Variétés de Siegel - Institut de Mathématiques de Bordeaux

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Variétés modulaires de Siegel
Olivier Brinon
Résumé. Notes d’exposé pour le groupe de travail organisé à l’IMB sur les variétés de Shimura. Il s’agit
d’une présentation de [6, Chapitre 6].
Table des matières
1. Variétés abéliennes sur C
2. Les groupes symplectiques
3. Foncteurs de modules de variétés abéliennes
4. Donnée de Shimura associée à un espace symplectique et variété modulaire de Siegel
Références
1
6
8
10
12
1. Variétés abéliennes sur C
Ce qui suit est un résumé de [9, Chapitre I].
1.1. Rappels sur les structures de Hodge. Soit V un R-espace vectoriel de dimension finie. La donnée d’une
C-structure sur V (i.e. d’un morphisme de R-algèbres α : C → EndR -lin (V ), soit encore de J = α(i) ∈ EndR -lin (V )
tel que J 2 = − IdV ) équivaut à celle d’une structure de Hodge 1 h : S × V → V de type {(−1, 0), (0, −1)} (la
décomposition de Hodge est alors VC = V −1,0 ⊕ V 0,−1 où V −1,0 = Ker(JC − i Id) et V 0,−1 = Ker(JC + i Id) ;
on a h(z) · (v ⊕ v 0 ) = zv ⊕ z̄v 0 pour tout z ∈ C et v ∈ V −1,0 , v 0 ∈ V 0,−1 ). Une polarisation est une application
bilinéaire ψ : V × V → R telle que V ⊗2 → R(1) soit un morphisme de structures de Hodge (c’est-à-dire telle
que ψ(h(z)v1 , h(z)v2 ) = |z|2 ψ(v1 , v2 ) pour tout z ∈ C× et (v1 , v2 ) ∈ V × V ) et ψJ : (u, v) 7→ ψ(u, J(v)) soit
symétrique (ce qui équivaut à ψ alternée) définie positive.
Une structure de Hodge sur Z de type {(−1, 0), (0, −1)} est un Z-module de type fini U (qu’on suppose sans
torsion) tel que R ⊗Z U soit muni d’une structure de Hodge de type {(−1, 0), (0, −1)} au sens précédent 2. Elle
est polarisée si R ⊗Z U est muni d’une polarisation ψ telle que ψ(U × U ) ⊂ Z.
1.2. Tores complexes. Soient g ∈ N>0 et X un groupe de Lie complexe compact et connexe. Alors X est
commutatif, et l’application exponentielle induit un isomorphisme (de groupes de Lie complexes)
V /U → X
où V = Te X = Lie(X) est l’espace tangent en l’élément neutre e ∈ X (c’est un C-espace vectoriel de dimension
g) et U ⊂ V un réseau, en d’autres termes, X est un tore complexe.
Il en résulte que π : V → X est le revêtement universel de X, et donc U = π −1 (e) ' π1 (X, e) ' H1 (X, Z). En
particulier, l’isomorphime
∼
R ⊗Z H1 (X, Z) → V
munit H1 (X, Z) d’une structure complexe, i.e. d’une structure de Hodge sur Z de type {(−1, 0), (0, −1)}.
∼
Si X 0 ← V 0 /U 0 est un autre tore, une application homomorphe ϕ : X → X 0 telle que ϕ(0) = 0 se relève de
façon unique en une application holomorphe 3 α : V → V 0 entre les revêtements universels telle que α(0) = 0 et
α(U ) ⊂ U 0 . L’application α est nécessairement linéaire 4, ce qui implique en particulier que ϕ est automatiquement
un morphisme de groupes. On en déduit l’équivalence de catégories
de Hodge de type
(HS)
(tores complexes) → structures
{(−1,0),(0,−1)} sur Z
∼
X 7→ (H1 (X, Z), R ⊗Z H1 (X, Z) → Te X)
Version du 7 mai 2015.
1. Où S = ResC / R (Gm ) : A 7→ (A ⊗R C)× (pour toute R-algèbre A) est le tore de Deligne.
2. Rappelons qu’en général, on demande que la filtration par le poids soit définie sur Q, le type étant celui de R ⊗Z U .
3. Parce que π et π 0 sont des isomorphismes locaux.
4. Si u ∈ U , l’application v 7→ α(v + u) − α(v) est holomorphe et à valeurs dans U 0 : elle est constante. Si (zi )1≤i≤g est un système
∂α
de formes coordonnées, les applications ∂z
sont donc holomorphes et U -périodiques : elles sont constantes, et α est linéaire vu que
i
α(0) = 0
2
Olivier Brinon
1.3. Cohomologie des faisceaux sur les tores complexes. On reprend les notations du dernier numéro. Si
G est un faisceau sur V , on a une suite spectrale Hp (U, Hq (V, G )) ⇒ Hp+q (X, G U ) (cf [5, Corollaire 3, p.205] ou
[12, Theorem 6.10.10], où G U = π∗U G est le faisceau des invariants du U -faisceau π∗ G , cf [5, p.198]). Par ailleurs,
si F est un faisceau sur X, alors toute section de F définit une section U -invariante de π −1 F , ce qui fournit un
∼
isomorphisme F → π∗U (π −1 F ) (cf [5, 5.1.1]) de sorte qu’on a une suite spectrale
Hp (U, Hq (V, π −1 F )) ⇒ Hp+q (X, F )
Lorsque Hq (V, π −1 F ) = {0} pour tout q > 0, on en déduit un isomorphisme
∼
Hn (U, H0 (V, π −1 F )) → Hn (X, F )
(∗)
1.3.1. Cohomologie singulière. La propriété d’annulation de la cohomologie sur V a lieu pour F = Z et F = C :
∼
∼
on a donc des isomorphismes Hn (U, Z) → Hn (X, Z) et Hn (U, C) → Hn (X, C) pour tout n ∈ N.
Remarque 1.4. On retrouve le premier isomorphisme pour n = 1 en observant que
H1 (X, Z) ' Homgr (π1 (X, e), Z) ' Homgr (U, Z)
Pour tout n ∈ N, le cup-produit induit des isomorphismes 5
∧n Homgr (U, Z)
Hn (U, Z)
∧n Homgr (U, C)
Hn (U, C)
∧n H1 (X, Z)
Hn (X, Z)
∧n H1 (X, C)
Hn (X, C)
(le deuxième diagramme se déduisant du premier en tensorisant par C).
Soient T = HomC -lin (V, C) l’espace cotangent à X en e et p ∈ N. En utilisant la translation pour la loi
de groupe sur X, tout élément α ∈ ∧p T se prolonge en une forme différentielle holomorphe ωα invariante par
translation. On en déduit un morphisme de faisceaux OX ⊗C ∧p T → ΩpX . C’est un isomorphisme (de sorte que
ΩpX est globalement libre). Posons T = HomC -antilin (V, C). On a
∼
H1 (X, C) ← C ⊗Z H1 (X, Z) ' C ⊗Z Homgr (U, Z) ' HomR -lin (V, C) = T ⊕ T
1.4.1. Cohomologie de de Rham. Comme Hq (V, OV ) = {0} l’isomorphisme (∗) appliqué à F = OX s’écrit
∼
Hn (U, H) → Hn (X, OX ) pour tout n ∈ N, où H = Γ(V, OV ) est l’anneau des fonctions holomorphes sur V .
On dispose du morphisme naturel H1 (X, C) → H1 (X, OX ), qui s’identifie à l’application
HomR -lin (V, C) ' T ⊕ T → H1 (U, H)
Si α ∈ HomR -lin (V, C) a une image nulle dans H1 (U, H), c’est un cobord : il existe f ∈ H telle que pour tout
u ∈ U , on ait (∀v ∈ V ) α(u) = f (v + u) − f (v). Cela implique que f 0 est u-périodique pour tout u ∈ U . Étant
holomorphe, elle est donc constante, de sorte que f est affine. Pour tout u ∈ U , on a donc α(u) = f (u) − f (0),
et donc (∀v ∈ V ) α(v) = f (v) − f (0) i.e. α ∈ T . Cela implique que l’application qui précède induit une injection
T → H1 (U, H) ' H1 (X, OX )
C’est un isomorphisme (cf [9, p.4]). Plus généralement (cf loc. cit.), le cup-produit induit un isomorphisme
∼
∧q H1 (X, OX ) → Hq (X, OX ) pour tout q ∈ N, de sorte que
Hq (X, ΩpX ) ' Hq (X, OX ) ⊗C ∧p T ' ∧q T ⊗C ∧p T
On a donc un isomorphisme
∼
Hn (X, C) →
M
∼
∧p T ⊗C ∧q T →
p+q=n
M
Hq (X, ΩpX )
p+q=n
qui n’est autre que la décomposition de Hodge.
naturelle Hn (X, C) → Hn (X, OX ) s’idenL Enpoutre, l’application
q
n
tifie, via cet isomorphisme, à la projection
∧ T ⊗C ∧ T → ∧ T .
p+q=n
5. La cohomologie du groupe U ' Z2g peut se calculer au moyen d’un complexe de Koszul. Soit e = (ei )1≤i≤2g une base de U
sur Z. On dispose alors de la résolution
0 ← Z ← Z[U ] ← Z[U ] ⊗Z U ← Z[U ] ⊗Z ∧2 U ← · · · ← Z[U ] ⊗Z ∧2g−1 U ← Z[U ] ⊗Z ∧2g U ← 0
|
{z
}
Kos• (U,e)
donnée par les applications Z[U ]-linéaires
Z[U ] ⊗Z ∧n U → Z[U ] ⊗Z ∧n−1 U
P
k−1 ([e ] − 1) ⊗ (e ∧ · · · ∧ ec ∧ · · · ∧ e )
1 ⊗ (ei1 ∧ · · · ∧ ein ) 7→ n
ik
i1
ik
in
k=1 (−1)
Si A est un groupe muni d’une action de U , sa cohomologie est celle du complexe
HomZ[U ] (Kos• (U, e), A) :
0 → A → Homgr (U, A) → Homgr (∧2 U, A) → · · · → Homgr (∧2g U, A) → 0
Lorsque l’action de U sur A est triviale, toutes les flèches de ce complexe sont nulles : on a des isomorphismes 6
∼
n
n
∧n
A Homgr (U, A) → Homgr (∧ U, A) ' H (U, A)
(indépendants du choix de e). C’est le cas pour A = Z et A = C.
Variétés modulaires de Siegel
3
1.4.2. Faisceaux inversibles sur les tores. Les suites exactes
exp(2iπ·)
0 → Z → H −−−−−−→ H × → {1}
exp(2iπ·)
×
0 → Z → OX −−−−−−→ OX
→ {1}
×
induisent des morphismes « bord » δ : H1 (U, H × ) → H2 (U, H) et δ : H1 (X, OX
) → H2 (X, Z) s’insérant dans le
carré commutatif
δ
/ H2 (U, Z)
H1 (U, H × )
/ H2 (X, Z)
δ
×
H1 (X, OX
)
Comme on l’a vu plus haut, on a H2 (X, Z) ' Homgr (∧2 U, Z) ' ∧2 Homgr (U, Z).
Si L est un faisceau inversible sur X, sa première classe de Chern est δ(λ) où λ est la classe de L dans
×
H1 (X, OX
). D’après ce qui précède, elle correspond à la donnée d’une forme bilinéaire alternée E : U × U → Z.
En l’étendant par R-linéarité, on obtient une forme bilinéaire alternée E : V × V → R qui prend des valeurs
entières sur U × U .
Lemme 1.5. On a E(v1 , v2 ) = E(iv1 , iv2 ) pour tous v1 , v2 ∈ V .
Démonstration. Rappelons que H2 (X, C) ' ∧2 H1 (X, C) ' ∧2 T ⊕ T ⊗ T ⊕ ∧2 T : écrivons E = E1 + E2 + E3 avec
E1 ∈ ∧2 T , E2 ∈ T ⊗ T et E3 ∈ ∧2 T (où E est vue comme une application bilinéaire V × V → R). Comme E est
réelle, on a E1 = E 3 .
Par ailleurs, Im(δ) = Ker(H2 (X, Z) → H2 (X, OX )), ce qui implique que l’image de E dans H2 (X, OX ) est nulle.
Or H2 (X, OX ) ' ∧2 H1 (X, OX ) ' ∧2 T et l’application H2 (X, C) → H2 (X, OX ) s’identifie à la projection ∧2 T ⊕
T ⊗ T ⊕ ∧2 T → ∧2 T : cette image n’est autre que E3 . On a donc E3 = 0 d’où E1 = 0, i.e. E = E2 ∈ T ⊗ T . Cela
équivaut précisément à E(v1 , v2 ) = E(iv1 , iv2 ) pour tous v1 , v2 ∈ V .
Lemme 1.6. On a une bijection entre l’ensemble des formes hermitiennes 7 H : V × V → C et celui des formes
alternées E : V × V → R telles que (∀v1 , v2 ∈ V ) E(v1 , v2 ) = E(iv1 , iv2 ) donnée par
E(v1 , v2 ) = Im(H(v1 , v2 ))
H(v1 , v2 ) = E(iv1 , v2 ) + iE(v1 , v2 )
Démonstration. Soit H : V × V → C une application R-bilinéaire : écrivons H(v1 , v2 ) = R(v1 , v2 ) + iE(v1 , v2 ).
On a H(v2 , v1 ) = H(v1 , v2 ) si et seulement si R(v2 , v1 ) = R(v1 , v2 ) et E(v2 , v1 ) = −E(v1 , v2 ). Par ailleurs, on
a H(iv1 , v2 ) = iH(v1 , v2 ) si et seulement si R(iv1 , v2 ) = −E(v1 , v2 ) et E(iv1 , v2 ) = R(v1 , v2 ). Il en résulte que
H est hermitienne si et seulement si E est alternée et (v1 , v2 ) 7→ R(v1 , v2 ) = E(iv1 , v2 ) est symétrique. Si E est
alternée, cette dernière condition équivaut à E(iv1 , v2 ) = −E(v1 , iv2 ), soit encore E(iv1 , iv2 ) = E(v1 , v2 ) pour
tout v1 , v2 ∈ V .
Lemme 1.7. Soient H : V × V → C une forme hermitienne et E = Im(H). On suppose que E(U × U ) ⊂ Z.
α(u1 +u2 )
Il existe α : U → U := {z ∈ C, |z| = 1} telle que (∀u1 , u2 ∈ U ) α(u
= eiπE(u1 ,u2 ) (une telle application α
1 )α(u2 )
s’appelle un multiplicateur pour H). Pour u ∈ U , on pose alors
eu : V → C
π
v 7→ α(u)eπH(v,u)+ 2 H(u,u)
L’application u 7→ eu est un cocycle U → H × .
Démonstration. Il existe 8 f : U → Z telle que (∀u1 , u2 ∈ U ) f (u1 + u2 ) − f (u1 ) − f (u2 ) ≡ E(u1 , u2 ) mod 2 Z. Il
suffit alors de poser α(u) = eiπf (u) pour tout u ∈ U .
On a bien sûr eu ∈ H × . Si u, u0 ∈ U et v ∈ V , on a
0
0
π
0
eu+u0 (v) = α(u + u0 )eπH(v,u+u )+ 2 H(u+u ,u+u )
0
0
0
π
0
0
0
= α(u)α(u0 )eiπE(u,u )+π(H(v,u)+H(v,u ))+ 2 (H(u,u)+H(u,u )+H(u ,u)+H(u ,u ))
0
π
0
0
π
0
0
0
0
= eu (v)α(u0 )e 2 (H(u,u )−H(u,u ))+πH(v,u )+ 2 (H(u,u )+H(u ,u)+H(u ,u ))
0
0
π
0
0
= eu (v)α(u0 )eπH(u,u )+π(v,u )+ 2 H(u ,u ) = eu (v)eu0 (v + u)
ce qui signifie que u 7→ eu est un cocycle U → H × .
7. Contrairement à certains usages (en France du moins), on suppose ces formes linéaires par rapport à la première variable et
antilinéaires par rapport à la deuxième.
8. Si E(U×U ) ⊂ 2 Z, on prend f = 0, sinon il existe une base de U ⊗Z (Z /2 Z) dans laquelle la matrice de l’application induite par
E est
0 Ig
Ig 0
(cf proposition 2.4) : si u a pour coordonnées (x1 , . . . , x2g ) dans cette base, on pose f (u) = x1 xg+1 +x2 xg+2 +· · ·+xg x2g .
4
Olivier Brinon
×
Rappelons que H1 (U, H × ) ' H1 (X, OX
) : l’image du cocycle du lemme 1.7 dans H1 (U, H × ) correspond à la classe
d’un faisceau inversible. En termes de fibrés en droites, elle correspond à la classe du fibré L(H, α) quotient de
C ×V par l’action de U donnée par u · (z, v) = (eu (v)z, v + u). La classe de Chern de ce dernier n’est autre que
E.
Notation 1.8. On note AHV l’ensemble des couples (H, α) où H : V × V → C est une forme hermitienne et
α : U → U vérifie la condition du lemme 1.7. C’est un groupe pour la loi (H1 , α1 ), (H2 , α2 ) 7→ (H1 + H2 , α1 α2 ).
On note AH0V l’ensemble des formes hermitiennes H : V × V → C telles que Im(H)(U × U ) ⊂ Z. C’est un groupe
pour l’addition.
Théorème 1.9. (Appel-Humbert, cf [9, p.20]) On a un diagramme à lignes exactes
/H
/ (0, α) (H, α) α
/ AHV
/ AH0V
/0
/ Homgr (U, U)
0
/ Pic0 (X)
/ Pic(X)
/ NS(X)
où NS(X) := Ker H2 (X, Z) → H2 (X, OX ) est le groupe de Néron-Severi de X.
0
/0
1.9.1. Variétés abéliennes sur C. Les sections du fibré L(H, α) sont les applications θ : V → C telles que
π
(∀u ∈ U ) θ(v + u) = α(u)eπH(v,u)+ 2 H(u,u) θ(v) : ce sont les fonctions theta pour la forme hermitienne H et
le multiplicateur α.
Théorème 1.10. (Lefschetz, cf [9, p.29]) Soient X = V /U un tore complexe comme ci-dessus, L un faisceau
inversible et H sa classe de Chern. Les conditions suivantes sont équivalentes :
(i) H est définie positive ;
(ii) pour tout n ∈ N≥3 , l’espace des sections holomorphes de L ⊗n fournit une immersion fermée de X dans
un espace projectif.
Remarque 1.11. Il n’est pas très difficile de voir que si H n’est pas définie positive, alors L n’est pas ample.
Théorème 1.12. (Riemann, cf [9, p.35]) Soit X = V /U un tore complexe. Les conditions suivantes sont
équivalentes :
(i) X est l’espace analytique complexe associé à une variété abélienne sur C ;
(ii) X est l’espace analytique complexe associé à une variété algébrique sur C ;
(iii) il existe une forme hermitienne définie positive H : V ×V → C telle que Im(H) prenne des valeurs entières
sur U × U (on dit que X est polarisable).
Remarque 1.13.
(i) La preuve utilise le fait que si Y est un sous-ensemble analytique fermé de X an (où X
est une variété algébrique propre sur C), alors Y est un fermé de Zariski de X (c’est un théorème de Chow,
cf [9, p.33]).
(ii) Les conditions du théorème 1.12 sont automatiquement remplies lorsque g = 1 : si X = V /U avec V = C
1
et U = Z ⊕τ Z (où τ ∈ C est tel que Im(τ ) > 0), alors H(z1 , z2 ) = Im(τ
) z1 z 2 est définie positive et sa partie
imaginaire prend des valeurs entières sur U × U . On sait dans ce cas que si
X
1
1
℘(z) = z12 +
(z−u)2 − u2
u∈U \{0}
P2C ;
alors l’application C →
z 7→ [1 : ℘(z) : ℘0 (z)] induit un isomorphisme de X sur la courbe elliptique
2
3
d’équation X0 X2 = 4X1 − g2 (τ )X02 X1 − g3 (τ )X03 (cf [11, Theorem 3.5 & Proposition 3.6]).
(iii) Si g > 1, la plupart des tores complexes ne sont pas algébrisables (cf [9, p.36]).
Théorème 1.14. L’équivalence de catégories (HS) induit l’équivalence de catégories :
structures de Hodge polarisées
(AV)
(variétés abéliennes sur C) → (tores polarisables sur C) → de
type {(−1,0),(0,−1)} sur Z
A 7→ Aan
∼
X 7→ (H1 (X, Z), R ⊗Z H1 (X, Z) → Te X)
Corollaire 1.15. Le foncteur A 7→ H1 (A, Q) induit une équivalence de catégories entre la catégorie des variétés
abéliennes sur C à isogénie près et celle des structures de Hodge polarisées de type {(−1, 0), (0, −1)} sur Q.
1.15.1. Traduction matricielle du théorème de Riemann (cf [2, §§1.1 & 4.2]). Soit X = V /U un tore complexe.
Définition 1.16. Soient u = (u1 , . . . , u2g ) une Z-base de U et e = (e1 , . . . , eg ) une C-base de V . La matrice de
périodes associée est l’élément Π ∈ Mg,2g (C) dont la j-ème colonne est donnée par les coordonnées de uj dans la
base e.
∈ GL2g (C).
Lemme 1.17. Π ∈ Mg,2g (C) est la matrice de périodes d’un tore si et seulement si Π
Π
Variétés modulaires de Siegel
5
Démonstration. Π ∈ Mg,2g (C) est la matrice de périodes d’un tore si et seulement si (∀x ∈ R2g ) Πx = 0 ⇒ x = 0.
Π
Dans ce cas, si z = x + iy ∈ C2g est tel que Π
z = 0, on a Π(x + iy) = 0 et Π(x − iy) = Π(x + iy) = 0, de
sorte que Πx = Πy = 0 et donc x = y = 0 i.e. z = 0, ce qui prouve que Π
∈ GL2g (C). La réciproque est
Π
évidente.
Théorème 1.18. (Relations de Riemann) X est une variété abélienne si et seulement s’il existe une matrice
antisymétrique A ∈ M2g (Z) de déterminant non nul telle que
• ΠA−1t Π = 0 ;
• iΠA−1t Π 0.
−1
la matrice de H dans la base e.
A est alors la matrice d’une polarisation E dans la base u, et 2i ΠA−1t Π
Démonstration. Si A ∈ M2g (Z) est antisymétrique de déterminant non nul, et E : V × V → R la forme alternée
associée, on pose H(v1 , v2 ) = E(iv1 , v2 ) + iE(v1 , v2 ) pour v1 , v2 ∈ V . Alors
sur V si et
H est hermitienne−1
seulement si (∀v1 , v2 ∈ V ) E(iv1 , iv2 ) = E(v1 , v2 ) (cf lemme 1.6). Si P = Π
∈
GL
(C),
on
a
ΠP
= Ig 0
2g
Π
2g
−1 iIg 0
t
donc ΠI = iΠ avec I = P
0 −iIg P . Comme E(Πx, Πy) = xAy pour tout x, y ∈ R , il en résulte que H
t
est hermitienne si et seulement si (∀x, y ∈ R2g ) t (Ix)A(Iy)
= t xAΠy,
i.e.
A, soit encore
si et seulement si IAI
=−1t
iIg 0
iIg 0
−1
−1t
−1t
−1t
−1t
ΠA
ΠA−1t Π ,
A = IA I. Cela équivaut à P A P = 0 −iIg P A P 0 −iIg . Comme P A P = ΠA−1 t Π
−1t
Π ΠA
Π
on obtient précisément ΠA−1t Π = 0.
Supposons H hermitienne. Si v1 , v2 ∈ Cg , on peut écrire v1 = Πx et v2 = Πy avec x, y ∈ R2g , i.e. vv11 = P x
et vv22 = P y. On a alors E(v1 , v2 ) = t xAy = t vv11 t P −1 AP −1 vv22 = t vv11 (P A−1t P )−1 vv22 . Comme P A−1t P =
−1t
0
(ΠA−1t Π)−1
−1t
−1
0
ΠA−1 t Π
ΠA
Π ΠA−1 t Π =
d’après
ce
qui
précède,
on
a
(P
A
P
)
=
, de
−1t
−1 t
−1 t
−1t
−1
ΠA
Π ΠA
Π
ΠA
Π
0
(ΠA
Π)
0
sorte que E(v1 , v2 ) = t v1 (ΠA−1t Π)−1 v 2 + t v 1 (ΠA−1t Π)−1 v2 .
iIg
De même, on a E(iv1 , v2 ) = t xt IAy = t vv11 t P −1t IAP −1 vv22 . Comme t P −1t I =
0
iIg 0
t v1
−1t
−1
t
−1t
−1
−1t
−1 v2
t
E(iv1 , v2 ) = v1
Π) v 2 − i v 1 (ΠA Π) v2 .
P)
0 −iIg (P A
v 2 = i v1 (ΠA
0
−iIg
t
P −1 , on a donc
Il en résulte que H(v1 , v2 ) = E(iv1 , v2 ) + iE(v1 , v2 ) = 2it v1 (ΠA−1t Π)−1 v 2 : la matrice de H dans la base e est
2i(ΠA−1t Π)−1 . Elle est définie positive si et seulement si la conjugué de son inverse l’est, i.e. si et seulement si
iΠA−1t Π 0.
Remarque 1.19. Si H est une polarisation de X, la démonstration qui précède montre que la première relation
traduit le fait que H est hermitienne et la deuxième que H est définie positive.
1.20. Dualité. T = HomC -antilin est un C-espace vectoriel de dimension g. On a un isomorphisme de R-espaces
vectoriels T → HomR -lin (V, R); f 7→ Im(f ) (l’application réciproque envoie ϕ sur f : v 7→ −ϕ(iv) + iϕ(v)). Le
crochet de la dualité fournit donc l’accouplement parfait
h, i: T ×V →R
(f, v) 7→ Im(f (v))
Posons alors
b = {f ∈ T , (∀u ∈ U ) hf, ui ∈ Z}
U
C’est un réseau de T .
b = T /U
b.
Définition 1.21. Le tore dual de X est le tore X
∼ b
b est une anti-équivalence de catégories de la catégorie des tores
et X 7→ X
Proposition 1.22.
(1) On a X →X,
dans elle-même. En outre, le morphisme naturel T → Homgr (U, U); f 7→ e2iπhf,.i induit un isomorphisme
∼
b→
X
Pic0 (X).
b est exact, et si f : X1 → X2 est une isogénie, alors fb: X
b2 → X
b1 est une isogénie de
(2) Le foncteur X 7→ X
même degré, de noyau Homgr (Ker(f ), U).
Démonstration. cf [2, Propositions 2.4.1, 2.4.2 & 2.4.3].
Si L est un faisceau inversible sur X et x ∈ X, alors la première classe de Chern de
b ' Pic0 (X), on a une application
Comme X
b
φL : X → X
t∗x L
⊗L
−1
est triviale.
x 7→ t∗x L ⊗ L −1
Proposition 1.23. C’est un homomorphisme qui ne dépend que de la classe de Chern de L . C’est une isogénie
d
si et seulement si cette classe de Chern est non dégénérée. On a φL1 ⊗L2 = φL1 + φL2 et φ
L = φL . De plus, on
−1
a φL1 = φL2 si et seulement si L1 et L2 ont même classe de Chern, i.e. L1 ⊗ L2 ∈ Pic0 (X).
Démonstration. cf [2, Corollary 2.4.6 & Proposition 2.5.3].
6
Olivier Brinon
Définition 1.24. Si (X, H) est un tore polarisable, on a H = δ(L ) avec L un faisceau inversible. On appelle
b associée à un tel faisceau.
indifféremment polarisation un tel faisceau, ou même l’isogénie φL : X → X
D’après le théorème des diviseurs élémentaires, il existe une base de U dans laquelle la matrice de E est
0
∆
−∆ 0
où ∆ = diag(d1 , . . . , dg ) avec 1 ≤ d1 | d2 | · · · | dg uniquement déterminés ([2, §3.1]) : le vecteur d = (d1 , . . . , dg )
s’appelle le type de la polarisation (ou de L ). La polarisation est dite principale si elle est de type (1, . . . , 1), ce
qui équivaut à E(U × U ) = Z, soit encore au fait que φL soit un isomorphisme.
2. Les groupes symplectiques
2.1. Espaces symplectiques. Soit K un corps.
Définition 2.2. Un espace symplectique (sur K) est un couple (V, ψ) où V est un K-espace vectoriel de dimension
finie et ψ : V × V → K une forme symplectique, c’est-à-dire bilinéaire, non-dégénérée, et alternée i.e. telle que
(∀v ∈ V ) ψ(v, v) = 0
(∗)
Remarque 2.3.
(1) Si (V, ψ) est un espace symplectique et v, w ∈ V , on a ψ(w, v) = −ψ(v, w) (en développant ψ(v + w, v + w) = 0), de sorte que ψ est antisymétrique. Lorsque car(K) 6= 2, cela équivaut à (∗).
Lorsque car(K) = 2, ψ est symétrique, mais la symétrie n’implique pas (∗).
(2) Dans une base de V , la matrice A = (ai,j )1≤i,j≤d d’une forme symplectique est caractérisée par A ∈ GLd (K)
et (∀i, j ∈ {1, . . . , d}) (ai,j = −aj,i et ai,i = 0). Lorsque car(K) 6= 2, cette dernière condition équivaut à
t
A = −A.
Proposition 2.4. Soit (V, ψ) un espace symplectique. Alors dim(V ) = 2g est paire, et il existe une base e =
(e1 , . . . , e2g ) de V dans laquelle la matrice de ψ est
0
Ig
J2g =
∈ M2g (Z)
−Ig 0
(une telle base s’appelle une base de symplectique).
Démonstration. Si V 6= 0, soit e1 ∈ V \ {0}. Comme ψ est non dégénérée, il existe eg+1 ∈ V avec ψ(e1, eg+1 ) = 1 :
0 1
on a alors ψ(eg+1 , e1 ) = −1, de sorte que la matrice de ψ restreint à V1 := VectK (e1 , eg+1 ) est −1
0 . Un calcul
⊥
⊥
simple montre que V = V1 ⊕ V1 , de sorte que (V1 , ψ|V1⊥ ) est un espace symplectique de dimension dimK (V ) − 2.
Une récurrence immédiate sur dimK (V ) permet de conclure.
Définition 2.5. Si W est un sous-K-espace vectoriel de V , on a dimK (V ) + dimK (V ⊥ ) = dimK (V ) = 2g : la
dimension d’un sous-espace isotrope est donc ≤ g. Un lagrangien est un sous-espace isotrope W de dimension
maximale. D’après la proposition 2.4, on a dimK (W ) = g et donc W = W ⊥ .
2.6. Groupes symplectiques.
Définition 2.7. Le groupe symplectique (resp. groupe des similitudes symplectiques) de (V, ψ) est 9
Sp(ψ) = {f ∈ EndK (V ), (∀x, y ∈ V ) ψ(f (x), f (y)) = ψ(x, y)} ⊂ GL(V )
(resp. GSp(ψ) = {f ∈ EndK (V ), (∃ν(g) ∈ K × ) (∀x, y ∈ V ) ψ(f (x), f (y)) = ν(g).ψ(x, y)} ⊂ GL(V ))
Le groupe symplectique est le groupe algébrique
Sp2g = M ∈ M2g , t M J2g M = J2g ⊂ GL2g
On définit de même le groupe algébrique GSp2g .
Remarque 2.8.
(1) Bien entendu, le choix d’une base symplectique fournit un isomorphisme Sp(V, ψ) '
Sp2g (K) (resp. Sp(V, ψ) ' GSp2g (K)). Le groupe Sp(ψ) agit simplement transitivement sur l’ensemble des
bases symplectiques de (V, ψ).
(2) Si dimK (V ) = 2, il n’y a qu’une seule forme alternée ψ à multiplication par un scalaire près : on a
GSp(ψ) = GL(V ) et Sp(ψ) = SL(V ).
Proposition 2.9. On a la suite exacte
ν
1 → Sp2g → GSp2g −
→ Gm → 1
ν
Démonstration. On a bien sûr la suite exacte 1 → Sp2g → GSp2g −
→ Gm . Si λ ∈ Gm on a λI2g ∈ GSp2g
et ν(λI2g ) = λ2 . Comme Gm → Gm ; x 7→ x2 est surjectif (étale localement), ce qui prouve l’exactitude à
droite.
9. L’inclusion dans GL(V ) résulte de ce que ψ est non dégénérée.
Variétés modulaires de Siegel
7
A B ) ∈ M , on a M ∈ Sp
Si M ∈ Sp2g , on a det(M ) ∈ µ2 . Matriciellement, si M = ( C
2g
2g si et seulement si
D

t
t

 AC = CA
t
BD = t DB

t
AD − t CB = Ig
t
−1
−t C
en particulier Sp2 = SL2 . On remarque que si M ∈ Sp2g , alors M −1 = −D
et t M = J2g M −1 J2g
(de sorte
t
t
B A
que t M et M −1 sont semblables). Par ailleurs, comme t J2g = −J2g , on a M ∈ Sp2g ⇒ t M ∈ Sp2g .
Remarque 2.10. Soit Sg (R) le R-espace vectoriel des matrices symétriques. Munissons GLg (R) de la loi de
goupe opposée au produit habituel et Sg (R) de l’action de GLg (R) donnée par (A, S) 7→ t ASA. La loi de groupe
sur le produit semi-direct Sg (R)oGLg (R) est donc (S1 , A1 )·(S2 , A2 ) = (S1 + t A1 S2 A1 , A2 A1 ). On a un morphisme
t
−1
Sg (R) o GLg (R) → Sp2g (R); (S, A) 7→ 0A SA
−1
A
Son image est un sous-groupe parabolique maximal propre défini sur Q. Son sous-groupe de Levi standard
s’identifie à GLg (R).
Proposition 2.11. Le centre de Sp2g est {±I2g }, celui de GSp2g est Gm . Le groupe adjoint de Sp2g est
Sp2g /{±I2g }, celui de GSp2g est GSp2g / Gm .
A B ) ∈ GSp
Démonstration. Soit M = ( C
au commutant de Sp2g (avec A, B, C, D ∈ Mg ). On
2g appartenant
D
Ig Ig
Ig I g
I I
A A+B
A B+D
a 0 Ig ∈ Sp2g (cf remarque 2.10). Comme 0 Ig M = C
et M 0g Igg = C
C+D , on a C = 0
D
et A = D. De même, on a B = 0 (car t M commute aux éléments de Sp2g vu que ce dernier est stable par
transposition), d’où M = ( A0 A0 ) avec A ∈ GLg . Par ailleurs, si U ∈ GLg , on a U0 t U0−1 ∈ Sp2g (cf remarque
2.10) : on a U0 t U0−1 M = M U0 t U0−1 , ce qui implique U A = AU , i.e. A ∈ Z(GLg ) = Gm , ce qui prouve que
Z(GSp2g ) = Gm . Si M ∈ Z(Sp2g ), on a en outre t AA = A2 = Ig , donc M ∈ {±I2g }.
Proposition 2.12. Supposons 2 inversible. Le morphisme Sp2g → GSp2g induit un isomorphisme de groupes
algébriques
∼
Sp2g /{±I2g } → GSp2g / Gm
Démonstration. Si λ ∈ Gm on a ν(λI2g ) = λ2 . Comme Gm → Gm ; x 7→ x2 est surjectif (étale localement), la
ν
→ Gm → 1 induit l’isomorphisme en question.
suite exacte 1 → Sp2g → GSp2g −
Remarque 2.13. Si K est un corps, la suite exacte 1 → Gm → GSp2g → GSp2g / Gm → 1 induit la suite exacte
1 → K × → GSp2g (K) → (GSp2g / Gm )(K) → H1 (K, K × ) = {1}
(Hilbert 90), de sorte que (GSp2g / Gm )(K) = GSp2g (K)/K × . Par contre, si K est de caractéristique différente
de 2, la suite exacte 1 → {±I2g } → Sp2g → Sp2g /{±I2g } → 1 induit la suite exacte
1 → {±I2g } → Sp2g (K) → (Sp2g /{±I2g })(K) → H1 (K, {±1}) ' K × /K ×2
de sorte que l’injection Sp2g (K)/{±I2g } → (Sp2g /{±I2g })(K) n’est pas bijective en général (elle l’est lorsque
K × = K ×2 , i.e. quand tout élément de K admet une racine carrée). Par exemple, si g = 1 et K = R, c’est
l’inclusion PSL2 (R) ⊂ PGL2 (R) qui est stricte (la droite projective est orientable, et les éléments de PSL2 (R) correspondent aux transformations préservant l’orientation). Il y a donc une petite subtilité au sujet de Sp2g /{±I2g } :
en tant que groupe algébrique, ses R-points sont (Sp2g (C)/{±I2g })Gal(C / R) , qui a deux composantes connexes,
alors que Sp2g (R)/{±I2g } est la composante connexe de l’élément neutre (cf corollaire 2.16).
2.13.1. Action sur le demi-espace de Siegel. Le groupe Sp2g (R) agit 10 sur le demi-espace de Siegel
Hg := {Z ∈ Mg (C), t Z = Z, Im(Z) 0}
A B ) · Z = (AZ + B)(CZ + D)−1 .
par ( C
D
Remarque 2.14. Lorsque g = 1, on retrouve l’action par homographies de SL2 (R) sur le demi-plan de Poincaré.
1 t Z
10. Si Z1 , Z2 ∈ Mg (C), on a t ZI 1 J2g ZI 2 = t Z1 − Z2 , de sorte que Z ∈ Hg ⇔ t IZ J2g IZ = 0 et − 2i
J2g IZ 0 . Si
I
g
g
g
g
g
g
E
t Z tM J M Z =
A B , on a M Z = E avec E = AZ + B et F = CZ + D. On a donc t EF − t F E = t E J
M = C
2g F =
2g
D
Ig
F
F
Ig
Ig
Z
1
t Z J
= 0 et E ∗ F − F ∗ E = t E
J2g E
= t IZ t M J2g M IZ = t IZ J2g IZ , i.e. t EF = t F E et − 2i
(E ∗ F − F ∗ E) 0. Soit
2g I
I
F
F
g
g
g
g
g
g
1
v ∈ Cn tel que F v = 0 : on a v ∗ F ∗ = 0, et donc v ∗ (E ∗ F − F ∗ E)v = 0 et donc v = 0 vu que − 2i
(E ∗ F − F ∗ E) 0. Il en résulte
−1
t
t
t
−1t
que F est inversible, et que M · Z = EF
a bien un sens. L’égalité EF = F E s’écrit F
E = EF −1 : la matrice M · Z est
1
1
symétrique. Enfin, − 2i
(E ∗ F − F ∗ E) = − 2i
F ∗ (F −1∗ E ∗ − EF −1 )F est définie positive, i.e. M · Z ∈ Hg : on a bien une action de
Sp2g (R) sur Hg .
8
Olivier Brinon
Proposition 2.15. L’action est transitive, et le stabilisateur de iIg est
A B
t
t
t
t
Sp2g (R) ∩ O2g (R) =
−B A ∈ M2g (R), AA + BB = Ig et AB = BA
A B
Ce dernier est isomorphe au groupe unitaire Ug (C) par l’application −B
A 7→ A + iB.
Démonstration.
Soit Z ∈ Hg : il existe A ∈ GLg (R) et S ∈ Mg (R) symétrique tels que Z = S + it AA. On a alors
t
−1
A SA
· iIg = Z, ce qui implique que l’action de Sp2g (R) sur Hg est transitive 11.
0 A−1
A B ) ∈ Sp (R). On a M ·iI = iI si et seulement si (iA+B)(iC +D)−1 = iI ⇔ B+iA = −C +iD i.e.
Soit M = ( C
g
g
2g
D
g
A B
t
t
t
C = −B et A = D, soit M = −B
avec
AA
+
BB
=
I
et
AB
symétrique.
Cela
équivaut
à A + iB ∈ Ug (C).
g
A
A B
Par ailleurs, cela implique que M ∈ O2g (R). Réciproquement, soit M = −B
∈
Sp
(R)
∩ O2g (R) : on a
2g
A
−1
t
t
−1
M
= M . Comme M J2g M = J2g , on a M J2g
à J2g , ce qui signifie A = D et
MA=BJ2g et M commute
t
t
t
t
B + C = 0 et prouve l’égalité Sp2g (R) ∩ O2g (R) =
−B A ∈ M2g (R), AA + BB = Ig et AB = BA .
Corollaire 2.16. Le groupe Sp2g (R) est connexe, et inclus dans SL2g (R).
∼
Démonstration. D’après la proposition 2.15, on a un homéomorphisme Sp2g (R)/Ug (C) → Hg . La connexité de
Sp2g (R) résulte donc de celle de Ug (C) et de celle de Hg (qui est même convexe). Comme le déterminant est à
valeurs dans {±1} sur Sp2g (R), il est donc constant égal à 1.
Remarque 2.17.
(1) En fait, on a un homéomorphisme Sp2g (R) ' Ug (C) × Rg(g+1) , ce qui implique
π1 (Sp2g (R)) ' π1 (Ug (C)) ' Z. En outre, Sp2g (R) ∩ O2g (R) est un sous-groupe compact maximal de
Sp2g (R), et ces derniers sont conjugués (cf [8, 6.2]).
(2) On peut montrer que Sp2g (K) ⊂ SL2g (K) pour tout corps K en utilisant le pfaffien 12 d’une matrice
antisymétrique (cf [8, 6.7.2]).
(3) Les groupes Sp2g (K)/{±I2g } sont simples excepté Sp2 (F2 )/{±I2g }, Sp2 (F3 )/{±I2g } et Sp4 (F2 )/{±I2g } (cf
[1, Théorème 5.2].
3. Foncteurs de modules de variétés abéliennes
3.1. Les foncteurs de base. Si S est un schéma, notons SchS la catégorie des S-schémas localement nœthériens.
Si g, d, n ∈ N>0 , on dispose du foncteur
Ag,d,n : SchZ[ 1 ] → Ens
n
S 7→ {(X, λ, φ)}/isomorphisme
où :
• Xo
f
e
/ S est un schéma abélien 13 de dimension relative g sur S.
b est une polarisation 14 de degré d2 , i.e. un S-homomorphisme tel que pour tout point géométrique
• λ: X → X
bs̄ soit associé 15 à un un faisceau inversible ample Ls , tel que λ∗ OX
s̄ de S le morphisme induit λs̄ : Xs̄ → X
2
est localement libre de rang d .
∼
• Une structure principale de niveau n, i.e. un isomorphisme φ : (Z /n Z)2g
S → X[n] = Ker([n]) de S-schémas
en groupes.
Théorème 3.2.
Si n ≥ 3 le foncteur Ag,d,n est représentable par un Z n1 -schéma, encore noté Ag,d,n , qui est
1
lisse sur
1 Z nd . En général, on a seulement un schéma de modules grossiers, encore noté Ag,d,n , qui est défini
sur Z n .
11. En fait, l’action du sous-groupe parabolique évoqué dans la!remarque 2.10 est transitive.
0
12. Soient (Xi,j )1≤i<j≤2g des indéterminées et
Xi,j
..
la matrice antisymétrique « générique ». D’après la proposition
.
−Xi,k
0
2.4, elle est congruente à J2g (vue comme matrice à coefficients dans le corps des fractions rationnelles Q(Xi,j )1≤i<j≤2g ). Son
déterminant est donc un carré de Q(Xi,j )1≤i<j≤2g . Comme l’anneau de polynômes Z[Xi,j ]1≤i<j≤2g est factoriel, c’est en fait le
carré d’un polynôme Pf g ∈ Z[Xi,j ]1≤i<j≤2g (le pfaffien, qu’on normalise par Pf g (J2g ) = 1). Si R est un anneau et A ∈ M2g (R) une
matrice antisymétrique, on a det(A) = Pf g (A)2 . Si B ∈ GL2g (R), on a alors Pf g (t BAB) = det(t BAB) = det(B)2 det(A) de sorte
que Pf g (t BAB) = ± det(B) Pf g (A). Le signe est toujours + (cela se vérifie avec les matrices génériques, en évaluant en A = J2g et
B = I2g ). En particulier, si M ∈ Sp2g (R), on a det(M ) = det(M ) Pf g (J2g ) = Pf g (t M J2g M ) = Pf g (J2g ) = 1.
13. I.e. un schéma en groupes (commutatif) qui est propre, lisse et à fibres géométriement connexes.
b est le schéma abélien dual, qui représente le foncteur Pic0 , composante neutre du foncteur de Picard relatif
14. X
X/S
PicX/S : SchS → Ens
f
(T −
→ S) 7→ Pic(XT )/fT∗ Pic(T )
(cf [7, Milne, Abelian varieties]
15. Si m : X ×S X → X est la multiplication, pr1 , pr2 : X ×S X → X les morphismes de projection, et L un faisceau inversible sur
X, alors m∗ L ⊗ pr∗1 L −1 ⊗ pr∗2 L −1 est un faisceau inversible sur X ×S X (vu comme X-schéma via pr2 ). : il définit un S-morphisme
b
λ(L ) : X → Pic0 (X/S) = X.
Variétés modulaires de Siegel
9
Démonstration. cf [3, Theorem 1.4].
Lorsque n ≥ 3, il existe donc un objet universel (Xg,d,n , λg,d,n , φg,d,n ) → Ag,d,n tel que pour tout S ∈ SchZ[ 1 ] et
n
(A, λ, φ) ∈ Ag,d,n (S)) il existe ι : S → Ag,d,n unique tel que (A, λ, φ) = ι∗ (Xg,d,n , λg,d,n , φg,d,n ).
Remarque 3.3. À g fixé, les schémas Ag,d,n forment une tour. OnQsait essentiellement décrire Ag,d,n en termes
g
des sous-schémas classifiant les objets (X, λ, φ) tels que Ker(λ) ' i=1 (Z /di Z) × µdi avec d1 | d2 | · · · | dg et
d1 · · · dg = d, ce qui permet de réduire l’étude de ces schémas à celle de Ag,1,n (qui classifie les schémas abéliens
principalement polarisés).
Ces derniers ne sont pas connexes : on introduit le raffinement suivant. Soit A∗g,1,n est le foncteur SchZ[ 1 ] → Ens
n
b
qui à S associe les triplets (X, λ, α) où X → S est un schéma abélien sur S de dimension relative g, λ : X → X
une polarisation principale, et
∼
α : (Z /n Z)g × µgn → X[n]
un isomorphisme symplectique, i.e. tel que
(∀(x1 , y1 ), (x2 , y2 ) ∈ (Z /n Z)g × µgn ) eX,n (α(x1 , y1 ), α(x2 , y2 )) = y1x2 y2−x1
où eX,n est le composé 16
1×λ
Weil
b
X[n] × X[n] −−−→ X[n] × X[n]
−−−→ µn
Lorsque n ≥ 3, le foncteur A∗g,1,n est représentable par un schéma lisse, quasi-projectif et géométriquement
connexe sur Z n1 (en général, on a un schéma de modules grossier).
3.4. Uniformisation des variétés abéliennes sur C. Si V est un R-espace vectoriel de dimension 2g, le
groupe GL(V ) opère transitivement (par conjugaison) sur l’ensemble des structures complexes (i.e. les endomorphismes f ∈ EndR -lin (V ) tels que f 2 = − IdV ). Soit f0 une structure complexe et V0 le C-espace vectoriel
associé. Alors le stabilisateur de f0 est GL(V0 ) : l’ensemble des structures complexes sur V s’identifie au quotient
GL(V )/ GL(V0 ). Matriciellement, cela se reformule réécrit de la façon suivante : l’ensemble des structures complexes sur R2g s’identifie
au quotient GL2g (R)/ GLg (C), où le plongement de GLg (C) dans GL2g (R) est donné
A B
.
Cela
induit une bijection entre l’ensemble des classes d’isomorphisme de tores complexes
par A + iB 7→ −B
A
de dimension g et GL2g (Z)\ GL2g (R)/ GLg (C).
En utilisant les résultats des sections 1 & 2, on peut uniformiser les variétés abéliennes principalement polarisées
sur C de façon analogue.
Soit X = V /U une variété abélienne de dimension g et H ∈ NS(X) une forme hermitienne sur V définissant
une polarisation principale. Il existe une Z-base (e1 , . . . , eg , eg+1 , . . . , e2g ) de U qui est symplectique pour la forme
alternée E = Im(H).
Lemme 3.5. (eg+1 , . . . , e2g ) est une base de V sur C.
Démonstration. Soient V1 = VectR (e1 , . . . , eg ) et V2 = VectR (eg+1 , . . . , e2g ) : on a V = V1 ⊕ V2 . Si v, v 0 ∈ V2 , on
E(v, v 0 ) = 0, de sorte que E est nulle sur V2 ∩ iV2 . Ce dernier est un sous-C-espace vectoriel de V . D’après le
lemme 1.6, cela implique que H est nulle sur V2 ∩ iV2 . Comme H est non dégénérée, cela implique V2 ∩ iV2 = {0},
et donc V = V2 ⊕ iV2 = C ⊗R V2 .
La matrice des périodes de X associée
aux bases (e1 , . . . , e2g ) de U sur Z et (eg+1 , . . . , e2g ) de V sur C (cf
définition 1.16) est de la forme Z Ig .
Proposition 3.6. On a Z ∈ Hg et la matrice de H dans la base (e1 , . . . , eg ) est Im(Z)−1 .
−1
Démonstration. Dans la base (e1 , . . . , e2g ), la matrice de la polarisation E est J2g . Comme J2g
= −J2g , les
t t Z
Z
Z
I
Z
I
conditions de Riemann (cf théorème 1.18) s’écrivent ( g ) J2g Ig = 0 et −i ( g ) J2g Ig 0 i.e. Z−t Z = 0
et −i(Z − t Z) = 2 Im(Z) 0. Le conditions de Riemann signifient donc exactement que Z ∈ Hg . Par ailleurs,
−1
−1 t Z
d’après le théorème 1.18 encore, la matrice de H dans la base (eg+1 , . . . , e2g ) est 2i ( Z Ig ) J2g Ig
=
2i(t Z − Z)−1 = 2i(2i Im(Z))−1 = Im(Z)−1 .
Corollaire 3.7. L’application qui à Z ∈ Hg associe la variété abélienne XZ := C /(Z. Z ⊕ Z ), munie de la
polarisation dont la matrice dans la base canonique de Cg est (Im(Z))−1 , est une bijection de Hg sur l’ensemble
des variétés abéliennes de dimension g, principalement polarisées et munies d’une base symplectique.
g
g
g
16. On a un isomorphisme de faisceaux fppf Pic0X/S = Ext1 (X, Gm ) : si f : X → Y est une isogénie (un homomorphisme surjectif
f
fini et plat, ce qui implique que K = Ker(f ) est un schéma en groupes fini), la suite exacte 0 → K → X −
→ Y → 0 donne lieu à la
suite exacte 0 → Hom(K, Gm ) → Ext1 (Y, Gm ) → Ext1 (X, Gm ) → 0 (parce que Hom(X, Gm ) = 0 et Ext1 (K, Gm ) = 0), et donc
ˆ
f
b → 0, l’isogénie duale (où K D = Hom(K, Gm ) est le dual de Cartier de K). En particulier, si f = [n], cela fournit
0 → K D → Yb −
→X
b
b
une identification X[n]
' X[n]D , et donc l’accouplement de Weil X[n] × X[n]
→ µn .
10
Olivier Brinon
Remarque 3.8. Si Z ∈ Hg et n ∈ N>0 , on a une structure de niveau n sur XZ , donnée par l’isomorphisme
naturel XZ [n] = n1 (Z. Zg ⊕ Zg )/(Z. Zg ⊕ Zg ) ' (Z /n Z)g × µgn (il est symplectique au sens de la remarque 3.3).
Théorème 3.9. Soient n ∈ N>0 et Γ(n) := {X ∈ Sp2g (Z), X ≡ I2g mod n M2g (Z)} le sous-groupe de
congruence de niveau n. Si Z1 , Z2 ∈ Hg , alors Z1 et Z2 ont même image dans Ag,1,n (C) si et seulement s’il
A B ) ∈ Γ(n) tel que Z = M · Z . On a donc une bijection
existe M = ( C
2
1
D
∼
Γ(n)\Hg → A∗g,1,n (C)
Démonstration. Un isomorphisme f : XZ1 → XZ2 est décrit par son action sur les réseaux Z1 . Zg ⊕ Zg et
Z2 . Zg ⊕ Zg , i.e. par des matrices M ∈ GL2g (Z) et N ∈ GLg (C) telle que ( Z1 Ig ) t M = t N ( Z2 Ig ). La compatibilité avec les polarisations équivaut à M ∈ Sp2g (Z). La compatibilité avec les structures de niveau n équivaut à
A B ), cela signifie AZ1 +B = ( Z N N ) i.e.
M ≡ I2g mod n M2g (Z). On a alors M ZIg1 = ZIg2 N . Si M = ( C
2
CZ1 +D
D
N = CZ1 + D et Z2 = (AZ1 + B)N −1 = M · Z1 .
Remarque 3.10.
(1) Le quotient Γ(n)\Hg est une variété complexe de dimension g(g+1)
.
2
(2) On peut faire la construction analogue pour classifier les variétés abéliennes munies d’une polarisation
de type d = (d1 , . . . , dg ) avec d1 | d2 | · · · | dg : si ∆ = diag(d1 , . . . , dg ), on considère les matrices de
périodes
de la forme ( Z ∆ ). L’espace de o
modules correspondant est le quotient Gd (Z)\Hg où Gd (Z) =
n
0 ∆
0 ∆
t
.
M ∈ GL2g (Z), M −∆ 0 M = −∆ 0
(3) Le demi-espace de Siegel Hg est un espace symétrique hermitien de type non compact. Son quotient
∼
par le groupe arithmétique Γ(n) ⊂ Aut(Hg ) ← Sp2g (R)/{±I2g } admet une compactification canonique, dite
minimale (Γ(n)\Hg )サ (Satake, Baily-Borel). Elle est normale, mais son bord est de codimension g, et très
singulier en général. Par exemple, si n = 1 et Ag = Sp2g (Z)\Hg , on a ensemblistement
G
G G
G
Aサ
Ag−1 · · · A1 A0
g = Ag
(A0 n’a qu’un point). Dans la pratique, on travaille plutôt avec des compactifiactions toroïdales (Γ(n)\Hg )マ
(Mumford) qui ne sont pas canoniques, mais dont le bord est de codimension 1, normal et n’a que des
quotients finis de singularités toroïdales. En outre, on a un morphisme (Γ(n)\Hg )マ → (Γ(n)\Hg )サ biméromorphe, induisant l’identité sur Γ(n)\Hg (cf [10]). Pour la construction et l’étude (interprétation modulaire)
de telles compactifications arithmétiques, cf [3] & [4].
3.10.1. Variétés abéliennes universelles. (cf [3, I.2.3]) On fait agir Z2g (resp. Sp2g (Z)) sur Hg × Cg par
n1
· (Z, v) = (Z, v + Zn1 + n2 )
n2
A B
(resp.
· (Z, v) = ((AZ + B)(CZ + D)−1 , t (CZ + D)−1 v))
C D
on en déduit une action du produit semi-direct Z2g o Sp2g (Z) sur Hg × Cg . L’application holomorphe naturelle
Z2g \(Hg × Cg ) → Hg fournit la variété abélienne principalement polarisée et munie d’une base symplectique
universelle.
Si n ∈ N≥3 , on a un diagramme
Z2g \(Hg × Cg )
/ (Z2g oΓ(n))\(Hg × Cg )
Hg
/ Γ(n)\Hg
et (Z2g oΓ(n))\(Hg × Cg ) → Γ(n)\Hg est la variété abélienne principalement polarisée de niveau n universelle :
elle s’identifie à Xg,1,n (C) → A∗g,1,n (C). Si e = (eg+1 , . . . , e2g ) est la base canonique de Cg , la structure de niveau
n est donnée par les 2g sections Z 7→ Z, n1 Zeg+i 1≤i≤g et Z 7→ Z, n1 eg+i 1≤i≤g , qui fournissent un isomorphisme
symplectique
∼
Xg,1,n [n](C) → A∗g,1,n (C) × ((Z /n Z)g × µgn )
4. Donnée de Shimura associée à un espace symplectique et variété modulaire de Siegel
4.1. Donnée de Shimura associée à un espace symplectique. Désormais, (V, ψ) désigne un espace symplectique de dimension 2g sur Q, et G = GSp(ψ) ' GSp2g/ Q . Le groupe dérivé de G est Gder = Sp(ψ) ' Sp2g/ Q ,
son centre Gm et son groupe adjoint 17 Gad = GSp(ψ)/ Gm ' Sp(ψ)/{±1} : on a les suites exactes
ν
{1} → Sp(ψ) → G −
→ Gm → {1}
{1} → Gm → G → Sp(ψ)/{±1} → {1}
17. En tant que groupes algébriques, cf remarque 3.3.
Variétés modulaires de Siegel
11
Si J est une structure complexe sur V (R) telle que J ∈ Sp(ψ), on note hJ la structure de Hodge associée (définie
par hJ (a + ib) = a + bJ ∈ EndR -lin (V (R)) pour tout a + ib ∈ C× )
Définition 4.2. On dit que J est positive (resp. négative) si (v1 , v2 ) 7→ ψJ (v1 , v2 ) := ψ(v1 , Jv2 ) est définie
positive (resp. négative). On note X + (resp. X − ) l’ensemble des structures complexes positives (resp. négatives)
sur V (R) appartenant à Sp(ψ), et X = X + t X − .
On a une action de G(R) sur X, par (g, J) 7→ gJg −1 . Le stabilisateur de X + est G(R)+ = {g ∈ G(R), ν(g) > 0}.
Si (ei )1≤i≤2g est une base symplectique de V (R), l’application définie par J(ei ) = −eg+i et J(eg+i ) = ei
pour i ∈ {1, . . . , g} est un élément de X + , et tout élément de X + est de cette forme. Comme Sp(ψ)(R) agit
transitivement sur l’ensemble des bases symplectiques, il en résulte que Sp(ψ)(R) agit transitivement sur X + , et
donc G(R) agit transitivement sur X.
Remarque 4.3. Le choix d’une base symplectique de V pour ψ identifie V (R) à R2g , le groupe Sp(ψ)(R) à
Sp2g (R) et J à un élément de Sp2g (R) tel que J 2 = −I2g . Le stabilisateur de J s’identifie aux éléments de Sp2g (R)
qui respectent la structure complexe donnée par J, i.e. au groupe unitaire Ug (C) (vu comme sous-groupe de
∼
Sp2g (R), cf proposition 2.15). On a donc une bijection de Sp(ψ)(R)-ensembles Hg ' Sp2g (R)/Ug (C) → X + .
Si g ∈ G(R), on a hgJg−1 = ghJ g −1 , de sorte que X s’identifie à une classe de G(R)-conjugaisons de morphismes
h : C× → G(R). Vérifions que (G, X) est une donnée de Shimura (cf [6, Chapitre 6]).
(SV1) Posons g = Lie(GR ). Le composé
h
S−
→ GR → Gad
R → GL(g)
définit une structure de Hodge de type {(−1, 1), (0, 0), (1, −1)} sur g. Dans le cas présent, on a
g = f ∈ EndR -lin (V (R)), (∀v1 , v2 ∈ V (R)) ψ(f (v1 ), v2 ) + ψ(v1 , f (v2 )) = 0
La structure de Hodge h fournit la décomposition V (C) = V + ⊕ V − (de sorte que h(z) agit comme la multiplication par z sur V + := V −1,0 et par z̄ sur V − := V 0,−1 ) : on a donc
gC ⊂ EndC -lin (V (C)) = HomC -lin (V + , V − ) ⊕ EndC -lin (V + ) ⊕ EndC -lin (V − ) ⊕ HomC -lin (V − , V + )
et si z ∈ C× , alors h(z) agit par la multiplication par z̄z (resp. 1, resp. zz̄ ) sur HomC -lin (V + , V − ) (resp.
EndC -lin (V + , V + ) ⊕ EndC -lin (V − , V − ), resp. HomC -lin (V − , V + )).
(SV2) La conjugaison par h(i) induit une involution 18 de Cartan sur Gad
R , i.e. le groupe
Gad,(h(i)) (R) := g ∈ Gad (C), g = Ad(h(i))(ḡ)
A B) ∈
est compact. Ici, un élément g ∈ Gad,(h(i)) (R) s’identifie à la classe modulo {±I2g } d’une matrice M = ( C
D
Sp2g (C) telle qu’il existe ε ∈ {±1} avec J2g M J2g = εM . Comme det(M ) = 1, on a nécessairement ε = 1, et donc
(
D=A
A B
D −C
A B
=
⇔
J2g M J2g =
⇔M =
C D
−B A
−B A
C = −B
On a donc
Gad,(h(i)) (R) =
n
A B
−B A
, t AB symétrique, t AA + t BB = Ig
o
qui s’identifie à une partie fermée bornée donc compacte de Mg (C)2 .
(SV3) Le groupe Gad n’a pas de facteur défini sur Q dont les points réels forment un groupe compact. Dans
ad
notre cas, cela résulte du fait que Gad = Sp(ψ)/{± IdV } est nQ-simple
(cf remarque
o 2.17 (3)) et que G (R) n’est
pas compact (car Gad (R) ⊃ Gad (R)◦ = Sp2g (R)/{±I2g } ⊃
Ig S
0 Ig
, S ∈ Sg (R) qui n’est pas borné).
4.4. La variété de Siegel et son interprétation modulaire. Soit K ⊂ G(Af ) un sous-groupe ouvert compact.
b g ≡ I2g mod n M2g (Z)}
b ⊂ GSp2g (Af ) est
Exemple 4.5. Si n ∈ N>0 , le sous-groupe K(n) = {g ∈ GSp2g (Z),
b ∩ K(n) = GSp2g (Z)+ ∩ K(n) = Γ(n).
ouvert et compact. On a 19 GSp2g (Q)+ ∩ K(n) = GSp2g (Q)+ ∩ GSp2g (Z)
Définition 4.6. Soit HK l’ensemble des triplets ((W, h), s, ηK) où :
• (W, h) est une structure de Hodge rationnelle de type {(−1, 0), (0, −1)} ;
• s ou −s est une polarisation de (W, h) ;
∼
• ηK est la K-orbite d’un isomorphisme Af -linéaire η : V (Af ) → W (Af ) qui envoie ψ sur un élément de A×
f s.
0
0
0 0
0
0
Un isomorphisme ((W, h), s, ηK) → ((W , h ), s , η K) est un isomorphisme b : (W, h) → (W , h ) de structures de
Hodge sur Q, tel que b(s) ∈ Q× s0 et b ◦ η ≡ η 0 mod K.
18. C’est une involution parce que Ad(f (−1)) est l’identité sur g.
19. Où GSp2g (Q)+ = {g ∈ GSp2g (Q), ν(g) > 0} (cf [6, §5]) et GSp2g (Z)+ = GSp2g (Z) ∩ GSp2g (Q)+ .
12
Olivier Brinon
La donnée de ((W, h), s) comme ci-dessus équivaut à celle d’un espace symplectique (W, s) et d’une structure
complexe sur W qui est positive ou négative pour s. Dans le cas positif, cette donnnée équivaut à celle d’une
variété abélienne sur C à isogénie près (cf corollaire 1.15). Si η est comme ci-dessus, on a dimQ (W ) = dimQ (V ),
de sorte qu’il existe un isomorphisme a : W → V envoyant ψ sur un Q× multiple de s. On note a · h l’application
η
a
z 7→ a ◦ h(z) ◦ a−1 : c’est un élément de X. Par ailleurs, le composé V (Af ) −
→ W (Af ) −
→ V (Af ) appartient à
×
G(Af ). Si a0 : W → V est un autre isomorphisme envoyant ψ sur un Q multiple de s, alors a0 = q ◦ a avec
q ∈ G(Q), on a (a0 · h, a0 ◦ η) = q · (a · h, a ◦ η) (pour l’action diagonale). Il en résulte que l’application
HK → G(Q)\(X × G(Af ))/K =: ShK (G, X)
((W, h), s, ηK) 7→ [a · h, a ◦ η]K
est bien définie.
Proposition 4.7. L’application qui précède induit une bijection
∼
HK / ≈ → ShK (G, X)
L’espace de gauche classifie les variétés abéliennes A sur C, munies d’une forme alternée s sur H1 (A, Q) telle
que s ou −s soit une polarisation, et de la K-orbite d’un isomorphisme V (Af ) → H1 (A, Q) ⊗Q Af envoyant ψ
sur un élément de sA×
f (i.e. d’une « structure de niveau K »).
Démonstration. L’application est surjective, parce que [h, g]K est l’image de ((V, h), ψ, gK). Deux éléments
((W, h), s, ηK) et ((W 0 , h0 ), s0 , η 0 K) ont même image si et seulement s’il existe des isomorphismes a : W → V
envoyant ψ sur un Q× multiple de s et a0 : W 0 → V envoyant ψ sur un Q× multiple de s0 , q ∈ G(Q) et k ∈ K
tels que (a0 · h, a0 ◦ η 0 ) = (qa · h, q ◦ a ◦ η ◦ k). Comme on l’a vu plus haut, on peut remplacer q ◦ a par a : on a
(a0 · h, a0 ◦ η 0 ) = (a · h, a ◦ η ◦ k), et b = a0 ◦ a−1 : W → W 0 induit un isomorphisme de HK .
Exemple 4.8. Soient C un système de représentants de G(Q)+ \G(Af )/K (c’est un ensemble fini 20 en vertu de
[6, Lemma 5.12]), et Γτ = τ Kτ −1 ∩ G(Q)+ (pour τ ∈ C). D’après [6, Lemma 5.13], on a
G
ShK (X, G) =
Γτ \X +
τ ∈C
Si n ∈ N>0 et K = K(n) (cf exemple 4.5), on a Γτ ' Γ1 = Γ(n) : on a Γτ \X + ' Γ(n)\Hg (cf remarque 4.3),
de sorte que ShK (X, G) s’identife à une somme de copies de A∗g,1,n (C).
Remarque 4.9. Comme le montre l’exemple précédent, la présence de la structure de niveau « rigidifie » la
situation, et ShK (X, G) classifie en fait des classes d’isomorphisme de variétés abéliennes polarisées sur C avec
structure de niveau (au sens habituel). En passant à la limite sur le niveau, on retrouve une interprétation
modulaire à isogénie près. Par exemple, lorsque g = 1, la variété Sh(G, X) = limK ShK (G, X) classifie les classes
←−
d’isogénie de couples (E, η) où E est une courbe elliptique sur C, et η une structure de niveau adélique, i.e. un
isomorphisme
∼
η : A2f → Vf (E) := Af ⊗Z
b lim n E[n] = Af ⊗Q H1 (E, Q)
←−
(deux couples (E, η) et (E 0 , η 0 ) étant isogènes s’il existe une isogénie E → E 0 qui envoie η sur η 0 ).
Références
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[2] C. Birkenhake & H. Lange – Complex abelian varieties, second éd., Grundlehren der Mathematischen Wissenschaften, vol.
302, Springer-Verlag, 2004.
[3] C.-L. Chai – Compactification of Siegel moduli schemes, London Mathematical Society Lecture Note Series, vol. 107, Cambridge
University Press, 1985.
[4] G. Faltings & C.-L. Chai – Degeneration of abelian varieties, Ergebnisse der Mathematik und ihrer Grenzgebiete (3), vol. 22,
Springer-Verlag, 1990, With an appendix by David Mumford.
[5] A. Grothendieck – « Sur quelques points d’algèbre homologique », Tohoku Mathematical Journal 9 (1957), p. 119–221.
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[7]
, « Abelian Varieties », disponible à l’adresse http://www.jmilne.org/math/CourseNotes/av.html, 2008.
[8] R. Mneimné & F. Testard – Introduction à la théorie des groupes de Lie classiques, Collection Méthodes, Hermann, 1986.
[9] D. Mumford – Abelian varieties, Tata Institute of Fundamental Research Studies in Mathematics, No. 5, Published for the
Tata Institute of Fundamental Research, Bombay, 1970.
[10] Y. Namikawa – Toroidal compactification of Siegel spaces, Lecture Notes in Mathematics, vol. 812, Springer-Verlag, 1980.
[11] J. Silverman – The arithmetic of elliptic curves, Graduate Texts in Mathematics, vol. 106, Springer-Verlag, 1986.
[12] C. Weibel – An introduction to homological algebra, Cambridge Studies in Advanced Mathematics, vol. 38, Cambridge University Press, Cambridge, 1994.
IMB, Université Bordeaux 1, 351, cours de la Libération, 33405 Talence
20. Par exemple, lorsque g = 1 (i.e. G = GL2,Q ) et K = K(n) (cf exemple 4.5), le déterminant induit une bijection
∼
×
b×
C → Q>0 \A×
f / det(K) ' Z / det(K) ' (Z /n Z) .
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