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Le logement est une question de santé publique
2016
introduction
« Quand on est malade, on reste à la maison, mais quand c’est le logement
qui rend malade ? » C’est par cette campagne de sensibilisation lancée
en 20071 que la Fondation Abbé Pierre souhaitait attirer l’attention des
citoyens sur les dégâts du mal-logement en matière de santé. À travers ses
actions, la Fondation mesure en effet la prégnance des problématiques
de santé chez les mal-logés — qui apparaissent aussi en filigrane de
ses analyses dans les rapports annuels successifs sur « L’État du mal-
logement en France ». Il était donc nécessaire d’y consacrer un chapitre à
part entière, tant les liens entre mal-logement et santé sont importants
et divers, mais sans faire toujours l’objet d’une attention suffisante dans
les réponses apportées aux personnes.
Les liens entre problème de logement et de santé sont évidents lorsque
l’on se penche sur les conditions de vie et l’état de santé des personnes
sans domicile, qu’elles dorment à la rue ou en habitat de fortune, ou
encore qu’elles « tournent » entre les différentes formes d’hébergement
proposées par les dispositifs publics (accueil d’urgence et de stabilisation,
hébergement d’insertion, hôtels…). Il en va de même pour tous ceux qui
vivent en bidonvilles, bien souvent des familles avec enfants, dans des
conditions sanitaires les plus rudimentaires et inacceptables. On pense
aux ménages contraints d’habiter des logements insalubres, humides
ou très dégradés, avec toutes les conséquences délétères connues sur le
plan sanitaire (saturnisme, asthme, bronchites chroniques, allergies…),
sans compter les risques d’accidents domestiques.
Les impacts du mal-logement sur la santé sont multiples et d’intensités
variables (pathologies, handicaps, syndromes ou troubles). Ils se
développent à différents niveaux, que ce soit sur le plan de la santé
physique ou mentale, mais aussi du bien-être. Nous nous réfèrerons
ici à la définition de la santé donnée par l’OMS dans sa Constitution de
1946, dans une approche extensive qui ne renvoie pas uniquement à
« l’absence de maladies ou d’infirmité » mais plus largement à « l’état
de bien-être physique, mental et social2 ». De ce point de vue, il y a fort
à craindre que l’absence de réponse aux situations les plus graves — à
l’heure où l’ensemble des dispositifs d’aide sont saturés3 (115, secteur
de l’hébergement, demande Hlm…) — conduise à aggraver de façon
considérable l’état de santé de ceux qui sont déjà les plus vulnérables.
Nombreuses sont les études à avoir montré que la précarité était un
1 Campagne de sensibilisation réalisée à l’occasion du lancement du programme « SOS Taudis » de la
Fondation Abbé Pierre.
2 En 1952, l’OMS donne la définition suivante de la santé publique : “La santé publique est la science
et l’art de prévenir les maladies, de prolonger la vie et d’améliorer la santé et la vitalité mentale et
physique des individus, par le moyen d’une action collective concertée visant à assainir le milieu ; lutter
contre les maladies ; enseigner les règles d’hygiène personnelle ; organiser des services médicaux et
infirmiers en vue d’un diagnostic précoce et du traitement préventif des maladies ; mettre en œuvre
des mesures sociales propres à assurer à chaque membre de la collectivité un niveau de vie compatible
avec le maintien de la santé. »
3 Voir sur ce point le chapitre 1 du rapport 2015 sur L’État du mal-logement en France : « Vivre aux portes
du logement. Détresse des personnes, défaillances des dispositifs ».