Souffle et respiration, l’importance du Prâna. Lorsque l’on manifeste le désir de faire du yoga, nous sommes souvent motivés par un problème de santé ou une insatisfaction existentielle… On se demande parfois « pourquoi suis-je là ? » ou « pourquoi ne suis-je pas heureuse ? » Le texte philosophique du Samkhya nous l’explique, nous sommes faits de matière. Comme tout ce qui nous entoure, nous sommes faits de terre, d’eau, de feu, d’air et d’espace, avec un agencement différent selon les espèces. Dans chaque espèce, nous avons également des différences qui nous rendent unique. Un problème de santé par exemple peut découler d’un déséquilibre de cet arrangement dans ses divers éléments. Alors nous pratiquons les postures pour retrouver l’harmonie. Nous imitons, avec les Asana, chaque chose du vivant qui nous entoure, animaux, végétaux, minéraux… mais aussi de grands maîtres yogis dont les postures portent leurs noms, cherchant à comprendre, ressentir puis imiter la qualité première de chacun d’eux. Par exemple, la faculté de ployer sans se casser de l’arbre, la stabilité immuable de la montagne, la détermination du guerrier, la concentration, tous sens de perception en alerte, du cobra, etc… Avec les postures, nous pouvons travailler les différents aspects qui nous composent : l’anatomie, la physiologie, le mental, l’émotionnel, le spirituel, à divers degrés. Dans la pratique du yoga, nous pouvons également agir sur ces diverses facettes, anatomique, physiologique, mentale, émotionnelle, spirituelle grâce à la respiration. Avec la respiration, nous influons sur l’énergie qui traverse notre corps. On appelle cette énergie Prâna. Patanjali, dans les Yoga-Sutra, nous explique l’importance de Prâna et de Prânâyâma dans le Yoga. Avec cet outil, nous pouvons agir de deux manières : a) soit en imitant ce qui nous entoure b) soit en agissant sur notre attention mentale. Pour le premier outil, (a), grâce aux postures, notre respiration se calque sur celle de chaque espèce, chaque élément du vivant ayant son propre rythme. Nous avons, selon les divers règnes : animal, végétal, minéral ou humain, un quota de respirations reçu à la naissance. Une fois ce quota épuisé, nous mourrons. Alliées aux Asana, les techniques de Prânâyâma nous aident à maîtriser notre souffle, à en ralentir le rythme et ainsi à rallonger notre vie. Pour le second outil, (b), lorsque nous prenons conscience de notre souffle, notre attention mentale se dirige vers le bruit fait par la respiration. Par effet de chaîne, nos idées tournant dans la tête ralentissent leur tourbillon, calmant à leur CFEYBANSURI - 20.03.2011 - Lucie Pfefferlé Page 1 tour nos fonctions physiologiques, notre rythme cardiaque s’abaisse, etc… en un cercle bénéfique. A l’inverse, une pensée un peu plus dominante nous attire, nous y ajoutons des émotions et lâchons-prise sur l’écoute de notre souffle… et la ronde s’accélère : d’abord au niveau du souffle qui devient plus court, faisant battre notre cœur plus vite. A son tour, notre corps physiologique s’emballe, nos pensées tourbillonnent… et le cercle, de bénéfique devient vicieux… Comme exemple de l’implication des pensées dans notre fonctionnement physiologique, prenez une pensée qui génère un sentiment de colère, vous pourrez la ressentir physiquement, à la longue, par une crise de foie. Une pensée, générant un sentiment de peur, par exemple un souci pour un proche, se traduira par une augmentation physique de la sécrétion de bile (se faire de la bile pour quelqu’un), et ainsi de suite… on a tous des exemples de ce genre à raconter. On comprend ici que notre mental influe sur notre physique et inversement. Nous avons donc pour l’instant deux outils pour rétablir notre équilibre, notre santé : les ASANA et les PRANAYAMA. Dans le mot Prânâyâma, il y a la notion de Prâna (énergie vitale créatrice) et la notion d’extension (ou de restriction) amenée par le mot Ayâma qui veut dire « aller vers » (mais aussi revenir de). On peut traduire Prânâyâma par « aller vers l’énergie créatrice» ou « retourner vers l’énergie créatrice » Vaste programme ! Prânâyâma est aussi appelé « Souffle ». Par l’observation de nos inspirations, dans la pratique, nous pouvons ressentir la répartition de l’énergie insufflée dans notre corps. Chaque respiration lente et consciente distribue de l’énergie dans chaque recoin de notre corps. Avec chaque expiration, nous pouvons imaginer ou ressentir l’évacuation de nos déchets…A l’écoute de ce mécanisme, nous écartons notre attention des désirs extérieurs, faisant taire les informations venant des sens de perception. Nous orientons ainsi notre attention vers notre vie intérieure. La respiration consciente calme l’esprit sans forcer. Cela nous apprend aussi l’humilité, nous rend à l’écoute de soi (à nouveau sur le corps, le mental, les émotions, la dimension spirituelle) et des autres, de manière bienveillante, nous met en lien. Cette pratique de la respiration, liée à la pratique posturale, nous amène naturellement au retrait des sens de perception Prathyâra. De cette maîtrise des sens découlera un état de concentration, appelé Dharana, l’attention convergeant sur un élément : le bruit de notre souffle, par exemple. CFEYBANSURI - 20.03.2011 - Lucie Pfefferlé Page 2 A force de répétition, Dharana, la concentration que l’on FAIT se transforme en méditation appelée Dhyana : l’état dans lequel on ne Fait plus mais on EST, tout simplement. Dhyana, la méditation, vécue dans des laps de temps de plus en plus longs amène, lorsqu’elle est vécue en permanence, à la libération, à l’état de Samadhy… Encore plus vaste programme ! Pour nous, pratiquant sur notre tapis, tout ceci semble lointain, hors de portée : une montagne infranchissable, labeur de toute une vie… et pourtant ! Cette harmonie que la pratique nous donne à entrevoir, à goûter, nous mène lentement, au fil des années, d’une action volontaire de prendre une posture à un changement radical de comportement, relié aux autres, relié avec toute la création. Cela nous renvoie aux Yâma et Nyâma, les deux premiers membres du Yoga de Patanjali qui se trouvent renforcés. Pour entamer une pratique du Yoga, nous devons déjà avoir un peu conscience de nos relations avec les autres et avec soimême… Peut-être est-ce cette conscience qui amène à la pratique ?!? Etre relié, voilà la définition du mot « Yoga ». On passe de l’action à l’être, de la Volonté de faire à « être en lien » avec autrui. ASANA et PRANAYAMA intègrent dans notre corps, dans notre tête, dans notre cœur, les textes philosophiques appris de manière intellectuelle, au début en tout cas. Pourtant il y a encore une difficulté : quand on aime, c’est facile ; quand on aime moins, ça se complique ! Le Yoga nous propose d’être en lien harmonieux aussi avec les êtres que l’on apprécie moins… avec la notion de Bienveillance. Patanjali, dans ses Yoga-Sutra, nous explique toutes ces étapes en détail. Cette évolution change aussi notre perception, notre compréhension de nousmême et du monde qui nous entoure. Chaque être vivant a sa propre évolution, son propre rythme aussi. Composés de la même matière, l’autre est un nousmême à un autre moment, en avance ou en retard selon les domaines, de sa transformation. Nous sommes tous en constante évolution. Prenons l’exemple d’une chaise faite de bois : il est facile de comprendre que ce bois qui la compose était, avant manufacture, un bel arbre majestueux au milieu de la forêt… même si la vue de la chaise fait oublier cette origine. Pense-t-on que cet arbre a d’abord été une graine tombée d’une pive, elle-même poussée sur un autre arbre ? Pense-t-on que cette graine a peut-être transité dans le tube digestif d’un oiseau ou d’un écureuil pour être à même de germer et se transformer ? Pourtant, il s’agit toujours de l’origine du bois composant la CFEYBANSURI - 20.03.2011 - Lucie Pfefferlé Page 3 chaise… Et cette chaise, un jour, sera brûlée, donnant de l’énergie pour chauffer ou cuire…, ses cendres seront rendus à la terre… qui un jour donnera les conditions propices à une nouvelle graine de pousser… L’être humain passe aussi par tous ces stades de transformation, plus ou moins harmonieux ou ragoûtants, selon les points de vue. En observant la ronde du monde créé de cette manière, on devient forcément plus humble, plus lié aux autres, en équanimité. Nous sommes dans le monde matériel. Nous n’avons d’autre choix que d’agir sur notre corps matériel dans son entier, remontant de nos couches les plus grossières à nos couches les plus fines, dans nos corps et enveloppes, chacun à son propre rythme de compréhension. Les textes du Samkhya, de la Bhagavad Gîtâ ou encore de la médecine indienne Ayurveda… nous expliquent la notion de Guna par les 3 qualités : Rajas, Thamas et Sathva. En simplifiant un maximum : Rajas est ce qui permet d’avancer, ce qui donne la vivacité, le mouvement Thamas est celui qui met des limites pour ne pas s’éparpiller, qui permet la réflexion, la stabilité Sathva est l’harmonie, celui qui permet l’état de félicité. Les trois Guna dosés de manière équilibrée font de nous des êtres rayonnant de sérénité. Mais le dosage parfait n’est pas une formule définie et identique pour tous, chacun de nous étant unique. A l’Origine, avant la création de la matière (encore une facette de la théorie de l’évolution développée dans la philosophie du Samkhya) les trois Guna étaient en harmonie. Leur déséquilibre permet la multiplicité et la beauté de la Nature… Cependant, avec trop de Rajas, nous sommes perpétuellement en mouvement, insatiables, insatisfaits, instables en résumé… En manque de Rajas, ce n’est guère mieux… Avec trop de Thamas, nous sommes difficilement mobiles, toujours fatigués, lent d’esprit et de décision, en complète inertie… En manque de Thamas, pas mieux non plus… Avec trop de Sathva, nous sommes déconnectés de la réalité matérielle (cela est compliqué pour assumer une famille par exemple) … En manque de Sathva, il y a peu de conscience et beaucoup d’ego… Notre travail en Yoga sert à trouver notre équilibre parfait… En intégrant ces différences, nous pouvons aussi mieux accepter l’altérité, chacun ayant sa propre alchimie. Heureusement d’ailleurs, cela donne du CFEYBANSURI - 20.03.2011 - Lucie Pfefferlé Page 4 piment… La vie ensemble est souvent difficile, du fait de nos différences…mais la difficulté est un moteur qui fait avancer. La pratique sur le tapis peut ainsi amener transformation, prise de conscience, ajustement et interrogation, à tous les niveaux ! Le but final étant bien sûr de retrouver l’harmonie, l’équilibre, d’apaiser le mental, les émotions et l’ego pour être à l’écoute de notre propre monde, d’avoir la vision de notre petite flamme intérieure, cette flamme de vie reçue lors de notre premier souffle, à la naissance. Ceci est notre seul lien tangible, concret, avec l’Origine de la Création. Lorsque nous regardons un dragon, ou un cracheur de feu dans les foires, nous voyons la flamme sans voir le dragon ou l’artiste qui se trouve à l’origine de ce feu. De la même manière, nous avons perdu de vue l’origine de notre feu intérieur, ébloui par la Création qui remplit notre quotidien. Cet oubli amène de l’insatisfaction : il est à l’origine de notre malaise, de notre mal « être » ici et maintenant. L’exemple du manège permet de comprendre pourquoi notre vision du réel n’est pas forcément le Réel : votre enfant a pris place sur un manège… Vous savez où il est assis, sur l’éléphant rose là-bas. Le moteur se met en marche, faisant tourner la machine de plus en plus vite… vous distinguez votre enfant avec peine… pour ne plus le voir du tout… Ce n’est que lorsque le carrousel ralentit sa ronde et s’arrête que la vision initiale réapparaît. Cette Origine, nous pouvons l’appeler Dieu ou le Créateur, ou tout ce que nous voulons selon nos croyances ou non croyances… AYAMA, cette partie du mot Prânâyâma, est l’extension du Prâna, du Souffle, de l’Energie de Vie… qui permet de remonter à l’Origine…, qui, grâce au support du monde créé, nous permet de retrouver notre Essence-même, d’être « en lien », en « YOGA » Voilà l’importance du souffle, de la respiration, du Prâna ! Cette dimension du Yoga au sens large est très souvent oubliée en Occident pour se réduire souvent à de la pratique anatomique. C’est déjà très bien de prendre un peu de temps pour soi, de respirer profondément, de conserver ou retrouver sa souplesse, de se sentir mieux dans son corps, … mais c’est incomplet. A la longue, il manque quelque chose. CFEYBANSURI - 20.03.2011 - Lucie Pfefferlé Page 5 Voici les grandes lignes de la formation BANSURI, en lien avec ce qui précède : Apprendre les postures avec les techniques de respiration en observant les effets anatomiques, physiologiques, mentaux, émotionnels, spirituels, avec des notions liées aux Guna, à l’Ayurveda Pratiquer régulièrement, assidûment, ces postures… dans un but de développement personnel puis dans un but d’enseignement : on transmet mieux ce que l’on connaît de l’intérieur Apprendre l’agencement des postures entre elles, avec les techniques de respiration, pour enseigner des séances complètes, équilibrées, à tous les niveaux de l’individu, dans un but thérapeutique mais aussi de recherche personnelle Développer la soif de recherche intérieure, la dimension spirituelle, pour être en « lien » avec soi-même, les autres et toute la Création Goûter aux saveurs de toutes les facettes de la philosophie indienne traditionnelle Augmenter les connaissances philosophiques grâce à l’apprentissage de toutes les voies de la tradition indienne, de la connaissance (cours de théorie), de l’action (la mise en pratique de la théorie, sur le tapis, dans la vie courante ou dans l’enseignement) et de la dévotion (par la recherche intérieure, l’intégration de la théorie intellectuelle en vibrations venant du cœur) Aborder des thèmes spécifiques tels que yoga de la femme enceinte, des enfants, des yeux,… … CFEYBANSURI - 20.03.2011 - Lucie Pfefferlé Page 6