Session 3 - 22
INTRODUCTION
L‟apport croissant des sciences humaines aux recherches académiques sur la consommation
marchande fait aujourd‟hui l‟objet d‟un consensus partagé des deux côtés de l‟Atlantique
(Arnould et Thompson, 2005), (Filser, 2008), (Badot et alii,2009). De même, tant en Europe
qu‟en Amériques et en Asie, les firmes mobilisent, parfois massivement, des études conduites
selon des méthodologies inductives, sociologiques, ethnologiques, et sémiotiques (Bergadaà et
Nyeck, 1992),(Mariampolski, 1999,2006), (Maggio-Muller, Evans, 2008). On constate partout
un ample et régulier mouvement qui déplace progressivement, année après année, la perspective
des chercheurs et des managers des questions des « prises de décisions et comportements
d‟achats » vers celles du « pourquoi de la consommation », du « Why of Consumption », selon le
titre d‟un ouvrage qui fit à l‟époque référence (Ratneshwar, Mick, Huffman, 2000). La Théorie
des Cultures de Consommation (CCT) devient désormais un cadre théorique usuel pour la
recherche et l‟application des méthodes du marketing. Cependant il a encore été peu observé, à
notre connaissance, comment les entreprises, notamment celles de l‟offre des biens de
consommation, ont su utiliser ces outils dans leurs démarches opérationnelles pour déterminer
leurs produits et leurs gammes et pour en assurer la communication sur des marchés particuliers.
Pourtant, un vaste champ d‟observation empirique, celui des stratégies dites « interculturelles »
(crosscultural marketing) (Usunier, Lee, 2009), permet de confronter les constructions
conceptuelles et méthodologiques de « la Théorie des Cultures de consommation » avec la façon
dont les entreprises traitent la dynamique des marchés appartenant à différentes aires de
civilisations, aux caractéristiques ethnologiques et linguistiques particulières. Bien qu‟évoquées
rapidement par Arnould et Thompson, (2005, p 874 et p 876), et surtout dans l‟optique de sous-
marchés « ethniques » au sein d‟un marché national, les questions posées par le développement
d‟offres culturellement différentes par rapport au marché d‟origine de la firme sont peu étudiées
sur un plan théorique. D‟autre part la littérature du marketing international s‟est assez
logiquement centrée sur les questions opérationnelles de l‟adaptation ou du maintien de l‟offre
initiale, selon un raisonnement « global/local », pour conclure le plus souvent à la pertinence des
stratégies « glocal ». (Usunier, 1992), (Douglas, Craig, Nijssen,2001), (Hsieh,2002),
(Croué,2006). En revanche, l‟étude des conditions sous-jacentes et des moyens employés pour
conceptualiser une offre nouvelle et adaptée à ces nouveaux segments de la demande est en
général peu approfondie. Souvent ressortent simplement de cette littérature à vocation
actionniste des descriptions d‟un heureux « bricolage » à partir d‟essais et erreurs empiriques des
responsables du développement international et/ou de la zone concernée.
L‟objectif premier de cette communication sera, à contrario, à travers l‟étude des opérateurs
internationaux et nationaux des marchés asiatiques du skincare, de montrer que non seulement
leurs succès et leurs avantages concurrentiels ne doivent rien au hasard, mais que leurs
démarches illustrent très souvent dans la pratique les nombreux résultats théoriques acquis dans
d‟autres domaines de recherches sur les cultures de consommation.
En effet, pour l‟entreprise confrontée à une culture et à une langue nouvelle, l‟enchâssement
(Polyani, 1957) de la consommation dans un contexte social et ethnologique devient non
seulement une évidence, mais une série de problèmes concrets à résoudre. Particulièrement en