Féménias Olivier Introduction à la géochimie isotopique
Chapitre 1
1. Structure de la matière
1.1. Le noyau atomique
Que sont les isotopes ?
Un atome est constitué d’un noyau et d’un cortège électronique, le noyau
électronique étant lui-même composé de nucléons (protons et neutrons).
Un élément chimique est défini par un nombre de protons Z (Z=Numéro Atomique,
il varie de 1(H) à 92 (U) dans les éléments naturels).
9 Un noyau qui a un nombre donné de protons et de neutrons est un nucléide. Il
est caractérisé par le nombre de masse A, A=N+Z correspond au nombre total
de nucléons dans le noyau (protons + neutrons). N représente le nombre de
neutrons présents dans le noyau. Pour identifier un nucléide, on utilise la
notation suivante :
X
A
z
où X est le symbole chimique de l’élément en question.
9 Les noyaux d’atomes de différents éléments peuvent avoir le même nombre de
nucléons A. On les appelle des nucléides isobares.
exemple :
isobares 210
atome protons Z neutrons N électrons élément
Tl
210
81 81 129 81 thallium
Pb
210
82 82 128 82 plomb
Bi
210
83 83 127 83 bismut
Po
210
84 84 126 84 polonium
9 Les noyaux d’atomes de différents éléments peuvent avoir le même nombre de
neutrons N. On les appelle des nucléides isotones.
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Féménias Olivier Introduction à la géochimie isotopique
exemple :
isotones 20
atome protons Z neutrons N électrons élément
Cl
37
17 17 20 17 chlor
Ar
38
18 18 20 18 argon
Ca
40
20 20 20 20 calcium
9 Les nucléides isotopes d’un élément donné sont des atomes dont les noyaux ont
le même nombre de protons (Z), mais des nombres différents de neutrons (N et
bien entendu des nombre de masses A également différents). Puisque les
propriétés chimiques d’un élément sont déterminées par le nombre de ses
électrons, les isotopes sont chimiquement identiques, bien que leurs noyaux
aient des masses différentes.
exemple :
isotopes de l’uranium
atome protons Z neutrons N électrons abondance
U
234
92 92 142 92 0,0056%
U
235
92 92 143 92 0,718%
U
238
92 92 146 92 99,276%
Ca
K
Ar
Cl
S
P
Si
Al
Mg
Na
15
Ne
F
O
16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26
Ca37 Ca38 Ca39 Ca40 Ca41 Ca42 Ca43 Ca44 Ca45 Ca46
Ar37 Ar38 Ar39 Ar40 Ar41 Ar42 Ar43 Ar44
Ar34 Ar35 Ar36
K37 K38 K39 K40 K41 K42 K43 K44 K45
K35 K36
Ar33
Cl37 Cl38 Cl39 Cl40 Cl41 Cl42 Cl43
Cl34 Cl35 Cl36Cl33
S37 S38 S39 S40
S31S32 S34S35S36S33
P37 P38 P39
P30 P31 P32 P34 P35 P36P33
Si29 Si30 Si31 Si32 Si34 Si35 Si36
Si33
Al29 Al30 Al31 Al32 Al34Al28 Al33
Mg29 Mg30 Mg31 Mg32Mg28Mg27
Na29 Na30 Na31 Na32Na26 Na27 Na28 Na33
Ne25 Ne26 Ne27
F24 F25
O23 O24
Isobare 36
Isobare 40
Isotope Ne
Isotone 22Isotone 18
Isotope Na
Nombre de neutrons N
20
19
18
17
16
15
14
13
12
11
10
9
8
Nombre de proto
n
s
Z
Qu’est ce que la géochimie isotopique ?
9 C’est une branche de la géochimie qui s’intéresse plus particulièrement à
l’abondance et à la répartition des différents isotopes constitutifs d’un élément.
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Féménias Olivier Introduction à la géochimie isotopique
9 La géochimie isotopique utilise les comportements physiques naturels de ces
isotopes pour comprendre les mécanismes géologiques.
Dans quelles conditions utilise-t-on la géochimie isotopique ?
9 Les isotopes radiogéniques sont utilisés en géochronologie.
9 Les isotopes stables peuvent être utilisés comme géothermomètres.
9 De nombreux isotopes (stables et radiogéniques) sont utilisés comme traceurs.
1.2. La masse atomique
Les masses des atomes sont presque des multiples entiers de la masse de
l’atome d’hydrogène. En effet, la masse de l’électron est très petite par rapport à celle
du proton et la masse du neutron est pratiquement égale à celle du proton. Le nombre
de masse A est donc pratiquement égal à la masse d’un atome exprimé sous forme
d’un multiple de la masse du proton. Les masses atomiques s’expriment en fonction
de l’unité de masse atomique (u ou uma). Par définition, la masse de l’atome neutre
de l’isotope du carbone est égale exactement à 12 u. On convient aussi de définir
que 12g de l’isotope contient N
C
12
6
C
12
6A=6,02·1023 atomes (où NA est le nombre
d’Avogadro).
On trouve alors: 1 u = 1,660 54 · 10-27 kg
1 kg = 6,022 14 · 1026 u
Les masses du proton, du neutron et de l’électron sont :
mp = 1,672 64 · 10-27 kg = 1,007 276468 u
mn = 1,6749534 0 · 10-27 kg = 1,008 6654 u
me = 9,109534 · 10-31 kg = 0,000 55 u
Les masses atomiques qui apparaissent dans le tableau périodique sont les
moyennes pondérées selon les divers isotopes de chaque élément. Par exemple le
chlore a deux isotopes de masses approximatives 35u (75,4%) et 37u (24,6%). La
masse atomique indiquée est donc 35 (0,754) + 37 (0,246) = 35,5u. Le nombre de
masse A d’un isotope est numériquement égal à sa masse atomique exprimée en
unités de masse atomique et arrondie à la valeur entière la plus proche.
1.3. L’énergie de liaison
L’existence d’un noyau stable signifie que les nucléons sont dans un état lié.
Puisque les protons dans un noyau sont soumis à une forte répulsion électrique, il doit
exister une attraction encore plus forte qui les maintient ensemble et assure la
cohésion du noyau. La force nucléaire est une interaction à courte portée alors que
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Féménias Olivier Introduction à la géochimie isotopique
l’interaction électromagnétique est une interaction à longue portée. La force nucléaire
est la même pour tous les nucléons, quelle que soit leur charge.
L’énergie de liaison El d’un noyau est l’énergie nécessaire pour séparer
complètement les nucléons. L’origine de l’énergie de liaison peut s’expliquer à partir
de la relation masse-énergie (Einstein) :
²mcE Δ=Δ (c=299 792 458 ms-1)
m est la différence entre la masse totale des nucléons pris séparément (MT) et la
masse du noyau stable (MC). La masse d’un noyau stable étant inférieure à la somme
des masses de ses nucléons, l’énergie libérée lors de la formation d’un noyau stable
est égale au produit de cette différence de masses par c2. Pour séparer les nucléons, il
faut fournir une quantité au moins équivalente d’énergie.
L’énergie de liaison d’un nuclide s’exprime par :
X
A
Z
(
)
².cMME CTl
=
avec :
MT=Zmp+Nmn
MC= Zmp+Nmn-0.01504A+0.014A2/3+0.083(A/Z-Z)²/A+6.27 10-4Z²/A1/3+δ
Si A est impair, δ=0; si N et Z sont pairs, δ=-0.036/A3/4; si N et Z sont impairs,
d=0.036/A3/4. Les termes 3 et 4 décrivent l’interaction gravitaire d’un nucléon avec
ses proches voisins seulement, le terme 5 décrit la forte stabilité des noyaux pour
lesquels Z =N, le terme 6 corrige la répulsion électrostatique des protons, et d prend
en compte le degré de parité des configurations.
Si δ = 0, cette équation prend la forme d’une parabole aZ2 + bZ + C. Si δ est différent
de 0, elle combine deux paraboles. La figure 1 ci-dessus montre les deux cas de
figure, l’un pour l’isobare impaire 117, l’autre pour l’isobare paire 142. Lorsque Mc
est minimum, le défaut de masse est maximum et donc la quantité de masse mise en
commun sous forme d’énergie de liaison est maximale.
Pd
Ag
Cd
In Sn Sb
Te
I
Xe
Cs
Xe Cs
Ba La
Ce Nd
Pr
Pm Sm
Tb
Dy
Ho
Isobare 142Isobare 117
52 54 56 58 60 62 64 66 68
45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56
116.94
116.93
116.92
141.97
141.96
141.95
141.94
141.93
141.92
M
c
Z
Z
Une parabole pour l’isobare impaire 117 et deux paraboles pour l’isobare paire 142, Sn et Nd
représentent respectivement pour les famille d’isobares 117 et 142 les forme les plus stables.
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Féménias Olivier Introduction à la géochimie isotopique
En physique nucléaire, l’unité pour l’énergie, le Joule, est mal adaptée parce
qu’elle est tout simplement trop grande et peu pratique. Des énergies de liaison
ordinaires sont de l’ordre de 10-13J. Voilà pourquoi on introduit l’électron-volt :
1eV=1,6 10-19 J
C’est l’énergie qu’acquiert un électron lorsqu’on l’accélère à l’aide d’une différence
de potentiel de 1V.
On se sert très souvent du méga-électron-volt :
1MeV=1,6 10-13 J
D’après l’équation E=mc² on peut écrire que 1u de masse renferme la quantité E
d’énergie :
E=mc² =1u c² =1,66054 10-27 kg (2,9979 108 m/s)²=1,4924 10-10 J
E=931,49432 106 eV=931,49432 MeV
Ainsi : ²
49432,9311 c
MeV
u=
Energie de liaison par nucléon El/A
L’énergie de liaison moyenne par nucléon (binding energy per nucleon) pour
les noyaux stables est présentée sur la figure suivante. Cette énergie indique à quel
point un nucléon est lié au noyau. La courbe atteint un maximum d’environ 8,75 MeV
au voisinage de 56Fe puis décroît progressivement jusqu’à 7,6 MeV pour 238U. On
peut aussi constater qu’au dessus de A=30, l’énergie de liaison par nucléon reste à peu
près constante. Attention, « le modèle de la goutte » ne peut s’appliquer aux très petits
noyaux (leur masse mesurée a été introduite dans la figure jusqu’à la masse 7) car
l’analogie repose sur l’hypothèse qu’un assez grand nombre de nucléons est présent
dans le noyau. De même, la notion de liaison nucléaire n’a aucun sens pour
l’hydrogène dont le noyau ne comporte qu’un proton!!
Energie de liaison par nucléon en MeV vs.
Nombre de masse A (protons + neutrons).
L'énergie de liaison par nucléon représente
l'énergie à dépenser en moyenne pour
arracher un nucléon d'un noyau. C'est un
étalon de la stabilité d'un noyau. Cette
courbe de l'énergie de liaison en fonction
du nombre de nucléons porte le nom du
physicien anglais F.W.Aston, qui fut un
des pionniers des mesures de masse des
noyaux et obtint un prix Nobel en 1922.
Un classique de la physique nucléaire, la
courbe d'Aston montre que pour les
noyaux naturels il faut dépenser environ 8
MeV pour arracher un nucléon et que
l'énergie de liaison passe par un maximum de
8,8 millions d'électronvolts (MeV) pour le nickel-62 et diminue ensuite lentement pour atteindre 7,6
millions d'électronvolts pour l'uranium.
Fusion
Fission
Nombre de nucléons ou nombre de masse
Enérgie de liaison/nucleon en
M
eV
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 220 240
9
8
7
6
5
4
3
2
1
56
Fe
12
C
16
O
4
He
238
U
- 5 -
1 / 12 100%
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