Item 66.Thérapeutique antalgique

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Item 66 – Thérapeutiques
antalgiques médicamenteuses
et non médicamenteuses
I. Traitements médicamenteux
II. Traitement neurochirurgical
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I. Traitements non médicamenteux
et non chirurgicaux
IV. Conclusion
I. Traitements médicamenteux
Le choix du médicament à visée antalgique est fonction de la nature de la douleur, de son intensité,
de son évolution dans le temps comparées aux caractéristiques pharmacocinétiques de la substance
retenue et des éventuels effets secondaires indésirables. Tout traitement à visée antalgique, dans un
contexte de douleur chronique, doit être prescrit de façon systématique et non pas à la demande. Le
choix du médicament découle d’une réévaluation régulière de l’intensité de la douleur et de
l’efficacité du traitement retenu. Le traitement à visée antalgique doit souvent être associé à un
traitement anxiolytique et/ou antidépresseur. Si le recours aux antalgiques est évident en cas de
douleur par excès de stimulation nociceptive, leur efficacité est modérée, voire nulle en cas d’algies
neuropathiques par désafférentation sensitive.
A. Analgésiques
Il est classique de distinguer les antalgiques non opioïdes, les antalgiques opioïdes faibles et les
antalgiques opioïdes « forts ».
1. Analgésiques non opioïdes
Il s’agit du premier palier thérapeutique représenté par l’aspirine et le paracétamol. L’aspirine et ses
équivalents se caractérisent par une action directe périphérique au niveau du foyer lésionnel, par
l’intermédiaire d’une inhibition de la synthèse des prostaglandines, habituellement libérées au
niveau des tissus endommagés. On distingue les formes destinées à une administration par voie
orale et les formes administrées par voie injectable. Au sein de la 1re catégorie, peuvent être
différenciées des aspirines à libération rapide sous la forme de comprimés ou de sachets de poudre
(Aspégic®, Catalgine®, Solupsan®) et les aspirines à libération retardée ou prolongée, forme
galénique utile dans les traitements de longue durée pour les douleurs chroniques. Chez l’adulte, la
posologie quotidienne à visée antalgique est de 2 à 3 g/24 h. Les effets indésirables peuvent être
d’ordre digestif, hématologique, allergique ou neurologique. De plus, ne doivent pas être méconnus
les risques d’interaction médicamenteuse sous la forme de phénomènes de potentialisation des
effets d’un traitement anticoagulant, de sulfamides hypoglycémiants ou du méthotrexate.
Le paracétamol, administré par voie orale sous la forme de gélules, de comprimés ou de sachets de
poudre, sous forme effervescente ou encore par voie intramusculaire ou intraveineuse, est
rapidement métabolisé au niveau du foie : il y a donc un risque de nécrose cellulaire hépatique, en
cas de surdosage par ingestion massive volontaire ou accidentelle. Chez l’adulte, la posologie
moyenne est de 1 à 1,5 g/24 h par prises de 500 mg, régulièrement réparties au cours de la journée à
un intervalle minimum de 4 heures. La posologie maximale autorisée est de 3 g/24 h par prises de
1 g.
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2. Analgésiques opioïdes faibles
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3. Analgésiques opioïdes forts
Il s’agit du 2e palier thérapeutique, représenté notamment par le dextropropoxyphène (Antalvic®,
Diantalvic®, Propofan®), le tramadol (Zamudol®, Topalgic®, Contramal®, Monocrixo®), la
dihydrocodéine (Dicodin®), ou la codéine (Oralgan codéiné®, Efferalgan codéiné®, Dafalgan®,
Klipal®). La préférence peut initialement aller aux préparations qui contiennent 30 mg de codéine
et 500 mg de paracétamol.
Il s’agit du 3e palier thérapeutique, représenté par les opioïdes forts classés en :
– agonistes purs (morphine, oxycodone, fentanyl, hydromorphone, méthadone, péthidine) ;
– agonistes partiels (buprénorphine) ;
– agonistes antagonistes (pentazocine et nalbuphine).
Les agonistes partiels et les agonistes antagonistes ont un effet plafond qui limite leur utilisation
dans le contexte des douleurs chroniques liées à une évolutivité néoplasique.
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En cas de douleurs intenses, notamment liées à une évolutivité cancéreuse, l’utilisation des opioïdes
forts est fréquente. Dans le respect d’une stratégie thérapeutique progressive illustrée par les trois
paliers, la morphine est le traitement de 1re intention lors de douleurs sévères d’origine néoplasique
et la priorité doit être donnée à la forme la moins invasive sous la forme de sulfate de morphine qui
doit aussi être considérée comme « la valeur étalon » lors de la définition des règles
d’équianalgésie. Dans un contexte de douleurs chroniques bénignes intenses, le recours aux
opioïdes forts peut se concevoir sous couvert d’un contrat thérapeutique établi entre le médecin et
son patient : il convient de s’assurer de la réalité et de l’intensité des douleurs, de l’inefficacité des
médicaments du palier précédent, de l’absence de contre-indications psychologiques, de l’absence
du risque du mésusage et de la nécessité de respecter strictement les prescriptions formulées par le
médecin.
Les formes à libération prolongée (LP) sont représentées par :
– le Moscontin® en deux prises par jour (comprimés enrobés 10, 30, 60, 100 et 200 mg, délai
d’action 2 heures, durée d’action 12 heures) ;
– le Skenan® en deux prises par jour (microgranules en gélules 10, 30, 60, 100 et 200 mg, délai
d’action 2 heures, durée d’action 12 heures) ;
– le Kapanol® une seule prise par jour (microgranules en gélules 20, 50 et 100 mg, délai d’action
2 heures, durée d’action 24 heures).
Les gélules de Skenan® et de Kapanol® peuvent être ouverts afin de mélanger les microgranules
dans une alimentation semi-liquide ou de les injecter directement dans une sonde de gastrostomie
ou jéjunostomie avec rinçage. Par contre, il ne faut ni mâcher, ni croquer ces microgranules.
Les formes à libération prolongée sont préférentiellement utilisées et permettent un contrôle correct
des douleurs par excès de stimulation nociceptive (les doses quotidiennes peuvent être augmentées,
il n’y a pas d’effet plafond). Par contre, la biodisponibilité de la morphine orale est mauvaise. Cela
peut contribuer à une certaine difficulté à prévoir les réponses cliniques pour une dose donnée. En
outre, il est important de ne pas méconnaître l’éventualité de douleurs instables liées à l’évolutivité
de la pathologie causale ou à une mauvaise estimation de la dose quotidienne efficace, à la survenue
de douleurs intermittentes parfois très intenses qui peuvent être prévisibles (douleurs incidentes lors
de la réalisation des soins) ou imprévisibles (douleurs intercurrentes).
Parfois prennent tout leur intérêt les présentations de sulfate de morphine dites « à libération
normale » représentées par :
– le Sevredol® (comprimés sécables à 10 et 20 mg) ;
– l’Actiskenan® (microgranules en gélules à 5, 10, 20 et 30 mg) ;
– l’Oramorph® (solution buvable, boîte de 10 récipients unidoses de 10 mg/5 mL, 30 mg/5 mL,
100 mg/5 mL ou solution buvable en flacons gouttes de 20 mL, 20 mg/mL).
Ces substances sont prescrites pour des douleurs incidentes ou intercurrentes. On utilise des
posologies par prise de 1/6e à 1/10e de la dose globale journalière de morphine LP. L’effet
antalgique apparaît après 30 à 45 min. La durée d’action est de 4 heures. Il faut savoir qu’un recours
très fréquent à ces « interdoses » ou « doses de recours » signifie la nécessité d’une réévaluation de
la dose globale de morphine LP à administrer au cours de la journée.
Toujours dans ce contexte d’instabilité des douleurs, il faut signaler l’intérêt de l’Actiq®, citrate de
fentanyl inclus dans une matrice saccharadosique appelée « comprimé », elle-même fixée sur un
bâtonnet en plastique nommé « applicateur buccal ». Réservé à l’adulte, ce système permet de faire
fondre, sans sucer ni croquer, la matrice médicamenteuse directement au contact de la muqueuse
buccale, entre la gencive et la joue, en le déplaçant de temps en temps d’un côté afin d’obtenir un
passage systémique rapide, par voie transmuqueuse offrant un début d’analgésie en 5 à 10 minutes.
Le reste du principe actif est dégluti avec la salive et lentement absorbé au niveau du tractus gastrointestinal. Environ un tiers de cette fraction (25 % de la dose globale) échappe à l’élimination
hépatique et permet d’assurer une analgésie pendant 6 heures. Il existe des dosages à 200, 400, 600,
800, 1 200, et 1 600 µg de citrate de fentanyl.
Un traitement morphinique bien conduit à doses suffisantes, permet de soulager 70 à 90 % des
douleurs liées à l’évolutivité cancéreuse. Dans les cas restants, la morphine génère des effets
indésirables non contrôlés (intolérance à la morphine) ou n’assure plus une analgésie suffisante
(résistance à la morphine). Ceci peut alors amener soit à changer la voie d’administration (voie
sous-cutanée, intraveineuse, intrathécale ou intracérébroventriculaire), soit à changer le mode
d’administration avec notamment l’analgésie autocontrôlée par le patient (PCA [Patient-Controlled
Analgesia], PCEA [Patient-Controlled Epidural Analgesia]) qui semble néanmoins peu adaptée au
contexte de soins palliatifs, soit à changer d’opioïde (concept de la rotation des opioïdes) permettant
de restaurer un contrôle antalgique satisfaisant.
En France, dans le cadre de la rotation des opioïdes, on dispose de :
– l’Oxycontin LP® et l’Oxynorm® qui peuvent être initiés d’emblée chez des patients au-delà de
18 ans et naïfs d’opioïdes forts ou proposés en relais d’autres opioïdes forts en cas de douleurs
intenses liées à une évolutivité cancéreuse. L’Oxycontin® est du chlorhydrate d’oxycodone sous la
forme de comprimés pelliculés LP (2 prises par jour, dosages de 10, 20, 40, et 80 mg équivalents à
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20, 40, 80 et 160 mg de sulfate de morphine respectivement, 1 mg de chlorhydrate d’oxycodone
correspondant à 2 mg de sulfate de morphine). La forme à libération immédiate (Oxynorm®) se
présente sous forme de suppositoire, 20 mg (Eubine®) réservé à l’enfant à partir de 12 ans et à
l’adulte (1 à 4 suppositoires/jour en évitant une utilisation longue en raison du risque d’intolérance
locale) ;
– la Sophidone LP®, médicament de deuxième intention à utiliser dans les douleurs intenses liées à
une évolutivité cancéreuse en cas de résistance ou d’intolérance à la morphine. C’est de
chlorhydrate d’hydromorphone (microgranules en gélules LP, 2 prises par jour, dosages de 4, 8, 16
et 24 mg respectivement équivalents à 30, 60, 120 et 180 mg de sulfate de morphine, 1 mg de
chlorhydrate d’hydromorphone correspondant à 7,5 mg de sulfate de morphine). La gélule peut être
ouverte et les microgranules peuvent être administrés directement dans une sonde. Un patient traité
par Sophidone LP peut bénéficier de doses de secours de sulfate de morphine à libération
immédiate ;
– le Durogésic®, réservé au traitement des douleurs chroniques intenses plus ou moins stables,
intenses et rebelles aux autres antalgiques. C’est une alternative efficace à la morphine orale pouvant
être administrée en première intention, utile chez les patients qui ne sont pas à même de prendre de la
morphine par voie orale. C’est du fentanyl transdermique disponible en patchs (durée d’action de
72 heures, intérêt d’écrire l’heure et le jour de la pose du patch, dosés à 12, 25, 50, 75 et 100 µg/heure
avec une équivalence de 25 µg = 60 mg de morphine). Le délai d’action à la mise en route du
traitement est de 12 heures et l’effet persiste environ 15 heures après l’ablation. Pratiquement, on initie
le traitement par Durogésic® le matin par pose du patch en même temps que la prise per os de
morphine LP (ou d’oxycodone ou d’hydromorphone) à dose équianalgésique. Le soir même, le
fentanyl est opérationnel et les opioïdes per os peuvent être arrêtés. Un patient traité par Durogésic®
peut bénéficier de doses d’appoint de sulfate de morphine à libération immédiate ou d’Oxynorm®.
Plusieurs points très importants doivent être ici rappelés :
– l’utilisation des opioïdes forts est dictée par l’intensité de la douleur et l’échec des autres
thérapeutiques et non par un pronostic sombre à court terme ;
– avant d’utiliser les opioïdes forts, il convient d’évaluer très précisément les caractéristiques
séméiologiques et étiologiques de la douleur, de se fixer ensuite des buts précis en fonction du
biorythme de la douleur, afin d’individualiser le traitement : chaque traitement à visée antalgique
doit être personnalisé. Il n’y a pas de schéma standard ;
– dans le cadre du traitement des douleurs chroniques d’origine cancéreuse, seuls la morphine,
l’oxycodone, l’hydromorphone ou le fentanyl doivent être utilisés. Les autres morphiniques
(Palfium®, Fortal®, Dolosal®) ont des caractéristiques pharmacocinétiques qui les rendent peu
utilisables dans ce contexte pathologique ;
– il convient de toujours donner la priorité à la forme orale et aux autres formes non invasives
(transdermique, transmuqueuse, spray, etc.) ;
– mieux vaut précéder une douleur que la poursuivre, situation particulièrement épuisante et
décourageante pour le patient. Même en cas de recours à des médicaments de secours (Sevredol®,
Actiskénan®, Actiq®), une telle règle peut être respectée, faute de quoi la prise en charge
thérapeutique sera décevante ;
– tous les opioïdes (faibles et forts) ont des effets indésirables, essentiellement de type digestif
(nausées, vomissements, constipation) mais aussi cutané (prurit, démangeaison, transpiration) ou
impliquant le système nerveux autonome (sécheresse buccale, rétention d’urine, hypotension
orthostatique) et/ou le système nerveux central (somnolence, sédation, troubles cognitifs,
hallucinations, cauchemars, délire, confusion, excitation psychomotrice, myoclonie, hyperalgésie,
dépression respiratoire). Il faut absolument les prévenir dès la mise en route du traitement
morphinique et prescrire notamment un antiémétique et un stimulant du transit digestif. On pourra
ainsi éviter une attitude oppositionnelle du patient susceptible d’aboutir à un arrêt malheureux du
traitement ;
– il n’y a pas, pour les agonistes purs, d’effet plafond (les doses peuvent être augmentées de façon
régulière) ;
– le développement d’une dépendance psychologique est très exceptionnel chez des patients
cancéreux sans antécédents psychomaniaques. Il en est de même de l’accoutumance, cliniquement
significative, très inhabituelle chez ces patients. Un accroissement progressif des doses peut être
observé, mais il est essentiellement lié à l’évolution de l’affection cancéreuse ;
– si la survenue d’effets indésirables impose une diminution des doses, celle-ci peut être facilitée
par un recours à des associations médicamenteuses parfois très synergiques (paracétamol, acide
acétylsalicylique).
B. Autres traitements médicamenteux
Il s’agit essentiellement de substances co-analgésiques, telles que, par exemple, les antiinflammatoires non stéroïdiens, mais également de médicaments plus particulièrement indiqués en
cas de douleurs neuropathiques.
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1. Antidépresseurs tricycliques
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2. Antiépileptiques
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3. Anxiolytiques
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Ils peuvent avoir un effet antalgique spécifique : il convient de donner la priorité aux inhibiteurs de
la recapture de la sérotonine ou de la noradrénaline, renforçant ainsi les mécanismes inhibiteurs
descendants. Ils sont préconisés pour leur action antalgique spécifique, totalement indépendante de
leur effet thymoanaleptique. L’on donne la préférence aux antidépresseurs tricycliques
(amytriptilline, imipramine, chlomipranine, etc.) et à ceux ayant une action combinée
sérotoninergique et noradrénergique (duloxétine, etc.). Les effets indésirables peuvent être une
sédation, une hypotension orthostatique, une aggravation des troubles du rythme cardiaque
préexistants et des effets de type anticholinergique tels que sécheresse de la bouche, constipation et
rétention d’urine. D’une manière générale, l’effet antalgique survient dans les 15 premiers jours
après le début du traitement, entrepris à doses progressivement croissantes et devant être maintenu
durant 4 à 6 semaines au minimum avant de conclure à une inefficacité.
Ils sont fréquemment utilisés dans les douleurs neuropathiques lorsque les paroxysmes spontanés ou
provoqués sont prévalents : il convient de citer les inhibiteurs des canaux sodiques (réduction des
activités ectopiques) : carbamazépine, oxcarbazépine, lamotrigine, topiramate, mais également la
gabapentine (analogue du GABA), la prégabaline, le valproate de sodium et le clonazépam. Il est
parfois nécessaire d’atteindre des doses élevées afin d’obtenir un effet antalgique assez significatif.
Les effets indésirables sont fréquents, notamment en début de prescription et surtout chez les patients
âgés. Il s’agit de somnolence, de troubles de l’équilibre postural. Parfois, en fonction du type de
médicament, sont notés des troubles d’ordre hématologique, hépatologique ou cardiovasculaire.
Ils ont tout leur intérêt dans un contexte de syndrome douloureux chronique : Lexomil®, Urbanyl®,
Tranxène®. Leur prescription doit être prudente et limitée, notamment chez les insuffisants
respiratoires chroniques et chez les sujets âgés. Elle doit être limitée dans le temps, surveillée et ne
pas dépasser 2 à 3 mois. Elle suppose, au préalable, une bonne évaluation psychopathologique.
II. Traitement neurochirurgical
Il ne s’adresse qu’aux algies chroniques, réellement rebelles aux traitements antalgiques classiques.
Différentes possibilités techniques peuvent être préconisées en fonction de la physiopathologie,
basée sur une distinction claire entre douleurs par excès de stimulation nociceptive et douleurs
neuropathiques.
A. Méthodes d’interruption
des voies de la nociception
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Elles ne se conçoivent qu’en cas de douleurs par excès de nociception : il s’agit essentiellement de
douleurs liées à une évolutivité néoplasique, mal contrôlées, notamment par les substances opioïdes.
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1. Au niveau de la jonction radicello-médullaire
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2. Au niveau du faisceau spinothalamique
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3. Au niveau du nerf trijumeau
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La radicellotomie postérieure sélective, consistant en une section pluriétagée des fibres sensitives de
petit calibre, peut être envisagée en cas d’algies cancéreuses, limitées, intéressant notamment le
membre supérieur (syndrome de Pancoast-Tobias), là où il convient de respecter la sensibilité
profonde indispensable au fonctionnement moteur de la main.
La cordotomie spinothalamique cervicale ou dorsale et la tractotomie pédonculaire stéréotaxique
peuvent être proposées en cas de douleurs cancéreuses, réellement rebelles aux morphiniques à doses
suffisantes, strictement unilatérales (ostéosarcome du fémur, syndrome de Pancoast-Tobias, cancer de la
sphère ORL).
La thermocoagulation du nerf trijumeau, geste percutané consistant en une destruction sélective par
thermolésion des fibres sensitives de petit calibre, peut être proposée en cas de névralgie trigémellaire
essentielle, rebelle aux traitements à base de Tégretol®, mais également dans certaines névralgies
symptomatiques évoluant, notamment, dans un contexte de sclérose en plaques. Cette solution
thérapeutique peut être mise en balance avec d’autres possibilités tout aussi efficaces : la
décompression vasculaire microchirurgicale par abord direct de la fosse postérieure, la
microcompression par ballonnet du ganglion de Gasser et, plus récemment, la radiochirurgie
stéréotaxique par Leksell Gamma-Knife.
B. Méthodes augmentatives
Elles ne se conçoivent qu’en cas de douleurs neuropathiques, authentifiées par les données
anamnestiques, sémiologiques et éventuellement neurophysiologiques.
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1. Neurostimulation transcutanée
à visée analgésique
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Elle est préconisée en cas de douleurs neuropathiques de topographie limitée, mono- ou
biradiculaire, là où la désafférentation est modérée : il s’agit d’une stimulation à haute fréquence et
à basse intensité, réalisée au moyen d’électrodes fixées sur la peau et reliées aux bornes d’un
générateur, provoquant des paresthésies dans le territoire des douleurs.
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2. Stimulation médullaire
Elle consiste en l’implantation d’une électrode quadripolaire ou octopolaire dans l’espace épidural
postérieur, reliée ensuite à un pacemaker neurologique (générateur d’impulsions) implanté au niveau
du flanc et programmée par télémétrie. Elle peut être préconisée en cas d’algies neuropathiques
sévères, souvent consécutives à une lésion tronculaire ou radiculaire chronique (sciatalgies
neuropathiques postopératoires) ainsi que dans certaines douleurs postamputations (algohallucinoses)
ou certaines algies chroniques en rapport avec une dystrophie réflexe sympathique (syndrome
douloureux régional complexe de type I ou II).
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3. Stimulation cérébrale profonde
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4. Stimulation du cortex moteur
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Elle est représentée par l’implantation stéréotaxique d’une électrode au contact du noyau
ventropostérolatéral du thalamus, également reliée à un neuropacemaker placé en région sousclaviculaire, peut être proposée en cas de douleurs neuropathiques sévères (douleurs
postamputation, douleurs plexulaires postradiques, douleurs après zona ophtalmique, douleurs
neuropathiques centrales).
Elle consiste en l’implantation d’une ou deux électrodes dans l’espace extradural, immédiatement
en regard du cortex moteur, également relié à un pacemaker neurologique, est une technique
nouvelle, susceptible d’entraîner un soulagement significatif pour certaines douleurs neuropathiques
périphériques ou centrales : la qualité du résultat est notamment liée à une définition minutieuse de
la cible (somatotopie) en tenant compte des renseignements anatomiques et électrophysiologiques
peropératoires.
C. Pharmacothérapies locales
Elles constituent un moyen d’apporter une substance antalgique, directement au contact de ces
récepteurs, renforçant ainsi l’effet thérapeutique tout en évitant les effets secondaires indésirables,
liés à la diffusion du principe actif lors de toute administration par voie orale ou parentérale.
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1. Morphinothérapie intrathécale
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2. Morphinothérapie intracérébroventriculaire
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Elle peut être préconisée en cas d’algies néoplasiques intenses, rebelles à la morphine prise par voie
orale à doses suffisantes ou en cas d’effets secondaires indésirables majeurs. Il s’agit surtout de
douleurs intéressant la moitié inférieure du corps, directement en rapport avec une évolutivité
néoplasique.
Elle consiste à apporter cette substance directement au contact des récepteurs opioïdes
périventriculaires à la faveur d’un geste neurochirurgical simple. Elle peut être envisagée en cas
d’algies néoplasiques cervicofaciales diffuses, liées aux cancers de la sphère ORL et/ou
stomatologiques.
D’autres techniques de pharmacothérapie intrathécale ou intraventriculaire sont à même de se
développer dans les prochaines années en fonction de l’évolution des connaissances
pharmacologiques avec mise au point de substances antalgiques spécifiques, non toxiques,
susceptibles d’être diffusées dans le liquide cérébrospinal (ziconotide).
III. Traitements non médicamenteux
et non chirurgicaux
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Face à une douleur persistante, les méthodes physiques peuvent trouver leur place aussi bien avant
la pharmacologie qu’à la suite d’une intervention chirurgicale à visée analgésique ou associées à
l’une des deux méthodes. Il s’agit essentiellement de techniques utilisant un agent physique
délivrant de l’énergie et susceptible d’avoir une action thérapeutique médicale locale ou régionale :
il faut évoquer plus particulièrement la thermothérapie, la cryothérapie, la vibrothérapie,
l’électrothérapie, l’acupuncture, l’hypnose, etc.
A. Thermothérapie
Elle procure un délassement, un soulagement par une sensation de bien-être et par sédation des
contractures musculaires douloureuses. La liste des procédés est interminable : enveloppement par
des serviettes chaudes, Fango, para-Fango, application d’emplâtres, de lampes à infrarouges ou
utilisation de courant à ondes courtes ou d’ultrasons, faisant mieux pénétrer la chaleur en
profondeur dans les tissus musculaires ou les articulations douloureuses.
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B. Cryothérapie
(analgésie locorégionale par le froid)
Elle peut être considérée comme une technique de « contre-irritation » et peut éventuellement être
proposée dans des douleurs d’origine ostéoarticulaire (entorse, contusion musculaire, rachialgies,
arthropathies).
C. Vibrothérapie
Elle consiste à utiliser des vibrations électriques dans le traitement de la douleur. Il s’agit
essentiellement d’ultrasons produits par des émetteurs piézoélectriques, provoquant des vibrations
mécaniques et agissant aussi bien par leurs effets thermiques profonds que par les propres effets
mécaniques des vibrations. Les indications concernent essentiellement des douleurs d’origine
rhumatologique, articulaires et périarticulaires.
D. Contrôle de la douleur par l’électricité
Il s’agit d’une méthode thérapeutique ancienne prise à nouveau en considération depuis la théorie
« du portillon » de Wall et Melzach. L’application de cette théorie implique le recours à une
stimulation à haute fréquence et à basse intensité (cf. supra, p. 305 ). Dans certaines circonstances
(rhumatismes abarticulaires, lombalgies, raideur articulaire post-traumatique douloureuse), on peut
préconiser le recours à une stimulation à basse fréquence et à forte intensité ; dans ce cas, la
stimulation peut être pratiquée à distance de la zone douloureuse au niveau des points
d’acupuncture ou de zones gâchette. L’hypothèse d’une activation de systèmes opiacés endogènes
est évoquée dans la genèse de l’effet antalgique.
IV. Conclusion
Qu’elle soit aiguë ou chronique, la douleur nécessite une analyse sémiologique minutieuse,
conditionnant la qualité de la prise en charge thérapeutique. La douleur persistante est une situation
clinique fréquente, impliquant dans sa genèse de nombreux facteurs, nécessitant une évaluation
multifactorielle : il s’agit d’un véritable « événement biopsychosocial » dont la compréhension peut
justifier une prise en charge pluridisciplinaire au sein d’une « structure douleur » : consultation et
centre d’évaluation et de traitement de la douleur. Une bonne gestion des traitements impose une
parfaite connaissance des données physiopathologiques les plus récentes. La gestion des traitements
médicamenteux doit être rigoureuse, méthodique, réévaluée de façon régulière. Si une indication
chirurgicale est retenue, elle comporte plusieurs possibilités, de plus en plus sélectives, dont la
qualité des résultats est essentiellement liée à une parfaite sélection des indications en fonction du
type de douleur.
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Points clés
• L’approche diagnostique et thérapeutique de la douleur, qu’elle soit aiguë ou chronique, impose :
– une évaluation précise de sa sémiologie replacée ensuite dans le contexte étiologique et dans la biographie du
patient en sachant que toute chronicisation implique inévitablement l’intrication de facteurs cognitifs,
thymiques et comportementaux susceptibles d’intervenir dans l’expression douloureuse et justifiant alors une
approche globale sur un mode biopsychosocial ;
– une tentative de définition de sa physiopathogénie, influençant de manière significative les choix
thérapeutiques : douleurs par excès de stimulation nociceptive, douleurs neuropathiques, douleurs psychogènes,
douleurs par dysfonctionnement prépondérant du système sympathique, douleurs mixtes ;
– une synthèse des données cliniques, physiopathogéniques et étiologiques en vue d’une adaptation précise et
correcte des traitements définis de manière individuelle et personnalisée après appréciation de la chronobiologie
de la douleur, des modes d’action des différentes molécules et du contexte métabolique.
• L’étape évaluative est primordiale et doit être répétée en vue d’une bonne adaptation du traitement, quel qu’il
soit, sur un mode individuel, en s’aidant d’échelles adaptées à la situation clinique : cette évaluation doit être
interactive et concerner l’ensemble du personnel soignant. ?
• Les techniques antalgiques médicamenteuses sont définies en fonction de l’intensité et de la genèse de la
douleur selon des règles précises, notamment liées à l’étiologie, sans omettre le recours aux co-analgésiques,
aux techniques non médicamenteuses et dans les formes les plus sévères aux méthodes neurochirurgicales.
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