Résumé du documentaire n°2 la richesse des nations, nouvel

Centre social de Montbrison - 2015
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Résumé du documentaire n°2
la richesse des nations, nouvel Evangile ?
Principaux intervenants :
- Robert Boyer, économiste
- Noam Chomski, linguiste et
philosophe
- David Harvey, géographe et
anthropologue
- Yuval Noah Harari, historien
- Ha Joon Chang, économiste
- Lord Robert Skidelsky, historien
de l’économie
- Gordon Lewis, philosophe
- Philippe Norel, économiste
- Nicholas Phillipson, historien
« L’Essai sur l’origine et les causes de la richesse des nations » est devenu une véritable
bible du système du libre marché dont les interprétations servent à promouvoir une vision
restrictive de l’économie en tant que science.
Ce livre est rapidement devenu un best-seller. Comment ? Parce qu’Adam Smith est
devenu à l’économie ce que Newton est devenu aux sciences physiques. Comme Newton,
il avait découvert un principe moteur, la division du travail.
1- la division du travail
Une caractéristique de nos sociétés est le très haut niveau de spécialisation des métiers
qui vont de la che la plus complexe à la tâche la plus simple. Le progrès économique
n’est pas dissociable de la division du travail. C’est devenu le pilier de l’économie de
marché, de l’Ipad au simple crayon.
La logique économique de la division du travail entraine un coût humain important et
nécessaire à sa mise en œuvre. Adam Smith était-il conscient de ce dilemme ? Oui, mais
les propos qu’il a tenus sur ce sujet ont été occultés. Il était conscient que la division du
travail abrutit les gens, qu’ils n’ont aucune chance de développer leur intelligence. Il était
pour que le gouvernement abolisse la division du travail. Pendant des siècles,
économistes et hommes politiques ont ignoré le dilemme moral que Smith avait décelé au
cœur de la division du travail.
L’intérêt personnel, son deuxième grand principe, a subi un sort semblable.
2- L’intérêt personnel
Adam Smith considère l’intérêt personnel comme la force motrice de l’économie.
Qu’entendait-il vraiment par là ?
Adam Smith a confiance dans le progrès. Prévalait alors l’idée que l’histoire était figée,
voire décadente : il semblait impossible d’accroitre la richesse mondiale. Un profit pour l’un
était une perte pour lautre.
Pour Adam Smith au contraire, on pouvait augmenter les richesses du monde. Mon profit
personnel est également bon pour autrui puisqu’il accroit le gâteau que représente la
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richesse mondiale et permet à d’autres d’en profiter. Chacun peut réaliser un profit. Ce
n’était pas seulement un système économique mais aussi un système moral : égoïsme =
altruisme.
Une phrase est restée célèbre : "Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur
ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais de leur souci de leur intérêt
propre." Par cette phrase, il a inauguré ce mythe de l’individu égoïste, tourné vers lui
même comme étant la motivation presque exclusive de l’humanité. En fait, Adam Smith
avait compris que les êtres humains sont plus complexes mais son sentiment était qu’on
pouvait en faire abstraction et qu’en matière d’économie, l’égoïsme était la motivation
exclusive.
Adam Smith a écrit « La Richesse des nations ». Il devient le père du capitalisme. Mais il a
également écrit « La théorie des sentiments moraux ». C’était pour lui son livre le plus
important. Il n’a jamais imaginé que le capitalisme décrit dans « La richesse des nations »
pourrait réussir sans fondation morale (les sentiments), sans ces vertus communes et
individuelles qui créeraient les bases d’un capitalisme sain. Or, le lien entre Adam Smith 1
et Adam Smith 2 ont été rompus.
Nous sommes tous égoïstes mais nous avons tous d’autres motivations : solidarité,
sympathie, fidélité. Nous devons construire un système qui prenne en compte la
complexité des réalités humaines
Adam Smith avait une vision nuancée de l’intérêt personnel. Cette idée complexe a été
galvaudée pour donner 200 ans plus tard un système économique simplement par
l’avidité. Pourquoi ?
Ça commence en séparant Adam Smith 1 et Adam Smith 2 et en faisant de « La Richesse
des Nations » une théorie scientifique.
Ce que les économistes ont négligé, ce sont les relations humaines. La sociologie et la
psychologie nous disent que de nombreux comportements semblent irrationnels : c’est
tout simplement humain.
L’intérêt personnel a été respecté comme une loi physique tout au long du 19ème siècle. Au
cours de la première partie du 20ème siècle, aux Etats-Unis, c’est même devenu sous
l’influence d’Ayn Rand une philosophie morale, rendant toute autre motivation comme
secondaire.
Deux mots ont suffi à transformer le concept d’intérêt personnel selon Adam Smith. Ces
deux mots sont devenus une formule magique, un moteur pour le système économique
mondial et le symbole de la richesse des nations : la main invisible.
3- La main invisible
Ce mot a été dupliqué comme le fondement de l’économie de marché. Il est pourtant cité
une seule fois dans La Richesse des Nations, avec un sens très particulier.
Noam Chomski : « Adam Smith s’inquiétait à l’idée que s’il y avait de libres mouvements
de capitaux et une liberté à l’importation, l’Angleterre en pâtirait. Parce que les capitalistes
britanniques investiraient à l’étranger et importeraient de l’étranger, causant du tort à
l’économie anglaise. Adam Smith présenta un argument qui disait que les investisseurs
anglais préfèreraient investir en Angleterre et donc, par une main invisible, l’Angleterre
serait sauvée de la menace de mouvements de capitaux et de la libre importation. Ca n’a
rien à voir avec l’engouement moderne pour les libres mouvements de capitaux ou celui
des sociétés américaines investissant en Chine afin de vendre moins cher en exploitant
les ouvriers chinois… »
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C’est pourtant le point principal qu’on retient aujourd’hui de ce livre, tout en détournant le
sens de la phrase.
Pour Adam Smith, la main invisible signifiait se libérer de la mainmise de l’Etat sur la vie
économique pour se débarrasser du féodalisme. Aujourd’hui, ça signifie tuer l’état de bien
être, donc la fiscalité en laissant les agents s’organiser.
C’est avec ces deux mots pris hors contexte que la structure internationale de l’économie
a été créée.
La plupart des gens acceptent l’existence d’un libre marché. Qu’entend-on vraiment par
marché libre ? Prenons l’exemple du travail des enfants. Ha Joon Chang : « Aujourd’hui,
dans tous les pays riches, le travail des enfants est très règlementé mais il fut un temps
c’était monnaie courante. En 1720, Daniel Defoe1 a fait l’éloge de certaines régions
d’Angleterre l’industrie textile, en offrant des emplois à des enfants à partir de 4 ou 5
ans leur permettait de gagner leur vie. Au début du 19ème siècle, au Parlement britannique,
un groupe de réformateurs sociaux engagea la toute première tentative officielle pour
réguler le travail des enfants. A l’époque, de nombreuses voix s’élevaient contre cette
disposition car on pensait qu’elle allait saper le marché libre. (…) L’exemple des enfants
montre que le marché est avant tout une construction politique. »
4- Une économie séparée des réalités humaines
L’esclavage est un exemple de marché libre, sans restriction. L’un des premiers à
identifier les fondements intellectuels de l’esclavage et le danger à séparer la logique
économique de la réalité sociale et humaine fut un ancien esclave devenu philosophe :
Anton Wilhelm Amo. Ce fut le premier à pointer l’aberration d’une science élaborée sans
tenir compte des réalités humaines du capitalisme. Il réfléchit sur ce qui faisait que la
rationalité et la raison étaient utilisées contre la réalité et la raison : Adam Smith décrit une
sorte de système idéal mais un monde sans êtres humains. Au 18ème siècle, la pensée
d’un philosophe africain ne pouvait pas être entendue en Europe. Elle ne le fut pas et son
travail fut oublié.
Adam Smith commence à raisonner sur un monde en partie virtuel, en partie déconnecté
de tous ces éléments de violence : il ne tient pas compte de la violence occidentale qui a
existé dans les trois siècles qui le précèdent.
Aujourd’hui, la traite des Noirs n’existe plus mais nous entretenons exactement le même
rapport avec les animaux.
La vision du marché d’Adam Smith fut transformée en science coupée de tout ancrage
social
5- Conclusion
Smith est resté très prudent sur la façon de mettre en place le marché libre : justice
sociale, équité, cohésion du tissu social lui semblaient totalement menacées par le marché
libre. Nous avons perdu toutes ces interrogations sur la dimension politique et la
dimension éthique du progrès vers l’économie de marché. Smith, dans ses écrits, anticipe
le caractère révolutionnaire de la division du travail. Il s’interroge sur la dimension politique
et éthique du progrès vers une économie de marché. Ces préoccupations ont par la suite
disparu de la réflexion des économistes. L’avidité a gagné et les sociétés se sont pliées à
la logique du marché.
1 Auteur de Robinson Crusoé.
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Définition du capitalisme done le 29 septembre
Bertrand Lordon
1. Le capitalisme est un mode de production qui repose sur la combinaison de deux
éléments : appropriation privée des moyens de production et instauration d'un
système de marchés libres.
2. L'appropriation privée des moyens de production conduit à 3 caractéristiques
concomitantes : instauration d'un rapport salarial, aliénation du prolétariat et
extorsion d'une plus-value (Mehrwert) - c'est-à-dire en définitive une expropriation
du prolétariat de son existence individuelle et collective (nous reverrons ça lorsque
nous aborderons Marx).
3. Le système de marchés libres suppose que l'Etat garantisse (en ayant recours à
la force publique et à ses appareils idéologiques) l'existence d'une concurrence
libre et non faussée sur le marché des biens et services, sur le marché du travail et
sur le marché du capital.
4. (j'ajoute ce point que je n'ai pas mentionné l'autre jour) Cette définition est
encore aujourd'hui issue des travaux de Marx, mais dans les années 1960, un
penseur libéral comme Raymond Aron et un penseur marxiste (mais tendance
trotskyste) comme Charles Bettelheim se sont trouvés d'accord pour dire que,
malgré l'appropriation collective des moyens de production qu'elle avait mise en
œuvre, l'URSS pouvait être considérée comme un pays capitaliste - ce qui
conduirait à admettre que le seul élément constitutif du capitalisme soit le libre
marché. On en reparlera sans doute.
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