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Les volcans fascinent
et inquiètent.
Face à leur puis-
sance destructrice,
le seul moyen de se
défendre est encore
de prévoir le jour
de leur réveil. Pour
cela, les scientifiques
épient sans cesse les
moindres mouve-
ments des plus dan-
gereux. En sachant
que rien n’est jamais
gagné : l’éruption
surprise du mont
Saint Helens, en
1980, rappelle, s’il en
était besoin, qu’en-
tre Vulcain et l’hom-
me c’est encore le
bras de fer...
TDC n° 802
Les risques volcaniques
15/10/2000
Comprendre
pour mieux gérer
Pa r c l a u d e r o b i n e t m i c h e l l a r d y
Quarante à cinquante éruptions volcaniques se produisent chaque année dans le
monde. Si l’on compare ces chires au nombre total de volcans, cela paraît peu.
Mais l’inactivité de la plupart d’entre eux est trompeuse. Pendant leurs longues
périodes de sommeil, souvent de plusieurs siècles, des échanges complexes de
matière ont lieu en profondeur, préparant inéluctablement la prochaine érup-
tion.
Un volcan est considéré comme potentiellement actif s’il est entré au moins une
fois en éruption au cours des dix derniers millénaires. Environ 630 volcans (vol-
canisme sous-marin exclu) répondent avec certitude à ce critère, mais les spé-
cialistes estiment à plus de 1 500 le nombre de ceux qui entrent dans cette ca-
tégorie. Beaucoup sont proches de zones habitées et, par là même, doivent être
considérés comme dangereux.
À ce jour, 420 éruptions ayant occasionné des pertes humaines ont été réperto-
riées. Voici les principales. Il y a 3 600 ans, l’île grecque de Santorin était aectée
par une gigantesque éruption, responsable de la disparition de la civilisation mi-
noenne. L’Antiquité a été marquée par la destruction de Pompéi, en 79 apr. J.-C.
crite par Pline le Jeune, cette éruption du Vésuve est devenue la référence d’un
type de mécanisme éruptif auquel on a donné le nom de dynamisme plinien.
Depuis le début du XVIIe siècle, 30 éruptions ont causé la mort d’environ 350 000
personnes. Les plus meurtrières ont été celles des volcans Tambora en 1815
(Indonésie, 92 000 victimes), du Krakatau en 1883 (Indonésie, 36 500 victimes),
de la montagne Pelée en 1902 (Martinique, 29 000 victimes) et du Nevado del
Ruiz en 1985 (Colombie, 24 000 victimes).
Enfin, la décennie écoulée a connu d’importantes éruptions, comme celles du
Pinatubo (Philippines, 800 victimes), de l’Unzen, au Japon, et de la Soufrière de
Montserrat, aux Antilles.
La Montagne Pelée en Martinique
© IRD - Favier, Marie-Noëlle
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Sommes-nous démunis face aux risques ?
Dans beaucoup de pays, notamment ceux en voie de développement, la croissance anarchique dagglo-
rations à proximité de volcans en activité augmente considérablement les risques. La question de savoir
ce que l’on peut faire face aux menaces volcaniques est donc posée. À titre d’exemples, le Popocatépetl,
proche de la ville de Puebla au Mexique, le Misti au Pérou, qui domine Arequipa (800 000 habitants),
le Mérapi sur l’île de Java, le Cotopaxi en Équateur, le Vésuve en Italie, qui menace plus de 700 000 per-
sonnes, le Sakurajima et divers autres volcans au Japon sont particulièrement dangereux, car ils sont
situés près des zones urbanisées. Pour permettre aux autorités civiles de prendre les décisions qui s’im-
posent, il est nécessaire de détecter le plus rapidement possible les signes avant-coureurs d’une érup-
tion volcanique, surtout si elle implique des dynamismes explosifs. La chose est loin d’être aisée, car de
nombreux paramètres entrent en jeu.
Tout d’abord, un volcan possède un « caractère », paisible ou violent ; il connaît des « sautes d’humeur »,
marquées par des phases d’activité intense, parfois explosive, ainsi que des périodes de repos de durée
variable. Ensuite, du fait de leur développement en profondeur, les processus magmatiques ne peuvent
être observés ou mesurés directement. Enfin, lorsqu’une éruption se produit, des facteurs externes, les
eaux superficielles par exemple, peuvent intervenir et modifier son intensité ou son déroulement.
Il faut savoir également qu’une éruption volcanique, aboutissement de processus extrêmement comple-
xes, ne se reproduit jamais à l’identique. Les grands types d’éruption sont eux-mêmes variés, mettant
sur le devant de la scène des aléas, donc des risques diérents. Excepté les coulées de lave faciles à
éviter (Hawaii, piton de la Fournaise, Etna), les conséquences de l’activité volcanique sont fortement
meurtrières.
Les sept risques majeurs se rencontrent dans les volcans des zones de subduction, les plaques
océaniques disparaissent dans le manteau terrestre. Aussi est-ce vers ces appareils volcaniques que se
tournent les spécialistes.
Évaluer la dangerosité d’un volcan revient d’abord à étudier la dynamique de ses éruptions, ainsi que
leur fréquence.
L’étape suivante consiste à connaître les processus qui en sont à l’origine, le fonctionnement interne du
volcan et son degré d’évolution. Une telle démarche, fondée sur des méthodes géologiques, ochi-
miques et ophysiques, permet d’établir des scénarios apportant des informations sur la nature d’une
éventuelle éruption, sur son déroulement et sur la répartition des produits volcaniques qu’elle est sus-
ceptible d’engendrer. Déterminer le moment cette éruption se produira est le plus dicile. Or c’est le
point crucial pour décider de l’évacuation des populations, seule disposition à prendre en cas d’éruption
majeure. Pour mener à bien cette prévention, les scientifiques disposent de nombreux outils.
Piton de la Fournaise en éruption
© IRD - Borgel, A. et Caillé, F.
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Consulter les archives de la Terre et des hommes
La volcanologie s’est aranchie peu à peu des mythes et des croyances, que l’on retrouvait d’un conti-
nent à l’autre, avec des rites et des symboles souvent proches. Dans toutes les civilisations, les cratères
des volcans ont été considérés comme des lieux surnaturels où l’esprit des morts était censé se réfugier.
L’analyse de documents anciens permet parfois de dater les manifestations volcaniques et d’en recons-
tituer le déroulement. Ainsi, les sociétés de l’écrit ont consigné les traces des événements exceptionnels
causés par les volcans, permettant de reconstituer une partie de leur histoire. Mais les traditions orales
ont pu également contribuer à la connaissance d’une région et guider le travail des volcanologues. C’est
ainsi que s’est transmise depuis plus de 500 ans, de génération en génération, l’histoire du cataclysme
de Kuwae. Recueillis par des missionnaires, puis rapportés par des anthropologues, ces récits ont guidé
les archéologues qui ont découvert les preuves et réalisé les premières datations. Des géologues, enfin,
ont situé, estimé et daté avec précision (1452) cette gigantesque explosion.
Pour les volcans menaçants, il est primordial de connaître leurs phénomènes éruptifs, au long des siè-
cles et même des millénaires, par l’analyse des dépôts qu’ils ont laissés. Lorsqu’ils sont récents et peu
érodés, leur étude à l’aide de méthodes comme celle de la datation au carbone 14 permet de définir
des cycles éruptifs. La morphoscopie et la granulométrie (classements selon l’aspect physique et la
taille des grains) rendent compte des caractéristiques et de l’évolution des dynamismes. Par exemple,
les retombées aériennes constituent de bons repères lorsqu’elles renferment des bois carbonisés ou
lorsqu’elles s’intercalent dans des sols. Cette première étape conduit à la connaissance géographique
des risques. Il est alors possible de cartographier les menaces, en incluant l’environnement anthropique.
Établies à partir d’observations de terrain (la répartition des types de produits, par exemple), ces car-
tes peuvent être anées en laboratoire à l’aide de modèles numériques prenant en compte certaines
données, comme une topographie détaillée, pour définir le parcours des écoulements.
Prendre le pouls des volcans
Les études géologiques conduisent à élaborer des modèles montrant l’évolution des appareils volcani-
ques dans le temps.
Ainsi a-t-on pu constater qu’après une longue période d’inactivité, lorsque le magma atteint un stade
avancé de cristallisation, sa pression gazeuse devient susante pour ouvrir les conduits vers le haut.
La décompression brutale provoque l’émission d’un grand volume de cendres et de ponces. Une large
dépression (caldeira) se forme alors en surface par eondrement, à la suite du vide créé dans la cham-
bre magmatique. Le glissement d’un secteur entier du volcan, consécutif à la lente montée du magma
visqueux (éruption du mont Saint Helens, en 1980), peut représenter une variante à ce scénario, ou bien
se produire plus tard, lorsque l’édifice est à nouveau reconstruit. Dans les deux cas, le volume de maté-
riel déplacé est gigantesque : plusieurs kilomètres cubes, parfois plusieurs dizaines de kilomètres cubes.
Pourtant, de telles éruptions marquent très rarement la fin de l’activité volcanique. En règle générale,
du magma nouveau monte épisodiquement depuis des zones profondes et prolonge l’activité. Selon la
composition plus ou moins acide des laves nouvellement émises et leur viscosité plus ou moins grande,
l’un ou l’autre des deux appareils volcaniques suivants se forme.
Si les laves sont riches en silice, très cristallines et visqueuses, elles ne s’écoulent pas ou seulement
sur de très faibles distances (c’est le cas des volcans explosifs). En se refroidissant, les laves forment
des dômes dont l’intérieur et les racines restent chauds. À quelques kilomètres de profondeur, du fait
du refroidissement et de la poursuite de la cristallisation, la pression des gaz augmente de nouveau.
Après une longue période de repos apparent, cette pression peut provoquer la déformation, puis la
déstabilisation des dômes, leur eondrement et/ou l’ouverture brutale de la partie haute des conduits.
En Équateur, le volcan Cayambe, dont le sommet est composé d’une série de dômes sans activité
visible, est l’exemple parfait d’un volcan en état de « mise sous pression » et au sommeil trompeur (voir
l’encadré en fin d’article)
Deux sortes de produits caractérisent les éruptions de ce type de volcan : les écoulements pyroclasti-
ques, ou nuées ardentes, et les retombées pliniennes, à partir de panaches qui s’élèvent à haute altitude,
formés de cendres, de fragments vésiculés de magma (ponces) et de petits blocs rocheux provenant de
la pulvérisation du bouchon.
Si les laves sont plus basiques et fluides, un nouveau cône se forme, prolongeant l’ancien. Ce cône est
souvent le siège d’une activité complexe, comprenant des cycles éruptifs qui alternent l’émission de
coulées et de brefs épisodes explosifs pliniens. Ainsi, tous les 100 à 150 ans, de grandes éruptions re-
produisent un scénario souvent propre au volcan. Au cours des périodes de repos, l’évolution magmati-
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que dans la chambre se poursuit en système fermé. Une reprise d’activité comprend souvent l’émission
verticale d’une colonne éruptive dense. En retombant, cette colonne donne naissance à des écoule-
ments canalisés par les vallées, menaçant alors tous les flancs du volcan. La partie la moins épaisse de
la colonne éruptive, quant à elle, est à l’origine de retombées de ponces et de cendres dont l’extension
peut être régionale. Au cours des semaines ou des mois qui suivent ces explosions, les produits meubles
sont remaniés en coulées boueuses, ou lahars, alors que des coulées de lave suivent, accompagnées
d’explosions moins importantes au sommet.
Observer leurs sautes d’humeur
Les dynamismes éruptifs sont essentiellement liés à la viscosité des magmas et à leur teneur en gaz,
deux paramètres qui dépendent notamment de la composition chimique, du degré de cristallisation
et de la température d’émission des laves.
Par l’étude de leurs propriétés physico-chimiques (pétrographie, géochimie…), il s’agit de définir les
conditions prééruptives et de découvrir les mécanismes pouvant déclencher ces dynamismes. Des
associations minéralogiques complexes, des déséquilibres ou des changements de la vitesse de crois-
sance des cristaux, observés dans les laves émises successivement, donnent des informations capitales
sur la vitesse de remontée du magma, l’état de la chambre magmatique, les temps de résidence du
magma dans celle-ci, etc.
L’étude et la surveillance d’un volcan dépendent de la menace qu’il exerce : la proximité d’aggloméra-
tions, le souvenir d’une crise récente, voire d’une éruption aux conséquences dramatiques, sont des fac-
teurs qui justifient la mise en place d’un observatoire. Les volcans isolés peuvent également être l’objet
d’une attention particulière lorsqu’ils menacent la circulation aérienne. C’est pourquoi l’Organisation
de l’aviation civile internationale coordonne un système d’alerte auquel contribuent des observatoires
volcanologiques de diérentes régions du monde. Cependant, si les pays riches disposent d’infrastruc-
tures performantes, il n’en va pas de même pour les pays en voie de développement. Ces derniers sont
soumis aux aides extérieures, apportées dans le cadre de la coopération pour la formation de person-
nels et la mise en œuvre d’équipements. Actuellement, environ 160 volcans aériens sur les quelque
600 en activité sont équipés d’observatoires de proximité avec lesquels on pratique en permanence
ou de manière récurrente de nombreuses mesures.
L’étude sismologique, basée sur l’analyse des vibrations du sol dues aux mouvements du magma ou au
dégazage dans les conduits et réservoirs supérieurs, est la méthode de surveillance la plus classique.
Des mouvements internes du magma ou un nouvel apport de magma profond à la chambre entraînant
un gonflement de l’édifice volcanique, celui-ci peut être suivi grâce à un réseau d’inclinomètres capa-
bles de détecter en surface de très faibles écarts angulaires. Des appareils, comme les distance-mètres,
calculent les variations de la durée du trajet d’un rayon laser sur des réflecteurs disposés à la surface
du volcan pour en contrôler les déformations. Grâce à la réception de données satellitaires, le système
GPS (Global Positioning System) permet d’obtenir également des mesures sur les mouvements du sol
avec une précision millimétrique. D’autres observations sont menées conjointement, apportant leur lot
Conséquences de l’éruption du volcan Tungurahua, Équateur
© IRD - Le Pennec, Jean-Luc
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de précieuses informations. Les perturbations occasionnées par les transferts de magma et de produits
volatils en profondeur entraînent des variations sur les mesures du champ magnétique terrestre et du
champ de pesanteur, mesures enregistrées depuis la surface à l’aide de magnétomètres et de gravimè-
tres. Les mesures des changements de température des gaz (fumerolles), des eaux (lacs de cratère) et
des laves, ainsi que l’analyse sur le terrain ou en laboratoire des modifications chimiques, renseignent
également sur le comportement des magmas. Lobservation permanente de la Terre par des satellites
permet de repérer les volcans en activité, de surveiller les zones menacées, de suivre les panaches de
poussières et de gaz projetés dans l’atmosphère. Les données ainsi recueillies permettent aussi d’établir
des cartes détaillées, appelées modèles numériques de terrain (MNT), pour suivre les déformations des
édifices. Les techniques modernes orent également la possibilité de repérer les anomalies des sources
de chaleur à partir d’images prises en infrarouge, de réaliser la collecte automatique des données des
stations de terrain et de les redistribuer en temps réel aux laboratoires pour analyse, au travers des
réseaux de messagerie électronique.
Reproduire les phénomènes en laboratoire
Le veloppement de la modélisation dans les laboratoires de volcanologie complète les observations
sur le terrain en période de crise. Elle est souvent fondée sur l’analyse d’images (une séquence vidéo
reproduisant l’évolution d’un panache, par exemple) et sur la comparaison entre les phénomènes na-
turels observés et les résultats d’expérimentations obtenus sur modèles réduits. Ainsi, pour évaluer le
danger que représentent les panaches de cendres pour la navigation aérienne, on reproduit numéri-
quement les propriétés dynamiques et thermodynamiques d’une colonne éruptive, en tenant compte
de paramètres tels que l’évolution de la température, la pression atmosphérique, l’altitude ou le ré-
gime des vents. Les mesures eectuées sur le terrain (épaisseur des dépôts, dimension des clastes),
couplées à ces modèles théoriques, permettent d’estimer les caractéristiques des éruptions : volume des
panaches, vitesse d’émission, débit, etc. Des progrès considérables sur la compréhension du comporte-
ment des écoulements pyroclastiques sont actuellement accomplis en modélisation analogique (fondée
sur des rapports de similitude), grâce à l’utilisation de matériaux de densité diérente. Avec l’utilisation
du silicone, l’étude des déformations des flancs des volcans enregistre les mêmes progrès.
Étude du volcan Tungurahua en Equateur
© IRD - Eissen, Jean-Philippe
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