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Éthique et empathie.
Regards croisés dans une perspective transdisciplinaire
Numéro coordonné par
Diane Léger et Thuy Aurélie Nguyen
Ce premier numéro rassemble huit des textes qui ont fait l’objet d’une communication
lors du colloque « Éthique et Empathie : Regards croisés dans une perspective transdisciplinaire »
qui s’est tenu à l’Université du Québec à Rimouski le 17 octobre 2014. À l’occasion de ce
colloque, le Groupe de recherche Ethos a réuni des chercheurs et des formateurs de différentes
disciplines et professions afin qu’ils réfléchissent aux liens entre éthique et empathie et qu’ils
explorent un espace de dialogue transdisciplinaire entre théorie, pratique et expérience.
Pourquoi « éthique et empathie »? D’abord parce que la découverte relativement récente
des théories du care dans l’espace philosophique francophone a remis à l’ordre du jour la
question de la place des sentiments en éthique. Ensuite, en raison de l’aspect contre intuitif du
couple éthique et empathie. En effet, l’éthique est habituellement pensée comme une affaire de
raison qui suppose la mise à distance des sentiments et des passions, jugés inconstants, biaisés et
partiaux. À titre d’exemple, les formations en éthique professionnelle ont le plus souvent recours
à des approches procédurales qui mettent à distance les émotions. Paul Bloom, un éminent
chercheur et professeur de psychologie à l’Université Yale, dans un article provoquant intitulé
« Contre l’empathie », estime que plus nous nous appuyons sur l'empathie pour guider notre
action, plus nous sommes vulnérables aux préjugés sentimentaux. Il pense donc que l’empathie
nous empêche de raisonner correctement et que les enjeux de l’heure commandent un
raisonnement non pas empathique, mais rationnel et cognitif.
Est-ce que Paul Bloom a raison? C’était la question à l’origine du colloque. Mais comme
celui-ci ne s’est pas limité au domaine de la philosophie morale, qu’il a voulu se situer d’emblée
sur le territoire de la transdisciplinarité et convoquer une diversité de regards - ceux de la
psychologie cognitive et clinique, des neurosciences, de l’histoire des idées, de la littérature, de
l’intervention psychosociale et de l’anthropologie -, les questions se sont multipliées. Qu’est-ce
que l’empathie? De quelle nature, quand ils existent, les liens entre éthique, altruisme,
bienveillance, sollicitude, compassion, souci et empathie sont-ils? Quelle est la place de
l’empathie dans l’histoire de la pensée et quelles formes y prend-elle? Existe-t-il quelque chose
comme la « désempathie »? Comment engendre-t-on les bourreaux? Peut-on les rééduquer à
l’empathie? Comment penser l’humanité et la solidarité sans faire l’effort de se mettre à la place
de l’autre? Si l’éthique surgit dès qu’il y a l’autre, peut-on penser l’agir humain sans l’empathie?
D’ailleurs, celle-ci ne serait-elle pas la solution au problème de la motivation en éthique? Quels
sont les mécanismes, les esthétiques ou les modes de narration qui contribuent à générer une plus