Les marges bénéficiaires resteront élevées PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES Cette différence d’orientation est également derrière la récente divergence entre les marges bénéficiaires de l’ensemble de l’économie et celles du S&P/TSX. Les marges bénéficiaires du secteur de l’énergie avaient commencé à baisser bien avant que les prix du pétrole ne piquent du nez. Et dans la mesure où la part de l’énergie au sein du S&P/TSX est supérieure à sa contribution au PIB, cette tendance a une incidence bien plus marquée sur la rentabilité globale de l’indice. La marge bénéficiaire des entreprises canadiennes n’a pas été aussi élevée depuis 27 ans. Même si on peut s’attendre à une certaine érosion sous l’effet du ralentissement de l’économie, les marges devraient selon nous rester élevées. Au cours des deux dernières décennies, l’économie a fait l’objet de changements structurels fondamentaux qui ont entraîné une hausse des marges bénéficiaires. Ces changements sont le résultat de différents phénomènes, comme la mondialisation, l’innovation, la baisse du coût du capital et l’ampleur des barrières à l’entrée. Plus récemment, les marges ont également été alimentées par le ralentissement des coûts de la main-d’œuvre et par la chute du huard. Certains de ces facteurs risquent de s’atténuer au cours des 12 à 24 prochains mois et les marges pourraient donc reculer, mais pas autant que ne le laissent croire les manchettes. En observant de plus près l’évolution des marges bénéficiaires en dehors du secteur de l’énergie (l’élément qui nous intéresse le plus), on constate que la récente hausse des marges n’est pas uniquement liée au cycle économique. L’écart entre les marges bénéficiaires et la croissance du PIB réel est actuellement un des plus élevés que l’on ait pu observer pendant les périodes hors récession au cours des 25 dernières années. (L’écart a tendance à se creuser pendant les récessions dans la mesure où le PIB ralentit beaucoup plus vite que les marges.) Il nous faut donc chercher plus loin. Des marges bénéficiaires record Les marges bénéficiaires moyennes des sociétés non financières canadiennes se sont établies à un peu plus de 8 % du chiffre d’affaires au quatrième trimestre de 2014, ce qui constitue un nouveau record. C’est également le cas lorsque l’on exclut le secteur de l’énergie, dont l’évolution est actuellement radicalement différente. Il est possible que la hausse des marges traduise simplement une modification de la composition des entreprises canadiennes et une augmentation de la part des secteurs à marges élevées au sein de l’économie. Une piste intéressante, mais clairement erronée. En fait, la part des secteurs à fortes marges comme l’industrie manufacturière, les transports, l’agriculture et le secteur forestier est en forte chute ces 20 dernières années, tandis que celle de secteurs à faibles marges comme le commerce de détail et la construction a augmenté. En d’autres termes, les marges bénéficiaires au Canada ont augmenté malgré une composition sectorielle moins favorable. Marges bénéficiaires des entreprises – un sommet 9,0 % 8,0 % 7,0 % 6,0 % 5,0 % 4,0 % 3,0 % « L’écart entre les marges bénéficiaires et la croissance du PIB réel est actuellement un des plus élevés que l’on ait pu observer pendant les périodes hors récession au cours des 25 dernières années. » Total 2,0 % Retour à la moyenne Hors énergie 1,0 % Sources : Statistique Canada, Banque CIBC T4 14 T4 12 T4 10 T4 08 T4 06 T4 04 T4 02 T4 00 T4 98 T4 96 T4 94 T4 92 T4 90 T4 88 0,0 % Cet élément peut avoir des conséquences importantes pour la future évolution de la rentabilité des entreprises canadiennes. Les marges bénéficiaires sont généralement considérées comme l’élément qui a le plus tendance à revenir à la moyenne dans le domaine de la finance. La raison en est simple. Selon la théorie, des marges supérieures à la moyenne doivent attirer la concurrence et les investissements, ce qui peut avoir pour effet de réduire la rentabilité globale. En fait, on peut dire que le concept de retour des marges à la moyenne est largement intégré à de nombreux modèles d’évaluation des actions. Si les marges reviennent en effet à la moyenne, alors l’ampleur actuelle des marges pourrait entraîner une diminution marquée de la rentabilité, puisque les marges dépassent actuellement leur moyenne à long terme de deux points de pourcentage. Mais, en y regardant de plus près, on constate que les choses ne sont pas si simples. Les marges ont peut-être amorcé un retour à la moyenne, mais il est possible que la moyenne ait fait l’objet d’une hausse structurelle. Après l’éclatement de la bulle technologique de 2001, l’orientation des marges bénéficiaires semble avoir pris un virage structurel haussier au Canada, puisque la moyenne des marges a presque doublé au cours de cette période. « ...l’orientation des marges bénéficiaires semble avoir pris un virage structurel haussier au Canada. » Ce qui nous fait dire que cette hausse des marges amorcée en 2001 est de nature structurelle, c’est qu’elle est généralisée. Tous les secteurs à l’exception d’un seul affichent à l’heure actuelle des marges supérieures à leur moyenne de 2001-2014. Et les explications à cette augmentation structurelle ne manquent pas : mondialisation, innovation, baisse du coût du capital, barrières à l’entrée élevées et réduction du pouvoir de négociation de la main-d’œuvre, entre autres. Le rôle du coût de la main-d’œuvre et du huard Même dans le contexte d’une hausse structurelle, l’augmentation des marges des deux dernières années est relativement forte, puisqu’elle atteint près d’un point de pourcentage depuis 2012. Le rythme de croissance du coût unitaire de la main-d’œuvre a sensiblement ralenti au Canada ces deux dernières années : il est passé de 3,5 % (sur 12 mois) à 1 %, et la tendance est généralisée. D’ailleurs, un tiers du PIB canadien de l’an dernier provenait de secteurs dont le coût unitaire de la main-d’œuvre était en baisse. « ...un tiers du PIB canadien de l’an dernier provenait de secteurs dont le coût unitaire de la main-d’œuvre était en baisse. » La dépréciation de près de 25 % enregistrée par le dollar ces deux dernières années a joué un rôle encore plus important. Pour les secteurs présentant un solde d’exportations positif, les marges sont le premier élément à s’en ressentir. Sur la base des coefficients d’entrées-sorties de Statistique Canada, nous estimons que la dépréciation du dollar a généré une hausse d’au moins un point de pourcentage des marges bénéficiaires moyennes depuis 2012. L’impact est loin d’être uniforme. L’agriculture est le principal bénéficiaire, avec une hausse estimée à près de quatre points de pourcentage. Le secteur manufacturier s’en tire lui aussi très bien, grâce notamment à des sous-secteurs comme ceux des produits du bois, la pâte et le papier, les véhicules motorisés, le matériel électrique, l’habillement, les textiles et les produits chimiques de base. La hausse des marges bénéficiaires dans le secteur du transport est essentiellement à mettre au crédit des chemins de fer et du transport par camions; l’impact du transport aérien est légèrement négatif. Les marges des secteurs de la construction et du commerce de détail, déjà faibles, ont encore diminué. Certains des facteurs structurels ayant contribué à l’augmentation de la rentabilité des entreprises pourraient commencer à s’atténuer au cours des prochaines années. Mais, pour le moment, les éléments fondamentaux jouent pleinement en faveur des marges bénéficiaires. Benjamin Tal est économiste en chef adjoint à la Banque CIBC. Désigné comme l’un des principaux experts canadiens du marché immobilier par le Fonds monétaire international, il est responsable de l’analyse de l’actualité économique et de ses répercussions sur les marchés nord-américains des titres à revenu fixe, des actions, des changes et des produits de base. www.conseiller.ca/endirect Balado > Les manufacturiers propulsés par le huard et le gaz Balado > Le huard bientôt de retour à 80 cents ? www.investissementsrenaissance.ca/fr/ Investissements Renaissance est une marque déposée et offerte par Gestion d’actifs CIBC inc. Ce matériel est strictement destiné aux professionnels du placement, non au public. 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