la démocratie sanitaire dans le champ de la santé mentale

LA DÉMOCRATIE SANITAIRE
DANS LE CHAMP DE LA SANTÉ MENTALE
La place des usagers et
le travail en partenariat dans la cité
Rapport remis au ministre délégué à la santé par le docteur Jean-Luc ROELANDT
12 Avril 2002
Vers la démocratie sanitaire dans le champ de la santé mentale – Jean-Luc Roelandt – avril 2002 2/60
TABLE DES MATIERESTABLE DES MATIERES
PREFACE 4
AVANT- PROPOS 7
Objet de la mission 7
Contexte 8
Méthode de travail 8
1. Groupe de travail 8
2. Auditions 8
3. Méthodologie 8
INTRODUCTION 9
1LES USAGERS 11
1-1 Le constat 11
1-1-1 L’émergence de la démocratie sanitaire 11
1-1-2 Les attentes des usagers 12
1-2 Un nouveau cadre juridique et institutionnel pour associer les usagers 13
1-3 Les spécificités liées à la maladie mentale 13
1-3-1 Les acquis récents 13
1-3-2 La place de l’usager dans les instances locales 15
1-4 Les recommandations 16
1-4-1 Financement 16
1-4-2 Formation 17
1-4-3 Représentation des usagers 17
1-4-4 Défense des droits 18
2LE TRAVAIL EN PARTENARIAT 19
2-1 Le cadre institutionnel et juridique 20
2-1-1 La longue marche de la psychiatrie de secteur vers la cité 20
2-1-2 Un nouveau cadre législatif et réglementaire pour le travail en réseau 22
2-2 Un état des lieux insatisfaisant dans le champ de la santé mentale 23
2-2-1 Les conseils de secteur sont peu développés 23
2-2-2 Le travail en réseau est rarement formalisé 24
2-3 Changer de paradigme 25
2-4 Les différents réseaux de soins actuels 27
2-4-1 Les réseaux de proximité 27
2-4-2 Les réseaux dits thématiques 28
2-4-3 Les réseaux inter-établissements de santé publics ou privés 28
2-5 L’enseignement des expériences déjà menées en santé mentale 29
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2-6 Les recommandations pour le développement du partenariat et le décloisonnement des pratiques en
santé mentale 48
2-6-1 Le développement du partenariat et le décloisonnement des pratiques au niveau régional et
départemental – niveau 1 48
2-6-2 Le développement du partenariat et le décloisonnement des pratiques au niveau du territoire pertinent
ou du bassin de santé – niveau 2 50
2-6-3 Le développement du partenariat et le décloisonnement des pratiques, au niveau communal ou
intercommunal – niveau 3 53
CONCLUSION 58
Remerciements 60
ANNEXES
Annexe 1 : membres du groupe de travail I
Annexe 2 : liste des personnes auditionnées II
Annexe 3 : participation au débat par des contributions écrites : IV
Annexe 3 – 1 : Laurent El Ghozi, adjoint santé au maire de Nanterre V
Annexe 3 – 2 : Martial Passi, maire de Givors XIV
Annexe 3 – 3 : commission extra-municipale en vue de l’insertion du handicap psychique au sein de la cité
(Nicolas Lalaux) XIX
Annexe 3 – 4 : pertinence de conseils de secteur opérationnels dans notre dispositif sanitaire (conférence des
présidents de C.M.E. de C.H.S.) XXI
Annexe 4 : boîte à outils pour le fonctionnement des réseaux : XXVIII
Illustration par des contributions écrites
Annexe 4 – 1 : réseau de santé mentale en milieu rural (R. Haize et P. Leprelle) XXXI
Annexe 4 – 2 : travail de réseau et conseil de secteur en santé mentale à Marseille (D. Boissinot Torres) XL
Annexe 4 – 3 : réseau handicap psychique Isère (ReHPI) (R. Mura) XLII
Annexe 4 – 4 : charte du réseau ICARE XLIII
Annexe 4 – 5 : réseau addictions Val de Marne Ouest XLV
Vers la démocratie sanitaire dans le champ de la santé mentale – Jean-Luc Roelandt – avril 2002 4/60
PREFACE
Rares sont les professionnels de la psychiatrie qui disent ne pas travailler en réseau. Rares sont les
réseaux constitués et ordonnés. Le réseau par essence est volontaire, inter-individuel, et résistant. Il
résiste aux institutions et reste le plus souvent informel, sensible, intime. C’est le plus qui est
nécessaire aux établissements et aux institutions pour fonctionner. C’est dans la liberté qu’il se
constitue.
Historiquement, les associations loi 1901 ont été un puissant contre-pouvoir de l’administration de
l’hôpital psychiatrique. Elles ont souvent permis des actions dans la communauté, quand l’hôpital
était trop frileux à se redéployer. Elles ont permis la participation des soignants et des soignés –
terminologie de l’époque – à la psychiatrie institutionnelle. Elles ont été dépassées par les
associations de secteur faisant intervenir les élus locaux. C’est grâce à elles que les élus
s’intéressent à la santé mentale et peuvent gérer par cet intermédiaire l’insertion dans la cité, pour
les gens qui souffrent de troubles psychiques.
En juin 1991, une circulaire relative aux victimes de l’infection par le VIH crée les « réseaux ville-
hôpital » qui se développent sur des thèmes divers grâce à d’autres circulaires dans les années
suivantes. Les réseaux ville-hôpital, c’est travailler ensemble en commun avec une éthique
partagée.
En avril 1996, dans l’ordonnance mettant en place les Agences Régionales de l’Hospitalisation,
apparaît le terme « réseau de soins » et la possibilité d'appliquer ce mode d'organisation et de
coordination au champ de la santé mentale, afin de désenclaver la psychiatrie.
Pourtant, six ans après la publication des ordonnances, quasiment rien. Les professionnels et
usagers ne se sont pas emparés de cet outil. Pourquoi ? Plusieurs raisons peuvent être avancées.
Pour certains, pas besoin de réseau, il existe vraiment et depuis longtemps en psychiatrie : le
secteur n’est qu’un réseau. Pourtant, les secteurs de psychiatrie restent encore trop hospitalo-
centriques (80% des moyens sont dédiés au temps plein hospitalier) et de ce fait, personne ne
pousse à la roue les réseaux, les équipes étant persuadées que le secteur est un réseau à lui tout seul.
Et les associations d’usagers-patients sont très peu développées en France, contrairement aux
associations de familles, et elles ont peu l’habitude de prendre la parole et d'être écoutées.
Les réseaux ne se sont pas structurés peut-être aussi parce que les textes de financement ont été
fortement dissuasifs. Les réseaux qui ont essayé de se former et que nous avons rencontrés dans les
auditions sont en construction depuis 3 à 4 ans. Le seul qui se soit vraiment structuré dans les
Yvelines, a réussi grâce à une motivation très forte de son promoteur et des appuis non moins
importants.
Le réseau vient finalement, dans son organisation actuelle, tenter de mettre du lien entre des
personnes et des institutions qui devraient normalement toutes œuvrer dans le même sens, de façon
décloisonnée, en faveur du citoyen qui a besoin de soins, mais aussi d’insertion, d’hébergement, de
travail et de loisirs. Il a besoin souvent d’être entouré, il a besoin d’être réconcilié avec son
entourage ou d’accepter les ruptures. La dimension bio-psycho-sociale de l’homme qui a des
troubles psychiques nécessite ces liens. Or, les institutions sont cloisonnées et tout le travail actuel
est de mettre en place des tables de concertation, qui vont essayer de faire en sorte qu’elles se
parlent et se comprennent. Mais la décentralisation a malheureusement généré des structures
étanches et les conseils généraux gèrent du médico-social comme l’État, la santé étant coupée du
social. Evidemment une Agence Régionale de Santé permettrait plus de cohérence.
Les équipes de psychiatrie s’intéressent à toutes ces structures et se trouvent donc morcelées entre
public / privé, ville / conseils généraux / État, sanitaire et social.
Les élus ne se sentent pas compétents pour les problèmes de santé mentale, ayant été écartés de par
la loi de décentralisation, alors que leur implication est primordiale.
Vers la démocratie sanitaire dans le champ de la santé mentale – Jean-Luc Roelandt – avril 2002 5/60
Le système public peut faire du soin indirect, compris dans ses missions, donc avoir du temps pour
le partenariat, alors que le privé est en général payé à l’acte.
L’étanchéité entre la psychiatrie infanto-juvénile et la psychiatrie générale n’est pas pertinente.
Les réseaux de soins ville-hôpital se sont développés pour toutes les pathologies invalidantes, car
les services de l’État sont cloisonnés entre eux, puis cloisonnés avec les collectivités locales, et l’on
aboutit à des services avec financements multiples.
Il existe 56 différents dispositifs sociaux, médico-sociaux et sanitaires sur le territoire1, peu de
coordination entre les enfants et les adultes, alors que c’est le même problème. Les résultats de ces
cloisonnements déclinés du plus haut niveau de l’État jusqu’au service de proximité sont
catastrophiques en termes d’efficacité et de service rendu.
Bref, pour essayer de pallier tous ces dysfonctionnements, ces cloisonnements, ces isolements,
dans lesquels l’usager ne se retrouve pas, un mot magique : « le réseau ».
Mais on ne doit pas confondre le secteur (qui est le mode d’organisation des soins
psychiatriques) et le réseau (qui est un outil de partenariat). « Partenaire » veut dire absence
d'hégémonie, place identique des uns et des autres, non hiérarchisée.
Or il faut bien comprendre que le réseau n’est pas une fin en soi, ni une philosophie : ce n’est
qu’un outil. Il n’arrivera jamais à faire se parler tous les décideurs et à souder l'alliance des
équipes sanitaires et sociales pour soigner et insérer l’usager qui en a besoin.
Le mot « réseau » présente l'inconvénient majeur, pour notre mission, d'être polysémique et
de signifier une chose différente pour chaque personne l'utilisant, en fonction de son
expérience, sa culture, son champ de référence, son histoire. Au fil du travail de notre groupe,
nous avons constamment buté sur cette difficulté à partager et se faire comprendre, car
chacun parlait d'un « réseau » différent. Il nous a donc semblé utile, afin de ne pas ajouter une
feuille de plus dans la confusion, de faire des recommandations simples, portant plus sur des
objectifs à atteindre et des principes à partager, que sur des recettes hégémoniques toutes
faites ou sur des orientations bureaucratiques et peu efficaces. Ces recommandations trouvent
des modèles de mise en œuvre dans les exemples de fonctionnement en réseau que nous avons
auditionnés. Chacun peut s'en inspirer pour développer sa propre pratique.
L'objectif à atteindre est le développement du partenariat et le décloisonnement des
pratiques, dans le cadre de la démocratie sanitaire.
Un des outils permettant d'y arriver est le travail en réseau, mais d'autres sont
nécessaires, aux différents niveaux d'implication de l'organisation sanitaire, sociale
et culturelle.
Les textes en vigueur permettent déjà de faire beaucoup. Je propose cependant un certain nombre
de réformes de fond, pour ne pas persister dans l'essaimage de milliers de réseaux dissociés :
créer des agences régionales de santé (ARS),
revoir les lois de décentralisation, en faisant participer les élus locaux aux politiques de santé
intégrant la santé mentale,
intégrer la santé mentale dans le champ sanitaire en général, comme une priorité de santé
publique
donner une responsabilité de santé au niveau communal aux élus locaux,
changer les statuts médicaux et paramédicaux leur permettant les soins indirects financés,
1 Cité par Claude Romeo (cf. annexe 2)
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