Joseph Staline : Les problèmes économiques du socialisme – 1952 http://michel.delord.free.fr/jstal-probecosoc.pdf
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la science soient le moins du monde violées, changées ou abolies, sans que de
nouvelles lois de la science
soient créées. Au contraire, toute cette opération se fait sur la
base exacte des lois de la nature, des
lois de la science, car une violation quelconque des
lois de la nature, la moindre atteinte à ces lois
amènerait la désorganisation, l'échec de
cette opération.
Il faut en dire autant des lois du développement économique, des lois de
l'économie
politique, qu'il s'agisse de la période du capitalisme ou de la période du
socialisme. Là aussi, comme
dans les sciences de la nature, les lois du développement
économique sont des lois objectives
reflétant les processus du développement
économique qui se produisent indépendamment de la
volonté des hommes. On peut
découvrir ces lois, les connaître et, s'appuyant sur elles, les exploiter dans
l'intérêt de la
société, imprimer une autre direction à l'action destructive de certaines lois, limiter la
sphère de leur action, laisser le champ libre aux autres lois qui se fraient un chemin,
mais on ne peut
les détruire ou créer de nouvelles lois économiques.
Un des traits particuliers de l'économie politique est que ses lois, à la différence
des lois de la
nature, ne sont pas durables ; qu'elles agissent, du moins la plupart d'entre
elles, au cours d'une
certaine période historique, après quoi elles cèdent la place à
d'autres lois. Elles ne sont pas
détruites, mais elles perdent leur force par suite de
nouvelles conditions économiques et quittent la
scène pour céder la place à de nouvelles
lois qui ne sont pas créées par la volonté des hommes, mais
surgissent sur la base de
nouvelles conditions économiques.
On se réfère à l'
Anti-Dühring
d'Engels, à sa formule selon laquelle l'abolition du
capitalisme et
la socialisation des moyens de production permettront aux hommes
d'exercer leur pouvoir sur les
moyens de production, de se libérer du joug des rapports
économiques et sociaux, de devenir les "maîtres"
de leur vie sociale. Engels appelle cette
liberté la "nécessité comprise". Et que peut vouloir dire la
"nécessité comprise" ? Cela
veut dire que les hommes, après avoir compris les lois objectives (la
"nécessité"), les
appliqueront en toute conscience, dans l'intérêt de la société. C'est pourquoi Engels y
dit
que :
Les lois de leur propre pratique sociale, qui, jusqu'ici, se dressaient devant
eux comme
des lois naturelles, étrangères et dominatrices, sont dès lors
appliquées par les hommes
en pleine connaissance de cause et par là dominées.
(
Anti-Dühring
, p. 322, Éditions Sociales,
Paris, 1950).
Comme on voit, la formule d'Engels ne parle nullement en faveur de ceux qui
pensent que l'on
peut abolir, sous le socialisme, les lois économiques existantes et en
créer de nouvelles. Au
contraire, elle ne demande pas leur abolition, mais la
connaissance des lois économiques et leur
application judicieuse.
On dit que les lois économiques revêtent un caractère spontané ; que l'action de
ces lois est
inéluctable ; que la société est impuissante devant elles. C'est faux. C'est
fétichiser les lois, se faire
l'esclave de ces lois. Il est prouvé que la société n'est pas
impuissante devant les lois ; qu'elle peut,
en connaissant les lois économiques et en
s'appuyant sur elles, limiter la sphère de leur action, les
exploiter dans l'intérêt de la
société et les "dompter", comme cela se passe à l'égard des forces de
la nature et de
leurs lois, comme le montre l'exemple cité plus haut sur le débordement des grands
fleuves.
On se réfère au rôle particulier que le pouvoir des Soviets joue dans la
construction
du socialisme, et qui lui permettrait de détruire les lois existantes du
développement économique et
d'en "former" de nouvelles. Cela est également faux.
Le rôle particulier du pouvoir des Soviets s'explique par deux faits ; en premier
lieu, le pouvoir
des Soviets ne devait pas remplacer une forme de l'exploitation par une
autre, comme ce fut le cas
dans les vieilles révolutions, mais liquider toute exploitation ;
en second lieu, vu l'absence dans le pays
de germes tout prêts de l'économie socialiste, il
devait créer, pour ainsi dire, sur un "terrain vague", des
formes nouvelles, socialistes, de
l'économie.