Différentes manifestations et explications de l`effet Zénon

Différentes manifestations et explications de
l’effet Zénon quantique
Michel Carrese - 19 mai 2011
L’effet Zénon quantique est une manifestation spectaculaire du fait qu’une
mesure effectuée sur un système en perturbe l’évolution. Des mesures répé-
tées et rapprochées peuvent ralentir voire inhiber complètement l’évolution
d’un système.
Comme souvent, la langue de Shakespeare nous en donne une définition
plus imagée : "A watched kettle never boils".
Après avoir présenté le raisonnement, qui a permis à Misra et Sudarshan
de prédire, de manière théorique, l’effet Zénon dans les années 1970, le pré-
sent document passe en revue différentes manifestations expérimentales de
cet effet et les explications qui peuvent en être données :
- Inhibition des oscillations de Rabi d’un atome (Itano et al.) ;
- Inhibition de la croissance d’un champ électromagnétique dans une ca-
vité optique (Serge Haoche et Julien Bernu) ;
- Inhibition ou accélération par effet Zénon de l’effet tunnel (Fischer et
Raizen).
Nous verrons ainsi, qu’au delà de la curiosité, que suscite son aspect pa-
radoxal, souligné par sa dénomination, l’effet Zénon soulève de nombreuses
questions fondamentales sur le processus de mesure, les différentes façons de
le modéliser en mécanique quantique et son effet en retour sur le système
objet de la mesure.
Son étude a donc toute sa place dans le cours de Philip Maulion "Phy-
sique avec ou sans présence".
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L’effet Zénon est également devenu un véritable outil, qui est utilisé dans
de nombreuses expériences, pour agir sur la décohérence quantique et tout
particulièrement pour prolonger la durée de vie de certaines superpositions
d’états quantiques. Le cours de Serge Haroche au Collège de France nous en
fournit de multiples exemples.
Pour réaliser ce document, nous nous sommes largement inspiré du cours
de Claude Fabre (Atomes et lumière) et des différentes publications relatives
aux expériences analysées.
Nous nous sommes également inspiré des publications de Facchi et Pas-
cazio, pour ce qui concerne la modélisation de l’expérience d’Itano, et des
publications de Modi et Shaji, pour la modélisation de l’impact de l’effet
Zénon sur l’effet tunnel.
1 Prédictions théoriques de l’effet Zénon
1.1 Prédiction graphique
Certains processus physiques, tels les phénomènes de désintégration, obéissent
à des lois exponentielles de la forme eγt. Néanmoins on constate et on peut
démontrer que, durant les tous premiers instants, l’évolution n’est pas expo-
nentielle mais quadratique en t.
Il en résulte que la courbe représentative d’un tel processus est constituée
par une portion de parabole suivie de l’exponentielle proprement dite (voir
figure 3.a ci-après) Supposons maintenant que nous disposions d’un moyen
(que nous expliciterons un peu plus loin) nous permettant, à un instant τ
choisi à notre convenance, d’arrêter le processus d’évolution considéré et de
le réinitialiser.
L’observation de la courbe 3.b fait apparaître que, si nous mettons en
oeuvre, plusieurs fois de suite, le processus de réinitialisation, avec une va-
leur de τinférieure à une certaine valeur τ, la courbe représentative de
l’évolution va être constituée d’une succession de portions de paraboles, dé-
duites les unes des autres par translation, et se situera au total au dessus de
la courbe représentant l’évolution naturelle.
Nous aurons donc ralenti l’évolution du processus physique.
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La tangente à l’origine de la parabole étant horizontale, on peut même
complètement inhiber le processus, en faisant tendre τvers zéro.
Pour certains processus, présentant des courbes d’évolution adéquates, on
peut, suivant le même raisonnement et avec des valeurs de τsupérieures à τ,
imaginer de pouvoir accélérer l’évolution. On parle alors d’effet anti-Zénon.
Comment trouver le processus de réinitialisation, nécessaire pour mettre
en oeuvre l’expérience de pensée décrite ci-dessus ?
Les axiomes de la mécanique quantique relatifs au processus de mesure
nous apportent une solution.
Ils nous disent en effet, qu’à l’issue d’une mesure ayant donné une valeur V
pour une observable déterminée, le système a été "projeté" dans l’état propre
correspondant à la valeur propre V de l’observable (nous avons supposé V
non dégénérée). On parle de "réduction" de la fonction d’onde.
Une fois le processus de mesure achevé, le système va recommencer à
évoluer suivant l’équation de Schrödinger. Cependant, si nous effectuons une
nouvelle mesure tout de suite après, la probabilité de retrouver comme ré-
sultat la même valeur V et donc d’avoir projeté une nouvelle fois le système
sur son état initial est très proche de 1.
Le processus de mesure paraît donc être l’outil adéquat, pour rendre pos-
sible notre prédiction relative à l’effet Zénon.
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1.2 Prédiction par application de la méthode projective
Nous allons maintenant présenter le raisonnement classique permettant
d’aboutir à la prédiction théorique de l’effet Zénon.
On considère un système physique, dont l’hamiltonien est H et qui à
l’instant t=0 est dans l’état |ψ0>.
En l’absence de toute mesure, l’évolution du système est gouvernée par
l’équation de Schrödinger :
i~d
dt |ψt>=H|ψt>
laquelle s’intègre en :
|ψt>=U(t)|ψ0>avec U(t) = eiHt/~
Si on effectue à l’instant t une mesure de l’état du système, l’amplitude et
la probabilité, pour que celui-ci soit encore dans l’état |ψ0>(amplitude et
probabilité de survie), sont données par :
A(t) =< ψ0|ψt>=< ψ0|eiHt/~|ψ0>
P(t) =| A(t)|2
Si on suppose que t est très petit par rapport aux inverses de toutes
les fréquences de Bohr, on peut développer l’exponentielle apparaissant dans
l’expression de U(t) et l’on obtient :
A(t) =< ψ0|eiHt/~|ψ0>'< ψ0|1 + Ht
i~+1
2! Ht
i~2
|ψ0>+O(t3)
d’où l’on déduit :
P(t)'1t22
Z'et22
Zavec : τ2
Z=1
~2< ψ0|H2|ψ0>< ψ0|H|ψ0>2
τZest le temps Zénon et τ2
Zs’exprime en fonction de l’écart quadratique
de l’énergie dans l’état |ψ0>.
Démonstration :
A(t) = 1 + t
i~< ψ0|H|ψ0>+1
2! t
i~2
< ψ0|H2|ψ0>+O(t3)
4
P(t) = "1it
~< H0>1
2t
~2
< H2
0>+O(t3)#"1 + it
~< H0>1
2t
~2
< H2
0>+O(t3)#
P(t) = "11
2t
~2
< H2
0>#2
+t
~2
< H0>2+O(t3)
P(t)'1t2
~2< H2
0>< H0>2
Fin de la démonstration.
Si on effectue maintenant une série de N mesures, espacées d’un même
intervalle de temps τ=t/N, la probabilité de survie à l’instant t de l’état
|ψ0>est donnée par :
P(N)(t) = P(τ)N=1t2
N2τ2
ZN
En utilisant la relation :
1x
nn'exquand n→ ∞
on voit que :
P(N)(t) = 1t2
N2τ2
ZN
'et2
N τ 2
Z1 quand N→ ∞
L’évolution du système est totalement inhibée.
Remarquons que nous pouvons également écrire P(N)(t)sous la forme :
P(N)(t) = exp(NLogP (τ)) = exp(γeff (τ)t)
où l’on a introduit le taux de relaxation effectif :
γeff (τ) = 1
τLogP (τ) = 2
τLog | A(τ)|=2
τReLog [A(τ)]
On considère maintenant un système réellement instable et on regarde si
il existe τtel que :
γeff (τ) = γ
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