Les preuves d'un déficit cholinergique dans la maladie d'Alzheimer, et dans les troubles de
l'apprentissage chez l'animal ou chez l'homme sont établies depuis plus de vingt ans.
L'innervation cholinergique du cortex, à partir de noyaux sous-corticaux (noyaux de
Meynhert) est très importante. La densité des récepteurs cholinergiques est élevée dans le
cortex cérébral et ils interviennent dans de très nombreuses fonctions, en particulier
l'apprentissage, la modulation de l'activité limbique et le maintien de la vigilance. L'efficacité
des médicaments anticholinestérasiques n'a été démontrée que depuis quelques années. La
première publication par Summers et al. en 1986 était exagérément optimiste et fut très
contestée. Durant les dix années suivantes, l’efficacité des anticholinestérasiques fut très
controversée et il fallut attendre deux études cliniques rigoureuses, contrôlées qui furent
menées en 1992-94 pour admettre le bénéfice modeste d’un inhibiteur de la cholinestérase. Le
premier médicament introduit, et aujourd'hui pratiquement abandonné en raison de sa toxicité
potentielle, fut la tacrine ou tetrahydroaminoacridine (cognexR). Plus récemment, le donepezil
(1998), la rivastigmine (1998/99) et la galantamine (2000/01) ont montré une efficacité
comparable à la tacrine mais une plus grande sécurité d'emploi et des effets indésirables
moins nombreux (1, 3, 4, 7).
Il existe quelques différences entre ces trois médicaments (donepezil, ariceptR ; rivastigmine,
exelonR ; et galantamine, reminylR) en ce qui concerne leur durée d'action, leur
biodisponibilité ou leur métabolisme mais on peut retenir que dans tous les cas, ces
médicaments ont été étudiés de façon rigoureuse, dans des études cliniques contrôlées, au
moyen d'échelles cliniques validées et les résultats des études cliniques sont très comparables.
Ces médicaments répondent aux critères de l'"American Academy of Neurology" ; ils ont un
effet symptomatique (faible et pas chez tous les patients) sur les fonctions cognitives, le
comportement, l'attention. Les effets sont dépendants de la dose, ils persistent durant le
traitement pendant une période de l'ordre d'un an mais ils n’empêchent pas la maladie de
poursuivre sa progression. L'effet est supérieur à celui d'un placebo. Les effets indésirables
sont surtout digestifs mais rarement sévères : nausées, vomissements, anorexie, crampes
abdominales, perte de poids, diarrhées. Les effets cholinomimétiques peuvent aussi entraîner
du tremblement, des crampes musculaires, des myalgies, une hypersudation. Rarement
peuvent survenir des troubles du sommeil, des céphalées. Les effets indésirables nécessitent
parfois un arrêt de traitement ou une réduction de dose mais ceci est peu fréquent. Parmi les
contre-indications ou précautions à prendre, citons les troubles du rythme cardiaque, l'ulcère
digestif, l'asthme, les antécédents de convulsions. L'association aux médicaments
anticholinergiques (et aux antidépresseurs qui ont des effets anticholinergiques) est à éviter
puisque les effets sur le système cholinergique sont alors opposés !
Les traitements par médicaments anticholinestérasiques au cours des études cliniques initiales
ont eu lieu sur des périodes de quelques mois. Des évaluations plus prolongées ont montré
que l'effet bénéfique ne durait guère plus d'un an. Au-delà d'un an de traitement, la maladie a
vraisemblablement progressé de telle sorte que la symptomatologie clinique est réapparue, ce
qui fait dire parfois que le traitement permet de « retarder d'un an » les manifestations de la
maladie, mais ceci ne doit pas être interprété comme un traitement protecteur (1,3,7). Les
raisons pour lesquelles les effets du traitement sont modestes et ne se maintiennent pas sont
multiples : la progression des processus dégénératifs et de la perte neuronale, la progression
de déficits neurochimiques qui ne sont pas de nature cholinergique, la dégénérescence
éventuelle des cellules corticales cibles de l'innervation cholinergique.
De plus, le déficit cholinergique n'est pas équivalent chez tous les patients atteints de maladie
d'Alzheimer, il n'intervient pas dans la composante vasculaire de la démence mais pourrait au
contraire être plus important dans certaines démences d'un autre type telles les démences à
corps de Lewy dans lesquelles quelques études ont montré un bénéfice très significatif de la
rivastigmine.
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