Faire confiance aux travailleurs et travailleuses pour protéger l

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Faire confiance aux
travailleurs et travailleuses
pour protéger l’emploi et répondre
aux besoins de la relève entrepreneuriale
L’
enjeu du vieillissement de la main-d’œuvre et ses
conséquences sur l’économie du Québec sont maintenant
largement reconnus. Notamment, tous les analystes
prévoient une pénurie d’entrepreneurs pour prendre la relève
des PME existantes. Une étude de la Caisse de dépôt et de placement
du Québec et de la Fondation de l’entrepreneurship publiée en 2010
estimait à 38 000 personnes la pénurie de « releveurs d’entreprises »
dans la prochaine décennie.
La voie de la relève collective reposant sur une prise en charge
des entreprises par les travailleurs ou par les collectivités est une
avenue porteuse qui n’a toutefois pas encore pris son véritable envol.
Quel meilleur moyen d’éviter la délocalisation de la production
que la propriété collective des entreprises? Quel meilleur moyen
d’améliorer la productivité tout en protégeant les travailleurs que leur
participation à la gestion de l’entreprise? Quel meilleur moyen d’éviter
des inégalités et iniquités à l’intérieur des entreprises qu’une gestion
démocratique et transparente?
Au Québec, un ensemble de conditions favorables à la relève
entrepreneuriale sous forme d’entreprise collective est déjà en place :
un réseau de soutien aux entreprises collectives, et notamment un
réseau de coopératives de développement régional, des centres locaux
de développement, un Réseau de la coopération de travail, des outils
financiers adaptés ou adaptables, une tradition syndicale d’implication
dans le financement et la gestion des entreprises, le Régime
d’investissement coopératif (RIC).
Mais il faut aller plus loin. L’entreprise collective mérite d’être au
cœur des stratégies et politiques économiques élaborées pour
faire face aux problèmes de la relève dans les PME. Elle doit
devenir l’option privilégiée et être dotée de ressources et d’outils
d’investissement adaptés à cette forme d’entreprise et à cette
approche de développement.
Relève d’entreprises et économie sociale…
une formule aux visages multiples
La relève d’entreprises par l’entrepreneuriat collectif peut
prendre différentes formes :
La coopérative de travail est une entreprise gérée
démocratiquement et contrôlée par l’ensemble des
employés. Elle a pour but de fournir de l’emploi pour ses
membres qui en sont propriétaires.
La coopérative de travailleurs actionnaires (CTA) regroupe
les employé(e)s d’une société à capital-actions dans le but
d’acquérir et détenir des actions de la société, pourvu que
celle-ci fournisse du travail aux membres de la coopérative.
L’objectif de cette forme de coopérative est de créer ou de
maintenir des emplois.
La coopérative de solidarité doit regrouper au moins deux
catégories de membres parmi les suivants : utilisateurs des
services de la coopérative (consommateurs ou producteurs),
travailleurs et membres de soutien (personne ou société
qui a un intérêt envers les activités de la coopérative). Elle
permet à une diversité d’acteurs de collaborer à un projet
collectif.
Une organisation à but non lucratif pourrait également
constituer, dans certains cas, une forme de structure pour
la relève entrepreneuriale, notamment dans le secteur des
services de proximité ou à la personne.
Proposition
Inciter, par des mesures fiscales, les propriétaires de PME à
vendre leur entreprise à leurs travailleurs ou à la collectivité
sous forme de coopérative de travail, de coopérative de
travailleurs actionnaires, de coopérative de solidarité ou
d’organisme sans but lucratif.
Question ouverte
Devrait-on reconnaî tre aux travailleurs et travailleuses un droit
de premier refus dans le cadre d’une vente ou d’une fermeture
d’entreprise ?
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La Corporation du cinéma Beaubien: à la
rescousse du cinéma de quartier
En 2000, la multinationale Cineplex Loews Odeon,
propriétaire du cinéma alors baptisé Le Dauphin, était
acculée à la faillite et prévoyait se délester de 75 salles
en Amérique du Nord. L’institution de Rosemont, établie
depuis 1937 sous le nom de Théâtre Beaubien, était
du nombre. Les résidents et les commerçants se sont
mobilisés, de même que plusieurs politiciens, en pleine
campagne électorale, et se sont tournés vers la CDEC
pour les soutenir dans leur démarche de sauvegarde.
Ainsi naquit, en 2001, la Corporation de développement Le
Dauphin, qui procéda à l’inauguration du cinéma rebaptisé
Beaubien à l’automne de la même année.
La Corporation du cinéma Beaubien travaille à promouvoir
et à favoriser le développement culturel, économique et
social en présentant en primeur des films francophones de
qualité, qu’ils soient québécois, canadiens ou français.
Moins d’un an après la réouverture, l’entreprise
d’économie sociale pouvait déjà se targuer d’avoir
maintenu huit emplois, d’en avoir créé dix, en plus d’avoir
doublé, voire triplé l’achalandage. Ce succès à la fois
social et économique a eu des retombées non négligeables
pour les commerces environnants, qui ont vu leur chiffre
d’affaires croî tre grâce à cette affluence grandissante.
L’attention et le respect portés aux employés du service
à la clientèle se révèlent probablement la contribution
sociale la plus notable de l’entreprise. Dans la première
convention collective sont inclus des montants forfaitaires
à l’obtention d’un diplôme: 250 $ à l’obtention d’un diplôme
d’études collégiales (DEC), 500 $ pour un baccalauréat
et 1 000 $ pour une maî trise. La proposition est si
innovatrice qu’elle a inspiré d’autres entreprises cherchant
à implanter des initiatives similaires. L’économie sociale
est à l’écoute des besoins du milieu dans lequel elle
s’inscrit et est à même de proposer des solutions nouvelles
et structurantes.
Référence
http://economiesocialequebec.ca
La coopération de travail dans l’économie
verte de l’Ohio
Une expérience de revitalisation urbaine qui repose sur la
coopération du travail apporte de l’espoir aux personnes
sans emploi de Cleveland en Ohio. L’initiative coopérative
Evergreen, soutenue par les acteurs et institutions locaux,
la municipalité et le Ohio Employee Ownership Center mise
sur la création de nouvelles coopératives de travail dans
l’économie verte. La Buanderette Coopérative Evergreen
et la Ohio Solar Co-operative utilisent des processus à la
fine pointe des technologies vertes. Green City Growers,
une autre coopérative de travail en agriculture urbaine,
fournira des hôpitaux locaux avec une production locale sur
des terrains municipaux abandonnés d’une superficie de
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Relève d’entreprises : s’inspirer de
pratiques internationales
Aux États-Unis. Le rachat des entreprises par les
travailleurs est favorisé par une mesure fiscale par
laquelle un propriétaire de PME qui vend au moins
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exempté indéfiniment de la taxe sur le gain en capital. En
retour, il doit réinvestir ces sommes dans des entreprises
américaines. Cette mesure fiscale rend attirante cette option
qui est gagnante pour tous : pour les travailleurs qui peuvent
conserver leur emploi, pour le propriétaire vendeur et pour
le gouvernement américain qui évite ainsi la délocalisation
des entreprises à l’extérieur du pays.
Les coopératives de travail en Argentine. En 2002,
face à une crise économique sévère et à de nombreuses
fermetures d’entreprises, le gouvernement argentin
a adopté une loi permettant à un juge d’octroyer aux
travailleurs regroupés en coopérative le droit temporaire de
poursuivre la production dans une entreprise en situation de
faillite, à la condition que ceux-ci présentent une demande
formelle. En 2011, le gouvernement fait un pas de plus et
reconnaî t alors la priorité d’une offre d’achat provenant
des travailleurs regroupés en coopérative lorsque leur
entreprise se retrouve en situation de faillite.
Une expérience inspirante des pays basques
En 2009, les Métallos ont signé une entente avec le groupe
coopératif Mondragon afin d’implanter le modèle de coopératives
industrielles en Amérique du Nord.
Mondragon est un groupe basque de 256 entreprises dont environ
la moitié sont elles aussi des coopératives, structurées en quatre
groupes sectoriels: la finance, l’industrie, la distribution et, réunis
ensemble, la recherche et développement et la formation. C’est le
plus grand groupe coopératif du monde. Environ 100 000 personnes
travaillent dans ses entreprises coopératives.
Mondragon est le fruit de la vision d’un prêtre basque, José María
Arizmendiarrieta, et de l’effort solidaire des salariés-associés
qui ont su transformer un petit atelier qui, en 1956, était consacré
à la fabrication de fourneaux et de réchauds au pétrole. Il s’agit
maintenant du premier groupe industriel basque et du septième
en Espagne, avec 16,7 milliards d’euros de recettes en 2008 dans
ses activités industrielles, financières et de distribution et 92 773
travailleurs au total.
Elle se donne comme objectif d’être une entreprise compétitive
sur les marchés internationaux, grâce à l’utilisation de méthodes
démocratiques d’organisation de la société, la création d’emploi,
la promotion humaine et professionnelle de ses travailleurs et
l’engagement de développement de son environnement social.
Source
Ohio Employee Ownership Center, http://oeockent.org/
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