IP/97/141
Bruxelles, le 20 février 1997
Une contribution de la recherche européenne dans
le traitement de la leucémie
Les contributions récentes du Centre Commun de Recherche (Commission
européenne) aux études de cancer affichent des résultats significatifs et
prometteurs dans le traitement de la leucémie. Les scientifiques de l’Institut
des Transuraniens (ITU) du CCR, implanté à Karlsruhe, placé sous la
responsabilité du Commissaire Mme Edith Cresson, ont en effet préparé un
radioisotope, le bismuth-213, qui vient d’accéder au stade d’essais cliniques
préliminaires du traitement de la leucémie au Memorial Sloan-Kettering
Cancer Center de New York. Cette performance met en valeur l’expertise
acquise par le Centre Commun de Recherche de l’Union européenne dans le
domaine du nucléaire et permet d’appliquer cette expertise à la santé
publique.
Le nouveau traitement, qui utilise l’émission de particules alpha, est conçu pour
avoir des qualités uniques de destruction de cellules cancéreuses, avec
l’avantage supplémentaire de peu affecter les cellules saines, contrairement aux
thérapies normales par irradiation ou à la chimiothérapie. Les particules alpha
sont extrêmement efficaces pour tuer les cellules, mais elles parcourent de très
faibles distances.
Dérivé des déchets nucléaires - sous produits de l’énergie nucléaire - le bismuth-
213 est plus aisé à manipuler que d’autres émetteurs de particules alpha et
décroît rapidement en une substance non radioactive.
Les traitements cliniques préliminaires indiquent, dans le cas de l’utilisation du
bismuth-213, la faisabilité du transport de molécule vers les cellules cancéreuses
cibles, la sécurité de l’administration et les effets anti-leucémiques. Ces
informations ont été données le 16 février à la réunion de l’”American Association
for Advancement of Science” à Seattle, par le Dr. David Scheinberg, Chef du
Service de Leucémie du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center. "J’espère
apporter la preuve de principe de cette nouvelle modalité de thérapie dans six à
neuf mois", a dit le Dr. Scheinberg.
En prévision de la demande croissante de bismuth-213, l’ITU, un des sept instituts
du Centre Commun de Recherche, accroît sa capacité de production.
Dans le même temps, la Commission Européenne parraine à Nantes et à
Heidelberg, des études similaires à celles du Memorial Sloan Kettering Cancer
Center. La recherche française se focalise sur le traitement d’un autre type de
leucémie et la recherche allemande sur le lymphome de non-Hodgkin.
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Information de base
L'Institut des Transuraniens (ITU)
Situé à Karlsruhe, (Allemagne), ITU est l'un des sept instituts du Centre Commun
de Recherche de la Commission Européenne. Il a une compétence particulière
dans la recherche des propriétés, la production, le traitement chimique et la
manipulation sûre des actinides. Au cours des dernières années l’Institut a mené
des études sur les nucléides-émetteurs alpha, le 213Bi et l’225Ac, en
collaboration avec des sociétés privées et des hôpitaux de plusieurs pays. Ceci a
permis à ITU d'établir une production limitée de 213Bi et 225Ac soumise au
contrôle de qualité et de concevoir un générateur stable de 213Bi pour
l´approvisionnement des hôpitaux (comme le Memorial Sloan Kettering Cancer
Center), où il est utilisé pour des essais cliniques de traitement par radio
immunothérapie du cancer.
Pourquoi utiliser des radionucléides d'émission alpha pour traiter le cancer?
Les radionucléides émetteurs alpha sont parmi les radionucléides les plus
prometteurs pour le traitement de cancers du sang et des cellules
micrométastatiques. En raison de leur courte portée (60 à 100 micromètres) et
leur valeur élevée de transfert linéaire d'énergie, les émetteurs alpha peuvent
délivrer une dose de rayonnement léthale sur un parcours de quelques cellules.
Quand des émetteurs alpha sont conjugués à des anticorps monoclonaux (des
protéines qui se fixent sur la membrane externe de la cellule tumorale), on
s'attend à ce que le produit résultant soit un traitement efficace contre le cancer.
Le traitement du cancer par anticorps monoclonaux couplés à des émetteurs bêta
a été également pratiqué. Cependant, dû à leur parcours plus long, les particules
bêta détruisent aussi les cellules saines avoisinantes. Pour cette raison, le
Memorial Sloan Kettering Cancer Center a décidé d´utiliser le 213Bi. Dans ces
applications le radionucléide a été utilisé pour des essais pré-cliniques et cliniques
et injecté dans le flux sanguin des patients.
ITU collabore avec le Memorial Sloan Kettering Cancer Center.
Le projet en cours le plus avancé repose sur plusieurs années de développement
commun, avec des sociétés privées, des instituts de recherche et des hôpitaux
internationaux. Il consiste en la mise en oeuvre de la phase I des essais cliniques,
utilisant le 213Bi en immunothérapie, sur des patients atteint de leucémie
myélogène aiguë, au Memorial Sloan Kettering Cancer Center à New York. Ces
tests cliniques ont été rendus possible grâce à une convention de transfert de
matériel par laquelle la Commission Européenne permet à l’hôpital de demander
un générateur de 213Bi.
Les chercheurs de ITU ont résolu les problèmes spécifiques pour assurer la
stabilité pendant le transport, la sûreté d´utilisation d'un tel générateur à l'hôpital.
Ils ont développé le conditionnement pour le transport, (l´225Ac est fixé sous
forme d´oxyde exempt de colloïde dans une ampoule de quartz), la procédure de
dissolution, d'élution et de purification, qui permet l’extraction du 213Bi à l'hôpital,
afin de le conjuguer à l'anticorps approprié (HuM195 dans ce cas) et d’injecter le
radio immunoconjugué au patient.
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L'étude préclinique a mis en évidence que le HuM195 radiomarqué est
rapidement absorbé par les cellules de leucémie HL60. La stabilité in vitro et la
toxicité non spécifique chez les souris sont acceptables. Les résultats des
premiers essais cliniques sur quatre patients fournissent la confirmation que le
traitement sur le corps humain se comporte ainsi que prévu par les résultats
observés lors des essais précliniques. Aucun effet secondaire aigu n'a été
observé et un effet significatif d' antileucémie a été mis en évidence.
Alternatives de production pour le nucléide-mère.
Afin de faire face à une demande croissante de nucléide-mère liée aux projets en
cours et planifié, et de se préparer à une mise en oeuvre à plus grande échelle
des traitements proposés, l’Insitut se concentre sur le développement d’autres
méthodes de production. L’objectif est de mettre à la disposition de l’Union
Européenne une capacité de production efficace et indépendante pour ces
nucléides.
Les essais cliniques d'alpha-immunothérapie dans l'Union Européenne
.
Outre l'application thérapeutique in vivo de ces émetteurs alpha, l'ITU prépare
également l´étude de leur efficacité dans un traitement “ex corpore” de cancers.
Pendant une chimiothérapie à forte dose et/ou une irradiation totale du corps, la
mise en oeuvre d'une greffe de moelle et/ou le sauvetage hématopoïétique de
cellules souches est bien connue. Plusieurs techniques pour “purger” les cellules
souches de sang sont appliquées. La nouvelle méthode proposée, brevetée par
ITU, utilise des anticorps marqués avec des émetteurs alpha et devrait purger
sélectivement et avec une sensibilité élevée les cellules souches de sang de toute
cellule cancéreuse résiduelle avant réinjection dans le patient. Sur la base de la
courte période des nucléides proposés, le traitement ex corpore évite l´injection
de radioactivité dans le corps du patient et peut être fait dans un laboratoire
centralisé ayant l´autorisation de travailler avec ces nucléides.
Un projet financé par la Commission Européenne, en collaboration avec l'Institut
National de La Santé et de La Recherche Médicale (INSERM) Unité "Interactions
Récepteurs Ligands en Immunologie et Cancérologie" et le Laboratoire de
Physique Subatomique et de Technologies Associées (SUBATECH) de l'Ecole
des Mines de Nantes, France, est orienté à la fois vers l'utilisation du 213Bi et de
l´225Ac, pour traiter des cellules cancéreuses de myélome multiple dans la moelle
humaine, en utilisant l'anticorps monoclonal B-B4. Ces cellules cancéreuses sont
très bien adaptées pour être traitées avec des particules alpha parce que le
myélome multiple au stade initial est limité à la moelle (donc facile à localiser et à
cibler). De plus, le type nodulaire de tumeurs comprend quelques centaines de
cellules (correspondant à la distance parcourue en général par les particules
alpha). Cette collaboration est caractérisée par l´échange de matières nucléaires
et de chercheurs, optimisant de fait les besoins de compétences
multidisciplinaires de ce projet européen.
L’Institut collabore aussi avec l'Hôpital Universitaire et le Centre Allemand de
Recherche sur le Cancer de Heidelberg pour réaliser des essais in vitro,
précliniques et cliniques (in vivo), d´alpha radioimmunothérapie sur des patients
atteints de lymphome folliculaire avancé de non-Hodgkin, utilisant le 213Bi couplé
à un anticorps monoclonal anti CD37. En parallèle, l´application ex-corpore sera
étudiée. Les cellules souches hématopoïétiques, extraites des patients avant
chimiothérapie à dose élevée, seront envoyées à l'ITU pour être traitées par des
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immunoconjugés émetteurs alpha afin d´éradiquer toute cellule cancéreuse
résiduelle.
L'efficacité de destruction des cellules sera évaluée et la qualité des cellules
souches sera étudiée avant réinjection dans le patient. Puisqu'aucune
radioactivité n'est laissée dans la greffe, la dernière évaluation peut être faite à
l'hôpital sans exiger de laboratoires spéciaux. Deux entreprises pharmaceutiques
(MAP Medical Technologies, Finlande; Baxter, Allemagne Autriche États Unis)
ainsi que d'autres hôpitaux ont montré un intérêt à collaborer à ces projets.
Exploitation de la recherche et diffusion des résultats.
Au cours de l'automne de 1997, ITU organisera un congrès pour rassembler les
principaux experts et les différents partenaires sur ces activités. Ce congrès
offrira une plate forme pour les contacts interdisciplinaires et internationaux et
pour l'échange d'information entre les experts. Les résultats, tant des essais
cliniques avancés au Memorial Sloan Kettering Cancer Center, que des essais
précliniques en Europe seront examinés.
Les points principaux pour l'exploitation ultérieure seront évalués: fabrication et
distribution du radioimmunoconjugué, autorisation industrielle de préparation du
médicament et de son administration à l'hôpital, phase 2 des essais cliniques et
augmentation de la collaboration entre les différents partenaires et l'ITU. Des
représentants des organismes d'autorisation et de l'industrie pharmaceutique
seront également invités, ainsi que ceux des centres hospitalies et de recherche
sur le cancer.
Bénéfices de l´utilisation du 213Bi.
Plusieurs émetteurs alpha, présentant des désavantages empêchant leur mise en
oeuvre à grande échelle, ont été proposés dans le cadre de la
radioimmunothérapie. L'accumulation dans certains organes et tissus (211At), la
stabilité de la conjugaison in vivo (223Ra par rapport à Ca), la présence de radon
ou d´isotopes émettant des rayons gamma d'énergie élevée dans la chaîne de
production ou de décroissance (dans le cas de 224Ra et 212Bi, respectivement)
sont des exemples typiques des problèmes d´utilisation. D´autre part, l'absence
d'une capacité de production suffisante constitue une barrière importante à
l'exploitation. Les chercheurs de l'ITU ont abordé les deux types de problèmes
en parallèle, en proposant de nouveaux isotopes émetteurs alpha (à savoir 213Bi
et 225Ac) et en développant différentes manières de produire ces radionucléides.
Les radionucléides en question appartiennent à une chaîne de décroissance
alpha artificielle dont les nucléides-mères 237Np - 233U sont des produits de la
génération d’énergie nucléaire. Contrairement aux trois autres chaînes de
décroissance alpha naturelles (238U, 235U et 232Th), la chaîne du 237Np ne
contient pas de radon ni d´émetteurs gamma d'énergie élevée. Le 213Bi ne
produit donc pas de rayons gamma d'énergie élevée comme le 212Bi (dont le
descendant, le 208Tl, émet un gamma de 2,6 MeV) et peut donc être manipulé
sans blindage important. Il a une raie d'émission gamma à 440 KeV qui peut être
utilisée en imagerie nucléaire.
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Disponibilité des 213Bi et 225Ac.
Jusqu'à présent, la seule manière d'obtenir 225Ac est la désintégration
radioactive du 229Th, qui lui même a été séparé du stock de 233U (cycle du
surgénérateur 232Th -233U). Avec une demi-vie de 159.000 ans pour l´233U,
l'accumulation du 229Th est lente. Les vieux stocks de 233U aux laboratoires
nationaux d'Oak Ridge contiennent peu de 229Th en quantités de l’ordre de
curies (Ci), avec une activité équivalente en 228Th, provenant de 232U. En raison
de la faible concentration du 229Th (de l’ordre de quelques parties par million),
ainsi que les précautions à prendre en raison de la masse critique de 233U, la
séparation entraînerait un coût considérable. La disponibilité à l'échelle
européenne est également très limitée.
L'ITU dispose d´environ 200 mg de 229Th, distribué dans une matrice d'environ
50 g de 232Th. La longue demi-vie de 229Th, 7340 ans, limite la disponibilité de
l’225Ac à environ 35 mCi. L´ 225Ac, avec une demi-vie de 10,0 jours, peut être
séparé du 229Th tous les deux mois. Cette quantité détermine le nombre de
générateurs de 213Bi utiles qui peuvent être préparés (et donc les essais
précliniques et les applications cliniques). Elle ne garantit donc pas qu'un
générateur de 213Bi d'activité spécifiéé soit disponible sur demande d'un institut
de recherche ou d'un hôpital à chaque moment. Une telle flexibilité constitue
cependant un besoin essentiel pour l'utilisation du générateur dans un hôpital. La
demi-vie relativement courte de le 225Ac (10 jours) et la demi-vie courte de 213Bi
(45 minutes) imposent en effet que le générateur de 213Bi soit produit peu avant
l'emploi. Les solutions proposés par ITU comprennent l'analyse des différents
systèmes alternatifs de production de 225Ac.
Alternatives de production pour le nucléide-mère.
Outre l'extraction de 225Ac à partir du 229Th comme décrit ci dessus, la
production de l´225Ac par irradiation protonique de 226Ra dans un cyclotron
(breveté par ITU) est un nouveau projet en cours, qui permettra une production
flexible et propre d´225Ac. D'autres méthodes (brevetées par ITU), telles que
l´irradiation du 226Ra par rayons gamma, en utilisant le rayonnement de
freinage d'un accélérateur d'électrons, ou par neutrons dans un réacteur à haut
flux, seront évaluées dans les années futures. L’objectif est de mettre à
disposition de l’Union Européenne une capacité de production efficace et
indépendante pour ces nucléides.
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