EVALUATION DU PROFIL HEMODYNAMIQUE DES PATIENTS

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UNIVERSITE PARIS 13
FACULTE DE MEDECINE DE BOBIGNY
« Léonard De Vinci »
ANNEE 2004
N°
THESE
Pour le
DOCTORAT en MEDECINE
(Diplôme d’Etat)
Par
Monsieur Vinh-Trieu Alexandre NGUYEN
Né le 25 février 1973 au Viet Nam
Présentée et soutenue publiquement le 3 novembre 2004
EVALUATION DU PROFIL HEMODYNAMIQUE
DES PATIENTS TRAUMATISES GRAVES EN
REANIMATION PREHOSPITALIERE :
INTERET DE L’ECHO-DOPPLER OESOPHAGIEN
PRESIDENT DE THESE:
DIRECTRICE DE THESE:
RAPPORTEUR DE THESE :
MEMBRES DU JURY:
PROFESSEUR Yves COHEN
DOCTEUR Olivier RICHARD
PROFESSEUR Frédéric ADNET
DOCTEUR JEAN-LUC SEBBAH
DOCTEUR Didier CHALUMEAU
SOMMAIRE
INTRODUCTION
I.
PHYSIOPATHOLOGIE DU CHOC TRAUMATIQUE
A. Mise en jeu des réflexes sympathiques
B.
L’oxygénation tissulaire
C. Conséquences de l’ischémie tissulaire
1. Les phénomènes d’ischémie-reperfusion.
2. L’immunomodulation secondaire à l’hémorragie.
3. La vasoplégie.
II.
INTERET DU MONITORAGE HEMODYNAMIQUE
PRECOCE
III. TECHNIQUES DE MONITORAGE
A.
Technique invasive :
1. Le cathétérisme artériel pulmonaire
2. La mesure des variations respiratoires de la pression
artérielle
1
B.
Technique non invasive :
Echo doppler oesophagien
1.
Principe de mesure
2.
Description du matériel et procédure de mise en
place
Matériel.
Mise en place.
Acquisition des données.
Validation de la méthode.
3.
Limites de la technique
IV. ETUDE
Objectif
Matériel et méthode
Résultats
V.
DISCUSSION
VI. CONCLUSION
2
RESUME
ANNEXES
1.
Exemple de l’exploitation des données par le logiciel HemoSoft™
2.
Captures d’écrans de l’échodoppler oesophagien.
3
INTRODUCTION
Les traumatismes représentent l’une des premières causes de mortalité et
de morbidité dans le monde. En 1990, 5,1 millions de décès par traumatisme ont
été recensés, soit 10% de la mortalité globale mondiale (1, 2).
En France, par rapport aux Etats-Unis, nous disposons de peu d’études
épidémiologiques sur la mortalité et la morbidité dues aux traumatismes. L’une
des sources de statistiques disponibles concerne les accidents de la circulation
qui représentent la plus grande partie des morts violentes en France. Les
statistiques cumulées de l’Observatoire National Interministériel de la Sécurité
Routière recensent de 1991 à 2000 près de 80 000 personnes tuées et plus de 380
000 blessées sur la route. La mortalité prématurée, c'est-à-dire évitable avant
l’âge de 65 ans, due aux accidents de la circulation représente 20% de celle liée
aux risques individuels. Les accidents de la route constituent la première cause
de mortalité des jeunes de 15 à 24 ans, qui représentent 13% de la population
mais plus de 25% des tués sur la route, plus de 30% des blessés graves, près de
40% du total des pertes d’années de vie humaine dues à la mort routière. En
2000, 2 076 jeunes sont morts sur la route et plus de 9 000 ont été gravement
blessés (3)
La prise en charge de ces patients traumatisés graves représente donc un
enjeu majeur de santé publique. Notre système de santé, à travers les Services
d’Aide Médicale d’Urgence (SAMU) et leur effecteur, les Services Mobiles
d’Urgence et de Réanimation (SMUR), permet une prise en charge médicale
précoce des patients sur les lieux de l’accident et une orientation adéquate vers
les services hospitaliers.
4
L’évaluation de la gravité et la réanimation initiale du patient traumatisé
grave sont basées des paramètres, en dehors de l’examen clinique, souvent peu
pertinents comme la pression artérielle et la fréquence cardiaque
Les objectifs hémodynamiques qui en découlent sont difficiles à définir en
dehors de la prise en charge du traumatisé crânien grave pour lequel, l’objectif
consensuel est d’obtenir une pression artérielle moyenne (PAM) à 90 mmHg
(4)à fin d’assurer une pression perfusion cérébrale (PPC) suffisante (70 mmHg)
Dans ce contexte l’évaluation hémodynamique la plus précoce possible, le
dépistage et la correction d’un désordre hémodynamique éventuel semblent
importants afin d’assurer un état circulatoire suffisant.
L’avènement de nouveaux outils de monitorage hémodynamique non
invasif comme l’écho doppler oesophagien (EDO) ouvre de nouvelles
perspectives. L’EDO est utilisable très précocement. Il permet d’établir un profil
hémodynamique basé sur la mesure en temps réel du débit aortique, sur le calcul
des résistances vasculaires systémiques et sur la pression artérielle. A partir de
ces données une orientation thérapeutique peut être définie, remplissage
vasculaire ou soutien catécholaminergique, et l’efficacité du traitement peut être
évaluée en temps réel et en continu.
La thèse rapporte les résultats d’une étude préliminaire prospective. Cette
étude observationnelle a eu pour objectif de décrire le profil hémodynamique
des patients traumatisés graves, obtenu par l’EDO et d’évaluer l’impact
thérapeutique induit par ce type de monitorage. Elle a été effectuée au SAMU 78
entre 2001 et 2003 (n=19 patients).
5
Chapitre I : PHYSIOPATHOLOGIE DU CHOC
TRAUMATIQUE
6
« Un état de choc circulatoire se caractérise par un apport sanguin
périphérique globalement insuffisant, ce qui entraîne une souffrance tissulaire
par manque d’oxygène et de substrats nutritifs » Guyton (5) . Dans le choc
traumatique, l’hémorragie est la cause essentielle de diminution du volume
sanguin (hypovolémie).
Nous allons décrire les principaux aspects
physiopathologiques du choc hypovolémique post-traumatique.
A.
MISE EN JEU DES REFLEXES SYMPATHIQUES :
Il s’agit d’une réponse neuro-humorale initiale de l’organisme pour limiter
les effets de la baisse du retour veineux sur la pression artérielle et maintenir un
débit sanguin au niveau des organes vitaux. Ces réflexes sympathiques sont mis
en jeu de façon extrêmement rapide et leur activité est maximale en moins de
trente secondes.
Les barorécepteurs dont les afférences font relais au niveau du noyau du
tractus solitaire (NTS) à l’étage bulbaire vont rentrer les premiers en action. Ce
sont des mécanorécepteurs sensibles à la déformation des vaisseaux. Les
récepteurs à haute pression sont situés au niveau du sinus carotidien, de la crosse
aortique et du territoire splanchnique, et les récepteurs à basse pression sont
cardio-pulmonaires (ou volo-récepteurs).
A l’état de base, la stimulation permanente du NTS par les afférences
baroréflexes active les neurones parasympathiques et inhibe les neurones
sympathiques. L’effondrement de la pression artérielle et de la pression dans le
secteur à basse pression intrathoracique va entraîner la désactivation des
baroréflexes conduisant à une diminution du flux nerveux afférent vers le NTS.
7
Par conséquent, on observe une augmentation de l’activité sympathique
avec des effets importants :
! La vasoconstriction artério-veineuse
Elle permet une redistribution du débit sanguin et du transport artériel
en oxygène vers les circulations dites protégées que sont les
circulations coronarienne et cérébrale.
La stimulation sympathique n’entraîne pas d’effet vasoconstricteur
notable au niveau des vaisseaux cérébraux ou cardiaques. Cette
vasoconstriction touche préférentiellement les circulations musculocutanée, splanchnique et rénale.
Elle contribue à mobiliser le volume sanguin au niveau des circulations
capacitives pour augmenter le retour veineux. Elle favorise la
reconstitution du volume plasmatique par le biais d’une diminution de
la pression hydrostatique capillaire qui facilite le passage liquidien de
l’interstitium vers le secteur intravasculaire.
! L’augmentation de l’activité cardiaque (tachycardie) :
Elle est essentiellement due à une baisse du tonus parasympathique.
! La réponse hormonale :
Elle se traduit par la mise en jeu du système rénine-angiotensinealdostérone ainsi que l’élévation d’arginine vasopressine, va renforcer
l’effet vasoconstricteur et favoriser la réabsorption hydrosodée.
Ces réflexes sympathiques sont avant tout destinés à maintenir une
pression artérielle par le biais d’une augmentation de la résistance périphérique
totale, qui n’a pas d’effet sur le débit cardiaque.
8
Ainsi, lors du choc hémorragique, le débit cardiaque diminue
constamment avant que la pression artérielle ne commence à s’effondrer (figure
1).
Figure 1 : Démonstration des deux phases du choc hémorragique chez l’homme. Jusqu'à la fin
de la saignée, la pression artérielle (BP) est maintenue grâce à la vasoconstriction
(augmentation des résistances systémiques (TPR)) alors que le débit cardiaque (CO) diminue.
Puis, au cours de la syncope, le CO ne baisse plus, mais la pression s’effondre ainsi que les
résistances. D’après Barcroft et al (6).
9
Par ailleurs, il existe une phase de bradycardie paradoxale au cours du
choc hémorragique lorsque la spoliation sanguine s’approche de 50%. Cette
phase de bradycardie est liée à une hypotension artérielle et à une chute des
résistances périphériques due à une vasodilatation. Plusieurs mécanismes ont été
décrits. Celui qui semble être le plus important est une inhibition centrale de la
stimulation sympathique. La bradycardie pourrait correspondre à une réponse à
la diminution du volume ventriculaire notamment télésystolique par le biais des
mécano-récepteurs au niveau du ventricule gauche.
Dans ce cas, la bradycardie permettrait un meilleur remplissage
diastolique et serait, en association avec la baisse de la post-charge, un
mécanisme de protection myocardique.
B.
L’OXYGENATION TISSULAIRE.
Le transport de l’oxygène (DO2) est le produit du contenu artériel en
oxygène (CaO2) par le débit de perfusion tissulaire (Qt).
DO2 = Qt x CaO2 = Qt x (Hb x SaO2 x 1, 36 + PaO2 x 0,023) (ml/min)
Au niveau tissulaire l’extraction de l’oxygène (EO2) correspond au ratio
entre la différence artério-veineuse du contenu en oxygène et le CaO2 .
EO2 = CaO2 – CvO2 = VO2/DO2 (%)
CaO2
La consommation en oxygène (VO2) est donnée par le produit de la
différence artério-veineuse en oxygène et le débit de perfusion.
VO2 = (CaO2 – CvO2) x Qt (ml/min)
10
Nous constatons que les facteurs déterminants dans le transport de
l’oxygène sont le débit de perfusion, la saturation en oxygène et le taux
d’hémoglobine. La partie d’oxygène dissoute dans le sang est négligeable. Ainsi
lors du choc hémorragique, la chute du débit et du taux d’hémoglobine affecte le
transport de l’oxygène en créant une dépendance de la VO2 par rapport à la DO2
(seuil critique) et conduit à l’hypoxie tissulaire. D’autant plus que
l’hypermétamolisme induit par la réaction neuro-humorale augmente la
consommation de l’oxygène.
La redistribution du débit sanguin vers les organes vitaux va optimiser la
VO2 en augmentant l’extraction en oxygène, jusqu’à un seuil critique de DO2.
Ce mécanisme de réflexe protecteur va se faire au prix d’une
hypoperfusion des territoires splanchniques et musculo-cutanés, responsable
d’une souffrance tissulaire par hypoxie.
Chez un sujet normal de 70 kg dans des conditions d’activité normales,
l’EO2 est de l’ordre de 25%, pour une VO2 de 250 ml/min. Si la VO2 doit être
augmentée ou si la DO2 est diminuée, l’EO2 va s’élever jusqu’à environ 60-70 %.
Figure 2
Chez un sujet en état de choc, la pente de la courbe est moins raide et il
n’existe pas de plateau, ce qui témoigne d’une diminution de l’extraction dans
les tissus mais aussi de la dépendance de la VO2 vis-à-vis de la DO2. La
redistribution du débit sanguin permet donc d’augmenter l’EO2 en maintenant la
DO2.
11
Sujet en état de choc
Sujet normal
Figure 2 : Relation entre la VO2 et le DO2 chez le sujet normal et chez le sujet en état de choc
(7)
C.
CONSEQUENCES DE L’ISCHEMIE TISSULAIRE :
1.
Les phénomènes d’ischémie reperfusion :
Lorsque le seuil critique en DO2 est dépassé, le métabolisme oxydatif
cellulaire des nutriments ne peut plus se faire à cause de l’apport insuffisant en
oxygène. La cellule va mettre en jeu le métabolisme anaérobique pour assurer
une production minimale d’ATP. Cette glycolyse anaérobie va entraîner la
formation de
lactate et de protons qui conduit à une acidose locale puis
généralisée.
Il semble exister un phénomène adaptatif où les cellules seraient capables
de mettre en adéquation leurs besoins métaboliques et la production limitée
d’ATP par voie anaérobie. Ce phénomène est déclenché par la production
12
mitochondriale d’une espèce radicalaire d’oxygène (ERO), le peroxyde
d’hydrogène. La quantité d’ERO (anion superoxyde, peroxyde d’hydrogène,
radical libre d’hydroxyle, peroxyde nitrique) produite dépend de la durée de
l’ischémie et de la reperfusion. Lors de la reperfusion, les cellules vont être
soumises à un stress oxydatif intense avec le déséquilibre entre une production
importante d’ERO et les antioxydants endogènes.
Les actions des ERO sont multiples : peroxydation lipidique, altération
oxydative des protéines, lésions de l’ADN, inhibition de la chaîne respiratoire
mitochondriale. Ils participent aussi à l’activation de la réponse inflammatoire,
déjà induite par des lésions traumatiques, par la production des cytokines proinflammatoires, par l’expression de molécules d’adhésion leucocytaire et par
l’adhésion plaquettaire à la surface des cellules endothéliales.
L’endothélium constitue la première cible du phénomène d’ischémiereperfusion.
On observe une dysfonction précoce de la cellule endothéliale avec une
réduction de la formation et de la libération du monoxyde d’azote (NO) qui joue
un rôle essentiel dans la fonction de l’endothélium. Le NO inhibe l’agrégation
plaquettaire, joue un rôle d’antioxydant, limite l’adhésion leucocytaire au niveau
de la microcirculation et
diminue la respiration mitochondriale lors d’une
hypoxie cellulaire.
L’altération des cellules endothéliales aboutit à une atteinte de la
perfusion capillaire et à la constitution d’un œdème interstitiel, ce qui va
contribuer au développement d’une hypoxie tissulaire par le biais des troubles
de la diffusion de l’oxygène. (6, 7) figure 3
13
Figure 3 : L’influence de la distance intercapillaire sur le rapport VO2 et DO2 quand le
transport de l’oxygène est réduit par l’hypoxie (chute de la PaO2), par diminution du débit et
par anémie (7)
La dysfonction endothéliale provoque également une perte des propriétés
anticoagulantes de l’endothélium avec une activation de facteurs procoagulants
et l’apparition des phénomènes de coagulation intravasculaire.
2.
L’immunomodulation secondaire à l’hémorragie :
Le syndrome inflammatoire réactionnel initial est suivi d’un état de
dépression immunitaire innée et acquise associé à une augmentation de la
susceptibilité aux infections(8). L’importance de l’immunodépression est liée à
la sévérité de l’état de choc.
14
Elle se développe de façon très précoce. Il a été démontré une altération
des fonctions antimicrobiennes des macrophages dès le premier jour posttraumatique.
3.
LA VASOPLEGIE :
Après la vasoconstriction initiale, un choc hémorragique prolongé conduit
à une phase de vasodilatation. Cette vasodilatation est responsable d’une chute
de la pression artérielle. Elle est liée à l’action vasculaire des cytokines proinflammatoires. Cette vasodilatation est d’autant plus importante que le choc
hémorragique a été prolongé. (5, 9, 10)
Par ailleurs dans les suites d’un traumatisme cérébral, l’inactivation des
centres vasomoteurs conduit également à une vasoplégie.
Cette vasoplégie peut être corrigée par des catécholamines exogènes aux
quelles le muscle lisse vasculaire reste sensible.
Elle pourrait être responsable d’une distribution inadéquate du débit
cardiaque et contribuer au syndrome de défaillance multi viscérale.
En résumé nous avons vu que plusieurs facteurs interviennent dans la
constitution du choc hémorragique post-traumatique. En dehors de la gravité
des lésions traumatiques, de nombreux processus neuro-humornaux, cellulaires
et tissulaires aboutissent à un syndrome de défaillance multiviscérale. Figure 4
15
Figure 4 : Représentation schématique des processus physiopathologiques impliqués dans le
choc hémorragique (10).
16
Chapitre III : INTERET DU MONITORAGE
HEMODYNAMIQUE PRECOCE
17
Lors de la prise en charge d’un patient traumatisé grave, l’objectif initial
est d’évaluer le plus précisément possible son état hémodynamique. Dans la
pratique quotidienne, seuls les paramètres cliniques sont accessibles : l’état de
conscience, la coloration cutanée, les marbrures, la diurèse, la fréquence
cardiaque et la pression artérielle. Mais reflètent-ils avec pertinence l’état
hémodynamique du patient, surtout à la phase précoce ? Nous avons vu plus
haut que les mécanismes de régulation rentrent en action rapidement. Il s’agit de
la phase « compensée » avec le maintien d’une pression artérielle et la
redistribution du débit sanguin vers les organes nobles. Lors de ce stade précoce,
ces paramètres cliniques traduisent essentiellement la mise en jeu des systèmes
de régulation mais ne reflètent pas l’état circulatoire réel du patient.
En prenant comme exemple la pression artérielle, dans une série de 256
patients (traumatisés et post opératoires), Wo et al (11) ont observé une
mauvaise corrélation entre les variations de la pression artérielle moyenne et du
débit cardiaque. A la phase précoce, le coefficient de corrélation est de 0,50. Les
épisodes d’hypotension initiaux sont observés seulement 3 à 12 h après la chute
du débit cardiaque. Figure 5
Les auteurs ont trouvé également une corrélation médiocre entre les
variations de la fréquence cardiaque et celles du débit cardiaque, r=0,20.
La PAM et la fréquence cardiaque ne sont donc pas des paramètres
fiables, ils ne rendent pas compte fidèlement de l’évolution de l’état circulatoire
du patient. Figure 5.
18
Figure 5 : Corrélation entre les variations de la PAM (mean aterial-pressure), de la fréquence
cardiaque (heart rate) et celles du débit cardiaque indexé (CI).(11)
19
Certains auteurs ont constaté l’installation très rapide de défaillances
d’organes chez les patients traumatisés graves avec notamment des
complications infectieuses élevées (12-15). Ces défaillances d’organes sont la
conséquence d’hypoperfusion souvent occulte contribuant à l’activation du
syndrome de réponse inflammatoire systémique (SRIS) (8, 16). Ces syndromes
de défaillance multi viscérale sont responsables d’une surmortalité (8)
D’autres travaux ont démontré les bénéfices en terme de survie et de
durée d’hospitalisation d’une prise en charge précoce pour les patients
chirurgicaux à haut risque dans des conditions péri-opératoires (17, 18). Dans
les années 80 et début 90, Shoemaker a instauré le concept de « goal directed
therapy »
avec
des
valeurs
supra-normales
de
certains
paramètres
hémodynamiques (CI > 4,5 l/min/m², DO2 > 600 et VO2 > 170 l/min/m²) et
appliquées de manière précoce pour optimiser le transport de l’oxygène dans la
réanimation des patients en état de choc traumatique ou en post-opératoire de
chirurgie lourde (19, 20). Une méta-analyse reprenant 21 études cliniques
randomisées a montré une réduction de la mortalité significative en appliquant
ces objectifs « supra-normaux » et ce avant l’apparition de défaillances
d’organes. Figure 6. (21)
Même si ce concept est discuté (22, 23), certains auteurs montrent que
les patients chirurgicaux ou traumatiques pourraient bénéficier en terme de
survie d’une stratégie thérapeutique d’optimisation hémodynamique instauré le
plus précocement possible (17, 24, 25)
20
Figure 6 : Comparaison en terme de mortalité entre différentes études selon les objectifs
thérapeutiques et les délais de prise en charge.(21)
21
On retrouve cette notion essentielle de précocité thérapeutique dans
l’étude de Rivers (26) qui montre pour les patients admis pour sepsis sévère une
amélioration significative du pronostic vital (mortalité de 30,5% vs 46,5%,
p=0,009).
Dans cette étude, le protocole thérapeutique, établi dans les six premières
heures, vise une optimisation hémodynamique et d’oxygénation tissulaire en se
basant sur la pression veineuse centrale (PVC), la PAM et la saturation veineuse
centrale en oxygène (ScvO2).
Une prise en charge thérapeutique précoce et incisive semble donc un
élément déterminant. La prise en charge des patients en réanimation
préhospitalière doit partager cet objectif. Dans ce cadre, les nouveaux moyens
de monitorage hémodynamique non invasif doivent permettre un diagnostic
hémodynamique précoce, une orientation thérapeutique et un suivi en temps réel
des effets du traitement.
22
CHAPITRE III : TECHNIQUE DE MONITORAGE
23
A.
TECHNIQUES INVASIVES :
Nous ferons un bref rappel sur ces techniques qui ne sont pas adaptées
(cathétérisme artériel pulmonaire) ou pas encore accessible (la mesure des
variations respiratoires de la pression artérielle) en réanimation préhospitalière.
1.
Cathétérisme artériel pulmonaire (CAP):
Cette technique a été décrite en 1970 par Swan et Ganz. Elle permet de
mesurer le débit cardiaque (par thermodilution), les pressions auriculaire droite,
artérielle pulmonaire et la pression artérielle pulmonaire d'occlusion (PAPO). Il
permet également de mesurer les gaz du sang veineux mêlé dans l'artère
pulmonaire (SvO2, PvO2). Grâce à l'analyse des gaz du sang artériel
simultanément prélevés, il est possible de calculer des paramètres d'oxygénation
périphérique tels que la DO2, la VO2 ou l’EO2.
Cependant cette technique invasive, qui reste une technique de référence
dans la mesure du débit cardiaque, est sujette à plusieurs controverses sur ses
rapports bénéfice-risque pour le patient. L’étude prospective de Connors et al
(27) sur une série de 5735 patients admis en réanimation a montré une
augmentation de la mortalité associée à l’utilisation du CAP ainsi qu’une
utilisation des ressources plus élevée.
Richard et al, dans une étude randomisée récente chez 676 patients, ont
montré qu’il n’y avait pas de différence significative en terme de mortalité et de
morbidité associée à l’utilisation précoce du CAP (28).
Sur son impact thérapeutique, Sandham et al. n’ont retrouvé aucun
bénéfice thérapeutique directement lié à l’utilisation du CAP chez 1994 patients
chirurgicaux à haut risque (29).
Cette technique reste néanmoins pour beaucoup une technique de
référence de monitorage hémodynamique.
24
2.
Mesure des variations respiratoires de la pression
artérielle :
La mise en place d’un cathéter artériel radial ou fémoral permet un
monitorage fiable et continu de la PA. Ce monitorage permet également, chez
les patients sous ventilation contrôlée, de quantifier les variations de la PA
induites par la ventilation mécanique. Ces variations sont le reflet de la
précharge-dépendance du débit cardiaque. A chaque insufflation, la diminution
du retour veineux induit une diminution du VES du VD qui est transmise
quelques battements plus tard au VG entraînant une diminution cyclique du VES
du VG. Ces variations se traduisent par des variations proportionnelles de la PA,
quantifiables à partir des variations de la pression pulsée (PP) ou de la PA
systolique (PAS).
En se rapportant à la courbe de Frank-Starling (figure 7), si les variations
de la PA sont de grande amplitude, dues aux variations importantes du VES des
deux ventricules, la fonction ventriculaire se situe sur la partie ascendante de la
courbe. Le VES est donc précharge-dépendant et augmentera avec le
remplissage vasculaire.
25
Figure 7 : Courbes de Frank-Starling pour un ventricule dont la fonction est normale (courbe
A) ou altérée (courbe B). Courbe A : une modification (“1”) de la précharge entraîne une
variation importante du volume d'éjection systolique (VES) car le ventricule “travaille” sur la
partie ascendante de la courbe (“précharge-dépendance”). Une modification identique de la
précharge (“2”) ne modifie pas le VES car le ventricule “travaille” sur la partie plate de la
courbe (“précharge-indépendance”). Courbe B : pour une précharge identique (en “1”), la
“précharge-dépendance” du ventricule est réduite par rapport à celle du ventricule
“travaillant” sur la courbe A.
Variabilité respiratoire de la PAS :
La différence entre les PAS maximales et minimales au cours d’un cycle
respiratoire (VPAS) est décomposée en deux parties, delta down et delta up
déterminées par rapport à une PAS de référence mesurée au cours d’une pause
télé expiratoire prolongée. Des travaux de Coriat et al (30) puis de Tavernier et
al (31) chez les patients en choc septique ont montré qu’une valeur ∆down
supérieure à 5 mmHg permettait de prédire la réponse au remplissage vasculaire
(cela correspond à une élévation du volume d’éjection systolique de 15%).
26
Variabilité respiratoire de la PA pulsée (PP) :
PP = PAS – PAD.
Les 2 déterminants de la PP sont le volume d’éjection VG et la
compliance artérielle. La variabilité de la PP reflète plus fidèlement la variabilité
du volume d’éjection VG que la variabilité de la PAS.
Le seuil de variation de la PP au dessus duquel le patient est considéré
comme potentiellement répondeur au remplissage vasculaire est de 13% (32).
En résumé :
Figure 8 : Variations de la pression artérielle (PA) induites par la ventilation mécanique suivie
d'une pause téléexpiratoire (en fin d'enregistrement). Les principaux indices utilisés pour la
quantification des variations de la PA sont représentés. PP = pression pulsée. ∆ PP = variation
respiratoire de la PP. PAS = pression artérielle systolique. VPAS = variation respiratoire de la
PAS.
27
Bien que les paramètres issus de ce monitorage paraissent intéressants, il
n’existe à ce jour aucun appareil portable calculant le ∆ PP adapté à la
réanimation préhospitalière.
B.
TECHNIQUE NON INVASIVE :
ECHO DOPPLER OESOPHAGIEN (EDO):
Cette technique a été étudiée dès les années 70 et proposée comme une
alternative non ou peu invasive dans le monitorage hémodynamique (33, 34).
1.
PRINCIPE DE MESURE:
Le monitorage du débit aortique avec un écho doppler oesophagien est
basé sur la mesure instantanée du débit aortique descendant par l’effet Doppler.
Un faisceau d’ultrasons émis à une fréquence Fe après avoir traversé des
tissus, lorsqu’il frappe les éléments sanguins en mouvement, est réfléchi vers la
source avec une fréquence différente Fr. La vélocité des éléments sanguins V est
proportionnelle à la différence de fréquence DF et au cosinus de l’angle
d’attaque ∆ entre le faisceau des ondes et l’axe de vélocité du sang et à la
vélocité des ultrasons dans les tissus C.
V(t) = DF x C/2 x cos ∆
28
A chaque systole (t) on mesure la vitesse V(t) de la colonne sanguine à
travers une section de l’aorte descendante S(t). Cette vélocité est représentée par
une courbe. L’intégration de l’aire sous la courbe en fonction du temps va nous
donner une longueur de la section L.
Le débit instantané sur une section du vaisseau à l’instant (t) est donné par
la formule
Q(t) = V(t) x S(t) (cm³/s)
Le volume sanguin déplacé dans cette section de l’aorte à chaque systole
ou le volume d’éjection systolique (VES), s’obtient par la multiplication de cette
intégrale par la surface de la section. Cette dernière est calculée à partir du
diamètre de l’aorte D.
VES= Σ V (t) x S x dt
S= D² x Π/4
Vélocité (cm/sec)
L=ΣV (t)
S
ΣV(t)
Temps (sec)
ΣV (t)= intégrale temps x vitesse = seconde x cm/seconde = cm
= distance parcourue par la colonne de sang durant la systole
Figure 9 : Mesure du débit aortique
29
D
Le débit aortique descendant est le produit du volume sanguin déplacé à
travers une section de l’aorte à chaque systole par la fréquence cardiaque.
Enfin, pour que les mesures instantanées de la vélocité dans l’aorte
puissent être effectuées, il faut que le transducteur soit placé le plus près
possible du vaisseau et selon un angle connu par rapport à l’axe de circulation
sanguine.
Au niveau T4-T5 une portion de l’aorte descendante thoracique (ADT) se
trouve parallèle et à proximité immédiate de l’œsophage permettant de placer la
sonde Doppler en face de l’aorte.
30
2.
DESCRIPTION DU MATERIEL ET PROCEDURE DE
MISE EN PLACE:
Echo Doppler œsophagien
Nous utilisons dans l’étude l’appareil EDO : HemoSonic™ 100 - Arrow®
International dont le brevet a été déposé en 1978 par une équipe de l’INSERM
(U281) Lyon.
L’appareil possède une sonde flexible contenue dans une gaine en
chlorure de polyvinyl d’un calibre équivalent à une sonde gastrique (diamètre
externe de 6,8 mm et 610 mm de longueur).
Cette sonde peut être introduite par voie buccale ou nasale chez un patient
intubé-ventilé et sédaté. A l’insertion la sonde est protégée au préalable par une
enveloppe stérile en élastomère, biocompatible, à usage unique, grâce à un
31
système de montage sous vide. La partie distale de l’enveloppe est remplie d'un
gel conducteur permettant le couplage acoustique des transducteurs avec la paroi
œsophagienne.
Capteur échographique
TM
Capteur Doppler pulsé
Figure 10 : Présentation de la sonde Doppler oesophagien à côté d’une sonde nasogastrique
La sonde présente une extrémité distale souple en silicone qui facilite une
mise en place atraumatique et le maintien de la sonde dans l’œsophage.
Comme le montre la figure 10, elle est munie de 2 transducteurs piézoélectriques:
- un capteur distal utilisé pour la vélocimétrie Doppler pulsée : il
fonctionne à la fréquence de 5 MHz et permet de mesurer la vitesse des globules
rouges à l'intérieur de l'aorte grâce à une “largeur de porte” automatiquement
adaptée au diamètre du vaisseau. L'angle du faisceau ultrasonore avec la
direction de l'écoulement du sang est de 60°.
32
- un autre capteur plus proximal utilisé pour l'échographie en mode TM
(Temps-Mouvement). Il fonctionne à la fréquence de 10 MHz. Ce transducteur
est monté parallèlement à l'axe du flexible, pour être perpendiculaire au grand
axe de l'aorte. L'écartement de ces deux transducteurs a été déterminé à partir de
données anatomiques afin que les deux faisceaux ultrasonores se croisent le plus
près possible du centre de la section de l'aorte et sur la même région anatomique.
La sonde est reliée à un moniteur-calculateur affichant des informations
en temps réel.
Mise en place :
La profondeur de l’insertion peut être estimée en prenant comme repère le
3e espace intercostal.
On place les transducteurs au niveau du 3e espace intercostal juxta sternal
sur la cage thoracique (correspondant au niveau où aorte et œsophage sont
sensiblement parallèles), puis on déroule le flexible de la sonde le long du thorax,
du bord antérieur du muscle sterno-scléido-mastoïdien et, enfin, en arrière de
l'angle mandibulaire jusqu'aux fosses nasales ou jusqu'à l'arcade dentaire. La
sonde est alors introduite dans l'œsophage (par voie orale ou nasale) jusqu'au
repère ainsi obtenu.
La poignée est ensuite fixée sur un support articulé à la tête du patient
pour éviter une mobilisation de la sonde flexible. Ce support permet de tourner
la poignée autour de son axe pour aligner les capteurs face à l’ADT. Figure 11
.
33
Figure 11 : L’angle d’incidence du faisceau Doppler
Le transducteur écho TM permet une mesure exacte et en temps réel du
diamètre de l’aorte, ce qui est primordial dans la précision du débit aortique,
dans le repérage et la visualisation de l’aorte
La mesure du débit aortique demande une détermination de la section
aortique la plus précise possible à partir du diamètre du vaisseau.
[Q(t) = V(t) x S(t)]
L’appareil, grâce à son transducteur écho TM, apporte un gain de
précision pour la mesure du diamètre de l’aorte.
34
Figure 12 : Positionnement de la sonde d’EDO
35
Acquisition des données :
Le bon alignement des transducteurs est obtenu en visualisant le meilleur
signal doppler et les 2 parois de l’aorte grâce l’écho TM.
Figure 13 : a) Mauvais positionnement le capteur n’est pas face à l’axe
b) Bon positionnement des capteurs.
36
Une fois la position des capteurs validée par l’opérateur, l’appareil intègre
les données et donne les différents paramètres hémodynamiques mesurés ou
calculés :
! Paramètres mesurés :
" ABF : débit aortique
" Acc : accélération maximale en début de systole
" PV : pic de vélocité en systole
" Diam : diamètre de l’aorte
" HR : fréquence cardiaque
! Paramètres calculés :
" Sva : volume d’éjection dans l’aorte
" LVETi : temps d’éjection du ventricule gauche indexé à la
fréquence cardiaque.
" TSVRa : résistances vasculaires totales indexées au débit
aortique.
" CO : débit cardiaque
" CI : débit cardiaque indexé à la surface corporelle.
! Paramètre de source extérieure :
" MAP : Pression artérielle moyenne.
Les paramètres sont moyennés tous les 15 cycles cardiaques. Au cours de
l'enregistrement, la persistance de l'image des parois sur l'écran, le diamètre de
l’aorte ainsi que le signal Doppler permettent de s'assurer que la sonde ne s'est
pas déplacée.
Cette particularité est un gain pour la fiabilité des données
obtenues. Un profil hémodynamique complet est affiché sur l’écran en continu.
L’appareil offre par ailleurs la possibilité de visualiser les courbes de tendances
des données hémodynamiques étudiées et d’enregistrer tout événement clinique
ou thérapeutique susceptible de modifier le profil hémodynamique. Annexes 1.
37
Validation de la méthode
De nombreux travaux depuis 1985 (35) ont évalué l’EDO pour mesurer le
débit aortique en continu et en temps réel. Le débit aortique est estimé à 70% du
débit cardiaque.
Représentation des territoires irrigués par l’aorte descendante
Des études ont été menées en réanimation sur la faisabilité et la fiabilité
de cette technique comme moyen de monitorage hémodynamique non invasif et
continu, en comparaison avec la technique de référence de mesure du débit
cardiaque par thermodilution (36).
Dans une récente méta-analyse (37) portant sur 25 articles (de 1985 à
2000) traitant de la comparaison de la mesure du débit cardiaque par EDO et par
cathétérisme artériel pulmonaire (CAP), on retrouve un coefficient de
corrélation satisfaisant. Dix huit études ont retrouvé un coefficient de corrélation
38
r = 0.89, avec IC [0.52 ; 0.98]. Les meilleurs coefficients de corrélation ont été
trouvés dans les études utilisant des Echo doppler oesophagiens et les dernières
générations de doppler oesophagiens. Les biais de mesure ont été analysés dans
13 études avec une valeur médiane de -0.01l/min, IC [-1.38 ; 2 l/min].
L’étude multicentrique de Boulnois et Péchoux (38) utilisant un écho TM
couplé à un Doppler oesophagien pulsé (Dynemo™ 3000) sur une série de 90
patients en réanimation (311 mesures de débit comparatives ABF par EDO vs
CO par thermodilution) a montré un coefficient de corrélation de 0,89, avec un
biais de 0,06 L/min, et une limite d’agrément de -2,21 à 2,33.
La faisabilité de la méthode de l’insertion de la sonde jusqu’à l’obtention
du signal doppler est de 97% des cas sur les 558 patients des 25 études analysées.
L’utilisation de la sonde ne requiert pas de compétence particulière.
Cependant une courbe d’apprentissage est nécessaire. Lefrant et al (39),
après une étude menée sur 64 patients en réanimation, a estimé que la phase
d’apprentissage devait comporter au moins 12 patients.
Figure 14 : représentation selon pour la période d’apprentissage (39)
TD : thermodilution ; ED : Doppler œsophagien
39
Figure. 15 : représentation selon Bland et Altman pour la période d’évaluation après
l’apprentissage
La reproductibilité est excellente. Sur une série de 22 patients, Bernadin et
al (40) a démontré un coefficient de variabilité inter opérateur de 3,3 ± 1,6%.
La précision des mesures de débit nécessite d’obtenir un diamètre de la
section de l’aorte la plus exacte. La mesure du diamètre de l’aorte par l’EDO en
TM a été comparée à l’échocardiographie transoesophagienne (TEE) par Cariou
et al. (41) Figure 16.
40
Figure 16 : Mesure du diamètre de l’aorte par TEE et EDO (41)
Les mesures du diamètre par l’EDO et par TEE se situent respectivement
à 23,0 ± 2,8 mm et à 24,2 ± 2,7 mm (biais 1,1 mm et précision 1,4 mm). La
présence de transducteur TM permettant la mesure précise du diamètre aortique
représente un gage de fiabilité et de reproductibilité dans le monitorage des
variations du débit.
41
Dans cette même étude, Cariou s’intéresse aux variations du débit induites
par la dobutamine mesurées par l’EDO et la thermodilution. L’enregistrement
des variations de débit par l’EDO est concordant comparativement à celui fourni
par la thermodilution (coefficient de corrélation r = 0,8). Et l’EDO est assez
performant pour détecter les variations du débit cardiaque >13%. (41)
Figure 17 : Variations globales entre le débit aortique (ABF) et le débit cardiaque mesuré par
thermodilution (TD-CO). Tracé plein : biais, tracé en pointillé : limite d’agrément .(41)
42
Les limites de la technique :
Causes d’imprécision :
! La sonde doit rester parfaitement immobile dans l’oesophage. L’angle
entre le faisceau et le flux des globules rouges doit rester fixe (45° ou
60° selon le type d’appareil) pour obtenir une bonne précision de la
vélocité mesurée donc du débit. En effet, la formule du calcul de la
vélocité fait intervenir le cosinus de l’angle d’incidence du faisceau
ultrasonore sur l’aorte. Plus l’angle d’incidence est grand plus le risque
d’erreur dans la mesure de la vélocité et par conséquent le débit est
grand. Au niveau de la section de l’ADT entre T4 et T5, l’œsophage
est sensiblement parallèle à l’aorte. L’angle utilisé par l’appareil
HémoSonic 100 est de 60° par rapport à l’axe de l’ADT
! Le profil de vitesse des globules rouges dans l’aorte est plutôt
parabolique. Les globules rouges au centre du vaisseau vont donc plus
vite que ceux de la périphérie, ce qui va faire surestimer le volume
d’éjection systolique.
VES= Σ V(t) x S x dt
! Le diamètre de la section de l’aorte est primordial dans le calcul du
débit aortique. On peut estimer le diamètre de l’aorte à partir des
abaques ou normogrammes en fonction de la taille, de l’âge et du sexe.
Cette méthode d’estimation, utilisée par d’autres appareils sans
transducteur TM, peut être source d’imprécision supplémentaire pour
la mesure du débit aortique (42). En effet lorsque le débit baisse, la
surface de section aortique a tendance à diminuer.
43
Cette diminution ne sera pas prise en compte par l’appareil qui ne
mesure pas en temps réel le diamètre de l’aorte. Il en va de même
lorsque le débit augmente. Par conséquent, les variations de débit
seront sous estimées.
! L’estimation du débit cardiaque à partir du débit aortique mesuré selon
la répartition théorique, 70% du débit sanguin dans l’ADT chez un
sujet sain, peut être faussée. Ce rapport peut varier selon la situation
clinique : état de choc, drogues vasoactives.
Malgré ses limites, parmi les moyens de monitorage hémodynamique non
invasifs, l’EDO semble être la technique la plus prometteuse (43).
44
Chapitre V : ETUDE
45
A.
OBJECTIF :
Le but de cette étude prospective observationnelle est de décrire les profils
hémodynamiques (PHD) des patients polytraumatisés intubés, ventilés et sédatés
et d’évaluer l’impact thérapeutique induit par l’EDO en réanimation
préhospitalière.
B.
MATERIEL ET METHODE :
Type de l’étude : étude préliminaire prospective observationnelle
Période d’évaluation : l’étude s’est déroulée sur une période de 20 mois
(Avril 2001 à Janvier 2003).
Population étudiée :
La population était composée de 19 patients polytraumatisés intubés,
ventilés et sédatés pris en charge par le SMUR de Versailles.
Tous ces patients ont été intubés après une induction par séquence rapide :
Hypnomidate et succinylcholine. La sédation d’entretien était instaurée avec
midazolam et Fentanyl.
Méthode :
Le délai maximal imparti pour l’obtention d’un PHD devait être inférieur
à 15 minutes. Le temps d’obtention du signal a été étudié. Le PHD a été analysé
en fonction de la PAM et des paramètres hémodynamiques de l’EDO : débit
aortique (DAo) et résistances systémiques (TSVRa).
46
Afin de déterminer les PHD, les valeurs seuils ont été fixées à 90 mmHg
pour la PAM, 2,5 l/min pour le Dao et 1400 dyn.s.cm-5 pour les résistances
systémiques.
Pour la PAM la valeur de 90 mmHg a été fixée car en pratique la plupart
de nos patients polytraumatisés présentent également un traumatisme crânien
grave (TCG). Ce seuil est consensuellement admis car il permet d’assurer une
pression de perfusion cérébrale (PPC) supérieure ou égale à 70 mmHg.
Le DAo est estimée à 70% du DC. La valeur seuil du DAo est fixée à 2,5
l/min soit à un DC d’environ 3,6 l/min. Il s’agit d’un objectif de débit minimal
fréquement retrouvé dans la littérature.
Le seuil de résistances systématiques a été défini selon les limites données
par le constructeur.
Matériel :
L’appareil EDO utilisé était un HemoSonic 100™ - Arrow® International.
Les données ont été enregistrées et exploitées avec le logiciel HemoSoft®
Les données stockées sur des cartes mémoires sont exploitables sous
forme de tableaux compatibles Excel (Annexes 2).
Analyse statistique :
Les résultats sont donnés soit par la moyenne suivie de l’écart type, soit
par la médiane avec l’interquartile 25-75.
Un test de Wilcoxon signé Friedman a été utilisé pour comparer les
variations de PAM, DAo et TVSRa des patients dont le traitement a été guidé
par l’EDO.
Un p<0,05 a été jugé significatif.
Les analyses statistiques ont été réalisées à partir des logiciels Excel® et
Statview®.
47
C.
RESULTATS :
Présentation de la population :
L’âge moyen de la population était de 37,6 ± 17,8 ans. Le sexe ratio était
de 15 hommes et 4 femmes. Parmi ces 19 patients, 15 étaient polytraumatisés
avec traumatisme crânien grave (accident de la voie publique, chute de grande
hauteur), un blessé par arme blanche, un blessé par arme à feu, un avait une
section des membres inférieurs et un traumatisé crânien grave isolé.
Le score de Glasgow médian était de 6. Le score ISS moyen était de 35 ±
23.
Sur les 19 patients, 5 sont décédés après leur admission en réanimation
soit 26,3%. Trois d’entre eux sont décédés dans les 24 premières heures.
La durée moyenne d’hospitalisation en réanimation était de 16 ± 14 jours.
Le temps médian entre l’accident et l’obtention du PHD était de 75
minutes, IQ [60-90]. Le temps médian d’obtention du PHD après la mise en
place de l’EDO était de 6 minutes.
Tous les patients étaient intubés par les équipes du SMUR après une
induction par séquence rapide associant hypnomidate et succinylcholine. La
sédation d’entretien associait midazolam et Fentanyl. La position de la sonde
d’intubation était vérifiée par l’auscultation et la cinétique croissante de l’EtCO2.
Les patients avaient tous au moins une prise de tension artérielle non sanglante
toutes les 10 minutes et un monitorage en continu par oxymétrie de pouls.
Les paramètres hémodynamiques au moment du PHD étaient :
La fréquence cardiaque FC 90 ± 31 bpm, PAM 73 ± 24 mmHg, SpO2 96
±4%, EtCO2 35 ± 8 mmHg. A noter la grande disparité dont témoigne l’écart
type.
Et le taux d’hémoglobine était de 13,6 ± 2,6. g/dl.
48
Age moyen ± SD (ans)
37,6 ± 17,8
Sexe ratio H/F
15/4
GCS médian
6
ISS moyen ± SD
35 ± 23
Mortalité globale (%)
26,3
Séjour réanimation ± SD (jours)
16 ± 14
Tps médian (PHD / accident) (min)
75
[IQ 25-75]
[60-90]
Tps médian d’obtention PHD (min)
6 [3-9]
FC ± SD (bpm)
90 ± 31
PAM ± SD (mmHg)
73 ± 24
SpO2 ± SD (%)
96 ± 4
EtCO2 ± SD (mmHg)
35 ± 8
Hémoglobine (g/dl)
13,6 ± 2,6
Table 1 : Population de l’étude.
.
49
Description des PHD
TSVRa ≥ 1400 : n=3
≥ 2,5 : n=4
≥ 90 mmHg,n=8
Débit Aortique
TSVRa < 1400 : n=1
DAo (l.min-1) ?
< 2,5 : n=4
TSVRa ≥ 1400 :
n=4
Groupe 1
PAM
≥ 1400 : n=6
< 90 mmHg,n=11
Résistances
Systémiques
DAo ≥ 2,5 : n=2
DAo < 2,5 : n=4
TSVRa (dyn.s.cm5) ?
DAo ≥ 2,5 : n=3
< 1400 : n=5
Groupe 2
DAo < 2,5 : n=2
Figure 21 : les profils hémodynamiques. Les PHD inattendus sont en gris
50
L’interprétation des PHD obtenus révèle des profils inattendus chez 9
patients soit 47 % des cas, [IC95 : 25-69%].
Le premier type de PHD inattendu (groupe 1, n=4 patients) révèle un DAo
bas, des TSVRa hautes et une PAM normale. Ce type de profil révèle une
hypoperfusion occulte et peut correspondre à la réponse des systèmes de
régulation (réflexes sympathiques).
Le deuxième type de PHD inattendu (groupe 2, n=5 patients) révèle des
TSVRa basses avec une PAM basse et un DAo normal. Il s’agit donc un profil
vasoplégique Enfin, deux patients présentaient un PHD « catastrophique » :
PAM basse, DAo bas et TSVRa basses témoignant un état de choc grave très
précoce. Parmi ces deux patients, un décédera à l’hôpital peu de temps après son
admission.
Ces PHD peuvent être qualifiés d’inattendu car en l’absence de l’EDO les
patients du groupe 1 auraient été qualifiés comme ayant une hémodynamique
« stable ». Les patients du groupe 2 auraient été considérés comme
hypovolémiques et auraient été traités en première intention uniquement par le
remplissage vasculaire.
51
Impact thérapeutique
Chez onze patients, le traitement (remplissage vasculaire et/ou
catécholamine) a été guidé par l’EDO pendant la prise en charge.
Sur les 11 patients, 2 ont reçu uniquement un remplissage vasculaire. Les
autres patients avaient nécessité l’administration de catécholamines (Dopamine
et/ou adrénaline).
Les variations de la PAM, du DAo et des TSVRa avant et après traitement
ont été évaluées par un test de Wilcoxon signé Friedman (test non paramétrique
pour série appariée). Un p < 0,05 était jugé significatif.
Les variations de la PAM (60 à 70 mmHg) et du DAo (2,5 à 3,6 l/min)
étaient significatives avec un p respectivement de 0,004 et 0,036.
Les variations des TVSRa n’étaient pas significatives avec un p à 0 ,2885.
Les variations de ces différents paramètres hémodynamiques au cours du
traitement ont pu être observées en continu et en temps réel permettant d’adapter
la thérapeutique et d’en suivre les effets.
120
100
80
60
40
20
p=0.004
0
MAP initial
MAP after treatment
60 mmHg
72 mmHg
Figure 22: Variations de la PAM au cours de la prise en charge
52
8
7
6
5
4
3
2
p=0.036
1
0
A B F init ia l
A B F after
t re a t m e nt
2,5 l/min
3,6 l/min
Figure 23: Variations du DAo au cours de la prise en charge.
.
5000
4500
4000
3500
3000
2500
2000
1500
1000
500
0
P=0,2885
TSVRa initial
TSVRa after treatment
Figure 24: Variations des résistances systémiques avant et après traitement
53
Chapitre VI : DISCUSSION
54
Les patients polytraumatisés nécessitent une prise en charge précoce et
incisive. Néanmoins en réanimation préhospitalière les outils permettant
d’évaluer l’état circulatoire de ces patients sont peu pertinents (examen clinique,
PA, FC), alors même que tout retard dans la réanimation initiale peut conduire
rapidement à l’apparition d’un syndrome de défaillance multi viscérale. Dans ce
contexte les objectifs thérapeutiques sont difficiles à déterminer : l’objectif est-il
de normaliser la pression artérielle, et par quel moyen : remplissage ou
catécholamines ? Actuellement il n’existe pas d’arguments solides pour imposer
ou simplement orienter vers un objectif hémodynamique précis. L’avènement
d’outils de monitorage hémodynamique non invasif peut donner des premiers
éléments de réponse. Idéalement, un tel moyen de monitorage devrait être non
invasif, continu, instantané, automatique (sans calibration), non opérateur
dépendant, fiable, facile à mettre en place, sans risque d’infection et peu coûteux.
L’EDO est une technique de monitorage hémodynamique déjà évaluée en
réanimation préhospitalière (44) et dans certains services d’urgence (45). Son
utilisation après une courbe d’apprentissage nécessaire est aisée (39) avec un
taux de réussite élevé (97%). La fiabilité des mesures obtenues a été démontrée
dans plusieurs études (38, 41). En réanimation préhospitalière, le taux de
réussite est évaluée à 90% (46).
Le temps moyen d’obtention du signal étant de 7 minutes. Il ne retarde
pas la prise en charge du patient. Cette technique peu invasive et atraumatique
est utilisable chez les patients polytraumatisés, intubés, ventilés et sédatés.
Jusqu’alors pour les patients traumatisés graves, peu de données
hémodynamiques précoces étaient disponibles. Blow et al (16) utilisant la
technique de CAP chez les patients traumatisés ont montré que les délais de
mise en place de la Swan Ganz pouvaient être très longs.
55
Ceci était du aux contraintes de la technique, au manque de temps et
d’accès au patient (prise en charge chirurgicale, attente aux urgences…). Ainsi
le meilleur délai entre la survenue de l’accident et la mise en place d’un
monitorage hémodynamique était de l’ordre de 625 minutes en moyenne. Figure
25. Ces premières données hémodynamiques ne permettaient pas de prévenir les
défaillances d’organes avant leur installation en dépistant les épisodes
d’hypoperfusion. Dans un même ordre d’idée, Lefrant et al (39) ont trouvé pour
les patients nécessitant la pose d’un CAP un temps médian de 120 minutes entre
l’indication posée, la préparation, le cathétérisme, la collecte des données
hémodynamiques et la thérapeutique induite.
Figure 25 : Délai de mise en place de la Swan-Ganz par rapport au moment de survenue du
traumatisme et à l’admission. [13]
Dans notre étude l’EDO a permis d’obtenir des données hémodynamiques
très précocement puisque le temps moyen entre le moment de l’accident et
l’obtention d’un PHD est de 75 minutes (IQ [60-90]). Ce qui a permis d’établir
un diagnostic hémodynamique et une orientation thérapeutique.
56
A partir des données hémodynamiques obtenues par l’EDO (DAo, TSVRa)
et la mesure de la PAM, nous avons trouvé un PHD inattendu dans près la
moitié de la population de l’étude. Deux types de PHD inattendu se dégagent.
1) Les hypoperfusions occultes avec une PAM normale mais un DAo bas,
et des résistances hautes. Ce type de PHD concerne les patients chez qui
les mécanismes de régulation ont été mise en œuvre (réflexes neurohumoraux).
L’identification de ce type de profil à la phase précoce
permet d’orienter la thérapeutique, en raisonnant en terme de débit et non
plus en pression seulement. Cette démarche vise à assurer un transport en
oxygène minimal afin d’éviter la survenue de défaillances d’organes.
Dans d’autres cadres, certains auteurs ont démontré une diminution de la
morbidité et de la mortalité chez les patients traumatisés ou de chirurgie à
haut risque en adoptant une démarche de monitorage hémodynamique
précoce et une thérapeutique incisive (17, 18, 25, 47).
2) Les patients vasoplégiques avec une PAM basse et des résistances basses.
Il s’agit des patients polytraumatisés présentant tous un TC grave chez qui
les lésions cérébrales peuvent être responsables d’un état de choc
neurogénique. L’ischémie cérébrale au-delà d’un certain temps (10-15
minutes) entraîne une inactivation des réflexes sympathiques (48). On
peut souligner aussi l’effet des agents anesthésiques qui peuvent déprimer
les centres vasomoteurs du tronc cérébral. Chez ces patients, maintenir
une pression de perfusion cérébrale est un objectif primordial. Toute
hypotension prolongée aggrave l’ischémie cérébrale et est un facteur
majeur de mauvais pronostic. D’après les données de la Traumatic Coma
Data Bank la mortalité est de 60% pour les patients ayant présenté une
hypotension artérielle systolique inférieure à 90 mmHg (49). Pour ces
patients l’EDO permet une orientation thérapeutique rapide vers un
57
soutien catécholaminergique afin d’éviter les conséquences des agressions
cérébrales secondaires d’origine systémique.
L’utilisation
de
l’EDO
permet
donc
de
faire
un
diagnostic
hémodynamique dans les meilleurs délais. La thérapeutique peut être guidée à
partir de ces profils hémodynamiques. Quelque soit la thérapeutique instituée
(remplissage ou amines) l’échodoppler oesophagien permet un suivi en temps
réel des effets du traitement.
Dans notre étude, l’impact thérapeutique a été significatif (augmentation
du DAo et de la PAM). L’effet du traitement a été suivi en temps réel. Comme
nous avons vu plus haut, la technique a été validée par rapport au CAP dans
plusieurs études pour suivre les variations du débit aortique au cours du
traitement (41, 47). Sur les 19 patients, l’EDO a guidé la thérapeutique pour 11
d’entre eux. Les choix thérapeutiques ont été faits en fonction des données
obtenues : remplissage et amine ou remplissage seul.
Cette étude observationnelle avec les limites méthodologiques qui en
découle montre la faisabilité de la technique dans le contexte de la réanimation
préhospitalière. Actuellement peu de données sont disponibles sur l’évaluation
de l’état hémodynamique dans cette phase très précoce de la prise en charge des
traumatisés graves (50 , 51). La validité de la technique comme outil de
monitorage hémodynamique a été clairement démontrée par de nombreuses
études utilisant les différents types d’appareil. Par rapport aux autres techniques
(CAP, échocardiographie transthoracique et transoesophagien), la précision de la
mesure du débit cardiaque avec l’EDO n’est ni meilleure ni pire. Néanmoins, les
données hémodynamiques obtenues ne peuvent être considérées comme
absolues et ne doivent pas être interprétées isolément. Leur interprétation
découle du bilan clinique global de chaque patient et des connaissances
physiopathologiques. Une étude de Jain et al à partir de questionnaire présentant
58
des cas cliniques avec des données hémodynamiques issues du CAP et/ou de
l’échocardiographie, soumis à deux collèges d’expert de réanimation, a montré
une hétérogénéité quant à l’interprétation des données, la décision prise en
conséquence et le type de thérapeutique préconisée.
Notre étude n’a pas pour objectif de démontrer les bénéfices en terme de
survie des traumatisés graves avec l’utilisation de l’EDO. Elle montre en
revanche, outre la faisabilité et l’inocuité de la technique, l’utilité d’un tel outil
de monitorage et de diagnostic dans une prise en charge thérapeutique raisonnée
chez les patients critiques. Dans un éditorial, De Backer, suite aux résultats de
l’étude de Jain, a écrit: « tandis que la technique (CAP) peut être utile pour
guider la thérapeutique, son impact sur le pronostic ne dépend que de l’efficacité
du traitement entrepris. Cela indique qu’un effort d’enseignement majeur est
requis, pas seulement pour interpréter les données obtenues du CAP, mais aussi,
et peut être encore plus important, pour la physiopathologie des altérations du
système circulatoire et la thérapeutique qui en découle ».(52)
Certains
d’évaluation et
paramètres hémodynamiques de l’EDO sont en cours
ouvrent des perspectives intéressantes. Ainsi, l’analyse des
variations respiratoires du pic de vélocimétrie (PV) peut nous renseigner sur la
précharge et ainsi prédire la réponse au remplissage vasculaire. L’étude
expérimentale de Slama et al (53) montre que les variations du PV sous
ventilation mécanique sont très sensibles aux variations de la volémie et surtout
à la chute de cette dernière (r=0,89, p<0,001). De la même façon, Feissel et al
(54) ont démontré dans une étude avec 19 patients en choc septique que les delta
PV >12% constituent une valeur prédictive positive de 91% pour la réponse au
remplissage vasculaire. Si le delta PV est inférieur ou égal à 12% cela représente
une valeur prédictive négative de 100% pour la réponse au remplissage
vasculaire.
59
L’accélération moyenne (Acc) serait un bon reflet de la contractilité
myocardique (55). Des études portant sur les variations du temps d’éjection
ventriculaire gauche indexé (LVTEi) comme indicateur de la fonction
ventriculaire
gauche
lors
du
remplissage
d’évaluation.(56)
60
vasculaire
sont
en
cours
CONCLUSION
La prise en charge des patients traumatisés graves en réanimation
préhospitalière requiert la mise en œuvre d’une stratégie thérapeutique incisive,
précoce et raisonnée en s’appuyant sur les paramètres cliniques et
hémodynamiques de chaque patient. L’objectif est de prévenir la survenue d’une
hypoxie tissulaire qui peut conduire au syndrome de défaillance multi viscérale.
Dans ce contexte, l’écho doppler oesophagien, une technique de
monitorage hémodynamique non invasive, semble prometteuse. Accessible en
réanimation préhospitalière à condition de respecter une courbe d’apprentissage,
elle permet d’obtenir très précocement un profil hémodynamique basé sur le
débit aortique, la pression artérielle moyenne et les résistances systémiques. Dès
lors le médecin peut orienter la thérapeutique grâce à ces paramètres et suivre en
temps réel les effets du traitement entrepris.
61
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