Vers la démocratie sanitaire dans le champ de la santé mentale – Jean-Luc Roelandt – avril 2002 4/60
PREFACE
Rares sont les professionnels de la psychiatrie qui disent ne pas travailler en réseau. Rares sont les
réseaux constitués et ordonnés. Le réseau par essence est volontaire, inter-individuel, et résistant. Il
résiste aux institutions et reste le plus souvent informel, sensible, intime. C’est le plus qui est
nécessaire aux établissements et aux institutions pour fonctionner. C’est dans la liberté qu’il se
constitue.
Historiquement, les associations loi 1901 ont été un puissant contre-pouvoir de l’administration de
l’hôpital psychiatrique. Elles ont souvent permis des actions dans la communauté, quand l’hôpital
était trop frileux à se redéployer. Elles ont permis la participation des soignants et des soignés –
terminologie de l’époque – à la psychiatrie institutionnelle. Elles ont été dépassées par les
associations de secteur faisant intervenir les élus locaux. C’est grâce à elles que les élus
s’intéressent à la santé mentale et peuvent gérer par cet intermédiaire l’insertion dans la cité, pour
les gens qui souffrent de troubles psychiques.
En juin 1991, une circulaire relative aux victimes de l’infection par le VIH crée les « réseaux ville-
hôpital » qui se développent sur des thèmes divers grâce à d’autres circulaires dans les années
suivantes. Les réseaux ville-hôpital, c’est travailler ensemble en commun avec une éthique
partagée.
En avril 1996, dans l’ordonnance mettant en place les Agences Régionales de l’Hospitalisation,
apparaît le terme « réseau de soins » et la possibilité d'appliquer ce mode d'organisation et de
coordination au champ de la santé mentale, afin de désenclaver la psychiatrie.
Pourtant, six ans après la publication des ordonnances, quasiment rien. Les professionnels et
usagers ne se sont pas emparés de cet outil. Pourquoi ? Plusieurs raisons peuvent être avancées.
Pour certains, pas besoin de réseau, il existe vraiment et depuis longtemps en psychiatrie : le
secteur n’est qu’un réseau. Pourtant, les secteurs de psychiatrie restent encore trop hospitalo-
centriques (80% des moyens sont dédiés au temps plein hospitalier) et de ce fait, personne ne
pousse à la roue les réseaux, les équipes étant persuadées que le secteur est un réseau à lui tout seul.
Et les associations d’usagers-patients sont très peu développées en France, contrairement aux
associations de familles, et elles ont peu l’habitude de prendre la parole et d'être écoutées.
Les réseaux ne se sont pas structurés peut-être aussi parce que les textes de financement ont été
fortement dissuasifs. Les réseaux qui ont essayé de se former et que nous avons rencontrés dans les
auditions sont en construction depuis 3 à 4 ans. Le seul qui se soit vraiment structuré dans les
Yvelines, a réussi grâce à une motivation très forte de son promoteur et des appuis non moins
importants.
Le réseau vient finalement, dans son organisation actuelle, tenter de mettre du lien entre des
personnes et des institutions qui devraient normalement toutes œuvrer dans le même sens, de façon
décloisonnée, en faveur du citoyen qui a besoin de soins, mais aussi d’insertion, d’hébergement, de
travail et de loisirs. Il a besoin souvent d’être entouré, il a besoin d’être réconcilié avec son
entourage ou d’accepter les ruptures. La dimension bio-psycho-sociale de l’homme qui a des
troubles psychiques nécessite ces liens. Or, les institutions sont cloisonnées et tout le travail actuel
est de mettre en place des tables de concertation, qui vont essayer de faire en sorte qu’elles se
parlent et se comprennent. Mais la décentralisation a malheureusement généré des structures
étanches et les conseils généraux gèrent du médico-social comme l’État, la santé étant coupée du
social. Evidemment une Agence Régionale de Santé permettrait plus de cohérence.
Les équipes de psychiatrie s’intéressent à toutes ces structures et se trouvent donc morcelées entre
public / privé, ville / conseils généraux / État, sanitaire et social.
Les élus ne se sentent pas compétents pour les problèmes de santé mentale, ayant été écartés de par
la loi de décentralisation, alors que leur implication est primordiale.