Cancer du sein et douleurs chroniques : ce que les patientes disent (ou pas) Laura SPICA 1, Marc-Karim BENDIANE1,2, Dominique REY1,2, Patrick PERETTI-WATEL1,2. (1) INSERM UMR 912 "Economic & Social Sciences, Health Systems & Societies", IRD, Université d’Aix-Marseille, SE4S, Marseille, France. (2) Observatoire Régional de Santé Provence alpes Côte d’Azur (ORS-PACA), Marseille, France. Spica et al : Cancer du sein et douleur chronique: ce que disent les patientes IPOS 12e Congrès International en Oncologie Psychosociale 25-29 mai 2010 - QUEBEC CONTEXTE… Cancer du sein et douleur chronique Le cancer le plus fréquent chez la femme Augmentation de la survie grâce aux progrès en terme de dépistage et de traitements La qualité de vie des survivants : une nouvelle priorité La douleur est la première préoccupation des patients atteints d’un cancer et c’est l’un des facteurs qui détériore le plus la QdV La douleur chronique est liée à la progression de la tumeur ou au traitement : chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, traitement hormonal adjuvant La fréquence et la gravité de ces douleurs iatrogènes seraient souvent sous-estimées. Spica et al : Cancer du sein et douleur chronique: ce que disent les patientes IPOS 12e Congrès International en Oncologie Psychosociale 25-29 mai 2010 - QUEBEC OBJECTIFS Documenter l’expérience de femmes traitées pour un cancer du sein en terme de douleur chronique Comparer ce qui est verbalisé dans les interviews aux scores de QdV (WHOQOL-BREF) Essayer de comprendre les attitudes des femmes vis à vis de la douleur, quel sens elles donnent à cette douleur et comment elles la gèrent dans le quotidien Spica et al : Cancer du sein et douleur chronique: ce que disent les patientes IPOS 12e Congrès International en Oncologie Psychosociale 25-29 mai 2010 - QUEBEC METHODE 1 Cohortes régionales (Sud Est de la France) de femmes de moins de 41 ans et de 65 ans et plus initiées en 2005 et 2007. Inclusion au moment du diagnostic du cancer du sein et suivi de 5 ans. 21 femmes recrutées dans les cohortes ELIPPSE 40 et ELIPPSE 65 2 ans après le diagnostic. - Sélection raisonnée à partir de l’âge (13 femmes « jeunes » 8 femmes « âgées ») et des scores de qualité de vie physique et psychique (7 avec scores<moyenne; 8 avec scores > moyenne et 6 avec scores moyens) - Entretiens semi-directifs au domicile (1 à 4 h) Spica et al : Cancer du sein et douleur chronique: ce que disent les patientes IPOS 12e Congrès International en Oncologie Psychosociale 25-29 mai 2010 - QUEBEC METHODE 2 : guide d’entretien et analyse Guide d’entretien : maladie et traitement, état de santé actuel, vécu de la douleur pendant et après traitement, vie quotidienne, relations avec professionnels de santé Analyse : corpus constitué à partir de la retranscription des 21 entretiens. Analyse thématique inductive et régulièrement révisée et actualisée. Comparaison avec 3 items de la WHOQOL-BREF: – Comment trouvez-vous votre qualité de vie? – La douleur physique vous empêche-t-elle de faire ce que vous avez à faire? – Êtes-vous satisfaite de votre capacité à accomplir vos activités quotidiennes? Spica et al : Cancer du sein et douleur chronique: ce que disent les patientes IPOS 12e Congrès International en Oncologie Psychosociale 25-29 mai 2010 - QUEBEC RESULTATS – 1 : Caractéristiques des femmes Le score physique moyen était supérieur chez le groupe des « jeunes »; par contre le score psychique était comparable dans les deux groupes d’âge Ages : de 26 à 43 ans au moment de l’étude pour les plus jeunes et de 66 à 83 ans pour les plus âgées 10 des 13 femmes jeunes étaient mariées; 4 des 8 femmes plus âgées 10 des 13 femmes jeunes travaillaient au moment de l’étude, toutes les femmes âgées étaient retraitées Toutes les femmes avaient eu un traitement chirurgical (15 mastectomies partielles, 6 mastectomies totales, 13 curages axillaires). 7 avaient bénéficié d’une reconstruction mammaire 18 recevaient un traitement hormonal adjuvant au moment de l’étude Spica et al : Cancer du sein et douleur chronique: ce que disent les patientes IPOS 12e Congrès International en Oncologie Psychosociale 25-29 mai 2010 - QUEBEC RESULTATS 2 : Expérience de la douleur L’expérience de la douleur chronique est fréquente, même plusieurs mois après la fin du traitement :10/21 femmes Surtout douleurs liées à la chirurgie (cicatrices, lymphoedème) et aux effets secondaires de l’hormonothérapie adjuvante (douleurs musculaires et osseuses) 5/10 femmes souffrant de façon chronique prennent un traitement antalgique Dans la WHOQOL : seulement 3/10 considèrent qu’elles ont une qualité de vie mauvaise ou très mauvaise, 2/10 se plaignent que la douleur les empêche de faire ce qu’elles ont à faire et 1/10 n’est pas du tout satisfaite de sa capacité à accomplir ses activités quotidiennes Spica et al : Cancer du sein et douleur chronique: ce que disent les patientes IPOS 12e Congrès International en Oncologie Psychosociale 25-29 mai 2010 - QUEBEC RESULTATS 3 L’impact de la douleur chronique sur la vie quotidienne est mal apprécié par une échelle de qualité de vie généraliste Emeline, 31 ans juge sa QdV très bonne et considère qu’elle est peu limitée dans ses activités à cause de la douleur. Pourtant elle déclare en entretien : « Après il y a les essoufflements dus à la chimio (…) à 31 ans je ne suis pas capable de monter trois étages en courant (…) Je ne peux pas porter, je ne peux pas lever les bras. Et à mon travail cela me pose d’énormes problèmes. Parce que je travaille dans un supermarché donc il y a beaucoup de manutention, et là, c’est l’horreur je peux plus. J’ai 31 ans et je ne peux pas lever un pack de lait. » Spica et al : Cancer du sein et douleur chronique: ce que disent les patientes IPOS 12e Congrès International en Oncologie Psychosociale 25-29 mai 2010 - QUEBEC RESULTATS 4 : perception de la douleur Tendance à la normalisation [avez-vous mal en permanence?] « Oui, c’est une douleur qui ne part pas ! Il faut apprendre à vivre avec. Ca devient presque normal. J’ai mal, c’est comme ça. Cela ne change pas » Emeline 31 ans Douleurs toujours relativisées « J’aime mieux être comme ça que sur une chaise roulante. Il y en a qui sont plus malheureux que nous quand même. Ca console de ne pas penser qu’à soi. » Janine 75 ans « Quand je me voyais dans des états comme ça, je me disais: il y en a c’est pire! Donc après on se dit qu’on a pas le droit de se plaindre » Noémie 26 ans Ces réactions sont parfois entretenues par le corps médical « Ils m’ont dit que c’était normal. On m’a dit: ce n’est pas une petite opération que vous avez eue…Si on me dit que c’est normal, je crois ce qu’on me dit » Eva 68 ans « Mon médecin m’a dit : allez aux urgences voir un peu les gamins, vous arrêterez de vous plaindre tout le temps » Audrey 30 ans Spica et al : Cancer du sein et douleur chronique: ce que disent les patientes IPOS 12e Congrès International en Oncologie Psychosociale 25-29 mai 2010 - QUEBEC RESULTATS 5 : adaptation à la douleur chronique Parfois elles abandonnent une partie de leurs activités qu’elles ne peuvent plus réaliser mais surtout elles apprennent à prendre des précautions et à modifier leurs gestes afin qu’ils deviennent moins douloureux « Vous savez, on s’habitue, on finit par faire des gestes, on apprend des mouvements qui soulagent. Voilà. Au lieu de serrer un gant comme ça, on le serre comme ça contre la paroi du lavabo, euh, voilà quoi, on apprend! » Linda 68 ans « Quand je fais mon ménage, je me mets un corset pour tenir mon dos. Quand j’ai fini et que je l’enlève Oh la la. Je m’allonge, un diantalvic , je regarde la télé, et ça se calme. Et tout ce que je fais me réveille la douleur » Emilie 68 ans Spica et al : Cancer du sein et douleur chronique: ce que disent les patientes IPOS 12e Congrès International en Oncologie Psychosociale 25-29 mai 2010 - QUEBEC CONCLUSION Les douleurs iatrogènes subies par les survivantes de cancer du sein sont encore trop souvent cachées par les patientes et sousestimées par les soignants Nécessité de mieux informer les patientes sur les douleurs iatrogènes et les moyens de les combattre Nécessité de former les soignants qui ont également un rôle important dans la lutte contre les croyances erronées des patientes en matière de douleur A côté de la prise en charge allopathique traditionnelle des douleurs, les techniques utilisées au quotidien par les patientes pour gérer leurs douleurs devraient être plus largement diffusées Spica et al : Cancer du sein et douleur chronique: ce que disent les patientes IPOS 12e Congrès International en Oncologie Psychosociale 25-29 mai 2010 - QUEBEC Remerciements Nous tenons à remercier toutes les femmes qui ont accepté de participer à cette étude Financeurs de cette étude : La ligue contre le cancer Financeurs des cohortes Elippse : Institut National du Cancer, Ministère de la Recherche, Conseil Régional Provence Alpes Côte d’Azur, Direction Générale de la Santé