L’Encéphale (2011) 37, S50—S57 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP PSYCHOPHARMACOLOGIE Changer d’antidépresseur : quand, comment, pourquoi ? Switch antidepressants: When? How? Why? D. Gourion a,∗, A. Galinowski b, L. Baraille c, H. Picard c a 17, rue des marronniers, 75016 Paris, France 27, rue Blomet, 75015 Paris, France c Laboratoires Lilly-France, 13, rue Pagès, 92158 Suresnes cedex, France b Reçu le 1er décembre 2009 ; accepté le 15 avril 2010 Disponible sur Internet le 2 avril 2011 MOTS CLÉS Antidépresseur ; Switch ; Réponse ; Dépression réfractaire KEYWORDS Antidepressant; Switch; Response; Drug refractory depression ∗ Résumé Le switch est communément admis comme une des options à notre disposition en cas d’échec d’un traitement antidépresseur, cependant des incertitudes existent quant à sa mise en œuvre : quel délai respecter avant de switcher, faut-il effectuer un switch direct ou progressif, faut-il changer de classe, comment minimiser le risque d’interactions ? La revue de la littérature montre qu’il est recommandé d’attendre quatre à huit semaines avant de changer de traitement si la réponse reste insuffisante. Un switch précoce est cependant possible en cas d’absence totale de réponse à deux et quatre semaines. Le changement de classe thérapeutique est le plus logique en cas d’absence de réponse et pourrait être légèrement plus efficace que le switch au sein d’une même classe. Le switch direct est possible et bien toléré dans de nombreux cas, à l’exclusion des situations faisant intervenir un IMAO ou un antidépresseur tricyclique. Le switch augmente les chances de réussite du traitement et permet de minimiser les effets indésirables par rapport à la polymédication. Les recherches actuelles sur la physiopathologie de la dépression et les mécanismes d’action des médicaments font espérer de nouvelles perspectives de prise en charge des patients. © L’Encéphale, Paris, 2010. Summary Background. — The switch is generally admitted as one of the available options in the event of non-response to an antidepressant treatment, despite uncertainties about its implementation in current practice: what time window before switching? Is it necessary to proceed with a direct or with a gradual switch? Is it necessary to change for a different pharmacotherapeutic class? How to minimize interaction risks? If a treatment fails because of poor compliance due to intolerance, it is possible to remain within the same therapeutic class and select another Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Gourion). 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2010. doi:10.1016/j.encep.2010.06.008 Changer d’antidépresseur : quand, comment, pourquoi ? S51 treatment with a more favourable safety profile for the patient. In the remaining non-response cases, changing therapeutic class is the more logical course and may be slightly more efficacious than the switch within the same class. Literature findings. — A review of the literature shows that it is recommended to wait 4 to 8 weeks before changing treatment if the response is insufficient. However, an early switch is possible in case of non-response at 2—4 weeks. Direct switch is possible and well tolerated in most instances, except for situations implicating a monoamine oxidase inhibitor (MAOI) or a tricyclic antidepressant. Direct switch is easy and, therefore, compliance issues associated with the complexity of treatment tapering can be avoided. Discussion. — From the pharmacologic standpoint, the lack of effect on the cytochrome P450 isoenzymes, the absence of active metabolites, and the poor binding to plasmatic proteins are all important elements to be identified in order to minimize the risk of interaction. Current research on physiopathology of depression and mechanisms of action of drugs both support expectations for new perspectives for patients’ care. The switch increases the chances for a treatment to be successful with response rates of 20 to 70 % in the open-labelled clinical studies. It also has the advantage of minimizing adverse effects compared to polytherapy. Conclusion. — A great number of depressed patients require more than one treatment protocol to obtain or maintain a response. Switching is part of the therapeutic pattern of depression and is recommended by the French authorities. The available data allow the specification of switch modalities as function of the evolution of the initial treatment. © L’Encéphale, Paris, 2010. Introduction Le switch du point de vue clinique Il est bien établi que l’objectif du traitement antidépresseur n’est pas uniquement d’atteindre la réponse (amélioration supérieure à 50 % de la symptomatologie dépressive) mais d’obtenir la rémission complète (disparition des symptômes et retour à un fonctionnement normal) [1,5,9,36,40]. Celleci n’est pourtant constatée en pratique que chez un tiers des patients après un traitement bien conduit [1,14,31,42,46]. Une rémission incomplète ou partielle (ne plus répondre aux critères diagnostiques de l’épisode dépressif majeur, tout en conservant des symptômes résiduels) et a fortiori l’absence de réponse (réduction des symptômes inférieure à 25 %) sont associées à une augmentation du risque de rechute, de suicide, d’altération fonctionnelle, et à un recours accru aux soins [1,29,47,48]. Il est donc nécessaire de modifier la stratégie de prise en charge chez ces patients insuffisamment répondeurs au traitement. Différentes options sont alors possibles [1] : Le critère clinique justifiant le switch est l’absence ou l’insuffisance de réponse à un traitement antidépresseur, c’est-à-dire la persistance de tout ou partie des symptômes dépressifs à l’origine du diagnostic d’épisode dépressif majeur. Les études cliniques utilisent des échelles validées pour l’évaluation de la dépression et de son évolution sous traitement. Dans la pratique courante, ces échelles sont probablement moins employées mais l’évaluation de la réponse au traitement doit également prendre en compte le fonctionnement pré morbide ainsi que la personnalité de l’individu. • pharmacologiques (augmentation de la dose du traitement en cours, switch avec ou sans changement de classe thérapeutique, association d’un autre antidépresseur, ou potentialisation du traitement existant avec un médicament non répertorié comme antidépresseur) ; • non pharmacologiques (psychothérapie, techniques de neurostimulation, photothérapie) dont nous ne parlons pas dans cet article. Le switch a fait l’objet de nombreuses études cliniques qui ont démontré son efficacité et sa bonne tolérance [23]. Malheureusement, peu de publications se sont intéressées aux modalités pratiques de sa mise en œuvre et le clinicien se retrouve donc seul face à cette question. Il nous a semblé pertinent d’approfondir le sujet et d’apporter une réflexion sur la mise en pratique du switch. Séquences thérapeutiques en cas d’échec de traitement Lorsque l’échec d’un traitement est avéré, se pose le problème du choix de la séquence thérapeutique suivante : augmentation de dose, switch, association, potentialisation, dans quel ordre ? Malgré les recommandations à notre disposition sur la prise en charge de la dépression [1,15], ce point essentiel reste flou. Même si elle n’a pas permis de statuer précisément sur le sujet, l’étude STAR*D conduite par Rush et al. [38] récemment a le mérite d’avoir initié le débat. Son objectif était d’évaluer plusieurs stratégies de traitements sur quatre niveaux séquentiels chez des patients déprimés en se rapprochant le plus possible de la pratique réelle (patients non psychotiques non bipolaires, avec des comorbidités psychiatriques et médicales, y compris abus de substances ou risque suicidaire ne nécessitant pas d’intervention immédiate). Les patients étaient tous sous citalopram au début de l’étude (niveau 1) et passaient aux niveaux suivants en cas d’absence de rémission complète (score HAMD17 ≤ 7) ou S52 D. Gourion et al. Figure 1 Schéma de l’étude STAR*D (d’après [35,38]). de problèmes de tolérance après 12 à 14 semaines de traitement de chaque niveau (Fig. 1) [19,38]. L’interprétation des résultats de l’étude STAR*D se heurte à ses limites méthodologiques (étude en ouvert, manque de puissance statistique). De multiples séquences de traitements étaient possibles, avec finalement peu de patients dans chaque schéma. L’étude n’a pas pu montrer de supériorité d’un traitement ou d’une séquence thérapeutique par rapport à l’autre, sauf au niveau 4 où l’association (venlafaxine + mirtazapine) s’est révélée significativement mieux tolérée que la tranylcypromine et plus efficace pour réduire les symptômes. Malgré tout, elle confirme l’intérêt de mener un traitement vigoureux et persévérant en cas d’échec : les pourcentages cumulés de rémission ont été d’environ 33 % après le premier traitement, 57 % après le deuxième, 63 % après le troisième, et 67 % après le niveau 4 [14]. Cependant, les chances d’obtenir une rémission diminuent plus on avance dans les niveaux de traitements [38]. Avant d’envisager un changement de traitement en cas d’échec, rappelons la nécessité de rechercher systématiquement les éventuels facteurs de non-réponse : • les causes médicales de la dépression (hypothyroïdie. . .) ; • les co-morbidités (alcoolisme. . .) ; • les problèmes d’observance (20 à 40 % des patients déprimés sont concernés) [6]. La dose utilisée peut également être un facteur d’échec du traitement si elle est insuffisante. La dose optimale varie d’un patient à l’autre, et de meilleurs résultats sont parfois obtenus après avoir augmenté la posologie notamment en cas de réponse partielle ou de dépression sévère [2]. Même si les études publiées sur le sujet n’apportent pas de preuve irrévocable de l’efficacité d’une telle démarche au niveau d’un groupe de patients, la variabilité interindividuelle des taux plasmatiques de certains antidépresseurs [8] peut expliquer les résultats obtenus au niveau individuel. Une fois ces vérifications effectuées, le switch est une des options possibles pour modifier le traitement. Aux ÉtatsUnis, il serait effectué en moyenne chez 8,6 % des patients au cours des trois premiers mois de traitement [23]. Si l’échec du traitement est dû à une mauvaise observance pour cause d’intolérance, on peut rester dans la même classe thérapeutique et choisir un traitement avec un profil de tolérance plus favorable pour le patient [17]. Dans les autres cas de non-réponse, opter pour un changement de classe semble l’attitude la plus logique [1] : on peut en effet penser que les patients ne répondant pas à une classe répondront à une autre du fait de la différence d’effet neurochimique [17]. Les études menées après échec d’un premier traitement à base d’ISRS montrent que le switch permet d’obtenir environ 50 % de chances de réponse, quelle que soit la classe pharmacologique choisie [34]. Peu d’études cliniques contrôlées randomisées ont directement comparé les deux méthodes de switch (avec et sans changement de classe) et ne permettent pas de les départager [28,32,37,39]. Cependant, une méta-analyse récente suggère que le switch vers une classe pharmacologique différente (ISRS vers un nonISRS) pourrait être légèrement plus efficace en termes de rémission par rapport au switch dans la même classe (ISRS vers ISRS) [28]. Le switch vers un IMAO après un premier ISRS n’est toutefois pas recommandé du fait des effets secondaires des IMAO [34]. En pratique, le changement de classe serait la solution la plus souvent adoptée par les psychiatres en cas de nonréponse à un ISRS [13]. Changer d’antidépresseur : quand, comment, pourquoi ? Délai pour un switch La question du meilleur moment pour switcher est cruciale. Comment s’assurer en effet que le traitement initial a duré suffisamment longtemps pour ne pas passer à côté de son efficacité tout en laissant le moins possible le patient sans amélioration ? Le délai d’action des antidépresseurs est compris entre deux et quatre semaines au cours desquelles les premiers signes de leur activité apparaissent mais restent partiels et peuvent être confondus avec l’effet placebo [6]. Une amélioration très rapide et importante des symptômes n’est en principe pas attendue et suggère l’absence de dépression. En pratique, les patients, pressés d’obtenir une amélioration significative de leur état qu’ils ne voient pas arriver tout de suite, demandent souvent la modification rapide de leur traitement alors que celle-ci n’est nullement justifiée. Le médecin doit avoir le courage de refuser, ce qui n’est pas toujours facile. Il faut en réalité six à dix semaines pour atteindre la réponse thérapeutique complète d’un traitement antidépresseur [1,6]. L’évaluation de la réponse ne peut donc se faire qu’après quatre à huit semaines minimum de traitement à une dose adéquate [1,3,6,14,33,45]. Plus précisément, le moment du switch va être adapté en tenant compte de l’évolution de la réponse : à deux et quatre semaines en cas d’absence totale de réponse (on parle alors de switch précoce), après six semaines si la réponse reste minime, et après huit semaines si elle est insuffisante [6,9,33,41]. Le changement de traitement ne doit pas non plus être effectué trop tardivement car le délai maximum pendant lequel un patient supporte un traitement non efficace est de dix à 12 semaines [45]. Si le patient est très symptomatique, en cas de réponse insuffisante, voir d’aggravation, le délai de six à huit semaines pour switcher peut être raccourci [1]. Le switch précoce en cas d’absence totale de réponse trouve sa justification dans les observations suivantes : • il existe une corrélation entre la réponse précoce (deux à quatre semaines) et la rémission à huit et 12 semaines [41,40,27], et les chances d’obtenir une réponse à huit semaines sont faibles en l’absence d’amélioration précoce [24,25,41] ; • il existe un lien entre le délai d’amélioration des symptômes et la qualité de la réponse clinique [27] ; • enfin, compte tenu du risque de complications fatales (tentatives de suicide) pour le patient, le délai sans réponse devrait être minimisé [41]. Une étude clinique randomisée en double insu, actuellement en cours, évaluant le switch précoce (délai de quatre semaines) versus retardé (délai de huit semaines) de l’escitalopram vers la duloxétine apportera des informations supplémentaires sur le délai optimal pour changer de traitement, et en l’occurrence de classe. La conduite à tenir Le switch fait partie intégrante du schéma thérapeutique de la dépression et est recommandé par les instances françaises [1,15] dès le premier échec. S53 L’algorithme de traitement suivant peut être proposé (Fig. 2) : Le switch du point de vue pharmacologique Switch direct ou switch progressif ? Différentes options peuvent être envisagées pour procéder au changement de traitement (Fig. 3). Certains auteurs recommandent d’éviter le chevauchement des deux traitements [34]. Les mentions légales de la plupart des antidépresseurs recommandent de les arrêter progressivement afin d’éviter un syndrome de sevrage [49]. Dans le cas du switch, ces recommandations seraient donc en faveur des schémas avec diminution progressive de la dose du traitement initial. Cependant, le switch direct est souvent bien toléré. Dans les études, le switch direct d’un ISRS vers un ISRS différent, un antidépresseur « autre » (mirtazapine, bupropion), ou vers la venlafaxine ou la duloxétine est bien toléré et est aussi efficace que le switch progressif ou le switch avec période de washout [11,16,31,34,37,50,51]. Le switch direct présente l’avantage d’être simple et permet d’éviter les problèmes d’observance liés à la complexité d’un traitement à diminuer progressivement. Dans le cas des IMAO et des antidépresseurs tricycliques, la méthode de switch est dictée par la nature des traitements. L’interaction entre les IMAO et les autres antidépresseurs sérotoninergiques et le bupropion oblige à respecter une période de washout pour éviter l’apparition d’un syndrome sérotoninergique (notamment pour les IMAO non spécifiques irréversibles, la contre-indication avec les IMAO A n’étant que relative). De même, l’inhibition des enzymes du cytochrome P450 par les ISRS peut entraîner une augmentation de la concentration de certains antidépresseurs tricycliques au cours de la première à la cinquième semaine (cas de la fluoxétine, dont les métabolites persistent en l’organisme pendant plusieurs semaines). Une période de washout doit également être respectée [34]. Minimiser le risque d’interactions Du point de vue pharmacologique, la difficulté lorsqu’on change de traitement antidépresseur chez un patient est de minimiser le risque d’interactions médicamenteuses, tout en évitant l’effet rebond lié à l’arrêt du traitement initial. En théorie, pour éviter l’interaction entre par exemple un ISRS et un autre traitement, il faudrait respecter une période de washout de cinq à sept jours (correspondant à environ cinq demi-vies), voire jusqu’à six semaines dans le cas de la fluoxétine, pour obtenir l’élimination complète de l’ISRS avant l’initiation du traitement suivant [4]. De telles périodes sans traitement sont difficiles à supporter pour le patient et le praticien est souvent amené à initier le traitement suivant alors que le premier n’est pas éliminé de l’organisme. Sur le plan clinique, l’arrêt brutal du traitement initial par un ISRS suivi du démarrage immédiat du suivant ne semble pas poser de problème dans la plupart des cas (cf. paragraphe précédent). En revanche, il est nécessaire de respecter une période de washout lorsque le switch fait S54 D. Gourion et al. Figure 2 Proposition d’algorithme de traitement. En cas de dépression sévère, le délai ne peut pas être aussi long que pour la première phase de traitement. intervenir un IMAO ou certains antidépresseurs tricycliques afin d’éviter tout problème d’interaction. D’un point de vue général, il est important de connaître les propriétés pharmacodynamiques et pharmacocinétiques de chaque traitement du switch. En particulier, l’absence d’effets sur les isoenzymes du cytochrome P450, l’absence de métabolites actifs, et la faible liaison aux protéines plasmatiques sont autant d’éléments à rechercher pour minimiser les risques d’interaction [4,16]. Malheureusement, peu d’antidépresseurs disponibles actuellement remplissent toutes ces conditions [1]. Optimiser le bénéfice La dépression est une pathologie complexe qui implique plusieurs régions cérébrales et systèmes neurotransmetteurs. Ses mécanismes physiopathologiques sont de mieux en mieux connus, grâce notamment aux progrès des techniques de neuro-imagerie [26]. La gamme de traitements disponibles s’est également considérablement élargie ces dernières années, avec des traitements de mieux en mieux tolérés. Cependant, les échecs thérapeutiques sont encore fréquents et des progrès restent à faire dans la connaissance et la prise en charge de cette pathologie. Selon l’Afssaps, « la théorie biochimique classique de la dépression (diminution des transmissions monoaminergiques centrales) et l’effet des antidépresseurs (qui facilitent ces transmissions) ne rendent pas compte de tous les phénomènes observés » [1]. Du côté des traitements, les mécanismes d’action ne sont pas complètement connus et ne s’arrêtent pas à l’effet biochimique aigu identifié comme pouvant être impliqué dans l’activité thérapeutique. Des effets au niveau de l’expression des protéines et des gènes ont été décrits [7,44]. Aussi bien les aspects de la clinique des patients déprimés tel que la douleur [30] que les variations de l’expression des protéines et des gènes sont actuellement explorés afin de permettre une approche plus ciblée du traitement [18,21]. Du côté des patients, certains facteurs neurobiologiques comme la variabilité génétique des récepteurs et des transporteurs, pourraient contribuer à rendre un traitement inadéquat chez un individu donné [9,48]. Tous ces éléments sont autant de pistes en cours d’investigation qui, lorsqu’elles auront été précisées, permettront d’améliorer encore les méthodes de prise en charge et de prescrire un traitement « à la carte », en fonction de l’évolution individuelle et des symptômes résiduels, ce qui donnera toutes les chances au patient de sortir de la spirale dépressive. Perspectives pour le patient Avantages du switch pour le patient Le switch augmente les chances de réussite du traitement avec des taux de réponse allant de 20 à 70 % dans les études cliniques en ouvert [9,11,12,17,22,31,34,43,50,51]. Une étude récente en ouvert comparant le switch des ISRS vers la duloxétine, a montré que le switch direct (sans superposition des traitements) est aussi efficace sur les symptômes de la dépression que le switch graduel (avec superposition des traitements) : taux moyen de diminution Changer d’antidépresseur : quand, comment, pourquoi ? Figure 3 S55 Méthodes de switch des antidépresseurs (A. Traitement initial. B. Traitement suivant). à la HAM-D à dix semaines, taux de réponse (baisse du score HAMD17 ≥ 50 %) et de rémission (score HAMD17 ≤ 7) comparables entre les deux groupes [31]. Dans l’étude STAR*D, les taux de réponse (échelle QIDS-SR) obtenus après le premier switch ont été d’environ 27 % et les taux de rémission (HAMD17) compris entre 18 et 25 % [14,20,38]. Sur le plan de la tolérance, le switch présente l’avantage de la monothérapie par rapport aux associations de traitements qui cumulent les effets indésirables de chacun d’entre eux. Le traitement reste simple pour le patient et le fait de continuer à n’avoir qu’un seul médicament antidépresseur peut augmenter l’observance par rapport à la polymédication [10,9]. Ce point est important à considérer quand on sait qu’un tiers des patients environ ne prennent pas de manière assidue leur traitement antidépresseur [6]. Wohlreich et al. [51] ont également observé une meilleure tolérance du traitement lorsqu’il a été précédé par un autre plutôt que lorsqu’il est initié en premier, mais ce point nécessite confirmation. Limites de la transposition des données actuelles à la pratique courante L’essentiel des données dont nous disposons sur le switch est issu des études cliniques, lesquelles permettent d’évaluer l’efficacité et la tolérance des traitements et des méthodes de prise en charge, mais ne peuvent pas être le reflet de la pratique médicale dans sa globalité. Les patients des essais cliniques sont hautement sélectionnés de manière à garantir la comparabilité des groupes. Ceux rencontrés en pratique réelle présentent des troubles affectifs plus complexes, souvent accompagnés de co-morbidités et/ou addictions qui compliquent la prise en charge [6,14,17,40]. Le suivi également est différent dans les études cliniques : les patients sont évalués plus souvent et à l’aide d’échelles validées, ils ne peuvent intervenir dans la décision du traitement, les doses sont fixes [14]. Selon l’étude ORACLE sur les pratiques professionnelles en exercice libéral en France, les praticiens privilégient quant à eux l’impression subjective par rapport à l’évaluation psychométrique de l’efficacité d’un traitement [40]. On ne peut donc extrapoler totalement les résultats des essais cliniques à la pratique réelle. Ceux-ci restent cependant d’excellents guides à notre disposition dans notre pratique médicale quotidienne. Conclusion générale Nombreux sont les patients déprimés qui nécessitent plus d’un protocole de traitement pour obtenir ou maintenir une réponse. Les données dont nous disposons sur le switch permettent de préciser les modalités de sa mise en pratique en fonction de l’évolution de la réponse au traitement initial. Les recherches doivent se poursuivre à la fois sur le plan pharmacologique, neurobiologique et clinique pour identifier les meilleures séquences qui donneraient aux patients les plus grandes chances d’éradiquer un épisode dépressif résistant. Conflits d’intérêts Pas de conflit d’intérêt. Références [1] AFSSAPS. Bon usage des médicaments antidépresseurs dans le traitement des troubles dépressifs et des troubles anxieux de l’adulte. Argumentaire. Octobre 2006. http://www.afssaps.sante.fr. [2] ANAES. Prise en charge d’un épisode dépressif isolé de l’adulte en ambulatoire. Service des recommandations et références professionnelles. Avril 2002. [3] APA. 2004. Treating major depressive disorder. A quick reference guide. http://www.psych.org/psych pract/treatg/ quick ref guide/MDD QRG.pdf. [4] Bakish D. Psychopharmacology for the clinician. How does one switch from one antidepressant to another when there has been a treatment failure? Rev Psychiatr Neurosci 1998;23(4): 264. [5] Bakish D. 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