o En cas de douleurs intenses, notamment liées à une évolutivité cancéreuse, l’utilisation des opioïdes
forts est fréquente. Dans le respect d’une stratégie thérapeutique progressive illustrée par les trois
paliers, la morphine est le traitement de 1re intention lors de douleurs sévères d’origine néoplasique
et la priorité doit être donnée à la forme la moins invasive sous la forme de sulfate de morphine qui
doit aussi être considérée comme « la valeur étalon » lors de la définition des règles
d’équianalgésie. Dans un contexte de douleurs chroniques bénignes intenses, le recours aux
opioïdes forts peut se concevoir sous couvert d’un contrat thérapeutique établi entre le médecin et
son patient : il convient de s’assurer de la réalité et de l’intensité des douleurs, de l’inefficacité des
médicaments du palier précédent, de l’absence de contre-indications psychologiques, de l’absence
du risque du mésusage et de la nécessité de respecter strictement les prescriptions formulées par le
médecin.
o Les formes à libération prolongée (LP) sont représentées par :
o – le Moscontin® en deux prises par jour (comprimés enrobés 10, 30, 60, 100 et 200 mg, délai
d’action 2 heures, durée d’action 12 heures) ;
o – le Skenan® en deux prises par jour (microgranules en gélules 10, 30, 60, 100 et 200 mg, délai
d’action 2 heures, durée d’action 12 heures) ;
o – le Kapanol® une seule prise par jour (microgranules en gélules 20, 50 et 100 mg, délai d’action
2 heures, durée d’action 24 heures).
o Les gélules de Skenan® et de Kapanol® peuvent être ouverts afin de mélanger les microgranules
dans une alimentation semi-liquide ou de les injecter directement dans une sonde de gastrostomie
ou jéjunostomie avec rinçage. Par contre, il ne faut ni mâcher, ni croquer ces microgranules.
o Les formes à libération prolongée sont préférentiellement utilisées et permettent un contrôle correct
des douleurs par excès de stimulation nociceptive (les doses quotidiennes peuvent être augmentées,
il n’y a pas d’effet plafond). Par contre, la biodisponibilité de la morphine orale est mauvaise. Cela
peut contribuer à une certaine difficulté à prévoir les réponses cliniques pour une dose donnée. En
outre, il est important de ne pas méconnaître l’éventualité de douleurs instables liées à l’évolutivité
de la pathologie causale ou à une mauvaise estimation de la dose quotidienne efficace, à la survenue
de douleurs intermittentes parfois très intenses qui peuvent être prévisibles (douleurs incidentes lors
de la réalisation des soins) ou imprévisibles (douleurs intercurrentes).
o Parfois prennent tout leur intérêt les présentations de sulfate de morphine dites « à libération
normale » représentées par :
o – le Sevredol® (comprimés sécables à 10 et 20 mg) ;
o – l’Actiskenan® (microgranules en gélules à 5, 10, 20 et 30 mg) ;
o – l’Oramorph® (solution buvable, boîte de 10 récipients unidoses de 10 mg/5 mL, 30 mg/5 mL,
100 mg/5 mL ou solution buvable en flacons gouttes de 20 mL, 20 mg/mL).
o Ces substances sont prescrites pour des douleurs incidentes ou intercurrentes. On utilise des
posologies par prise de 1/6e à 1/10e de la dose globale journalière de morphine LP. L’effet
antalgique apparaît après 30 à 45 min. La durée d’action est de 4 heures. Il faut savoir qu’un recours
très fréquent à ces « interdoses » ou « doses de recours » signifie la nécessité d’une réévaluation de
la dose globale de morphine LP à administrer au cours de la journée.
o Toujours dans ce contexte d’instabilité des douleurs, il faut signaler l’intérêt de l’Actiq®, citrate de
fentanyl inclus dans une matrice saccharadosique appelée « comprimé », elle-même fixée sur un
bâtonnet en plastique nommé « applicateur buccal ». Réservé à l’adulte, ce système permet de faire
fondre, sans sucer ni croquer, la matrice médicamenteuse directement au contact de la muqueuse
buccale, entre la gencive et la joue, en le déplaçant de temps en temps d’un côté afin d’obtenir un
passage systémique rapide, par voie transmuqueuse offrant un début d’analgésie en 5 à 10 minutes.
Le reste du principe actif est dégluti avec la salive et lentement absorbé au niveau du tractus gastro-
intestinal. Environ un tiers de cette fraction (25 % de la dose globale) échappe à l’élimination
hépatique et permet d’assurer une analgésie pendant 6 heures. Il existe des dosages à 200, 400, 600,
800, 1 200, et 1 600 µg de citrate de fentanyl.
o Un traitement morphinique bien conduit à doses suffisantes, permet de soulager 70 à 90 % des
douleurs liées à l’évolutivité cancéreuse. Dans les cas restants, la morphine génère des effets
indésirables non contrôlés (intolérance à la morphine) ou n’assure plus une analgésie suffisante
(résistance à la morphine). Ceci peut alors amener soit à changer la voie d’administration (voie
sous-cutanée, intraveineuse, intrathécale ou intracérébroventriculaire), soit à changer le mode
d’administration avec notamment l’analgésie autocontrôlée par le patient (PCA [Patient-Controlled
Analgesia], PCEA [Patient-Controlled Epidural Analgesia]) qui semble néanmoins peu adaptée au
contexte de soins palliatifs, soit à changer d’opioïde (concept de la rotation des opioïdes) permettant
de restaurer un contrôle antalgique satisfaisant.
o En France, dans le cadre de la rotation des opioïdes, on dispose de :
o – l’Oxycontin LP® et l’Oxynorm® qui peuvent être initiés d’emblée chez des patients au-delà de
18 ans et naïfs d’opioïdes forts ou proposés en relais d’autres opioïdes forts en cas de douleurs
intenses liées à une évolutivité cancéreuse. L’Oxycontin® est du chlorhydrate d’oxycodone sous la
forme de comprimés pelliculés LP (2 prises par jour, dosages de 10, 20, 40, et 80 mg équivalents à