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et garantir la sécurité alimentaire des
agriculteurs. Il faut toutefois vérier
que les nouveaux systèmes — suscep-
tibles d’impliquer le recours à des en-
grais azotés ou le développement de
l’élevage — sont eectivement moins
émetteurs de GES que les anciens.
Les autres actions possibles sont la
reforestation au sens strict (plantation
d’arbres dans des zones non couver-
tes par des forêts), la lutte contre la
dégradation des forêts ou la gestion
durable des forêts.
Les prairies et les savanes occupent
une grande partie du continent afri-
cain. La présence d’herbivores ainsi que
le passage régulier des feux de brousses
sont essentiels à l’équilibre de ces éco-
systèmes. Certains sont toutefois me-
nacés par l’intensication des usages,
notamment par le surpâturage. Dans
les systèmes pastoraux transhumants,
la mobilité favorise l’adaptation de la
charge animale au potentiel variable
— dans l’espace et le temps — des dié-
rentes zones, et limite ainsi les risques
de surpâturage. Même si le stockage du
carbone dans les sols des zones semi-
arides est lent, les surfaces en jeu ainsi
que la forte stabilité du carbone sous
climat sec rendent les savanes propices
à la séquestration du carbone. Pour les
sols les plus dégradés, la gestion de la
charge animale doit être complétée par
une réhabilitation des bassins versants
et un contrôle de l’érosion.
Les sols cultivés voient leur teneur
en carbone diminuer progressivement
par minéralisation de la matière orga-
nique, en particulier sous l’inuence
des labours. Diverses pratiques concou-
rent au maintien et à l’augmentation
de leur teneur en matière organique
(et donc en carbone) ⁶. La production
d’une forte biomasse, grâce aux asso-
ciations de cultures qui contribuent à
une utilisation optimale de la lumière
et des nutriments par unité de surface,
ou à l’irrigation, permet d’augmenter la
biomasse produite annuellement. Les
transferts de matière organique via les
contrats de vaine pâture, l’épandage de
fumier ou de compost, sont également
des pratiques positives. La limitation
de la minéralisation de la matière or-
ganique du sol est aussi essentielle :
couverture morte, engrais verts, semi-
direct. Enn, la lutte contre l’érosion
et la remise en état des terres dégradées
permet aussi le maintient de matière
organique dans les sols.
L’atténuation des émissions de GES
dans le secteur agricole africain passe
par une utilisation plus ecace des
cycles du carbone et de l’azote, de fa-
çon à produire une grande quantité
de biomasse avec des quantités d’in-
trants (engrais, combustibles fossiles)
limitées. Pour cela, il est important de
favoriser les systèmes de culture per-
mettant de maximiser l’utilisation de
l’énergie photosynthétique et la xa-
tion d’azote par les légumineuses. De
plus, les systèmes doivent limiter les
pertes de carbone et d’azote et favo-
riser leur recyclage (gestion aérobie
des déjections animales, couverture
du sol pour éviter la minéralisation
du carbone, etc.).
En fonction des situations agrai-
res, diérentes stratégies permettant
le piégeage du carbone ou la réduction
des émissions de GES, mais également
une amélioration des conditions de vie
des paysans, seront à dénir au cas par
cas : associations agriculture-élevage,
systèmes agro-forestiers, etc. §
L
est devenu avant
tout l’aaire des pays tropicaux.
Il est causé essentiellement par les
changements d’usage des terres qui,
dans certains cas, suivent l’exploitation
forestière. Le changement de l’utili-
sation des terres, surtout la défores-
tation, contribue aujourd’hui entre
et aux émissions de GES de
source anthropique.
Les causes de déforestation sont
multiples. En Amazonie brésilien-
ne, l’élevage extensif industriel est
de loin la première cause de défo-
restation, et la culture de soja (ex-
porté comme aliment du bétail) est en
pleine croissance. En Asie du Sud-Est,
la déforestation est principalement due
aux plantations de palmiers à huile
et aux fabriques de pâte à papier. En
Afrique, les pratiques d’abattis brûlis
qui s’étendent avec l’accroissement
démographique et qui visent le re-
nouvellement de la fertilité des sols
constituent le problème principal
pour l’instant.
La Convention climat reconnaît
le secteur « d’utilisation des terres,
changement d’aectation des terres
et foresterie — UCATF » comme
ayant un fort potentiel d’atténuation
des changements climatiques. Pour-
tant, dans ce secteur, seuls les projets
de « boisement et reboisement » (B/R)
sont éligibles au « Mécanismes de dé-
veloppement propres » (MDP) et ils
constituent moins de du total des
projets MDP. Par ailleurs, moins de
des projets MDP sont enregistrés
actuellement en Afrique, tous secteurs
confondus.
Un autre mécanisme de nance-
ment, le REDD (réduction des émis-
sions issues de la déforestation et de la
dégradation), est au cœur des débats.
Il est basé sur le principe selon lequel
les pays qui parviendront à réduire
leur taux de déforestation recevront de
l’argent sous forme de crédits carbone.
Le coût de ce dispositif a été estimé
entre et milliards de dollars par
an pour réduire de la défores-
tation actuelle, en partant de l’hy-
pothèse qu’il surait de compenser
nancièrement la valeur des cultures
et de l’élevage auxquels les paysans
auront renoncé pour conserver la fo-
rêt. Est ce que les paysans qui déboi-
sent pour des revenus de subsistance
se satisferont de compensations qui
les laisseront dans la misère ? C’est
peu probable.
Il semblerait plus ecace de pas-
ser d’une logique de compensation à
une perspective d’investissement. La
compensation nancière n’entraîne-
ra des transformations durables que
si elle s’accompagne d’un appui au
changement des itinéraires techni-
ques agricoles et des programmes
d’accompagnement pour les péren-
niser (sécurisation foncière, crédit
rural, assurances, prix stabilisés,
etc.). Par conséquent, elle doit être
combinée à des politiques publiques
fortes, soutenues par l’aide publique
au développement.
Références :
Karsenty Alain, . Ce que le mar-
ché (carbone) ne peut faire. Pers-
pective nº, CIRAD.
Karsenty Alain, . Lutter contre la
déforestation: combien ça coûte ?
Voir Repères dans ce numéro.
Outils de lutte contre la
déforestation : le paradoxe ?
. Il est intéressant de noter que ces
pratiques d’atténuation ont aussi un
fort potentiel d’amélioration de la
production.