Programme Actions concertées 35 La persévérance et la réussite scolaires résultats de recherche le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité : une voie d’intervention fort prometteuse chercheure principale Hélène Poissant Université du Québec à Montréal (UQAM) le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (tdah) fait partie des troubles neurodéveloppementaux de l’enfance les plus fréquemment diagnostiqués. Sa prévalence varie entre 3 et 8 % chez les jeunes d’âge scolaire et touche trois fois plus les garçons que les filles. Ce trouble a des conséquences importantes sur l’adaptation scolaire des enfants et pose de sérieux défis aux parents et aux enseignants. Depuis plusieurs années, une équipe de recherche dirigée par Hélène Poissant, professeure au Département d’éducation et de pédagogie de l’UQAM, mène des études en vue d’élaborer un nouveau programme d’intervention, le Programme multidimensionnel de remédiation cognitive (PMRC). À la suite de son évaluation auprès de jeunes enfants aux prises avec un TDAH, l’équipe est unanime : ces nouvelles voies d’intervention pour les enseignants, les cliniciens et les parents d’enfants vivant avec un TDAH ont permis d’améliorer de façon significative plusieurs déficits associés à ce trouble. Le programme d’intervention propose des stratégies prometteuses qui limitent l’expression des comportements associés au TDAH et permettent de renforcer d’autres comportements résilients. Programme novateur Malgré la controverse qu’elle continue de soulever, la pharmacothérapie est le traitement le plus utilisé aujourd’hui parce qu’elle diminue les comportements perturbateurs et augmente la capacité d’attention de l’enfant. Cependant, ses effets positifs sont de courte durée. Dès que la médication cesse, les symptômes réapparaissent à leur niveau initial. « L’enfant n’apprend pas par lui-même à contrôler son agitation et ses comportements impulsifs, ni à augmenter sa capacité d’attention, explique Hélène Poissant. C’est précisément ce que nous visons avec un programme axé sur la métacognition, l’autorégulation et le contrôle. » L’équipe estime que des alternatives plus durables méritent d’être développées. La « remédiation cognitive » ou l’entraînement des processus exécutifs est actuellement un champ de recherche prometteur pour diverses catégories de problèmes cognitifs. Certaines études suggèrent qu’il est possible d’entraîner l’attention et la mémoire chez des enfants ayant un TDAH afin de favoriser l’orientation du comportement vers la réalisation d’une tâche. Les chercheurs souhaitaient vérifier si l’entraînement à des habileIl est possible d’entraîner tés cognitives pouvait remédier aux l’attention et la mémoire chez déficits des jeunes et ainsi améliodes enfants ayant un TDAH rer les habiletés d’élèves susceptiafin de favoriser l’orientation bles de développer un TDAH sur le du comportement vers la plan de l’attention, de la mémoire de travail, de l’inhibition et de la réalisation d’une tâche. motricité, avec un résultat positif sur la réussite scolaire. Dans le cadre d’une action concertée sur le thème de la persévérance et de la réussite scolaires entre le Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture en collaboration avec le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, l’équipe a ainsi pu expérimenter et évaluer les effets du PMRC, le nouveau programme d’intervention. « L’objectif est de faire décroître les risques de développer un TDAH ou de diminuer les symptômes lorsqu’ils sont déjà avérés », précise Hélène Poissant. Divisé en deux volets, le PMRC a été expérimenté sur deux sites, l’un scolaire et l’autre clinique, avec des cohortes d’enfants à risque (N=80) et des cohortes d’enfants diagnostiqués avec un TDAH (N=67). Dans les deux cas, des groupes contrôles d’enfants exempts de troubles ont été intégrés à la recherche. Les enfants en milieu scolaire avaient entre 5 et 6 ans, tandis que ceux en milieu clinique étaient âgés de 6 à 8 ans. La première année du programme a consisté à évaluer les différentes cohortes d’enfants, pour ensuite, la deuxième et la troisième année, implanter et évaluer le programme sur les deux sites. Le PMRC focalise principalement sur la métacognition ou les fonctions exécutives. « Cet aspect est très novateur, affirme Hélène Poissant. Il suscite de plus en plus d’intérêt tant du point de vue de l’évaluation que de l’intervention. » Dans la vie concrète de l’enfant, les difficultés sur le plan exécutif se traduisent par un ensemble de comportements inadaptés. Par exemple, l’enfant oublie constamment ses responsabilités, parle trop, ne peut maintenir l’effort à accomplir une tâche ou est prompt à démontrer son mécontentement face aux travaux scolaires à accomplir. Il peut aussi s’arrêter en cours d’exécution d’une tâche à la moindre embûche sans penser à des solutions de rechange. Le programme s’inscrit dans une approche d’intervention précoce. Il comprend 36 activités de groupe réalisées en classe par des enseignants et 36 activités complémentaires conçues pour les parents à la maison. Dans le cas des activités en classe, les enseignants sont mis à contribution trois fois par semaine pendant une durée de 12 semaines. Ce volet sensorimoteur du programme vise surtout l’entraînement des capacités d’inhibition, d’attention sélective et d’attention soutenue, à partir de stimulations sensorielles visuelles, auditives et motrices. L’utilisation de logiciels de rééducation du système sensoriel a aussi été intégrée aux activités. « Ce volet expérimenté au préscolaire a permis de démontrer des améliorations significatives du contrôle de l’inhibition, de l’attention sélective et des compétences auprès d’enfants de 5 à 6 ans présentant des symptômes d’inattention et d’hyperactivité », affirme Hélène Poissant. Par exemple, le programme d’entraînement de l’attention en classe a permis d’améliorer la concentration. Selon les enseignants, des améliorations ont aussi été constatées sur le plan de la motricité fine et les élèves étaient beaucoup plus calmes après le programme, très éveillés à leur posture physique et avaient moins tendance à « être dans la lune ». Des applications du programme peuvent être envisagées auprès des enfants ayant un trouble envahissant du développement ou encore auprès de ceux ayant un trouble de l’opposition. L’équipe a ensuite examiné de plus près l’évaluation du programme de remédiation cognitive auprès des enfants considérés à « très haut risque » de développer un TDAH d’après les tests de dépistage. Les analyses effectuées démontrent des améliorations significatives pour les fonctions d’inhibition et d’attention sélective. « L’entraînement des fonctions exécutives à l’aide d’activités sensorimotrices a un impact positif sur le réseau attentionnel des enfants du préscolaire qui présentent un risque élevé de développer un TDAH au cours de leur scolarisation future », a relevé l’équipe de chercheurs. En milieu clinique, le programme s’est aussi avéré fort positif. Les cohortes d’enfants (6 à 8 ans) déjà diagnostiqués ont suivi un total de 48 périodes de 20 minutes d’entraînement à l’attention soutenue et à l’attention divisée. « Les résultats de l’évaluation indiquent que l’entraînement cognitif améliore l’efficacité du traitement de l’information et celui du contrôle de l’inhibition, constate Hélène Poissant. Ces acquis se maintiennent aussi jusqu’à six mois après la fin du programme. » Retombées à long terme Grâce à cette recherche, il est possible d’avancer que l’approche sensorimotrice constitue une voie d’intervention prometteuse auprès de jeunes enfants à risque de présenter un TDAH. « Nous avons démontré l’efficacité du Programme multidimensionnel de remédiation cognitive dans des contextes scolaire et clinique, de même qu’avec des enfants de la maternelle et du primaire. Ceci nous permet de généraliser nos résultats à des contextes et des problématiques variées », estime l’équipe. Ainsi, des applications du programme peuvent être envisagées auprès des enfants ayant un trouble envahissant du développement ou encore auprès de ceux ayant un trouble de l’opposition. Des expérimentations sont aussi en cours chez des enfants d’âge préscolaire qui présentent à la fois des retards sur le plan des habiletés langagières et des problèmes d’autorégulation du comportement. Autre voie prometteuse, l’entraînement cognitif a aussi été expérimenté auprès d’adultes non médicamentés ayant un TDAH et les résultats démontrent, ici aussi, une amélioration de la mémoire de travail et de l’inattention. Cette recherche permettra à plus long terme de développer un programme de formation du personnel enseignant et du personnel clinique et de développer des services plus adéquats aux enfants présentant un TDAH dans les milieux scolaires et hospitaliers. Du même souffle, elle démontre à quel point il est possible de créer des ponts constructifs entre chercheurs et praticiens. partenaires Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport référence Le programme multidimensionnel de remédiation cognitive (PMRC), Hélène Poissant, Université du Québec à Montréal, 2007, 45 pages. Une réalisation de : • Fonds de recherche sur la société et la culture • Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport