UNE VOIE D`INTERVENTION FORT PROMETTEUSE

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Programme Actions concertées
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La persévérance et la réussite scolaires
résultats de recherche
le trouble déficitaire de l’attention
avec hyperactivité :
une voie d’intervention fort prometteuse
chercheure principale
Hélène Poissant
Université du Québec à Montréal (UQAM)
le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (tdah) fait
partie des troubles neurodéveloppementaux de l’enfance les plus fréquemment
diagnostiqués. Sa prévalence varie entre 3 et 8 % chez les jeunes d’âge
scolaire et touche trois fois plus les garçons que les filles. Ce trouble a des
conséquences importantes sur l’adaptation scolaire des enfants et pose de
sérieux défis aux parents et aux enseignants. Depuis plusieurs années, une
équipe de recherche dirigée par Hélène Poissant, professeure au Département
d’éducation et de pédagogie de l’UQAM, mène des études en vue d’élaborer
un nouveau programme d’intervention, le Programme multidimensionnel de
remédiation cognitive (PMRC). À la suite de son évaluation auprès de jeunes
enfants aux prises avec un TDAH, l’équipe est unanime : ces nouvelles voies
d’intervention pour les enseignants, les cliniciens et les parents d’enfants
vivant avec un TDAH ont permis d’améliorer de façon significative plusieurs
déficits associés à ce trouble. Le programme d’intervention propose des
stratégies prometteuses qui limitent l’expression des comportements associés au TDAH et permettent de renforcer d’autres comportements résilients.
Programme novateur
Malgré la controverse qu’elle continue de soulever, la pharmacothérapie est le traitement le plus utilisé aujourd’hui parce qu’elle diminue
les comportements perturbateurs et augmente la capacité d’attention de
l’enfant. Cependant, ses effets positifs sont de courte durée. Dès que la
médication cesse, les symptômes réapparaissent à leur niveau initial.
« L’enfant n’apprend pas par lui-même à contrôler son agitation et ses
comportements impulsifs, ni à augmenter sa capacité d’attention, explique
Hélène Poissant. C’est précisément ce que nous visons avec un programme
axé sur la métacognition, l’autorégulation et le contrôle. » L’équipe estime
que des alternatives plus durables méritent d’être développées.
La « remédiation cognitive » ou l’entraînement des processus exécutifs
est actuellement un champ de recherche prometteur pour diverses catégories
de problèmes cognitifs. Certaines études suggèrent qu’il est possible d’entraîner l’attention et la mémoire chez des enfants ayant un TDAH afin de
favoriser l’orientation du comportement vers la réalisation d’une tâche.
Les chercheurs souhaitaient
vérifier si l’entraînement à des habileIl est possible d’entraîner
tés cognitives pouvait remédier aux
l’attention et la mémoire chez
déficits des jeunes et ainsi améliodes enfants ayant un TDAH
rer les habiletés d’élèves susceptiafin de favoriser l’orientation
bles de développer un TDAH sur le
du comportement vers la
plan de l’attention, de la mémoire
de travail, de l’inhibition et de la
réalisation d’une tâche.
motricité, avec un résultat positif
sur la réussite scolaire. Dans le cadre
d’une action concertée sur le thème de la persévérance et de la réussite
scolaires entre le Fonds québécois de la recherche sur la société et la
culture en collaboration avec le ministère de l’Éducation, du Loisir et du
Sport, l’équipe a ainsi pu expérimenter et évaluer les effets du PMRC, le
nouveau programme d’intervention. « L’objectif est de faire décroître les
risques de développer un TDAH ou de diminuer les symptômes lorsqu’ils
sont déjà avérés », précise Hélène Poissant.
Divisé en deux volets, le PMRC a été expérimenté sur deux sites, l’un
scolaire et l’autre clinique, avec des cohortes d’enfants à risque (N=80) et
des cohortes d’enfants diagnostiqués avec un TDAH (N=67). Dans les deux
cas, des groupes contrôles d’enfants exempts de troubles ont été intégrés
à la recherche. Les enfants en milieu scolaire avaient entre 5 et 6 ans, tandis
que ceux en milieu clinique étaient âgés de 6 à 8 ans. La première année
du programme a consisté à évaluer les différentes cohortes d’enfants, pour
ensuite, la deuxième et la troisième année, implanter et évaluer le programme
sur les deux sites.
Le PMRC focalise principalement sur la métacognition ou les fonctions
exécutives. « Cet aspect est très novateur, affirme Hélène Poissant. Il suscite
de plus en plus d’intérêt tant du point de vue de l’évaluation que de
l’intervention. »
Dans la vie concrète de l’enfant, les difficultés sur le plan exécutif
se traduisent par un ensemble de comportements inadaptés. Par exemple,
l’enfant oublie constamment ses responsabilités, parle trop, ne peut
maintenir l’effort à accomplir une tâche ou est prompt à démontrer son
mécontentement face aux travaux scolaires à accomplir. Il peut aussi
s’arrêter en cours d’exécution d’une tâche à la moindre embûche sans
penser à des solutions de rechange.
Le programme s’inscrit dans une approche d’intervention précoce. Il
comprend 36 activités de groupe réalisées en classe par des enseignants
et 36 activités complémentaires conçues pour les parents à la maison. Dans
le cas des activités en classe, les enseignants sont mis à contribution trois
fois par semaine pendant une durée de 12 semaines. Ce volet sensorimoteur
du programme vise surtout l’entraînement des capacités d’inhibition,
d’attention sélective et d’attention soutenue, à partir de stimulations
sensorielles visuelles, auditives et motrices. L’utilisation de logiciels de
rééducation du système sensoriel a aussi été intégrée aux activités.
« Ce volet expérimenté au préscolaire a permis de démontrer des
améliorations significatives du contrôle de l’inhibition, de l’attention sélective
et des compétences auprès d’enfants de 5 à 6 ans présentant des symptômes
d’inattention et d’hyperactivité », affirme Hélène Poissant. Par exemple, le
programme d’entraînement de l’attention en classe a permis d’améliorer la
concentration. Selon les enseignants, des améliorations ont aussi été
constatées sur le plan de la motricité fine et les élèves étaient beaucoup
plus calmes après le programme, très éveillés à leur posture physique et
avaient moins tendance à « être
dans la lune ».
Des applications du programme
peuvent être envisagées auprès
des enfants ayant un trouble
envahissant du développement ou
encore auprès de ceux ayant un
trouble de l’opposition.
L’équipe a ensuite examiné
de plus près l’évaluation du programme de remédiation cognitive
auprès des enfants considérés à
« très haut risque » de développer un TDAH d’après les tests
de dépistage. Les analyses effectuées démontrent des améliorations significatives pour les fonctions d’inhibition et d’attention sélective.
« L’entraînement des fonctions exécutives à l’aide d’activités sensorimotrices a un impact positif sur le réseau attentionnel des enfants du
préscolaire qui présentent un risque élevé de développer un TDAH au cours
de leur scolarisation future », a relevé l’équipe de chercheurs.
En milieu clinique, le programme s’est aussi avéré fort positif. Les
cohortes d’enfants (6 à 8 ans) déjà diagnostiqués ont suivi un total de
48 périodes de 20 minutes d’entraînement à l’attention soutenue et à l’attention divisée. « Les résultats de l’évaluation indiquent que l’entraînement
cognitif améliore l’efficacité du traitement de l’information et celui du
contrôle de l’inhibition, constate Hélène Poissant. Ces acquis se maintiennent
aussi jusqu’à six mois après la fin du programme. »
Retombées à long terme
Grâce à cette recherche, il est possible d’avancer que l’approche
sensorimotrice constitue une voie d’intervention prometteuse auprès de
jeunes enfants à risque de présenter un TDAH. « Nous avons démontré
l’efficacité du Programme multidimensionnel de remédiation cognitive dans
des contextes scolaire et clinique, de même qu’avec des enfants de la
maternelle et du primaire. Ceci nous permet de généraliser nos résultats à
des contextes et des problématiques variées », estime l’équipe.
Ainsi, des applications du programme peuvent être envisagées
auprès des enfants ayant un trouble envahissant du développement ou
encore auprès de ceux ayant un trouble de l’opposition. Des expérimentations
sont aussi en cours chez des enfants d’âge préscolaire qui présentent à la
fois des retards sur le plan des habiletés langagières et des problèmes
d’autorégulation du comportement.
Autre voie prometteuse, l’entraînement cognitif a aussi été expérimenté
auprès d’adultes non médicamentés ayant un TDAH et les résultats démontrent,
ici aussi, une amélioration de la mémoire de travail et de l’inattention.
Cette recherche permettra à plus long terme de développer un programme de formation du personnel enseignant et du personnel clinique et
de développer des services plus adéquats aux enfants présentant un TDAH
dans les milieux scolaires et hospitaliers. Du même souffle, elle démontre
à quel point il est possible de créer des ponts constructifs entre chercheurs
et praticiens.
partenaires
Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture
Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport
référence
Le programme multidimensionnel de remédiation cognitive (PMRC),
Hélène Poissant, Université du Québec à Montréal, 2007, 45 pages.
Une réalisation de :
• Fonds de recherche sur la société et la culture
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• Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport
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