulent
bien s’y prêter, pourrait être l'un des facteurs qui accaparent les ressources et réduisent l'attention portée aux segments démographiques les plus
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vulnérables au cancer du col utérin et les moins susceptibles de subir un dépistage, soit les femmes vivant en milieu rural, les femmes autochtones,
les femmes ayant immigré récemment, les femmes âgées et les femmes à faible revenu.
Finalement, il faut se demander qui sera chargé de réaliser le dépistage. Les médecins se sentent souvent responsables de le faire, bien que
d'autres professionnels, voire même des techniciens en dépistage, sont peut-être en mesure de fournir un service fiable à moindre coût. De même,
les appareils pouvant effectuer des tâches répétitives dont se chargent actuellement des humains, comme la lecture des tests Pap ou des
mammographies, pourraient être plus efficaces et moins coûteux à long terme.11
Les coûts du dépistage
Même si le coût de chaque dépistage est habituellement faible, lorsque le test est administré à des populations entières, des sommes considérables
sont en jeu. Si l'on détecte des anomalies chez certaines personnes, celles-ci doivent faire l'objet d’examens approfondis, et les personnes atteintes
de la maladie doivent être traitées. Or, beaucoup de ces personnes n’auraient pas subi d’examen ou de traitement en l’absence d’un dépistage.
Selon les estimations d'un chercheur qui a étudié les coûts de la détection et du traitement du cancer du sein, avec et sans dépistage, le dépistage
réduirait de 21 % les coûts de traitement du cancer du sein. Cependant, une comparaison des coûts globaux des soins de santé, y compris les soins
non associés au cancer du sein, pour les femmes dépistées et non dépistées, montre que le dépistage du cancer du sein fait augmenter les coûts
totaux des soins de santé de près de 6 %.12
Les coûts du dépistage vont au-delà du prix du test, qui semble abordable. Les lecteurs de l'imagerie médicale et le personnel de laboratoire ont
besoin d’une formation continue. Le dépistage doit se faire dans le cadre d'un système organisé, qui veille à la qualité de l'équipement, du dépistage
et des systèmes de prise en charge et de suivi des patients. On peut aussi avoir besoin d’un système de rappel des patients avant leur prochain
dépistage. Et les coûts ne se limitent pas aux coûts financiers du système; le dépistage représente aussi un fardeau physique, psychologique et
financier pour les patients et leurs familles (voir le tableau 9.1).
Tableau 9.1 : Le fardeau physique et émotionnel du dépistage
Catégories
Exemples
de coûts
Le test
La coloscopie comporte un risque minime de perforation intestinale; la mammographie expose le sein à un
comme tel
rayonnement, bien que minime.
Le traitement Les mesures diagnostiques et thérapeutiques comportent des risques. Dans le cas des cancers putatifs, ces risques
des résultats peuvent être graves. Environ 10 % des femmes qui subissent un premier dépistage du cancer du sein et environ 6 %
faux positifs des femmes qui subissent un dépistage ultérieur doivent subir des examens approfondis qui finissent par conclure
que le résultat du dépistage était faussement positif.13
L'anxiété
La plupart des patients font de l'anxiété en apprenant le résultat positif du dépistage. Certains prennent un temps
inutile
suivant les
considérable pour surmonter cette anxiété. Or, jusqu'à 5 % des tests Pap chez les jeunes femmes donnent des
résultats faux positifs.
résultats
faux positifs
Le faux
Après avoir reçu un résultat négatif à un dépistage, qu'il s'agisse d'un vrai ou d’un faux négatif, certains patients
réconfort des négligent les symptômes subséquents de la maladie.
résultats
négatifs
L'imposition
de choix
Les hommes de 65 ans ou plus présentant un anévrisme asymptomatique de l'aorte abdominale peuvent soit subir
immédiatement une chirurgie très dangereuse, soit ne rien faire, auquel cas leur risque de décès est de 70 % au
difficiles
cours des cinq années suivantes.
La
Puisque la maladie est détectée plus tôt chez les patients dépistés, ils vivent plus longtemps avec le diagnostic.
prolongation Dans certains cas, l'inquiétude et les changements au mode de vie, qui en résultent, peuvent diminuer la qualité de
de la période vie.
pathologique
L'étiquetage
Si la maladie a une image négative, le patient court le risque d'être perçu, ou de se percevoir, de façon préjudiciable.
Les conséquences sont à la fois de nature sociale et psychologique. Elles peuvent aussi être financières si le patient
perd son emploi ou s’il n’est plus assurable après le diagnostic.
Les enjeux éthiques propres au dépistage
La bienfaisance et la non-malfaisance
Le clinicien qui suggère des interventions à des patients qui ne les ont pas demandées est d'autant plus responsable de s'assurer que les
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avantages l'emportent sur les méfaits éventuels. Les programmes de dépistage organisés doivent cibler une proportion importante de la population
pour obtenir les avantages prévus pour la santé de cette population. Or, souvent, le dépistage n'a aucun effet sur le risque individuel d'être atteint
de la maladie à dépister. De plus, le test et les mesures de suivi comportent eux-mêmes des risques, bien que minimes.
L'autonomie du patient
Les cliniciens enthousiastes et les campagnes publicitaires qui mettent l'accent sur les résultats dans la population plutôt que sur les avantages
individuels peuvent contraindre les patients à subir un dépistage. Même les cliniciens attentionnés peuvent avoir de la difficulté à communiquer les
véritables risques et avantages aux patients, nuisant ainsi au consentement éclairé. Il y a aussi des patients qui demandent de subir des tests de
dépistage (comme le dépistage corps entier, l’examen médical annuel ou le test de l'APS) dont les avantages ne sont pas prouvés dans la plupart
des populations. Le médecin doit concilier son devoir de ne pas causer du tort et son devoir de respecter l'autonomie décisionnelle du patient. Il
n'existe pas de réponse toute faite à ce dilemme : on doit considérer chaque cas objectivement. En général, cependant, il vaut mieux dissuader le
patient d'avoir recours à des interventions dont les avantages ne sont pas démontrés.
Étant donné que les programmes axés vers les populations doivent généralement atteindre un haut niveau de participation pour être efficaces,
certains comprennent des systèmes d'appel et de rappel des patients avant la date de leur dépistage. Il se peut que ces patients prennent pour
acquis qu'une décision à déjà été prise en leur nom et qu'ils renoncent ainsi à leur droit de consentement éclairé.14
L'équité
Les personnes vulnérables et démunies présentent un risque de maladie plus élevé, mais il est moins probable qu'elles subissent des interventions
de dépistage. Les programmes de dépistage peuvent en fait creuser les disparités dans l'état de santé si une fraction plus importante des
personnes dont les déterminants de la santé sont meilleurs y participe, et que les personnes vulnérables n'y ont pas recours.
La loi de l'inversion des soins de santé
Julian Tudor Hart nomme la relation inverse malencontreuse entre le besoin et la demande « la loi de l'inversion des soins de santé » : les personnes qui sont le
plus dans le besoin sont les moins susceptibles de recevoir un dépistage ou d'autres soins.15
Une conséquence involontaire des interventions est que les chefs de file de l'opinion, les personnes bien renseignées et les « bien-portants soucieux » sont
souvent les premiers participants. Leur santé s'améliore, augmentant ainsi les disparités entre leur état de santé et celui des personnes moins renseignées. Si les
efforts subséquents en santé des populations réussissent à augmenter la participation en ciblant spécifiquement les personnes moins renseignées, l'écart peut se
rétrécir de nouveau. Cependant, comme on propose toujours de nouvelles innovations, il est probable que l'écart dans l'état de santé découlant d'une participation
reportée persistera. Un rapport de l'Agence de la santé publique du Canada présente un diagramme illustrant l'impact de l'adoption reportée des innovations sur les
disparités socioéconomiques. Il se trouve ici : http://www.phac-aspc.gc.ca/ph-sp/disparities/pdf06/disparities_discussion_paper_f.pdf (voir la figure 3 à la page 22 du
rapport).
Après avoir entamé avec Paul une discussion sur le dépistage du cancer de la prostate, D r Rao se rend compte que son patient a de nombreuses peurs fermement
ancrées et de fausses croyances à ce sujet. Il demande à Paul de passer parle bureau de l'infirmière Jennings pour se procurer des fiches de renseignements sur
le cancer de la prostate et le dépistage de ce cancer. Il lui demande aussi de prendre un autre rendez-vous pour approfondir leur discussion.
Les critères pour juger de la pertinence d’un dépistage
Compte tenu de l'attrait superficiel du dépistage et du gaspillage potentiel des ressources qui s'y rattache, en 1968, l'OMS a publié des critères
d'évaluation des programmes de dépistage. Wilson et Jungner, les experts qui ont élaboré ces critères, notent que « la notion de diagnostic et de
traitement précoces des maladies est simple dans son principe. Toutefois, son application dans de bonnes conditions (d'une part faire en sorte que
les sujets atteints d'une maladie auparavant non décelée reçoivent un traitement, d'autre part éviter de nuire aux individus n'ayant pas besoin de
traitements), qui paraît souvent trompeusement facile, pose en réalité des problèmes complexes. »16 Par conséquent, leurs critères vont au-delà
d'une simple considération des caractéristiques du test pour aborder le contexte dans lequel le test sera introduit, y compris les caractéristiques de
la maladie et le contexte organisationnel du dépistage.
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Les critères originaux de l'OMS en matière de dépistage 16
Les critères élaborés par Wilson et Jungner peuvent aider les cliniciens à décider si un test doit ou non être appliqué dans le contexte de leur pratique :
1. Il faut que la maladie dont on recherche les cas constitue une menace grave pour la santé publique.
2. Il faut qu’un traitement d’efficacité démontrée puisse être administré aux sujets chez lesquels la maladie a été décelée.
3. Il faut disposer des moyens appropriés de diagnostic et de traitement.
4. Il faut que la maladie soit décelable pendant une phase de latence ou au début de la phase clinique.
5. Il faut qu’il existe une épreuve ou un examen de dépistage efficace.
6. Il faut que l’épreuve utilisée soit acceptable pour la population.
7. Il faut bien connaître l’histoire naturelle de la maladie, notamment son évolution de la phase de latence à la phase symptomatique.
8. Il faut que le choix des sujets qui recevront un traitement soit opéré selon des critères préétablis.
9. Il faut que le coût de la recherche des cas (y compris les frais de diagnostic et de traitement des sujets reconnus malades) ne soit pas disproportionné par rapport
au coût global des soins médicaux.
10. Il faut assurer la continuité d’action dans la recherche des cas et non la considérer comme une opération exécutée « une fois pour toutes ».
Depuis la publication de ces critères en 1968, beaucoup d'autres options de dépistage ont vu le jour. Certains programmes de dépistage officiels et
organisés ont été introduits, et d'autres ont été envisagés. Les opinions sur les critères de dépistage ont aussi évolué; les critères tiennent
maintenant compte de la notion des programmes de dépistage, du choix éclairé pour les patients, de l'application équitable du programme, des
données factuelles sur les coûts et les avantages et de l'efficacité du programme.
Les critères du dépistage selon l'OMS : une synthèse des critères du dépistage17
1. Il faut que le programme de dépistage réponde à un besoin reconnu.
2. Il faut que les objectifs du dépistage soient définis dès le début.
3. Il faut définir une population cible.
4. Il faut que des preuves scientifiques reconnaissent l'efficacité du programme de dépistage.
5. Il faut que le programme comprenne la sensibilisation, les tests, les services cliniques et la gestion du programme.
6. Il faut qu’il y ait des mesures d'assurance de la qualité, y compris des mécanismes pour réduire les risques potentiels du
dépistage.
7. Il faut que le programme garantisse un choix éclairé, la confidentialité et le respect de l'autonomie.
8. Il faut que le programme encourage l'équité et favorise l'accès au dépistage pour l'ensemble de la population cible.
9. Il faut que l'évaluation du programme soit prévue dès le début.
10. Il faut que les avantages globaux du dépistage l'emportent sur le tort qu’il peut causer.
Chaque critère représente un maillon d'une chaîne dont la solidité dépend du maillon le plus faible. Si l'activité de dépistage que l'on propose ne
satisfait pas à l'un des critères, il faut la laisser tomber.
Questions d'auto-évaluation
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1. L'un de vos collègues vient de lire un article qui démontre que le dépistage de la maladie de l'orange à l'aide du test de la marmelade peut prolonger la survie
des patients atteints de cette maladie. Quels sont les renseignements dont vous avez besoin avant de décider d'appuyer ou non cette conclusion?
Vous devez savoir le genre de preuves qu’on présente dans l'article. S’il s’agit d’une étude observationnelle de cohortes où les patients dépistés ont obtenu de
meilleurs résultats que les patients non dépistés, l’étude est sujette à un biais d'autosélection; les patients qui choisissent de subir un test obtiennent généralement
de meilleurs résultats que ceux qui refusent le test, car ils ont aussi tendance à afficher d’autres déterminants de la santé plus positifs. S’il s’agit d’une série de cas
où la survie des patients diagnostiqués à la suite d’un dépistage est plus longue que celle des patients diagnostiqués après l'apparition clinique de la maladie,
l’étude est sujette à un biais de dépassement et à un biais de durée; comme le dépistage reconnaît les cas plus tôt dans l'histoire naturelle de la maladie, le
diagnostic survient aussi plus tôt, et la période pendant laquelle on sait que le patient est atteint de la maladie est ainsi prolongée. Cela donne l'impression d'une
prolongation de la survie. De plus, comme le dépistage favorise le diagnostic de formes peu évolutives de la maladie, il est plus probable que les cas reconnus par
dépistage sont ceux dont l'évolution est lente.
Considérant ces problèmes, la seule preuve acceptable de l’utilité du dépistage découlerait d'un essai comparatif hasardisé. Lorsqu’il s’agit de dépistage, les
preuves très tangibles sont d'une importance primordiale, car le dépistage prolonge toujours la période de maladie et entraîne souvent des problèmes
psychologiques, sociaux et financiers pour les personnes qui sinon auraient en apparence profité d'un bon état général de santé pendant plus longtemps.
Si vous êtes d'avis que l'article décrit un essai comparatif valide qui démontre que le dépistage comporte des avantages raisonnables sur le plan clinique, vous
devez vérifier quelques éléments supplémentaires avant de vous faire une opinion. Vous devez surtout vous attarder à l'ampleur de la recherche sur ce sujet
jusqu'à présent, puis déterminer si l'article appuie ou non la recherche antérieure. Il est généralement imprudent d'accepter des conclusions qui s'opposent à celles
d'autres études valides. Il est également imprudent d’agir sur la base d'une seule étude.
Vous devez aussi vous renseigner sur la maladie de l'orange, sa fréquence, ses résultats probables et l'efficacité des options thérapeutiques. Son histoire naturelle
est-elle connue? Le traitement précoce est-il plus efficace que le traitement à un stade plus avancé? Votre évaluation doit tenir compte de la durée et de la qualité
de vie, ainsi que des risques liés au traitement. Deuxièmement, un test de dépistage est-il possible (autrement dit, y a-t-il une phase préclinique de la maladie qui
se prête au dépistage)?
Une fois que vous êtes convaincu de la solidité des preuves d’après plusieurs études, vous devez songer aux problèmes de mise en ?uvre (voir les critères de
l'OMS). Vous devez vous renseigner sur les coûts du dépistage et du traitement pour le patient et pour le système de soins de santé et déterminer si vous avez les
moyens disponibles pour réaliser le test, pour diagnostiquer les patients qui présentent un risque élevé d'être atteints de la maladie de l'orange et pour traiter les
cas confirmés. Vous devez vous renseigner au sujet des caractéristiques de rendement du test sérologique de la marmelade : ses valeurs prédictives positives et
négatives dans la population générale. Vous devez également déterminer si les patients trouvent ce test acceptable.
1. Décrivez le programme de dépistage du cancer du sein de votre province.
2. Quelles sont les directives de dépistage du cancer de la prostate dans votre province?
3. Selon vos professeurs, quel est le taux de glycémie ou de sucre sanguin auquel il est recommandé d’intervenir auprès des patients en santé?
Bibliographie
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Welch HG. Should I be tested for cancer? Maybe not and here's why. Berkeley: University of CaliforniaPress, 2004.
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past 40 years. Bull World Health Organ 2008 Apr;86(4):317-319.
AFMC Petit Guide de la santé des populations
Chapitre 10 L'identification des dangers et la communication des risques
Après avoir assimilé ce chapitre, le lecteur sera en mesure :
de reconnaître les répercussions des dangers environnementaux, tant sur le plan individuel qu'à l'échelle de la population;
de réagir aux préoccupations des patients en adaptant la collecte de renseignements et les traitements à leur situation;
de faire les recommandations qui s'imposent pour les patients et les populations exposées afin de réduire au minimum les risques pour leur santé et de
maximiser leur fonctionnement global;
de déterminer les dangers environnementaux courants et de les classer dans la catégorie appropriée : danger chimique, biologique, physique ou
d'irradiation;
de déterminer les dangers les plus courants que l'on trouve dans l'air, l'eau, le sol et les aliments;
de décrire les étapes de l'évaluation des risques environnementaux et d’examiner de façon critique une évaluation simple des risques pour une collectivité;
d'effectuer une évaluation clinique ciblée des personnes exposées pour déterminer le lien de causalité entre l'exposition et l'affection clinique;
de communiquer des renseignements simples sur l'évaluation des risques environnementaux aux patients et à la collectivité;
de décrire l'importance et l'impact d'une communication bien adaptée à la culture du patient, de sa famille et, s'il y a lieu, de la communauté dans son
ensemble, concernant les facteurs de risque et leur modification;
de nommer et de décrire les méthodes courantes de protection de la santé (comme la triade hôte-agent-environnement dans le cas des maladies
transmissibles et la triade source-voie-récepteur dans le cas de la santé au travail et environnementale).
Julie Richard consulte D r Rao au sujet de ses yeux, qui sont rouges et irrités depuis qu’elle a passé une journée à nettoyer son sous-sol la semaine dernière. Elle
se demande si cela pourrait être lié au radon. Le radon pose problème dans la région, et elle sait qu'il s'accumule dans les sous-sols. D rRao sait bien que
l'environnement peut causer des problèmes de santé. Selon lui, la notion d'environnement comprend le milieu naturel, le milieu bâti ou artificiel, et le milieu social. À
la lecture de ses dossiers, il se rend compte que ce n'est pas la première fois que la famille Richard présente de tels problèmes. Il y a sept ans, lorsque Paul s'est
blessé le cou au travail, D r Rao l'a questionné au sujet des blessures et de l'absentéisme dans son milieu de travail. À l'époque, D r Rao trouvait qu’un nombre plus
grand que normal de mineurs le consultaient pour diverses raisons, allant de simples infections des voies respiratoires supérieures à l’infarctus du myocarde.
Quelques semaines après la blessure de Paul, on a annoncé une première série de mises à pied à la mine. C'est à ce moment que D r Rao se demandait si
l’environnement du travail posait des problèmes
L'identification de problèmes environnementaux
Bon nombre de maladies sont causées par une exposition à des dangers environnementaux. Bien qu'un indice de suspicion élevé soit essentiel au
diagnostic, une fois que les problèmes d'origine environnementale sont diagnostiqués, ils répondent souvent à des solutions environnementales
simples. En outre, beaucoup de patients se préoccupent d'éléments dans leur milieu qui ont peu ou pas d'effet sur la santé. Les médecins doivent
donc être en mesure de distinguer ce qui est dangereux de ce qui ne l'est pas. Toutefois, l'étiologie d'à peu près toutes les maladies a une
composante environnementale. Pour diagnostiquer une maladie d'origine principalement environnementale, les médecins doivent réaliser une
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évaluation approfondie du milieu lorsqu'ils procèdent à la collecte d’information sur les antécédents. Voici des indices suggérant qu'une maladie
pourrait être d’origine environnementale :
Le patient le soupçonne;
Le profil de la maladie est atypique (p. ex., le patient n'est pas dans le groupe d'âge habituel, les facteurs de risque habituels sont absents,
l'évolution clinique de la maladie est inhabituelle, les symptômes ne réagissent pas aux traitements habituels);
Le profil temporel de la maladie permet de le croire (p. ex., les symptômes s'améliorent lorsque le patient part en vacances et reviennent
lorsqu'il retourne à la maison, ou ils s'aggravent lorsque le patient prend congé et s'améliorent lorsqu'il est à la maison);
Il ne semble pas y avoir d'autres causes évidentes de la maladie;
Les signes et les symptômes évoquent ceux de toxines spécifiques, comme un empoisonnement au plomb ou au mercure.
Une fois qu’il soupçonne une cause environnementale, le médecin procède à la collecte approfondie des antécédents du patient afin d'identifier tous
les dangers auxquels celui-ci pourrait avoir été exposé (voir l'encadré « L'anamnèse environnementale »). Il examine l'ensemble des activités et des
milieux du patient. Il examine aussi les éléments de temps, de lieu et de personne (la chronologie des événements, la proximité du patient à la
source présumée et les autres personnes touchées, le cas échéant,) afin de trouver des preuves qui appuient ou qui réfutent l'hypothèse d’une
cause environnementale. Il peut s'avérer nécessaire de faire appel à une gamme de professionnels et d'autorités pour que le patient et toutes les
autres personnes exposées soient bien protégés. Le médecin communique souvent avec le service de santé publique. Par contre, à moins que le
problème soit généralisé dans la communauté, le service de santé publique n'a pas l'autorité ni les fonds pour intervenir dans des problèmes locaux
liés à l'environnement. Il peut toutefois fournir des conseils. Même lorsque le problème est généralisé, il y a de fortes chances que le rôle du service
de santé publique se limite à fournir de l'information. Dans certaines provinces, les médecins doivent aviser les services de santé publique de
certaines maladies environnementales ou d'éclosions potentielles. Le conseil de la santé et de la sécurité au travail du peut être mis à contribution
s'il s'agit d'un danger en milieu de travail. En cas d'urgence, comme pour un empoisonnement au monoxyde de carbone, les services de sécurité
publique (les pompiers et la police) veillent à la coordination des mesures de contrôle.
L'anamnèse environnementale1
Posez des questions au sujet des éléments suivants (l'aide-mémoire COLD HAM peut vous être utile) :
Communauté : sources de danger dans le quartier; industrie, entreposage des déchets
Occupation (profession) : emplois actuel et antérieurs; travail avec des matières dangereuses connues; qualité de l'air
Loisirs (passe-temps) : exposition à des produits chimiques, des métaux lourds, des poussières ou des
microorganismes
Domicile : année de construction, rénovations; matières utilisées pour la construction et le décor; moisissures; plantes
d'extérieur et d'intérieur; utilisation de produits ménagers, de pesticides et d'herbicides
Habitudes personnelles (hygiène) : produits d’hygiène; tabagisme
Alimentation : sources d'aliments et d'eau; méthodes de cuisson; régimes alimentaires à la mode
Médicaments : sur ordonnance, en vente libre, médecine douce; hygiène de vie
Si une réponse révèle un danger éventuel, posez des questions détaillées pour obtenir le plus de renseignements possibles
sur la nature et le niveau du danger, puis renseignez-vous sur le temps, le lieu et la personne :
Temps : Quand les symptômes sont-ils apparus? Quand l'exposition a-t-elle commencé? Quand les symptômes
s'aggravent-ils? Quand s'améliorent-ils?
Lieu : Où se trouve le patient lorsque ses symptômes s'aggravent? Où se trouve le danger probable? Quelle est la voie
par laquelle le danger atteint le patient?
Personne : D'autres personnes présentent-elles des symptômes semblables? Qui? Quand? Où?
Il y a plus d'une pièce sur un échiquier
Renseignez-vous sur tous les environnements du patient, même s'il met en cause un certain milieu ou si vos premières questions d'analyse vous font soupçonner
un environnement précis. Au sens figuré, si vous cessez le jeu dès que vous rencontrez le premier danger, vous pourriez fermer les yeux sur les autres dangers
auxquels le patient est exposé. La véritable cause des problèmes du patient n'est pas nécessairement la première que révèlent ses antécédents.
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D r Rao demande à Julie de lui expliquer un peu mieux ce qu’elle faisait lorsque ses problèmes oculaires sont survenus. Elle nettoyait le sous-sol, où il y avait
beaucoup de poussière. Elle a aussi utilisé un produit ménager pour la première fois. Elle n'a pas ouvert les fenêtres pendant qu'elle travaillait en raison du temps
froid à l'extérieur. La veille du ménage du sous-sol, elle a pris une marche; il ventait, et elle a eu de la poussière dans les yeux. L'état de ses yeux est normal en ce
moment. D r Rao lui conseille de bien aérer la pièce quand elle nettoie un endroit qui ne l’a pas été depuis longtemps. Il lui suggère également de consulter le site
Web de la Société canadienne d'hypothèques et de logement pour obtenir des conseils d'entretien ménager.
Comme ce n'est pas la première fois qu'on le questionne au sujet du radon, D r Rao demande à M. Bertoli, le gestionnaire de son cabinet, de communiquer avec les
services locaux de santé publique pour obtenir des documents sur le radon, qu’il pourra distribuer à ses patients.
L'entretien ménager
Pour obtenir de l'information sur la santé et l'entretien ménager, consultez le site Web de la Société canadienne d'hypothèques et de logement au www.cmhcschl.gc.ca. La section « Entretien d'un logement » contient beaucoup de renseignements pratiques.
La réduction du risque
Les trois étapes principales pour aborder les effets des dangers environnementaux sur la santé sont l'évaluation, la gestion et la communication du
risque. Un clinicien a recours à ces étapes pour discuter d'une maladie environnementale avec un patient; un agent de santé publique y a recours
pour réagir aux problèmes à l'échelle de la communauté.
Le danger est le potentiel inhérent d'un agent ou d'une situation de produire un effet indésirable. Un danger est un facteur ou une exposition pouvant nuire à la
santé.
Le risque est la probabilité qu'un tel événement survienne.
Risque pour la santé = danger x exposition x susceptibilité
Ainsi, la présence d'un risque sous-entend qu'une personne ou une population susceptible (récepteur) est exposée (voie) à un danger (source) (voir la figure 10.1).
Sans exposition, il n'y a pas de risque. En présence d'une exposition, mais sans susceptibilité, il n'y a pas de risque non plus. On utilise les mêmes principes en
prévention des incendies : on peut rendre l'objet ininflammable (réduire la susceptibilité), réduire son exposition à la chaleur (entraver la voie) ou éliminer la source
de chaleur.
L'évaluation du risque
L'évaluation du risque est le processus qui consiste à évaluer la vraisemblance que des effets sur la santé se manifestent en raison d'un danger,
et la gravité probable de ces effets. Divers organismes évaluent les situations à risque, y compris les organismes de santé au travail ou de
protection environnementale et les autorités de santé publique. Les cliniciens confrontés à une maladie dont l'origine peut être environnementale
peuvent avoir recours à certaines des étapes suivantes pour évaluer le risque et formuler un diagnostic et un plan de prise en charge de la maladie.
Les étapes de l'évaluation du risque2
L'identification du danger : Est-il question d'un danger environnemental? Quel est-il?
La caractérisation du risque : Est-il probable que le danger cause ce profil de symptômes chez ce type de patient?
L'évaluation de l'exposition : L'exposition du patient est-elle suffisante pour causer ces symptômes?
L'estimation du risque : Dans quelle mesure le danger a-t-il contribué à l'affection du patient?
L'identification du danger
L'identification du danger détermine l'agent responsable du problème, ses effets indésirables, la population cible et les conditions de l'exposition.
Les dangers peuvent être biologiques, chimiques, physiques, ergonomiques, psychosociaux ou liés à la sécurité. Le tableau 10.1 donne des
exemples des divers types de dangers et de leurs effets possibles sur la santé.
Tableau 10.1 : Exemples des divers types de dangers et de leurs effets sur la santé
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Type de
Exemples
Effets sur la santé
Bactéries, virus
Syndromes spécifiques associés à différents agents [p. ex., toxi-infection
danger
Biologique
alimentaire à salmonelle, hépatite A, infection par le staphylocoque doré résistant
à la méthicilline (SDRM)]
Chimique
Moisissures
Allergies, cancers
Animaux
Allergies, zoonoses
Métaux lourds (le risque peut
Syndromes spécifiques (p. ex., empoisonnement au plomb ou au mercure)
varier en fonction de l’état
physique du métal)
Physique
Benzène
Leucémie myéloïde aiguë associée à une exposition prolongée
Monoxyde de carbone
Asphyxie
Amiante
Amiantose, carcinome pulmonaire, mésothéliome
Bruit
Perte auditive
Rayonnements
Dommage à l'ADN causant des cancers
Lumière ultraviolette
Dommage à la peau, perte visuelle
Températures extrêmes
Hypothermie ou hyperthermie
Protection insuffisante contre
Chutes et collisions causant des blessures aux os et aux tissus mous
l'énergie cinétique
Ergonomique Mauvaise conception du poste
Maux de dos
de travail
Activité physique répétitive
Psychosocial Stress professionnel
Microtraumatismes répétés
Manifestations physiques et psychologiques non spécifiques
Soutien social insuffisant
Problèmes psychologiques
Les professions dangereuses
Le site Web du Centre canadien d'hygiène et de sécurité au travail (http://www.cchst.ca/) est une source de conseils et de renseignements pour les patients dont les
professions sont dangereuses.
Il y a des dangers à peu près partout dans l'environnement : dans l'air, l'eau, le sol et les aliments. Les dangers peuvent avoir un impact direct sur la
santé, ou un impact indirect lorsqu'ils causent des changements qui mettent une population ou une personne en danger. Des dangers courants sont
énumérés dans le tableau 10.2.
Tableau 10.2 : Exemples de dangers dans l'environnement
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Un exemplaire de ce permis se trouve au http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/. Les autorisations dépassant l'étendue de ce permis se trouvent au http://www.afmc-phprimer.ca/termsofuse.
Source des dangers Exemples
Air
Monoxyde de carbone
Smog
Matières particulaires
Eau
Contamination fécale
Cryptosporidies
E. coli
Algue bleu-vert
Sol
Métaux lourds
Sous-produits du pétrole
Aliments
Listeria
Salmonelle
Mercure dans le poisson
À l'intérieur, les dangers qui causent des problèmes de santé sont notamment les produits chimiques ménagers, le monoxyde de carbone, le radon,
les moisissures, le plomb et certains produits de consommation (cosmétiques, parfums, produits d'hygiène personnelle). La fumée secondaire est
toujours un problème dans certains foyers.
L'anamnèse environnementale (COLD HAM) peut signaler un danger dans l'environnement du patient. Le portrait clinique peut indiquer le type de
danger que l’on doit chercher. Les irritants aéroportés peuvent causer des démangeaisons ou des douleurs dans les yeux, un écoulement nasal ou
une toux. Les irritants qui entrent en contact direct avec la peau peuvent causer une dermatite. Les allergènes peuvent causer de nombreux
symptômes comme la dermatite, l'asthme et les éternuements. Les asphyxiants causent des problèmes respiratoires en fonction de leur type. Par
exemple, le monoxyde de carbone entrave le transport de l'oxygène. En concentrations élevées, d'autres gaz peuvent s'accumuler et déplacer
l'oxygène de l'air. Les dommages à certains appareils organiques par des substances ingérées ou absorbées sont pathognomoniques. Par
exemple, l'empoisonnement au plomb cause des changements neurologiques, des douleurs abdominales et de l'anémie; l'empoisonnement au
mercure élémentaire cause généralement des tremblements, ainsi que d'autres symptômes neurologiques; et le mésothéliome est lié à une
exposition à l'amiante.
Les effets d'un danger peuvent être retardés, parfois pendant de nombreuses années. C'est particulièrement le cas lorsqu'il est question d'agents
cancérogènes. Il peut être difficile d'identifier ce type de danger et d'évaluer les allégations d’exposition connexes. En outre, on peut être exposé à
plusieurs dangers, chacun étant lié à son propre problème de santé. Par exemple, chez un mineur qui fume et souffre de maladie pulmonaire
chronique, il peut être difficile d'évaluer les contributions relatives de sa profession et de son tabagisme.
Si l'on soupçonne l'éclosion d'une maladie d'origine environnementale, les responsables de la santé publique recueillent des renseignements initiaux
sur les sources possibles. Une fois que la définition de cas est établie, on recherche les cas et on recueille des renseignements sur le moment et
le lieu d'exposition et d'apparition des effets et sur les caractéristiques démographiques des cas (temps, lieu et personne). Cette information est
ensuite regroupée pour dresser un portrait de la distribution des cas dans le temps et l’espace (voir « Les étapes de la prise en charge d'une
éclosion » dans le chapitre 11).
La caractérisation du risque
À l’étape de la caractérisation du risque, on décrit les effets potentiels d'un danger sur la santé, ce qui permet au clinicien de déterminer si le danger
identifié pourrait être la cause des symptômes du patient. On décrit, dans la mesure du possible, les effets moléculaires, biochimiques, cellulaires et
sur les appareils organiques. Il est possible qu'un danger chimique ne cause des problèmes de santé que s’il prend une certaine forme physique. La
voie d'accès à l'organisme peut être un déterminant important du dommage causé. De plus, la réaction d'une personne à un danger varie en
fonction des facteurs qui influencent la toxicocinétique et la toxicodynamique du danger. Celles-ci étant modulées par la constitution génétique
d'une personne et les facteurs environnementaux auxquels elle est exposée, la susceptibilité au dommage varie d'une personne à l'autre.
La susceptibilité différentielle au paludisme
Le paludisme sert comme exemple d’un danger dont le niveau de risque est modifié par la constitution génétique des personnes à risque. Le trait drépanocytaire
confère à son hôte une certaine résistance au paludisme. C'est peut-être la raison pour laquelle ce trait persiste dans les populations africaines. Selon une étude
comparant des enfants sans le trait drépanocytaire et des enfants avec ce trait, ces derniers présentent un risque relatif de mortalité, toutes causes confondues, de
0,45 (IC de 95 % = 0,24?0,84) lorsqu'ils sont âgés de 2 à 16 mois.3 Or, c'est l'âge auquel le paludisme est le plus grave. Aucune différence n’est observée dans la
mortalité avant 2 mois, probablement en raison de l'immunité maternelle, ni après 16 mois, probablement parce que les enfants qui survivent jusqu'à cet âge
développent une certaine immunité en raison d'expositions répétées à de petites charges infectieuses.
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La cinétique et la dynamique 4
La toxicocinétiqueest l'activité ou le destin des toxines dans l'organisme sur une certaine période, y compris leurs processus d'absorption, de distribution, de
localisation dans les tissus, de biotransformation et d'excrétion. « Cinétique » vient d’un mot grec voulant dire « mouvement ». Les termes « cinéma » (images en
mouvement) et « kinésiologie » ont la même racine.
La toxicodynamique est l'étude des effets biochimiques et physiologiques des toxines et de leurs mécanismes d'action; elle met en corrélation l’action et l'effet des
toxines sur leur structure chimique. Elle comprend les effets d'une toxine sur les actions d'autres toxines.
« Dynamique » vient d’un mot grec qui signifie dire « force » ou « pouvoir ».
Les mots « toxicocinétique » et « toxicodynamique » sont analogues aux mots « pharmacocinétique » et « pharmacodynamique ».
Une petite dose de certaines substances peut être bénéfique pour une personne, alors qu'une dose plus élevée lui est toxique. Par exemple, les
vitamines liposolubles, comme les vitamines A et D, sont essentielles à la santé, mais en trop grande quantité, elles sont toxiques. À petite dose, la
lumière du soleil augmente la production de vitamine D, alors qu'à forte dose, elle peut causer le cancer de la peau. Certains dangers, comme la
chaleur et le bruit, doivent atteindre un certain seuil avant d'être nuisibles. D'autres, y compris de nombreux agents cancérogènes, sont considérés
comme étant nuisibles aux plus faibles niveaux mesurables. Les effets de certains agents, comme les radiographies, sont cumulatifs, alors que pour
d'autres, comme l'alcool, l'organisme peut récupérer dans une certaine mesure pendant les périodes où l’exposition est temporairement
interrompue.
L'hormèse désigne une relation dose-réponse biphasique à un agent environnemental : à dose modérée, l’agent s’avère stimulant ou bénéfique, mais il a un effet
inhibiteur ou toxique à forte dose.
La toxicocinétique du stress
On peut comparer la toxicocinétique et les variations de la relation dose-réponse de différentes toxines au stress psychologique et à la tension qui en résulte. La
tension due au stress est modulée par la personnalité, ce qui donne lieu à des réactions stress-tension caractéristiques. Dans le domaine de la toxicologie,
différentes substances produisent différentes courbes d'exposition et de dommage qui rappellent les courbes contrainte-déformation du module de Young
(http://fr.wikipedia.org/wiki/Module_de_Young).
Pour s’informer sur les substances dangereuses, notamment sur les caractéristiques d'un danger possible, les cliniciens peuvent consulter la
documentation scientifique, vérifier auprès des services locaux de santé publique ou communiquer avec le centre de toxicologie ou le centre
antipoison. Si la source suspecte du danger est un produit industriel, des renseignements sont probablement disponibles par l'entremise du
Système d'information sur les matières dangereuses utilisées au travail (SIMDUT), lequel énonce les exigences d'étiquetage des dangers (voir le
tableau 10.3). L'étiquette du produit indique également s'il existe une fiche signalétique pour le produit. Cette fiche donne de plus amples
renseignements sur le produit dangereux, sa manipulation sécuritaire et les mesures à prendre en cas d'urgence.
Tableau 10.3 : Symboles du Système d'information sur les matières dangereuses utilisées au travail5
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Catégorie A - Gaz comprimés
Contenu sous pression. La bonbonne peut exploser ou éclater si elle est
chauffée, si elle tombe ou si elle est endommagée.
Catégorie B - Matières inflammables
Le produit peut prendre en feu au contact de la chaleur, d'une étincelle ou
et combustibles
d'une flamme. Il peut détonner au contact de flammes.
Catégorie C - Matières comburantes
Le produit peut provoquer un incendie ou une explosion au contact du bois,
de l'essence ou d'une autre matière combustible.
Catégorie D, Division 1
Substance toxique. Une seule exposition peut être mortelle ou causer des
Matières toxiques et infectieuses
dommages graves ou permanents pour la santé.
ayant des effets immédiats et graves
Catégorie D, Division 2 - Matières
toxiques et infectieuses ayant
Substance toxique. Peut causer une irritation. Une exposition répétée peut
causer le cancer, des malformations congénitales ou d'autres dommages
d'autres effets toxiques
permanents.
Catégorie D, Division 3 - Matières
toxiques et infectieuses ; Matières
Le produit peut causer des maladies graves. Des expositions extrêmes
peuvent entraîner la mort.
infectieuses bio-dangereuses
Catégorie E - Matières corrosives
Le produit peut causer des brûlures aux yeux, à la peau ou aux voies
respiratoires.
Catégorie F - Matières
dangereusement réactives
Le produit peut réagir violemment, causant une explosion, un incendie ou la
libération de gaz toxiques, lorsqu'il est exposé à la lumière, à la chaleur,
aux vibrations ou à des températures extrêmes.
L'évaluation de l'exposition
L'évaluation de l'exposition est l'étape qui quantifie l'exposition d'une personne ou d'une population à un danger. Les niveaux de certains dangers
peuvent être mesurés directement, dans l'environnement ou chez la personne exposée. Toutefois, il est plus fréquent de devoir estimer l'exposition
par un examen attentif de l’historique des activités du patient ainsi que par une inspection du milieu.
Les matières dangereuses peuvent contaminer l'air, l'eau ou le sol, ou faire partie des milieux bâtis (comme le plomb dans la peinture ou l'amiante
dans certains bâtiments anciens). Elles peuvent produire leurs effets par contact avec la peau ou par inhalation, ingestion, absorption transdermique
ou injection parentérale. Une source de rayonnement peut entraîner des méfaits à distance. Les activités, les pratiques professionnelles et les
processus pendant lesquels il est probable qu'une personne soit exposée doivent être consignés en détail afin de déterminer la manière dont la
personne a été exposée à la matière dangereuse et l'ampleur de l'exposition.
Lorsque l'agent suspect en est un qui occasionne des problèmes après une longue période, les antécédents d'exposition peuvent dater de 20 ans
ou plus. Une maladie professionnelle peut survenir chez les gens à la retraite; chez les travailleurs, elle peut être liée à un emploi antérieur.
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Le thalidomide et la phocomélie 6
Le thalidomide est un médicament qui était utilisé en tant que sédatif et anticonvulsivant. C’était un sédatif remarquable, étant donné que le surdosage était
pratiquement impossible; en fait, sa dose létale 50 (DL50) n'a jamais été établie. D'abord commercialisé comme un sédatif « inoffensif » en Allemagne en 1957, il
est devenu le médicament de choix pour de nombreuses affections, y compris les nausées en début de grossesse. À l'époque, on croyait que les médicaments ne
traversaient pas le placenta et qu'ils ne touchaient donc pas au f?tus. En 1960, les généticiens et les pédiatres on commencé à voir de plus en plus d'enfants
présentant des anomalies inhabituelles aux membres, que l’on désigne aujourd’hui par le terme « phocomélie » (« nageoires de phoque »). En 1961, on a
découvert que le médicament causait la névrite périphérique. On a également signalé des cas de phocomélie chez les bébés dont les mères avaient pris du
thalidomide en début de grossesse. C'est alors que les scientifiques se sont mis à soupçonner que le thalidomide était la cause de ces anomalies. À la fin de
l'année 1961, le thalidomide n'était plus sur le marché au Royaume-Uni. Au Canada, on a continué à en vendre jusqu'en mars de l'année suivante, mais les
médecins étaient avisés de ne pas le prescrire aux femmes enceintes.
Depuis peu, le thalidomide connaît un renouveau. En 2005, on a découvert que c’est un traitement efficace contre la perte de poids et la cachexie associées à
divers cancers, et qu'il ralentit la croissance des cellules du myélome.
L'estimation du risque
L'estimation du risque quantifie la probabilité qu’un danger aurait un effet sur la santé d’une certaine personne ou population ainsi que la taille ou la
gravité de l'effet. À cette étape, l'information recueillie au cours des étapes antérieures est résumée et regroupée. On peut avoir recours au modèle
épidémiologique pour identifier la matière dangereuse, sa source, la manière dont le milieu favorise son contact avec l'hôte, ainsi que la
susceptibilité de l'hôte, afin de tirer une conclusion sur les personnes à risque et leur niveau de risque par rapport à la matière en question. Des
exemples d’éléments à considérer à cette étape figurent au tableau 10.4.
Tableau 10.4 : Exemples des divers facteurs de risque (hôtes, agents et environnements) pour certaines catégories de problèmes de
santé
Type de
Problème de santé
Hôte
Agent
Environnement
Maladie
Infection par le virus de l'hépatite C
Co-infection
Virus à ARN
Absence d'accessoires stériles pour la
infectieuse
chez les utilisateurs de drogues par
injection
par le VIH
(famille des
flaviviridés)
préparation et l'injection de drogues (p.
ex., des seringues)
Problème de
santé lié à
Asthme
Susceptibilité Allergène
génétique
Tapis; animaux domestiques; ventilation
inefficace
Problème de
Maux de dos chez les travailleurs
Posture
Forces
Manque d'équipement, qui fait que les
santé lié au
d’usine
mécaniques
travailleurs doivent soulever des charges
problème
l’environnement
travail
Le risque d’une personne ou d’une population doit se comparer aux coûts et aux risques de l'intervention envisagée. Chez une personne, il peut
s'agir du choix entre le risque de faire des crises d’asthme et la perte d'un animal domestique bien-aimé, ou, si le risque est lié au travail, du choix
entre demeurer en santé et conserver son emploi. Dans une population, la décision peut avoir plusieurs composantes. Par exemple, les polluants
émanant d'une usine peuvent poser un danger pour la population environnante. Par contre, la pauvreté qui suivrait la fermeture de l’usine pourrait
être encore pire. Une fois que les niveaux de risque dus aux différents dangers sont documentés, on peut explorer les possibilités de les réduire.
L'évaluation du risque vs le principe de précaution 7
Les quatre étapes de l'évaluation du risque présentées dans ce chapitre font partie du paradigme de l'évaluation quantitative du risque. On peut avoir recours à ces
étapes pour évaluer les risques et les avantages probables, afin que les gens puissent choisir l'option qui présente le moindre risque. Cependant, le paradigme
même est critiqué, parce qu'il ne tient pas compte de la complexité et de l’incertitude des risques et de leur évaluation. Le principe de précaution se fonde sur
l'approche « mieux vaut prévenir que guérir ». Il est généralement appliqué en présence d’un risque de dommage grave, immédiat et irréversible pour les
personnes ou l'environnement. Une critique de cette approche est qu'elle a tendance à se fonder sur l'évaluation d'une seule option, sans nécessairement tenir
compte des risques et des avantages des autres options.
Les dangers professionnels
La plupart des gens passent une grande partie de leur vie au travail, et s'il existe des dangers dans ce milieu, il est probable que les travailleurs y
sont exposés pendant des périodes prolongées. Dans certaines professions, on utilise obligatoirement des matières dangereuses qui risquent de
causer des maladies professionnelles chez les travailleurs. Les médecins doivent poser ces quatre questions simples : « Quel type de travail faitesvous? », « Quels types de travail avez-vous déjà faits? », « Pensez-vous que votre travail pourrait être une cause de votre problème? » et « Quel
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vous? », « Quels types de travail avez-vous déjà faits? », « Pensez-vous que votre travail pourrait être une cause de votre problème? » et « Quel
type de travail comptez-vous reprendre? »
Le vocabulaire concernant les problèmes de santé liés au travail découle des lois provinciales concernant la santé et la sécurité au travail et l’indemnisation des
travailleurs. En conséquence, les définitions précises des mots-clés peuvent varier. Toutefois, les concepts sous-jacents se ressemblent.
Accident de travail : la cause d’une lésion de travail. Il doit survenir du fait et au cours de l’emploi,et comprend :
un acte volontaire et intentionnel autre que celui du travailleur qui est victime de l’accident;
un événement ou incident fortuit dû à une cause physique ou naturelle;
l’incapacité causée par une maladie professionnelle;
toute autre incapacité causée par l’emploi.
Malgré que le mot accident se retrouve au sein de la législation, selon des experts en prévention, il est à éviter; la plupart des accidents sont évitables tandis que,
selon eux, accident comprend la notion d’inévitabilité.
Maladie professionnelle : une maladie liée uniquement ou caractéristiquement à un procédé industriel, à un métier ou à une profession, ou une maladie survenue
du fait et au cours de l’emploi.
Selon les lois fédérales et provinciales canadiennes, on doit fournir des services spécifiques en vue de protéger les travailleurs et dédommager les
personnes qui subissent un préjudice professionnel. Il est important de faire la distinction entre les maladies professionnelles et d'autres maladies.
Tableau 10.5 : Exemples de maladies professionnelles
Affections
Agents
Exemples de professions à risque
Bérylliose
Béryllium
Ouvriers de l’industrie aérospatiale
Byssinose
Poussières de coton (de nombreux
Ouvriers de l’industrie du coton
agents)
Poumon de fermier
Moisissures dans le foin
Agriculteurs
Amiantose,
Amiante
Ouvriers de démolition; ouvriers des chantiers de construction
mésothéliome
navale
Hépatite A
Virus de l'hépatite A
Égoutiers
Silicose
Poussières de silice
Maçons en pierres
Des maladies courantes et non spécifiques, comme les dermatites, l'asthme et les troubles musculosquelettiques, peuvent être aggravées par le
travail; on en trouve d'autres exemples dans le tableau 10.5. On reconnaît aussi que la santé mentale peut être affectée par des conditions
stressantes au travail. Les préjudices ne surviennent pas de manière aléatoire; les groupes qui présentent un risque particulier de subir un problème
de santé lié au travail sont :
Les jeunes qui n'ont pas suffisamment d'expérience de travail ou de formation relative à la sécurité, notamment ceux qui occupent des
postes temporaires ou d'été;
Les travailleurs qui sont obligés de travailler de longues heures à un rythme accéléré, par exemple les travailleurs à la pièce ou sur les
chaînes de production;
Les travailleurs auxquels on donne des responsabilités sans l'autorité ou le contrôle nécessaire pour s’en acquitter;
Les travailleurs de certaines industries à risque élevé, comme le bâtiment et la foresterie.
La gestion du risque
Pour trouver des façons de maîtriser le risque, on a souvent recours au modèle source-voie-récepteur, dérivé du domaine de la technologie
énergétique, plutôt qu'au modèle épidémiologique. La source est l'équipement ou le processus directement responsable d'un résultat nocif. Le
résultat peut être une forme d'énergie (acoustique, thermique, etc.) ou une substance (vapeurs toxiques, poussières). La voie est le mode de
transmission (l’air, l’eau, etc.), et le récepteur est l'être humain. Par opposition au modèle épidémiologique, où les influences peuvent s’exercer dans
les deux sens, le modèle source-voie-récepteur est unidirectionnel.
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Figure 10.1 : Source-voie-récepteur : un modèle identifiant les façons de réduire les risques environnementaux
Le modèle source-voie-récepteur et le bruit
Pour de plus amples renseignements sur le modèle source-voie-récepteur et le bruit, consultez le site Web de D re Apple L. S. Chan :
http://personal.cityu.edu.hk/~bsapplec/source-p.htm.
Comme il est généralement impossible d'éliminer complètement le risque, la gestion du risque vise à réduire le risque lié à un danger sans causer
d’autres problèmes. Les stratégies de réduction du risque peuvent cibler la source, la voie ou le récepteur du danger, que le risque touche une
personne ou une population. Les stratégies axées sur la source peuvent être éducatives ou consultatives, techniques ou scientifiques, économiques
ou réglementaires. Comme l'illustre la figure 10.1, on peut modifier ou substituer le danger (p. ex., remplacer l'amiante par d'autres matières), ou
l'isoler s'il ne peut être retiré. On peut aussi avoir recours à des stratégies législatives pour réduire l'émission de polluants dangereux.
Les stratégies axées sur la voie sont les changements environnementaux. Par exemple, lorsque les niveaux de smog sont trop élevés, on peut
l'empêcher de pénétrer dans les foyers en fermant les fenêtres. Dans les pays où le paludisme est endémique, on peut appliquer une pellicule de
savon ou d'huile sans danger pour l'environnement sur l'eau stagnante pour prévenir la reproduction des moustiques porteurs du paludisme.
En dernier lieu, certaines stratégies peuvent modifier la susceptibilité des personnes et des populations aux risques d’un danger. Les vaccins contre
les maladies infectieuses, l’amélioration de l’état nutritionnel des enfants de milieux défavorisés et les conseils visant le changement de
comportement en sont des exemples. On peut réduire l'exposition au moyen de barrières. Par exemple, les techniciens de lignes électriques utilisent
des tentes spéciales en hiver pour réduire leur exposition au froid, et les travailleurs de l'aire de trafic des aéroports portent des protecteurs
d'oreilles pour prévenir la perte auditive. Il faudrait encourager le recours à d'autres mesures de sécurité : les harnais de sécurité, les casques
protecteurs et les bottes à embout d'acier pour les travailleurs du bâtiment et les mineurs.
Peu de temps après avoir conseillé David sur ses comportements liés à la santé (voir le chapitre 8), l'infirmière Jennings rencontre par hasard M. White, un
entrepreneur qui embauche David à l'occasion. Elle commence par lui demander ce qu'il pense des habitudes de sécurité de ses travailleurs, et s’il y a beaucoup
de blessures sur ses chantiers...
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Un danger environnemental dans une communauté autochtone
En octobre 2005, 450 personnes de la Première Nation de Kashechewan doivent quitter leur communauté en raison de problèmes d'eau potable. La communauté
est sous « avis de faire bouillir l'eau » depuis deux ans. Depuis cinq ans, elle éprouve continuellement des problèmes avec son réseau d’alimentation en eau : il y a
contamination persistante par E. coli, et le chlore utilisé pour réduire la présence des bactéries aggrave les problèmes cutanés. Le ministère de l'Environnement de
l'Ontario découvre plusieurs problèmes liés à la surveillance de la qualité et au traitement de l'eau potable. Le réseau d'égouts pose également problème,
notamment parce que son exutoire se trouve en amont de l'alimentation en eau potable, ce qui accroît le risque de contamination.8
L'incident suscite des appels à l'action : il faut améliorer les normes d'approvisionnement en eau potable dans les communautés autochtones. On note que le cadre
réglementaire de ces communautés n'assure pas la même qualité d'eau qu’ailleurs au Canada. Pourtant, en 2008, il n'y a toujours pas de nouvelle loi sur la qualité
de l'eau.9
La matrice de Haddon et la prévention des blessures
Dr William Haddon a ajouté une dimension temporelle au modèle épidémiologique [link to chapter 2, pg 5, Figure 2,2] pour créer la matrice de
Haddon, qui énonce les facteurs déterminant le niveau de risque lié à un danger et la gravité de ses effets. Cette matrice sert à identifier les
facteurs de risque modifiables liés aux blessures.10 On l'applique couramment aux collisions d’automobile, comme dans le tableau 10.6. Dans cet
exemple, l'hôte est la personne blessée (le conducteur ou autre), l'agent est l'équipement qui détermine la quantité d'énergie (mécanique ou
thermique) transmise à l'hôte, et l'environnement est le milieu physique et social où survient l’incident. La dimension temporelle distingue les
facteurs qui entrent en jeu avant la collision (la chaussée était glissante en raison de la neige), au moment de la collision (le conducteur portait une
ceinture de sécurité) et après l'incident (les spectateurs étaient formés en RCR).
Tableau 10.6 : Matrice de Haddon appliquée à une collision d’automobile
Hôte
Agent
Environnement
Physique
Social
PréHâte du conducteur
événement
Service d’entretien récent Conception de la route Application des limites de
de l'auto
vitesse
Événement Port d'une ceinture de sécurité
Coussins gonflables
fonctionnels
Plaque de verglas
Nombre de personnes pouvant
être blessés
PostTéléphone cellulaire pour
événement appeler à l'aide
Tendance de l'auto à
prendre feu
Accès des véhicules
d'urgence
Niveau d'aide de la part des
témoins
On utilise maintenant cette matrice dans d'autres situations, y compris pour évaluer des erreurs médicales. [link to chapter 13] Son avantage est
qu'elle donne un portrait global du problème plutôt que de blâmer la victime; elle mène à une considération plus constructive des manières de
réduire ce type d'erreur. Le tableau 10.7 illustre une situation où l’on a utilisé du potassium au lieu d'une solution saline pour faire dissoudre un
médicament à administration intraveineuse, causant une arythmie cardiaque grave et un collapsus cardiovasculaire chez le patient.
Tableau 10.7 : Matrice de Haddon appliquée à un incident d'administration intraveineuse erronée de potassium
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Hôte
Pré-
(patient)
Agent
Malade, co-
événement morbidité
Événement Trop malade pour
Physique
Social
Manque
Un seul tiroir pour ranger le potassium et la
Médecin pressé, en
d'expérience de
l'infirmière;
solution saline
attente de
renseignements sur un
emballages
autre patient;
semblables des
médicaments
infirmière principale en
pause
Hâte de l’infirmière Nuit; faible éclairage du secteur; la lampe de
demander ce qu'on à mélanger le
lui administre
Environnement
chevet du patient ne fonctionne pas
médicament;
surveillance du
L’infirmière est appelée
au chevet d'autres
patients; elle doit se hâter
pouls du patient
pendant l'injection
PostSignes immédiats
événement d'arythmie
Appel à l'équipe
cardiaque
Le chariot pour les soins cardiaques est à l'autre
bout du couloir, faute d'avoir été remis à sa place
Réaction rapide de
l'équipe cardiaque
après un événement antérieur
Si l'on utilise la matrice pour améliorer la sécurité des patients, elle permet d'identifier les dangers et les facteurs protecteurs. Ces derniers (la
surveillance des patients par les infirmières lors de l'administration d'injections, l’appel à l'aide immédiat, la réponse rapide de l'équipe cardiaque)
doivent être renforcés, tandis que les facteurs de risque (l'entreposage et l'emballage des solutions, le mauvais éclairage, la supervision inadéquate
et les interruptions constantes par d’autres membres de l'équipe) peuvent être rectifiés. (Afin de prévenir ce type d’erreur, de nos jours, dans
beaucoup d’hôpitaux, le potassium n’est pas rangé sur l’unité de soins.)
Les interventions actives et passives
Les interventions actives exigent une conformité continue pour être efficaces, tandis que les interventions passives ne sont appliquées qu'une seule
fois. En général, les interventions passives sont plus efficaces, car les gens n’ont pas besoin de se rappeler d'y avoir recours. Par exemple,
l'administration du vaccin antigrippal (intervention passive) résulte en une immunité pendant toute la saison de la grippe, tandis que le lavage des
mains (intervention active) doit être répété plusieurs fois par jour. Une fois installé dans l'auto, le coussin de sécurité gonflable (intervention passive)
demeure présent jusqu'à ce qu'il soit nécessaire, tandis que la ceinture de sécurité (intervention active) exige que les conducteurs et les passagers
acceptent de la porter et se souviennent de la boucler. En milieu de travail, surtout, l'utilisation de l'équipement de protection peut laisser à désirer,
même dans les lieux de travail bien gérés. Par exemple, les protecteurs d'oreilles peuvent être chauds et inconfortables, et ils peuvent masquer les
signaux auditifs de danger. La réduction du bruit ambiant est donc préférable dans la mesure du possible. Les harnais de sécurité peuvent brider la
mobilité, mais dans certains cas, on peut les remplacer par des garde-corps ou des cages de protection.
Pour en savoir davantage sur les enjeux de santé environnementale et l'organisation des services de santé environnementale au Canada, visitez le site Web du
Centre de collaboration nationale en santé environnementale au www.ncceh.ca/fr/accueil.
La communication du risque
Une fois que l'on a déterminé et quantifié un risque et trouvé des moyens de le réduire, on doit communiquer l'information aux personnes en danger
pour qu’elles puissent comprendre la situation et prendre des mesures pour l'éviter. La communication est un échange d'information; une bonne
communication consiste à échanger l'information de manière à ce que le destinataire comprenne l'intention de l'expéditeur (figure 10.2). Voici un
modèle de communication dérivé d'un modèle mathématique des technologies de communication; il est utile pour réfléchir à la communication
interpersonnelle. Le processus de communication y est divisé en six éléments : le message, le messager, l'encodage, la voie, le décodage et le
destinataire.
Droits d'auteur © L'Association des facultés de médecine du Canada. Le contenu est autorisé en vertu du permis Creative Commons « Attribution-NonCommercial-ShareAlike 3.0 Unported ».
Un exemplaire de ce permis se trouve au http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/. Les autorisations dépassant l'étendue de ce permis se trouvent au http://www.afmc-phprimer.ca/termsofuse.
Figure 10.2 : Le processus de communication et les relations entre ses éléments
Le message
La perception du risque varie en fonction de nombreux facteurs autres que le véritable niveau de risque. Ces facteurs peuvent être liés au danger
en soi (l'exposition) ou aux effets possibles du danger (le résultat). L'état psychologique de la personne qui perçoit le risque, ainsi que son bagage
socioculturel, peuvent modifier sa perception du danger et de ses effets potentiels. Les facteurs qui augmentent la perception du danger figurent
dans le tableau 10.8.
Tableau 10.8 : Facteurs qui augmentent la perception publique du danger11,12
Caractéristiques de l'exposition
Involontaire
Hors du contrôle personnel
Anormale (p. ex., attaque terroriste)
Peu familière
Inéquitable (les personnes qui en subissent les conséquences ne tirent aucun avantage de l'activité)
Absence de confiance envers les institutions en cause
Attention médiatique
Caractéristiques du résultat
Catastrophique (plutôt que chronique)
Touche les enfants ou les générations futures
Inconnu ou incertain
Touche des personnes identifiables et non des statistiques
Redouté (p. ex., le cancer)
Immédiat (vs reporté)
Irréversible
Attention médiatique
Ces caractéristiques peuvent transformer un risque statistiquement minime en un grand risque perçu. Par exemple, près de 3 000 personnes ont
été tuées lors des attaques du 11 septembre 2001, mais tous les ans aux États-Unis, les collisions de la route font plus de 40 000 victimes.
Beaucoup d’Américains étaient naturellement bouleversés après le 11 septembre, mais les décès de la route attirent à peine l'attention. Si l'on se fie
au tableau 10.8, ces réactions différentes s’expliquent par le manque de familiarité des attaques du 11 septembre; même le gouvernement
américain n'y pouvait rien; elles étaient catastrophiques et ont attiré beaucoup d'attention médiatique; elles ont causé la mort simultanée de
nombreuses personnes identifiables. Par contre, les décès liés aux collisions de la route sont familiers, maîtrisables par les usagers de la route, et
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ne touchent pas de nombreuses personnes en même temps. Prenons un exemple moins marquant : en 2007, il y a eu 0,012 décès pour chaque
million de milles parcourus sur les lignes aériennes commerciales des États-Unis, contre 0,91 décès pour chaque million de milles parcourus à bord
de véhicules dans les zones urbaines, et 2,27 décès pour chaque million de milles parcourus à bord de véhicules sur les routes rurales. Pourtant, le
déplacement par vol aérien fait beaucoup plus peur que les balades sur les chemins de campagne.
Le tableau 10.8 explique aussi pourquoi certaines personnes se préoccupent de risques environnementaux, alors qu'elles refusent de modifier leur
propre comportement à haut risque. Par exemple, les fumeurs peuvent se préoccuper de risques environnementaux minimes sur lesquels ils
n'exercent aucun contrôle tout en ignorant le risque majeur du tabagisme. De nombreux patients ont peur de prendre des médicaments même si on
les assure qu'ils peuvent améliorer leur santé; selon eux, prendre des pilules n'est pas naturel, peu familier, et peut causer des effets secondaires
incertains.
Un message efficace contient plus que de simples informations; il sous-entend aussi les mesures que le destinataire doit prendre. Par exemple,
après avoir discuté des risques et des avantages de l'activité physique avec un patient, le clinicien doit conclure en établissant un lien entre cette
information et la situation personnelle du patient et insister pour que ce dernier augmente son niveau d'activité physique.
Le messager
Les gens réagissent davantage à l'attitude du messager qu'à son statut professionnel ou à son autorité. On a tendance à rester indifférent à
l'information communiquée par un expert reconnu si celui-ci semble manquer de bienveillance ou d’empathie (figure 10.3). Les gens qui ne sont pas
des experts, s’ils semblent honnêtes et réellement intéressés par le bien-être de leur auditeur, peuvent avoir un impact beaucoup plus important
qu'un expert qui ne tient pas compte de la composante émotionnelle de la communication.
Figure 10.3 : Qualités personnelles du messager et effet relatif sur la réception du message
Le destinataire
Le destinataire participe activement à la communication. Ses connaissances préalables, ses croyances et ses attitudes jouent un rôle dans sa
compréhension du message. Lorsqu'un clinicien communique avec ses patients, il doit adapter son message à chacun. Il est probable que plusieurs
caractéristiques personnelles influent sur la façon dont un patient interprète le message.
La disposition générale
Les optimistes ont tendance à sentir que leur risque est faible. Les pessimistes, ainsi que les personnes anxieuses ou déprimées, ont tendance à
surestimer le risque et à se sentir plus menacés que les optimistes. Ils sont donc plus enclins à utiliser des mécanismes de défense pour atténuer
leurs sentiments de menace, voire même à nier le risque complètement.
Les prévisions affectives
La plupart des gens ont tendance à faire preuve d'un pessimisme irréaliste lorsqu'ils sont confrontés à de nouvelles situations. Une personne qui, en
bonne santé, décide de ne pas être réanimée s'il semble que sa survie résulterait en une incapacité grave, pourrait changer d'avis après avoir reçu
un diagnostic de maladie grave; plus tard, elle pourrait constater qu'elle est mieux en mesure de composer avec une telle situation qu'elle ne le
croyait auparavant. De même, l'évaluation par les patients des risques et des avantages des traitements anticancéreux peut varier en fonction de
l'évolution de leur état émotionnel après le diagnostic.
La perception de la menace
La plupart des gens ont l'impression que leur probabilité de contracter une maladie grave est plus faible que la moyenne. Lorsqu'ils sont informés du
risque moyen, ils ont tendance à ajuster leur estimation en conséquence et entretiennent ainsi toujours l'idée que leur risque est plus faible que la
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moyenne. Cette perception est plus prononcée si le problème de santé est perçu comme étant maîtrisable, s'il est probable qu’il ne survienne que
dans un avenir lointain, et s’il survient chez les personnes que le patient considère comme étant différentes de lui. Le jeune fumeur a l'impression de
contrôler son tabagisme. Selon lui, il n’en subira vraisemblablement pas les effets avant de nombreuses années et ne se considère pas encore
comme un fumeur. La probabilité qu'il se sente vulnérable à une maladie liée au tabagisme est très faible.
Le biais confirmatoire
Les gens sont plus enclins à retenir l'information qui appuie leurs croyances déjà ancrées que l'information divergente. L'influence de la cohérence
cognitive est profonde : même le chercheur le plus objectif aura tendance à s'attarder à l'information qui appuie son hypothèse. Un patient qui est
d'avis que son risque d'être atteint d'un cancer est faible pourrait ne pas croire qu'il en est atteint, ou pourrait en minimiser l'importance. Les
cliniciens sont portés à retenir leurs diagnostics préliminaires, même en présence de preuves contraires.
La réduction de la vulnérabilité
Le besoin de se sentir invulnérable peut faire en sorte que les gens nient ou oublient l'information relative à leur risque personnel. Lorsqu'une
personne est confrontée à des renseignements prouvant qu'elle est à risque, il se peut qu'elle les contredise en mettant en doute la validité ou la
fiabilité de la source. De même, il est plus probable qu'un patient qui reçoit de mauvaises nouvelles demande une deuxième opinion qu'un patient
qui en reçoit de bonnes. On a également tendance à trouver des exemples contraires qui corroborent le déni (p. ex., un fumeur se souvient de son
grand-père qui fumait 20 cigarettes par jour et qu'il était en pleine santé à son décès à l'âge de 85 ans).
La voie
La voie habituelle de la communication clinique est la langue parlée : le clinicien et le patient se parlent. Cependant, les mots peuvent être appuyés
par des aides visuelles, comme des affiches, des feuillets et, à l'occasion, des vidéos. Le destinataire doit avoir accès à la voie de communication :
un document écrit sera inefficace si le patient a de la difficulté à lire.
L'encodage et le décodage
L'information doit être codée avant sa transmission. Le code peut être une langue, un jargon scientifique ou un argot; il peut aussi prendre la forme
d'une illustration ou d'un diagramme. Afin que la communication soit efficace, le messager et le destinataire doivent tous deux comprendre le code,
du moins en partie. Même si le clinicien parle la même langue que le patient, les différences dans leur milieu socioéconomique, leur niveau
d'instruction et leur expérience peuvent limiter le vocabulaire qu'ils partagent. Lorsqu'un médecin discute d'une appendicectomie avec un patient, il a
à l’esprit une chirurgie banale dont le patient se rétablira en quelques jours. Pour le patient, par contre, il s’agit d’une expérience inquiétante et
unique, probablement douloureuse, qui lui laissera une cicatrice permanente et qui perturbera son quotidien pendant plusieurs jours au moins.
Lorsqu’il communique avec un patient, le clinicien doit :
utiliser des mots et des concepts que le patient est en mesure de comprendre;
se rappeler que les affections et les interventions médicales lui sont familières, mais qu'elles ne le sont pas pour le patient;
modifier son ton et son langage corporel pour s'adapter au code commun, et être conscient des gestes qui peuvent vouloir dire différentes
choses selon la culture. En Amérique du Nord, un Grec qui semble faire « non » de la tête pourrait en fait être en train de poser une question.
Ou encore, on pourrait avoir l'impression qu'un Italien qui signale à quelqu'un de se rapprocher lui fait au revoir de la main.
L'information au sujet du risque est souvent codée en nombres ou en graphiques. La plupart des gens comprennent de tels renseignements. Il y a,
toutefois, de nombreuses embûches :
L'accent mis sur le gain ou sur la perte
Les gens ont tendance à craindre les pertes et en feront davantage pour éviter une perte que pour obtenir un gain. Voici une expérience bien
connue, qui présente deux ensembles d'options pour une maladie imaginaire :13 600 personnes sont touchées par une maladie mortelle, et l'on doit
choisir entre deux formes de traitement :
Le traitement A sauvera la vie de 200 personnes.
Le traitement B a une chance sur trois de sauver la vie des 600 personnes, et deux chances sur trois de ne sauver personne.
La plupart des gens optent pour le traitement A, car la possibilité de sauver 200 vies est plus attrayante que celle d'en perdre 600, même si la valeur
mathématique des deux choix est égale : 200 vs un tiers de 600. Toutefois, le résultat change lorsque le traitement A est exprimé en fonction des
pertes :
Le traitement A entraînera la mort de 400 personnes.
Le traitement B a une chance sur trois de sauver tout le monde et deux chances sur trois d'entraîner la mort des 600 personnes.
La plupart des gens optent pour le traitement B, car le tiers de la possibilité de sauver tout le monde est plus attrayant que la certitude d'en perdre
400. La valeur mathématique des deux ensembles de choix est équivalente, mais l’aversion aux pertes influe sur le choix. La façon dont le choix est
formulé se nomme le « cadre » et, afin de s'assurer que le patient prendra une décision éclairée, le clinicien doit reformuler l'information en utilisant
plusieurs cadres.
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Cadre : Lorsqu'il est question de communication et de prise de décisions, le cadre désigne la compréhension par le décideur des mesures, des résultats et des
éventualités associés à un choix particulier.13 La mention d'aspects spécifiques des risques et des avantages peut modifier le cadre du patient et influencer son
choix.
L'option par défaut
Lorsqu’on présente deux options, il est plus probable que le patient choisisse celle présentée comme étant l'option habituelle que celle présentée
comme étant l’option de rechange.
Les nombres vs les proportions
Les données exprimées en tant que proportions sont souvent perçues comme étant relativement inoffensives, tandis que les données exprimées en
tant que fréquences ont tendance à toucher davantage les gens. Dans le cadre d'une expérience, on a présenté le cas d'un patient atteint de
troubles mentaux à des médecins. Ils ont été informés qu'il était probable que 20 patients sur 100 semblables à celui-ci commettent un acte de
violence. On leur a ensuite demandé s'ils approuveraient la sortie de ce patient; 41 % ont répondu par la négative. On a présenté le même cas à un
groupe semblable de médecins, mais ils ont été informés que le patient avait une probabilité de 20 % de commettre un acte de violence : seulement
21 % des médecins ont refusé d'approuver sa sortie.
Le verre à moitié plein ou à moitié vide
Emily et Ian sont étudiants en psychologie. Au dernier examen, ils ont tous deux répondu à toutes les questions : 74 % des réponses d'Emily étaient
correctes, et 26 % des réponses d'Ian étaient incorrectes. Qui est le meilleur étudiant? En général, un cadre positif mène à des sentiments positifs,
et un cadre négatif mène à des sentiments négatifs. Emily est donc habituellement considérée comme étant une meilleure étudiante qu'Ian.
Lorsqu'on discute de la maladie d'Alzheimer, si l'on s'attarde aux 8 % des gens de plus de 65 ans qui en sont atteints, on donne une impression plus
mauvaise qu'en s'attardant aux 92 % des gens qui n'en sont pas atteints.
Les demi-personnes n'existent pas
Les gens sont plus à l'aise avec des nombres entiers. Il faut donc éviter les fractions et les décimales. Peu d'estimations du risque ou de l'avantage
thérapeutique sont précises au point d'exiger le recours aux décimales.
Le numérateur et le dénominateur
Les gens ont tendance à se concentrer sur le numérateur et à ne pas tenir compte du dénominateur. Une maladie qui afflige dix personnes sur 100
semblera moins courante qu'une maladie qui afflige 100 personnes sur 1 000. Il peut donc être utile d'exprimer un risque unique de plusieurs
façons : 10 %, un sur dix, ou dix sur 100. Cependant, il faut conserver le même dénominateur lorsqu'on demande aux gens de comparer les risques
de différents résultats. Il est difficile pour la plupart des gens de comprendre la différence entre un risque d'un sur cinq pour un résultat et un risque
de 25 % pour un autre. Il est plus facile de comparer un risque de 20 % et un autre de 25 %, ou un risque d'un sur cinq et d'un sur quatre.
Le risque relatif et le risque absolu
Les risques relatifs peuvent être particulièrement difficiles à interpréter, car les gens n’en connaissent pas toujours le contexte; voilà un autre
exemple de la distinction entre la perspective axée sur un patient et celle axée sur la population. Bien que le traitement hormonal substitutif double
le risque de cancer du sein, il ne cause que huit cas supplémentaires pour 10 000 femmes-années. Pour chaque femme, ce risque doublé n'est pas
très important, car le risque initial est très faible, mais au niveau de la population, un risque doublé peut être considérable. Il est préférable d'utiliser
uniquement des risques absolus dans les communications personnelles, car il arrive souvent que des changements proportionnels soient, en fait,
d’une importance minime pour la personne.14
Outils d'aide à la décision pour les patients
Il est souvent difficile de communiquer la notion de risque à un patient de manière simple et compréhensible. Annette O’Connor a élaboré une série d'outils
pratiques à l'intention des patients pour les aider à choisir parmi diverses options qui présentent chacune des risques et des avantages. Voir
http://decisionaid.ohri.ca/francais/mission.html
L'incertitude
En communication, plusieurs facteurs peuvent causer de l'incertitude :
1. Les mots peuvent être ambigus, et leur sens peut varier. Les cliniciens doivent s'assurer que leurs patients comprennent le sens précis du
résultat possible et du plan d'action suggéré. Si on a recours aux nombres plutôt qu'aux mots, il faut tenir compte des biais inhérents au cadre
positif ou négatif dans lequel on les présente.
2. Les termes qui décrivent le risque, comme « élevé » ou « faible », sont sujets à interprétation.
3. La définition du risque peut manquer de spécificité. Le risque doit toujours être associé à un cadre temporel. La probabilité de 10 % de
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mourir du cancer du poumon au cours d'une vie n'est pas la même chose qu'une probabilité de 10 % d'en mourir au cours des cinq
prochaines années. Une probabilité de perte fonctionnelle de 20 % pourrait être interprétée comme une réduction fonctionnelle de 20 %,
comme une perte fonctionnelle totale chez 20 % des gens, ou comme une certaine perte fonctionnelle chez 20 % des gens.
En discutant du risque avec le patient, l'information doit être communiquée de différentes façons, dans un cadre positif et négatif, afin d'aider le
patient à prendre une décision bien éclairée.
Questions d’auto-évaluation
1. Une patiente se plaint d'une éruption cutanée qui, selon vous, semble être une dermite de contact. Quelles questions devriez-vous lui poser?
La dermite de contact, comme bien d’autres maladies de la peau, n'est généralement pas causée par des facteurs intrinsèques. Il s'agit plutôt d'une maladie
environnementale. Les questions doivent porter sur tous les aspects de la vie de la patiente (selon l'aide-mémoire COLD HAM) :
1. Communauté : Dans ce cas-ci, il est peu probable que la source soit d'origine communautaire, mais il importe de considérer le contact avec des plantes ou
l'utilisation d'herbicides ou d'insecticides dans le quartier.
2. Occupation (profession) : Les dermites de contact sont courantes en milieu de travail. Posez des questions au sujet des emplois antérieurs de la patiente, y
compris son travail bénévole, ses contacts avec des matières dangereuses connues, et les vêtements de protection qu'elle porte, comme des gants de latex.
3. Loisirs (passe-temps) : L'exposition aux produits chimiques, aux poussières, aux microorganismes ou à certains vêtements nécessaires à une activité
(combinaison de plongée pour le surf, gants de jardinage), selon la partie du corps touchée.
4. Domicile : Le contact avec les plantes d'extérieur ou d'intérieur, l'utilisation de produits ménagers, de pesticides, d'herbicides et de matériaux de construction ou
de décoration.
5. Habitudes personnelles (hygiène) : Les produits d'hygiène personnelle, y compris les parfums, les crèmes et les lotions; la source d'eau de lessive; les produits
utilisés pour la lessive des vêtements et de la literie.
6. Alimentation : Il est peu probable qu'une dermite de contact provienne d'une source alimentaire.
7. Médicaments : Les médicaments sur ordonnance et en vente libre, les produits de médecine douce, notamment ceux que l'on applique sur la peau, comme les
timbres de nicotine ou d'hormones.
Interrogez spécifiquement la patiente sur les changements survenus avant l'apparition des symptômes. Si vous identifiez une source possible, obtenez des
renseignements précis sur la période et l'ampleur de l'exposition, sur les variations dans les symptômes selon les épisodes d'exposition, ainsi que sur l'exposition et
les symptômes éventuels d'autres personnes.
2. Nommez et décrivez brièvement les étapes de l'évaluation du risque.
Identification du danger : On explore l'environnement pour tenter de repérer des sources possibles de danger. En milieu clinique, un regard approfondi sur les
antécédents permet d’habitude de cerner les sources possibles.
Caractérisation du risque : On décrit les effets du danger. Le service de santé publique local sera habituellement en mesure de fournir de l’information sur les
effets de différents dangers et sur les populations qui présentent un risque particulier.
Évaluation de l'exposition : On décrit la durée de l'exposition et les niveaux du danger. En milieu clinique, un regard approfondi sur les antécédents doit
comprendre des détails précis sur le niveau du danger auquel le patient a été exposé, ainsi que sur la durée, la fréquence et le début de l'exposition. Autrement dit,
on détermine la dose à laquelle le patient a été exposé. Il peut y avoir des tests pour mesurer cette dose. Il est aussi parfois possible de mesurer le niveau de
danger dans l'environnement du patient.
Estimation du risque : On intègre et on analyse les renseignements recueillis aux trois étapes précédentes afin de déterminer dans quelle mesure le danger
contribue au problème du patient.
3. Énumérez les influences psychologiques sur l'interprétation des données quantitatives.
En relation avec la personne à risque
Disposition générale : les optimistes ont moins l'impression d'être à risque que les pessimistes.
Biais confirmatoire : les gens s'attardent davantage aux renseignements qui confirment ce qu'ils croient déjà.
Prévisions affectives : les gens ont de la difficulté à évaluer comment ils réagiront lors de situations futures possibles.
En relation avec le danger
Perception de la menace : les gens croient généralement que leur risque est inférieur à la moyenne, surtout lorsqu'ils peuvent contrôler leur exposition au danger.
Réduction de la vulnérabilité : les gens ne veulent pas se sentir vulnérables face à une menace perçue et peuvent ainsi nier leur risque.
En relation avec la manière dont le risque est communiqué
Aversion aux pertes : les gens évitent de choisir une option qui leur est présentée comme étant une perte.
Option par défaut : les gens choisiront l'option qui leur semble habituelle ou « normale ».
Nombres vs proportions et numérateur vs dénominateur : les gens prêtent attention aux nombres entiers, qui peuvent représenter des personnes entières. Ils
comprennent difficilement les proportions et prêtent peu d’attention aux dénominateurs.
Verre à moitié plein ou à moitié vide : les gens se concentrent sur le nombre qui leur est présenté et non sur celui qui est sous-entendu. Si l'incidence d'une
maladie est présentée telle quelle, les gens percevront le risque de devenir malade de manière exagérée, plutôt que la probabilité de demeurer en santé.
Risque relatif vs risque absolu : les gens interprètent un risque relatif élevé de manière quasi égale à un risque absolu élevé, même si le risque absolu sousjacent dans le groupe « à risque élevé » est petit.
4. Des ouvriers se plaignent de surdité en raison d'une machine bruyante. Quelles mesures pourriez-vous suggérer pour atténuer le problème?
À l'aide du modèle source-voie-récepteur,
Source ? modifier ou reconcevoir la machine afin de réduire le bruit à sa source, utiliser un autre type de machine ou de processus qui n'est pas bruyant, éloigner la
machine des ouvriers ou l'enfermer pour isoler le bruit qu'elle produit.
Voie ? utiliser des barrières acoustiques pour absorber ou obstruer le bruit qui atteint les ouvriers.
Récepteur ? enclore l’aire de travail des ouvriers ou les installer loin de la machine, leur fournir des protecteurs d'oreilles, et s'assurer que la fréquence et la durée
de l'exposition au bruit sont minimes.
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1. Une femme de 42 ans habite à un kilomètre de lignes électriques aériennes à haute tension et est très inquiète des effets que ces lignes pourraient avoir
sur sa santé. Comment devriez-vous aborder ce cas?
2. Vous déterminez que son risque lié aux lignes est négligeable. Que faites-vous pour la rassurer?
3. Cette même patiente s'inquiète à peine du fait qu'elle fume dix cigarettes par jour. Comment expliquez-vous cela?
Bibliographie
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AFMC Petit Guide de la santé des populations
Chapitre 11 La lutte contre les maladies infectieuses
Les cliniciens jouent un rôle important dans la lutte contre les maladies infectieuses. Ils sont habituellement les premiers à voir les nouveaux cas
d'une maladie qui pourraient amorcer une épidémie. Ils doivent alors les signaler aux autorités de santé publique. On pourrait alors leur demander
de collaborer avec les équipes de lutte contre les infections ou de santé publique afin de mener une lutte adéquate contre les maladies infectieuses
et d’enrayer les éclosions. Les cliniciens peuvent également reconnaître les signes d’évolution de maladies non infectieuses, par exemple un
nombre anormalement élevé de blessures pouvant découler d'un changement dans l'environnement bâti. Le cas échéant, les cliniciens peuvent
aussi jouer un rôle dans le signalement et la gestion de la situation, bien que les procédures ne soient peut-être pas définies aussi clairement que
celles de la lutte contre les maladies infectieuses et de leur prise en charge. Enfin, les cliniciens doivent être conscients qu'ils peuvent transmettre,
eux-mêmes ou via les instruments qu’ils utilisent, une infection aux patients. Ils doivent donc prendre les mesures nécessaires pour l’éviter.
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Après avoir assimilé ce chapitre, le lecteur sera en mesure :
de reconnaître les caractéristiques et les signes distinctifs d'une éclosion;
de faire preuve de compétences essentielles à la lutte contre les épidémies et leurs répercussions sur le public, en collaboration avec les autorités de santé
publique, le cas échéant;
de définir une épidémie comme étant un nombre de cas dépassant les prévisions habituelles;
de décrire et de comprendre les principales étapes de la prise en charge et de la prévention des épidémies;
de faire preuve de compétences nécessaires pour prendre en charge de façon efficace une épidémie, y compris la lutte contre les infections lorsqu'une
épidémie est attribuable à un agent infectieux;
de décrire les différentes méthodes de lutte contre les infections et d'établir laquelle il convient d'adopter selon le type d'épidémie;
de décrire les méthodes appropriées de prévention ou de réduction des risques de réapparition d’une éclosion:
1. Comprendre les systèmes de surveillance et le rôle des médecins et de la santé publique dans la déclaration et le traitement des maladies.
Le D r Rao reçoit un appel téléphonique du foyer de soins de longue durée où habite Mme Richard. On l'avise que Mme Richard souffre d'une diarrhée. Il lui rend
visite. Elle avait un peu mal au ventre hier soir. Elle se sent mieux aujourd'hui et elle n'a eu qu'un seul épisode de selles molles. Mme Richard pense que d'autres
résidents ont aussi été malades. Elle a entendu dire que l'un d’eux avait vomi il y a deux jours et qu'une autre a eu des crampes abdominales la nuit d’avant-hier.
Le D r Rao tente d'obtenir des renseignements plus précis; il aimerait savoir si plus de personnes qu'à l'habitude se plaignent de maux d’estomac. Il sait aussi qu'il
doit déterminer qui, au juste, a été malade, quand, pendant combien de temps, où se trouvent leurs chambres, si des membres du personnel ont aussi été malades
et si les services de santé publique sont au courant.
La détection et la lutte contre les éclosions
Les cliniciens sont souvent les mieux placés pour reconnaître l'éclosion d'une maladie. Parfois, ils remarquent un nombre anormalement élevé de
personnes qui présentent la même maladie ou bien leurs patients leur disent connaître d'autres personnes qui ont des symptômes semblables.
Même si le clinicien ne soupçonne pas une éclosion, il contribue à la détection d'éclosions lorsqu’il déclare des cas. Remplir des registres de sortie
et des certificats de décès ainsi que déclarer les cas de maladies à déclaration obligatoire sont des mesures qui contribuent à la surveillance de
l’état de santé de la population. Si les formulaires sont remplis avec exactitude et acheminés en temps opportun, la détection des éclosions et la
surveillance générale de la santé y gagnent.
Selon le type d'agent infectieux, les conditions de propagation et la population cible, les éclosions peuvent être aiguës et à croissance rapide,
comme la gastroentérite dans un jardin d'enfants ou un foyer de soins de longue durée, ou évoluer plus lentement, comme la pandémie de sida.
Les autorités de santé publique sont ultimement responsables de la détection et de la lutte contre les éclosions mais les cliniciens jouent un rôle
majeur dans ce domaine, car ils sont habituellement le premier point de contact avec la population touchée. De même, les équipes de lutte contre
les infections en milieu hospitalier dépendent de la collaboration des cliniciens pour prévenir les infections. Voici les étapes de base de la prise en
charge d'une éclosion :
1. Confirmer la présence d'une éclosion;
2. Définir ce qui constitue un cas et reconnaître les cas au fur et à mesure qu'ils surviennent;
3. Formuler des hypothèses pour expliquer les causes et mettre en ?uvre des mesures de lutte initiales;
4. Tester les hypothèses en analysant les données de surveillance ou au moyen d’études spéciales;
5. Tirer des conclusions et modifier les hypothèses et les mesures de lutte, s'il y a lieu;
6. Planifier des mesures de prévention et de lutte à long terme.
Étape 1 : Confirmer la présence d'une éclosion
S'agit-il d'une éclosion ?
Il est important d'identifier une éclosion rapidement afin d’y voir avant qu'elle ne devienne une épidémie mais il n'y a pas de règle stricte pour
définir une éclosion. Une grappe de cas peut survenir par hasard ou être le début d'une éclosion. C'est particulièrement vrai pour les maladies rares
ou les maladies dans les petites populations, où l’augmentation, en chiffres absolus, d'un très petit nombre de cas peut représenter une importante
augmentation relative dans la population. Par exemple, dans une communauté où il y a habituellement deux cas par mois d'une certaine maladie,
quatre cas en un mois (une augmentation relative de 100 % mais une augmentation absolue de deux cas) peuvent ou non constituer une éclosion.
Dans une telle situation, il peut être très difficile de décider combien de temps et d'argent à consacrer à étudier un événement qui pourrait découler
du hasard. La consultation d'épidémiologistes ou de statisticiens peut s'avérer nécessaire mais les techniques statistiques pour évaluer l'influence
du hasard dans les grappes de maladie ne sont pas encore parfaitement au point.
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Un exemplaire de ce permis se trouve au http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/. Les autorisations dépassant l'étendue de ce permis se trouvent au http://www.afmc-phprimer.ca/termsofuse.
En outre, la consignation des faits relatifs à une éclosion peut comporter des biais. Lorsque l'on soupçonne une éclosion, il se peut qu'un nombre
de cas supérieur à la normale soit déclaré. Les personnes que la maladie inquiète peuvent être plus sensibles à leurs symptômes et décider de
consulter alors qu'elles ne l’auraient pas fait normalement, augmentant ainsi le nombre de cas déclarés. Les cliniciens peuvent demander des tests
de laboratoire et déclarer des cas de manière plus assidue. De plus, la recherche des cas ou la surveillance active par les agents de santé
publique peut entraîner la découverte de cas qui, normalement, n'auraient pas été reconnus.
Une endémie est la présence constante d'une maladie ou d'un agent infectieux dans une région ou une population donnée.1
Une grappe est une concentration de nouveaux cas d'une maladie rare qui surviennent durant une période si courte ou dans un espace si limité que l'on doute
qu'ils soient le résultat du hasard.1 La distinction entre grappe et épidémie est subtile mais sous-entend une distribution géographique plus restreinte dans le cas
d'une grappe, possiblement le début d'une éclosion ou d'une épidémie. Elle s'applique également aux maladies transmissibles et non transmissibles.
Une éclosion est au moins deux cas de maladie qui semblent liés dans le temps et l'espace.2 Une éclosion peut aussi désigner une petite grappe de cas localisés,
habituellement d'une maladie infectieuse, pouvant précéder une épidémie plus vaste.1
Une épidémie est l'incidence d'une maladie bien au-delà des attentes normales.1 Le nombre de nouveaux cas qui doivent être signalés avant de déclarer une
épidémie varie en fonction de la maladie, du moment et du lieu. Par exemple, un seul cas de fièvre jaune pourrait être considéré comme une épidémie au Canada
mais pas nécessairement dans une région tropicale.
Une pandémie est une épidémie qui s'étend sur plusieurs continents. La grippe (en 1918-1919 et en 1957-1958), le choléra (depuis 1961), le sida (depuis 1988) et
la dépendance au tabac (actuellement) en sont des exemples.1
La déclaration d'une épidémie est une décision très lourde, car en s’avisant mutuellement du besoin de prendre des mesures, les autorités
nationales et régionales de santé publique, qui sont responsables de ces décisions, risquent de créer un sentiment de panique dans la population.
On ne peut déclarer une pandémie qu'une fois que la situation a été soigneusement évaluée par l'OMS, qui peut alors émettre des avis aux
voyageurs. C’est une décision à ne pas prendre à la légère, car de telles annonces peuvent avoir des répercussions économiques considérables
dans les régions touchées. Tout comme une éclosion locale (voir le chapitre 7), une pandémie suit un cours naturel dont l'OMS a décrit les phases
(figure 11.1).
Figure 11.1 : Les phases d’une pandémie selon l’Organisation mondiale de la Santé (Source :
www.who.int/csr/disease/avian_influenza/phase/fr/index.html)
Les épidémies de maladies infectieuses peuvent avoir les causes suivantes.3
1. Augmentation de la virulence de l'organisme infectieux. Les microorganismes peuvent modifier leur virulence par divers mécanismes. Par
exemple, le bacille diphtérique (Corynebacterium diphteriae) doit être en présence d'un bactériophage spécifique pour produire la toxine qui cause
la diphtérie. Par échange de plasmides, des bactéries susceptibles antérieurement peuvent devenir antibiorésistantes. Un autre exemple est la
virulence du virus de la grippe, qui varie en fonction de sa dérive génétique.
2. Introduction récente de l'organisme dans un nouveau milieu. Les Européens ont apporté la rougeole et la variole sur le continent américain, où
elles ont vite décimé les populations locales sans immunité. Ces deux maladies font partie des causes du déclin de l'empire aztèque. Plus près de
nous, en 2002-2003, la gravité de l'épidémie nord-américaine du virus du Nil occidental pourrait être partiellement associée au manque d'immunité
des oiseaux hôtes dans la région, ainsi qu'au manque d'immunité de la population humaine (voir la figure 11.2 dans Pour les mordus).
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Le virus du Nil occidental en Amérique du Nord
Figure 11.2 : Profils des infections par le virus du Nil occidental aux États-Unis et au Canada, 1999-2008
Le virus du Nil occidental a été observé pour la première fois en Ouganda en 1937. Dans les années 1990, en Europe, sa virulence semble avoir connu une
hausse. En Amérique du Nord, on l'a d'abord détecté chez des oiseaux dans l’État de New York. En 2002 et 2003, il a causé une épidémie d'envergure en
Amérique du Nord, beaucoup plus que sur d'autres continents. Les raisons de son potentiel épidémique en Amérique du Nord pourraient être les suivantes :4
? Il s’agit d’une souche plus virulente ;
? Il n’y avait aucune immunité antérieure chez les oiseaux, les hôtes principaux ;
? Le moustique porteur, Culex pipiens, se nourrit par préférence de sang d'oiseaux mais il se tourne vers le sang humain à l'automne, lorsque ses hôtes aviaires
migrent ;
? Les personnes non immunisées ont une structure d’âge particulière (elles sont plus âgées et plus susceptibles aux effets neurologiques du virus).
3. Augmentation de la transmission résultant en une hausse de l'exposition des personnes susceptibles. Le déplacement des soldats et des
populations civiles pendant la Première Guerre mondiale (1914-1918) a occasionné beaucoup plus de contacts étroits entre les personnes, ce qui a
favorisé la transmission du virus de la grippe pandémique de 1918.
4. Changement de la susceptibilité de l'hôte. Les personnes infectées par le VIH sont particulièrement susceptibles à la tuberculose. L'incidence
élevée de tuberculose dans le monde est due en partie au fait que l'épidémie du VIH a fait augmenter le nombre de personnes susceptibles.
5. Nouvelles portes d'entrée ou augmentation de l'exposition. Les percées techniques dans le domaine des soins de santé, qui exigent l’utilisation
d'instruments invasifs, ont contribué à la hausse des infections nosocomiales.
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Walkerton (Ontario)5
Le 18 mai 2000, une pédiatre de l'hôpital d'Owen Sound hospitalise une fille de neuf ans souffrant de diarrhée sanglante et un garçon de sept ans souffrant de
fièvre et de douleur abdominale. Le garçon finit aussi par développer une diarrhée sanglante. En recherchant les liens possibles, la pédiatre traitante découvre que
les enfants fréquentent la même école. Le même jour, des gens de Walkerton communiquent avec leur commission des services publics parce qu'ils soupçonnent
des problèmes avec leur approvisionnement en eau.
Le 19 mai, la pédiatre apprend que d'autres membres de la communauté souffrent de maladies diarrhéiques. Après avoir recueilli les antécédents alimentaires de
ses deux jeunes patients auprès de leurs parents, elle soupçonne une infection à Escherichia coli d'origine hydrique. Elle communique avec la circonscription
sanitaire de Bruce-Grey-Owen Sound. Plus tard dans la journée, le directeur général d’une résidence pour personnes âgées de Walkerton communique aussi avec
la circonscription sanitaire pour signaler trois cas de maladie diarrhéique.
La circonscription sanitaire communique avec les écoles de la région et apprend que le taux d'absentéisme en raison de maladies est anormalement élevé. On
l’informe par ailleurs que huit patients souffrant de maladie diarrhéique se sont présentés à la salle d'urgence de Walkerton. Le profil de la maladie semble d'abord
d'origine alimentaire mais comme de nombreux résidents pensent que l'éclosion est associée à une contamination de l'eau, la circonscription sanitaire commence
aussi à tester l'approvisionnement en eau.
L'éclosion de Walkerton est causée par une contamination de l'eau de la ville par E. coli et Campylobacter jejuni. Au 31 août 2000, l'éclosion aura causé sept décès
et 27 cas de syndrome hémolytique et urémique et rendu plus de 2 000 personnes malades. Ses causes principales sont la mauvaise supervision du traitement de
l’eau et les pluies abondantes qui ont entraîné l'écoulement d’effluents bovins dans l'eau alimentant la station d'épuration.
Étape 2 : Définir et reconnaître les cas
Une étape précoce cruciale de l’enquête sur une éclosion possible est la définition de ce en quoi consiste un cas. La définition de cas sert à
repérer d'autres personnes touchées, à qui l’on pose ensuite des questions sur leur exposition. Elle consiste à définir précisément les symptômes,
les signes, les antécédents ou les résultats de tests indiquant un cas probable de maladie. On peut avoir recours aux cliniciens pour découvrir tous
les cas. Les cliniciens peuvent aussi détenir des renseignements utiles pour établir un lien entre les cas et ainsi suggérer une cause possible.
Compte tenu des variations biologiques, les symptômes et les signes de chaque cas sont différents. La définition de cas ne doit être ni trop
générale, ni trop étroite. Par exemple, lors d'une éclosion de gastroentérite, certaines personnes peuvent n’avoir que de légères crampes
abdominales, tandis que d'autres présenteront une diarrhée et des vomissements, avec ou sans fièvre, des douleurs musculaires, des maux de tête
et une déshydratation, etc. Si la définition de cas inclut les personnes ayant au moins un symptôme parmi tout l'éventail des symptômes (fièvre ou
douleurs musculaires ou maux de tête, etc.), elle peut être générale au point d'englober une proportion importante de la population, même si
beaucoup de ces symptômes ne sont pas nécessairement liés à l'éclosion sous enquête. Inversement, si la définition de cas est trop étroite (fièvre
avec douleurs musculaires et maux de tête), elle peut exclure de nombreux cas et sous-estimer l'ampleur de l'éclosion, reportant possiblement la
mise en ?uvre de mesures de lutte étendues. S'il y a des signes d'une exposition commune, par exemple si une proportion importante des cas
initiaux a pris un repas au même restaurant, cette exposition commune peut être un critère dans la définition de cas. L'enquête peut alors se
concentrer sur l'identification du produit alimentaire à l’origine du problème.
La sensibilité et la spécificité
Pour déterminer ce que la définition de cas doit inclure, il est bon de se rappeler les concepts de sensibilité et de spécificité décrits dans le sixième chapitre.
La définition de cas est un ensemble de critères qui déterminent si une personne représente un cas d’une maladie particulière dans le cadre d'une éclosion. Ce ne
sont pas nécessairement des critères diagnostiques. Ils peuvent être géographiques, cliniques et de laboratoire, et on peut les combiner dans un système de
pointage. On a recours à la définition de cas pour reconnaître les cas probables à des fins de surveillance épidémiologique. On ne s’en sert pas à des fins
diagnostiques.1
Étape 3 : Formuler des hypothèses et mettre en ?uvre des mesures de lutte initiales
À l'aide de l'information recueillie aux étapes initiales de l'enquête, les professionnels de la santé publique décrivent l'épidémie sous l'angle du
temps, du lieu et de la personne. À mesure que l'éclosion progresse, ils peuvent en tracer la courbe épidémique pour suivre son évolution dans le
temps (voir les courbes épidémiques dans le septième chapitre). Les courbes épidémiques décrivent en détail les circonstances de l'éclosion et les
caractéristiques démographiques des personnes touchées. Les profils qui en résultent indiquent habituellement la source probable de l'éclosion et la
population qui présente un risque élevé. C'est généralement tout ce qui est nécessaire pour suggérer des mesures de lutte initiales.
La prise en charge des cas
En général, les cas d'une éclosion sont pris en charge par les médecins traitants des patients, à moins que la taille de l'éclosion ne justifie la mise en
place de cliniques spéciales. Un des rôles des responsables de la santé publique est de tenir les cliniciens et le public au courant des mesures de
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lutte. On recommande de prendre les précautions d’usage pour réduire le risque de transmission par contact avec les patients asymptomatiques ou
les sources de contamination dans l’environnement. On recommande aussi des précautions particulières selon le mode de transmission présumé
(par contact, par gouttelettes ou aéroportée) et le portrait clinique.
Tableau 11.1 : Mesures de précaution typiques selon la voie de transmission (les recommandations varient en fonction de l'agent
infectieux)
Type de
Mesures de précaution
transmission
Tous types
Lavage des mains, barrières : gants et blouse de laboratoire si la transmission se fait par contact ou contamination,
masque et protection oculaire s'il y a possibilité d'éclaboussement ou de vaporisation
Par contact
Blouse de laboratoire et gants pour les soins directs aux patients ; équipement limité aux patients touchés ; lavage
des mains
Par
Masque chirurgical, protection oculaire ou écran protecteur
gouttelettes
Aéroportée
Ventilation par aspiration (comme pour une hotte de laboratoire, l'air est aspiré dans la chambre du patient, puis à
l'extérieur, plutôt que de circuler de la chambre au couloir et aux autres chambres), isolement, masques filtrants N95,
blouse de laboratoire, gants, lunettes de protection pendant les interventions
La prise en charge de la population
Dans la communauté, la prise en charge des éclosions est assurée par le service de santé publique. Dans les hôpitaux, elle est assurée par l'équipe
de lutte contre les infections. On fait souvent appel aux cliniciens pour collaborer à cette prise en charge. On identifie les personnes à risque, c'està-dire les personnes exposées ou qui seront probablement exposées à la source présumée de l’éclosion. Ces personnes ont besoin :
D’information au sujet du risque et des manières de le réduire. Par exemple, les travailleurs forestiers doivent porter des vêtements adéquats et
connaître les symptômes de la maladie de Lyme afin d'être traités en temps opportun.
De mesures préventives personnelles. Par exemple, les contacts rapprochés des personnes atteintes de méningite à méningocoque doivent
recevoir une prophylaxie antibiotique ; les travailleurs de la santé peuvent avoir besoin d’une prophylaxie contre le VIH après une piqûre d’aiguille
accidentelle ; on peut immuniser les contacts des personnes atteintes d'une maladie contre laquelle il existe un vaccin ; et les partenaires sexuels
des personnes atteintes d'infections transmissibles sexuellement peuvent avoir besoin d’un traitement.
De réduire leurs risques de transmettre l’infection. Par exemple, on peut mettre les contacts asymptomatiques en quarantaine pendant la durée
d'incubation de la maladie, ou on peut demander aux gens de « tousser dans leur manche » pendant la saison grippale. Le traitement adéquat de
l'infection peut réduire également la transmission.
Une éclosion d'oreillons dans les Maritimes
En 2006 et 2007 à Halifax, en Nouvelle-Écosse, deux éclosions successives d'oreillons touchent 34 personnes.6 Il n’existe aucun lien évident entre les éclosions
mais on croit qu'elles font partie d'un groupe d'éclosions survenues dans le nord-est des États-Unis et au Québec qui trouvent peut-être leur origine au RoyaumeUni. Les éclosions en Nouvelle-Écosse sont prises en charge par l'isolement volontaire des cas pendant neuf jours après l'apparition des symptômes. On vaccine
les membres de la famille et les autres contacts des personnes atteintes. Tous les cas sont déjà immunisés contre les oreillons. On décide cependant de ne pas
vacciner toutes les personnes à risque de contracter la maladie, car :
le taux d'immunisation contre les oreillons est déjà élevé ;
cette éclosion est caractérisée par la transmission lente et circonscrite du virus, et elle ne semble pas atteindre les groupes non immunisés ;
on présume que l'immunité collective est efficace en raison du taux élevé d'immunisation et de la transmission limitée de la maladie ;
l’expérience a déjà été tentée au Royaume-Uni lors d'une éclosion semblable. Son rapport coûts-avantages était faible ;
la population à risque est nombreuse.
Étape 4 : Tester les hypothèses en analysant les données de surveillance ou au moyen d’études spéciales
Une fois qu'une hypothèse au sujet de la cause de l'éclosion est formulée, elle doit être mise à l'essai. Si l'on enlève la source présumée et qu’il
s’ensuit un déclin de l'éclosion, l'hypothèse peut être vraie, bien que la baisse puisse être fortuite. Des études transversales peuvent être réalisées
s'il s'agit d'éclosions d'origine alimentaire dans une population limitée. Par exemple, dans le cas d'une éclosion associée à un repas de fête, on peut
questionner les invités sur leurs symptômes et ce qu’ils ont consommé afin d'identifier les aliments qui pourraient avoir été contaminés. Des études
cas-témoins peuvent aussi être nécessaires. Il se peut que les cliniciens soient tenus de participer à la recherche des cas ou de fournir des
données sur leurs patients.
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La pompe à eau de Broad Street
Beaucoup considèrent John Snow, un médecin anglais, comme le fondateur de l'épidémiologie. C’est lui qui, en 1854, à Londres, identifie la source d’une éclosion
de choléra ayant causé le décès de 500 personnes en dix jours. Snow situe l'endroit de chaque décès lié au choléra sur une carte du centre-ville de Londres et
interroge 77 survivants. Il remarque qu'une pompe à eau située sur la rue Broad est au centre de la zone où vivaient la plupart des cas. Ironiquement, des malades
habitant les quartiers avoisinants ont aussi l’habitude de puiser leur eau à la pompe de la rue Broad, réputée pour son eau pure.
Figure 11.3 : John Snow et sa carte des cas de choléra au centre-ville de Londres
On croit, à l'époque, que le choléra est causé par un air de mauvaise qualité mais le travail de Snow lui fait soupçonner une association avec l'eau. Il réussit à
convaincre le conseil local d'enlever la poignée de la pompe et, selon la légende, cela suffit à mettre fin à l'épidémie. En réalité, bien que le travail de Snow
représente une percée importante dans le domaine de la surveillance, l'épidémie tire déjà à sa fin lorsqu'on enlève la poignée.
Étape 5 : Tirer des conclusions et modifier les hypothèses et les mesures de lutte
Une fois la cause de l'épidémie confirmée, il peut être nécessaire d’ajuster les mesures de lutte initiales. Si la source n'est pas identifiée, il faut
poursuivre le « travail de détective ». Selon les résultats de l'enquête épidémiologique, il est possible que l'on puisse formuler des recommandations
pour prévenir des éclosions semblables à l'avenir.
Étape 6 : Planifier des mesures de prévention et de lutte à long terme
Les enquêtes épidémiologiques doivent pouvoir indiquer les mesures préventives possibles à long terme et les façons d'améliorer la prise en charge
d'éclosions futures semblables. Lorsqu'elle est disponible et sécuritaire, l'immunisation active est une façon très efficace de prévenir les éclosions de
maladies infectieuses. Tant et aussi longtemps que le vaccin offre une immunité, la personne est protégée, au moins jusqu'à un certain point. Les
vaccins ont permis l'éradication de certaines maladies. La variole, une maladie virulente et autrefois courante qui affligeait l’humanité depuis des
siècles, a été éradiquée en 1977. À l'heure actuelle, l'Organisation mondiale de la Santé cherche à éradiquer la poliomyélite qui, en 2010, n’était
plus endémique que dans quatre pays mais qui était encore épidémique dans plus de 23 pays.
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L'immunisation
Pour de plus amples renseignements sur l'éradication de la poliomyélite, visitez le site Web de l'Initiative mondiale pour l'éradication de la poliomyélite :
www.polioeradication.org/.
Le Guide canadien d'immunisation dresse une liste des vaccins recommandés pour les Canadiens. On peut le consulter sur le site Web de l'Agence de la santé
publique : http://origin.phac-aspc.gc.ca/publicat/cig-gci/index-fra.php.
D'autres mesures de lutte à long terme peuvent également s'avérer nécessaires. L'éclosion de listériose de 2008 au Canada a suscité un débat sur
la possibilité d’exercer un contrôle législatif sur les fabricants de produits alimentaires. Dans le cas des maladies d'origine hydrique au sein de la
Première Nation de Kashechewan, on a recommandé, pour prévenir des problèmes ultérieurs, de moderniser l’usine et les procédés de traitement
des eaux, de former du personnel et d’améliorer les méthodes si la qualité de l'eau n'était pas conforme aux normes établies.
La transmission des maladies infectieuses
Le fait de connaître l'histoire naturelle d'une maladie infectieuse est un élément important pour prévenir sa transmission. Les contacts d'un cas
doivent être surveillés pendant la période d'incubation de la maladie. Il peut être nécessaire d’isoler les cas et de mettre les contacts en quarantaine
pendant la période de transmissibilité. On peut identifier d'autres façons de prévenir la transmission à l'aide du modèle agent-hôte-environnement
décrit dans le deuxième chapitre :
Agent
1. Destruction ou affaiblissement de l'agent à l'extérieur de l'organisme (produits nettoyants, incinération)
2. Destruction ou affaiblissement de l'agent à l'intérieur de l'organisme (utiliser l’antibiotique ou l’antiviral qui convient pendant la période nécessaire)
Hôte
1. Barrières physiques (masques, pantalons longs lors des randonnées dans les régions où la maladie de Lyme est présente)
2. Diminution de la possibilité de transmission (isoler les cas infectieux, mettre les contacts en quarantaine, tousser dans sa manche, traiter les cas
rapidement et adéquatement)
3. Augmentation de la résistance spécifique (vaccination, prophylaxie)
4. Augmentation de la résistance générale (nutrition, exercice)
Environnement
1. Hygiène et assainissement (propreté de l'eau et des égouts, logements adéquats)
2. Contrôle du vecteur (drainage des aires de reproduction des moustiques, hygiène des mains, respect des mesures de lutte contre les infections
par les professionnels de la santé)
3. Programmes de santé (programmes d'immunisation gratuits avec système d'appel et de rappel, notification des partenaires dans les cas
d'infections transmissibles sexuellement)
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La perspective d'un géographe
Jacques May, un géographe médical, est le premier à proposer le modèle écologique de la santé. Il perçoit la maladie comme une réduction de la survie causée
par l’inadaptation d'une personne à son milieu.7 La capacité individuelle à s’adapter à l’environnement est génétique mais, d'habitude, elle est modulée par les
traits et les comportements associés à la culture. May cite l'exemple du taux élevé d'hémoglobine qui permet aux populations en altitude de survivre. Ce taux est
normal dans leur cas mais serait le signe d’une maladie chez les personnes vivant au niveau de la mer.
Ces idées amènent May à mettre au point un modèle des éléments d'une maladie transmissible :8
L'agent : il cause la maladie (p. ex., le parasite Plasmodium, qui cause le paludisme) ;
Le vecteur : il transmet l'agent à l'hôte (p. ex., le moustique Anopheles, qui transmet le paludisme) ;
Les éléments géogènes : ce sont les facteurs du milieu physique (p. ex., l'humidité, la température et la végétation qui permettent la survie de Plasmodium et
d’Anopheles) ;
L'hôte : l'humain susceptible.
Figure 11.4 : Modèle de maladie transmissible de May plaçant la triade épidémiologique dans son environnement
Il est important de tenir compte des caractéristiques suivantes des maladies transmissibles lorsque l'on tente d'interrompre leur transmission :
Période d'incubation : intervalle entre l'infection et l'apparition des premiers symptômes ou signes. Les personnes ayant été en contact avec une
maladie infectieuse doivent être observées pendant cette période pour voir si elles présentent des symptômes. L'intervalle entre l'exposition
probable à l'infection et l’apparition des symptômes représente la période d'incubation probable et peut aider à choisir entre plusieurs diagnostics
possibles. Par exemple, il est probable qu'un cas de gastroentérite qui survient rapidement après la consommation d'un aliment suspect est causé
par une toxine, comme celle produite par la bactérie Staphylococcus, alors qu'un délai de six heures ou plus indique la présence d'un agent
infectieux, comme la bactérie Salmonella.
Fenêtre sérologique : délai entre l'infection et le moment où il est possible de la détecter. Certaines maladies, par exemple l'infection par le VIH,
ont une fenêtre sérologique prolongée, pendant laquelle elles peuvent être transmises. Aux premiers stades de l'infection par le VIH, les résultats de
test négatifs peuvent faussement rassurer le patient, qui peut continuer son comportement à risque et mettre d'autres personnes en danger.
Période de transmissibilité : intervalle pendant lequel une personne peut transmettre une maladie. Afin de prévenir la transmission, on doit
prendre les précautions appropriées tout au long de cette période. Certains organismes, comme le virus de l'hépatite B ou la bactérie Salmonella
typhi, peuvent causer un état porteur chronique où le patient semble guéri de la maladie mais continue de la transmettre aux personnes
susceptibles.
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Un exemplaire de ce permis se trouve au http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/. Les autorisations dépassant l'étendue de ce permis se trouvent au http://www.afmc-phprimer.ca/termsofuse.
Le cas de Mary Mallon
Mary Mallon (surnommée « Typhoid Mary ») était une cuisinière à New York à la fin du xixe et au début du xxe siècle. Elle était porteuse du bacille de la typhoïde,
dont elle a probablement infecté environ 55 personnes. Pour en apprendre davantage à son sujet, visitez le site :
www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1911442/pdf/bullnyacadmed00595-0063.pdf
Taux d'attaque : proportion des personnes exposées qui deviennent infectées. C'est un marqueur de l'infectiosité, laquelle désigne la capacité
d'un organisme à envahir un hôte, à survivre à l’intérieur et à s’y multiplier. Le virus du VIH, par exemple, n'est pas très infectieux ; les victimes de
piqûres d’aiguille accidentelles peuvent donc être quelque peu rassurées mais les conséquences de l’infection à VIH sont si graves que l'on
recommande habituellement des mesures prophylactiques immédiates. À l'opposé, la rougeole est très infectieuse, même avant que l'éruption
cutanée typique apparaisse. L'immunisation systématique est donc la meilleure façon d’en réduire la transmission.
Pathogénicité : proportion des personnes infectées qui développent la maladie clinique. Par exemple, les jeunes enfants peuvent développer des
anticorps contre le virus de l'hépatite A sans manifester de signes de la maladie, ce qui est beaucoup plus rare chez les adultes. L'hépatite A est
donc moins pathogénique chez les enfants que chez les adultes. Un autre exemple est la bactérie Corynebacterium diphtheriae, qui ne produit la
diphtérie que lorsqu'elle est porteuse du bactériophage qui produit la toxine responsable de la diphtérie.
Virulence : proportion des personnes atteintes de la maladie clinique qui deviennent gravement malades ou qui en meurent (gravité). Le virus du
rhume de cerveau n'est pas virulent ; le virus d'Ebola, lui, l'est.
Létalité : proportion des personnes atteintes d'une maladie qui y succombent. La létalité est associée à la virulence. Plus une maladie est
virulente, plus il est probable que sa létalité soit élevée, et plus il est urgent d'en maîtriser la transmission. C'est pourquoi les médecins qui
diagnostiquent des maladies virulentes, comme des méningococcies, doivent aviser les autorités de santé publique dès que possible par téléphone ;
la déclaration des maladies moins virulentes ne presse pas autant.
Immunité collective : résistance d'un groupe ou d'une communauté à l’invasion et à la propagation d'un agent infectieux. Si un nombre suffisant
de personnes dans la communauté sont immunisées contre un agent, il est très probable que la chaîne de transmission se brisera avant que l'agent
ne touche des personnes non immunisées. L'immunité du groupe protège donc les membres non immunisés. Cela n’est possible que pour les
agents qui se transmettent d'une personne à l'autre. S'il existe un vaccin contre l'agent en question, il contribuera à l'immunité collective et,
possiblement, à l'éradication de la maladie.
La mise en quarantaine
Le mot « quarantaine » vient de l’italien quaranta giorni, qui signifie 40 jours. Au xive siècle, à Venise, pour tenter d’enrayer la peste on interdisait aux navires
arrivant au port et aux voyageurs arrivant par voie de terre de franchir les limites de la ville pendant 40 jours. Malheureusement, la quarantaine n'empêchait pas les
rats et leurs puces porteuses de la peste de transporter la maladie des voyageurs en quarantaine aux citoyens.
Les modes de transmission et leur maîtrise
Il existe six grands modes de transmission d’une infection (voir le tableau 11.2). Si le mode de transmission est connu, on peut prendre des
précautions pour prévenir les éclosions. Ces précautions varient en fonction du microorganisme en cause et du contexte. Par exemple, un cas de
grippe dans un foyer normal n'exige pas de précautions strictes mais la situation peut être plus grave dans un établissement de soins de longue
durée. Dans les hôpitaux, l'équipe de lutte contre les infections peut fournir des conseils quant aux précautions à prendre. À l'extérieur des hôpitaux,
on peut consulter les autorités de santé publique locales.
Tableau 11.2 : Modes de transmission des infections et mesures de lutte contre leur propagation. N.B. : les précautions à prendre varient
selon le microorganisme et le contexte de la maladie.
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Contact Direct
Contact physique direct (d'une surface corporelle à une autre) entre la personne infectée et l'hôte
susceptible
Exemples : virus de la grippe ; mononucléose infectieuse ; chlamydia
Précautions : lavage des mains ; masques ; condoms
Indirect
Agent infectieux déposé sur un objet ou une surface (matière contaminée) et qui survit assez longtemps
pour être transféré à une autre personne qui touche l'objet par la suite
Exemples : virus respiratoire syncytial (VRS) ; virus de Norwalk ; rhinovirus ; peut-être le virus de la grippe
Précautions : stérilisation des instruments ; désinfection des surfaces et des jouets dans une école
Par
Toux, éternuements ou (dans un milieu de soins de santé) durant la succion. La taille des gouttelettes est
gouttelettes
relativement grande (>5 µm), et elles peuvent être projetées sur une distance d'environ un mètre.
Exemples : méningocoque ; grippe (son inclusion est controversée) ; virus respiratoires
Précautions : masques ; couvrir la bouche ; demeurer à l'écart
Non
Aéroporté
contact
Transmission par aérosols (particules aéroportées de <5µm) qui contiennent des organismes dans le
noyau de gouttelettes ou dans des poussières. Transmission possible par les systèmes de ventilation.
Exemples : tuberculose ; rougeole ; varicelle ; variole (peut-être aussi la grippe mais son inclusion est
controversée, car elle est plus probablement transmise par gouttelettes)
Précautions : masques ; ventilation par aspiration dans les chambres d'hôpital
Véhicule
Une seule source contaminée transmet l'infection (ou le poison). Il peut s’agir d’une source commune ou
ponctuelle.
Exemples :
a) Source ponctuelle : éclosion d'origine alimentaire provenant d’un lot d'aliments contaminés ; les cas se
présentent habituellement en grappe autour du site (comme un restaurant)
b) Source commune : l'éclosion de listériose au Canada en 2008 était liée à une usine de transformation de
la viande en Ontario. Cette éclosion a été responsable de 20 cas dans cinq provinces. La contamination
délibérée des flacons de Tylenol en 1982 a mené à l'utilisation de contenants inviolables pour les
médicaments. Les cas peuvent être largement dispersés en raison du transport et de la distribution du
véhicule.
Précautions : normes habituelles de sécurité et de désinfection
Transmission Transmission par un vecteur (insecte ou animal)
vectorielle
Exemple : moustiques ? vecteurs du paludisme, tiques ? vecteurs de la maladie de Lyme
Précautions : barrières protectrices (moustiquaires dans les fenêtres et sur les lits) ; insecticides en
pulvérisation ; abattage d'animaux
Les directives de lutte contre les infections en milieu hospitalier
Pour de plus amples renseignements sur la lutte contre les infections en milieu hospitalier, consultez les directives de l'Agence de la santé publique du Canada sur
: http://www.phac-aspc.gc.ca/nois-sinp/guide/ps-sp/index-fra.php
De retour dans son cabinet, le D r Rao téléphone au bureau de santé publique local. On l'informe qu'une infirmière a déjà visité le foyer de soins de longue durée de
Mme Richard et qu'une enquête est en cours. On ignore encore la cause de l’infection. Ensemble, l'équipe de gestion du foyer et l'infirmière de santé publique
envisagent des façons d'isoler les patients touchés et de redistribuer les membres du personnel afin que ceux qui s'occupent des patients malades ne s'occupent
pas des patients non touchés. L’agent de santé publique remercie le D r Rao de son appel.
Les problèmes associés aux soins médicaux
Les infections nosocomiales
Les infections nosocomiales sont le résultat d’une interaction complexe entre une personne qui reçoit des soins, son environnement de soins et les
interventions que ces soins nécessitent. Elles se répandent du personnel aux patients, de l'équipement aux patients, ou d'un patient à l'autre. Dans
les hôpitaux, elles occasionnent souvent la prolongation du séjour. Il y a deux grandes raisons au problème actuel. L’une est le recours accru aux
soins ambulatoires, plutôt qu'aux soins hospitaliers. Cette pratique fait en sorte que les patients hospitalisés sont plus malades et plus vulnérables
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aux infections qu'auparavant. L'autre cause des infections nosocomiales est que les percées technologiques en médecine entraînent des
interventions plus invasives, réalisées à l'aide d'équipement perfectionné qu’il faut stériliser soigneusement mais sans autoclave. Résultats :
davantage de personnes susceptibles sont exposées et les infections ont de nouvelles portes d'entrée, deux facteurs de risque d'épidémie. Dans le
cas des infections par la bactérie Clostridium difficile dans les hôpitaux, d'autres facteurs entrent en jeu tels que l'augmentation de l'utilisation des
antibiotiques, la réduction du personnel d’entretien des chambres, le fardeau de plus en plus lourd du personnel infirmier et, à l'occasion, la vétusté
des installations de soins, y compris les toilettes communes et le manque de chambres d'isolement.9
Pour remédier à ce problème, les cliniciens doivent être très attentifs aux mesures d'isolement et de lutte contre les infections, utiliser des
techniques stériles de manière assidue et se laver les mains avant et après chaque patient. Ils doivent aussi s'assurer que tout l'équipement est
stérilisé de manière appropriée et ne pas réutiliser l'équipement à usage unique. Les mesures environnementales, comme le nettoyage et l'aération
appropriés des cliniques et des hôpitaux, l'espace suffisant entre les lits dans les unités de soins et entre les chaises dans les salles d'attente, la
séparation des aires stériles et non stériles, réduisent également la transmission des infections. D'autres mesures environnementales, comme
l’emplacement judicieux des lavabos et des désinfectants pour les mains, ainsi que de l'équipement destiné aux mesures de précaution, incitent le
personnel à respecter les directives d'hygiène.
Pour savoir plus sur les infections nosocomiales au Québec vous pouvez lire D’abord, ne pas nuire? Les infections nosocomiales au Québec, un problème majeur
de santé, une priorité RAPPORT DU COMITÉ D’EXAMEN SUR LA PRÉVENTION ET LE CONTRÔLE DES INFECTIONS NOSOCOMIALES, Léonard Aucoin et coll.
Québec 2005
http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2005/05-209-01web.pdf
La résistance antimicrobienne
Bien avant la venue des produits antimicrobiens, les microbes avaient le potentiel d'y résister. On l'a remarqué lorsque les premiers antimicrobiens
ont été utilisés dans les années 1920 et 1930. Jusque dans les années 1970 environ, la science pharmaceutique a pu contrer cette résistance en
créant de nouveaux produits antimicrobiens. Depuis, la mise au point d’antimicrobiens efficaces contre les souches résistantes connaît un déclin et
la résistance antimicrobienne est devenue un problème mondial.
Plusieurs facteurs favorisent la croissance de la résistance antimicrobienne :
L’utilisation inappropriée des antimicrobiens : le recours aux antimicrobiens contre des infections qui s’épuisent d’elles-mêmes, le recours aux
produits les plus modernes plutôt qu'à des produits efficaces mais plus anciens, le recours à des produits à large spectre plutôt qu’à des
produits appropriés à spectre plus limité.
L’utilisation inadéquate des antimicrobiens : une dose trop faible, une prise de médicaments trop courte, un mauvais choix de voie
d'administration, bref, tout ce qui peut exposer les microbes infectieux à un produit antimicrobien sans les éradiquer permet la survie des
microbes qui ont une certaine résistance à ce produit. Le problème se pose particulièrement lorsqu’on soigne certaines infections, comme la
tuberculose, qui exigent que le patient poursuive son traitement pendant un an ou plus.
L'utilisation de produits antimicrobiens en médecine vétérinaire par mesure préventive ou pour promouvoir la croissance animale : l'élevage
intensif d’aujourd’hui favorise la transmission des infections d’origine animale. On ajoute souvent des produits antimicrobiens aux aliments
pour animaux pour prévenir la perte de bétail (et de profits) due aux infections et pour promouvoir la croissance des animaux (et les profits).
Cette faible dose continue favorise l'émergence de souches résistantes aux antimicrobiens, qui peuvent ensuite infecter les humains
directement ou transmettre leur résistance à d'autres microbes qui infectent les humains.
La résistance aux antimicrobiens à l’échelle mondiale
Pour de plus amples renseignements au sujet de la résistance aux antimicrobiens et des stratégies de riposte dans une perspective mondiale, visitez le site
http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs194/fr/index.html.
Pour réduire la propagation de la résistance, les médecins doivent prescrire avec plus de discernement et renseigner les patients sur l'utilisation
appropriée des antibiotiques et les dangers de l’antibiorésistance. Le diagnostic doit être correct. Une patiente qui tousse et dont le nez coule n’a
pas nécessairement une infection : elle pourrait avoir une allergie. Même en présence d'une infection, si les symptômes sont légers, il s’agit
probablement d’une infection virale et qui s’épuisera d’elle-même. Dans les deux cas, les antibiotiques ne sont pas indiqués. En milieu hospitalier, où
les patients sont plus malades et les antimicrobiens sont utilisés de manière intensive sur des périodes prolongées, on peut réduire la propagation
de la résistance en respectant les consignes de lutte contre les infections.
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La loi du microbe le plus fort10
Comme tous les organismes vivants, les microbes sont sujets aux pressions évolutionnaires. La survie de la souche dépend de son efficacité à se répandre d'un
hôte à l'autre. Les microbes dont la transmission dépend d'un rapprochement entre l'hôte et une personne susceptible n’ont pas intérêt à avoir une virulence élevée.
Il est préférable que l'hôte soit en bonne forme pour se déplacer et transporter le microbe vers d'autres hôtes. Le rhume de cerveau en est un bon exemple. Il ne
rend pas la personne malade au point de limiter sa mobilité mais il cause une irritation des voies respiratoires supérieures qui entraîne de la toux et des
éternuements, lesquels transmettent l'agent par gouttelettes ; c’est très efficace. Un autre exemple est l'oxyure femelle, un parasite qui dépose adroitement ses ?ufs
autour de l'anus d'un enfant, en même temps qu'un allergène qui cause des démangeaisons. L'enfant se gratte, les ?ufs se retrouvent sur ses doigts et sont
transférés à des jouets et à d'autres personnes. Les microbes qui causent des infections transmissibles sexuellement sont propagés par contacts intimes
intermittents et ont besoin d’une stratégie différente. Les infections par la gonorrhée, le chlamydia et la syphilis peuvent infecter sans être détectées ; leurs hôtes
poursuivent donc une vie sexuelle active, assurant ainsi la propagation continue des microbes.
Les pathogènes qui se transmettent par un vecteur intermédiaire (comme une puce ou un moustique) peuvent se propager même à partir d'un hôte immobilisé, tant
que la santé du vecteur est relativement bonne. Ces pathogènes ont intérêt à se reproduire rapidement dans leur hôte, car plus l'hôte transporte de microbes, plus il
est probable qu’un microbe sera transmis à un vecteur transitoire. Le parasite Plasmodium peut être présent en grand nombre dans la circulation sanguine pendant
les fièvres périodiques qui caractérisent le paludisme et cause habituellement l'alitement du patient. Plus le patient est malade, moins il est probable qu'il se
préoccupe du moustique qui se nourrit de son sang en ingérant le parasite pour le transmettre à la prochaine victime. De même, les agents qui survivent longtemps
à l'extérieur d'hôtes humains peuvent se permettre d'être virulents. Par exemple, Bacillus anthracis et Clostridium tetani survivent pendant des années dans la terre
et peuvent causer la mort en très peu de temps. Ici encore, la capacité de ces bactéries de se reproduire rapidement favorise leur propagation : la charge
bactérienne du patient est élevée lorsqu'il meurt et les bactéries retournent dans la terre et attendent patiemment un autre hôte.
En général, une maladie qui se propage par l’entremise des préposés aux soins (des infirmières ou des médecins qui transportent le pathogène d'un patient à
l'autre sans être eux-mêmes infectés) a tendance à être très virulente. Par contre, pour continuer à se propager, le microbe ne peut nuire au préposé ; la dose
transmise doit donc être petite. Une petite dose d'un pathogène moins virulent ne cause pas nécessairement une infection. Selon cette logique, la création de
barrières contre la transmission de certains microbes d'origine extra-hospitalière peut réduire leur virulence à long terme tout en luttant contre les éclosions dans
l’immédiat. En effet, afin de franchir les barrières, les microbes doivent infecter leurs hôtes pendant des périodes plus longues, tout en s'assurant que leur état de
santé est assez bon pour qu'ils transmettent l'infection. En théorie, il est donc possible de contribuer à l'évolution de formes moins virulentes de ces organismes. Il
est possible que l'une des raisons de l'impact énorme de la pandémie de la grippe de 1918-1919 ait été l'apparition du virus à un moment favorable à la
transmission d'un virus qui aurait été difficilement transmissible dans des conditions sociales normales.
Les maladies à déclaration obligatoire
Les médecins sont tenus de déclarer les cas de certaines maladies infectieuses. Malheureusement, beaucoup ne le font pas. La déclaration des
maladies est nécessaire pour attirer l'attention vers des éclosions possibles ou des cas uniques auxquels il faut riposter rapidement. La base de
données des maladies à déclaration obligatoire peut servir à évaluer la riposte et à suivre les fluctuations à long terme de l'incidence d’une maladie,
lesquelles peuvent indiquer des changements de comportement du pathogène ; il faut alors intervenir à plusieurs niveaux.
Au Canada, l'administration du système d'information sur les maladies à déclaration obligatoire est une responsabilité provinciale et territoriale.
L'Organisation mondiale de la Santé énumère les maladies devant être déclarées à l'échelle mondiale. L'Agence de la santé publique du Canada en
énumère certaines qui doivent être déclarées à l'échelle fédérale, et les provinces et territoires peuvent en ajouter d'autres à déclarer à l’intérieur de
leurs frontières. Toutes les maladies infectieuses ne sont pas à déclaration obligatoire. L'Agence de la santé publique dresse la liste en fonction des
caractéristiques suivantes des maladies :11
l’intérêt qu’elles présentent pour les règlements ou les programmes de prévention nationaux ou internationaux ;
leur incidence nationale ;
leur gravité ;
leur transmissibilité ;
leur potentiel de causer des éclosions ;
les coûts socioéconomiques liés aux cas ;
la disponibilité des moyens de prévention ;
la perception publique de leur risque ;
le besoin d'une intervention de santé publique ;
leurs signes d’évolution.
Certaines autorités provinciales et territoriales de santé publique obligent les médecins à communiquer avec elles s'ils soupçonnent l’éclosion d’une
maladie infectieuse, quelle qu’elle soit. Certaines listes comprennent des maladies non infectieuses pouvant être causées par des dangers
environnementaux, comme les intoxications par les métaux lourds ou par le monoxyde de carbone.
Les médecins doivent signaler une maladie à déclaration obligatoire lorsque l’examen clinique et celui des antécédents médicaux d’un patient leur
fait soupçonner une maladie à déclaration obligatoire ; ils n’ont pas à attendre les résultats des analyses. En fait, les maladies qui pourraient poser
un danger immédiat ou grave à la santé publique doivent être signalées par téléphone dans les plus brefs délais. Les laboratoires avisent les
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autorités de santé publique des cas de maladies obligatoires lorsqu’ils obtiennent des résultats positifs. Comme il est difficile de diagnostiquer
certaines maladies avec certitude sans analyse en laboratoire, alors que d'autres n'exigent pas de test, la liste des maladies que les laboratoires
doivent obligatoirement déclarer est légèrement différente de celle des médecins.
Questions d'auto-évaluation
1. Pourquoi les souches antibiorésistantes posent-elles des problèmes depuis quelques années ?
2. Quelles précautions doit prendre un clinicien pour lutter contre la transmission des maladies infectieuses en milieu clinique ?
3. Pourquoi le rhume de cerveau n'est-il pas une maladie à déclaration obligatoire ?
4. Quelles maladies doivent être déclarées dans votre province/territoire ?
1. Énumérez les étapes de la lutte contre une éclosion.
Confirmer la présence d'une éclosion ;
Définir ce qui constitue un cas et reconnaître les cas ;
Formuler des hypothèses pour expliquer les causes et mettre en ?uvre des mesures de lutte initiales ;
Tester les hypothèses en analysant les données de surveillance ou au moyen d’études spéciales ;
Tirer des conclusions et modifier les hypothèses et les mesures de lutte, s'il y a lieu ;
Planifier des mesures de prévention et de surveillance à long terme.
2. Quels sont les avantages de la vaccination dans la lutte contre les maladies infectieuses ?
La vaccination offre une protection durable qui réduit les probabilités qu'une personne contracte une maladie spécifique. C’est une forme de prévention passive,
étant donné qu'une collaboration continue n'est pas nécessaire à sa réussite. Elle peut interrompre la chaîne de transmission, et ainsi prévenir ou stopper les
éclosions, voire même éradiquer la maladie en l'absence de réservoir animal.
3. Un patient hospitalisé a contracté la bactérie Clostridium difficile. Quelles précautions faut-il prendre ?
Clostridium difficile se propage par contact direct et indirect. La propagation indirecte peut se faire par le personnel soignant ou par des surfaces. Un bon lavage ou
nettoyage des mains est essentiel, tout comme le nettoyage en profondeur de la chambre après le départ d'un patient infecté.
Bibliographie
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2. Holland WW, Detels R, Knox G (editors). The Oxford textbook of public health. Oxford: Oxford University Press; 1991.
3. Kelsey JL, Whittemore AS, Evans AS, Thompson WD. Methods in observational epidemiology. New York: Oxford University Press; 1996.
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behavior. Plos Biology 2006 Apr;4(4):e82.
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http://www.attorneygeneral.jus.gov.on.ca/english/about/pubs/walkerton/part1/. Accessed July, 2009.
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adolescents and young adults. CMAJ 2006 Aug 29;175(5):483-488.
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2006 1st October;32(19).
AFMC Petit Guide de la santé des populations
Chapitre 12 L'organisation des services de santé au Canada
« Chaque système est parfaitement conçu pour atteindre précisément les résultats qu'il atteint. »
(Don Berwick, Institute for Healthcare Improvement, Boston)
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Après avoir assimilé ce chapitre, le lecteur sera en mesure :
de décrire les services de santé au Canada et la manière dont ils touchent à la santé des populations et des personnes qui en font partie;
de connaître et de comprendre l'histoire, la structure et le fonctionnement du réseau de santé canadien;
de décrire de façon générale :
o les méthodes de réglementation des professions de la santé et des établissements de santé;
o la disponibilité et la distribution des ressources humaines en santé de même que les prévisions à cet égard;
o l’affectation des ressources en santé;
o l'organisation du réseau de santé publique;
de décrire les principales fonctions de la santé publique en ce qui a trait à l'évaluation de la santé des populations, à la surveillance de la santé, à la
prévention des maladies et des blessures, à la promotion de la santé et à la protection de la santé.
Après l'éclosion de diarrhées dans le foyer de soins de longue durée où la mère de Paul est pensionnaire, ce dernier et son épouse Julie s'inquiètent à son sujet. Ils
savent bien qu'elle aimerait mieux vivre à la maison. Ils pensent être en mesure de l'héberger, mais le D r Rao se demande si c'est faisable. Mme Richard doit être
surveillée constamment, au moins deux personnes doivent l'aider à prendre un bain, et il lui arrive d'être incontinente. Elle a aussi besoin de physiothérapie pour
prévenir les contractures et la bronchopneumonie. Julie et Paul sont disposés à apprendre et à lui fournir les soins dont elle a besoin. Le D r Rao sait que la majorité
des malades chroniques sont pris en charge par les membres de leur famille et non pas par les services de soins de santé. De plus, il sait que beaucoup d'aidants
naturels sont épuisés parce qu'ils doivent toujours être disponibles. Ils ont parfois de la difficulté à obtenir le soutien nécessaire de la part des services de soins de
santé. Ils ont même souvent de la difficulté à obtenir du répit à court terme.
Le D r Rao communique avec l’équipe de gériatrie de l'hôpital de Weenigo pour avoir des conseils sur la prise en charge médicale. L'agent de liaison suggère que
les Richards communiquent avec le travailleur social local pour discuter des services à domicile qui sont offerts. L'un des principaux problèmes de Paul et de Julie
est de déterminer ce qui est couvert par le régime d'assurance-maladie et s'ils ont droit à une aide financière. Ils devront ensuite déterminer où obtenir des services.
Les éléments d'un système de soins de santé
Les systèmes de soins de santé sont des organisations complexes, avec des organismes de réglementation, de financement et de prestation de
services, qui offrent un accès aux soins de santé conformément aux objectifs et aux valeurs de la société. Il est possible de comparer ces systèmes
à une maison (voir la figure 12.1). Le toit correspond aux objectifs et aux valeurs de la société; il abrite la prestation de services, laquelle est fondée
sur les lois et les règlements qui régissent les relations entre les fournisseurs (les chambres de la maison), les organismes de financement (la
source d'énergie) et les citoyens. Les règlements déterminent également qui peut fournir des soins (porte arrière) et qui peut y accéder (porte
principale). Notons que ce modèle peut être appliqué à l'ensemble du pays ou à de plus petites régions. Il peut aussi s’appliquer à des programmes
spécifiques, comme les soins aux patients atteints de cancer ou du VIH/sida.
Figure 12.1 : Description d'un système de soins de santé
(élaborée à partir d'un modèle de l'OCDE1)
Les objectifs et les valeurs de la société
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Comme dans la plupart des pays développés, au Canada, les soins de santé sont considérés comme une ressource pour tous, même pour ceux qui
n’ont pas les moyens de payer. Il ne s'agit donc pas d'une marchandise qui peut être achetée et vendue dans un marché libre. Au cours des
150 dernières années, plusieurs évènements ont fait en sorte que les Canadiens s'attendent à ce que le gouvernement soit de plus en plus impliqué
dans l'organisation des services de santé. Ces évènements sont :
l'urbanisation, qui a rompu les réseaux sociaux informels qui offraient des soins sociosanitaires aux personnes dans le besoin;
la Crise de 1929, pendant laquelle les gouvernements se sont impliqués dans les secours, et après laquelle les gens n’ont plus jamais voulu
avoir à mendier des services de santé ou de bien-être;
les deux guerres mondiales, après lesquelles des gens sont devenus infirmes et veufs (ou veuves) au nom de leur pays et ont voulu être
compensé.
Pendant ce temps, les progrès de la médecine ont amélioré l’efficacité des technologies de la santé. Les gouvernements, reconnaissant que les
gens bien portants étaient plus productifs sur le plan économique que les gens en mauvaise santé, ont commencé à se rendre compte des
avantages de fournir des services de soins de santé. « Le tableau chronologique des services de santé au Canada » (voir l’encadré) présente
l'évolution graduelle des lois en réponse aux pressions sociales.
Le tableau chronologique des services de santé au Canada
Tableau 12.1 : Étapes clés du développement du système de soins de santé au Canada
1867 Loi constitutionnelle
Bien que cette loi ne mentionne pas spécifiquement les soins de santé, elle donne aux provinces un pouvoir législatif, surtout réglementaire, lié à « la
création, l'entretien et la gestion d'hôpitaux, d'asiles et d'institutions ou établissements de bienfaisance ». La Fédération conserve les pouvoirs liés à
« la quarantaine; la création et l'entretien d'hôpitaux maritimes ».
1914 Sarnia, en Saskatchewan. Cette municipalité rurale innove en offrant des provisions sur honoraires aux médecins qui s’engagent à exercer dans la
région. Le plan garantit un revenu aux médecins tout en leur permettant de facturer leurs services.
1916 Saskatchewan. La province édicte la Rural Municipality Act qui permet aux municipalités rurales de prélever des impôts fonciers pour subventionner la
retention de l'effectif de médecins.
1917 Saskatchewan. La loi provinciale accorde aux municipalités le droit de prélever des impôts pour financer les soins hospitaliers.
1920 Un ministère fédéral de la Santé est créé en réponse à la pandémie de grippe de 1918?1919 et pour veiller au bien-être des soldats de retour. Le
nouveau ministère est chargé de la mise en ?uvre de campagnes contre les maladies vénériennes et la tuberculose ainsi que de la promotion du bienêtre des enfants. Il prend la relève du ministère de l'Agriculture pour ce qui est de la quarantaine et des normes sur les aliments et les médicaments.
1934 Terre-Neuve. Le réseau d' « hôpitaux pavillons » et le régime d'assurance-maladie fournissent des soins aux communautés éloignées.
1935 Les provinces contestent avec succès un plan fédéral qui prévoit le financement de certains avantages sociaux et de prestations de maladie par la
perception d’impôts. Le Conseil privé britannique déclare que les soins de santé n'incombent pas au gouvernement fédéral.
1947 La Saskatchewan instaure un régime public d'assurance pour les services hospitaliers. Le gouvernement fédéral a fait une première tentative en ce
sens, mais elle échoue parce que les gouvernements fédéral et provinciaux n'arrivent pas à s'entendre sur les arrangements financiers.
1957 Le gouvernement fédéral adopte la Loi sur l'assurance-hospitalisation et les services diagnostiques en 1957. Elle est mise en ?uvre en 1958 et finance
en moyenne 50 % des services hospitaliers des provinces à certaines conditions, comme la prestation de soins universels à la population, le respect
des normes de base prescrites dans la loi et la tenue adéquate de dossiers et de comptes.2,3
1961 Les dix provinces adhèrent à la Loi sur l'assurance-hospitalisation et les services diagnostiques.
1966 La Loi sur les soins médicaux assure un accès universel aux services médicaux.
1971 Toutes les provinces ont en place des programmes conformes à la Loi sur les soins médicaux.
1984 La Loi canadienne sur la santé est adoptée.
La Loi canadienne sur la santé
Au Canada, comme le prévoit la Loi constitutionnelle de 1867, la prestation des soins de santé est de compétence provinciale. Théoriquement,
chaque province ou territoire peut gérer les soins de santé de manière complètement différente (ce qui est le cas à certains égards). La Loi
canadienne sur la santé, déposée en 1984, étoffe la Loi constitutionnelle. Elle vise « à protéger, à promouvoir et à rétablir le bien-être physique et
mental des résidents du Canada, et à leur donner, dans des conditions raisonnables, accès aux services de santé, sans que des obstacles
financiers ou d'un autre ordre s'y opposent ». La Loi s'applique à tous les services médicalement nécessaires au maintien de la santé, à la
prévention des maladies, ou qui servent au diagnostic ou au traitement des blessures, maladies ou invalidités, y compris l'hébergement et les repas,
les services médicaux et infirmiers, les médicaments et tout le matériel et l’équipement médical et chirurgical.
La Loi canadienne sur la santé précise que le gouvernement fédéral est chargé de fournir des subventions aux provinces et terriroires si elles se
conforment aux principes de la Loi. Cela permet au gouvernement fédéral d'assurer une certaine continuité d'un système de santé provincial à
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l’autre. À l'origine, le gouvernement fédéral fournissait la moitié du financement des services de santé, mais cette proportion a baissé au fil des ans,
érodant par le fait même l’influence fédérale sur les politiques provinciales. La Loi se fonde sur les principes suivants :
La gestion publique : le régime provincial ou territorial d'assurance-santé doit être géré par une autorité publique, sans but lucratif, qui répond de
ses opérations financières auprès du gouvernement provincial ou territorial;
L'intégralité : tous les services médicalement nécessaires fournis par les hôpitaux, les dentistes travaillant en milieu hospitalier et les médecins
doivent être assurés;
L'universalité : toutes les personnes assurées ont droit à l'assurance-santé publique selon des modalités uniformes;
L'accessibilité : toutes les personnes assurées doivent avoir un accès raisonnable aux services médicaux et hospitaliers médicalement
nécessaires, sans obstacle d'ordre financier ou autre;
La transférabilité : le régime doit offrir des services d'urgence à toutes les personnes assurées qui voyagent dans une autre province ou un autre
territoire du Canada. Lorsqu'une personne assurée déménage à l'intérieur du Canada, elle doit pouvoir transférer son régime d’assurance à celui de
sa province ou de son territoire de destination.
La loi interdit spécifiquement la surfacturation et les frais modérateurs pour les services assurés, à savoir :
Les services hospitaliers médicalement nécessaires au maintien de la santé, à la prévention des maladies et au diagnostic ou au traitement des
blessures, maladies ou invalidités, y compris l'hébergement et les repas, les services médicaux et infirmiers, les médicaments, ainsi que le matériel
et l’équipement médical et chirurgical (cependant, la Loi ne précise pas quels services ou médicaments sont « médicalement nécessaires »);
Les services médicalement nécessaires fournis par un médecin;
Les services de chirurgie dentaire nécessaires sur le plan médical et qui ne peuvent être fournis convenablement que dans un hôpital.
La Loi canadienne sur la santé demeure le fondement de notre système de soins de santé, bien qu'elle ne vise que les services hospitaliers (y
compris les services professionnels offerts en milieu hospitalier) et les services médicaux à l'extérieur des hôpitaux. Certaines modifications ont été
apportées au mode d’affectation des fonds aux provinces et territoires, lequel permet au gouvernement fédéral de décider de l’orientation des soins
de santé, mais les principes qui sous-tendent la loi restent les mêmes. C’est par son importante contribution financière que le gouvernement fédéral
peut influencer les systèmes de santé provinciaux et territoriaux.
L'organe de réglementation
Les soins de santé au Canada sont une responsabilité partagée. En réalité, le Canada a 14 systèmes de soins de santé plutôt qu'un seul. Il existe
un système différent dans chaque province et territoire. Le gouvernement fédéral établit les normes et les principes, et participe au financement des
services provinciaux et territoriaux de soins de santé. Les provinces et les territoires sont chargés de l'administration et de la prestation des services
pour la majorité de la population. Le gouvernement fédéral est chargé de la prestation des services aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis,
aux membres de la GRC, aux membres et aux anciens combattants des Forces canadiennes, aux prisonniers dans les pénitenciers fédéraux et aux
demandeurs d'asile. Il joue également un rôle dans la coordination de la promotion et de la protection de la santé de la population; il contribue à la
surveillance et à la prévention des maladies, appuie la promotion de la santé par le biais de l'Agence de la santé publique du Canada, et réglemente
les médicaments, les dispositifs médicaux, les aliments et la sécurité des consommateurs par le biais du ministère de la Santé.
Les gouvernements provinciaux respectent les principes de la Loi canadienne sur la santé pour fournir des services de soins de santé qui répondent
aux besoins de la population. Ils planifient, financent et évaluent les soins hospitaliers, les soins médicaux, les soins de santé paramédicaux, les
médicaments sur ordonnance en milieu hospitalier, ainsi que la santé publique, et ils négocient les honoraires des professionnels de la santé. La
plupart des provinces s'acquittent de leurs obligations par l’entremise de conseils régionaux. Le processus décisionnel est ainsi décentralisé, et les
besoins communautaires sont comblés plus efficacement. Ces conseils supervisent les services publics, y compris les hôpitaux, les établissements
de soins de longue durée, les soins à domicile et les services de santé publique.
En plus de fournir des soins hospitaliers dans le cadre de la Loi canadienne sur la santé, la plupart des provinces et territoires ont des régimes
spéciaux pour les résidents à faible revenu et les personnes âgées, et pour couvrir les coûts des médicaments hors des hôpitaux, des ambulances
et des soins auditifs, oculaires et dentaires. Certaines provinces et territoires financent des cliniques de santé communautaire qui offrent un éventail
de services professionnels dans la communauté. Certaines subventionnent des programmes extra-muros qui offrent divers types de soins à
domicile aux patients, notamment des soins palliatifs, des soins postopératoires, des évaluations de soins de longue durée, des services de
réadaptation, etc. La figure 12.2 montre les tendances dans la proportion des dépenses totales (publiques et privées) affectée aux différents
secteurs de services.
La réglementation des fournisseurs
Les gouvernements s'assurent par divers moyens que les fournisseurs de soins de santé satisfont à certaines normes :
En définissant des normes pour les établissements fournisseurs de soins et qui sont subventionnés par l'État. Certains de ces établissements
doivent renouveler périodiquement leur agrément. Au sein des établissements, il existe généralement des normes qui obligent les
professionnels à se soumettre à des évaluations périodiques des actes médicaux.
En réglementant les professions de la santé. L'exercice d’une profession réglementée : 1) relève de lois provinciales ou fédérales, et 2) est
régi par un ordre professionnel ou un organisme de réglementation, par exemple un collège de médecins ou un ordre d'infirmières. Étant
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donné que plusieurs de ces organes de réglementation sont provinciaux, il existe des différences entre les provinces et territoires. (On
trouvera des exemples de professions réglementées dans l'encadré Pour les mordus.) Il existe des praticiens qui se définissent comme des
fournisseurs de soins de santé à part entière, mais qui ne sont pas membres d'un ordre professionnel. Ils ne sont donc pas tenus de prouver
leur aptitude à exercer ni de respecter un code de déontologie.
Le rôle des ordres professionnels
Il est important de noter que les organismes provinciaux qui régissent la pratique professionnelle se distinguent des groupes qui représentent les intérêts
professionnels. Par exemple, pour les médecins ontariens, le Collège des médecins et des chirurgiens de l'Ontario est l’organe de réglementation reconnu à
l'échelle de la province. Il veille à servir et à protéger le public en régissant les médecins et les chirurgiens de l'Ontario. Quant à l'Ontario Medical Association, elle
représente les intérêts des médecins et n'a aucune fonction réglementaire.
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Quelques professions de la santé réglementées
La réglementation des professions varie selon la province. Par exemple, la Colombie-Britannique est l'une des seules provinces à réglementer la médecine
traditionnelle chinoise et l'acupuncture; elle réglemente aussi la massothérapie, une profession qui ne l'est pas en Ontario. La réglementation de la profession de
sage-femme est de plus en plus répandue au Canada; seules certaines provinces maritimes n'ont toujours pas promulgué ou appliqué de loi à cet effet.
Tableau 12.2 : Exemples de professions de la santé réglementées
Professionnels
Domaine d'expertise ou de pratique
Audiologistes et
Audition et compréhension; troubles de la parole, du langage et de la déglutition
orthophonistes
Chiropraticiens
Diagnostic, traitement et prévention des troubles mécaniques du système musculosquelettique
Dentistes
Évaluation, diagnostic, prévention et traitement des maladies des dents, de la mâchoire, de la bouche, de la région maxillo-faciale et
des structures adjacentes ou connexes
Denturologistes
Interventions orales et activités connexes liées à la conception, à la fabrication, à la réparation ou à la modification de dentiers
amovibles pour le patient partiellement ou complètement édenté
Diététistes
Évaluation de l'état nutritionnel d'une personne, afin de déterminer et assurer la mise en ?uvre d'une stratégie d'intervention visant à
adapter l'alimentation en fonction des besoins pour maintenir ou rétablir la santé
Ergothérapeutes
Aide aux personnes qui doivent apprendre ou réapprendre à gérer les activités quotidiennes importantes pour elles, y compris
s'occuper d'elles-mêmes, d'autrui et de leur foyer, travailler, et participer à des tâches non rémunérées et à des activités de loisir
Hygiénistes dentaires
Hygiène buccale préventive
Infirmières
Soins aux personnes de tout âge, aux familles, aux groupes et aux communautés, en santé ou non, dans tous les milieux
Inhalothérapeutes
Surveillance, évaluation et traitement des personnes atteintes de troubles respiratoires et cardiorespiratoires
Kinésiologues
Évaluation du mouvement et du rendement du corps humain; restauration et prise en charge du corps humain pour maintenir,
réadapter ou améliorer sa mobilité et son rendement
Massothérapeutes
Évaluation des tissus mous et des articulations, traitement et prévention de la dysfonction physique et de la douleur dans les tissus
mous et les articulations à l'aide de manipulations visant à développer, maintenir, réadapter ou augmenter la fonction physique ou à
soulager la douleur
Médecins et
Évaluation et diagnostic de toute déficience de la santé de l'être humain, prévention et traitement des maladies dans le but de
chirurgiens
maintenir la santé ou de la rétablir
Opticiens
Fourniture, préparation et distribution de dispositifs optiques, interprétation des ordonnances préparées par les ophtalmologistes et
les optométristes, appareillage, ajustement et adaptation des dispositifs optiques
Optométristes
Évaluation de l'?il et de l'appareil visuel, évaluation des troubles et dysfonctions sensoriels et moteurs de l'?il et de l'appareil visuel, et
diagnostic des troubles réfractaires
Pharmaciens
Évaluation et distribution des médicaments sur ordonnance; conseils sur leur utilisation appropriée et leur mode d'action
Physiothérapeutes
Gestion et prévention de nombreux problèmes physiques causés par la maladie, les blessures sportives, les accidents de travail, le
vieillissement et les longues périodes d'inaction, basées sur la compréhension des mécanismes du corps et de ce qui l'empêche de
bouger
Podologistes/podiatres Évaluation du pied; traitement et prévention des maladies du pied
Psychologues
Évaluation, traitement et prévention de troubles comportementaux et mentaux
Sages-femmes
Évaluation et surveillance des femmes pendant la grossesse, l'accouchement et la période post-partum, ainsi que des nouveau-nés;
prestation de soins pendant la grossesse, l'accouchement et la période post-partum sans complication, et accompagnement lors
d'accouchements vaginaux spontanés normaux
Technologues de
Tests médicaux sur le sang, les liquides organiques et les tissus
laboratoire médical
Technologues
Conception, fabrication, réparation ou modification de prothèses dentaires et de dispositifs restaurateurs et orthodontiques
dentaires
Technologues en
Application de la radiothérapie, des radiographies, de la médecine nucléaire et de l'imagerie par résonance magnétique
radiation médicale
Travailleurs sociaux
Aide aux personnes, aux familles, aux groupes et aux communautés pour améliorer leur bien-être individuel et collectif; aide au
développement des compétences individuelles et à l’utilisation des ressources personnelles et communautaires pour favoriser
l’autonomie et la résolution de problèmes. Le travail social se préoccupe des problèmes individuels et personnels, ainsi que des
enjeux sociaux plus généraux, comme la pauvreté, le chômage et la violence familiale.
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Les sources de financement
Il existe deux grands modèles de financement des systèmes de soins de santé subventionnés par l'État. Le premier, le modèle de l'assurance
sociale, a recours à des cotisations obligatoires à un fonds d'assurance sociale. Les gouvernements peuvent décider de la manière dont les primes
sont prélevées et de la somme à prélever. Les primes peuvent ainsi être proportionnelles au revenu des particuliers. Dans certains pays, les
citoyens peuvent choisir parmi quelques assureurs; ailleurs, leur choix se limite à un seul assureur national sans but lucratif.
Dans le second modèle, celui en vigueur au Canada, les impôts généraux financent les soins de santé. Cependant, au Canada, seuls les services
hospitaliers et médicaux sont financés par l’État et accessibles à tous. Les autres services sont financés par diverses sources, comme l'assurance
sociale (souvent utilisée pour l’assurance-médicaments), la sécurité sociale, les dépenses personnelles et les assurances privées. Parallèlement, les
programmes provinciaux d'indemnisation des accidentés du travail et de santé et de sécurité au travail sont financés par une forme d’assurance
sociale où ce sont les employeurs qui versent des contributions, lesquelles varient selon le risque inhérent de l'industrie et le rendement antérieur de
l'employeur. La figure 12.2 présente les différentes sources de financement des soins de santé au Canada et la manière à laquelle cet argent est
dépensé.
Figure 12.2 : Tendances dans les sources et l’affectation des budgets
des soins de santé au Canada, 1975 à 2009 Source : ICIS4
Notons que les deux graphiques représentent les proportions budgétaires, et non le budget absolu, lequel augmente.
Financement public et financement privé des soins de santé
Il existe à l'heure actuelle un débat de fond sur le financement des soins de santé, à savoir si l’on doit ou non permettre aux gens de payer de leur
poche ou au moyen d’une assurance privée des services subventionnés par l'État, par exemple pour éviter une longue attente avant une chirurgie.
Selon les partisans du financement privé, cela aurait l’avantage de soulager la pression sur le système public. Cependant, les deux systèmes ont en
commun leurs ressources humaines. Étant donné la pénurie de main d’?uvre qualifiée, notamment parmi les médecins et les infirmières, quand
certains professionnels choisissent d’exercer dans le secteur privé, le secteur public en souffre. De plus, les assureurs privés évitent généralement
d'assurer les personnes atteintes ou qui risquent d'être atteintes de troubles graves et chroniques exigeant des soins complexes et coûteux. Très
peu de gens peuvent se permettre de tels soins sans assurance privée. Par conséquent, on continuerait d'utiliser le financement public pour les
soins les plus chers. La réduction des coûts pour le système public serait donc négligeable ou inexistante. Enfin, les frais administratifs des
assureurs privés sont généralement élevés. Par exemple, au Canada, où la couverture des soins de santé est surtout publique, les frais
administratifs représentent 17 % des dépenses de santé, tandis qu'aux États-Unis, où la couverture est surtout privée, ils représentent 30 % des
dépenses.5
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L'affaire Chaoulli
Le Canada est le seul pays de l'OCDE à interdire l'assurance privée pour les services couverts par les systèmes provinciaux. Cependant, cette interdiction a été
contestée au Québec par Jacques Chaoulli, le médecin d'un patient en attente d'une prothèse de la hanche. La cause a été portée en appel devant la Cour
suprême du Canada en 2004. En 2005, par décision majoritaire, la Cour a déclaré que les articles de la Loi sur l'assurance-maladie et de la Loi sur l'assurancehospitalisation qui interdisent l'assurance privée sont contraires à la Charte québécoise des droits et libertés. Il n’a pas été déterminé, toutefois, si les lois en
question sont contraires à la Charte canadienne des droits et libertés.
Pour beaucoup de gens, cette décision menace le système canadien à assureur unique, ouvrant possiblement la porte à l'assurance privée pour obtenir des
services couverts par l'assurance-maladie étatique. Cela pourrait éventuellement détourner les ressources humaines du système public, réduisant ainsi le niveau
de soins offert à ceux qui ne peuvent se permettre une assurance privée. De plus, étant donné que les systèmes à assureur unique accordent un pouvoir de
négociation important à cet assureur, un système à multiples payeurs entraînerait probablement une hausse des coûts des soins de santé.
Financement privé ou public?
On trouve de plus amples renseignements sur le financement des soins de santé dans l’article « Mythe : Un système privé parallèle réduirait les temps d'attente
dans le système public » publié en mars 2005 sur le site Web de la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé :
www.fcrss.ca/PublicationsAndResources/Mythbusters/ArticleView/05-03-01/5bda3483-f97b-4616-bfe7-d55d0d66b9a0.aspx.
Le ratio 70/30
On trouve de plus amples renseignements sur le système de soins de santé canadien et son financement dans l'article intitulé « Le ratio 70/30 : Le mode de
financement du système de santé du Canada »publié par l'Institut canadien d'information sur la santé sur le site https://secure.cihi.ca/estore/productSeries.htm?
locale=fr&pc=PCC292.
Contrôler les coûts
L'un des principaux problèmes auxquels font face les administrateurs des soins de santé est le contrôle des coûts qui, dans les pays développés,
augmentent constamment depuis les 100 dernières années. La figure 12.3 montre la hausse des coûts par habitant au Canada. Bien que le
vieillissement de la population semble avoir une influence sur cette hausse, certains autres éléments y contribuent largement, comme
l’augmentation de l’accessibilité aux soins de santé, les percées technologiques et le manque d’incitatifs visant à contenir les coûts. La figure 12.2
montrait la proportion du budget affectée à diverses dépenses; on y remarque que même si le total versé aux hôpitaux est en hausse, les dépenses
consacrées aux médicaments sur ordonnance augmentent plus. En somme, la proportion du budget affectée aux hôpitaux est en baisse.
L'utilisation des soins de santé peut changer en fonction de l'offre et de la demande. Pour plusieurs raisons, ces deux facteurs augmentent plus
rapidement dans les pays riches que dans les pays pauvres. Du point de vue de l'offre, les gouvernements des pays riches ont des revenus plus
élevés avec lesquels ils peuvent payer pour les services, et les innovations techniques élargissent la gamme de ces services. Du point de vue de la
demande, les habitants des pays riches sont plus en mesure de payer pour les services de santé. En outre, ils sont mieux informés en raison des
messages sur la santé qui les invitent à consulter leurs professionnels de la santé (les Canadiens âgés, par exemple, ont plus souvent recours aux
services de leur médecin de famille).6,7 L’effet net est que les coûts de santé augmentent plus rapidement que la richesse nationale mesurée par le
produit intérieur brut (voir la figure 12.3).
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Figure 12.3 : Tendances des dépenses totales de soins de santé, Canada, 1975 à 20094
Les progrès technologiques et pharmaceutiques donnent lieu à de nouveaux traitements, qui sont généralement plus coûteux que ceux qu'ils
remplacent. Comme ils sont aussi généralement plus efficaces que les anciens, il est possible qu’ils soient utilisés à plus grande échelle. Par
conséquent, même si un nouveau traitement est moins cher, il peut finir par coûter davantage au système de soins de santé. Les coûts peuvent
aussi augmenter lorsqu'on généralise l’utilisation d’une nouvelle technologie qui était conçue pour une application précise. Par exemple, à l'origine,
le tomodensitogramme était conçu pour examiner uniquement le cerveau, mais il est vite devenu indispensable pour obtenir des images de bien
d'autres parties du corps. De même, les médicaments approuvés pour des indications limitées sont parfois commercialisés pour une gamme
d'indications beaucoup plus étendue.
Enfin, les soins de santé représentent un secteur important de l'économie. Au Canada, les services sociosanitaires emploient environ 12 % de la
population active.8 Cela veut dire qu'environ 12 % des actifs ont intérêt à ce que les niveaux actuels de dépenses en soins de santé se maintiennent
pour conserver leur revenu. De plus, les compagnies qui font de la recherche, qui développent ou fabriquent des technologies et des produits
pharmaceutiques fournissent des emplois, génèrent un revenu pour leurs actionnaires et produisent souvent des biens exportables. C'est pourquoi
ces compagnies possèdent un certain pouvoir politique ainsi qu'un intérêt substantiel dans les soins de santé. Dans ce contexte, la volonté politique
s’exerce dans le sens du maintien ou de l’augmentation des dépenses en soins de santé, et non de leur réduction.
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Les dépenses en soins de santé au Canada 9
En 2007, la dépense en soins de santé s’élevait à 160 milliards de dollars, soit près de 4 900 $ par personne. De ce montant, un peu plus de 3 000 $ représentent
une dépense publique et un peu plus de 1 300 $, ou 30 %, représentent une dépense privée. Le rapport des dépenses publiques sur les dépenses privées est
assez stable, à environ 70/30, depuis le milieu des années 1990.
Tableau 12.3 : Analyse des dépenses en soins de santé au Canada, 2007
Dépenses en soins de santé au Canada en 2007
Secteurs public et privé
Part des dépenses totales
Services en établissement (hôpitaux et soins résidentiels subventionnés par l'État)
39 %
Services professionnels (médecins, dentistes et autres non rémunérés par les établissements) 24 %
Médicaments (sur ordonnance ou en vente libre)
17 %
Santé publique
5%
Autres
15 %
? De ces catégories, les dépenses liées aux établissements diminuent comparativement aux coûts des médicaments, lesquels connaissent une hausse
spectaculaire.
? Environ 44 % des dépenses gouvernementales en soins de santé en 2005 étaient consacrées aux personnes de 65 ans et plus; cette proportion est à peu près la
même depuis 1998. Les 65 ans et plus représentaient 14 % de la population canadienne en 2010.
? Environ 5 % des Canadiens occupent un emploi lié à la santé. En 2005, le Canada comptait un peu plus de 62 300 médecins. En 2006, on comptait près de
253 000 infirmières autorisées, 67 300 infirmières auxiliaires autorisées et 5 051 infirmières psychiatriques autorisées. Il y avait presque autant de généralistes ou
de médecins de famille que de spécialistes. Cependant, bien que 20 % des Canadiens vivent en milieu rural, seulement 15,7 % des généralistes et des médecins
de famille y vivent.
? En 2007, 85 % des Canadiens déclaraient avoir un médecin de famille. Parmi les personnes sans médecin de famille, 6 % disaient en avoir cherché un sans
succès.
? Les dépenses de santé par habitant au Canada sont semblables à celles de la France, de l'Allemagne, des Pays-Bas et de l'Australie. Les dépenses par habitant
aux États-Unis sont presque le double de celles du Canada. La Nouvelle-Zélande et le Japon ne dépensent que les deux tiers, par habitant, de ce que dépense le
Canada.
Quelques tendances récentes :
Les taux d'hospitalisation pour les déficiences de la santé ou les maladies qui peuvent habituellement être traitées à l'extérieur de l'hôpital sont en baisse.
Les Canadiens sont moins susceptibles qu’auparavant de mourir à l’hôpital.
Les taux de réhospitalisation suivant une crise cardiaque sont en baisse.
En 2005, 27 % des infirmières offrant des soins directs étaient d'avis que la qualité des soins au patient avait diminué au cours de la dernière année; 16 % étaient
d'avis qu'elle s’était améliorée.
Selon les économistes, il n'y a que deux façons de réduire le coût des soins de santé : réduire l'utilisation des services (la demande) ou améliorer
leur efficacité (ce qui entraînerait une augmentation de l'offre pour le même coût), en perfectionnant le soutien administratif ou la qualité. Ils notent
aussi que, contrairement à d'autres marchés où la demande mène l'offre, sur le marché des soins de santé, une augmentation de l'offre a tendance
à faire augmenter la demande. Améliorer l'efficacité ne serait donc probablement pas suffisant pour contrôler les coûts. Le tableau 12.4 donne un
aperçu des approches possibles pour améliorer l'efficacité des services de santé, avec les effets accessoires de chaque approche.
Tableau 12.4 : Approches pour réduire le coût des services de santé10,11
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Réduire l'utilisation des services
Approches
Exemples
Enjeux soulevés
Instaurer des
Pénaliser financièrement
Étant donné que la pauvreté est l’un des grands déterminants de la santé, les quotes-
quotes-parts
les patients pour qu’ils
parts ou les frais modérateurs font en sorte que les personnes qui ont le plus besoin
ou des frais
modérateurs
réduisent leur utilisation des de soins y ont le moins accès. Si les patients reportent une consultation dans l'espoir
services de santé
d'éviter les frais modérateurs, les coûts subséquents peuvent augmenter. En outre,
Limiter les
ressources
Les chirurgies et les
traitements ambulatoires,
Il est nécessaire de recourir à des méthodes efficaces et novatrices.
C’est une approche difficile sur le plan politique.
populaires auprès des
patients, ne se sont
Cela peut augmenter les pressions sur d'autres parties du système ou avoir des
conséquences imprévues.
généralisés qu’avec la
La fermeture de lits dans les hôpitaux de soins de courte durée augmente la pression
globalement, les frais modérateurs ont tendance à ne pas réduire l'utilisation des
services, ni le coût des soins de santé.
fermeture des lits d'hôpitaux sur les aidants naturels, les soins à domicile et les soins de longue durée; l'utilisation
plus intensive des lits restants cause un stress chez le personnel et augmente le coût
par lit; les économies sont donc rarement aussi importantes que prévu.
Les listes d'attente de soins non urgents peuvent s'allonger et peuvent ainsi entraîner
des soins plus chers si la condition du patient détériore.
Contrôler
Ne pouvoir accéder aux
Cela réduit généralement le gaspillage, car le professionnel de première ligne oriente
l’accès
soins secondaires qu’en
le patient vers le bon fournisseur secondaire. Le fournisseur de soins primaires a pour
passant par les soins
primaires
rôle la coordination des soins et la prise en charge les cas.
Améliorer l'efficacité
Approches
Exemples
Enjeux soulevés
Utiliser les
Utiliser les infirmières
Certains prétendent que les soins qui ne proviennent pas d'un médecin sont perçus
professionnels praticiennes pour la
en fonction de prévention et les suivis
comme étant moins bons. Cependant, la plupart des gens sont satisfaits lorsqu’ils
reçoivent des soins appropriés.
leurs
compétences
Lorsque les tâches de chacun sont claires et acceptées, la satisfaction
professionnelle a tendance à s’améliorer.
habituels, et les médecins
pour les problèmes
diagnostiques et
thérapeutiques complexes
Améliorer les
Éduquer les malades
Cela peut réduire les hospitalisations et les visites à l'urgence.
pratiques
chroniques et les aider à
prendre en charge leur état
Actuellement, il est soutenu que l'amélioration de l'autonomie du patient améliore en
soi sa santé.
de santé
Améliorer la prise en charge En intervenant de manière appropriée et en temps opportun pour maîtriser l’état
des états chroniques
chronique et réduire son impact sur la fonction, on réduit le besoin de services.
Recourir à des guides de
Il a été observé que même lorsque les pratiques varient beaucoup, les besoins, eux,
pratiques basés sur les
données probantes pour
varient très peu, ce qui laisse penser que l’on pourrait réduire le surtraitement au
moyen de guides de pratique. Cependant, les guides de pratique varient et sont
optimiser la prise en charge difficiles à imposer. De plus, les choix du patient doivent aussi être respectés.
Réduire l'erreur médicale
L'erreur médicale est l’une des grandes causes évitables de la morbidité et coûte
cher au système en termes de temps, d’argent et de ressources. Les approches
systémiques de réduction de l'erreur médicale et d’assurance de la qualité sont
efficaces pour améliorer la qualité des soins, réduire la morbidité associée aux
erreurs et diminuer les coûts.
Améliorer les systèmes de soutien
Approches
Exemples
Enjeux soulevés
Utiliser des
systèmes
Dossiers médicaux
électroniques, bases de
Ces systèmes contribuent à réduire les tests en double, la surmédication et les
interactions médicamenteuses. Ils favorisent la coordination des soins, l’application
d'information
données portatives,
des guides de pratique et la production de données pour l'évaluation des pratiques.
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imagerie numérique sur
Les systèmes doivent être conçus en tenant compte des usagers et des objectifs.
réseau sécurisé,
Certaines situations exigent un système papier bon marché plutôt qu'un système
renseignements sur le coût
des médicaments, etc.
électronique coûteux.
Utiliser des
Systèmes d'appel et de
Ces systèmes améliorent le recours aux soins par les patients, mais ils peuvent
systèmes
rappel pour les soins
entraîner des interventions inutiles.
administratifs
préventifs et de suivi
Utiliser des
Systèmes de rémunération
Tous les systèmes de rémunération ont des avantages et des inconvénients (voir le
systèmes
qui récompensent les soins
tableau 12.6).
financiers
efficaces et de haute qualité
Les coûts d'utilisation ne doivent pas l'emporter sur les avantages du système.
Le Manitoba s’attaque à la surutilisation des soins de santé
Le Manitoba a réagi à la surutilisation de son système de soins de santé en forçant les personnes qui fréquentent trop de médecins ou de pharmacies à limiter leur
utilisation à un médecin et à une pharmacie. La province a examiné les dossiers des patients qui se sont présentés en cabinet à plus de 67 reprises ou qui ont
consulté plus de 12 médecins en un an. L'usager le plus « assidu » avait fait 247 visites en cabinet et consulté 71 médecins pendant l’année. Parmi les
99 personnes identifiées comme étant les plus grands usagers du système, 34 avaient des problèmes médicaux qui justifiaient leur utilisation. Des restrictions
quant à l'utilisation ont été imposées dans seulement 28 cas. Il appert que le projet n’a permis d’économiser que 116 000 $ (environ 0,005 %) dans une province où
les dépenses totales en soins de santé s’élèvent à près de deux milliards de dollars par année.12
La prestation des services de soins de santé
À la base, il y a deux façons de fournir des soins subventionnés par l'État. La première est que le gouvernement organise lui-même la prestation des
services. C'est le cas au Royaume-Uni, à Cuba et dans certains pays scandinaves, où les professionnels de la santé, y compris les médecins, sont
des fonctionnaires. Les hôpitaux et les cliniques appartiennent à l'État, et leurs services sont gérés publiquement.
Sinon, comme au Canada, les fournisseurs de services peuvent être publics ou privés, mais les hôpitaux et les services médicaux médicalement
nécessaires sont financés par un système d'assurance public. Les fournisseurs privés sont des organisations avec ou sans but lucratif, de charité ou
religieuses, c'est-à-dire tous les fournisseurs à l'exception de ceux qui relèvent de l'administration publique. Le secteur privé peut offrir des services
hospitaliers, communautaires et de soins prolongés subventionnés par les provinces ou territoires. La plupart des médecins, qu’ils travaillent ou non
dans les hôpitaux, sont des employés contractuels du régime d'assurance provincial et offrent des services en tant que fournisseurs privés. S’ils
souhaitent obtenir des services qui ne relèvent pas du régime d'assurance provincial, les patients qui ont une assurance privée ou qui peuvent se
permettre de débourser les frais peuvent consulter une vaste gamme de professionnels qui ne travaillent pas dans les hôpitaux (physiothérapeutes,
ergothérapeutes, opticiens, podiatres, psychologues ou autres).
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Services publics ou privés?
*Tableau 12.5 : La répartition des services publics et privés au Canada 13,14
Prestation
Publique
Finance- Public
ment
Privée sans but lucratif
Santé publique
La plupart des hôpitaux
Établissements psychiatriques provinciaux
Traitement de la toxicomanie
Privée à but lucratif
La plupart des médecins
Services complémentaires dans les hôpitaux
(buanderie, préparation des repas, entretien)
Soins à domicile dans certaines provinces
Services diagnostiques et de laboratoire dans
la plupart des provinces
Certains hôpitaux
Privé
Biens et services améliorés non médicaux (p. ex.,
Certains soins à domicile et
une chambre privée) et médicaux (p. ex., un plâtre en
établissements de soins de
fibre de verre) dans un hôpital de propriété publique
longue durée dans certaines
provinces
Chirurgie cosmétique
Soins prolongés
Régimes d’assurance-maladie
complémentaires (médicaments sur
ordonnance, soins dentaires, soins oculaires)
dans certaines provinces
Certaines cliniques d'IRM et de
tomodensitogrammes
Certaines cliniques de chirurgie
*N.B. : Ce tableau, basé sur des travaux réalisés en 2002, reflète encore la situation générale. Cependant, l’évolution graduelle des politiques fédérales,
provinciales et territoriales cause une migration entre les cellules du tableau. Chaque système provincial et territorial évolue de façon différente.
Il est important, dans les débats sur les soins de santé, de faire la différence entre le financement et la prestation des services. Par exemple, le D r Rao travaille
maintenant dans un centre de pratique en groupe où les médecins facturent le régime d'assurance pour les services offerts et administrent ces fonds comme bon
leur semble (paiement des immeubles de la clinique, du personnel, de leur propre salaire, etc.). Cependant, comme le régime d'assurance est public, les personnes
qui ont recours aux services du D r Rao ne déboursent rien. De même, les établissements qui fournissent des services subventionnés peuvent être privés sans que
leurs patients aient quoi que ce soit à débourser.
Au Canada, le débat sur la privatisation des soins de santé porte généralement sur l’entité qui devrait payer pour les soins : le régime d'assurance provincial ou le
patient (directement de sa poche ou par une assurance privée).
L'autre question épineuse est de savoir si les hôpitaux devraient être privés et à but lucratif. À l'heure actuelle, presque tous les hôpitaux canadiens sont des
établissements privés sans but lucratif gérés par des autorités de santé régionales.15 Ils sont ainsi perçus comme étant publics, mais ne le sont pas, strictement
parlant. Selon certaines études, la mortalité est supérieure dans les hôpitaux à but lucratif, et l’on craint que le souci de la rentabilité ne nuise aux soins des
patients.16 On craint également que les hôpitaux à but lucratif n’ouvrent la porte au libre marché, ce qui éroderait les principes des soins de santé du Canada.15
La prestation des soins selon une approche de santé des populations au Québec
En 2003, le Québec adopte un projet de loi qui transforme les services communautaires. On fusionne les centres locaux de services communautaires (CLSC) et les
centres d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) pour en faire des centres de santé et de services sociaux (CSSS). En plus de fournir certains services
à des clients individuels, les CSSS s'assurent que les besoins de la population de leur territoire sont comblés. Un CSSS doit :
surveiller l'état de santé de sa population et coordonner les mesures pour l'améliorer;
gérer et coordonner les services généraux et spécialisés offerts à la population en prenant les mesures appropriées pour assurer la prise en charge, l'aide et
le soutien des usagers du réseau de la santé et des services sociaux;
s'assurer que les services sont efficaces, efficients, pertinents et qu'ils satisfont aux attentes des usagers et aux besoins de la population;
informer la population, la consulter et recevoir sa rétroaction, et évaluer la satisfaction à l'égard des services et des résultats.
Les CSSS offrent un éventail de services de première ligne pouvant comprendre la prévention, les soins primaires, la réadaptation, le soutien en cas d'urgence et
les soins résidentiels publics. Afin d'assurer la prestation des autres services sociosanitaires et des services secondaires et tertiaires qui ne sont pas offerts sur son
territoire, le CSSS doit négocier des ententes avec les fournisseurs de ces services. L'élaboration des politiques de santé est décrite de manière plus approfondie
dans le chapitre 14.
La rémunération des fournisseurs
À la base, il y a plusieurs façons de payer les fournisseurs de soins de santé pour leurs services. Dans les années 1960, Avedis Donabedian a
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À la base, il y a plusieurs façons de payer les fournisseurs de soins de santé pour leurs services. Dans les années 1960, Avedis Donabedian a
proposé une réflexion utile sur la qualité des soins, qui peut servir de base théorique à la conception d’un système de rémunération.17 Le coût des
soins (et donc des paiements) peut se fonder sur la structure d'un établissement (nombre de lits d'hôpitaux, de membres du personnel, etc.), ou les
paiements peuvent être effectués selon les services offerts : le processus des soins, comme l’appelle Donabedian. Autrement, la qualité peut être
évaluée, et les paiements versés, selon les résultats des soins (les taux de succès). Au Canada, la plupart des médecins sont rémunérés à l'acte, un
mode de paiement qui repose sur le processus des soins, alors que la plupart des établissements reçoivent un financement global selon une
formule qui combine structure et processus (voir le tableau 12.6).
Tableau 12.6 : Approches de rémunération des fournisseurs de soins de santé
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Rémunération des médecins et autres professionnels
Mode de
paiement
Points de discussion
Rémunération Le professionnel, agissant à titre d'agent contractuel indépendant et privé, reçoit un montant fixe par service rendu;
à l'acte
c’est un système basé sur le processus des soins. Les méthodes de rémunération des médecins au Canada sont en
train de changer, mais la plupart des médecins sont encore rémunérés de cette façon, comme beaucoup d’autres
professionnels en pratique privée hors des hôpitaux.
Cette méthode encourage les professionnels à fournir les services qui prennent le moins de temps et qui sont les
plus payants.
La rémunération à l'acte semble favoriser le développement des centres médicaux sans rendez-vous aux dépens
des services de prise en charge des maladies chroniques et des cas complexes. Toutefois, les cliniques sans
rendez-vous comblent la demande des patients pour des services rapidement et facilement accessibles.
La rémunération à l'acte a tendance à encourager la surutilisation des services, à l’initiative du fournisseur, ce qui
accroît les risques de maladies iatrogènes et d'erreurs médicales.
En payant un seul professionnel pour faire un seul acte, on ne favorise pas le travail en équipe.
Salaire
Au Canada, la plupart des services de santé non fournis par les médecins sont offerts en établissement par des
professionnels salariés. Un salaire implique que le professionnel est l’employé d'une organisation et relève des
gestionnaires pour les services qu’il rend. Au Canada, les médecins salariés, bien qu'ils fournissent des services au
sein d'établissements, reçoivent généralement leur salaire de l'assureur provincial, plutôt que directement de
l'établissement où ils travaillent.
Dans le cas des médecins, on dit que les salaires éliminent l'incitation à fournir des services au-delà du minimum
requis. On craint également que le fait de relever d'un gestionnaire ne nuise à l'autonomie professionnelle.
Provision sur
Ce mode de paiement peut être utile pour attirer les médecins dans les endroits où le volume de patients est faible
honoraires
(comme dans les régions isolées). La provision assure un salaire minimum et peut être combinée à la rémunération
à l'acte pour encourager la prestation de services.
Au Canada, on a souvent recours aux provisions dans les domaines spécialisés comme l'anesthésie et la
psychiatrie. Au Québec, de nombreux spécialistes optent pour une combinaison de provision sur honoraires et de
rémunération à l'acte modifiée.
Capitation
Paiement selon le nombre de personnes sur la liste d'une clinique ou d’un cabinet. Le barème de rémunération peut
comprendre une prime pour les cas complexes. Il est souvent ajusté selon le profil sociodémographique de la
population de pratique. La clinique ou le cabinet est rémunéré peu importe si les patients sur la liste consultent
l’équipe de pratique. L’équipe de pratique peut comprendre des professionnels de plusieurs disciplines. La
rémunération de la pratique ne varie pas selon la discipline du membre d’équipe consulté.
Il est probable que la capitation décourage la prestation de services inutiles et encourage la prestation de services
préventifs efficaces.
La capitation peut favoriser le développement du travail en équipe multidisciplinaire.
On craint que l'obligation de s'inscrire auprès d'un médecin ne réduise la liberté de choix du patient et du médecin.
La plupart des régimes de capitation permettent aux patients de changer de médecin et aux médecins de refuser
des patients.
L’exercice de la médecine de famille au Royaume-Uni est généralement rémunéré par capitation. Dans certaines
provinces du Canada, on fait des expériences de cette méthode en pratique de soins primaires.
Rémunération Paiement pour atteindre un niveau cible de services rendus. Utile pour les services préventifs. Par exemple, un
à la cible
médecin peut recevoir un paiement selon la proportion des patients sur sa liste ayant subi un dépistage du cancer
du col utérin. Cette méthode se rapproche d'un système de rémunération fondé sur les résultats des soins.
Un dénominateur commun est nécessaire pour élaborer des cibles précises. Il s'agit généralement d'une liste de
patients ayant choisi le médecin selon un régime de capitation.
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On craint que pour atteindre leur cible, les professionnels ne contraignent leurs patients à subir des interventions
non souhaitées ou inutiles.
Rémunération Les modes de rémunération combinés sont très courants. Par exemple, un programme de capitation peut être
combinée
complété par une rémunération à la cible. On cherche ainsi à tirer le meilleur parti de plusieurs types de
rémunération.
Rémunération des établissements
Mode de
paiement
Financement
global
Points de discussion
On a souvent recours à cette méthode dans les hôpitaux canadiens. L'établissement reçoit une somme d'argent
chaque année pour la prestation de services. Ce montant est généralement calculé selon le montant reçu l'année
précédente et les types de services rendus, en tenant compte des changements démographiques, de l’évolution des
coûts des soins de santé et de l'inflation. C’est un système de rémunération basé sur la structure. Le financement
global, surtout lorsqu'il est jumelé à des sanctions en cas de dépassement budgétaire, favorise le contrôle des
coûts. Cependant, il peut aussi simplement transférer les coûts vers un autre budget. Par exemple, raccourcir les
séjours à l'hôpital peut réduire les coûts hospitaliers (pourvu que le nombre d'hospitalisations n'augmente pas),
mais les coûts des services à domicile, et ceux des familles, pourraient augmenter si des personnes plus malades
ont besoin de soins à domicile.
Rémunération Cette formule ressemble à la rémunération à l'acte et représente un système de rémunération basé sur le processus
par épisode
des soins. En général, le barème de rémunération varie selon le diagnostic du patient de manière à refléter le coût
de soins
moyen des soins requis pour ce diagnostic. Cette méthode favorise l'efficacité pour les épisodes uniques, mais elle
n'offre pas d'incitation à limiter le nombre d'épisodes.
La somme d'argent que reçoit la plupart des hôpitaux canadiens est calculée selon leurs intrants (nombre de lits et de membres du personnel) ou
simplement à partir du budget de l'année précédente, en tenant compte des changements dans la clientèle et les services offerts et de l'inflation. On
attend des responsables des budgets dans les hôpitaux qu’ils évitent les excédents de dépenses, ce qui les pousse à limiter le nombre de services
offerts. Les médecins, par contre, qui sont principalement rémunérés à l'acte, ont intérêt à augmenter le nombre de services qu'ils fournissent.
Lorsqu'un médecin utilise les installations hospitalières pour fournir un service (par exemple, lorsqu'un chirurgien opère), les coûts hospitaliers
augmentent. Toutefois, le médecin n'est aucunement responsable des coûts hospitaliers; pourvu qu'il puisse utiliser les installations de l’hôpital, son
revenu est garanti. Selon le Rapport Kirby, les hôpitaux devraient plutôt être rémunérés selon les services qu’ils rendent.18 Le conflit entre les
intérêts des gestionnaires de services et des médecins serait ainsi réduit. Cependant, en l'absence d'autres mesures de contrôle des dépenses, un
tel régime pourrait occasionner une hausse des coûts. Il n'existe pas de méthode de rémunération parfaite pour les services de santé. Il existe un
manque de recherche sur les effets des modes de rémunération sur la qualité des soins et sur les résultats de santé. De plus, les connaissances
actuelles ne permettent pas de conclure quant au meilleur mode de rémunération des médecins.
La rémunération des fournisseurs
Les effets des modes de rémunération des médecins sont présentés selon une perspective intéressante dans « Mythe : Les médecins sont motivés par l'argent »,
septembre 2003, sur le site Web de la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé :
www.fcrss.ca/PublicationsAndResources/Mythbusters/ArticleView/03-09-01/84c4445b-89da-4a46-8082-60d7ae969ee4.aspx.
Pour en savoir davantage sur les changements dans les attitudes des médecins à l’égard de la rémunération à l'acte, consultez « Mythe : La plupart des médecins
préfèrent être rémunérés à l’acte », janvier 2010, sur le site Web de la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé :
www.fcrss.ca/PublicationsAndResources/Mythbusters/ArticleView/10-01-01/13b5e8bb-e7c2-4544-8da5-b1aa5d9e38db.aspx.
D'autres renseignements sur les options de financement des hôpitaux se trouvent ici : www.fcrss.ca/PublicationsAndResources/researchreports/articleview/11-0119/f20713d8-905d-43a5-bc79-1c457f95e495.aspx.
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Une expérience radicale de rémunération des services
Un des défis pour limiter la dépense de santé est la séparation entre ceux qui sont responsables de contrôler les coûts et ceux qui prennent les décisions qui
encourent des coûts. Les médecins, avec leurs patients, choisissent un plan de prise en charge, mais les responsables du contrôle des coûts de ce plan de prise en
charge sont en général les gestionnaires d'hôpitaux ou de laboratoires. Certaines expériences ont tenté de rapprocher les responsabilités liées aux budgets et à la
prise en charge des patients. Au Royaume-Uni, l’expérience des enveloppes budgétaires en pratique générale a mis entre les mains des omnipraticiens le budget
prévu pour payer les services de santé dont avaient besoin leurs patients, dont les services diagnostiques, hospitaliers et de médecine familiale. Dans leur cabinet,
les médecins étaient libres d’affecter des montants aux services qu’ils jugeaient nécessaires, y compris au personnel administratif et aux honoraires d'autres
professionnels, comme les infirmières praticiennes et les travailleurs sociaux. Leurs budgets étaient fondés sur le nombre de patients sur leur liste et ajustés en
fonction de l'âge des patients et de la proportion de patients atteints de certaines maladies chroniques. Toute économie réalisée pouvait être consacrée au
développement du cabinet. Dans certains cas, les détenteurs d'enveloppes budgétaires ont réussi à économiser tout en réduisant le temps d'attente des patients.
Cependant, le projet a suscité d’énormes tensions politiques, et on y a mis fin sans évaluation adéquate lorsqu'un nouveau gouvernement est entré au pouvoir.19
Selon certains médecins, il était contraire à l'éthique que les médecins, dans leur rôle de promoteurs de la santé des patients, contrôlent les budgets pour les traiter.
Toutefois, selon les omnipraticiens partisans du projet, ce contrôle favorisait la négociation de meilleurs services.19 Certains éléments du projet ont été introduits au
Canada, notamment au Québec avec les groupes de médecine familiale 20 et en Ontario avec les équipes de santé familiale.21
Pour assurer l'équité
Les soins primaires de haute qualité représentent la pierre angulaire de soins de santé équitables, efficients et efficaces.22,23 En plus des services
médicaux, la notion de soins primaires comprend les services des infirmières praticiennes, les soins de l’enfant, les autres soins préventifs, les soins
à domicile, les soins aux personnes âgées et l'intervention en cas d'urgence. Dans certains pays, les médecins de soins primaires donnent accès
aux niveaux de soins supérieurs. Ils orientent les patients vers les services les plus pertinents et réalisent un suivi après la consultation, réduisant
ainsi l'utilisation inappropriée d'autres niveaux de services plus coûteux. Lorsqu’ils sont bien gérés, les services de soins primaires font en sorte que
tous les patients reçoivent des soins préventifs et un suivi opportun, et les médecins de premier recours peuvent jouer le rôle de défenseurs de la
santé communautaire. Plusieurs modèles de services de soins primaires ont été mis à l'essai au Canada. L'objectif qu'ils partagent est l'intégration
des services, afin que les médecins sortent de leur unidisciplinarité traditionnelle pour collaborer, en tant qu’acteurs privilégiés, avec d'autres types
de professionnels au sein d'équipes multidisciplinaires qui offrent tous les services dont les patients ont besoin.
La Loi canadienne sur la santé vise à réduire l'iniquité dans l'accès aux services en assurant publiquement un bon nombre des besoins en soins de
santé de la population. Le régime d'assurance-maladie subventionné par l'État répartit le coût des soins sur l'ensemble de la population. En principe,
personne ne doit payer pour des services médicalement nécessaires dans les hôpitaux et les cabinets de médecin. Cependant, des frais peuvent
être exigés pour d'autres services. En outre, l’accessibilité économique n’est qu'un aspect de l'accessibilité globale. D'autres aspects sont aussi des
sujets d'inquiétude.
L'accès aux services de soins de santé
La notion d'accès aux services de soins de santé comprend:24,25
la disponibilité : la relation entre le volume de services rendus et la demande pour ces services;
l'accessibilité : la relation géographique entre l'emplacement des services et les personnes qui en ont besoin;
l'adaptation : la relation entre la manière dont les services sont rendus et les contraintes des personnes qui en ont besoin;
l’abordabilité (accessibilité économique): la relation entre le coût des services et la capacité de payer des usagers actuels et potentiels;
l'acceptabilité : la mesure dans laquelle les personnes qui ont besoin de services sont à l'aise d’y recourir.
La disponibilité
Bien que plusieurs types de soins de santé soient offerts au Canada, en général, les systèmes subventionnés par l'État fournissent uniquement des
soins médicaux allopathiques. La réglementation de la médecine allopathique est rigoureuse afin d'assurer la sécurité des usagers; les normes pour
d'autres types de soins de santé sont, en général, moins rigoureuses.
Le fait d'avoir un fournisseur de soins régulier, les temps d'attente pour les rendez-vous et les « besoins non comblés » sont les mesures habituelles
de la disponibilité des soins de santé. Le recours aux soins préventifs peut également être un indicateur de leur disponibilité.
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La disponibilité des soins de santé au Canada 26
En 2007 :
85 % des Canadiens disaient avoir un médecin de famille régulier;
14 % éprouvaient des difficultés à obtenir des soins pendant les heures de bureau parce qu’on ne donnait pas de rendez-vous ou que les temps d'attente étaient
trop longs;
42 % des Canadiens s'étant présentés en salle d'urgence disaient que leur problème de santé ou leur maladie aurait pu être traitée par un médecin de premier
recours s’il y en avait eu un de disponible;
10 % des Canadiens disaient ne pas avoir reçu de soins de santé lorsqu'ils en avaient besoin.
64 % des Canadiens de 65 ans et plus disaient avoir été vaccinés contre la grippe au cours de l’année précédente.
En 2005 :
74 % des Canadiennes de 18 à 69 ans disaient avoir subi un test Pap au cours des trois années précédentes;
71 % des Canadiennes de 50 à 69 ans disaient avoir subi une mammographie au cours des deux années précédentes;
L'accessibilité
Il y a généralement un manque de médecins et de professionnels de la santé dans les régions rurales. En dépit des incitatifs monétaires les incitant
à pratiquer en milieux ruraux, les médecins préfèrent les cabinets urbains pour des raisons sociales, familiales et professionnelles. Certaines écoles
de médecine canadiennes offrent une formation médicale en milieu rural pour que l'expérience incite les médecins à y rester. Pour des raisons
pratiques et économiques, l’accès aux soins spécialisés restera probablement toujours plus limité en région rurale qu’en milieu urbain. Il faudra donc
mettre au point d'autres modes de prestation, comme les soins collaboratifs ou la télémédecine.
L'adaptation
Beaucoup de gens ont des contraintes professionnelles ou familiales qui les empêchent de se présenter aux cliniques pendant les heures normales
d'ouverture. De même, les gens qui n'ont pas de véhicule privé sont pratiquement exclus des cliniques non accessibles par les transports en
commun. Les services doivent tenir compte des problèmes particuliers des populations vulnérables, qui ont souvent le plus besoin de soins et qui
sont le moins en mesure d'y accéder. Par exemple, les personnes à mobilité réduite peuvent avoir besoin de rampes d'accès pour fauteuils roulants;
les personnes dont la capacité visuelle est limitée, d'un éclairage suffisant et de protection autour des cages d'escalier; et les toxicomanes, de
services d’approche mobiles en raison de leur mode de vie chaotique.
L’abordabilité
En principe, les services médicaux et hospitaliers médicalement nécessaires sont gratuits pour tous les Canadiens. Cependant, la surfacturation et
les frais modérateurs sont toujours un problème, même si la Loi canadienne sur la santé les interdit.27 D'autres coûts peuvent aussi contribuer à
réduire l'accès. Par exemple, les coûts liés au transport peuvent être considérables, notamment lorsqu’un traitement (p. ex., contre le cancer) exige
de nombreuses visites dans un centre spécialisé.
Les services professionnels extra-hospitaliers, sauf ceux fournis par les médecins, ne sont pas couverts par le régime d'assurance-maladie. Sous
l'influence du gouvernement fédéral et de plusieurs rapports sur les soins de santé,15,18,28 les provinces et territoires commencent maintenant à
élargir l'éventail des services subventionnés par l'État pour inclure certains types de soins à domicile et de soins pharmaceutiques. En général, les
provinces et territoires fournissent certains services extra-hospitaliers aux membres les plus vulnérables de leurs populations, mais les autres
citoyens doivent payer directement pour ces services ou contracter une assurance privée. Néanmoins, avec le virage ambulatoire et le recours
accru aux médecins en cabinet privé, le coût des traitements pourrait être transféré aux patients. Les barrières financières aux soins existent donc
toujours et pourraient augmenter.
Étant donné que la pauvreté est l’un des grands déterminants de la santé, les barrières financières accentuent les iniquités en santé; elles font en
sorte que les personnes qui ont le plus besoin d’un service y ont le moins accès.
Les frais modérateurs
Pour approfondir votre compréhension des frais modérateurs et de la surfacturation, consultez l’article « Mythe : Les frais d'utilisation mettraient fin au gaspillage et
garantiraient une meilleure utilisation du système de soins de santé », septembre 2001, sur le site Web de la Fondation canadienne de la recherche sur les services
de santé : www.fcrss.ca/PublicationsAndResources/Mythbusters/ArticleView/01-09-01/519f623f-b805-4550-93a5-648e60b8aad3.aspx.
L'acceptabilité
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L'acceptabilité des services dépend de plusieurs facteurs culturels qui influent sur les attentes et les attitudes de l'usager. Les groupes minoritaires
(les immigrants, les anglophones au Québec, les francophones dans les autres provinces canadiennes, les populations autochtones partout au
Canada) peuvent se sentir mal à l'aise avec des services axés sur les attentes de la majorité.29,30 En particulier, les gens peu instruits et dont le
revenu est faible peuvent se sentir intimidés en se frayant un chemin à travers des services de santé gérés et fournis par des gens très instruits,
dont le revenu est relativement élevé.
Les services de santé aux peuples autochtones (Premières Nations, Inuits et Métis)
Les connaissances traditionnelles autochtones mettent l'accent sur l'importance de maintenir et de retrouver un équilibre entre les dimensions
physique, mentale, émotionnelle et spirituelle de la santé, en étant sensible aux facteurs sociaux et environnementaux. Ces connaissances ont
étédiscrédités par les arrivants européens, dont le mode de vie représentait une menace pour la vie et la santé des populations autochtones. Les
maladies infectieuses importées par les différentes vagues d'immigrants ont eu un impact dévastateur sur les peuples autochtones, qui n'y étaient
pas immunisés. Par l'entremise de la colonisation, le mode de vie européen s’est imposé, et les populations autochtones du Canada se sont
retrouvées exclues et dénigrées. Leur santé s’est détériorée comparativement à celle de la société dominante. Il s’est creusé un écart entre la santé
de nombreuses communautés inuites, métisses et des Premières Nations, comparée à celle des autres habitants du Canada, et cet écart est
toujours énorme de nos jours (voir le chapitre 1).
À eux seuls, les services de santé ne peuvent contribuer significativement à réduire l'écart entre la santé des populations autochtones et celle des
autres Canadiens. Pour cela, il faudrait s'attarder au revenu, à l'instruction, à l'environnement social et physique, à l'infrastructure résidentielle et
sanitaire, ainsi qu'à la restauration des terres, de la gouvernance et de la culture traditionnelles. Or, les services de santé destinés aux peuples
autochtones manquent de coordination malgré un besoin de services beaucoup plus important. Les soins aux Indiens inscrits et aux Inuits
incombent encore au gouvernement fédéral, mais les services sont de plus en plus fournis par les provinces, les territoires et les conseils de bande
dans les réserves et les communautés autochtones. Ces services ne sont pas toujours bien adaptés aux besoins communautaires. Ils sont souvent
fournis par des personnes non autochtones et, jusqu'à récemment, les communautés des Premières Nations n'étaient pas consultées dans la
planification de leurs services de santé. Aucun service n'est offert spécifiquement aux personnes autochtones vivant à l’extérieur des réserves. Les
établissements usuels et les professionnels qui servent les Autochtones hors-réserve ont rarement la formation ou les ressources nécessaires pour
fournir des soins adaptés à leur réalité culturelle.
En 2000, l'Organisation nationale de la santé autochtone (ONSA) a été établie. Subventionnée par Santé Canada, l'ONSA « est un organisme conçu
et contrôlé par des Autochtones dont le seul but est d'influencer et de faire progresser la santé et le bien-être des peuples autochtones en
appliquant des stratégies basées sur la connaissance».31 La même année, les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) ont établi un
Institut de la santé des Autochtones dans le but d'appuyer la recherche et de renforcer les capacités de recherche sur la santé des peuples
autochtones.32 Néanmoins, la nature politique de la prestation des services de santé et la grande diversité des problèmes qui les concernent
demeurent des barrières à la santé des Premières Nations, des Inuits et des Métis, et cela risque d'être le cas encore longtemps.
Santé des autochtones
Pour de plus amples renseignements sur les problèmes de santé dans les populations autochtones du Canada, consultez le site Web de l'Organisation nationale
de la santé autochtone : http://www.naho.ca/fr/.
Le vieillissement de la population
L'impact probable du vieillissement de la population canadienne sur la demande future de services de santé suscite un vaste débat. En effet, on
assiste à l’association de deux phénomènes : les Canadiens vivent plus longtemps et font moins d’enfants, ce qui a pour effet une hausse continue
de la proportion de la population âgée de 65 ans et plus (voir le figure 12.4).
Droits d'auteur © L'Association des facultés de médecine du Canada. Le contenu est autorisé en vertu du permis Creative Commons « Attribution-NonCommercial-ShareAlike 3.0 Unported ».
Un exemplaire de ce permis se trouve au http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/. Les autorisations dépassant l'étendue de ce permis se trouvent au http://www.afmc-phprimer.ca/termsofuse.
Figure 12.4 : Le vieillissement de la population : projections de la proportion des personnes âgées au Canada, 2006 à 2029. Notons que
la proportion de la population âgée de 85 ans et plus passera de 1,5 % en 2006 à 2,4 % en 2026.
Pyramide animée de la population
Pour mieux vous représenter l’évolution de la structure démographique du Canada avec les effets de l'explosion démographique de l'après?guerre, consultez les
pyramides des âges animées de Statistique Canada sur www.statcan.gc.ca/kits-trousses/animat/edu06a_0000-fra.htm.
L'impact que cela aura sur les services de santé fait l'objet de vives discussions. De nombreux facteurs sont à considérer. On craint généralement
qu'au fur et à mesure que s’allonge l'espérance de vie, les incapacités et les maladies chroniques augmenteront dans la population. Les services de
santé doivent donc se préparer à fournir des soins à une proportion de la population plus importante que jamais. Cependant, il est possible que les
gens soient de plus en plus soucieux de leur santé et que, grâce à la promotion de la santé des populations, ils restent bien portants plus
longtemps, réduisant ainsi la période de déclin qui précède le décès (voir la rectangularisation de la courbe de morbidité, figure 8.2).
Selon les économistes, les adultes utilisent les services de santé le plus intensément au cours des quatre à six mois avant leur décès, peu importe
l'âge auquel survient le décès. En fait, les jeunes qui meurent coûtent peut-être plus cher aux services de santé que leurs aînés, car on s’acharne
davantage à sauver leur vie. Lorsqu’on tient compte de l’effet de la proximité du décès, on constate que le recours aux services aigus (et les
dépenses connexes) dépend principalement du nombre de décès et non de l'âge de la population.33 Ainsi, les jeunes populations où la mortalité est
élevée, comme dans certaines régions isolées et rurales du Canada, pourraient exiger relativement plus de services que les populations où la
mortalité est faible, même si ces populations sont plus âgées.
Trop s'attarder au vieillissement de la population peut nous distraire d’un enjeu plus pressant : celui de la répartition des ressources pour fournir des
soins en fin de vie. La consommation croissante de médicaments, les interventions intensives et l'équipement de haute technologie influent sur le
coût des soins. L’acceptation et l’utilisation accrues des options palliatives en fin de vie pourraient très bien réduire le coût des soins aux mourants.
Cela pourrait faire diminuer le coût global des soins de santé, bien que le recours accru aux services de soins primaires par les personnes âgées et
leur plus grand besoin de soins prolongés puisse compenser cette diminution. L'influence future du vieillissement de la population est donc
incertaine.
Mythe de la population vieillissante
Des renseignements détaillés sur l'effet du vieillissement démographique se trouvent dans l'article « Mythe : La population vieillissante submergera le système des
soins de santé », janvier 2002, sur le site Web de la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé :
http://28784.vws.magma.ca/mythbusters/html/myth5_f.php.
Les informations médicales et leur diffusion
La technologie de l'information nous promet des moyens de gérer et de diffuser l’information de manière à améliorer la coordination des services, la
communication entre les fournisseurs de soins et la diffusion des résultats de recherche. Le Canada investit actuellement dans l'initiative Inforoute
Santé, qui devrait améliorer l'efficacité de la prestation de services et des communications. En dépit des nombreuses organisations qui diffusent des
guides de pratique fondées sur les données probantes et des modèles de pratiques exemplaires, on réussit difficilement à intégrer ces évidences
dans les pratiques courantes.
Les développements informatiques suivants s'avèrent intéressant pour les cliniciens :
Les dossiers médicaux et les dossiers de santé électroniques. On y a recours dans de nombreux établissements et cabinets médicaux du
Canada. Ils permettent un entreposage et une extraction efficaces des renseignements sur les patients. On peut les inclure dans des réseaux
locaux pour transférer rapidement l’information qu’ils contiennent entre les hôpitaux et les médecins traitants. On peut aussi les utiliser pour
alimenter les systèmes d'appel et de rappel qui appuient les programmes préventifs et les suivis en cas de maladie. Une grande
préoccupation est d'assurer la confidentialité lors du transfert d'information entre les établissements et les cabinets; on doit aussi veiller à
développer une compatibilité entre les systèmes lorsqu’on établit les réseaux. Enfin, si le système est bien conçu, les dossiers médicaux et les
dossiers de santé électroniques peuvent fournir des renseignements utiles à l’évaluation des pratiques.
La télémédecine. Les aidants de première ligne et les patients peuvent consulter des spécialistes par vidéoconférence. Il existe des variantes
à cette formule, dont la télésurveillance, qui permet d’acheminer les données anthropométriques des patients à un service spécialisé. On a
également fait des tentatives de téléchirurgie, soit à l'aide de robots, soit par vidéosurveillance (lorsqu’un spécialiste guide un chirurgien
généraliste). Grâce à la vidéoconférence et à ses dérivés, les régions isolées peuvent alors bénéficier de services spécialisés.
La téléformation. Plusieurs services utiles offrent aux cliniciens de la formation continue en ligne. La baladodiffusion, la vidéodiffusion et les
programmes de formation interactifs sont disponibles à cet égard.
Quelques services spécifiques
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Un exemplaire de ce permis se trouve au http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/. Les autorisations dépassant l'étendue de ce permis se trouvent au http://www.afmc-phprimer.ca/termsofuse.
Les services de santé au travail
Les services de santé au travail, au Canada, sont divisés en deux sections distinctes. La première vise à protéger les travailleurs et à prévenir les
accidents et les maladies liées au travail. On l’appelle généralement « la santé et la sécurité au travail », bien que les noms des lois et des autorités
responsables varient d'une province ou territoire à l'autre. La deuxième vise la réadaptation des personnes ayant subi un accident du travail ou qui
souffrent de maladies professionnelles, et l’indemnisation des accidentés du travail. Cette responsabilité relève en général d’une commission des
accidents du travail, dont le nom peut aussi varier. Certaines grandes entreprises au Canada gèrent leurs propres services de santé au travail tout
en se conformant aux lois en la matière.
La santé et la sécurité au travail
Les provinces et territoires sont chargées de fournir les services de santé au travail. Elles le font dans le cadre du Code canadien du travail. Les
employés de la plupart des industries sont protégés par les lois provinciales, et les types d'industries visées varient légèrement d’une province ou
territoire à l’autre. Certaines industries qui sont à la fois provinciales et nationales sont visées par des lois fédérales. Certains employés, comme les
travailleurs qui ont un emploi domestique (par exemple, les personnes travaillant chez des particuliers), ne sont généralement pas protégés. Les
autorités responsables de fournir ces services varient également selon la province.
La santé et la sécurité au travail
Pour de plus amples renseignements sur la santé et la sécurité au travail au Canada, consultez le site Web du Centre canadien d'hygiène et de sécurité au travail,
www.cchst.ca, et celui du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, www.rhdcc.gc.ca/fra/travail/sante_securite/index.shtml.
Même si l'organisation des services n'est pas toujours la même, tous les travailleurs canadiens ont certains droits et obligations en vertu du Code
canadien du travail :
Les droits des travailleurs sont :
Le droit de savoir. Il s'agit du droit d'être informé des dangers au travail. Il comprend la formation et la supervision nécessaires pour protéger la
santé du travailleur.
Le droit de participer à l’organisation de la santé et de la sécurité. Les employeurs qui ont 300 employés ou plus doivent mettre sur pied un comité
de santé et de sécurité composé de représentants de la main-d'?uvre et de la direction. Son objectif est d'élaborer une politique de santé et de
sécurité. Les autres entreprises (comptant moins de 300 employés) peuvent choisir de le faire ou non. Les travailleurs ont le droit de siéger au
comité et de participer aux délibérations sur la politique. Ils peuvent aussi participer au processus de règlement des plaintes du Code canadien du
travail.
Le droit de refus. Les employés peuvent refuser de travailler si le travail les met ou met d’autres personnes en danger, et si le danger n'est pas
une condition normale du poste.
Les obligations des travailleurs sont : d’utiliser l'équipement de protection fourni, de respecter les consignes de santé et de sécurité et les
instructions et politiques liées à un danger ou à l'utilisation de l'équipement de protection, et de signaler les dangers potentiels au travail ainsi que
les blessures et les incidents dangereux.
Les obligations des employeurs sont : de fournir un milieu de travail sécuritaire, de respecter les normes de sécurité, et de s'assurer que les
travailleurs reçoivent l'information et la formation dont ils ont besoin pour protéger leur santé.
L'indemnisation des accidentés du travail
L'indemnisation systématique des accidentés du travail au Canada a vu le jour avec le Rapport Meredith en 1913. Le système est administré par les
commissions des accidents du travail, dont l'un des principaux buts (du moins pour la plupart d’entre elles) est de favoriser le retour au travail des
travailleurs souffrant de maladies professionnelles. Pour ce faire, l'indemnisation peut couvrir les coûts de la réadaptation, y compris, par exemple,
les services externes de physiothérapie. L'indemnisation des accidentés du travail peut ainsi comprendre un éventail de services plus vaste que
celui du régime d'assurance-maladie provincial. Le travailleur malade est soigné par son médecin traitant habituel qui, à sa demande, fournit une
lettre appuyant la demande d'indemnisation et effectue le suivi de l’état du patient. À part les soins médicaux, le retour au travail peut exiger des
changements dans l'aire de travail du patient, ce qui peut nécessiter une collaboration avec, par exemple, des ergothérapeutes, des hygiénistes du
travail et l'employeur.
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Les cinq piliers de l'indemnisation des blessures du travail
Le Rapport Meredith de 1913 a présenté les principes fondamentaux de l'indemnisation des accidents du travail, qui sont
encore acceptés aujourd’hui. Les voici :
1. Indemnisation sans égard à la responsabilité. Les personnes blessées au travail sont indemnisées sans égard à la
responsabilité. Le travailleur et l’employeur renoncent au droit de poursuite en justice. Il n’y a pas d’attente d’aveu de
responsabilité, sauf s'il s'agit d'une négligence grave.
2. Responsabilité collective. Les employeurs se partagent le coût du régime d’indemnisation en proportion du coût des
demandes d'indemnisation de chaque secteur professionnel. Par exemple, les primes du secteur forestier sont plus élevées
que celles du secteur du travail de bureau. Les employeurs cotisent à un fonds commun. La responsabilité financière
devient leur responsabilité collective. Cependant, les contributions des employeurs peuvent être ajustées en fonction du
coût des demandes comblées de leurs travailleurs.
3. Sécurité du paiement. Les travailleurs blessés sont assurés d’une indemnisation rapide et de prestations futures.
4. Juridiction exclusive. Les demandes d’indemnisation sont adressées uniquement à la commission des accidents du
travail. La commission décide en dernier ressort de toutes les demandes. La commission n’est liée par aucun précédent
juridique; elle a le pouvoir et l’autorité de juger chaque cas selon ses mérites.
5. Commission indépendante. La commission est autonome et apolitique. La commission est financièrement indépendante
du gouvernement ou de tout groupe d’intérêt. L’administration du régime est axée sur les besoins de ses clients employeurs
et travailleurs, dispensant ses services avec efficacité et impartialité.
L'indemnisation des accidentés du travail
Des renseignements sur l'indemnisation des accidentés du travail, y compris sur le Rapport Meredith et les commissions des accidents du travail sont disponibles
sur le site Web de l’Association des commissions des accidents du travail : www.awcbc.org/fr/index.asp.
Les services de santé publique au Canada
Le développement du système de santé publique
Jusqu'à récemment, les activités de santé publique manquaient de coordination. Avec la croissance des villes, les services d'eau et
d'assainissement, coordonnés par les municipalités, se sont développés grâce aux percées en ingénierie. La quarantaine et l'isolement sont
devenus importants au début et au milieu du xixe siècle quand les vagues d’immigrants ont apporté le choléra et le typhus au Canada. Au début du
xxe siècle, certaines villes ont commencé à mettre du chlore dans l'eau, les villes rurales se sont mises à pasteuriser le lait, et l'Ontario a commencé
à vacciner les gens contre la variole et la diphtérie.
Grosse-Île
Grosse-Île, au Québec, était le poste de quarantaine principal du Canada au milieu du xixe siècle. C’est aujourd’hui un parc national. De plus amples
renseignements sur l'île et son histoire sont disponibles sur le site Web de Parcs Canada : www.pc.gc.ca/fra/lhn-nhs/qc/grosseile/index.aspx.
Selon le Rapport Lalonde de 1974, il faut regarder au-delà des soins aux malades pour améliorer la santé des populations. Le système de soins de
santé doit agir sur l'environnement, le mode de vie et l'organisation des soins de santé en plus de la biologie. C’est le premier rapport canadien sur
le système de santé à souligner l'importance de la promotion de la santé et de la prévention pour maintenir la santé des populations. En 1986, la
première conférence internationale sur la promotion de la santé a eu lieu à Ottawa. Jake Epp, ministre de la Santé et du Bien-être à l'époque,
présente La santé pour tous : Plan d'ensemble pour la promotion de la santé. Ce rapport est inspiré de la Charte d'Ottawa pour la promotion de la
santé (ratifiée lors de cette même conférence) et énonce les orientations de la promotion de la santé au Canada. Selon ce rapport, le Canada doit
tenter de réduire les iniquités, d'augmenter l'effort de prévention et d'améliorer la capacité d'adaptation des gens. Il est suggéré d'y arriver en
favorisant la participation du public, en renforçant les services de santé communautaire et en coordonnant la politique de santé publique.
Jusqu'au tournant du millénaire, la santé publique continue d’être subordonnée aux services de santé personnels, ne recevant qu’environ 3 % du
financement global destiné à la santé. Bien que certaines provinces, comme la Colombie-Britannique et le Québec, aient en place des systèmes de
santé publique structurés, y compris des organismes provinciaux offrant une expertise en santé publique (le BCCDC en Colombie-Britannique et
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santé publique structurés, y compris des organismes provinciaux offrant une expertise en santé publique (le BCCDC en Colombie-Britannique et
l'INSPQ au Québec), dans la plupart des provinces et territoires, la prestation de la santé publique manque de coordination.
En 2000, une éclosion d'E. coli fait sept morts et des milliers de malades à Walkerton, en Ontario. L'année suivante, environ 6 000 personnes à
North Battleford, en Saskatchewan, contractent la cryptosporidiose en raison de problèmes liés à leur approvisionnement en eau. En 2002 et 2003,
le SRAS, une maladie jusque-là inconnue, atteint des niveaux quasi pandémiques : plus de 8 000 cas sont recensés dans 16 pays. Quarante-quatre
Canadiens, des Torontois pour la plupart, en meurent. Pendant ce temps, les experts en santé publique annoncent une pandémie de grippe
imminente. Au cours de la même période surviennent les attaques du 11 septembre à New York et d'autres attaques en Europe et en Asie, et des
températures extrêmes font des morts et des blessés partout dans le monde. Ces catastrophes artificielles et naturelles font augmenter la
conscience du besoin des services de santé publique et de la planification en prévision de catastrophes autour du monde.
Les événements survenus au Canada démontrent la précarité de l'infrastructure de santé publique. En réaction, en 2006 la Loi sur l'Agence de la
santé publique du Canada et votée, et le poste d'administrateur en chef de la santé publique du Canada est instauré. Ses fonctions sont les
suivantes :
Appuyer la prévention efficace des maladies et des programmes et activités de promotion de la santé;
Fournir au ministre fédéral de la Santé une analyse et des conseils en matière de politique de santé fondées sur les données probantes;
Assurer un leadership dans la promotion des initiatives en santé particulières;
Rehausser la qualité des pratiques de santé publique.
La Loi confirme aussi la création de l'Agence de la santé publique du Canada, dont la mission est de promouvoir et protéger la santé des Canadiens
grâce au leadership, aux partenariats, à l’innovation et aux interventions en matière de santé publique. L'agence doit permettre :
de concentrer les ressources fédérales;
de renforcer la collaboration parmi les différents ordres de gouvernement;
des interventions plus rapides et plus souples dans les situations d’urgence;
d’améliorer et de cibler la communication;
d’assurer une planification à plus long terme, parce qu’elle n’est pas liée au « cycle de planification annuelle du gouvernement »;
de mieux recruter et de maintenir en poste des professionnels de santé publique.
Conformément à sa mission initiale, l'Agence se donne comme priorités immédiates la préparation aux situations d'urgence, l'immunisation et la
prévention des maladies chroniques.
La santé publique
Le poste d'administrateur en chef de la santé publique du Canada se fonde sur la définition de la santé publique de Last :34 « La santé publique se rapporte aux
efforts organisés déployés par une société pour maintenir les personnes en santé et éviter les blessures, les maladies et les décès prématurés. » Il s’agit d’un
mélange de programmes, de services et de politiques qui visent à protéger et à favoriser la santé des Canadiens.35
Les responsabilités de santé publique au Canada
Selon l'Agence de la santé publique du Canada, la santé publique comprend six activités essentielles :35
1. Protection de la santé : L’Agence s’assure que l’eau, l’air et les aliments sont sains, administre le cadre réglementaire pour la maîtrise des
maladies infectieuses et la protection contre les menaces environnementales, et conseille les spécialistes de la réglementation sur l’innocuité
des aliments et des médicaments.
1. Surveillance de la santé : L’Agence fait un usage permanent et systématique de données sur la santé recueillies régulièrement dans le but de
suivre et de prévoir les événements ou les déterminants liés à la santé. La surveillance inclut :
l’acquisition et l’enregistrement de données pertinentes;
l’intégration, l’analyse et l’interprétation de ces données;
la conception de produits de suivi et de prévision utilisant les données interprétées;
la publication et la diffusion de ces produits;
l’expertise offerte pour concevoir ou participer à la conception de systèmes de surveillance, notamment pour la surveillance des
risques.
L'information qui découle de la surveillance sert à la planification des services et des programmes de prévention.
1. Prévention des maladies et des blessures : L’Agence assure la tenue d’enquêtes, la recherche des contacts et l’élaboration de mesures de
prévention et de lutte pour diminuer les risques d’émergence ou d’éclosion d’une maladie infectieuse, ainsi que la promotion de modes de vie
sains afin de diminuer les maladies et les blessures évitables.
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1. Évaluation de la santé de la population : L’Agence veut connaître la santé de collectivités ou de populations particulières ainsi que les facteurs
sous-jacents d’une bonne santé ou les facteurs de risques potentiels, et ce, afin d’élaborer de meilleurs services et politiques.
1. Promotion de la santé : L’Agence veut prévenir la maladie, favoriser les comportements sains et améliorer la santé par les politiques
publiques, les interventions communautaires, la participation active du public et la défense ou l’action en matière d’environnement et des
déterminants socioéconomiques de la santé.
1. Mesures et interventions d’urgence : L’Agence assure la planification en vue de catastrophes naturelles (p. ex., inondations, tremblements de
terre, incendies, maladies infectieuses dangereuses) et de catastrophes humaines (p. ex., liées à l’utilisation d’explosifs, de produits
chimiques ou de substances radioactives, aux menaces biologiques et à la perturbation de l’ordre social).
Comme pour les services généraux de soins de santé, la responsabilité de la santé publique est partagée entre les gouvernements fédéral,
provincial et territorial. Les provinces et territoires sont chargées de la prestation des services sur leur territoire. Toutefois, l’organisation et les
services offerts varient d’une province ou territoire à l’autre.
Les services provinciaux de santé publique
L'organisation des services de santé publique de chaque province et territoire est expliquée sur le site Web du Centre de collaboration nationale sur les politiques
publiques et la santé : http://ccnpps.ca/fr/profilstructurel.aspx.
La coordination mondiale de la santé
L'Organisation mondiale de la Santé est l’autorité directrice et coordonatrice de la santé au sein du système des Nations
Unies. Créée en 1948, elle est chargée de diriger l’action sanitaire mondiale, de définir les programmes de recherche en
santé, de fixer des normes et des critères, de présenter des options politiques fondées sur des données probantes, de fournir
un soutien technique aux pays et de suivre et d’apprécier les tendances en matière de santé publique. Elle se fonde
actuellement sur les six approches suivantes pour améliorer la santé :
1. Promouvoir le développement
2. Favoriser la sécurité de la santé
3. Renforcer les systèmes de santé
4. Faire valoir la recherche, l'information et les données probantes
5. Mettre en valeur les partenariats
6. Améliorer le rendement du système
L'accord sur un code de pratique pour le recrutement international du personnel de santé et le Cadre d'action sur l'éducation
interprofessionnelle sont deux de ses succès récents. L’OMS est cependant aux prises avec plusieurs autres problèmes
graves à l’échelle mondiale, dont la sécurité sanitaire des aliments et les produits médicaux frauduleux. Elle doit également
surveiller les objectifs du Millénaire pour le développement, élaborer des stratégies pour réduire les effets néfastes de
l'alcool et lutter contre la hausse des maladies chroniques non transmissibles, y compris en s’attaquant au problème de la
commercialisation des aliments et des boissons auprès des enfants, qui contribue à l'obésité et à la mauvaise santé
dentaire.36
La responsabilité de la promotion de la santé
En jetant un coup d'?il à la liste des déterminants de la santé, il est évident que la responsabilité de la santé des populations ne peut relever d'une
seule autorité. Selon les promoteurs de la santé, tous les membres d'une population ou d'une communauté en sont responsables, la charge
prioritaire revenant aux gouvernements.37,38 Bien que les personnes qui travaillent dans le domaine de la santé aient une responsabilité particulière
de promouvoir la santé, l'expertise en santé publique et des populations est présente dans diverses disciplines universitaires, professions et
organisations. Les experts en santé publique proviennent de différents milieux et utilisent parfois des noms différents pour décrire leur expertise.
La mobilisation communautaire est la stratégie à privilégier pour une promotion durable de la santé. C’est une approche qui encourage les membres
de la communauté à participer à la définition des problèmes et à la recherche de solutions. Contrairement à la démarche descendante classique en
éducation sanitaire, où des professionnels de la santé étudient les problèmes, décident lesquels sont les plus pressants, puis y trouvent des
solutions, la mobilisation communautaire fait appel aux membres de la communauté pour définir et transformer les problèmes. Il s'agit d'un
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solutions, la mobilisation communautaire fait appel aux membres de la communauté pour définir et transformer les problèmes. Il s'agit d'un
processus à long terme qui autonomise les communautés en leur laissant prendre la relève des efforts de promotion de la santé.
Qui fait de la santé publique?
Les équipes de santé publique sont composées d'une vaste gamme de professionnels qui s’intéressent à divers aspects de la santé. Beaucoup possèdent une
formation de base en sciences cliniques, comme les médecins, les infirmières, les psychologues, les travailleurs sociaux, les diététistes, les kinésiologues, etc. Ils
travaillent à tous les niveaux du système de santé, pour le gouvernement fédéral et provincial, ou encore pour les autorités sanitaires locales et régionales. D'autres
travaillent dans les centres de santé communautaire. Les effectifs des services de santé publique sont responsables de la gestion et de la prestation des
programmes de santé publique, qui comprennent généralement la protection contre les maladies transmissibles et environnementales, les soins de l’enfant, la
vaccination et les programmes de santé sexuelle. Les statisticiens et les épidémiologistes assurent la surveillance de la santé.
Selon le Collège royal des médecins et chirurgiens, la branche de la médecine qui traite de la santé des populations est la santé publique et la médecine de
prévention. À la faveur de partenariats interdisciplinaires et intersectoriels, le ou la spécialiste en santé publique et médecine préventive mesure les besoins en
santé des populations et élabore des stratégies d'amélioration de la santé et du bien-être par la promotion de la santé, la prévention des maladies et la protection
de la santé.39
Le droit sanitaire
La majorité des lois sur la santé publique ont été rédigées au xixe siècle, quand on a commencé à reconnaître la discipline de la santé publique. Le
Québec, qui investit dans la santé publique depuis un certain temps, a été la première province à élaborer un système complexe, lequel s'est affermi
au moment de l'adoption de la Loi sur la santé publique en 2001. L'événement le plus marquant ces derniers temps au Canada est la création de
l'Agence de la santé publique du Canada. Bien qu'il soit toujours en pleine évolution, le droit sanitaire présente les caractéristiques suivantes :
La reconnaissance de la responsabilité spéciale du gouvernement en matière de santé publique;
La concentration sur la santé des populations;
La réglementation des relations entre l'État et les populations, et entre l'État et les personnes qui peuvent poser un risque pour la santé publique;
La prestation gouvernementale des services de santé publique;
Le pouvoir du gouvernement à contraindre les personnes et les entreprises à protéger la santé du public.
Les lois sur la santé publique respectent les principes suivants :
Le devoir du gouvernement de protéger la santé et le bien-être de la population;
Le pouvoir de fixer des normes de santé et de sécurité et de les faire appliquer;
La modération dans l'exercice du pouvoir; l’action est uniquement entreprise sur la base des critères clairement énoncés, lorsque cela est
nécessaire, et en respectant les règles de procédure.
Les lois sur la santé publique confèrent au gouvernement le pouvoir et le devoir légal de créer les conditions pour que les gens soient en bonne
santé (p. ex., cerner, prévenir et réduire les risques pour la santé dans la population). Au nom de la protection ou de la promotion de la santé
communautaire, elles limitent l'autonomie, la confidentialité, la liberté, la propriété ou d'autres droits individuels protégés par la loi, mais elles limitent
également le pouvoir de l'État de limiter ces droits.40
Questions d'auto-évaluation
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1. Comparez les avantages et les inconvénients des régimes de soins de santé publics et privés.
Avantages
Inconvénients
Régimes Possibilité d'un système à payeur unique qui réduit les coûts.
Réduction possible de la liberté individuelle.
publics
Les soins de santé représentent un grand enjeu politique.
Comme les soins sont offerts à tous, les personnes malades n'ont
pas à se préoccuper de faire faillite.
Les ressources en soins de santé peuvent aller aux personnes qui
en ont besoin.
La redistribution de la richesse dans une population est l'un des
grands déterminants de la santé des populations et des
personnes.
Régimes Les soins sont généralement disponibles au moment et à l'endroit
Les personnes qui peuvent se permettre de payer pour les ressources, qui
privés
qui conviennent au patient, notamment dans les cas d'affections
sont aussi celles qui en ont le moins besoin, sont les seules à en profiter.
aiguës et autolimitatives.
Possibilité d'épuiser les ressources humaines des systèmes publics
coexistants.
La couverture des soins pour les maladies chroniques est vraisemblablement
inadéquate ou exclue en raison du coût élevé des soins.
Il se peut que les personnes qui présentent un risque élevé d'être atteintes
d'une maladie chronique ou qui en sont déjà atteintes ne puissent se
permettre les primes ou la couverture.
2. Quels sont les effets probables du vieillissement de la population sur le système de soins de santé?
Il est peu probable que le vieillissement de la population augmente le coût des soins aigus. Les causes de l'augmentation du coût des soins aigus sont le progrès
technique, notamment dans le domaine pharmaceutique, et l’évolution des comportements liés à la santé. Il est probable que le coût des soins chroniques
augmente. Un système de soins de santé primaires bien ancré qui comprend différents types de professionnels et de services s'avérera nécessaire pour combler
les besoins de la population vieillissante.
3. Disons que vous traitez un patient ayant subi un AVC incapacitant. Quels professionnels de la santé apparentés pourraient contribuer à la prise en charge de
l'incapacité?
Toutes sortes de professionnels et de non-professionnels peuvent contribuer à la prise en charge de l'incapacité selon les fonctions touchées. Un physiothérapeute
peut traiter les troubles de la mobilité. Un ergothérapeute peut aider le patient et sa famille à s'adapter à la dysfonction. On peut avoir recours à l'orthophonie
lorsque l'aire de Broca est touchée ou lorsque le patient présente des troubles de la déglutition. Des troubles auditifs et visuels préexistants peuvent exiger une plus
grande attention afin que leur fonctionnement optimal soit conservé. Les soins sociaux et psychologiques peuvent aider le patient et sa famille à s'adapter à la perte
fonctionnelle. Les travailleurs sociaux peuvent aider le patient à accéder aux avantages auxquels il a droit. Les inhalothérapeutes peuvent aider à prévenir les
troubles respiratoires liés à l'immobilité. Les phamarciens peuvent surveiller la prise de médicaments sur ordonnance et signaler les interactions éventuelles. Les
services d'un diététiste peuvent être nécessaires en tant que mesure de prévention secondaire pour ajuster l'alimentation et assurer un état nutritionnel adéquat.
Les services non professionnels, comme les soins à domicile et de répit, peuvent être très bénéfiques au patient et à ses soignants. Les associations qui défendent
les droits des patients ou des personnes âgées peuvent améliorer le soutien social du patient et de sa famille et constituer un réseau social pour prévenir leur
isolement. Les associations comme la Fondation des maladies du c?ur du Canada peuvent renseigner le patient sur les moyens d'améliorer sa santé et d’obtenir
des avantages sociaux.
1. Quels services externes ne provenant pas d'un médecin offre-t-on dans votre région?
2. Comment les services de santé destinés aux peuples autochtones sont-ils organisés dans votre province ou territoire?
Bibliographie
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AFMC Petit Guide de la santé des populations
Chapitre 13 L'évaluation et l'amélioration de la qualité des soins de santé
Après avoir assimilé ce chapitre, le lecteur sera en mesure :
de décrire les méthodes d'évaluation et d'amélioration de la qualité des soins;
de décrire et de comprendre les multiples dimensions de la qualité dans les soins de santé, c.-à-d. ce qui peut et devrait être amélioré.
Le D r Rao rend visite à Mme Richard au centre d’hébergement et de soins de longue durée. Il constate que sa tension artérielle est élevée. Il s'apprête à lui prescrire
un médicament antihypertenseur, mais vérifie d'abord les médicaments qu'elle prend actuellement. Un médecin remplaçant lui a prescrit un anti-inflammatoire non
stéroïdien (AINS) contre l'arthrose l'été dernier. Le D r Rao soupçonne que l'hypertension est un effet indésirable de l'AINS. Plutôt que de prescrire un
antihypertenseur, il suggère donc à Mme Richard de remplacer son AINS par des comprimés de d’acétominophène. Il fixe la date d’une autre visite pour vérifier les
effets de ses interventions.
La sécurité du patient
Tous les professionnels de la santé désirent être compétents et aider leurs patients, mais les choses ne vont pas toujours comme prévu. Parfois, les
résultats de laboratoire se perdent, et les analyses doivent être répétées. Il arrive aussi que les patients reçoivent des médicaments bien qu’ils
soient contre-indiqués dans leur cas. Les pratiques ne s’inspirent pas toujours des guides de pratique fondées sur les données probantes. À
l’occasion, les erreurs et les pratiques déficientes sont dues à l’ignorance ou à l’incompétence des professionnels, mais le plus souvent, elles
s’expliquent par des problèmes de plus grande envergure liés à la complexité du système au sein duquel ils travaillent. La prévention de ces erreurs
repose sur une culture prônant une communication ouverte et de l'amélioration continue de la qualité et de la sécurité au lieu d’une culture de
blâme.
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Il faut d’emblée distinguer trois concepts :
1. Un résultat indésirable (adverse outcome)est un résultat insatisfaisant découlant de l'évolution naturelle de la maladie. Exemple : un saignement gastrointestinal en raison d'un ulcère de stress chez un patient atteint de pneumonie.
2. Un événement indésirable (adverse event)est un dommage corporel ou une complication involontaire pouvant mener au décès, à l'incapacité ou à un séjour
prolongé à l'hôpital; il est causé par la prise en charge des soins de santé plutôt que par la maladie sous-jacente du patient.1 Les événements indésirables
comprennent les complications découlant d'un traitement, les risques inhérents (et souvent imprévisibles) des interventions, ainsi que les erreurs. Par exemple,
même avec une surveillance adéquate, un saignement gastro-intestinal peut toujours survenir chez un patient traité par warfarine.
3. Une erreur médicale (medical error)est un événement indésirable qui aurait pu être évité, par exemple, un saignement gastro-intestinal chez un patient traité par
warfarine ne faisant pas l’objet d’une surveillance adéquate. Les erreurs médicales comprennent les erreurs d'exécution, comme les bévues (opérer le mauvais
côté), les omissions (oublier de se renseigner sur les allergies du patient) et les maladresses (les piqûres d’aiguille accidentelles). Ces erreurs, commises « sur
pilote automatique », sont souvent dues à la fatigue ou au stress. Un autre type d’erreur est celles dues aux manquements ou les mauvais raisonnements qui
résultent en un mauvais choix de plan de traitement (traiter un patient pour des brûlures d'estomac alors qu’il présente les symptômes et les signes classiques d'un
infarctus du myocarde) peuvent être dus soit à un problème d'attitude qui a entraîné une investigation inadéquate, soit à un manque de connaissances.
Comme beaucoup d’événements indésirables surviennent en raison de risques inhérents et non d'erreurs, il vaut mieux utiliser l'expression « événement
indésirable », à moins qu'une erreur soit clairement établie.
La sécurité du patient est devenue actuellement une préoccupation universelle dont l’amélioration passera plus probablement par une amélioration
globale de la qualité plutôt qu’en réagissant simplement aux événements indésirables. Au Canada, la Commission Romanow a énoncé que la
responsabilité de l'assurance de la qualité et de la sécurité était partagée entre plusieurs acteurs et organisations du système de soins de santé, y
compris des ordres professionnels et des instances réglementaires.2 Or, lorsque les responsabilités sont fragmentées, il peut être difficile de bien
définir les attributions de chacun, d’où la possibilité que les activités ou les suivis ne soient pas réalisés de manière optimale. En outre, le partage de
l’information et de l'apprentissage peut être inhibé. En 2003, après la parution de la Stratégie canadienne pour la sécurité des patients, un Institut du
même nom a été mis sur pied. En 2004, le Conseil canadien de la santé a été créé en vue de fournir une perspective sur les enjeux des soins de
santé, y compris la qualité et la sécurité, et sur leur impact sur la santé des Canadiens. La plupart des provinces se sont doté d’organismes
responsables d’examiner la qualité des soins et de communiquer leurs constats au public et au gouvernement. De nombreux hôpitaux ont mis en
place des mesures de vérification de la sécurité (ce sont souvent des comités de létalité et morbidité et la mortalité), et les médecins peuvent y être
tenus d’évaluer leurs pratiques de façon périodique. Cependant, il existe encore des lacunes dans la coordination et l'intégration des structures
censées assurer la sécurité des patients.3
La qualité et la sécurité des soins de santé
La Stratégie canadienne pour la sécurité des patients propose des approches pour assurer la sécurité du patient :
http://crmcc.medical.org/publications/building_a_safer_system_f.pdf.
L'Institut canadien pour la sécurité des patients offre la possibilité d'échanger des idées, des outils et des ressources en matière de sécurité des patients :
www.patientsafetyinstitute.ca/french/pages/default.aspx.
Le Conseil canadien de la santé produit des renseignements généraux sur la qualité et les résultats des soins de santé : http://healthcouncilcanada.ca.
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Une des façons de classification des événements indésirables est de déterminer le stade de l'intervention médicale pendant
lequel ils surviennent.4
Diagnostic
Erreur ou retard dans le diagnostic
Non-utilisation des tests requis
Utilisation de tests inappropriés
Utilisation de tests ou de traitements désuets
Absence de suivi des résultats d’un monitorage ou d’un test
Traitement
Erreur lors d'une chirurgie, d'une intervention ou d'un test
Erreur lors de l'administration d'un traitement
Erreur dans la dose, le mode d’emploi ou la prise d’un médicament
Retard évitable dans le traitement ou dans le suivi d’un résultat de test anormal
Soins inappropriés (non indiqués)
Prévention
Défaut de fournir un traitement prophylactique
Monitorage ou suivi inadéquat d’un traitement
Divers
Problème de communication
Panne d'équipement
Défaillance de système
L'utilisation des services est le reflet de leur qualité
Une manière assez simple de définir la qualité des services de santé se base sur l’utilisation qui en est faite, soit une sous-utilisation, une sur-utilisation ou une
mauvaise utilisation.5
Sous-utilisation : Ne pas utiliser des soins efficaces, disponibles et capables d’améliorer la santé. Exemples : les femmes à faible revenu qui ne subissent
pas de tests Pap de routine; les femmes âgées de 50 à 69 ans qui ne subissent pas de mammographies périodiques; les patients qui ne respectent pas leur
traitement antihypertenseur.
Sur-utilisation : Fournir un traitement dont le coût dépasse largement les avantages qui peuvent en être retirés (rapport coût-efficacité). Exemples : prescrire
des antibiotiques pour traiter les infections mineures des voies respiratoires supérieures; prescrire une radiographie de la cheville alors qu’une fracture est
improbable selon les règles d'Ottawa concernant l'évaluation des blessures à la cheville.
Mauvaise utilisation : Prescrire des tests ou fournir des traitements qui augmentent le coût ou le risque de complications et dont les avantages ne sont pas
nettement supérieur à ceux d’autres options. Exemples : prescrire l’antibiotique le plus récent et le plus cher alors qu'un médicament générique ou de
moindre coût est aussi efficace; administrer un médicament à un patient dont le dossier indique qu'il y est allergique.
Cette classification simple de la qualité est utile lorsque la sécurité du patient est la seule préoccupation, mais elle ne tient compte qu’une seule dimension de la
qualité. En effet, l'évaluation de la qualité englobe aussi les déterminants directs et indirects de la sécurité des patients, ainsi que la satisfaction du patient et du
prestataire de soins (voir le tableau 13.1).
Les effets indésirables des médicaments
Les effets indésirables des médicaments sont particulièrement préoccupants, surtout chez les personnes âgées ou atteintes de maladies
complexes. Il peut alors se produire des « ordonnances en cascade »; en d’autres mots, l'effet indésirable d'un médicament n’est pas reconnu
comme tel et l’on diagnostique plutôt un nouveau problème médical pour le traiter à l’aide d’un médicament supplémentaire.6 Les effets indésirables
des médicaments se situent probablement entre la quatrième ou la sixième cause de décès chez les patients hospitalisés.7 Les auteurs d’une étude
réalisée en établissements de soins de longue durée ont estimé que les deux tiers des résidents avaient éprouvé l’effet indésirable d'un médicament
sur une période de quatre ans, et que, dans un cas sur sept, cet effet avait entraîné leur hospitalisation.8 Les critères de Beers et d’autres
auteurs8,9 énumèrent les médicaments à éviter chez pour prévenir les effets indésirables les personnes âgées.
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Tableau 13.2 L’ABCDEF des réactions indésirables aux médicaments10
Type de
Description
Exemple
réaction
Augmentée
Liée à la dose
Intoxication à la digoxine
- réaction courante et prévisible
- liée au mécanisme d'action pharmacologique du
médicament
Bizarre
Non liée à la dose
Hypersensibilité à la pénicilline
- réaction rare et imprévisible
- non liée au mécanisme d'action pharmacologique du
médicament
Chronique
Liée à la dose et au temps
Utilisation chronique de stéroïdes oraux
- réaction rare
- liée à la dose cumulée
Différée
Liée au temps
Cancer induit par la radiothérapie
- réaction rare
- habituellement liée à la dose,
- survient un certain temps après l'utilisation du médicament
Échec
Échec inattendu du traitement
Réduction de l'efficacité des contraceptifs oraux lorsqu’ils sont pris avec des
antibiotiques
- réaction courante
- liée à la dose
- souvent causée par une interaction médicamenteuse
Fin
d'utilisation
Sevrage d'un médicament
Syndrome de sevrage aux opiacés
- réaction rare
- survient peu de temps après le retrait du médicament
La qualité des soins de santé
La qualité des soins mesure la probabilité que la prestation de services de santé à ;’intention des particuliers et des populations atteigne les résultats de santé
souhaités en conformité au savoir professionnel. 5
Définir la qualité
L’amélioration de la qualité ne se limite pas à prévention des événements indésirables ? elle est multidimensionnelle. Ses dimensions varient en
fonction de la définition qu’en donnent différents auteurs. La liste du tableau 13.1 est assez complète.
Tableau 13.1 : Les dimensions de la qualité11,12
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Dimensions Valeurs des services de santé
de la qualité
Sécurité
Personne ne doit être victime d'accidents ou d'erreurs lors de la prestation des soins.
Efficacité
Toute personne doit recevoir des soins efficaces, fondés sur les meilleures données scientifiques disponibles.
Approche
centrée sur
le patient
Les prestataires de soins de santé doivent se montrer à l’écoute des besoins et préférences des personnes.
Opportunité
Toute personne doit recevoir les soins dont elle a besoin au moment opportun.
Adéquation
des
ressources
Les soignants et les professionnels doivent posséder les compétences appropriées à leur pratique et avoir accès à
l'information, à l'équipement, aux fournitures et aux installations nécessaires pour répondre aux besoins de santé
leurs patients.
Efficience
Il ne faut pas gaspiller les fournitures, l'équipement, le temps, les idées, ni l’information.
Équité
Toute personne doit recevoir des soins de qualité qui correspondent à ses besoins, peu importe son identité et son
lieu de résidence.
Accessibilité Toute personne devrait pouvoir obtenir les soins qu’il lui faut au moment opportun, au bon endroit, par le bon
prestataire.
Continuité
Toutes les composantes du système doivent être organisées, coordonnées et inter-reliées. Une collaboration entre
les différents acteurs doit s’établir afin de fournir des soins de qualité.
Santé de la
population
Les professionnels de la santé doivent reconnaître leur responsabilité de prévenir la maladie et d’améliorer la santé
pour l'ensemble de la collectivité et de la population.
Gratification Prendre soin de toute personne qui a besoin de soins de santé devrait être une expérience gratifiante. Certains
considèrent que cela représente une valeur des services de santé, d'autres non. Néanmoins, les personnes qui
considèrent leur travail gratifiant offrent généralement des services de meilleure qualité que celles qui n’apprécient
pas leur travail. Règle générale, le niveau de rémunération ne joue qu'un rôle minime dans la satisfaction au travail.
Malheureusement, certaines dimensions de la qualité peuvent être incompatibles. Par exemple, le traitement le plus efficace n'est pas
nécessairement celui que est le plus directement centré sur le patient, ni le plus gratifiant pour le prestataire de soins. Il peut donc s'avérer
nécessaire d'établir une hiérarchie parmi ces critères.
Les approches de gestion de la qualité
Il y a deux façons d’aborder l'amélioration de la qualité des soins de santé.13 On a souvent recours au modèle de l'inspection qui consiste à
« chercher le coupable » et aussi appelé « nommer, blâmer et humilier ». Ce modèle n’est ni efficace, ni efficient, il fonctionne selon la théorie de la
pomme pourrie (qui à elle seule peut faire pourrir tout le contenu de la boîte de pommes). Ce modèle soutient qu'en enlevant les « pommes
pourries » du système, on se prémunit contre leur effet néfaste. Cette théorie comporte deux points faibles. D'abord, la plupart des gens qui font des
erreurs ne sont pas des « pommes pourries », mais agissent ainsi en raison de pressions dans le système qui les entoure. En les blâmant, on les
pousse à cacher leurs pratiques déficientes et les accidents qu’ils évitent de justesse, ce qui crée une culture du silence. Le deuxième point faible
est que, contrairement à une boîte de pommes distinctes et immobiles, le système de soins de santé se compose d’une multitude d’acteurs et de
processus complexes en interaction constante, ce qui présente de nombreuses possibilités d'erreurs. La surveillance de chaque point critique peut
s’avérer difficile, épuiser les ressources sans nécessairement prévenir les erreurs de façon efficace. De plus, le niveau de qualité atteint grâce à
cette méthode n'est pas supérieur aux normes imposées par l'inspection, à savoir le strict minimum.
La deuxième façon d'assurer la qualité est plus efficace. Il s'agit de se concentrer sur le système de prestation des soins de santé. La mise en place
de multiples vérifications et des filets de sûreté contribue à prévenir les erreurs tout en favorisant la divulgation des erreurs et des quasi-accidents
tout en encourageant l’expression de moyens visant à améliorer la qualité.
L'amélioration de la qualité
Pour de plus amples renseignements sur le concept de l'amélioration de la qualité, consultez l'article « Mythe : On peut éliminer les erreurs qui surviennent dans les
soins de santé en jetant les "pommes pourries" », septembre 2004, sur le site Web de la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé à la page :
www.fcrss.ca/PublicationsAndResources/Mythbusters/ArticleView/04-09-01/3e36e6e7-2120-49cd-98cb-d02395009483.aspx et l'article « Mythe : La qualité ira en
s'améliorant, un médecin à la fois », mars 2007, sur le même site à la page : www.fcrss.ca/PublicationsAndResources/Mythbusters/ArticleView/07-03-01/d759d1563fc7-4c61-85d6-c50e9c964bc2.aspx.
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Offrir des services de santé de bonne qualité est un objectif visé par tous les cliniciens. De nombreux collèges professionnels et organismes de
réglementation (p. ex., les collèges provinciaux de médecins et de chirurgiens) ont incorporé des pratiques d'amélioration de la qualité dans leur
mandat et leurs approches opérationnelles. La plupart ont en place des comités d'amélioration continue et mènent régulièrement des inspections
des pratiques professionnelles. Alors qu'auparavant beaucoup de ces organismes ne faisaient que réagir aux plaintes, ils veillent maintenant à
étudier et à mettre en ?uvre des moyens d'améliorer la qualité. En retour, leurs relations avec les cliniciens se concentrent davantage sur le
développement professionnel continu que sur les sanctions.
L'examen de la qualité
Dans la plupart des situations médicales, plusieurs barrières barrière de protection prémunissent vulnérables contre les dangers possibles. La
première est la compétence et le savoir des soignants. L’adoption des approches systématiques en constitue une autre. Par exemple, une bonne
technique de stérilisation réduit les infections de plaie, une gestion et une organisation efficaces aident le personnel à appliquer les consignes de
sécurité et à prendre des décisions sécuritaires.
Aucune barrière de protection ne peut être efficace en tout temps. La plupart d’elles présentent des faiblesses temporaires ou durables. La plupart
du temps, cela n'occasionne pas d'événement indésirable, car les autres barrières de protection suffisent à protéger le patient. Les préjudices
surviennent uniquement lorsque les brèches dans plusieurs barrières de protection sont alignées, exposant ainsi un patient vulnérable à un danger.
Le chercheur James Reason a proposé le modèle d'erreur dit « du gruyère », dont les trous représentent les brèches dans les barrières (figure
13.1).14
Figure 13.1 : Le modèle d'erreur « du gruyère »14,15
Selon la théorie de la « pomme pourrie », l’analyse d’un problème de qualité se concentre sur l'erreur même ou sur sa cause immédiate. Il permet
rarement de prévenir les récurrences. Le modèle « du gruyère » se concentre, lui, sur le système; il s’agit d’examiner toutes les barrières de
protection qui auraient dû prévenir le bris de qualité : les actions individuelles et collectives, le milieu ou le contexte dans lequel est survenu le
problème, et les facteurs organisationnels qui influencent les actions et leur contexte. Dans le même ordre d'idées, la société Toyota a élaboré le
modèle des cinq « pourquoi », un moyen simple de cerner les causes fondamentales d'une erreur. Nous l’avons adapté au contexte de soins de
santé dans la figure 13.2.
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Figure 13.2 : Exemple des cinq « pourquoi »
En réalité, il y a habituellement plusieurs réponses à chaque « pourquoi ». Il se peut que l'infirmière ait été inexpérimentée ou trop pressée, ou que
la pièce dans laquelle elle se trouvait ait été sombre. En suivant le fil de toutes les réponses, une description globale de la situation est obtenue, ce
qui donne plusieurs solutions pour prévenir d’autres erreurs.
Lors d'une réunion de service, le D r Rao mentionne l'hypertension de Mme Richard. Voici un extrait du compte rendu de la réunion :
D re Middleton : La sur-médication est un problème énorme dans les soins de santé en général.
L'infirmière Jennings explique qu'elle prend note des antécédents de prise médicamenteuse des patients lors de ses vérifications préventives, mais que la plupart
n'arrivent pas à fournir des renseignements précis sur les médicaments qu'ils prennent.
M. Bertoli (gestionnaire) : Si nous avions le budget nécessaire, nous pourrions acheter une application informatique qui vérifie s’il y a des interactions entre les
médicaments prescrits récemment.
D re Middleton : Oui, mais si un patient se fait prescrire un médicament par un spécialiste ou dans une clinique sans rendez-vous, l’application n’en tiendra pas
compte?.
En route vers la maison, le D r Rao rend visite à M. Roy, le pharmacien du coin, qui lui explique que les pharmaciens de la région ont en place un système de suivi
des ordonnances. Il n’est pas parfait, mais il fonctionne. Le D r Rao demande si les médecins de la communauté peuvent se connecter à ce système pour connaître
les médicaments de leurs patients avant d'en prescrire d'autres. M. Roy répond qu’il y réfléchira.
La semaine suivante, l'équipe discute encore une fois de la sur-médication. L'infirmière Jennings et Mme Austen, la réceptionniste, conviennent que cette dernière
avisera les patients atteints de maladies chroniques d'apporter tous leurs médicaments avec eux à leurs rendez-vous, y compris les médicaments en vente libre.
L'infirmière dressera une liste complète des médicaments et de leur posologie et la versera au dossier du patient pour que les médecins puissent la consulter.
Le D r Rao salue cette initiative; il s’aperçoit qu’on pourra l'évaluer en comptant les dossiers des patients qui comportent une liste de médicaments. On pourra peutêtre même calculer combien d’ordonnances auront été modifiées grâce à ces listes. Cependant, il craint que cela n’accapare trop l'infirmière Jennings. Il en
discutera avec elle dans quelques semaines. Il se renseignera aussi auprès de Mme Austen pour voir si le temps d'attente des patients s’est allongé. Le D r Rao se
demande s'il pourrait convaincre les gestionnaires du centre d’hébergement et de soins de longue durée de tenir une liste de médicaments pour chaque résident.
L'amélioration de la qualité
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Plusieurs principes guident les mesures d’amélioration de la qualité:16
La main-d’?uvre directe est la principale responsable de la qualité; en soins de santé, il s'agit des cliniciens.
Les systèmes d'amélioration continue de la qualité soutiennent et renforcent les systèmes de production; ils ne sont
pas simplement des outils d'inspection.
Les travailleurs souhaitent améliorer la qualité, mais cela nécessite des efforts et des compétences supplémentaires.
Les demandes vagues, les menaces et les blâmes ne sont pas des mesures efficaces pour améliorer la qualité.
Des méthodes statistiques doivent être utilisées pour mesurer le rendement et le comparer aux normes.
L'amélioration continue de la qualité est conçue pour obtenir une amélioration et non pour exercer un contrôle.
Les systèmes d'amélioration continue de la qualité doivent tenir compte de tous les aspects d'une organisation, y
compris du processus de gestion en tant que tel.
L'amélioration continue de la qualité est inadéquate et incomplète sans la participation du consommateur.
L’amélioration continue de la qualité se concentre sur les systèmes et les défaillances systémiques, et non sur les
individus et les échecs individuels.
Une approche pour améliorer la qualité
Selon Joseph M. Juran, l'amélioration de la qualité comprend trois grandes activités : la planification, le contrôle et l'amélioration :17
1. La planification de la qualité
Identifier les patients ou les populations cibles et déterminer leurs besoins :
o Quels sont les problèmes de santé parmi la clientèle, et que peut-on faire à leur sujet?
Orienter les services vers les besoins à combler :
o Les membres du personnel ou les professionnels ont-ils besoin de formation? L’environnement est-il favorable à la santé?
S’assurer que les processus et les systèmes ont la capacité de fournir les services :
o Que peut faire le cabinet/la clinique?
2. Le contrôle de la qualité (à mesurer en fonction des objectifs)
Évaluer la qualité :
o Quels résultats le cabinet/la clinique obtient-il/elle pour chaque dimension de la qualité?
3. L'amélioration de la qualité
Établir une infrastructure :
o Mettre en place des systèmes d'information pour surveiller la qualité et une équipe responsable de la qualité
Définir des projets :
o Que peut faire le cabinet/la clinique? Devrait-il s’allier à d’autres services de santé? Pourrait-on convaincre le les autorités locales de faire des choix politiques
sains?
Constituer des équipes suffisamment motivées et pourvues en ressources pour mener les projets :
o Ces équipes examineront les causes du problème, choisiront une solution et détermineront les données requises pour évaluer le bien-fondé de la solution.
Il est recommandé que les cliniciens et les établissements de soins de santé jouent un rôle proactif dans l'amélioration de la qualité en analysant les
pratiques cliniques avant que des erreurs ne se produisent et que des patients n’en fassent les frais. L'amélioration de la qualité peut être vue
comme un cycle continu : commencer par l’évaluation des besoins, suivi par la modification des pratiques, ensuite la vérification de la mise en place
des changements prévus et enfin la vérification de l’atteinte des objectifs, et puis la reprise du cycle recommence. Le tout doit résulter en une
amélioration continue de la qualité. On appelle ce cycle « Planifier, réaliser, évaluer, agir » (PRÉA) ou cycle de Shewart ou de Deming, d'après deux
des experts qui l'ont développé :
Planifier : Planifiez les changements que vous voulez apporter et mesurez la situation à l’aide d’indicateurs (en vous reportant aux
dimensions de la qualité) pour confirmer le problème. Diagnostiquez les améliorations possibles et décidez de la meilleure façon d'apporter le
changement nécessaire.
Réaliser : Mettez le changement en ?uvre.
Évaluer : À l’aide des indicateurs de l'étape « Planifier », mesurez l'impact du changement. Identifiez les impacts positifs, négatifs et
inattendus, car lorsqu’on change un système complexe, cela peut avoir des effets secondaires et des conséquences imprévues.
Agir : Agissez en fonction des résultats de votre évaluation. Le résultat final devrait être l’ajout d’autres modifications et changements. Le cas
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échéant, retournez à l'étape « Planifier » (voir la figure 13.3).
Il est souvent préférable d'effectuer plusieurs mini-cycles PRÉA plutôt qu'un seul grand cycle. Les cliniciens ne disposent habituellement pas des
ressources nécessaires pour effectuer un cycle PRÉA d'envergure. Il est probable qu'une série de petits cycles réussis entraînera une plus nette
amélioration de la qualité qu'un grand cycle raté.
Figure 13.3 : Le cycle « Planifier, réaliser, évaluer, agir » (adapté de celui de l'Institute for Health Care Improvement18)
De l'amélioration de la qualité à l'amélioration de la santé
Le cycle itératif PRÉA ressemble à la boucle itérative de mesure de Tugwell et coll. ,19 un cadre qui présente l’information sur les besoins de santé de la population
(ou de la clientèle de patients) selon une séquence logique. Il comporte les étapes suivantes : quantifier le fardeau de la maladie, repérer les causes probables,
déterminer les interventions susceptibles de prévenir ou de réduire la maladie, puis évaluer de leur efficacité. Une fois que l'intervention est jugée possible et
efficace, sa mise en exécution et l’évaluation de son résultat s’imposent. Il est possible d’ajuster les cellules du cadre en fonction du changement apporté, puis de
recommencer le processus.
Guide pratique d'amélioration de la qualité
Voici la démarche à suivre pour procéder à l'amélioration de la qualité :
1. Déterminez de ce que vous voulez améliorer, en précisant l’objet et la portée des améliorations.
2. Rassemblez une équipe en incluant les personnes qui seront touchées par les changements probables.
3. Définissez des objectifs d'amélioration précis, réalistes et, si possible, mesurables.
4. Définissez pour vos objectifs des mesures ou des indicateurs, facilement disponibles.
5. Choisissez les éléments à modifier pour apporter les améliorations.
6. Évaluez le changement.
7. Rédigez un rapport et demandez-vous quels autres aspects vous pourriez améliorer.
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Les maîtres à penser de l'amélioration de la qualité
On dit que Walter Shewart (1891?1967) est le père du contrôle de la qualité statistique. Possédant un solide bagage scientifique, il adapte la démarche scientifique
(observation, formulation d’une hypothèse, puis mise à l’épreuve de cette hypothèse) à la gestion de la qualité. Il propose trois étapes : Planifier, Agir, puis Observer
ce qui arrive.
Selon W. Edwards Deming (1900?1993), la qualité dépend davantage des systèmes que des individus. Au Japon, son travail contribue à la croissance de
nombreuses sociétés importantes comme Sony, Panasonic et Toyota. De manière générale, Deming vise à réduire la complexité, duplication et le gaspillage. Il
considère la variation de la qualité non pas comme un problème, mais bien comme une occasion d'amélioration.
Joseph M. Juran (1904?2008), dont la formation initiale est ingénieur en génie électrique, travaille partout dans le monde en tant qu'expert-conseil en gestion. Sa
contribution particulière est d’insister sur le rôle de la gestion pour assurer la qualité, ce qui renforce l'idée selon laquelle l'ensemble du système et de ses
processus sont à l’origine de la plupart des problèmes de qualité.
Avedis Donabedian (1919? 2000), médecin de famille chevronné, est recruté par l'école de santé publique de l'Université du Michigan. En 1966, il rédige un article
qui présente pour la première fois les concepts de la structure, du processus et du résultat, qui sont encore aujourd’hui le paradigme dominant pour l'évaluation de
la qualité et des programmes dans le domaine des soins de santé.
James T. Reason (né en 1938) s'intéresse d'abord au contrôle des risques dans l'industrie aéronautique. Il travaille dans plusieurs industries à hauts risques, dont
le secteur de la santé. Il se concentre notamment sur l'étude de la sécurité et de la fiabilité des systèmes dangereux, complexes et bien défendus.
Questions d'auto-évaluation
1. Quelles sont les étapes du cycle d'amélioration de la qualité?
Planifier : évaluer la situation actuelle, établir l'ordre de priorité des mesures à prendre, décider des mesures qui peuvent être prises, décider des mesures qui
seront prises et décider comment mesurer la réussite. Cette étape doit être réalisée en collaboration avec les personnes qui seront touchées par l'action.
Réaliser : exécuter les mesures prévues. Un ajustement des actions projetées peut s'avérer nécessaire.
Évaluer : évaluer les mesures qui ont été prises, leur réussite, leurs impacts positifs et négatifs, les obstacles et les facteurs habilitants.
Agir : agir en fonction des résultats de l'étape « Examen » et passer à l’étape suivante, qui peut être une réévaluation de l'action en cours ou un retour à l'étape «
Planifier » pour réévaluer l'impact global de l'action en cours et déterminer si les priorités et les buts doivent être modifiés.
2. Quelles sont les dimensions de la qualité?
Les soins de santé doivent être sécuritaires, efficaces, centres sur les besoins des patients, opportuns, efficients, équitables et accessibles. La continuité des soins
doit être assurée. Les professionnels de la santé doivent posséder les compétences et les ressources nécessaires à l’exercice de leur rôle. Les soins doivent
contribuer à la santé de l'ensemble de la population. Enfin, étant donné que l'excellence des soins dépend en partie de la motivation du personnel, les prestataires
de soins doivent considérer leur travail gratifiant.
1. Selon vous, quelles mesures pourraient être prises pour améliorer la qualité des soins dans votre milieu de travail actuel?
2. Élaborez un plan d’amélioration de la qualité.
Bibliographie
L'Institute for Healthcare Improvement offre des mini-cours gratuits en ligne aux étudiants, ainsi qu’une foule de ressources sur l'amélioration de la qualité :
www.ihi.org/ihi.
Reason J. Managing the risks of organisation accidents. Aldershot: Ashgate, 1997.
1. Baker GR, Norton PG, Flintoft V, Blais R, Brown A, Cox J, et al. The Canadian Adverse Events Study: the incidence of adverse events among
hospital patients in Canada. CMAJ 2004 May 25;170(11):1678-1686.
2. Romanow RJ. Guidé parnos valeurs: l’avenir des soins de santé au Canada ? rapport final. Conseil privé du Canada 2002 novembre;CP3285/2002F-INhttp://publications.gc.ca/site/fra/237275/publication.html;.
3. Leatherman S, Sutherland K. Quality of healthcare in Canada: A chartbook. Ottawa, Ont.: CHSRF; 2010.
4. Leape LL, Lawthers AG, Brennan TA, Johnson WG. Preventing medical injury. QRB 1993;19(5):144-149.
Droits d'auteur © L'Association des facultés de médecine du Canada. Le contenu est autorisé en vertu du permis Creative Commons « Attribution-NonCommercial-ShareAlike 3.0 Unported ».
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5. Chassin MR, Galvin RW. The urgent need to improve health care quality. Institute of Medicine National Roundtable on Health Care Quality. JAMA
1998 Sep 16;280(11):1000-1005.
6. Rochon PA, Gurwitz JH. Optimising drug treatment for elderly people: the prescribing cascade. BMJ 1997 Oct 25;315(7115):1096-1099.
7. Lazarou J, Pomeranz BH, Corey PN. Incidence of adverse drug reactions in hospitalized patients: a meta-analysis of prospective studies. JAMA
1998 Apr 15;279(15):1200-1205.
8. Fick DM, Cooper JW, Wade WE, Waller JL, Maclean JR, Beers MH. Updating the Beers criteria for potentially inappropriate medication use in
older adults: results of a US consensus panel of experts. Arch Intern Med 2003 Dec 8-22;163(22):2716-2724.
9. McLeod PJ, Huang AR, Tamblyn RM, Gayton DC. Defining inappropriate practices in prescribing for elderly people: a national consensus panel.
CMAJ 1997 Feb 1;156(3):385-391.
10. Edwards IR, Aronson JK. Adverse drug reactions: definitions, diagnosis, and management. Lancet 2000 Oct 7;356(9237):1255-1259.
11. Institutes of Medicine. Crossing the quality chasm: A new health system for the 21st century. Washington: National Academy Press; 2001.
12. Ontario Health Quality Council. QMonitor: 2009 Report on Ontario's health system. 2009; Available at:
http://www.ohqc.ca/pdfs/ohqc_2009_report_-_english.pdf. Accessed July, 2010.
13. Berwick DM. Continuous improvement as an ideal in health care. N Engl J Med 1989 Jan 5;320(1):53-56.
14. Reason JT, Carthey J, de Leval MR. Diagnosing "vulnerable system syndrome": an essential prerequisite to effective risk management. Quality
in Health Care 2001 Dec;10(Suppl 2):21-25.
15. Reason JT. Managing the risks of organizational accidents. Aldershot: Ashgate; 1997.
16. Gray JA, Austoker J. Quality assurance in screening programmes. Br Med Bull 1998;54(4):983-992.
17. Juran JM. Juran on quality by design. New York: Free Press; 1992.
18. Institute for Healthcare Improvement. Improvement Methods. Available at: http://www.ihi.org/IHI/Topics/Improvement/ImprovementMethods/.
Accessed February, 2010.
19. Tugwell P, Bennett KJ, Sackett DL, Haynes RB. The measurement iterative loop: a framework for the critical appraisal of need, benefits and
costs of health interventions. J Chronic Dis 1985;38(4):339-351.
AFMC Petit Guide de la santé des populations
Chapitre 14 Le processus décisionnel : les politiques et l'éthique des soins de santé et de la santé publique
Après avoir assimilé ce chapitre, le lecteur sera en mesure :
politiques publiques sur les comportements à l’échelle de la population et sur la santé d'une population.
Identifier les enjeux éthiques qui surviennent lorsque les libertés et les droits individuels sont limités au nom de l'ensemble de la population (p. ex., désigner
des endroits non-fumeurs ou limiter les déplacements des personnes atteintes d'une tuberculose active);
Posséder une certaine connaissance des évaluations économiques comme les analyses d’efficience ainsi que des problèmes liés à la répartition des
ressources
Décrire de façon générale :
l'allocation des ressources en santé.
Les politiques publiques
Comme décrit dans le deuxième chapitre, les facteurs qui influencent la santé ne se limitent pas aux caractéristiques individuelles et familiales;
l'économie, le système politique et la culture dans son ensemble exercent aussi une influence. Dès le xixe siècle, le lien entre les politiques et la
santé a été bien établi. En effet, il y a plus d'un siècle, Rudolph Virchow décrivait la médecine comme une science sociale, et faisait référence à la
politique en tant que médecine à très grande échelle.1 Cent ans plus tard, Michael Rachlis remarque que les profils de la santé et de la maladie sont
le reflet de nos valeurs, de notre culture et de nos institutions.2
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Rudolph Virchow
Le médecin prussien Rudolph Virchow (1821?1902) est président du département d'anatomie pathologique de l'Université de Berlin. Il conçoit le réseau d'égouts
de la ville de Berlin. C’est grâce à lui que pour la première fois, pendant la guerre franco-allemande, un train quitte l'hôpital pour se rendre au front afin de soigner
les soldats blessés. Le D r Virchow est considéré comme l'un des pères de la pathologie moderne et l'un des fondateurs de la médecine sociale. Plusieurs éléments
de la médecine portent son nom : l'angle de Virchow, la cellule de Virchow, la maladie de Virchow, le ganglion de Virchow et la triade de Virchow.
Une politique (principe directeur) est un mode ou principe d'action adopté ou proposé par un gouvernement, un parti, une personne ou un groupe d'intérêt.3
La politique (affaires publiques) est l'art et la science de gouverner, ou les activités qui concernent l'acquisition et l'exercice de l'autorité et du pouvoir.3 On définit
aussi la politique comme étant l'étude de « qui obtient quoi, quand et comment ».4 En anglais, politics correspond aussi aux notions françaises de domination
hiérarchique, de machinations ou de revendications, comme dans les expressions office politics, hospital politics, etc.
La politique désigne par ailleurs les débats, les luttes et les négociations qui mènent aux choix des politiques et à leur mise en ?uvre.
Les enjeux de la politique de santé sont classés en quatre groupes, selon le niveau du système qui est touché :5,6
Les enjeux systémiques concernent les grandes caractéristiques qui façonnent l'ensemble du système de santé : la nature des institutions
publiques impliquées dans les soins de santé, le ratio public/privé, la relation entre la santé et d'autres secteurs (p. ex., « Qui doit payer pour les
soins de santé : le gouvernement ou la personne qui les utilise? »).
Les enjeux programmatiques concernent les priorités en soins de santé, la nature des programmes de soins de santé et l’affectation des
ressources (p. ex., « Quels types de service devraient être payés par le gouvernement? »).
Les enjeux organisationnels concernent l’utilisation rentable des ressources et les façons d'assurer un service de qualité supérieure (p. ex., «
Comment doit-on organiser les centres de soins primaires pour maximiser l'efficacité des équipes de soins interprofessionnelles? »).
Les enjeux instrumentaux concernent la gestion des divers éléments d'une bonne organisation, comme le développement des ressources
humaines et les systèmes d'information (p. ex., « Quelle est la meilleure façon de passer à un système unique de dossiers médicaux électroniques?
»).
Les enjeux de la politique de santé sont également classés en fonction de leur probabilité de créer des conflits parmi les groupes d'intérêt :
Les questions hautement politiques sont celles qui peuvent provoquer une vive réaction du public, des médecins, des infirmières ou d'autres
parties prenantes. Les réductions de service entrent généralement dans cette catégorie. Au Canada, les discussions sur les grands principes de la
Loi canadienne sur la santé suscitent presque toujours la controverse, notamment celles qui portent sur la responsabilité financière privée et
publique des soins de santé.
Les questions peu controversées sur le plan politique sont celles qui ne provoquent habituellement pas beaucoup de réactions. Le choix d’autoriser
les pharmaciens de changer un médicament prescrit par un médicament générique.
Politique de santé et politique publique saine
La politique de santé dicte qui fait quoi, pour qui, à quel moment, avec quelles ressources et à quel endroit et qui doit acquitter les frais connexes.
Elle englobe notamment la réglementation et le droit exclusif d’exercice des professionnels de la santé, le nombre de lits d'hôpital dans une
communauté, l'organisation de l'assurance et du paiement des soins de santé, le ratio des services publics et privés, la diversité, le type et la qualité
des services dont dispose la communauté, et d'autres enjeux comme l'accès aux soins de santé et les coûts associés (voir le chapitre 12).
Les politiques de santé changent en fonction des grands problèmes de santé de l'heure et des percées de la technologie et du savoir. Les
changements de politique sont aussi régis par les intérêts en place, qui peuvent gêner ou favoriser les propositions de politiques informées par les
données probantes. Les politiques de santé prennent forme dans plusieurs domaines du système de soins de santé. Des exemples sont présentés
dans le tableau 14.1.
Tableau 14.1 : Quelques domaines du processus décisionnel des politiques de santé
Domaine
Type de question
Thèmes
Politique publique
Faut-il financer les greffes?
Enjeux et priorités
Politique administrative Où doit-on offrir des services de greffe? Problèmes de prestation de service
Politique clinique
Qui doit recevoir des greffes?
Possibilités d'intervention
La politique publique saine englobe les politiques des autres secteurs (comme l'éducation ou les transports) qui peuvent grandement influencer la
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santé parce qu'elles modifient les déterminants sociaux connus de la santé. Il est souhaitable que cette influence soit positive, et que les décideurs
tiennent compte de la santé dans leurs plans. Par exemple, les politiques de transport doivent tenir compte des bienfaits du transport actif; les
programmes scolaires doivent tenir compte des questions de santé en déterminant le temps à accorder à différentes activités; les règlements de
zonage municipaux doivent tenir compte de la direction du vent et de la qualité de l'air en décidant de l'emplacement de complexes industriels. De
même, les politiques qui touchent à l'iniquité sociale, à l'exclusion sociale et à l'accès à l'éducation peuvent influer sur la santé.7 Autrement dit, la
santé ne s’améliore par en n’améliorant que la politique de santé; lapolitique publique saine est aussi nécessaire. Les politiques publiques saines
sont sous-tendues de vastes objectifs sociaux qui évoluent au fil du temps, comme présenté dans le tableau 14.2.
Tableau 14.2 : L’instauration d’une politique publique saine au Canada8
Objectifs Fondement
politiques
Actions
Mesures
Observation du rôle de la
Systèmes de gestion de l’eau, inspection des aliments, quarantaines
de santé
publique
contamination dans l’apparition de
maladies
Accès
Observation des effets de la Crise des
(xixe
siècle)
Services médicaux axés sur la personne et le corps
universel années 1930 au Canada, jumelée à la
aux soins conviction que les maladies peuvent
de santé être guéries
(milieu du
xxe
siècle)
Promotion Observation du rôle du milieu social
de la
dans le maintien de la santé
Aide financière aux professionnels de la promotion de la santé et aux initiatives
axées sur le milieu social
santé
(fin du xxe
siècle)
Réduction Études du milieu du xxe siècle
des
démontrant l’existence d’un gradient
inégalités de santé selon le groupe
(à
socioéconomique
atteindre)
Loi anti-pauvreté du Québec. Problème de l' « impérialisme de la santé » (la
santé perçue comme étant le principal objectif public). Pour qu'un changement
se produise, les autres secteurs (p. ex., l'éducation) doivent comprendre leur
impact sur la santé.
Vous trouverez des exemples des événements marquants de l’instauration d’une politique publique saine au Canada depuis 100 ans (« 12 grandes réalisations »)
sur le site Web de l'Association canadienne de santé publique : www.acsp100.ca.
L'évaluation de l'impact de la politique publique sur la santé est un domaine de la santé publique en pleine croissance; elle vise à produire des
preuves à l’appui de l'élaboration de politiques sur diverses questions, des plus simples, comme la fluoruration de l'eau potable, aux plus complexes,
comme les transports et l’urbanisme.
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L'impact d'une crise économique sur la médecine
La crise économique récente et la médecine
Vers la fin de l'année 2008, des économies nationales artificiellement gonflées commencent à s'effondrer et provoquent une récession mondiale grave pendant
quelques années. Un forum d'étudiants en médecine de l'Université Queen’s a examiné l'impact probable de la récession sur la médecine. Les principaux thèmes
qui ressortent de leurs discussions illustrent les vastes répercussions potentielles des politiques économiques (qui sont la cause sous-jacente de la récession) sur
la médecine et les soins de santé.
Les patients
La perte d’emplois et de perspectives d'emploi peut entraîner une plus grande susceptibilité aux problèmes de santé et à la pauvreté (l'un des principaux
déterminants de la santé).
Les médecins et les professionnels de la santé
La difficulté à étudier la médecine, notamment pour les étudiants provenant de milieux à faible revenu.
La menace aux stages de résidence, aux perspectives d'emploi et à la rémunération des médecins. La diminution du financement de la recherche et réaffectation
des fonds (p. ex., entre les interventions préventives et curatives).
Les services de santé
Une récession économique alourdit la charge des services médicaux et sociaux. Il arrive souvent que les crises financières en santé stimulent des réformes. La
politique de santé est ainsi reformulée, reflétant un renouvellement des priorités, des contrôles et des règlements (p. ex., une comptabilisation plus stricte des
dépenses en soins de santé). La reformulation de la politique de santé peut être perçue comme une menace ou comme une possibilité d'amélioration. Il peut aussi
y voir une occasion de promouvoir la privatisation des soins de santé comme moyen de réduire la pression sur le système public (voir les raisons pour lesquelles la
privatisation ne réduit pas nécessairement la pression sur le système public dans le chapitre 12).
L’éthique
Les participants au forum ont parlé du risque lorsque les soins de santé sont considérés comme une marchandise. Sur le marché mondial des soins de santé, les
pressions économiques peuvent favoriser l’exode des professionnels de la santé hors des pays en développement, alors que ces pays en ont le plus besoin. Par
contre, les migrants économiques qui s’installent dans les pays riches peuvent appuyer l'économie de leur pays d'origine en envoyant de l'argent à leur pays. La
responsabilité sociale des médecins peut devenir de plus en plus ingrate et donc moins respectée, entraînant une remise en question des privilèges et des
obligations associés à la profession médicale.
Source : L. A. Noyahr, K. Leung et P. Uy, The Economic Crisis and Medicine Forum: A Guided Inquiry Model for Exploring Topics in Medicine and Society. Présenté
lors de la Conférence canadienne sur l'éducation médicale, St. John’s (Terre-Neuve), mai 2010.
Selon les recommandations d'Adélaïde de l'OMS en 1988,9 la politique publique saine « est caractérisée par un souci
explicite de santé et d’équité à tous les niveaux politiques et par une responsabilité face aux conséquences sanitaires des
mesures politiques. Le but principal de la politique publique saine est de créer un milieu favorable permettant aux gens de
mener une vie saine. Une telle politique facilite les choix sains. Les environnements sociaux et physiques deviennent des
facteurs d’amélioration de la santé. Afin de déboucher sur une politique publique saine, les secteurs gouvernementaux liés
à l’agriculture, au commerce, à l’éducation, à l’industrie et aux communications doivent, lors de la formulation de leur
politique, attribuer une importance fondamentale à la santé. Ces secteurs devraient être responsables des conséquences
sanitaires de leurs décisions politiques. Il faudrait traiter la santé avec autant de sérieux que les facteurs économiques. »
De la nécessité d’avoir une vue d’ensemble
L'élaboration de politiques de santé peut être difficile. Elle doit tenir compte d'une gamme très vaste de coûts et d'avantages possibles. Si l’on s'attarde à un seul
aspect du problème, des conséquences néfastes imprévues peuvent s'ensuivre, comme dans l'histoire des éleveurs de porc du Caire.
Porcs, grippe porcine et déchets10,11
Avant la pandémie de grippe porcine H1N1 en 2009?2010, les porcs urbains étaient légion au Caire. Ils se nourrissaient de déchets organiques domestiques,
représentaient une source de revenu stable pour leurs propriétaires et une source alimentaire abordable pour les 10 % de la population qui pouvaient en
consommer selon leurs croyances religieuses. Au début de l'année 2009, le gouvernement égyptien a abattu un million de ces porcs pour éliminer le risque
sanitaire de leur « élevage désordonné » dans les villes. Cependant, selon les médias internationaux, l'abattage avait pour but de prévenir la transmission de la
grippe porcine. Divers conséquences imprévues ont découlé de cette opération. Premièrement, le gouvernement égyptien a été raillé d’avoir eu recours à une
mesure inappropriée pour prévenir la transmission de la grippe porcine. Deuxièmement, les éleveurs de porcs urbains, un groupe déjà vulnérable et exclu, ont
perdu leur source de revenu. Enfin, un excellent service de recyclage des déchets a été éliminé, et les services de voirie de la ville ont été débordés par la hausse
du volume des ordures. Les déchets organiques se sont accumulés dans les rues, devenant une nuisance et posant possiblement un plus grand risque pour la
santé que l'élevage de porcs urbains.
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Ce qui influence l'élaboration de politiques de santé
Dans le scénario de soins de santé idéal, les demandes des patients se limiteraient à ce dont ils ont besoin, et l’offre de soins comblerait tous ces
besoins. Les cercles qui représentent le besoin, la demande et l'offre dans la figure 14.1 seraient entièrement superposés. Or, la demande est
essentiellement un comportement lié à la santé. Par conséquent, elle est sujette à toutes les influences décrites dans les modèles de
comportements liés à la santé, y compris les conseils des professionnels des soins de santé et des autres intérêts en place. L'identification du
besoin, soit la capacité de profiter des soins de santé (voir Besoins de soin), est sujette aux diverses façons de percevoir ce qui constitue un besoin
et comment le définir. Par exemple, après l'examen des évidences scientifiques disponibles en 2001, le Groupe d'étude canadien sur les soins de
santé préventifs a conclu que le dépistage mammographique du cancer du sein chez les femmes de 40 à 49 ans ne représentait pas un besoin. En
2002, sur la base des mêmes évidences, le groupe équivalent, aux États-Unis, en est arrivé à la conclusion contraire. En 2009, sans avoir plus
d’évidences récentes, le groupe américain s’est prononcé contre le dépistage systématique chez les femmes de moins de 50 ans. Il est clair que ces
groupes d'étude ont été sujets à des influences qui ont modifié leur façon de considérer les preuves, et donc leur perception du besoin.
Les politiques du dépistage du cancer du sein
La saga du dépistage du cancer du sein chez les femmes de 40 à 49 ans aux États-Unis est possiblement un exemple extrême de la manière dont se prennent les
décisions. Pour de plus amples renseignements, voir l'article « Mammography screening for women aged 40 through 49: A guidelines saga and a clarion call for
informed decision making » de V. L. Ernster, American Journal of Public Health, vol. 87, n o 7 (7 juillet 1997), p. 1103 (disponible en ligne sur :
http://ajph.aphapublications.org/contents-by-date.0,shtml).
Pour une controverse plus récente qui met en cause les responsables de l’élaboration de lignes directrices, consultez l'article de S. H. Woolf intitulé « The 2009
breast cancer screening recommendations of the US Preventive Services Task Force », JAMA, vol. 303, n o 2 (2010), p. 162-163.
Figure 14.1 : Ce qui influence l'élaboration des politiques de soins de santé12
Le secteur des soins de santé est un secteur d’activité rentable au niveau économique. Au Canada, environ 20 % des dépenses gouvernementales
sont attribuées à la santé.13 Chaque année, des milliards de dollars sont dépensés pour financer l’achat de biens et de services : des services
professionnels et non professionnels, de l'équipement rudimentaire ou de haute technologie, des produits pharmaceutiques.14 Lors de la répartition
des enveloppes budgétaires des fonds gouvernementaux, d'autres secteurs rentrent en concurrence avec la santé : l'éducation, l’aide sociale, les
infrastructures, entre autres, autant de secteurs dotés de raisons convaincantes pour accéder à de plus importants financements. Par conséquent,
de nombreux groupes s'intéressent aux politiques qui régissent les dépenses en santé et défendent les mérites de leurs propres programmes,
parfois de manière assez revendicatrice. Bien que l'on s'entende généralement sur le fait que les intérêts du patient sont prioritaires, ces intérêts
sont évalués selon la perspective de l'évaluateur qui tient souvent ses propres intérêts. Des enjeux comme le ratio public/privé dans les soins de
santé, la réforme des soins de santé primaires et les champs d’activité de chaque profession sont parfois enracinés dans les luttes de pouvoir entre
les groupes professionnels, les établissements de soins de santé et les autres groupes d'intérêt, parfois même au détriment des besoins des
patients et des populations.15
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Une perspective sur l'élaboration des politiques 16
Bien plus qu'une simple mise en pratique des données probantes, l'élaboration des politiques est un véritable champ de
bataille où des idées, des valeurs et des intérêts cherchent à s’imposer, avec toute une rhétorique et une mise en scène de
situations sociales. Les évidences scientifiques permettent de répondre à la question « Qu'est-ce qui fonctionne? »
L'élaboration des politiques répond à la question « Que faire? » En apparence, la recherche scientifique vise à établir des
faits objectivement; elle est en réalité profondément subjective. Les valeurs du chercheur forment les hypothèses qui soustendent la question de recherche, ainsi que l'interprétation des résultats. Il n’y a qu’à jeter un coup d'?il au courrier des
lecteurs d'une bonne revue scientifique pour deviner que les preuves incontournables n'existent pas; on a plutôt affaire à
des construits opposés à partir des mêmes données, pour appuyer des points de vue très différents.
L'élaboration des politiques se fonde essentiellement sur le jugement. En pratique, cela dépend de ce qui est dit, de qui le
dit et de l’effet de persuasion des arguments présentés. Les arguments reposent à la fois sur des faits et un raisonnement
(logos), sur un contenu émotionnel (pathos) et sur la crédibilité de l'orateur et la manière dont est présenté l'argument
(éthos). Un argument convaincant touche son public sur ces trois plans.
Le cycle des politiques
L'élaboration des politiques est un processus complexe, engagé et continu. L’histoire du tabac illustre l’évolution des politiques qui régissent la
production et la consommation du tabac depuis l’arrivée de cette plante en Europe. Près de cinquante ans se sont écoulés entre le moment où Doll
et Hill17 ont publié leur étude démontrant les effets néfastes du tabagisme et l'adoption d'une loi anti-tabac efficace au Canada.
Beaucoup d’analystes des politiques se fondent sur le cycle des politiques pour comprendre comment les politiques prennent forme.18 Le cycle des
politiques décrit la résolution d'un enjeu depuis le lancement d’une politique jusqu’à sa mise en ?uvre, évaluation et la formulation de nouvelles
priorités. Le tableau 14.3 en est le résumé; notons le parallèle entre le cycle des politiques et le cycle PFEA de l'amélioration de la qualité.
Tableau 14.3 : La résolution de problèmes et le cycle des politiques
Howlett et Ramesh, 199518
Les cinq étapes du cycle des politiques et leurs liens avec la résolution de problème appliquée
Étapes du
cycle des
politiques
Phases de la
Description et commentaires
résolution de
problème
appliquée
Définition
Reconnaissance
La manière dont un enjeu attire l’attention des décideurs. Le processus n'est pas toujours
des
priorités
d’action
du problème
rationnel; il est souvent difficile de comprendre pourquoi certains enjeux deviennent prioritaires
alors que d'autres, qui semblent plus importants, ne sont pas abordés.19
Formulation Proposition de
Les décideurs (gouvernements, régions sanitaires, hôpitaux, équipes de soins, etc.) formulent des
de la
politique
options stratégiques. Au gouvernement, l'élaboration des politiques se fait habituellement en
solutions
coulisses par des professionnels de l’analyse des politiques.19
Processus Choix d'une
décisionnel solution
Les méthodes de prise de décision sur quoi faire, ou ne pas faire, pour résoudre un problème.
Mise en ?
Concrétisation de
La concrétisation des décisions. À première vue, cela peut sembler simple, mais il faut en réalité
uvre de la
politique
la solution
changer des habitudes et des manières de fonctionner bien enracinées.
Évaluation
de la
Surveillance des
résultats
(Trop souvent négligée.) La vérification de la mise en ?uvre et de l’atteinte des résultats
politique
souhaités.18,20
Il serait tentant de considérer l'élaboration des politiques comme un processus ordonné qui évolue logiquement d'une étape du cycle à l'autre. En
réalité, ce n'est pas un processus si rationnel. Il arrive que des politiques soient élaborées sans que l’on ait considéré s'il pouvait y avoir de
meilleures solutions ou sans même que l’on ait formulé le problème. En fait, le processus peut commencer à n’importe quelle étape et ne se déroule
pas toujours dans l’ordre logique en passant par toutes les étapes. Les personnes qui souhaitent changer une politique doivent toujours être à l'affût
de possibilités et d'influences susceptibles de contribuer à faire valoir leur position. Réussir à changer une politique exige généralement plus de
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ténacité, de patience et d'arguments convaincants que de évidences scientifiques.
Dans certains cas, bien que les évidences sous-tendent le processus d'élaboration des politiques, ce sont les budgets et la faisabilité de la mise en ?
uvre qui dictent les choix. Même quand les budgets et la mise en ?uvre ne font pas obstacle et que l’on peut agir en fonction des évidences, les
réponses que l'on cherche à en obtenir et la manière des les interpréter peuvent donner lieu à des points de vue très divergents.
Des machinations politiques qui ont fait obstacle à la prévention
Saviez-vous que des sociétés pétrolières se sont opposées à l'interdiction du plomb dans l'essence? L’histoire est publiée sur le site Web de l'Université d'Ottawa :
http://www.medicine.uottawa.ca/sim/data/Lead_in_Gasoline_f.htm.
L'histoire des politiques antitabac au Canada est publiée sur le site Web du Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé :
http://www.enotes.com/public-health-encyclopedia/tobacco-control-advocacy-policies-canada.
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L'industrie : une force politique
L'industrie réussit à vendre des produits bien après que leurs dangers probables pour la santé soient mis en évidence. Voici certaines des méthodes qu'elle utilise
:21
1. Faire jouer les relations publiques
Se montrer soucieuse de la santé des utilisateurs du produit. En 1954, les fabricants américains de produits du tabac ont déclaré que leurs hauts dirigeants
s’étaient engagés à faire de la santé des gens leur responsabilité première. Il est évident que s’ils s’en souciaient vraiment, ils ne vendraient pas un produit nocif.
Mettre l'accent sur la responsabilité personnelle et la liberté individuelle. L'industrie prétend offrir des choix aux gens : « Ce n'est pas parce qu'on a l'électricité qu'il
faut s'électrocuter » dit-elle. Bien entendu, selon l'industrie, le seul but de la publicité est d'informer.
Financer des activités culturelles et se montrer socialement responsable. En 2000, la société de tabac Philip Morris a dépensé 115 millions de dollars pour des
causes sociales aux États-Unis et 150 millions de dollars pour faire connaître sa bienfaisance. Cette somme de 265 millions de dollars ne représentait que 1,7 % de
ses recettes nationales découlant du tabac.
2. Influencer les gouvernements et les organisations clés
Contribuer aux campagnes électorales. Certaines sociétés financent tous les principaux partis afin d'être vues d'un ?il favorable par le candidat qui remporte
l'élection.
Faire du lobbyisme. De nombreuses sociétés ont recours aux services de lobbyistes pour plaider leur cause auprès des dirigeants.
Créer des « portes tournantes » entre le secteur privé, le service public et les gouvernements. L'industrie embauche parfois des scientifiques en tant que
conseillers pour tenter d'influencer l'interprétation des résultats d'études scientifiques. Elle peut aussi promettre des emplois à des membres du gouvernement.
Financer des associations communautaires. Certaines sociétés financent des groupes d'intérêts qui se font passer pour des associations de consommateurs.
3. Semer le doute sur les résultats d'enquêtes scientifiques ou les influencer
Contester des résultats scientifiques largement acceptés. L’industrie critique vivement les études qui contredisent ses intérêts, et elle en discrédite les sources.
Financer des projets scientifiques pour susciter la bienveillance et influencer la publication des résultats. Il est plus probable que les études financées par
l'industrie arrivent à des résultats favorables à l'industrie que les études qui ne le sont pas.
4. Miser sur la commercialisation des produits
Cibler les jeunes. En influençant les habitudes des jeunes, on s’assure qu'ils seront consommateurs de certains produits toute leur vie.
Faire du placement de produit. Selon la méthode classique, le héro d'un film ou d'une émission de télévision utilise le produit à l'écran. D'autres méthodes
consistent à faire entrer les repas rapides, la malbouffe et les boissons gazeuses dans les écoles ou les hôpitaux, qui semblent ainsi appuyer les produits vendus
dans leurs locaux.
Offrir des versions plus « sûres » du produit. Les cigarettes « légères » le sont généralement uniquement lorsqu'elles sont fumées par des machines qui mesurent
le contenu de nicotine et de goudron. Lorsque des humains les fument, les doigts des fumeurs bloquent les trous d'aération. Les céréales allégées contiennent
souvent plus de sucre que les produits originaux.
Créer une dépendance. L'industrie du tabac a modifié les taux de nicotine pour créer une plus grande dépendance chez les fumeurs.
Cependant, les intérêts de l'industrie peuvent également être profitables pour la santé, comme le démontre l'exemple suivant.
Suncor, un gros employeur de la région de Fort McMurray, en Alberta, extrait du pétrole des sables bitumineux environnants depuis les années 1960. Près de la
moitié des 12 000 employés de Suncor habitent Fort McMurray. Au sein de cette région largement isolée, l’environnement, la santé et la sécurité représentent des
priorités pour l'industrie et pour la population. Par mesure de sécurité, les travailleurs doivent subir des tests de dépistage de drogues et d'alcool, et ils ont accès à
un service de navette (aller-retour en autobus). La santé familiale est soutenue grâce à un bon programme d'aide aux employés et à leurs familles.
Afin d'améliorer la santé et le bien-être des travailleurs, des familles et de la communauté, Suncor a financé un centre récréatif pour l'ensemble des 100 000
habitants de la ville. Des personnes de tout âge profitent de ce centre, qui offre des programmes directement axés vers les familles. Voir www.macdonaldisland.ca.
Il est clair que de telles actions visent avant tout à encourager les travailleurs et les familles à rester dans la municipalité, mais un centre récréatif est bénéfique pour
la santé individuelle et communautaire. Il peut donc exister des liens entre les communautés et l'industrie qui profitent aux travailleurs, aux familles et à la
municipalité.
Le cycle budgétaire
Alors que le cycle des politiques est presque toujours purement théorique, le cycle budgétaire est concret. La structure de l’année
gouvernementale est très rigide, et l'élaboration du budget se fait selon un calendrier précis. Ce calendrier n’est pas le même dans les provinces, les
municipalités et le gouvernement fédéral, et il peut varier d’une année à l’autre, mais il suit un ordre assez prévisible. La figure 14.2 illustre un cycle
budgétaire type. Les politiques qui nécessitent une réaffectation budgétaire doivent être adoptées entre le début et le milieu de l'automne pour la
mise en ?uvre l'année suivante. Au début de la nouvelle année, le budget est en pratique finalisé, bien qu'il ne soit pas rendu public avant le mois de
mars.
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Figure 14.2. Un cycle budgétaire canadien 22
L'économie du bien-être et l'analyse coûts-avantages
L'économie du bien-être est une branche de l’économie qui considère que les décisions sociales et économiques devraient relever du marché et
non des lois, mais que dans certaines situations (comme c'est le cas des soins de santé dans un marché libre), le marché n'arrive pas à répartir les
biens de manière équitable, et qu’il faut réglementer cette répartition.18 L'évaluation économique des options stratégiques peut appuyer les
décisions de répartition des biens. C’est une façon de comparer différentes interventions pour décider laquelle aura le plus d’impact sur les patients
et la société. Cette évaluation économique doit envisager toutes les façons possibles de résoudre un problème afin que les ressources puissent être
attribuées aux actions les plus susceptibles d'améliorer la qualité de vie et d’offrir les meilleurs avantages (voir le chapitre 7).23
L'analyse économique est « l'analyse comparative des différentes options d’intervention sociale ou de santé en tenant compte de leurs coûts et de leurs
conséquences.24 »
Deux exemples d'évaluations économiques
Une analyse coûts-utilité
Au Canada, tous les enfants de neuf et dix ans reçoivent deux doses du vaccin contre l'hépatite B. On n'administre le vaccin contre l'hépatite A qu'aux personnes à
risque de contracter la maladie. Des chercheurs ont réalisé une analyse coûts-utilité portant sur l'ajout du vaccin contre l'hépatite A aux doses du vaccin contre
l'hépatite B que reçoivent déjà les enfants de neuf et dix ans. Selon les résultats, le vaccin bivalent (hépatites A et B), bien qu'il soit plus cher, est économique d'un
point de vue sociétal, notamment lorsqu’on tient compte de l'augmentation de la survie ajustée pour la qualité de vie (SAQV). L'avantage net d'administrer le
vaccin bivalent aux enfants de neuf et dix ans, plutôt que le vaccin monovalent contre l'hépatite B, correspond à 49 unités supplémentaires de SAQV pour le
Canada.25
Une analyse coûts-avantages
Une réduction de 1 840 mg/jour de sel dans l’alimentation (comparativement à l'absence de toute réduction) diminuerait la prévalence de l'hypertension de 30 %,
ce qui réduirait d'un million le nombre de patients hypertendus au Canada. Les économies directes pour le système de soins de santé canadien s'élèveraient à 430
millions de dollars par année en raison de la réduction des coûts qui résulterait d'une utilisation moins importante de médicaments, de laboratoires et de cabinets
de médecins.26
Bien que l'analyse économique semble fournir des preuves incontournables à l’appui des décisions, ses résultats varient en fonction des coûts,
des méfaits et des avantages considérés, ainsi que des personnes qui en profitent. Les coûts peuvent être monétaires ou non monétaires (perte
d'un membre, perte d'une année de vie, souffrance psychologique). Il existe des questions méthodologiques importantes quant à la meilleure façon
d'évaluer les coûts non monétaires et de comparer différents résultats sanitaires et sociaux.24,27-31
L'éthique de la santé publique
L'éthique de la santé publique concerne les cliniciens dès qu'ils planifient des projets destinés à leur population de patients, comme la mise en ?uvre
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de directives de dépistage ou de programmes de vaccination. Elle peut également s’imposer dans les considérations cliniques lorsque la santé de la
population est à risque. L'éthique de la santé publique se distingue de la bioéthique par l'importance qu'elle accorde à différents thèmes :
La population plutôt que la personne
La perspective communautaire plutôt que la perspective individuelle
Les déterminants sociaux plutôt que l’action et la responsabilité individuelles
Les systèmes de pratique plutôt que le processus décisionnel individuel
La distribution des ressources plutôt que les soins des patients
Les valeurs centrales de l'éthique clinique, comme l'autonomie, la liberté individuelle, la bienfaisance et la non-malfaisance, portent sur l'interaction
entre les cliniciens et les patients. La santé publique, axée sur la communauté, porte sur un ensemble plus vaste de valeurs :32,33
La solidarité;
L’équité et la justice sociale;
La protection des intérêts collectifs;
Les notions liées à la communauté (respect accordé à la communauté);
Les biens communs et les biens publics;
Le bien-être sociétal en général et l'épanouissement humain;
La réciprocité;
La confiance du public.
Divers cadres ont été élaborés pour évaluer l'éthique des mesures de santé publique,33-37 chacun misant sur une perspective particulière. À
mesure que la santé publique se développera, ses cadres éthiques feront vraisemblablement de même. Les cadres éthiques aident à cerner les
enjeux à considérer avant de décider de la mesure à prendre. Ils n'indiquent pas la « bonne » décision;38 il ne s'agit que de « cadres », structurant
l’approche pour considérer un problème. Ils visent à aider le décideur, mais le jugement de celui-ci demeure essentiel.
Les enjeux éthiques pertinents pour les mesures de santé publique
Bien-fondé : Quels sont les buts de la mesure? On doit pouvoir les justifier publiquement.
Transparence : Le processus décisionnel est-il transparent? Toutes les personnes touchées par la mesure doivent pouvoir
contribuer à la décision.
Efficacité : La mesure permet-elle d’atteindre les buts? « Le pouvoir ne peut être exercé en toute justice envers l’un des
membres d’une communauté civilisée contre sa volonté, que dans un seul but : celui de prévenir les nuisances envers les
autres. Viser son propre bien, qu’il soit physique ou moral, n’offre pas une garantie suffisante. » (John Stuart Mill)
Nécessité : Est-ce qu’il faut intervenir? Existe-t-il une autre façon d'atteindre les mêmes buts? S'il y en a plus d'une, on doit
choisir celle qui cause le moins de tort.
Proportionnalité : Les avantages de la mesure l'emportent-ils sur le tort qu’elle pourrait causer? Pendant l'éclosion de
SRAS, il a fallu concilier les libertés civiles et la nécessité d’une quarantaine, la protection des travailleurs de la santé et
l'obligation de fournir des soins, l'accès aux soins et le besoin de réduire la propagation du virus.
Réduction des méfaits : Les méfaits causés par la mesure peuvent-ils être réduits? Les atteintes aux principes moraux
généraux constituent aussi un méfait. Par exemple, s’il est nécessaire d’enfreindre le principe de la confidentialité médicale
pour protéger la population, on ne doit divulguer que les renseignements essentiels, et les responsables de la collecte de
ces renseignements doivent en garantir la sécurité.
Réciprocité : Les personnes peuvent-elles être dédommagées pour les méfaits causés par la mesure? Par exemple, celles
qui souffrent des effets secondaires d’un vaccin devraient pouvoir bénéficier d'un accès gratuit aux soins et à la réadaptation
dont elles ont besoin.
Juste équilibre entre les avantages et les inconvénients : Est-il probable qu'un secteur de la communauté profitera de
certains avantages alors qu'un autre en souffrira, ou les inconvénients seront-ils également distribués? Par exemple, si l’on
ferme une usine polluante, cela sera probablement favorable à la santé des habitants du quartier, mais les travailleurs de
l’usine perdront leur emploi.
Mise en ?uvre équitable : La mesure sera-t-elle bénéfique à tous les secteurs de la communauté? Les campagnes de
santé axées sur la population générale courent le risque de joindre uniquement le segment social le mieux informé qui en a
le moins besoin.
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L'éthique au-delà des humains37
Certains cadres d’examen des défis moraux à l'échelle mondiale et internationale, créés récemment, englobent aussi le respect de la vie et de l'environnement. En
effet, les experts cherchent de plus en plus à élargir le discours sur l'éthique, des relations interpersonnelles aux relations interinstitutionnelles, voire même
internationales. Cet élargissement nécessitera la promotion d'une meilleure compréhension de la citoyenneté dans un monde interdépendant, un engagement à
respecter un plus grand nombre de droits humains, et de nouvelles façons de nous percevoir et de percevoir notre rapport aux autres et au système écologique. De
plus, les droits humains devront s’inscrire dans un programme moral plus vaste englobant l'obligation de satisfaire aux besoins humains essentiels et d'atteindre
une plus grande justice sociale à l’intérieur et à l’extérieur des frontières nationales. Voilà d'où nous devons partir pour approfondir la discussion sur l'éthique de la
santé publique et ses implications à l'échelle internationale et mondiale.
L'éthique de la santé publique et la pratique clinique
Il arrive parfois des situations de santé publique, qui nécessitent que les cliniciens enfreignent le code de déontologie qui règle l’offre de soins aux
individus :
La déclaration d'une maladie à déclaration obligatoire enfreint le principe de la confidentialité médicale, et le patient n’en profite
généralement pas. La déclaration de ces maladies est exigée par la loi; elle permet la surveillance et le contrôle des maladies infectieuses
pour le bien de la population.
Lorsqu’il coopère à une enquête épidémiologique ou à une mesure de lutte contre la propagation d’une maladie, un médecin peut être
appelé à intervenir d’une manière qui ne profite pas à son patient.
L'isolement et la quarantaine limitent la liberté des patients.
La prophylaxie ou la vaccination des contacts pour prévenir la transmission de maladies infectieuses peuvent ne pas réduire de beaucoup le
risque que le contact attrape la maladie en question. L'avantage pour le contact ne l'emporte pas nécessairement sur le risque de
l’intervention.
Bien que les lois sur la santé publique dans les provinces canadiennes permettent aux médecins-hygiénistes d'enfreindre certains droits individuels
pour protéger la population contre des maladies, il faut toujours réduire au minimum les torts causés aux personnes. Les données sur les maladies
à déclaration obligatoire sont confidentielles et doivent être gardées en lieu sûr. Le traitement et l'isolement d'un patient contre son gré nécessitent
une intervention juridique; le médecin-hygiéniste doit comparaître devant un juge ou un magistrat pour présenter ses arguments.
L’un des principaux problèmes d’éthique pour les cliniciens est de concilier leur devoir de diligence envers les patients et leur obligation, en tant que
gestionnaires de ressources limitées, d'assurer une répartition équitable de ces ressources. La plupart des dépenses en soins de santé résultent de
décisions prises par des cliniciens dans des cas individuels. Une intervention clinique peu économique ou inefficace auprès d’un patient gaspille des
ressources qui auraient pu être utilisées pour traiter un autre patient ? ou même dirigées vers un autre secteur, comme l'éducation, le logement ou
l'emploi.
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Quelques perspectives éthiques pertinentes pour la santé publique 39
L'utilitarisme
Selon Jeremy Bentham (1748?1832), la moralité d'une action n'est pas intrinsèque. Elle est plutôt déterminée à l'aide d'un « calcul hédonique » additionnant le
plaisir et la douleur qui résultent de l’action. Si l'on applique ce principe à la santé publique, une politique ou une action doit être jugée en fonction de son effet sur
la somme des niveaux individuels de bien-être ou de mal-être qu’elle produit. Cependant, la mesure du bien-être (le résultat de l'action) se discute : doit-on avoir
recours à la perception de son propre bien-être ou à des mesures objectives? Comment peut-on comparer des pommes et des oranges (p. ex., la dyslexie à la perte
d'un pied)? Quel est la gravité relative d’un méfait à différents âges? On emploie souvent l'approche utilitaire en santé publique. Un programme de vaccination des
enfants, par exemple, réduira le nombre important d'enfants qui pourraient être touchés par une maladie, mais suscitera des réactions chez certains enfants. Ou
encore, la mise en quarantaine d'une personne atteinte d'une maladie infectieuse portera atteinte à la liberté de cette personne, mais empêchera de causer du tort
aux autres personnes qui pourraient contracter la maladie.
Le libéralisme
Selon Emmanuel Kant (1724?1804), il faut traiter l’être humain avec respect, comme une fin et jamais simplement comme un moyen. Cette approche encourage la
liberté de choix individuelle; cependant, la manière d'y arriver est controversée. Selon certains, l'intervention du gouvernement doit être minimale afin de préserver
la liberté personnelle. Selon d'autres, le droit de choisir est futile sans ressources adéquates pour concrétiser ce choix; autrement dit, les soins de santé doivent être
abordables. Quand tous pourront se permettre des soins de santé, on pourra parler de choix. On se demande aussi si la santé est la condition préalable ou la
conséquence du choix. Si elle en est la conséquence, alors les gouvernements devraient fournir un accès aux soins de santé et informer les gens sur les moyens
d'améliorer leur santé, mais les laisser libres de se prévaloir ou non des soins. Si par contre la santé représente une condition préalable au choix, les
gouvernements peuvent être plus fermes et avoir recours aux lois pour forcer les gens à adopter des comportements sains, comme porter la ceinture de sécurité ou
ne pas fumer.
La primauté de la collectivité
Cette perspective a une longue histoire. On la trouve déjà chez les philosophes grecs Platon et Aristote, ainsi que dans de nombreuses traditions non occidentales.
Elle s’intéresse aux principes de la création d'une bonne société. Connaître son rang et remplir ses obligations sont des vertus importantes. La question principale
de cette perspective est la suivante : qui décide ce qui est vertueux? Selon certains, chaque communauté doit définir ses propres normes pour que la moralité
puisse être contextualisée; chaque société doit respecter les normes de l’autre. À l’opposé, on peut considérer qu’il n'existe qu'un seul type de bonne société, avec
les vertus connexes. Ainsi, il est possible de promouvoir des modèles culturels, comme l’alphabétisation des femmes, dans toutes les sociétés. La primauté de la
communauté mène à des questions quant au degré de coercition à utiliser pour limiter la déviance. Enfin, elle soulève des questions sur la manière de définir « une
communauté » : jusqu’où peut-on permettre à une personne ou à un groupe de refuser les valeurs de la communauté principale pour vivre selon une vision
différente?
Questions d'auto-évaluation
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1. Quelles sont les principales étapes de l'élaboration d’une politique?
En théorie, les principales étapes de l'élaboration d’une politique sont :
la définition des priorités d’action (on cerne les priorités);
la formulation de la politique (on cerne les options stratégiques);
le processus décisionnel (on choisit la meilleure option);
la mise en ?uvre de la politique (on applique l’option choisie);
l'évaluation de la politique (on évalue la mise en ?uvre et l'effet de la politique).
En pratique, bien que ces étapes soient utiles pour analyser la manière dont les politiques sont élaborées et mises en ?uvre, elles sont rarement suivies dans
l'ordre.
2. Quelle est la différence entre une politique et la politique?
La politique est l'art et la science du gouvernement, ou les activités qui concernent l'acquisition ou l'exercice de l'autorité ou du pouvoir. Une politique (principe
directeur) est un mode ou principe d'action. Autrement dit, la politique est responsable des politiques (principes directeurs).
3. Quel est le sens de l’expression « politique publique saine »?
La politique publique saine comprend toutes les politiques pouvant toucher la santé, peu importe si la santé en est l'objectif principal. Ce sont les politiques relatives
au transport, à l'environnement, au système social, à l'économie et au système d'éducation, entre autres.
4. Quelles sont les principales différences entre l'éthique clinique et l'éthique de la santé publique?
La caractéristique qui domine l'éthique clinique est l’inégalité du rapport de forces entre le patient et le professionnel. La caractéristique qui domine l'éthique de la
santé publique est le dilemme qui ressort de la conciliation des droits de chaque personne et de la population. On les distingue selon l'importance qu’elles
accordent à différents thèmes :
Accent en santé publique
Accent en médecine clinique
La population
La personne
La perspective communautaire La perspective personnelle
Les déterminants sociaux
L’action et la responsabilité individuelles
Les systèmes de pratique
Le processus décisionnel individuel
Les valeurs centrales de l'éthique clinique ont trait à l'interaction entre les professionnels et les patients et touchent aux enjeux comme l'autonomie, la liberté
individuelle, la bienfaisance et la non-malfaisance. Les valeurs de la santé publique sont plus vastes et comprennent la solidarité, la justice sociale et l'équité, la
protection des intérêts collectifs, les biens communs et publics, le bien-être sociétal, la réciprocité et la confiance du public.
1. Un patient atteint de sclérose en plaques vous demande de rédiger une lettre pour l'aider à obtenir un traitement par angioplastie aux frais de la province.
Selon les promoteurs de ce traitement, il améliore les symptômes dans la mesure où les patients peuvent retrouver des fonctions qu'ils avaient perdues.
Cependant, selon l’establishment médical, ce traitement n’a aucun fondement scientifique, et son efficacité n’est pas prouvée. Quels enjeux éthiques devezvous considérer pour prendre une décision?
2. Quelles sont les principales priorités en soins de santé dans la région où vous travaillez ou étudiez, et sur quels critères s’est-on fondé pour en faire des
priorités?
3. Décrivez une politique qui a un effet sur votre santé dans la municipalité où vous habitez.
Bibliographie
Pour savoir davantage sur l’éthique en santé publique, lire le chapitre 2 de : Bailey TM, Caulfield T, Ries NM (eds). Public health law and policy in Canada. 2nd ed.
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