Compte-rendu du colloque « Le contrôle fiscal des entreprises en France et dans l’Union européenne : quels enjeux ? » du 14 avril 2016 Michel Bouvier Président de FONDAFIP, Directeur de la Revue Française de Finances Publiques, après avoir remercié le Ministre Christian Eckert pour sa présence et pour avoir bien voulu accueillir pour la troisième année consécutive les travaux conduits au printemps par FONDAFIP sur la fiscalité, a également adressé ses vifs remerciements aux intervenants ainsi qu’à Olivier Fouquet et à l’équipe de FONDAFIP pour leur participation active dans l’organisation du colloque. Michel Bouvier a souligné que le contrôle fiscal et sa raison d’être prennent une importance particulière dans le contexte actuel de redressement des comptes publics et de la nécessaire compétitivité de notre économie. Il a relevé que si l’évasion fiscale découle certes d’une démarche volontariste de la part d’un certain nombre de contribuables, elle est aussi une conséquence logique de la mondialisation. Cette dernière nécessite de nous interroger sur la conception même de notre fiscalité et les transformations qui s’imposent. Christian Eckert, Secrétaire d’Etat, auprès du ministre des Finances et des Comptes publics, chargé du Budget a fait part de son plaisir d’accueillir les travaux de FONDAFIP sur un sujet aussi essentiel que celui du contrôle fiscal. Il a souligné la capacité de Michel Bouvier à réconcilier la technicité de la matière financière publique et la pédagogie dont il faut faire preuve dans ce domaine. Il a relevé la nécessité pour la fiscalité de parvenir à un équilibre entre deux attentes légitimes : une contribution nécessaire des entreprises et une prévisibilité fiscale indispensable à leur action. Il a rappelé que le contrôle fiscal a un caractère essentiel et que l’administration est pleinement mobilisée à cette tâche, l’action étant conduite au niveau national ainsi que dans le cadre européen. Il a aussi noté que l’actualité récente des Panama Papers souligne l’impératif de trouver des solutions durables et constitutionnelles. Dans son rapport introductif, Olivier Fouquet, Président de Section honoraire au Conseil d’État, est revenu sur un certain nombre de problèmes que soulève le contrôle fiscal. Il a notamment mis en avant les difficultés relationnelles qui peuvent exister entre l’administration et les entreprises. Celles-ci ont parfois l’impression d’être traitées comme des « fraudeuses » alors qu’elles peuvent se tromper ou chercher la voie fiscale la moins onéreuse tout en respectant la loi. Cette perception contribue à détériorer la relation entre ces partenaires et rend plus difficile le contrôle fiscal, au même titre que les redressements d’opportunité ou encore le manque de diligence de certaines entreprises qui ne facilitent pas systématiquement le travail des vérificateurs. Il a enfin salué le succès du rescrit tout en notant la nécessité de repenser son rôle aujourd’hui. Marie-Christine Esclassan, Professeur des Universités, Secrétaire générale de FONDAFIP, Directrice de la Revue Française de Finances Publiques, qui présidait la première table ronde « Droits et obligations des entreprises vérifiées » a remercié les intervenants et rappelé la dynamique qu’a connue la recherche d’un meilleur équilibre entre les droits et les obligations des contribuables au cours des trente dernières années. Martin Collet, Professeur à l’Université Panthéon-Assas Paris 2, dans un rapport introductif a souligné que les droits et obligations des entreprises vérifiées apparaissaient aujourd’hui relativement harmonisés. La pratique pose néanmoins plus de difficultés. Selon lui les résultats obtenus en matière de contrôle fiscal et publiés par le ministère des Finances et des Comptes publics ne valident pas la perception des entreprises d’un durcissement de l’attitude de l’administration fiscale et d’une dégradation du cadre juridique ces dernières années. Gérard Orsini, Président de la Commission juridique et fiscale CGPME, est intervenu sur la prise en compte des spécificités des petites et moyennes entreprises par le cadre juridique ainsi que la pratique du contrôle fiscal. Il a souligné qu’une entreprise est avant tout une aventure humaine et que la question fiscale est secondaire. Pour cette raison, le contrôle est vécu comme un « psychodrame ». L’entrepreneur ne peut certes pas ignorer la réalité, mais il pense d’abord à son métier. Le contrôle fiscal est perçu comme un « contrôle sanction » et apparaît trop souvent comme un contrôle à charge. Olivier Sivieude, Chef du service du contrôle fiscal de la Direction générale des finances publiques, est revenu sur les différents enjeux du contrôle fiscal pour l’administration, budgétaire d’une part et dissuasif d’autre part, le principe d’égalité devant l’impôt nécessitant des corrections au stade de la mise en œuvre de la législation. Il a rappelé que l’administration fiscale française avait pris un certain nombre d’engagements en termes de dialogue à l’égard des entreprises notamment dans la période récente. Adriano Di Pietro, Professeur à l’Université de Bologne, à propos du cadre juridique et de la pratique du contrôle fiscal en Italie souligné que les droits de l’entreprise sont davantage reconnus que par le passé et que la culture de l’administration italienne intègre davantage l’esprit de collaboration. Il a toutefois relevé certaines difficultés d’application des règles fiscales notamment celles issues de la jurisprudence. Marc Bourgeois, Professeur à la Faculté de droit de l’Université de Liège, qui présentait la pratique du contrôle fiscal en Belgique a souligné la nouvelle approche « client » de la relation entre le contribuable et l’administration et noté que le contentieux fiscal relève presque intégralement de l’ordre judiciaire, contrairement à la France. Claude Lopater, Expert-comptable, coauteur du mémento comptable Francis Lefebvre de 1988 à 2014, ancien membre du collège de l’ANC, qui animait la deuxième table ronde « Contrôle fiscal et connexion comptabilité-fiscalité », a souligné que cette relation est à la fois un trésor national, mais aussi un gâchis. Il convient alors, selon lui, de renouveler la pensée sur ces questions. Marie-Pascale Antoni, Directrice des affaires fiscales au MEDEF, s’est interrogée sur la connexion comptabilité-fiscalité. Elle a souligné qu’il s’agit là d’une préoccupation importante. Selon elle, les entreprises doivent avoir les moyens de réaliser leurs opérations de manière simple, ce qui passe autant par la connaissance des règles comptables et fiscales qui doivent être fixées en amont, que par leur clarté. Emilie Bokdam-Tognetti, Maître des requêtes au Conseil d’État, Rapporteur public, a observé que le droit fiscal n’est pas totalement indifférent au droit comptable, il l’est seulement dans la mesure où il le souhaite. La connexion comptabilité-fiscalité ne saurait cependant conférer aux règles comptables un objectif fiscal qu’elles n’ont pas, il s’agit davantage d’une harmonisation. Patrick de Cambourg, Président de l’Autorité des normes comptables, a rappelé que la France avait fait un choix dualiste en matière comptable, alors que beaucoup de pays n’ont pas opéré de distinction et choisissent de s’aligner sur les normes internationales. Philippe Arraou, Président de l’Ordre des Expert-Comptables, est revenu dans un premier temps sur l’établissement de la profession d’expert-comptable après la Seconde guerre mondiale. Il a relevé qu’aujourd’hui l’avenir de la profession semble davantage lié à la fiscalité qu’à la comptabilité. Yves Nicolas, Président du Département des marchés financiers de la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes, a rappelé que si la déontologie lui interdit en pratique tous conseils fiscaux, le commissaire aux comptes est néanmoins là, en tant qu’indépendant, pour réagir au contrôle fiscal. Michel Bouvier, Président de FONDAFIP, Directeur de la RFFP, a rappelé dans le cadre de la dernière table ronde qu’il présidait, que les sujets abordés dans celle-ci , à savoir la globalisation des échanges, l’économie du numérique, l’économie du partage, sont essentiels pour la compréhension du système fiscal actuel. Philippe Thiria, Consultant, ancien Directeur fiscal à Unilever France, a souligné que les prix de transfert sont un problème économique avec des conséquences fiscales. Le prix déterminé peut être le bon, mais il peut être aussi une manipulation. En réalité, c’est moins l’existence que la manipulation des prix de transferts qui est en cause. Il a ensuite souligné que si les Etats ont la volonté de coopérer, ils sont aussi en concurrence car les entreprises n’accepteront jamais la double imposition. Kevin Shoom, Chef d’unité au sein de la Division de la coopération internationale et de l’administration fiscale à l’OCDE, est revenu sur le contexte du projet BEPS. Lancé en février 2013, son objectif est de combler les failles entre les règles fiscales des différents pays. Il a présenté les grandes actions du projet ainsi que leur organisation. La première réunion à cet égard aura lieu les 30 juin et 1er juillet 2016 à Kyoto (Japon). Jean-Marie Monnier, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, à propos des difficultés de notre système fiscal à s’adapter aux nouvelles contraintes de l’économie moderne a souligné que système fiscal est mal adapté au nouveau capitalisme, ce qui engendre de nouvelles formes d’évitement. La mondialisation économique et financière se caractérise par la déconstruction des frontières physiques. Marc Lolivier, Délégué général de la Fédération du e-commerce et de la Vente à Distance, a noté le dynamisme de l’économie numérique. Aujourd’hui, plus de la moitié des français achètent sur internet. 85% des paiements sont concentrés autour de cinq sites. Face aux mutations rapides et profondes du e-commerce, des problématiques se posent en termes de fiscalité de la matière malgré une comparabilité relative avec le secteur du commerce traditionnel. Bruno Parent, Directeur général des finances publiques, dans son allocution de clôture a souligné que le contrôle fiscal se prête à des opinions, des passions. Ainsi l’idée qu’il y aurait eu un âge d’or du contrôle fiscal dans le passé, avec un contrôle beaucoup moins strict que celui d’aujourd’hui, lui paraît constituer un mythe. Certes de nouveaux instruments sont désormais mis à disposition des contrôleurs et l’administration peut avoir une meilleure connaissance des situations individuelles, de même que des moyens de preuve plus efficaces. Toutefois beaucoup trop de fantasmes subsistent visà-vis du contrôle fiscal et il appartient à l’administration d’objectiver les choses. Il a conclu qu’il est indispensable de favoriser le dialogue entre les différents acteurs concernés ainsi que de renforcer leurs droits et obligations respectifs. Compte-rendu réalisé par François Bonneville et Carine Riou