La procédure d`analyse d`impact de la Commission européenne

L’ÉLABORATION
DES POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES AU
PRISME DE L’ANALYSE D’IMPACT DE LA
COMMISSION EUROPÉENNE : DISCOURS,
GOUVERNEMENTALITÉ ET PERFORMATIVITÉ
Emilie Jempa Kanko Mutombo
Thèse de doctorat présentée en vue de l’obtention du titre de docteur en sciences
Septembre 2015
Directeur : Prof. Dr Tom Bauler
Université Libre de Bruxelles
Faculté des Sciences
Institut de Gestion de l’Environnement et d’Aménagement du Territoire
II
RÉSUMÉ
Cette thèse interroge la performativité de l’instrumentation au cœur du processus de prise de
décision de l’Union Européenne en étudiant la procédure d’analyse d’impact de la Commission
européenne (AI-CE), et son application en particulier aux politiques environnementales. La procédure
d’AI est formellement mise en place en 2002 comme instrument de la stratégie de développement
durable (SDD) et de la politique de Better Regulation (BR) (« Mieux légiférer ») afin d’évaluer les
impacts économiques, sociaux et environnementaux des propositions émises par la CE, dépositaire
du pouvoir d’initiative au niveau européen. Elle est alors perçue par certains comme une évaluation
intégrée dans une logique de durabilité (sustainability) permettant d’intégrer l’environnement au
cœur du processus d’élaboration des politiques.
S’appuyant sur une littérature relative aux analyses d’impact comme outil d’aide à la décision,
cette thèse rebondit vers la question des effets inattendus des instruments de politiques publiques
(Lascoumes et Le Galès 2004; Radaelli et Meuwese 2010; Turnpenny et al. 2009) et puise dans la
littérature relative à l’analyse de discours pour poser la question de la rationalité et de la
performativité de la procédure d’analyse d’impact dans le cadre de l’élaboration des politiques
environnementales. La thèse défendue dans ce travail conçoit l’analyse d’impact de la CE comme une
technique de la gouvernementalité néolibérale placée au cœur de la fabrique des politiques
environnementales de l’UE. L’hypothèse est celle du renforcement du discours de la modernisation
écologique, avec pour effet de contribuer au phénomène d’économicisation des problématiques
environnementales dans le sens d’un nécessaire alignement sur l’étalon d’une utilité économique,
incarnée par la préséance de l’analyse coûts-bénéfices (ACB).
Pour mener à bien ce projet, la thèse s’appuie sur la littérature et combine analyse de documents,
entretiens et analyse lexicométrique. La thèse se décline en trois parties.
La première partie vise à replacer l’objet de la recherche dans son contexte conceptuel, historique
et politique au travers de la revue de la littérature et d’une première analyse de documents qui nous
permet de retracer la généalogie de l’AI-CE et de caractériser ce dispositif. Il ressort de cette mise en
contexte, l’ambivalence de l’instrument, à cheval entre plusieurs agendas politiques, et la marginalité
(historique, conceptuelle et pratique) de la dimension environnementale dans une filiation directe et
univoque à l’Analyse d’Impact de la Règlementation. Instrument de la politique de la règlementation
telle que diffusée par l’OCDE, axée non seulement sur une réforme de la gouvernance, mais aussi sur
la recherche d’une moindre contrainte légale et la mobilisation de la méthode typique de l’ACB. Il
ressort également de cette première partie, un questionnement face aux effets de cet appel, certes
contrarié, à la quantification et à la monétarisation des impacts environnementaux et de l’appel
latent aux formes de régulation « alternatives ». Pour répondre à la question de la rationalité, ces
résultats sont appréhendés à l’aune du cadre d’analyse de la gouvernementalité. Cette relecture met
en lumière le parallèle direct entre théorie de l’action cristallisée dans l’AI-CE et gouvernementalité
néolibérale, marquées notamment par un mode de justification économique de l’intervention de
l’autorité publique. À partir de là, les deuxième et troisième parties interrogent les effets de cet
instrument sur l’élaboration des politiques environnementales de la CE au travers de l’étude des
rapports produits par la DG environnement afin, de comprendre comment l’environnement est
construit comme objet gouvernable au travers de l’AI-CE.
L’idée étant que les discours reflètent le type de gouvernementalité déployée au travers du
dispositif d’analyse d’impact, nous analysons dans la deuxième partie une dizaine d’années de
production de rapports d’AI de la DG Environnement au moyen de la lexicométrie (plus précisément
la classification hiérarchique descendante). Les rapports sont analysés au travers d’une grille de
lecture basée sur deux types de discours : la gouvernementalité verte et la modernisation
III
écologique, caractéristiques respectivement des gouvernementalités libérale et néolibérale
(advanced liberal government). L’interprétation des résultats met également en évidence deux
univers lexicaux caractéristiques de ces deux grands discours, le poids et la fonction structurante du
terme « coût » (« cost »), ainsi que l’importance de la dichotomie légal/non légal dans la
structuration en classes ; en écho avec les questions posées à l’issue de la première partie.
La troisième partie pose la question du discours et des éléments techniques et procéduraux du
dispositif actionné dans les rapports produits par la DG environnement à travers l’analyse du contenu
de quatre rapports d’AI et des entretiens menés avec les fonctionnaires responsables. L’analyse met
notamment en évidence la construction d’un argumentaire win-win’ typique de la modernisation
écologique, articulant positivement gains environnementaux et économiques, et la construction
d’une justification économique des propositions de politiques environnementales, malgré ou du fait
de la mise en œuvre contrariée des règles et standards de l’AI-CE. En effet, les impacts
environnementaux sont très peu quantifiés ou monétarisés et globalement (beaucoup) moins
étudiés que les impacts économiques, opposant effectivité environnementale, en termes qualitatifs,
voire théoriques, et coûts de l’intervention. Dans cette confrontation, les critères de comparaison ad
hoc penchent systématiquement dans le sens des opérateurs économiques et de la flexibilité ; tout
comme d’ailleurs les aspects procéduraux liés à la ‘bonne’ gouvernance, ainsi que les priorités,
réelles ou projetées, du Comité d’Analyse d’Impact et du Secrétariat Général. La gouvernementalité
verte est présente en toile de fond et caractérise, dans les cas étudiés, une conception de
l’intervention typique de l’extension de la biopolitique à l’ensemble des flux de matériaux et du
vivant, mais relue à l’aune de la grille de lecture économique étroite de la gouvernementali
néolibérale. Cette conception ancrée dans un appareil administratif fort relègue cependant, dans les
cas étudiés, l’appel à la frugaliet aux instruments alternatifs à un effet structurant superficiel, sans
altérer le fond des actions proposées et l’idée de la nécessité de l’intervention.
À la suite de nos investigations, il s’avère donc que les résultats sont partiellement congruents par
rapport à l’hypothèse introduite supra. En effet, la mise en œuvre du dispositif n’entraîne, pour les
cas spécifiques étudiés, ni la monétarisation systématique, ni même la quantification systématique
des impacts environnementaux d’une part, ou le choix systématique d’instruments volontaires ou de
marché d’autre part. De plus, l’analyse lexicométrique nous permet de mettre en évidence la
cohabitation de deux types de gouvernementalités distinctes, bien que se chevauchant
partiellement, au travers des discours de la modernisation écologique et de la gouvernementalité
verte. Cependant, nous constatons le poids et la force structurante du terme et de la notion de
« coût » et le recours systématique à un registre de justification économique de l’action
environnementale au travers de ressorts typiques du discours de la modernisation écologique, avatar
de la gouvernementalité néolibérale. En dépit de l’incomplétude de la réalisation des engagements
pris par la CE, ou de ce fait même, nous constatons que la mise en œuvre de l’AI-CE contribue à
l’économicisation de la fabrique des politiques environnementales comme insertion des
problématiques environnementales dans une logique d’utilité économique et à la subordination de
l’évaluation des impacts « économiques, sociaux et environnementaux » à la question du coût de
l’intervention et aux intérêts des opérateurs économiques.
IV
REMERCIEMENTS
Merci à Tom Bauler, mon directeur de thèse, pour cette opportunité de recherche, pour m’avoir
suivie dans les orientations que j’ai données au traitement de cet objet hybride au fil de ces six
années de recherche ; conseiller au long cours, contribuant tantôt à renforcer, tantôt à apaiser les
vents de paniques qui secouèrent par moment et jusqu’au bout ce navire qui pensait ne jamais
accoster.
Merci aux membres de mon comité de thèse, Marie-Françoise Godart, Edwin Zaccaï, Markku
Lehtonen, pour leurs relectures et leurs conseils avisés au fil des comités. Merci à Isabelle Bruno
d’avoir accepté de les rejoindre dans mon jury de thèse ; merci à tous pour ce temps et cette énergie
intellectuelle investie pour appréhender le travail d’une autre.
Merci à Pierre Ratinaud et Pascal Marchand pour leurs conseils personnalisés concernant le
logiciel Iramuteq. Merci à Christophe Lejeune pour l’organisation du séminaire sur l’analyse textuelle
et à Corinne Gobin pour sa disponibilité qui m’a permis de découvrir la lexicométrie. Je remercie
également toutes les personnes qui m’ont accordé de leur temps dans le cadre des entretiens.
Merci à tous les (ex-)collègues du CEDD, et amis, qui ont défilé durant toutes ces années et ont
tous contribué à faire évoluer mon regard sur la recherche et, parfois, sur la vie. Notamment, merci à
Léa, pour son humour caustique et son sens de l’indignation, à Nicolas pour son regard critique et
aiguisé. Merci à Sophie pour sa rigueur, à Grégoire pour ses foisonnantes idées, à Jérôme pour son
enthousiasme et à tous les trois pour leur soutien dans le cadre des activités pédagogiques. Merci à
Romain pour sa grande classe en toutes circonstances, à Léonard pour sa gentillesse, à Krystel de
m’avoir secouée quand il fallait, à Margaux pour sa sollicitude, à Marine pour son énergie. Merci en
particulier à Georgia, Aude, Géraldine et Valentine, en vrac pour leur optimisme et leur grand cœur,
leur écoute et leur soutien, leurs conseils sur le fond et sur la vie, les discussions et les fous rires !
Merci aux collègues et professeurs de l’IGEAT pour leur soutien spontané, leur écoute, les
discussions au détour d’un couloir ou de la machine à Café. Merci à Martine et à Céline pour leur
bienveillance et leur soutien.
Merci aux amis de toujours, pour leur soutien et leur sollicitude et les bons moments partagés,
même après de longs mois de silence radio. Merci à tout le ‘DES’ (et à la nouvelle génération !), pour
ces soirées et week-end haut en couleur, en chansons et en boustifailles. Merci en particulier pour
l’écoute, le soutien et la confiance en moi que vous avez su m’insuffler.
Merci à tous ceux qui m’ont laissé libre accès à une petite parcelle d’eux-mêmes, leur chez eux,
afin que je puisse m’y enfermer dans ma réflexion, sans interférences, loin de tout et de tous. Ces
séjours dans vos pénates m’ont été très utiles pour pouvoir avancer dans la thèse, et ont aussi été
une manière de me rapprocher de vous.
Merci à toute la famille, ce cocon à la fois protecteur et émancipateur. Merci à Selim pour sa
présence, son humour et les grandes accolades. Merci à Papy, Mamy et Marraine, qui, comme
quelques enseignants, ont marqué mon enfance et mon adolescence d’un goût prononcé pour
l’étude, l’envie de comprendre et d’être fière du travail abouti. Merci à Sophie pour ton écoute et
ton empathie, ton esprit critique et posé. Merci à papa pour ce goût de la recherche, du débat, du
jusqu’au-boutisme intellectuel que tu m’as transmis. Merci à maman pour ton incroyable énergie et
la volonté d’aboutir, sans flancher, que tu m’as transmise également. Merci enfin à Pierre d’être là,
toujours, mon point d’attache pour ne pas me perdre, ma maison, mon refuge.
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