Source de paires de photons intriqués en polarisation

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Composants passifs et Optique intégrée
Ma1.4
S OURCE DE PAIRES DE PHOTONS INTRIQU ÉS EN POLARISATION AUX
LONGUEURS D ’ ONDE T ÉL ÉCOM EN OPTIQUE INT ÉGR ÉE
A. Martin1 , V. Cristofori1,3 , P. Aboussouan1 , D.B. Ostrowsky1 , P. Baldi1 , M.P. De Micheli1 ,
A. Thomas2 , H. Herrmann2 , W. Sohler2 , O. Alibart1 , et S. Tanzilli1
1 LPMC, Université de Nice Sophia Antipolis, CNRS UMR 6622, Parc Valrose,
06108 Nice Cedex 2, France, [email protected]
2 Angewandte Physik, Universitat-GH-Paderborn, Postfach 1621, D-4790 Paderborn, Germany
3 Dipartimento EIS, Universita di Bologna, Viale Risorgimento 2, I-40136 Bologna, Italy
R ÉSUM É
Nous proposons la réalisation d’une nouvelle source de paires de photons intriqués en polarisation autour d’un guide d’ondes biréfringent intégré sur un substrat de Niobate de Lithium
périodiquement polarisé. Nous montrons que les photons sont générés à la longueur d’onde
télécom de 1310 nm et qu’ils possèdent une largeur spectrale inférieure au nm. De plus, les
caractéristiques quantiques des paires émises sont validées par le biais d’une expérience d’interférence quantique à deux photons. L’ensemble de ces résultats, associés à la stabilité de
cette source compacte, nous permet de conclure quant à son fort potentiel pour les protocoles
quantiques longue distance.
M OTS - CLEFS : Intrication; Communications quantiques; Optique intégrée non-linéaire.
1. I NTRODUCTION
Les communications quantiques sont basées sur l’utilisation d’objets quantiques tels que les photons comme support d’un nouveau type d’information. Il faut alors avoir accès à l’une des observables
du système et considérer deux états définissant une base orthonormée afin de coder les états |0 et |1 des
“bits quantiques” (qubits), analogues des états 0 et 1 des bits classiques. L’observable polarisation des
photons offre une base d’encodage {|H, |V } très pratique où H et V représentent respectivement les polarisations horizontale et verticale. Toute superposition cohérente de la forme |ϕ = α|H + eiφ β|V représente
donc un qubit possible déterminé par les poids α et β tant que la règle de normalisation |α|2 + |β|2 = 1
est respectée. L’intrication impliquant deux ou plusieurs particules est une ressource fondamentale des
protocoles de communications quantiques. Nous
représenter l’intrication en pola pouvons par exemple
risation pour deux photons par l’état |Ψ = √12 |Ha |V b ± |V a |Hb , où les deux photons de la paire sont
respectivement représentés par les indices a et b. Les corrélations entre de tels photons sont si fortes qu’il
n’est pas possible de les reproduire classiquement [1] : c’est sur cette particularité purement quantique
que reposent les protocoles de cryptographie quantique [2] ou de téléportation d’états [3].
A l’heure actuelle, la fluorescence paramétrique au sein de cristaux non linéaires massifs constitue
la solution la plus employée pour produire des paires de photons intriqués en polarisation [4]. Toutefois,
la complexité grandissante des expériences requiert des interactions non linéaires sans cesse plus efficaces
avec, dans le même le temps, des largeurs spectrales toujours plus étroites pour les photons émis [2, 3].
Enfin, les communications quantiques sur longue distance nécessitent l’utilisation de photons émis dans
l’une des bandes des télécoms favorisant l’insertion de la source au sein d’un réseau de fibres standard.
Le but de ce travail est de réunir l’ensemble des figures de mérite précédemment citées au sein
d’une même source. Après avoir décrit le principe de notre source, nous présenterons les démarches
classiques de caractérisation de l’interaction non linéaire désirée. Puis, nous proposerons une mesure
interférométrique permettant d’évaluer le caractère quantique des paires de photons émises.
2. P RINCIPE DE FONCTIONNEMENT DE LA SOURCE
Comme c’est le cas de la plupart des sources actuelles, la génération de paires de photons se fait via
le processus non linéaire de fluorescence paramétrique pour lequel l’interaction entre un champ de pompe
(p) et un cristal χ2 conduit, avec une certaine probabilité, à la conversion spontanée d’un photon de ce
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champ en une paire de photons communément appelés signal (s) et idler (i). Cette interaction est régie par
u, où
les lois de conservation de l’énergie, ω p = ωs + ωi , et de l’impulsion des photons, k p =ks +ki + 2π
Λ ·
2
Λ représente, dans le cas d’un guide PPLN, la période d’inversion du signe du χ . Notons que la seconde
équation porte aussi le nom de condition de quasi accord de phase (QAP) ajustée pour notre source de
sorte à produire des paires de photons dégénérés à 1310 nm en partant d’un laser à 655 nm.
116000
Nombre de détection ( 5s)
114000
112000
Longueur d’onde (nm)
118000
110000
1320
1318
1316
1314
1312
1310
1308
1306
1304
1302
1300
Λ =6.50 μm
Λ =6.55 μm
Λ =6.60 μm
Λ =6.65 μm
V
H
65
70
75
80
85
90
Température (°C)
108000
106000
F IG . 1: Principe de fonctionnement de la source de paires de
photons intriqués en polarisation basée sur un guide d’ondes
biréfringent. Un prisme (P) sert à filtrer les longueurs d’ondes
parasites du laser ; des filtres passe-haut (FPH@1000 nm)
et passe-bande (FPB@1310 nm, FWHM=10 nm) servent
à éliminer les photons de pompe résiduels. Le coupleur 50/50
(BS) permet de séparer aléatoirement la paire de photons selon
deux modes spatiaux (a et b) et d’obtenir l’état intriqué |ψ.
104000
102000
1000
1050
1100
1150
1200
1250
Longueur d’onde (nm)
1300
1350
1400
F IG . 2: Spectres de fluorescence paramétrique obtenus pour
diverses périodes Λ en sortie d’un guide d’ondes de largeur
6 µm, chauffé à 80◦C et pompé à 655 nm. Il apparaı̂t que
la dégénérescence recherchée n’est pas accessible pour cette
température. L’insert en haut à gauche est une courbe d’accord
de phase en fonction de la température pour Λ = 6.60 µm. Ici,
le croisement à T = 88◦C indique le point de dégénérescence.
D’un point de vue quantique, il convient pour notre source d’utiliser un guide d’ondes capable de
supporter les deux modes de polarisation H et V ce qui est le cas lorsque celui-ci est réalisé par la technologie de la diffusion titane sur le substrat PPLN [5,6]. L’interaction paramétrique est alors de type II ce
qui conduit, au point de dégénérescence, à la production de photons appairés aux caractéristiques strictement identiques mais de polarisations orthogonales H et V via le coefficient non linéaire d24 du cristal.
Comme l’indique la F IG .1, les photons d’une même paire sont, après génération, séparés spatialement via
un diviseur de faisceau 50/50 (BS) dont les sorties sont labellisées a et b. En cas de séparation effective,
les possibilités de sortie |Ha |V b et |V a |Hb sont équiprobables. Mais plus important encore, si les photons
a et b sont strictement indiscernables hormis sur l’observable polarisation, il devient possible de décrire
la paire par l’état |Ψ purement intriqué définit plus haut. Nous avons donc, pour créer un tel état, deux
ONL
BS
→ η|Hs |V i −→ η √1 [|Ha |V b + |V a |Hb ], où η
étapes successives pouvant se résumer comme suit, |H p −
2
représente l’efficacité du processus de conversion et η celle de la source dans son intégralité (comprenant
l’ensemble des pertes).
3. C ARACT ÉRISATION DU GUIDE D ’ ONDES
Pour obtenir l’émission des photons à la longueur d’onde dégénérée de 1310 nm, les simulations
montrent que la condition de QAP doit être satisfaite pour une période d’inversion (Λ) d’environ 6, 6 µm,
la largeur (W ) et la température du guide (T ) étant les autres variables qui permettent d’optimiser l’interaction désirée. Le point de fonctionnement a été identifié pour l’ensemble des paramètres suivants :
Λ = 6, 60 µm, W = 6 µm et T = 88◦C, comme le montre la F IG .2. De plus, l’étude des spectres de fluorescence nous permet de déterminer la largeur spectrale des photons qui est, dans notre cas, inférieure au
nm. Ceci correspond à une longueur de cohérence d’environ 1, 5 mm ce qui est en accord avec la théorie
pour un guide de 3, 6 cm de long.
4. C ARACT ÉRISATION QUANTIQUE DE LA SOURCE
La condition fondamentale pour que l’état quantique porté par les paires soit réellement intriqué
est que les deux photons soient strictement indiscernables sur l’ensemble de leurs caractéristiques autres
que l’état de polarisation en arrivant sur le coupleur 50/50. Plus précisément, cela signifie que les photons
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produits doivent posséder exactement la même longueur d’onde, la même longueur de cohérence, et bien
sûr arriver simultanément sur le coupleur. Pour nous assurer de cette indiscernabilité, nous avons réalisé
une expérience d’interférence à deux photons de type “Hong-Ou-Mandel” [7]. Lorsque deux photons
identiques arrivent simultanément sur les deux ports d’entrée d’un coupleur 50/50, ils interfèrent et se
“collent” littéralement l’un à l’autre pour toujours prendre ensemble le même bras de sortie. Ceci conduit
à une chute du taux de détection en coı̈ncidence en sortie du coupleur 50/50. Pour ce faire, comme l’indique la F IG .3, nous séparons les deux photons de la paire à l’aide d’un cube polariseur et envoyons
chacun d’eux dans un bras d’un coupleur 50/50 fibré. Sur chaque bras nous avons placé des contrôleurs
de polarisation afin “d’effacer” la discernabilité en polarisation des deux photons. Enfin, en faisant varier
la longueur relative des chemins à l’aide d’un rétroréflecteur, nous ajustons la quantité d’indiscernabilité
due au retard. En observant le taux de disparition des coincidences à la sortie du coupleur 50/50, nous
pouvons conclure quand à l’indiscernabilité absolue de nos photons. En effet, nous représentons sur la
F IG .4 l’évolution des coı̈ncidences entre les deux détecteurs en fonction de la longueur relative des chemins de l’interféromètre. Nous observons une disparition des coı̈ncidences (le “dip”) avec une visibilité
d’environ 85 % alors que les taux de comptages simples restent constants. Cette mesure nous indique
indirectement la très bonne qualité de l’intrication qui serait obtenue dans le cas du montage de la F IG .1.
500
APD 1
APD 2
Coincidence
1400
1000
300
800
200
600
Nombre de coincidences (/5s)
1200
3
Nombre de photons (x10 /5s)
400
400
100
200
F IG . 3: Montage expérimental pour l’obtention de l’interférence à deux photons. PBS : cube polarisant ; R :
rétroréflecteur ; BL : contrôleur de polarisation ; BS : coupleur
50/50 fibré ; APD : photodiodes à avalanche ; & : module de
comptage de coı̈ncidences.)
0
0
-8
-6
-4
-2
0
2
4
6
8
Variation de longueur des chemins optiques (mm)
F IG . 4: Mesure du taux de coı̈ncidence en sortie du coupleur
50/50 en fonction de la différence de longueur de chemin optique. La largeur du trou correspond bien à la longueur de
cohérence des photons estimée à 1, 5 mm.)
5. C ONCLUSION
Nous avons développé une nouvelle source de paires de photons pour laquelle nous avons obtenu
une indiscernabilité entre les deux photons de 85%. Bien que ce résultat ne soit pas encore parfait, notre
source présente la meilleure visibilité brute et l’un des meilleurs rendement (105 /s/GHz/mW ) jamais
obtenus en configuration guidée [8]. La profondeur du “dip” pourrait être améliorée à l’aide d’un filtrage
spectral plus fin que la largeur naturelle des photons. Ce travail nous permet de conclure quant au fort
potentiel de cette nouvelle source pour les communications quantiques longue distance.
Ce travail est subventionné par le programme ERA-SPOT “WASPS”.
R ÉF ÉRENCES
[1]
[2]
[3]
[4]
[5]
[6]
[7]
[8]
J. Clauser et al, Phys. Rev. Lett., vol. 23, pp. 880–884, 1969.
N. Gisin et al, J. Mod. Phys., vol. 74, pp. 145–195, 2002.
M. Halder et al, Nature Phys., vol. 3, pp. 692–695, 2007.
P. Kwiat et al, Phys. Rev. A, vol. 60, pp. R773–R776, 1999.
D. Hofmann et al, Opt. Lett., vol. 24, pp. 896–898, 1999.
T. Suhara et al, IEEE Phot. Tech. Lett., vol. 19, pp. 1093–1095, 2007.
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