Ségolène Gerbé de Thoré d’Huart
Stage en ambulatoire de niveau 2
De mai à octobre 2014
Suivi de grossesse en médecine générale
Présentation du cas :
En fin d’après-midi en cabinet de médecine générale, je vois une patiente de 26ans, Mme A.,
venant pour la 1ère fois. Je constitue alors son dossier avant de lui demander son motif de
consultation.
Elle n’a pas d’antécédents particuliers en dehors d’un tabagisme actif à 5 PA. Pas de
consommation d’alcool ni de toxiques, pas de moyen de contraception. Elle est d’origine marocaine.
Elle est actuellement en recherche d’emploi, elle a une formation de cuisinière, mais voudrait
se lancer dans une carrière d’artiste, dans le dessin. Elle vient d’arriver en région parisienne pour
s’installer avec son ami, qu’elle a rencontré début 2014.
Elle consulte ce jour car elle me dit être enceinte de 4 mois et que depuis 3 jours, elle
présente des migraines le soir vers 21h, inhabituelles et inconnues.
Devant cette annonce de grossesse, je reprends un peu l’histoire de la grossesse, avec la date
des dernières règles, les résultats des premiers examens faits et la première échographie… Et je me
rends compte avec surprise qu’elle n’a vu aucun médecin depuis le début de sa grossesse !!
Elle a quand même fait sa 1ère échographie dans un hôpital, sans ordonnance, qui datait la
naissance pour début janvier 2015… Ce qui faisait, concordant avec la date des dernières règles,
qu’elle n’était pas enceinte de 4, mais bien de 3 mois !
Je m’attelle donc à expliquer à la patiente la différence entre les semaines de gestation et
d’aménorrhée, l’importance d’un suivi médical pendant la grossesse notamment en terme de
sérologies. Elle ne sait absolument pas son statut sérologique pour la toxoplasmose, ni quelles sont
les règles hygiéno-diététiques à appliquer lorsque l’on est enceinte. Je lui explique donc
longuement… Elle me demande alors que ce soit moi qui la suive pour son suivi de grossesse
jusqu’aux 6 mois, car elle ne connait personne d’autre. Mon maître de stage qui ne fait pas du tout
de gynécologie ne se sent pas capable de le faire, mais je me propose du coup pour essayer…
C’est alors que je me lance sur le motif de sa consultation : ses migraines inhabituelles. Ce
sont des céphalées pulsatiles, accompagnées d’acouphènes, qui s’installent en soirée, depuis 3 jours.
Elle n’a pas pris d’antalgique particulier.
A l’examen clinique, la patiente n’a pas pris de poids depuis le début de sa grossesse, elle n’a
pas d’œdème, l’examen neurologique est normal et la tension artérielle à 100/60 mmHg. L’abdomen
est souple et indolore. La bandelette urinaire montre une croix de protéinurie, le reste est négatif.
Devant ce tableau clinique, je m’inquiète un peu, craignant les prémices d’une pré-éclampsie,
et appelle le médecin gynécologue de garde de l’hôpital voisin pour un avis. Elle me répond très
gentiment que la pré-éclampsie n’existe pas au 1er trimestre de la grossesse, qu’une croix de
protéinurie n’est pas significatif, et que même s’il y avait une HTA, ce serait qu’elle était pré-existante
à la grossesse. Elle me conseille de faire une fonction rénale de principe, mais de rassurer la patiente
quant à ses migraines qui doivent être simplement des céphalées de tension.
Au bout de 50min de consultation, je laisse donc partir la patiente avec une ordonnance de
Doliprane et une prescription de bilan contenant : les sérologies toxoplasmose et CMV ( !), VIH 1 et 2,
VHB, glycémie à jeun, créatinine, MDRD, protéinurie sur échantillon.
Le mardi suivant, je parle en Groupe d’Echange de Pratique avec mes « co-internes » de ma
patiente, et me rends compte avec effroi que j’avais oublié beaucoup de choses :
- Lui parler du dépistage de la trisomie 21
- Faire la déclaration de grossesse
- Parler du sevrage tabagique
- Faire une sérologie rubéole et syphilis, une NFS
- Vérifier ses vaccinations et celles de son compagnon
- Date du dernier frottis ?
L’après-midi même du groupe d’échange de pratique, je la rappelle donc pour la revoir dans le
semaine et pouvoir ainsi m’occuper de tout cela
Axes de réflexions proposés :
- Le suivi de grossesse en médecine générale : comment ? quelles compétences requises ?
quand déléguer ?
- Le sevrage tabagique en médecine générale : quel est le rôle du médecin généraliste ? Quel
investissement et quels moyens ? Entretien motivationnel, intérêt de la cigarette
électronique
I. Le suivi de grossesse en médecine générale
II. Le sevrage tabagique en médecine générale
1. Rôle et action du médecin généraliste dans le sevrage tabagique
Le médecin généraliste est au centre du parcours de soin, il a un rôle primordial dans la prise en
charge globale des patients et doit tenir compte de chaque facteur de risque pour sa santé. Le
tabagisme, facteur de risque cardio-vasculaire majeur, est présent chez une grande, trop grande
partie de la patientèle, et constitue donc un axe majeur dans la prise en charge dite globale du
patient.
Après des stages ambulatoires en niveau 1 et niveau 2, je réalise à quel point cette prise en
charge est complexe. C’est un travail de longue haleine, qui s’inscrit dans la durée.
Malheureusement, il est rare que le patient se présente en consultation avec pour motif la volonté
de se sevrer en tabac. Il a souvent d’autres motifs de consultation, et c’est au médecin généraliste
d’être en permanence attentif au statut tabagique du patient, et d’essayer, si le temps le lui permet,
d’introduire le sujet du tabac dans la consultation.
Mes stages m’ont aussi permis de voir à quel point le rôle du médecin est clé dans cette prise en
charge. Avec douceur ou humour, il faut introduire le sujet et évaluer où en est exactement le
patient, quelle est sa volonté d’arrêter ou non le tabac, s’il a déjà essayé ou non… Il faut être patient,
à l’écoute, et savoir réagir aux phrases typiques « Je sais bien que ce n’est pas bien de fumer, mais je
n’ai aucune envie d’arrêter », « Il faut bien mourir de quelque-chose », « Vous, les docteurs, vous
oubliez le plaisir que c’est de fumer », etc. Il est donc nécessaire d’être un minimum formé au tabac
et à son sevrage !
a. Epidémiologie et bénéfices de l’arrêt du tabac
Le tabagisme est la 1ère cause de mortalité évitable en France. Un fumeur régulier sur deux
mourra d’une maladie liée au tabac. Le tabagisme est responsable de 25% des cancers et de 81% des
décès par cancers broncho-pulmonaires en France. Il est un facteur de risque cardio-vasculaire
majeur, un facteur de risque pour d’autres maladies (ostéoporose, maladie de Crohn…), et augmente
le risque d’infections bactériennes ou virales sévères. L’espérance de vie d’un fumeur est réduite de
20 à 25 ans par rapport à celle d’un non-fumeur.
Selon la HAS, en 2013-2014, 29% des français sont fumeurs, soit 12 millions d’usagers quotidiens.
Près de 2 fumeurs sur 3 souhaitent arrêter de fumer, mais 97% des fumeurs n’arrivent pas à arrêter
sans aide. Il n’existe pas de seuil au-dessous duquel fumer soit sans risque. Le taux de mortalité est
augmenté, même chez les fumeurs qui fument peu.
Arrêter de fumer réduit la mortalité, surtout celle liée aux maladies cardio-vasculaires et au
cancer broncho-pulmonaire. Le bénéfice existe, quel que soit l’âge du patient au moment de l’arrêt.
Ainsi, un patient qui cesse de fumer à 40 ans augmente son espérance de vie de 7ans, à 50ans il
l’améliore de 4ans…
Le repérage systématique des fumeurs est donc capital. Tous les patients devraient être
interrogés sur leur éventuelle consommation tabagique afin de pouvoir bénéficier d’une aide au
sevrage.
En médecine générale, il est important de prévoir des consultations régulières spécifiquement
consacrées à la prise en charge de l’arrêt du tabac. Le soutien psychologique est la base de la prise
en charge. Si le patient est dépendant, un traitement nicotinique de substitution (TNS) est proposé. Il
soulage les symptômes de sevrage, réduit l’envie de fumer et prévient les rechutes.
b. Principes généraux du sevrage tabagique
- Le conseil minimal
o Il consiste à identifier le patient fumeur et donner un conseil de 1er recours.
o 3 questions sont posées :
Est-ce que vous fumez du tabac ?
Est-ce que vous fumez du cannabis ?
Est-ce que vous envisagez d’arrêter ?
o Dès qu’un fumeur est identifié, il est primordial de l’inciter à arrêter. Ce simple
conseil, donné par un médecin, augmente considérablement ses chances d’arrêt.
o Exemples de conseils d’arrêt :
« Arrêter de fumer est la décision la plus importante que vous pouvez
prendre pour protéger votre santé. Je peux vous aider si vous le
souhaitez. »
« Je peux vous aider à arrêter de fumer. Ce sera plus facile que d’essayer
tout seul. »
« Fumer occasionnellement ou en faible quantité est encore dangereux. »
« Il n’est jamais trop tard pour arrêter de fumer, et c’est encore mieux si
on arrête tôt. »
« Continuer à fumer aggravera votre asthme/bronchite (…), en revanche,
arrêter de fumer pourra améliorer votre santé de façon importante. »
o Le médecin peut alors donner une documentation d’information sur les dangers
du tabac et l’aide au sevrage proposée.
- L’intervention brève
o Il s’agit pour le médecin généraliste de faire une petite intervention sur le sujet
du tabac lors d’une consultation qui n’y est pas dédiée.
o En fin de consultation, on peut faire une phrase pour savoir où en est le patient
avec sa consommation tabagique, dire une ou deux phrases d’encouragement à
l’arrêt.
o Cela permet ainsi au patient de savoir que le médecin est ouvert pour en parler,
et pour le médecin de faire une petite piqûre de rappel. Le tout est d’être fin et
empathique !
- L’entretien motivationnel
o Il est constitué de quelques messages courts d’encouragement à l’arrêt du tabac
et au maintien de celui-ci, adaptés au degré de motivation.
o Il peut utiliser les recommandations internationales des « 6A » :
Account : mesure du CO
Ask : questionner sur le tabagisme
Advise : conseiller un sevrage, argumenter
Assess : évaluer la motivation
Assist : soutenir les patients dans leurs efforts
Arrange : planifier le suivi
- Evaluation de la dépendance (cf. c)
- Evaluation de la motivation à arrêter (cf. d)
- Les traitements médicamenteux (patchs, gommes, sprays buccaux, comprimés à sucer,
inhalateurs)
- La thérapie cognitivo-comportementale
o Cette technique nécessite une formation spécifique.
o Elle consiste à velopper une stratégie d’information efficace permettant
d’anticiper le processus d’aide à l’arrêt du tabac.
c. Evaluation de la dépendance
L’addiction se définit comme la perte de liberté de s’abstenir. Un patient est considéré comme
dépendant s’il présente un des trois critères suivants :
- Il a déjà rechuté après une tentative d’arrêt
- Il continue à fumer malgré les conséquences tangibles sur sa santé (infarctus, BPCO,
cancer…) ou les risques encourus par certaines situations spécifiques (intervention
chirurgicale, grossesse…)
- Il craint d’être sans cesse à cours de tabac.
Des tests permettent d’évaluer le niveau de dépendance, comme le test de Fagerström :
1 / 11 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !