GRANDES FONCTIONS ANIMALES Jordi Ehrenfeld – Jean-Marc Mienville INTRODUCTION TD : début 14 septembre – TP : durant le S6, module « techniques d’exploration fonctionnelle » Dans la continuité des notions de physiologie cellulaire abordées l’an passé, nous aborderons cette année la physiologie des grandes fonctions, à travers l’étude d’un certain nombre d’organes et les physiopathologies qui leur sont associées. Ce dernier point pourra être abordé plus en détail au sein de l’option éponyme su S6. Au sein de ce cours, nous traiterons de généralités concernant le milieu intérieur, puis étudierons la fonction rénale la fonction respiratoire et les équilibres acido-basiques. La fonction cardiovasculaire ainsi que digestive seront quant à elles traitées par M. Mienville. ORGANISATION FONCTIONELLE DE L’ORGANISME ET DES MILIEUX INTERIEURS La physiologie est la discipline étudiant le fonctionnement normal d’un être vivant et des organes qui le composent, incluant la compréhension des phénomènes physico-chimiques en jeu. Historiquement, le terme « physiologie », associé au fonctionnement des organismes vivants, remonterait à 300 av. J.C. et serait dû à Aristote. Hippocrate associait quant à lui ce terme à l’idée de « pouvoir guérisseur de la nature » : très vite, un parallèle est donc fait entre la physiologie et la médecine. Aujourd’hui, le terme « physiologie » est largement employé lors de l’étude des fonctions d’un organisme. Une discipline liée de manière intime à la physiologie n’est autre que l’anatomie, puisqu’existent un grand nombre de relations structure-fonction. LES SYSTEMES PHYSIOLOGIQUES La cellule, unité fonctionnelle de base du vivant, est séparée du milieu extérieur par une membrane plasmique. Les organismes complexes comportent des millions de cellules associées. Lorsque celles-ci possèdent une même fonction, on dit qu’elles constituent un tissu, dont plusieurs d’entre eux composent des unités structurales et fonctionnelles, les organes. A un niveau d’organisation une fois de plus croissant, la conjugaison de ces derniers entre eux mène à la formation de systèmes d’organes. Qu’elles soient ou pas organisées en tissus, les cellules baignent dans un environnement aqueux : le liquide extracellulaire ou milieu intérieur. La mise en place d’une telle structure est fortement liée à l’évolution : en effet, les cellules primitives ayant été en contact direct avec leur milieu ambiant et ses variations (concernant en particulier le rejet de déchets), ces dernières se sont organisées de manière à s’en affranchir, permettant par la même leur migration vers le milieu terrestre où les variations physicochimiques extérieures sont considérables. Le milieu intérieur mis en place se trouve être d’une composition déterminée et est donc stable, permettant un fonctionnement optimal des mécanismes biochimiques. Les fonctions du milieu intérieur ou interstitiel sont les suivantes : • • Echanges entre organes et milieu interstitiel, Echanges entre milieu interstitiel et milieu extérieur, au travers d’un certain nombre d’organes hautement spécialisés comme par exemple les branchies, LSVS – Semestre 5 – Grandes fonctions animales - 1 • • Confortation des échanges et interactions entre différents organes, Coordination de ces échanges et interactions par l’intermédiaire de signaux (hormones, etc.), Pour arriver à une telle organisation, des organes spécialisés répartis en neuf systèmes sont mis en place : 1. 2. Un système tégumentaire délimitant le milieu extérieur du milieu ambiant et jouant un rôle de protection, Un système musculo-squelettique assurant la structure et la mobilité du corps. Il n’existe pas moins de quatre systèmes d’échanges de substances entre environnement interne et externe : 3. 4. 5. 6. Système respiratoire : échange de gaz, Système digestif : nutriments, Système rénal : ions, solutés, et déchets, Système reproducteur : gamètes. Enfin, trois autres systèmes s’étendant à l’ensemble de l’organisme : 7. 8. 9. Système circulatoire, distribuant les nutriments à l’ensemble des tissus, éliminant les déchets présents dans le sang et favorisant la communication hormonale inter-organes, Système neuroendocrinien, permettant l’organisation et le contrôle des différents organes, Système immunitaire, plus diffus, permettant l’interception de toute substance ou corps étranger pouvant s’introduire à l’intérieur du tégument ou d’un organe. Il est largement associé au système circulatoire. Il est nécessaire de distinguer la notion de fonction de celle de processus. La fonction d’un système physiologique correspond au « pourquoi », incidemment à une approche théologique du sujet : « -Pourquoi le globule rouge transporte-t-il de l’oxygène ? –Parce que les cellules ont besoin de ces molécules ». Cette réponse finalistique explique la raison pour laquelle les choses se passent de telle façon, sans considération du processus. Ce dernier correspond justement au « comment », au mécanisme, sans pour autant annoncer sa fonction : « l’oxygène est transporté via une fixation en grande quantité par l’hémoglobine ». Nous pouvons dire que la physiologie est une discipline associant l’étude de la fonction et du processus, en somme une intégration de ces deux paramètres. COMPARTIMENTS LIQUIDIENS DE L’ORGANISME Il existe pour les compartiments liquidiens plusieurs classifications possibles, effectuées selon des critères physicochimiques, topographiques, ou les deux associés. Alors que le milieu intracellulaire est un compartiment bien défini sur le plan anatomique, le milieu extracellulaire inclut le plasma et le liquide interstitiel. Le premier est présent dans le sang, et le second baigne la totalité des cellules : ces dernières ne sont donc pas en contact direct avec le plasma. Le liquide interstitiel, ou lymphe interstitielle, est une espèce de gel à circulation lente organisée en réseaux lymphatiques qui draineront les déchets vers les veines. Le plasma sanguin possède quant à lui une circulation rapide de par son rôle au sein du système circulatoire. Celui-ci subit un remaniement constant de la part des organes. LSVS – Semestre 5 – Grandes fonctions animales - 2 Abordons quelques techniques de mesure des compartiments liquidiens de l’organisme, dont certaines seront utilisées aux TP P du semestre 6. Considérons le milieu intérieur comme un système à l’équilibre : on y trouve donc autant d’entrées que de sorties de composés. Pour effectuer nos mesures, nous pourrons de cette façon utiliser l’injection d’une substance connue dans un compartiment, partiment, puis, après homogénéisation, effectuer le prélèvement d’une fraction aliquote en vue d’en déterminer la concentration en substance injectée. Le graphe représente la concentration de la substance en un point quelconque du compartiment en fonction du temps : l’homogénéisation y est bien visible. Le volume du compartiment correspond donc au rapport de la quantité injectée sur la concentration mesurée à l’équilibre de la substance. Afin de mesurer le volume d’un compartiment, un traceur peut donc être utilisé. Quelles devraient être les spécificités d’un tel composé ? • • • • • Il doit être spécifique de l’espace ou du compartiment considéré, Il ne doit pas être dégradable ou métabolisable, métabolisable Il doit être de diffusion ffusion relativement rapide afin d’aboutir outir à une répartition homogène, homogène Il doit être non toxique, Il doit être sans ans effet osmotique, afin de ne pas provoquer d’erreurs de mesures. Cependant, un tel traceur relève elève de l’utopie, car celui-ci celui dans l’organisme mènerait au tracé d’une courbe d’élimination. Son aspect est dû au rôle du cœur dans l’homogénéisation, et du foie ou du rein pour l’élimination de la substance. Traité en semi-log, semi ce type de courbe nous permet d’obtenir deux segments de courbe, et incidemment remonter à deux exponentielles : une d’homogénéisation,, et une autre d’élimination, toutes deux décroissantes. La concentration d’intérêt correspond graphiquement à l’intersection de la la droite d’élimination avec l’axe des ordonnées : nous sommes homogènes, ènes, le premier processus est terminé, et l’élimination est nulle. La pente d’élimination notée k correspond au taux de renouvellement du compartiment. Il est exprimé en . On peut associer le taux de renouvellement et la notion de demi-vie biologique : LSVS – Semestre 5 – Grandes fonctions animales a -3 Ce qui nous amène à définir la notion de clearance. Celle-ci correspond au volume épuré de substance par unité de temps. . . , %. Pour un volume de 10L et une clearance d’un litre par minute, notre taux de renouvellement sera de -1 k=10%.min . Cette notion peut trouver son utilité en médecine lors, par exemple, d’examens de la fonction hépatique. Nous pratiquons alors la mesure de clearance du BSP bromosulfone-phtaléine. Le foie possédant une fonction de détoxification du milieu intérieur et étant irrigué, il pratiquera le prélèvement de substances du sang en vue de leur transfert dans la bile. Le BSP a pour autre particularité de pouvoir se fixer sur la sérumalbumine, permettant donc également la mesure d’un index de l’espace sanguin, cette protéine se retrouvant dans le sang. Le volume de distribution du BSP est de 5L, son taux de renouvellement déduit du graphe est de k=10%/min, correspondant à une clearance Cl=500mL/min. Le débit hépatique étant de 6L/min, la fraction épurée est donc de 8%. Afin de mesurer l’espace de diffusion total d’un organisme, il est possible d’utiliser des isotopes radioactifs de l’eau : le deutérium et le tritium. L’injection de ces derniers sous forme de trace, technique non invasive, permet de définir cet espace, l’eau tritiée diffusant en intra et extracellulaire. La mesure de l’espace extracellulaire, composé du milieu interstitiel et du plasma, est effectuée à l’aide de macromolécules comme l’inuline, le mannitol ou le dextran (70kDa) dont la taille empêche toute pénétration des membranes plasmiques. La mesure du volume plasmatique uniquement peut être réalisée via l’utilisation de bleu d’albumine, de bromosulfone, d’albumine, de chrome marqué. Faisons maintenant un peu de mathématiques pour physiologistes ! Grâce aux données acquises, nous pouvons calculer : • – • – Chez l’homme, 56% du poids corporel d’un adulte est constitué d’eau, c'est-à-dire de 42 à 43L. Il existe une différence de l’ordre de 10% entre les deux genres : homme 61%, femme 51%, dû à la différence de composition en corps adipeux. Le nouveau-né comprend 75% d’eau, un an 65%, 16 ans 56%. Le schéma ci-contre représente les compositions volumiques des différents compartiments aqueux chez l’homme. LSVS – Semestre 5 – Grandes fonctions animales - 4 Observant la composition électrolytique électrolytique des secteurs liquidiens de l’organisme sous forme d’histogramme, nous remarquons que les compartiments plasmatique et interstitiel sont de composition très proche. Les différences de composition relevées semblent être dues aux protéines, chargées négativement, négati présentes en plus grande quantité en secteur plasmatique à travers l’albumine en particulier. On retrouve ainsi au sein du compartiment interstitiel une plus forte concentration en anions. En secteur plasmatique, le cation majoritaire est le sodiu sodium (140mEq/L), /L), et les anions majeurs le chlorure et le bicarbonate. Le potassium se retrouve quant à lui en faible quantité, avec 4mEq/L. 4mE En secteur intracellulaire, nous retrouvons beaucoup de potassium, peu de magnésium et très peu de sodium (10mEq/L). (10mEq/L) Les anions y sont représentés par les ions phosphate et les protéines, mais très peu par le chlorure. c La concentration en bicarbonate intracellulaire est plus faible que l’extracellulaire, de ce fait le pH cellulaire (7,2) sera plus faible de 0,2upH que le pH H plasmatique (7,4). De par la règle d’électroneutralité, nous retrouvons au sein de chaque compartiment autant de cations que d’anions. Enfin, les es pressions osmotiques à l’équilibre entre milieux interstitiel et plasmatique sont équivalentes. EVOLUTION DESS EQUILIBRES HYDRIQUES HYDRIQU Etudions maintenant l’évolution des équilibres hydriques en partant des espèces marines jusqu’aux usqu’aux mammifères terrestres. Les pressions hydriques des cyclostomes et élasmobranches sont en équilibre quilibre avec le milieu ambiant. Chez hez ces derniers de cependant, les concentrations en sodium et chlorure rabaissées sont compensées par la synthèse d’osmolytes organiques tels le TMAO triméthylamine oxyde et l’urée, induisant cependant un certain coût énergétique. Nous observons chez les téléostéens une u rupture : leur pression osmotique est trois fois plus faible que celle de l’eau de mer. Ce déséquilibre osmotique complet nécessitera la présence d’organes spécialisés dans la compensation et l’adaptation hydrique. Ces espèces s’hydrateront néanmoins sans sa aucun souci en eau douce, tout comme les amphibiens, les oiseaux ainsi que les mammifères. La raison de cette baisse d’osmolarité doit être due au fonctionnement des systèmes biochimiques, dont l’efficience doit être augmentée en présence de forces ioniques ioniques plus faibles, expliquant l’intérêt de la mise en place de systèmes d’adaptation aux fortes pressions osmotiques. NOTION D’HOMEOSTASIE Le milieu intérieur est maintenu dans des limites relativement strictes à une composition bien. En cas d’éloignement de ces valeurs, il existe des mécanismes de compensation permettant un retour rapide aux valeurs de référence. La notion d’homéostasie est un concept ayant été développé par Claude Bernard, LSVS – Semestre 5 – Grandes fonctions animales a -5 médecin et physiologiste du XIXème ayant remarqué qu’un certain nombre nombre de paramètres relatifs au corps humain tels que pression sanguine ou rythme cardiaque restaient constants. Le terme d’homéostasie d’h a été introduit par Walter Bradford Cannon, non, physiologiste américain du XXème ayant étendu cette notion jusqu’à sa définition actuelle. Certains physiologistes considèrent néanmoins que la notion d’« homéodynamisme » serait plus appropriée, puisque définissant des mécanismes de réajustement constants. Tous les organes participent à une constance des paramètres tels pH, pression pression osmotique, pression partielle d’oxygène, concentration en acides aminés, etc. Le schéma ci-contre contre représente la participation de différents organes au sein de l’équilibre hydrique. Malgré les points abordés précédemment concernant l’homéostasie, il existe xiste un brassage considérable et un renouvellement constant du contenu hydrique des différents compartiments. Ainsi, pour parvenir à un équilibre hydrique, plusieurs organes interviennent lors de mouvements liquidiens considérables. Si cette homéodynamique ue n’est pas maintenue à cause de perturbations internes (croissance cellulaire anormale, maladie auto-immune) immune) ou externes (toxicité, virus, bactéries, etc.), le changement d’homéostasie induira une tentative de compensation de la part de l’organisme, dont l’échec peut mener à certaines pathologies. SYSTEMES DE CONTROLE Il existe un grand nombre de systèmes de contrôle, se répartissant selon différents niveaux : cellule, organe, organisme. Le plus complexe d’entre eux est certainement celui agissant à l’échelle cellulaire, le contrôle génétique, régissant les fonctions intra mais aussi extracellulaires. Comprenant qu’un organe se doit également d’être contrôlé, Il existe également une régulation à l’échelle de l’organe ainsi que l’organisme. Prenons quelques quelqu exemples simples significatifs des systèmes de rétrocontrôle. Prenons l’exemple d’un exercice physique, responsable de la production de dioxyde de carbone dans les tissus. Cette production induit une perturbation de l’équilibre CO2 plasmatique, qui est rompu. Ce composé circulera jusqu’en direction des centres respiratoires où les poumons répondront par voie efférente en augmentant la fréquence respiratoire en vue de revenir à une pCO2 correcte. On parle alors de feedback ack négatif, la réponse engagée s’opposant posant au processus de départ. Autre exemple : une augmentation de la pression artérielle exerce une pression sur les mécanorécepteurs de l’aorte et des carotides. LSVS – Semestre 5 – Grandes fonctions animales a -6 d réponse : induction Ces signaux d’étirement transiteront par les nerfs de Cyon et Herig, induisant deux types de d’une vasodilatation périphérique via le système orthosympathique, et baisse du rythme cardiaque via le système parasympathique et l’acétylcholine, respectivement. Résumons au sein d’un tableau les valeurs normales et limites ou létales de différents paramètres. Il est alors possible de calculer un « gain », c'est-à-dire la capacité de correction du système de contrôle. Ainsi, un organisme sans les barorécepteurs étudiés précédemment passerait de 100 à 175mmHg de pression, alors qu’avec qu’avec un système barorécepteur, il passerait de 100 à 125mmHg. Le gain est alors égal à (175-125)/25=2. ( Concernant le paramètre température, son gain est de 33, signifiant que celle-ci ci est extrêmement bien contrôlée. Pour ce qui est de la température, le gain est de 33, c'est-à-dire que la température est extrêmement bien contrôlée, puisqu’une augmentation de 6 à 7°C aurait pour effet de détruire les cellules par augmentation de leur métabolisme et dénaturation de protéines. Ces chiffres nous donnent des indications sur la capacité de régulation pour chaque paramètre. Le pH est lui sujet à 0,5 unité de variation. Le potassium, responsable du potentiel potentiel de membrane, a son importance : une chute à 1/3 de sa valeur normale induit une paralysie de par l’arrêt du du transfert de l’influx nerveux. Concernant le calcium, une chute de celui-ci ci de moitié entraîne une tétanie. C’est en cela que tous ces paramètres se doivent d’être extrêmement bien contrôlés. Concernant les feedbacks positifs, ositifs, prenons l’exemple de la pratique pra d’une saignée. Une saignée modérée, entraînant la perte d’un litre de sang sur cinq, induit la mise en place de phénomènes de compensation : la pompe cardiaque n’est pas désamorcée, et au bout de quelques minutes le sang retrouve un débit normal. Une saignée importante, de l’ordre de deux litres de sang, sang entraînera quant à elle la réduction de moitié du débit de la pompe, son désamorçage, ainsi qu’une faible irrigation des coronaires, ne pouvant ainsi plus alimenter en oxygène le cœur. Prenons aussi l’exemple ’exemple d’un canal sodium voltage-sensible, voltage sensible, jouant un rôle lors de la genèse des potentiels d’action, qui fonctionnera au mieux lors d’une dépolarisation, elle-même elle même induite par une dépolarisation. Un dernier exemple de feedback positif concerne l’accouchement l’accouche : lors de la descente de l’enfant le long du col de l’utérus, une hormone, l’ocytocine, est libérée, responsable de contractions de l’utérus favorisant la descente de l’enfant jusqu’à sa mise au monde. LSVS – Semestre 5 – Grandes fonctions animales a -7