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La volcanologie s’est aranchie peu à peu des mythes et des croyances, que l’on retrouvait d’un conti-
nent à l’autre, avec des rites et des symboles souvent proches. Dans toutes les civilisations, les cratères
des volcans ont été considérés comme des lieux surnaturels où l’esprit des morts était censé se réfugier.
L’analyse de documents anciens permet parfois de dater les manifestations volcaniques et d’en recons-
tituer le déroulement. Ainsi, les sociétés de l’écrit ont consigné les traces des événements exceptionnels
causés par les volcans, permettant de reconstituer une partie de leur histoire. Mais les traditions orales
ont pu également contribuer à la connaissance d’une région et guider le travail des volcanologues. C’est
ainsi que s’est transmise depuis plus de 500 ans, de génération en génération, l’histoire du cataclysme
de Kuwae. Recueillis par des missionnaires, puis rapportés par des anthropologues, ces récits ont guidé
les archéologues qui ont découvert les preuves et réalisé les premières datations. Des géologues, enfin,
ont situé, estimé et daté avec précision (1452) cette gigantesque explosion.
Pour les volcans menaçants, il est primordial de connaître leurs phénomènes éruptifs, au long des siè-
cles et même des millénaires, par l’analyse des dépôts qu’ils ont laissés. Lorsqu’ils sont récents et peu
érodés, leur étude à l’aide de méthodes comme celle de la datation au carbone 14 permet de définir
des cycles éruptifs. La morphoscopie et la granulométrie (classements selon l’aspect physique et la
taille des grains) rendent compte des caractéristiques et de l’évolution des dynamismes. Par exemple,
les retombées aériennes constituent de bons repères lorsqu’elles renferment des bois carbonisés ou
lorsqu’elles s’intercalent dans des sols. Cette première étape conduit à la connaissance géographique
des risques. Il est alors possible de cartographier les menaces, en incluant l’environnement anthropique.
Établies à partir d’observations de terrain (la répartition des types de produits, par exemple), ces car-
tes peuvent être anées en laboratoire à l’aide de modèles numériques prenant en compte certaines
données, comme une topographie détaillée, pour définir le parcours des écoulements.
Prendre le pouls des volcans
Les études géologiques conduisent à élaborer des modèles montrant l’évolution des appareils volcani-
ques dans le temps.
Ainsi a-t-on pu constater qu’après une longue période d’inactivité, lorsque le magma atteint un stade
avancé de cristallisation, sa pression gazeuse devient susante pour ouvrir les conduits vers le haut.
La décompression brutale provoque l’émission d’un grand volume de cendres et de ponces. Une large
dépression (caldeira) se forme alors en surface par eondrement, à la suite du vide créé dans la cham-
bre magmatique. Le glissement d’un secteur entier du volcan, consécutif à la lente montée du magma
visqueux (éruption du mont Saint Helens, en 1980), peut représenter une variante à ce scénario, ou bien
se produire plus tard, lorsque l’édifice est à nouveau reconstruit. Dans les deux cas, le volume de maté-
riel déplacé est gigantesque : plusieurs kilomètres cubes, parfois plusieurs dizaines de kilomètres cubes.
Pourtant, de telles éruptions marquent très rarement la fin de l’activité volcanique. En règle générale,
du magma nouveau monte épisodiquement depuis des zones profondes et prolonge l’activité. Selon la
composition plus ou moins acide des laves nouvellement émises et leur viscosité plus ou moins grande,
l’un ou l’autre des deux appareils volcaniques suivants se forme.
Si les laves sont riches en silice, très cristallines et visqueuses, elles ne s’écoulent pas ou seulement
sur de très faibles distances (c’est le cas des volcans explosifs). En se refroidissant, les laves forment
des dômes dont l’intérieur et les racines restent chauds. À quelques kilomètres de profondeur, du fait
du refroidissement et de la poursuite de la cristallisation, la pression des gaz augmente de nouveau.
Après une longue période de repos apparent, cette pression peut provoquer la déformation, puis la
déstabilisation des dômes, leur eondrement et/ou l’ouverture brutale de la partie haute des conduits.
En Équateur, le volcan Cayambe, dont le sommet est composé d’une série de dômes sans activité
visible, est l’exemple parfait d’un volcan en état de « mise sous pression » et au sommeil trompeur (voir
l’encadré en fin d’article)
Deux sortes de produits caractérisent les éruptions de ce type de volcan : les écoulements pyroclasti-
ques, ou nuées ardentes, et les retombées pliniennes, à partir de panaches qui s’élèvent à haute altitude,
formés de cendres, de fragments vésiculés de magma (ponces) et de petits blocs rocheux provenant de
la pulvérisation du bouchon.
Si les laves sont plus basiques et fluides, un nouveau cône se forme, prolongeant l’ancien. Ce cône est
souvent le siège d’une activité complexe, comprenant des cycles éruptifs qui alternent l’émission de
coulées et de brefs épisodes explosifs pliniens. Ainsi, tous les 100 à 150 ans, de grandes éruptions re-
produisent un scénario souvent propre au volcan. Au cours des périodes de repos, l’évolution magmati-