Dialogue de Crise

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Présentation dans le cadre du Colloque « Agir face
à la Crise », Lausanne, 8 février 2011
Alexia Stantzos, Gilles Bangerter, Bertrand Graz
HES-SO – UNIL
Le Dialogue de Crise
(DdC)
Un travail spécifique sur les
premiers instants de l’épisode
psychotique, une expérience
indicible
Alexia Stantzos, Gilles Bangerter, Bertrand Graz HES-SO – UNIL - Lausanne, 2011
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Naissance de la folie ordinaire
  Entre 15 et 25ans
  1% de la population humaine
  Une expérience interpersonnelle
  Psychose ? Schizophrénie ? Bouffée délirante ? Trouble psychotique bref
Parler avec les fous ?
  L’approche de ces personnes est difficile. Certains chuchotent et
sont peu audibles, d’autres agités ou distraits répètent nos
questions ou refusent de parler, d’autres sont fatigués ou prostrés.
(…) La rupture qu’ils vivent, indescriptible pour eux est
incompréhensible pour nous.
Henri Grivois extrait de « lettre aux équipes d’urgence psychiatrique » Mars 2010
2
Le dialogue de crise (DdC):
Quand ?
  Contact étrange, difficile, impossible
  Bizarrerie
La problématique de départ
  Episode psychotique aigu = épisode traumatique majeur, à l'origine d'un
syndrome de stress post-traumatique chez 30 à 40 % des patients(*).
  Au moment de la crise psychotique, l'interaction soignant-patient est un élément
de la dynamique thérapeutique, relativement peu exploré.
  Il est fréquent de considérer que les manifestations de l’expérience psychotique
ne sont que les symptômes d’une maladie, qu’il n’y a rien à en dire et que la
personne qui la vit n’a rien à nous en apprendre !
(*)McGorry P.D. et al (1991) Posttraumatic stress disorder following recent-onset psychosis. An
unrecognized postpsychotic syndrome. Journal of Nervous & Mental Disease, 179(5), 253-258.
3
Le dialogue de crise:
Quoi ?
 
Parler !
  …du déclenchement de la crise,
moment crucial avant la construction
du délire
Objectif idéal du dialogue de crise
 
1. 
2. 
3. 
Accueillir le patient de manière à:
- diminuer son niveau d’angoisse ou d’exaltation.
- réduire l’agitation, l’agressivité ou la prostration
- rendre la discussion possible
  Offrir des éléments qui aident le patient à:
1.  Acquérir une certaine compréhension du déclenchement de la psychose à
partir d’une observation fine des premiers signes (travail sur le déclenchement
de la crise).
2.  Établir une alliance (thérapeutique) ou « pré-rthérapeutique »)
3.  Diminuer les risques d’évolution vers un délire chronique et vers l’invalidité.
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Historique du dialogue de crise
  Les travaux sur la clinique de la psychose
  L’expérience clinique d’Henri Grivois et notamment ses
travaux sur les invariants cliniques précédant le délire *
  La synthèse d’un groupe de travail romand (psychiatres,
psychologues et infirmiers en psychiatrie) => élaboration de la
carte mnémotechnique du DdC.
  Nos expériences d’interventions cliniques basées sur ces
travaux
Le dialogue de crise:
Comment ?
Aborder
l’expérience réelle de la personne
Valider
l’expérience comme authentique
Dire
le phénomène
Encourager
la personne à se remémorer la perception
qu’elle avait des autre et d’elle-même avant
la crise
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Concepts-clés du dialogue de crise
  Psychose = trouble de l’expérience de soi auprès
d’autrui
  Déclenchement de la psychose très similaire chez
beaucoup de patients: les invariants.
  Invariants présents avant l’apparition d’un délire:
- trouble du mimétisme
- indifférenciation subjective
- concernement généralisé
Concepts-clés du dialogue de crise:
Le mimétisme humain
  Rôle fondamental dans l’apprentissage et les rapports
humains.
  Souvent imperceptible et concerne les hommes toujours et
partout lorsqu’ils se côtoient.
  Le trouble du mimétisme inconscient est au cœur de
l’épisode psychotique.
  Il se manifeste comme un envahissement du champ de
conscience par l’expérience mimétique, aboutissant à un
deuxième invariant : l’indifférenciation subjective.
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Concepts-clés du dialogue de crise:
L’indifférenciation subjective
  Le patient psychotique a l'étonnante impression de ne plus
être l’auteur autonome de ses actes et de ses pensées.
  Il ne sait plus bien qui imite qui, se demande qui, de lui ou
des autres, initie l’action ou la parole,
  Il sait bien qu’il en est l’exécutant, mais il se demande qui
de lui ou des autres en est l’auteur.
  La possibilité de dire « je » se trouve confondue avec
l’idée que ce «je» est un «nous».
  Il perd le sens du sujet ayant une pensée autonome.
  Cette perte du quant-à-soi du sujet, perte de la différence
subjective, est « l’indifférenciation subjective ».
Concepts-clés du dialogue de crise:
Le concernement généralisé
  L’envahissement de la conscience par l’expérience du mimétisme
universel a pour conséquence un autre aspect de l’expérience
psychotique: partout la personne se voit comme l’objet de l’attention
de ses semblables.
  Elle se voit au centre des préoccupations de tous, en communication
avec tout le monde ou presque. Elle est attentifve et interprète de
multiples signes qui lui confirment son rôle particulier, son destin
unique.
  Elle devient perplexe car elle ne s’explique pas cette expérience inédite
d’être devenu une sorte d’homme ou de femme d’exception.
  Elle se sent concernée par chacun et chacun est concerné par elle :
c’est le concernement généralisé qui aboutit à la centralité psychotique.
Cette expérience demande des explications, qui peuvent prendre la
forme d’un délire.
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Le Dialogue de Crise:
Mise en pratique
1.  Connaître quelques éléments de la théorie sous-jacente
2.  Essayer le DdC avec quelques personnes en crise et se
rendre compte des réactions
3.  Approfondir les connaissances de la théorie sous-jacente
4.  Utiliser le DdC de manière souple et adaptée à chaque
cas
Carte mnémotechnique: d’abord dire les phrases exactes
DIALOGUE DE CRISE : repères.
Aborder : - Etes-vous au centre du monde, …
en communication avec tout le monde ?
En cas de réponse franchement négative ou de type « je
n’en suis pas encore là… », arrêter là et réévaluer plus
tard
Valider : - A votre place, je vivrais la même
chose. - Vous vivez quelque chose d’important.
Dire : - Nous sommes tous en lien les uns avec les autres.
Parfois, on ne sait plus qui imite qui, qui influence qui.
Encourager : - Je ne pense pas qu’il va se passer quelque chose
d'important. Souvenez-vous, ça n’a pas toujours été
ainsi. DIALOGUE DE CRISE : recommandations
- Utiliser le Dialogue de Crise (DdC) dès le
premier contact, après les présentations.
- Répéter le DC 2 à 3 fois par jour, 3 jours ou plus,
toujours en début d'entretien.
- Dérouler le DdC en laissant le temps pour de
brèves réparties. Eviter tout ajout du genre "avezvous l'impression que...", "croyez-vous que..." etc.
- Si la personne est logorrhéique, ne pas hésiter à
l’interrompre.
- Si elle est mutique, dérouler le DdC.
- Il est parfois plus adéquat de parler au passé, si
l’épisode a déjà duré un certain temps ("quand cela a
commencé, étiez-vous au centre…"). - Après plusieurs jours, on pourra espacer et ne
reprendre que certaines parties du DC, en le mettant
au passé et en élaborant.
Le « DIALOGUE DE CRISE » est indiqué avec une
personne en état psychotique aigu ; après avoir utilisé les
(Matériel préparé par une équipe pluridisciplinaire phrases exactes, on pourra passer à une utilisation plus
romande, Lausanne –Genève, 2008-2011)
souple de la théorie sous-jacente, admise comme
hypothèse de travail.
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Place du dialogue de crise
  Complément à l’entretien habituel, ne le remplace pas.
  Soins intensifs (« réanimation du lien »): Doit être
répété plusieurs fois dans la journée (2-3-fois)
  Les concepts-clefs sont à utiliser comme hypothèses de
travail
  Elaboration ultérieure à partir du DdC: aider le patient
à remonter à la source de son délire et à le déconstruire
DdC: Expériences d’enseignement et de pratique
à Yverdon, Genève.
  Plusieurs enseignements pour les infirmiers et les
médecins, coaching
  Inégalité dans la mise en application
(enthousiasme, intérêt, curiosité /difficultés, pas envie, oubli, crainte )
  Evaluation: difficulté à obtenir des données complètes,
besoin d’une présence fréquente, réalité de la recherche
appliquée (étude)
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Buts de la recherche
  Etudier les effets du Dialogue de crise, pour les patients en phase
de décompensation psychotique aiguë, auprès des patients et des
équipes médico-infirmières sur deux sites hospitaliers romands
(Genève, Yverdon-les-Bains).
  Rencontrer le patient à propos de son expérience du
déclenchement de l’épisode psychotique.
  Renforcer l’utilité thérapeutique de cette rencontre.
Devis des études
  1ère étude: avant/ après formation au DdC
  2 ème étude: essai pilote randomisé avec groupe contrôle: avec/
sans DdC
  Mesures (questionnaires + groupes focus)
  Patients (caract. démo., diagnostic; gravité maladie, opinions
sur relation thérapeutique et soins reçus)
  Soignants (caract. démo, utilisation DdC, expériences et
difficultés dans l’apprentissage du DdC et dans la relation
thérapeutique )
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Résultats
  Nombre de patients
  1ère étude: 17 patients (8 avant/9 après formation au DdC)
  Essai randomisé pilote: 30 patients
  Ratio H/F 2/1, âge de 18 à 67 (moy 35)
La moitié des patients attendus (60)
Résultats détaillés: cf Rapport au Fonds National de la Recherche
scientifique (Fonds DoRe)
Yverdon - restitution – 23 mars 2010
Résultats (résumé)
Suggèrent une évolution favorable de
  - l’impression clinique globale,
  - des troubles du cours de la pensée,
  - de l’anxiété et de la relation patient-soignant avec le Dialogue
de Crise
( profil DDPR, WAI-Task et item unique du questionnaire patient
« je me suis senti rassuré » permettent de discriminer de manière
statistiquement significative entre les groupes avec ou sans
Dialogue de Crise (p=0.02)
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1ère Etude: Gravité maladie (CGI) avec /sans DDC
(17 patients)
5
4
Avec Ddc
3
Sans Ddc
2
1
Sans Ddc
0
Avec Ddc
CGI à l'entrée
CGI à 10 jours
1ère Etude : score difficulté dans la relation soignantpatient (14 inf, 15 med)
4.00
3.50
3.00
2.50
Avec Ddc
2.00
Sans Ddc
1.50
1.00
Sans Ddc
.50
.00
Avec Ddc
Diffic-Med
Diffic-Inf
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Questions
-  Ré-évaluer le DdC dans d’autres
circonstances?
-  Essayer une utilisation du DdC par d'autres
professions (généralistes, ambulanciers,
policiers, pompiers, …)?
Bibliographie succincte
Livres
  GRIVOIS H.: Naître à la folie. Les empêcheurs de penser en rond, le Plessis Robinson,
1992.
  GRIVOIS H.: Parlez avec les fous. Les empêcheurs de penser en rond/Le Seuil, Paris,
2007.
Articles
  GRAZ B.: L’entretien thérapeutique précoce en cas de psychose récente ou aiguë.
Synapse 221 janvier 2006.
  GRIVOIS H.: La réciprocité psychotique. Perspective psy 43 (2) avril-juin 2004.
  BANGERTER G, STANTZOS A, GRAZ B : Parler pour éviter de délire… Santé
mentale novembre 2009;142 : 55-59.
  (à paraître: ) Rapport au Fonds Narional de la Recherche Scientifique – Fonds DoRé,
2011.
Articles en ligne
  PROUST J.: Vers une genèse cognitive de la centralité
http://joelle.proust.free.fr/Publications/GENESEC.pdf
  SWEPP, Association Suisse psychose naissante
http://www.swepp.ch/fileadmin/user_upload/articles/Curriculum.PDF
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