Modèle conceptuel du champ géothermique haute - Infoterre

publicité
Modèle conceptuel du champ géothermique
haute température de Bouillante,
Guadeloupe, Antilles françaises
Rapport final
BRGM/RP-57252-FR
avril 2009
Avertissement
Ce rapport est adressé en communication exclusive au demandeur : (mettre le nom
du demandeur), en X exemplaires conformément au cahier des charges.
Le demandeur assure lui-même la diffusion des exemplaires de ce tirage initial.
Le BRGM ne saurait être tenu comme responsable de la divulgation du contenu de ce
rapport à un tiers qui ne soit pas de son fait, et des éventuelles conséquences pouvant
en résulter.
Mots clés : Géothermie, Haute température, Bouillante, Guadeloupe, Antilles françaises.
En bibliographie, ce rapport sera cité de la façon suivante :
Bouchot V., avec la collaboration de Traineau H., Sanjuan B., Gadalia A., GuillouFrottier L., Thinon I., Fabriol H., Bourgeois B., Baltassat J.M., Pajot G., Jousset
Ph., Lasne E., Genter A. (2008) – Modèle conceptuel du champ géothermique haute
température de Bouillante, Guadeloupe, Antilles françaises. Rapport final. BRGM/RP-57252FR, 60 p., 15 fig., 3 tabl., 1 ann.
© BRGM, 2009, ce document ne peut être reproduit en totalité ou en partie sans l’autorisation expresse du BRGM.
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Synthèse
L
es études multidisciplinaires réalisées ses dix dernières années ont permis
d’améliorer substantiellement la connaissance du champ géothermique de
Bouillante. L’objectif de ce travail est d’élaborer un modèle conceptuel du champ de
Bouillante, qui reflète l’état actuel de ces connaissances et qui permette in fine, de faire
émerger des idées et hypothèses novatrices. Ce travail a été réalisé à la demande de
la Direction de la Recherche du BRGM dans le cadre du projet scientifique GTHAntilles (PDR 07-GTH 06).
Le champ géothermique de Bouillante se situe sur la côte ouest de l’île de Basse-Terre
(archipel de la Guadeloupe), qui appartient à l’arc volcanique des Petites Antilles. Il est
encaissé dans un substratum volcanique attribué à la chaîne axiale des Pitons de
Bouillante (1,02 à 0,43 Ma) et à son démantèlement. Des appareils volcaniques
récents (1,1 Ma et 0,2 Ma), appartenant à la Chaîne volcanique de Bouillante, reposent
sur ce substratum. Alignée sur une bande d’environ 20 km en N-S et 4 km en E-W, la
Chaîne de Bouillante, de lignée tholéiitique, jalonne un décrochement majeur N160°E
situé en mer. Le champ de Bouillante est positionné dans la zone d’intersection entre
le décrochement majeur N160°E appartenant au système de Montserrat-Bouillante-Les
Saintes et l’extrémité occidentale de la faille normale régionale ESE-WNW de
Bouillante-Capesterre qui constitue un accident majeur du système de graben de
Marie-Galante. Le volcanisme récent de la Chaîne de Bouillante, probable source de
chaleur du champ géothermique, apparaît contrôlé : i) à l’échelle de la chaîne
subméridienne de Bouillante, par l’accident sous-marin N160°E et ii) à l’échelle locale,
par des failles E-W et notamment le couloir majeur de Marsolle-Machette. Localement,
le champ de Bouillante se développe dans l’emprise d’un mini-graben. Adossé à la
faille normale majeure de Bouillante-Capesterre-(Marsolle), ce graben est composé
d’un réseau de failles normales antithétiques E-W « en touche de piano » qui, comptetenu de leur pendage subvertical, favorise l’ouverture en tension (extension régionale
NNE-SSW) et la circulation des fluides géothermaux.
Circonscrites au pourtour (îlets Pigeon, au nord, et Thomas, au sud) et dans la baie de
Bouillante, les manifestations hydrothermales de surface se présentent sous forme de
sources thermales et d’émissions de gaz, prépondérantes sur les fumerolles et sols
chauds. La densité d’indices culmine dans la baie de Bouillante où une explosion
phréatique de type maar amagmatique est supposé, compte tenu de la présence de
brèche à adulaire, I/S de haute température (~ 200 °C). Les fuites naturelles du
réservoir sont estimées entre 1 et 10 m3/h.
Sous forme liquide à 250-260 °C dans le réservoir, le fluide géothermal est une
saumure de composition chlorurée sodique (NaCl), de salinité avoisinant 20 g/l et de
pH autour de 5,3 ± 0,3. La signature isotopique en 13C et 3He/4He des gaz
incondensables associés indique une origine à la fois magmatique, marine et
météorique des gaz. La signature isotopique en 7Li des roches du réservoir en contact
avec le fluide géothermal profond, estimée à -2,6 ± 0,5 ‰, suggère que la base de ce
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
3
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
réservoir pourrait être localisée au niveau de la zone de transition entre les formations
andésitiques volcaniques et le plancher océanique basaltique, site privilégié de
circulation de fluides. Cette discontinuité majeure serait située à plus de 3 km de
profondeur alors que les forages exploitent actuellement des niveaux d’eau compris
entre 500 et 1 100 m de profondeur. D’après les analyses chimiques et isotopiques des
fluides, le réservoir est alimenté par de l'eau de mer (58 %) et de l'eau douce
superficielle (42 %).
Le système géothermal est caractérisé par une zonalité de l’altération hydrothermale
pervasive en s’approchant du réservoir : i) zone à smectite dioctaédrique de type
beidellite (110 à 163 °C), en tant que roche couverture (cap rock) ; ii) zone à
interstratifiés à illite/smectite, qui s’enrichit progressivement en illite en profondeur,
pour des températures comprises entre 180° et 250 °C ; iii) zone à chlorite, très
développée au delà de 700 m de profondeur à des températures stables de l’ordre de
250-260 °C (réservoir thermique). Outre la zone imperméable à smectite, les produits
volcaniques récents de la Chaîne de Bouillante pourraient localement constituer un
écran à la montée des fluides.
D’après les données disponibles en forage et en surface, on considère que l’hypothèse
géométrique du réservoir thermique la plus probable est la suivante. Suivant une
coupe N-S du champ, l’enveloppe du réservoir thermique dessine une forme de poing,
large d’environ 2 km entre Descoudes et Pointe à Lézard, dépendante de la géométrie
du mini-graben contrôlant la circulation de fluide. Cette enveloppe pourrait s’enraciner
vers 2 500-3 000 m de profondeur dans le couloir de Marsolle-pointe à Lézard (soit une
hauteur de réservoir supérieure ou égale à 2 km), si on retient l’hypothèse d’une
circulation des fluides profonds contrôlées par le couloir tectono-magmatique majeur,
qui en remontant vers la surface vont emprunter les failles du mini-graben de la baie de
Bouillante. Suivant l’axe E-W du graben, on suppose une largeur du réservoir
thermique de l’ordre de 1 km à terre et de 2 km en mer jusqu’à la faille majeure
N160°E. Dans l’emprise de ce réservoir thermique, deux types de conduits pour les
fluides sont reconnus, à savoir principalement des failles sub-verticales à dominante
EW (associées, peut être à une fracturation perpendiculaire N-S) et localement des
horizons discontinus de sable de plage (aquifère). Les tests de traçage indiquent la
présence d’un important volume d’eau dans le réservoir supérieur à 30 millions de m3,
avec un sens d’écoulement des fluides plutôt du nord vers le sud.
Un scenario spatio-temporel est proposé, qui prend en compte les événements
géologiques compris entre l’activité magmatique de la Chaîne volcanique de Bouillante
(estimée vers 500 000 ans à Bouillante), comme probable source thermique, et le
développement du champ géothermal qui aurait débuté vers 320 000 ans.
Des guides d’exploration, issus du modèle et adapté à la prospection en domaine d’arc
insulaire, sont finalement proposés. Pour conclure, des questions scientifiques en
suspens sont posées et des axes de recherche proposés, afin de contribuer à
l’amélioration des connaissances du champ et la découverte de nouvelles cibles
géothermales.
L’annexe 1 résume les caractéristiques du champ géothermal de Bouillante.
4
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Sommaire
1. Introduction ...............................................................................................................9
2. Place de Bouillante dans la géologie régionale ...................................................11
2.1. CONTEXTE VOLCANIQUE DE BASSE-TERRE ..............................................11
2.2. CONTEXTE STRUCTURAL RÉGIONAL...........................................................13
3. Géologie du champ géothermique de Bouillante.................................................15
3.1. CONTEXTE VOLCANIQUE DE BOUILLANTE .................................................15
3.2. CONTEXTE STRUCTURAL DE BOUILLANTE.................................................17
3.3. CONTRÔLE VOLCANO-TECTONIQUE DU CHAMP DE BOUILLANTE ..........21
4. Le système géothermal de Bouillante ...................................................................23
4.1. LE FLUIDE GÉOTHERMAL...............................................................................23
4.2. LE CHAMP DE BOUILLANTE EN SURFACE ...................................................24
4.3. LE CHAMP DE BOUILLANTE EN PROFONDEUR ET SES EXTENSIONS.....25
4.4. LE RÉSERVOIR EXPLOITÉ DE BOUILLANTE ................................................30
4.5. CIRCULATION DES FLUIDES ET RECHARGE DU SYSTÈME
GÉOTHERMAL..................................................................................................35
4.6. SOURCE DE CHALEUR DU SYSTÈME GÉOTHERMAL.................................38
5. Scénario d’évolution spatio-temporelle de Bouillante.........................................41
6. Discussion et conclusions .....................................................................................43
6.1. QUESTIONS EN SUSPENS ET AXES DE RECHERCHE PROPOSÉS ..........43
6.2. RECOMMANDATIONS ET GUIDES D’EXPLORATION ...................................46
6.3. COMPARAISON AVEC LES PALÉO-SYSTÈMES ÉPITHERMAUX
NEUTRES A AU-AG ..........................................................................................47
7. Bibliographie ...........................................................................................................49
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
5
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Liste des figures
Figure 1 -
Contexte géodynamique de l’arc volcanique des Petites Antilles (Feuillet et
al., 2001). ................................................................................................................ 10
Figure 2 -
Contexte tectonique régional et local et le volcanisme associé (Thinon et al.,
sous presse)............................................................................................................ 11
Figure 3 -
Contexte volcanique à l’échelle de l’île de Basse-Terre ......................................... 12
Figure 4 -
Tracé de la faille majeure de Bouillante-Capesterre orientée WNW-ESE à
pendage sud (fig. 10b du rapport CFG, 200x), réalisé à partir des données
structurales à terre (Feuillet et al., 2001) et en mer (Guennoc et al., à
paraitre). .................................................................................................................. 14
Figure 5 -
Succession de quatre ensembles lithologiques à partir de l’exemple du forage
BO-5 avec % de minéraux argileux, intervalles de production et température
(Sanjuan et al., 2004).............................................................................................. 16
Figure 6 -
Fracturation du champ de Bouillante ...................................................................... 18
Figure 7 -
Interprétation des données sismiques marine suivant une coupe N-S (Thinon
et al., sous presse).................................................................................................. 19
Figure 8 -
Manifestations hydrothermales de surface du champ de Bouillante (Sanjuan
et al., 2004). ............................................................................................................ 24
Figure 9 -
Combinaison des données acquises en forages sur les altérations
hydrothermales, les températures et/ou les résistivités (Bourgeois et
Debeglia, 2008)....................................................................................................... 27
Figure 10 - Coupe NNW-SSE des isothermes fondée sur les mesures de températures
(forage et surface), les forages de gradient et les expressions de surface
(source, fumerolle…), (Sanjuan et al., 2008) et positionnement du profil
thermique. ............................................................................................................... 28
Figure 11 - Profil géophysique N-S du champ de Bouillante (Bourgeois et Debeglia,
2008). ...................................................................................................................... 29
Figure 12 - Modèle conceptuel, suivant une coupe N-S, du système géothermal de
Bouillante fondé sur des données multidisciplinaires de forages et de surface
(ce travail)................................................................................................................ 32
Figure 13 - Schéma structural en mer proposé par Thinon et al. (sous presse), avec
positionnement du périmètre supposé du champ géothermique de Bouillante...... 33
Figure 14 - Lithologie et distribution des minéraux d’altération hydrothermale dans les
forages BO-6 et BO-5 (Mas et al., 2006). ............................................................... 34
Figure 15 - Modèle hydrogéologique du Champ de Bouillante (Lachassagne et al., 2009) ..... 36
6
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Liste des tableaux
Tableau 1 - Compositions chimiques et isotopiques de quelques sources thermales autour
de Bouillante et des fluides géothermaux extraits des forages BO-2, BO-4,
BO-5 et BO-6 (Mas et al., 2006)..............................................................................22
Tableau 2 - Proposition de guides d’exploration, issus du modèle conceptuel de Bouillante
et adaptés à la prospection de ce type de champ géothermique en domaine
d’arc insulaire...........................................................................................................46
Tableau 3 - Comparaison entre le champ géothermique de Bouillante et les systèmes
épithermaux neutres à Au-Ag (White et Hedenquist, 1995 ; Corbett, 2001)...........48
Liste des annexes
Annexe 1 - Fiche signalétique du champ géothermique de Bouillante, Guadeloupe ..................53
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
7
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
1. Introduction
Outre son rôle de producteur d’électricité (15 MWe) répondant, actuellement, à 6 à 8 %
des besoins de la Guadeloupe, le champ géothermique de Bouillante constitue un
laboratoire de recherche scientifique permettant d’améliorer la connaissance d’un
système géothermique de référence. Ce champ appartient à la famille des systèmes
géothermaux de haute température (250-260 °C), développé en contexte magmatique
d’arc insulaire. Dans la mesure où il contient des fluides chlorurés à pH neutre à
légèrement acide, ce système géothermal s’apparente aux systèmes épithermaux
neutres, exploités pour or et argent (Clark and Williams-Jones, 1990). Le champ
géothermique de Rotokawa en Nouvelle-Zélande, constitue un exemple actuel en
contexte d’arc insulaire (Krupp and Seward, 1987).
Depuis la synthèse des travaux faite il y a 10 ans (Sanjuan et Traineau, 2000 ;
Sanjuan, 2001 ; Fabriol, 2001), de nombreuses études scientifiques ont été
réalisées sur le champ de Bouillante (Sanjuan et al., 2008) : analyse structurale des
conduits géothermaux à l’échelle de l’île de Basse-Terre (Traineau et al., 1997 ;
Feuillet et al., 2001 ; Genter et Traineau, 2004), campagnes géophysiques (Fabriol et
al., 2005 ; Thinon et al., sous presse ; Bourgeois et Debeglia, 2008) à la fois en mer
(magnétisme et sismique haute résolution) et à terre (gravimétrie, profil électrique
dipôle-dipôle, sismique passive), caractérisation des altérations géothermales (Patrier
et al., 2003 ; Mas et al., 2006 ; Guisseau et al., 2007), géochimie des fluides et tests de
traçage (Sanjuan et al., 2001, 2004, 2008), et modélisation géologique, thermique et
hydrogéologique (Guillou-Frottier, 2003 ; Sanjuan et al., 2004 ; Lachassagne et al.,
sous presse ; Sbai, 2006 ; Sanjuan et al., 2008). Ces études pluridisciplinaires ont
permis d’améliorer substantiellement la connaissance du champ (réservoir, conduit,
fluides…), aussi bien du point de vue de sa géométrie que de son fonctionnement
hydrodynamique.
L’objectif de ce travail est d’élaborer un modèle conceptuel du champ de Bouillante, qui
reflète l’état actuel des connaissances et permette de faire émerger des idées et
hypothèses novatrices. Ainsi, des questions scientifiques en suspens sont posées et
des axes de recherche proposés afin de contribuer à l’amélioration des connaissances
du champ et la découverte de nouvelles cibles géothermales. Les résultats de cette
synthèse montrent un intérêt tout particulier dans la mesure où trois nouveaux forages
d’exploration doivent, bientôt, être effectués au nord de la baie de Bouillante, dans le
cadre du développement du champ géothermique de Bouillante, et que la réinjection
dans le sous-sol des fluides actuellement produits par la centrale géothermique est à
l’étude.
Ce travail de synthèse a été réalisé à la demande de la Direction de la Recherche du
BRGM dans le cadre du projet scientifique GTH-Antilles (PDR 07-GTH 06).
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
9
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Figure 1 - Contexte géodynamique de l’arc volcanique des Petites Antilles
(Feuillet et al., 2001).
10
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
2. Place de Bouillante
dans la géologie régionale
2.1. CONTEXTE VOLCANIQUE DE BASSE-TERRE
L’archipel de la Guadeloupe appartient à l’arc volcanique des Petites Antilles, situé sur
la bordure nord-est de la plaque Caraïbe (fig. 1, 2). Long de 850 km en N-S, l’arc
marque la subduction de la lithosphère Atlantique sous cette plaque Caraïbe à la
vitesse de 2 cm/an suivant une direction sud-ouest (Feuillet et al., 2001 ; 2002). L’arc
insulaire, à nouveau actif depuis le Miocène, est situé entre la fosse de subduction et le
plateau sous-marin de Tobago, à l’est, et le bassin arrière-arc de Grenade, à l’ouest.
B
A
Figure 2 - Contexte tectonique régional et local et le volcanisme associé
(Thinon et al., sous presse).
A - Schéma structural régional des systèmes tectoniques de Montserrat-Bouillante-Les Saintes et de
Marie-Galante. B - Position du champ géothermique de Bouillante (Ouest de Basse-Terre) à l’intersection
du système décrochant NNW-SSE de Montserrat-Bouillante-Les Saintes et du système de graben de
Marie-Galante.
L’île de Basse-Terre, la plus occidentale et la plus haute de l’archipel (1 467 m), est
entièrement volcanique. Comme l’ensemble de l’arc des Petites Antilles, le volcanisme
de Basse-Terre s’est développé sur la croûte océanique de la plaque Caraïbe, située à
une profondeur estimée à environ 6 km sous le niveau marin (Andreieff et al., 1987).
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
11
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
A
B
Figure 3 - Contexte volcanique à l’échelle de l’île de Basse-Terre.
A - Carte du volcanisme de l’île de Basse-Terre (Komorowski et al., 2005) permettant de visualiser l’extension N-S de la
Chaîne volcanique de Bouillante (rosé). B - Schéma interprétatif suggérant un contrôle structural de la Chaîne
volcanique de Bouillante par la faille régionale NNW-SSE qui constituerait un tronçon sénestre du système tectonique
de Montserrat-Bouillante-Les Saintes.
12
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Le front volcanique a débuté il y a 2,8 Ma, au nord de l’île de Basse-Terre, et s’est
progressivement déplacé vers le sud jusqu’aujourd’hui, au niveau du volcan de la
Soufrière, à une vitesse estimée entre 18 et 25 km/Ma (Samper et al., 2007).
Le champ de Bouillante est localisé sur la côte ouest de l’île de Basse-Terre, à environ
15 km au nord-ouest du volcan de la Soufrière. Il se situe dans l’emprise et de la
« Chaîne axiale des Pitons de Bouillante » (1,02 à 0,43 Ma) (Samper et al., 2007 ;
Komorowski et al., 2005, fig. 3) et de la « Chaîne volcanique de Bouillante » (1,1 à
0,2 Ma) (Gadalia et al., 1988) dont l’extension géographique sur la bordure occidentale
de l’île est atypique.
2.2. CONTEXTE STRUCTURAL RÉGIONAL
Le champ géothermique de Bouillante est positionné à l’extrémité occidentale d’une
dépression volcano-tectonique E-W à WNW-ESE, appartenant au système de graben
de Marie-Galante. À l’échelle de l’île de Basse-Terre, cette dépression est notamment
marquée par la faille régionale WNW-ESE de Bouillante-Capesterre, passant
immédiatement au nord de Bouillante où elle est dénommée couloir de MarsolleMachette. Cette structure extensive est limitée, à l’ouest de Basse-Terre, par une faille
majeure N160°E (en mer) faisant le lien entre le système senestre-normal de
Montserrat-Bouillante, au nord, et celui des Saintes, au sud (fig. 2 ; Thinon et al., sous
presse).
Système NNW-SSE de Montserrat-Bouillante-Les Saintes. Constituant la bordure
du bouclier volcanique de Basse-Terre entre les villages de Thomas au sud et de
Pigeon au nord, un escarpement marin, orienté N160°E, délimite une remontée de
substratum volcanique. Cet ensemble est interprété comme une faille majeure,
normale-senestre à pendage ouest (Thinon et al., sous presse), située dans la
continuité du système en échelon N140°E de Montserrat (Feuillet et al., 2001). Au sud
de la baie de Bouillante, cet accident majeur est oblitéré par les produits volcaniques
des appareils de Muscade-Thomas, appartenant à la « Chaîne de Bouillante », avant
de réapparaître vers les Saintes sous forme de failles normales en échelon.
L’ensemble tectonique est interprété ici comme étant le système de MontserratBouillante-Les Saintes.
Système E-W à WNW-ESE de graben de Marie-Galante. À l’échelle de Basse-Terre,
le système de graben de Marie-Galante est souligné par la faille majeure de BouillanteCapesterre orientée WNW-ESE à pendage sud. Cet accident majeur est représenté
comme un plan de faille unique (fig. 4) qui se ramifie vers l’ouest, lorsqu’il atteint la
côte, immédiatement au nord de Bouillante (Feuillet et al., 2001). Il correspond alors au
couloir faillé de Machette-Marsolle dont le toit est la faille de Marsolle.
En allant vers l’ouest, la faille de Marsolle se poursuit en mer via un linéament
bathymétrique E-W interprété en tant que faille normale pentée sud (avec un rejet de
20 m ; fig. 7 ; Thinon et al., sous presse). Après deux kilomètres en mer, l’extension de
la faille normale de Marsolle vient décaler modérément l’accident majeur N160°E du
système de Montserrat-Bouillante, prouvant l’antériorité d’un jeu de cet accident
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
13
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
décrochant par rapport aux failles normales E-W. En grand, cet accident majeur
N160°E paraît limiter le développement du graben E-W vers l’ouest.
Les relations chronologiques entre les failles N-S et E-W, d’une part, et l’absence de
fractures N160°E affectant les volcanites les plus récentes de la « Chaîne de
Bouillante », d’autre part, suggèrent que l’accident N160°E s’est formé antérieurement
au développement du graben, même si la totalité des structures en question sont
potentiellement actives car compatibles avec une même extension régionale NNESSW. Ainsi, les grabens E-W à WNW-ESE constituent des zones d’extension
préférentielle de la croûte, alors que le système de failles NNW-SSE fonctionne en
faille de transfert accommodant l’extension et limitant des blocs extensifs. Cette
extension NNE-SSW correspond toujours à la déformation actuelle, à l’échelle de la
Guadeloupe (Feuillet et al., 2001).
F
Mer
Caraïbe
D
Îlet Pigeon
Riv.
X
X
Bou
rcea
u
Pitons de
Bouillante
B
X
Domaine nord
stable
Be
au
g
en
d
re
X
Légende
Les Mamelles
Malendure
X
courbe bathymétrique
Gr d
eR
iv. C
a
Sans
Toucher
p es
accident majeur N100°
structure linéaire N150°
X
pic volcanique sous-marin
de la Chaîne de Bouillante
appareil volcanique
sous-marin identifié
X
La Soufr è
i re
ter r
e
Domaine sud
effondré
failles relevées à terre
autour de la baie
trait morphologique
0
10
20 km
VF
Figure 4 - Tracé de la faille majeure de Bouillante-Capesterre orientée WNW-ESE à pendage
sud (fig. 10b du rapport CFG, 2003), réalisé à partir des données structurales à terre
(Feuillet et al., 2001) et en mer (Guennoc et al., à paraitre).
À l’époque, la faille de Bouillante-Capesterre était considérée comme la poursuite à terre de la faille de Montserrat,
reconnue en mer (Feuillet et al., 2001).
14
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
3. Géologie du champ géothermique
de Bouillante
3.1. CONTEXTE VOLCANIQUE DE BOUILLANTE
Le champ de Bouillante est encaissé dans un substratum volcanique attribué, en
grande partie, à la chaîne axiale des Pitons de Bouillante (1,02 à 0,43 Ma ; Samper et
al., 2007) -qui affleure en position axiale de Basse-Terre- et à son démantèlement. Des
appareils volcaniques récents (1,1 et 0,2 Ma), appartenant à la « Chaîne Volcanique
de Bouillante » définie par Gadalia et al. (1988), reposent sur ce substratum.
Aligné sur une bande d’environ 20 km en N-S et 4 km en E-W, le volcanisme de la
« Chaîne de Bouillante » jalonne l’accident N160°E situé en mer et rattaché au
système de Montserrat-Bouillante-Les Saintes.
La série volcanique présente les caractères d’une série tholéiitique, faiblement
potassique, ayant évolué par cristallisation fractionnée du nord vers le sud (basalte,
andésite au nord à dacite, rhyolite au sud ; Gadalia et al., 1988). La persistance de
l’activité volcanique dans le secteur sur près de 1 Ma et le processus de différenciation
magmatique associé militent en faveur d’un réservoir magmatique profond commun à
l’aplomb de la Chaîne volcanique de Bouillante (ride N-S). En surface, ce volcanisme
récent se caractérise par des petits appareils volcaniques sous-marins jalonnant la
bordure occidentale de la faille majeure N160°E (Komorowski et al., 2005 ; fig. 4) et, à
terre, par des appareils limités à la zone côtière occidentale de Basse-Terre (fig. 3).
Autour du champ géothermique, la « Chaîne de Bouillante » se compose d’une dizaine
d’appareils éruptifs, mis en place entre 1,12 Ma (Pointe à Lézard) et 479 000 ans
(Sanjuan et al., 2008). Les appareils, situés immédiatement au nord de la baie de
Bouillante, sont développés en mer (ex. appareil de Pointe à Lézard daté à 1,12 Ma)
ou à terre (ex. appareils de Dos Marsolle-Desmarais daté entre 660 000 et
494 000 ans). Quelques appareils volcaniques existent immédiatement au sud de la
baie de Bouillante et sont datés à 479 000 ans à Muscade. Immédiatement au nord de
Bouillante, des appareils volcaniques sont développés dans l’emprise du couloir faillé
N 90-120°E de Machette-Marsolle, suggérant un contrôle tectonique local de ce
volcanisme (fig. 3B).
Mis en place en contexte aérien ou sous-marin, les volcanites se présentent sous
forme de hyaloclastites, de projections de scories et ponces, de coulées de laves
andésitiques et de rares nuées ardentes (ignimbrite de Marsolle-Desmarais datée à
494 000 ans ; Sanjuan et al., 2008).
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
15
250
200
150
100
50
Temp. (°C)
100
75
50
25
100.00
0
Réservoir
75.00
50.00
25.00
Unité
Argiles %
0.00
TVD (m)
Lithologie
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
A
100
B
200
C1
300
C2
400
C3
500
D
600
E1
700
800
900
1000
Figure 5 - Succession de quatre ensembles lithologiques à partir de l’exemple du forage BO-5
avec % de minéraux argileux, intervalles de production et température (Sanjuan et al., 2004).
16
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
En l’état des connaissances (cf. infra. § 4.7.), le magmatisme de la Chaîne de
Bouillante apparaît comme la source de chaleur la plus probable du champ
géothermique de Bouillante.
Ce volcanisme récent repose sur un substratum volcanique, en partie détritique, de
composition à dominante andésitique, qui se caractérise, en forage, par une
succession de quatre ensembles lithologiques (fig. 5). Du haut vers le bas de la pile
volcanique, on distingue :
- ensemble volcano-détritique aérien « A » (30 à 130 m d’épaisseur), composé de
dépôts d’avalanche remaniés en lahar et conglomérat fluviatile, résultant du
démantèlement du strato-volcan des Pitons de Bouillante (daté autour de 1 Ma),
situé plus à l’est, en position centrale de l’île de Basse-Terre ;
- ensemble volcanique aérien « B » (160 à 240 m d’épaisseur), constitué de 4 à 5
coulées de laves, intercalées de tufs pyroclastiques et de lahars (remaniés),
également attribuées à la chaîne axiale des Pitons de Bouillante ;
- ensemble volcano-détritique sous faible tranche d’eau à côtier « C » (225 à
400 m d’épaisseur), dominé par des coulées de laves massives (sous-marines à
aériennes) avec possibles dykes, et intercalées par des formations remaniées à
dominante bréchique (lahar, conglomérat fluviatile, horizon sableux), des tufs
hyaloclastiques et de rares calcaires coquilliers ;
- ensemble volcanique sous-marin « D » (> 2 500 m d’épaisseur), constitué
principalement de tufs hyaloclastiques monotones, dans lesquels sont intercalés des
horizons laviques interprétés comme des dykes subverticaux.
En grand, ces ensembles lithologiques comportent des formations généralement
stratiformes (à l’exception de probables dykes subverticaux), qui sont orientées N-S et
faiblement pentées vers l’ouest (Sanjuan et al., 2004), compte tenu du démantèlement
de la chaîne axiale des Pitons de Bouillante.
Les faciès lithologiques les plus favorables aux écoulements de fluides sont les
niveaux sableux poreux appartenant à l’ensemble C (cf. ci-dessus), et potentiellement,
les bordures de dykes d’alimentation, les horizons de laves scoriacées situées au toit
ou au mur des coulées et les contacts entre deux ensembles lithologiques
rhéologiquement différents.
3.2. CONTEXTE STRUCTURAL DE BOUILLANTE
À l’échelle du champ de Bouillante, l’ensemble de la pile lithologique est recoupé par
un réseau de failles normales, orientées N90°E à 120°E et dont le pendage est
redressé à vertical (mais parfois incertain par manque d’observation). Ces failles,
associées à des fentes de tension et fractures mineures, sont développées en domaine
cassant, lors d‘une extension régionale NNE-SSW. Cette déformation a fonctionné
après 1,12 Ma, date du volcanisme de Pointe à Sel qu’elle affecte.
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
17
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
1783800
BO-6
BO-5
1
00
BO-1
Faille de Cocagne
Faille de Plateau
0
60
600
BO-4
0
60
1783200
0
1590.500
80
0
0
0
200
20
0
0
40 0
20
400
40
0
1783400
0
80
800
1783400
10
1783600
Faille de la Baie
0
BO-2
20
00
12 0
0
10
1783600
BO-3
1783200
1783800
1784000
1784000
N
1783000
BO-7
631800
632000
632200
0
A
632400
632600
632800
200 M
B
Figure 6 - Fracturation du champ de Bouillante.
A - Cartographie du réseau de failles normales du champ de Bouillante avec âge des appareils volcaniques récents
(carte fournie par CFG, mars 2009, attention la faille de Machette est plutôt pentée nord, cf. fig. 7). B - Zoom de la
fracturation au sud de la baie de Bouillante avec position des forages géothermiques.
Le réseau est constitué d’une dizaine de failles normales, espacées d’environ 500 m à
1 km, qui délimitent des blocs en mini horsts et grabens avec de rejets pluridécamétriques à métriques. Du sud au nord du champ de Bouillante (Feuillet et al.,
2001 ; Genter et Traineau, 2004 ; Thinon et al., sous presse), on distingue (fig. 6) :
- la faille de Descoudes (pentée sud avec décalage inconnu) ;
- la faille de Plateau (sub-verticale et orientée N95°E) ;
- la faille de Cocagne (pentée nord avec abaissement du compartiment nord
d’ampleur décamétrique et orientée N100-110°E) ;
- la faille de Baie (pentée nord avec abaissement de compartiment inconnu et orientée
N95°E) ;
- la faille de Marsolle (orientée N88°S, pentée vers le sud de 74° avec abaissement du
compartiment sud de 20 m, identifié en sismique marine ; fig. 7) ;
18
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
1782800
14
00
12
00
K
1782800
1783000
10
00
Faille de Descoudes
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Figure 7 - Interprétation des données sismiques marine suivant une coupe N-S (Thinon et al., sous presse).
Figure 7 - Interprétation des données sismiques marine suivant une coupe N-S (Thinon et al.,
sous presse)
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
19
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
- la faille de Machette/Pointe à sel (fortement pentée vers le nord ou le sud selon les
interprétations de surface). Cependant, le pendage nord de cette zone de faille
(35 m de puissance) est confirmée par les données sismiques obtenues en mer (7080°N ; Thinon et al., sous presse). En conséquence, les failles de Marsolle
(fortement hydrothermalisée à l’affleurement) et de Machette (sans altération
hydrothermale visible) appartiennent à un couloir de fracturation complexe, de
puissance kilométrique, dont la structuration en horst E-W est probable (fig. 7).
On définit ainsi un mini-graben dit de la Baie de Bouillante. Il serait composé du couloir
majeur de Machette-Marsolle E-W, principalement penté sud au niveau de la faille
normale de Marsolle, sur laquelle viendraient s’adosser -et peut-être se greffer en
profondeur- un réseau de failles secondaires antithétiques, disposées en « touche de
piano ». Ce réseau est composé des failles normales, E-W, subverticales et pentées
nord, de Cocagne, Baie, Plateau. Ce mini-graben apparaît délimité par deux petits
horsts, situés i) au sud, entre Descoudes et Cocagne et ii) au nord, entre Pointe à
Lézard et Machette. Les données sismiques et magnétiques en mer confirment
l’existence du horst marqué par le couloir volcano-tectonique de Machette-Marsolle et
montrent que la partie sud de la baie de Bouillante correspond à un bloc effondré le
long de la faille normale de Marsolle (fig. 7 ; Thinon et al., sous presse).
Le mini-graben de la Baie de Bouillante appartient à une dépression volcanotectonique régionale de type Marie-Galante dont une des failles bordières pourrait être
la faille normale de Bellon, orientée N123°E et pentée de 69° vers le sud à 6 km au
nord de la baie de Bouillante.
Concernant la fracturation N-S, de rares failles décrochantes senestres, subverticales
et de direction comprise entre N160°E et 145°E, ont été observées vers CaféièreBirloton, à 2 km au nord de Bouillante. Ces failles, d’orientation singulière pour la
région, sont à rapprocher de l’accident majeur, N160°E, situé au large de Bouillante.
Cet épisode de fracturation subméridienne est essentiellement antérieur au volcanisme
récent de la chaîne de Bouillante puisqu’elle ne l’affecte pas et d’autre part, parce que
ce volcanisme cachète un tronçon de la faille N160°E au large des appareils
volcaniques de Fournaise. À Bouillante, le manque de données de surface ne permet
pas d’assurer l’existence de failles NS à l’échelle du champ de Bouillante. En
revanche, il est légitime de penser qu’une fracturation subméridienne sera d’autant
plus développée que l’on se rapprochera de l’accident majeur N160°E, situé en mer.
Enfin, l’absence de sismicité naturelle enregistrée, d’une part, par les réseaux locaux
implantés localement de façon épisodique (1984, 1998) et, depuis 2004, avec
enregistrement continu (Jousset et Chouet, soumis en 2009) et, d’autre part, par le
réseau régional de l’OVSG (observatoire volcanologique et sismologique de
Guadeloupe), tend à montrer que le champ de Bouillante n’est pas affecté par des
mouvements tectoniques détectables. Il est possible que l’accommodation de
l’extension NNE-SSW en surface se réalise de manière asismique du fait de la
circulation du fluide géothermal le long des failles ouvertes EW. En revanche, quelques
événements sismiques ponctuels de magnitude faible (< 3,2) ont été détectés en juillet
2008 le long de la faille régionale de Montserrat à 7 km à l’ouest de Pointe noire
(OVSG, 2008).
20
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
3.3. CONTRÔLE VOLCANO-TECTONIQUE DU CHAMP DE BOUILLANTE
Dans l’état actuel des connaissances, on montre que :
- le champ de Bouillante est positionné dans la zone d’intersection entre i) un accident
majeur décrochant N160°E sous-marin, qui se situe dans le prolongement du
système normal-senestre de Montserrat-Bouillante et ii) l’extrémité occidentale de la
faille normale ESE-WNW de Bouillante-Capesterre qui constitue un accident majeur
du système de graben de Marie-Galante ;
- le volcanisme récent de la Chaîne de Bouillante, probable source de chaleur du
champ géothermique, apparaît contrôlé : i) à l’échelle de la chaîne subméridienne de
Bouillante, par l’accident sous-marin N160°E et ii) à l’échelle locale, par des failles
EW et notamment le couloir majeur de Marsolle-Machette. En régime d’extension
régionale NNE-SSW, la conjonction des directions tectoniques, régionale NNW-SSE
et locale EW, aurait créé les conditions de distension favorable à la remontée de
magmas jusqu'en surface il y a environ 500 000 ans ;
- le système géothermal de Bouillante se développe dans ce contexte volcanostructural original, dans l’emprise d’un mini-graben situé à l’intersection des deux
accidents régionaux. Adossé à la faille majeure de Bouillante-Capesterre-(Marsolle),
pentée sud, ce graben est composé d’un réseau de failles, antithétique, EW « en
touche de piano » qui compte-tenu de leur pendage subvertical, favorise l’ouverture
en tension soumis à une extension NNE-SSW et la circulation des fluides
géothermaux.
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
21
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Tableau 1 - Compositions chimiques et isotopiques de quelques sources thermales autour
de Bouillante et des fluides géothermaux extraits des forages BO-2, BO-4, BO-5 et BO-6
(Mas et al., 2006).
22
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
4. Le système géothermal de Bouillante
4.1. LE FLUIDE GÉOTHERMAL
Le fluide géothermal, issu du réservoir exploité ou reconstitué à partir des eaux de
sources chaudes, a une composition homogène à l’échelle de la région de Bouillante
(des îlets Pigeon, au nord, à Thomas, au sud). Il correspond à une saumure de
composition chlorurée sodique (NaCl), de salinité avoisinant 20 g/l et de pH autour de
5,3 ± 0,3 à 250-260 °C. La composition chimique et isotopique du fluide géothermal
(tabl. 1) indique que le réservoir est alimenté à la fois par de l'eau de mer (58 %) et de
l'eau douce superficielle (42 %), dont le mélange a atteint un état d'équilibre chimique
avec la roche encaissante à une température de 250-260 °C (Sanjuan et al., 2001). On
peut raisonnablement penser que l’alimentation en eau d’origine météorique provient
du flanc occidental des Pitons de Bouillante.
L’absence, dans le fluide géothermal, de signature isotopique en oxygène-18
provenant d’une interaction à haute température avec les roches ainsi que sa signature
isotopique en soufre-34, proche de celle de l’eau de mer, suggèrent un rapport
eau/roche relativement élevé, dans le réservoir. Ce rapport a été confirmé par les
résultats obtenus dans différents tests de traçage (Sanjuan et al., 2002 ; 2004) qui ont,
par ailleurs, indiqué la présence d’un important volume d’eau dans le réservoir
perméable (> 30 millions de m3). Par ailleurs, depuis la mise en production commune
des puits BO-4, BO-5 et BO-6 en janvier 2005, les caractéristiques géochimiques de ce
fluide demeurent stables et ne semblent pas avoir été affectées par l’exploitation de la
ressource. Les conditions de température et de pression mesurées dans les puits
indiquent que le fluide géothermal est uniquement sous forme liquide dans le réservoir.
Lors de l’exploitation, le fluide produit est séparé en surface, à 160 °C, avec environ
80 % d’eau et 20 % de vapeur. Les gaz incondensables, essentiellement constitués de
CO2 (> 90 %), représentent environ 0,4 % de la masse de vapeur d’eau (Sanjuan et al.,
2001). La signature isotopique en 13C et 3He/4He de ces gaz indique une origine
combinée, à la fois magmatique, marine et météorique.
Par analogie avec les travaux de Chan et al. (2002), la signature isotopique en 7Li des
roches du réservoir, estimée à environ - 2,6 ± 0,5 ‰ (Millot et al., soumis en 2009),
suggère que la base du réservoir principal où se mélangent l’eau de mer et les
infiltrations d’eau douce superficielle pour former le fluide géothermal à l’équilibre à
260 °C avec les roches de ce réservoir, pourrait être localisée au niveau de la zone de
transition entre les formations andésitiques volcaniques et le plancher océanique
basaltique. À Bouillante, cette zone de discontinuité majeure, considérée comme un
site privilégié de circulation de fluides, serait située à plus de 3 km de profondeur, voire
5-6 km sur la base d’arguments géologiques et géophysiques (Andreieff et al., 1987)
alors que les zones actuellement exploitées par forages se trouvent seulement à des
profondeurs comprises entre 500 et 1 100 m.
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
23
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
4.2. LE CHAMP DE BOUILLANTE EN SURFACE
En surface, les expressions du champ géothermique sont circonscrites au pourtour
(îlets Pigeon, au nord, et Thomas, au sud) et dans la baie de Bouillante. Elles sont
caractérisées par des fuites directes de fluide géothermal, en bordure de mer (points
les plus bas servant d’exutoire) et en mer, sous forme de sources thermales et
d’émissions de gaz (e.g. CO2, CH4, He, Rn, etc.), prépondérantes sur les fumerolles et
sols chauds (fig. 8).
Figure 8 - Manifestations hydrothermales de surface du champ de Bouillante
(Sanjuan et al., 2004).
La densité d’indices culmine dans la baie de Bouillante, à environ 500 m de la plage de
l’Anse Marsolle, sous forme de sources sous-marines proches de 120 °C et de
dégagements gazeux (Sanjuan, 2001). Cette intense manifestation hydrothermale de
haute température pourrait expliquer l’atténuation du magnétisme dans la zone par
suite de démagnétisation de la magnétite (Fabriol et al., 2005). De nombreuses fuites
de fluides jalonnent des zones de failles E-W. En surface, ces failles sont
généralement jalonnées de produits argileux de type smectite (Patrier et al., 2003), et
exceptionnellement, le long de la faille de Marsolle, d’interstratifié de type iIlitesmectite, témoin de plus haute température (autour de 200 °C).
24
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
En outre, la baie de Bouillante aurait été le siège d’une explosion phréatique de type
maar amagmatique (Gadalia et al., 1988), comme le suggère les nombreux blocs de
brèche hydrothermale collectés à proximité de la faille de Marsolle dans le secteur de
Courbaril (Sanjuan et Traineau, 2000). En effet, cette brèche est constituée de clastes
volcaniques hydrothermalisées anguleux, cimentés par une matrice à silice-adulaire.
Les clastes et le ciment sont caractérisés par un assemblage minéralogique similaire à
adulaire, illite-smectite (I/S ordonné), silice (et ± calcite et jarosite), témoins de fluides
de haute température (autour de 200 °C). Cette brèche résulterait de la rencontre de
fluides géothermaux très chauds (réservoir sub-affleurant) avec la nappe phréatique
froide (Patrier et al., 2003). L’occurrence de calcite en plaquette (platy-calcite) et de
silice microcristalline (ancien gel) témoignerait de processus d’ébullition, favorisant
l’explosion phréatique et la formation des brèches (Pays, 2005 ; Simmons et
Christenson, 1994).
Selon la méthode K/Ar sur adulaires, l’âge de la brèche (BO19-K11) est de
320 000 ans ± 20 000 ans (N. Clauer, communication écrite) :
- cet âge correspondrait à l'explosion phréatique, c'est-à-dire à la mise en place du
réservoir de fluides de haute température proche de la surface, et marquerait le
début du fonctionnement du champ géothermique il y a environ 320 000 ans ;
- si on considère que la source de chaleur est liée à une chambre magmatique
associée au volcanisme de la Chaîne de Bouillante (§ 4.6.), par conséquent, il y
aurait un laps de temps d'environ 200 000 ans entre le début du fonctionnement du
champ (300 000 ans) et la fin de l'activité volcanique de Bouillante (500 000 ans)
sachant que les appareils de Dos Marsolle-Desmarais sont datés entre 660 000 et
494 000 ans.
La formation possible du cratère de type maar amagmatique, combinée à
l’effondrement du bloc situé au sud de la faille de Marsolle (cf. § 3.2.), serait en partie
responsable de la morphologie arquée de la baie de Bouillante.
4.3. LE CHAMP DE BOUILLANTE EN PROFONDEUR ET SES
EXTENSIONS
En profondeur, le système géothermal de Bouillante est caractérisé par une distribution
zonée des altérations hydrothermales, de type neutre, classique des systèmes
géothermiques haute enthalpie en contexte d’arc1.
À l’échelle du système géothermal, cette altération se développe de façon pervasive2
dans le bâti, en formant des halos hydrothermaux zonés, qui grossièrement suivent les
1
2
On distingue classiquement deux types de système hydrothermal : un système neutre à fluide chloruré et
un système à fluide acide (agressif pour les installations géothermiques), chacun développant des halos
d’altération spécifiques.
On entend par altération pervasive, une altération hydrothermale diffuse, développée dans la masse
rocheuse en fonction de la perméabilité matricielle du milieu et de l’interaction eau-roche (altération
pervasive versus fissurale).
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
25
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
isothermes. À partir de l’étude des forages BO-5, BO-6 et BO-7, mais avec des
variations latérales au-delà des forages, on distingue, de la surface vers la profondeur,
quatre zones d’altération hydrothermale successives (Patrier et al., 2003 ; Mas et al.,
2006 ; Guisseau et al., 2007), qui dans le forage BO-6 se développe aux profondeurs
suivantes :
- une zone à smectite dioctaédrique de type montmorillonite prédominante (< 100 °C)
en sub-surface, déconnectée du système géothermal, sachant que la
montmorillonite résulte de processus supergènes en lien avec la nappe phréatique ;
- une zone à smectite dioctaédrique de type beidellite (110 à 163 °C), prédominante
jusqu’à 260-300 m de profondeur, sachant que la beidellite précipite à partir des
fluides géothermaux ;
- une zone à interstratifiés à illite/smectite à partir de 260 m en général, qui s’enrichit
progressivement en illite entre 300 et 700 m de profondeur, pour des températures
comprises entre 180° et 250 °C. De l’épidote et de la wairakite (zéolite de haute
température) apparaissent de façon simultanée vers 310-350 m, pour des
températures supérieures à 200 °C ;
- une zone à chlorite, très développée au delà de 700 m de profondeur dans les tufs
inférieurs, à des températures stables de l’ordre de 250-260 °C (réservoir principal).
À Bouillante, la zone à smectite beidellitique est principalement développée dans
l’ensemble volcano-détritique « C » dominé par des coulées de laves massives
(cf. § 2.1.), alors que la zone intermédiaire à illite/smectite puis la zone à chlorite la
plus chaude sont essentiellement développées aux dépens de l’ensemble volcanique
sous-marin « D » (> 2 500 m d’épaisseur), constitué de tufs hyaloclastiques chloritisés.
La zone argileuse à smectite beidellitique, la plus « froide » du système et la plus
imperméable, fait écran à la diffusion de la chaleur et à la circulation des fluides vers le
haut (notion de roche couverture ou cap rock), alors que les zones à illite dominante et
à chlorite (> 220 m) constituent le réservoir de fluides dont la température maximale
atteint 250-260 °C entre 500 et 1 200 m en fonction du forage. L’équilibre existant entre
les minéraux hydrothermaux de haute température, comme l’illite et la chlorite et les
conditions de température mesurées dans les puits, indiquent que le champ
géothermique de Bouillante est un système en phase prograde (Mas et al., 2006).
En outre, la combinaison des données de forage sur les altérations, les températures
et les résistivités électriques (fig. 9) montre que la trajectoire des halos hydrothermaux
et les températures associées remontent vers la surface depuis le horst de Descoudes
(au sud), jusqu’à la zone de Marsolle, espace qui constitue le mini-graben (fig. 6). La
forte densité et la température élevée (jusqu’à 120 °C) des sources thermales sousmarines au niveau de la faille Marsolle et la localisation de brèches d’explosion
hydrothermale dans l’Anse Marsolle (maar probable associé) indiquent que la partie
sommitale du réservoir thermique et la zone de upflow associée est centrée sur la faille
de Marsolle, sous la baie de Bouillante.
26
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
0
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Profondeur (m)
1250
1200
1150
75 100
BO7
Illite/Smectite
Smectite
Chlorite
75 100
1000
950
800
0
0
50
Zone à smectite
D < 2 ohm.m
T° < 200°C
75 100
Zone à chlorite
D > 2 ohm.m
T° > 240°C
Zone à Illite/Smectite
2 < D < 20 ohm.m
200°C < T° < 250°C
75 100
Illite/Smectite
Smectite
Chlorite
BO5
25
50
Argiles (%)
25
Argiles (%)
0
800
750
700
650
600
550
500
450
400
350
300
250
200
150
100
50
Figure 9 - Combinaison des données acquises en forages sur les altérations hydrothermales,
les températures et/ou les résistivités (Bourgeois et Debeglia, 2008).
Profondeur (m)
200
Temperature BO2
Résistivité 2D
à X=1600 m
100
10
Temperature (°C)
1
Résistivité (Ohm.m)
Figure 9 - Combinaison des données acquises en forages sur les altérations hydrothermales, les températures
et/ou les résistivités (Bourgeois et Debeglia, 2008).
Illite/Smectite
Smectite
Chlorite
Temperature BO4
Temperature BO5
Temperature BO6
Temperature BO7
Résistivité 2D
à X=1000 m
1050
1050
1100
950
1000
950
1000
950
1000
BO6
900
900
900
Temperature (°C)
900
850
850
850
50
850
800
800
800
25
750
650
750
600
600
550
500
450
400
350
300
250
200
150
100
750
Argiles (%)
0
50
750
0
75 100
700
200
50
700
550
500
450
400
350
300
250
200
150
100
25
Argiles (%)
700
100
0
50
0
700
550
500
450
400
350
300
250
200
150
100
10
650
50
0
50
1
Résistivité (Ohm.m)
650
Profondeur (m)
650
25
75 100
Argiles (%)
50
Profondeur (m)
600
0
25
Argiles (%)
Profondeur (m)
600
550
500
450
400
350
300
250
200
150
100
50
0
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
27
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
À noter que des traces d’ébullition vers 100 m de profondeur sont déduites de petits
séismes répétés et superficiels, dits Longue-Période (fréquences 0.2 - 5 Hz), le long de
la faille de Pointe à Lézard3 (Jousset, 2006).
Le couloir de failles allant de la faille de Marsolle (fig. 6A et 7) jusqu’à Pointe à Lézard,
considéré comme la cible prioritaire n° 1 du projet Bouillante 3 (Sanjuan et al., 2005 ;
fig. 10), formerait la partie nord du champ. En effet, cette zone constitue la structure
tectonique majeure de la région (faille Capesterre-Bouillante-Marsolle) et comprend : i)
la mesure en sub-surface de l’un des gradients thermiques les plus élevés de la région,
ii) la présence de nombreuses sources hydrothermales sous-marines chaudes (jusqu’à
120 °C) montrant des fuites de fluide géothermal de composition chimique semblable à
celle des fluides actuellement exploités et des anomalies en hélium d’origine profonde).
Au droit de cette zone de faille, l’anomalie électrique conductrice (Bourgeois et
Debeglia, 2008 ; fig. 11) suggère que le système géothermal se verticalise.
Figure 10 - Coupe NNW-SSE des isothermes fondée sur les mesures de températures (forage
et surface), les forages de gradient et les expressions de surface (source, fumerolle…),
(Sanjuan et al., 2008) et positionnement du profil thermique.
En grand, entre Thomas, au sud, et Malendure, au nord, le profil de résistivité
électrique, long de 8,4 km, met en évidence, entre 0 et 700 m de profondeur (fig. 11 ;
Fabriol et al., 2005 ; Bourgeois et Debeglia, 2008), une bande conductrice subcontinue (de résistivité inférieure à 2,5 ohm.m), interprétée, au niveau de Bouillante,
comme une zone argileuse « plus froide » (T < 200 °C, à smectite majoritaire).
3
Le réseau permanent de sismomètres large-bande de surveillance du système hydrothermal de
Bouillante a révélé l'existence de petits séismes répétés et superficiels LP, au nord de la baie de
Bouillante. La localisation de ces séismes LP coïncide avec la zone de manifestations de l'activité
hydrothermale sous forme d'émissions de CO2 et d'He à terre et d'émissions de trains de bulles
contenant ces gaz incondensables en mer. Ces observations suggèrent que l'ébullition de l'eau et la
cavitation de bulles pourraient être la source des évènements LP.
28
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
A - Interprétation du magnétisme et inverse 2D du panneau électrique. B - Superposition des altérations hydrothermales et des isothermes sur le profil électrique interprété.
C - Positionnement du panneau électrique N-S.
Figure 11 - Profil géophysique N-S du champ de Bouillante (Bourgeois et Debeglia, 2008).
B
A
C
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
29
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Cette bande conductrice (fig. 11) dessine un « champignon » dont le chapeau,
développé entre Descoudes et Pointe à Lézard, marquerait le sommet des cellules
convectives hydrothermales du champ de la baie de Bouillante (upflow). En revanche,
de part et d’autre du champ, l’interprétation des anomalies conductrices plus profondes
(C2, C3, C4), cruciale pour l’exploration, demeure incertaine par manque de forage
(fig. 11). Sous la zone de Machette, l’alignement horizontal des anomalies conductrices
C2 et C3 pourraient être interprétées comme des zones d’écoulement de fluides
refroidis latéralement (downflow). Une autre hypothèse (Bourgeois et Debeglia, 2008)
suggère que la base de ces anomalies conductrices marquerait le toit d’un réservoir
géothermique vers -700 m de profondeur au nord de Bouillante.
Selon notre interprétation se dessine une répartition de type « zone froide en horst »
versus « zone chaude en graben » : les zones de downflow se situent, au nord comme
au sud, en bordure des appareils volcaniques de la Chaîne de Bouillante (zone de
horst vers Machette, au nord, et Descoudes, au sud) alors que la zone de upflow,
occupant le mini-graben de la baie de Bouillante, est exempt d’appareil volcanique
récent. Les profils magnétique et électrique (fig. 11) confirment que, de part et d’autre
du champ exploité, les anomalies magnétiques positives et résistantes (résistivités
relativement élevées et proches de la surface) marquent les produits volcaniques
récents, appartenant à la Chaîne de Bouillante. En fait, ces volcanites sont peu
affectées par l’altération supergène car d’âge récent, et par l’altération hydrothermale,
car situées en dehors des zones de circulations des fluides géothermaux, excepté au
niveau de Pointe à Lézard où une démagnétisation hydrothermale explique
l’atténuation du signal magnétique.
Plus régionalement, l’homogénéité des fuites de fluide géothermal depuis Thomas
jusqu’aux îlets Pigeon en passant par Bouillante (Marsolle et Pointe à Lézard) suggère
que ces différents sites sont alimentés par une même zone profonde de mélange,
située dans l’emprise de la Chaine volcanique de Bouillante.
4.4. LE RÉSERVOIR EXPLOITÉ DE BOUILLANTE
Pour définir le réservoir exploité du champ de Bouillante, on définit deux entités :
- un « réservoir thermique » (ou zone potentielle), correspondant au volume total de
roche intensément hydrothermalisée (principalement zone à illite) et portée à une
température homogénéisée de 250-260 °C ;
- un « réseau hydraulique », composé par les réseaux de failles perméables et
aquifères poreux, le long desquels les fluides géothermaux circulent dans l’emprise
du « réservoir thermique » en formant des cellules de convection.
Le toit du « réservoir thermique », situé à la base de la zone à smectite-illite,
s’approfondit en allant du nord (~ 300 m dans le BO-2) vers le sud (~ 500 m dans les
puits BO-5 et BO-6 et ~ 600 m dans le puits BO-4) du champ géothermique, c'est-àdire en s’éloignant de la zone apicale du réservoir, centrée sous la baie de Bouillante
et son extension orientale à terre (modèle numérique in Sanjuan et al., 2004).
30
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
À partir des données de forages et de cartographie volcanique et structurale du champ,
on considère ici que l’hypothèse géométrique la plus probable du réservoir thermique
est la suivante :
- suivant une coupe N-S (fig. 12), l’enveloppe du réservoir thermique dessine une
forme de poing, large d’environ 2 km entre Descoudes et Pointe à Lézard,
dépendante de la géométrie du mini-graben contrôlant la circulation de fluide. Cette
enveloppe pourrait s’enraciner vers 2 500-3 000 m de profondeur dans le couloir de
Marsolle-Pointe à Lézard (soit une hauteur de réservoir supérieure ou égale à
2 km), si on retient l’hypothèse d’une circulation des fluides profonds contrôlées par
le couloir tectono-magmatique majeur, qui en remontant vers la surface vont
emprunter les failles du mini-graben de la baie de Bouillante. Dans ce modèle, la
trajectoire particulière de l’isotherme 240 °C, qui trace approximativement le
périmètre du réservoir, est déduite notamment de l’inversion du gradient thermique
mesuré en 1996 dans le puits B0-4 à grande prodondeur (à partir de 1 000 m et
jusqu’à au moins 1 800 m). D’après les modèles thermiques réalisés, le réservoir
pourrait atteindre 1,5 à 2 km de hauteur (Guillou-Frottier, 2003) ;
- suivant l’axe E-W du graben (fig. 13), on suppose une largeur du réservoir thermique
de l’ordre de 1 km à terre et de 2 km en mer jusqu’à la faille majeure N160°E. Dans
cette hypothèse, les températures des forages BO-1 et BO-3, inférieures à 230 °C,
ne sont pas considérées comme une limite du réservoir thermique vers l’ouest,
notamment compte tenu du fait que ces valeurs, extrapolées d’après des mesures
effectuées pendant la foration, doivent être considérées avec précaution (CFG,
2000). D’ailleurs, l’évidence de nombreuses fuites de fluide géothermal issues du
réservoir superficiel dans la baie de Bouillante confirme l’extension du réservoir sous
la baie.
En guise de comparaison, le diamètre du champ de Bouillante reconnu actuellement (2
à 3 km en surface) est comparable à celui de champs géothermiques aux Philippines
comme Bulalo (3 km), Alto Peak (2 km) ou Mahanagdong (5 km). Mais, en l’état actuel
des connaissances, il est délicat d’estimer le volume du « réservoir thermique » de
Bouillante dans la mesure où l’on connaît que partiellement sa géométrie.
Le résultat qui peut être avancé, d’après les données des premiers tests de traçage
initiés à partir du forage BO-4 (Sanjuan et al., 2002 ; Sanjuan et al., 2004), est que le
volume minimal de fluide de ce réservoir (partie supérieure) est estimé à 30 millions
de m3.
Le réservoir thermique est en grande partie constitué de tufs intensément chloritisés
dans la masse, qui appartiennent à l’ensemble lithologique « D » (cf. § 3.1.). Cette
altération pervasive est concomitante d’une intense circulation ascendante de fluides
chauds le long de conduits, expliquant ainsi l’homogénéisation de la température du
réservoir autour de 250-260 °C (cf. verticalisation du gradient thermique, fig. 9 et 14) et
de la composition chimique du fluide.
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
31
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Figure 12 - Modèle conceptuel, suivant une coupe N-S, du système géothermal de Bouillante
fondé sur des données multidisciplinaires de forages et de surface (ce travail).
La représentation 3D de la région de Bouillante (profil électrique et fracturation de surface)
est extraite de Sanjuan et al. (2005).
32
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Figure 13 - Schéma structural en mer proposé par Thinon et al. (sous presse), avec
positionnement du périmètre supposé du champ géothermique de Bouillante.
Cette homogénéisation des fluides géothermaux dans le réservoir, l’absence de tritium
dans la solution, le faible ratio entre flux géothermal rentrant versus sortant (“water in
and out fluxes”) et enfin le volume du « réservoir hydraulique » suggèrent un temps de
résidence des fluides relativement long dans le réservoir, estimé en l’état actuel de nos
connaissances, entre plus de 60 ans (Lachassagne et al., sous presse) et 4 750 ans
(Rad, 2007).
Dans l’emprise du réservoir thermique, on distingue deux types de conduits pour les
fluides :
- type fissural correspondant à des failles subverticales à dominante E-W (et fractures
discrètes N-S ?), mais aussi potentiellement à des contacts de dykes redressés non
identifiés (zones d’alimentation d’appareil volcaniques E-W), nombreux dans
l’ensemble volcanique sous-marin « D » ;
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
33
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
- type aquifère poreux correspondant à des sédiments détritiques comme les horizons
discontinus de sable de plage situés à 400 m dans les puits BO-2 et BO-3 (absent
dans les puits BO-1 et BO-4), mais aussi potentiellement à des niveaux scoriacés de
coulée de lave.
Les données de forages couplées au schéma structural du champ montrent que :
- sur le puits BO-5, la faille de Plateau est productrice vers 525-550 m alors que la
faille de Cocagne est le principal producteur entre 950 à 1 150 m et tout
particulièrement au bas de cet intervalle (passage de la faille) ;
- de la même façon, sur le puits BO-6 (fig. 14), la faille de Plateau est productrice
vers 500 et 580 m alors que la faille de Cocagne est le principal producteur vers
1 000 m (à 869 m et de 915 à 1 248 m) ;
Figure 14 - Lithologie et distribution des minéraux d’altération hydrothermale
dans les forages BO-6 et BO-5 (Mas et al., 2006).
- sur le puits BO-4, deux niveaux producteurs sont mis en évidence : l’un
« superficiel », vers 550-750 m, et l’autre plus profond, vers 950-1 050 m. Aucune
faille n’est connue pour expliquer ces zones de production : on peut invoquer soit
l’existence d’une fracturation EW jalonnant le forage BO-4 ou d’une fracturation N-S
inconnue à ce jour, soit d’horizons aquifères (analogue au forage BO-2 ?),
connectés à une faille redressée ;
34
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
- le forage superficiel BO-2 recoupe à faible profondeur (vers 300 m), une structure
aquifère constituée de formations sédimentaires (sables marins), qui pourrait être
connectée à la faille Cocagne et donc en tirer son fluide géothermal ;
- il en est de même du forage vertical BO-3 vertical, situé au mur de la faille de
Cocagne et qui recoupe vers 410 m un niveau de sable de plage aquifère, différent
de l’aquifère recoupé par BO-2 à 320 m. Cet aquifère pourrait aussi être lié à la
circulation de fluide dans les horizons perméables de la limite entre les ensemble
lithologiques C et D (fig. 5) ;
- sur le puits BO-7 : il n’y a pas de pertes significatives bien que le forage recoupe le
réservoir chaud. La faille de Descoudes est soit pentée sud de 65° et par
conséquent non atteinte par le forage, soit elle est imperméable car remplie de
calcite vers 730 m (ouverture en baionnette jog in english).
En conséquence, la faille de Cocagne constitue la zone de plus forte perméabilité
recoupée dans les forages BO-5 et BO-6, -zone fracturée qui fait plusieurs dizaines de
mètres de large- et dont la projection, selon la verticale, lui confère une largeur d’une
centaine de mètres. Les forages BO-5 et BO-6 ont également recoupé la faille de
Plateau montrant aussi une perméabilité significative, mais inférieure à celle de
Cocagne. Cette perméabilité est plus faible car la faille de Plateau a été recoupée à
une moindre profondeur que celle de Cocagne ; elle contient donc une quantité plus
importante de produits argileux étant encore dans la zone à illite-smectite (colmatage
possible).
On rappelle que l’existence de failles N-S reste à démontrer dans l’emprise du champ
exploité. Cependant, l’évidence du proche couloir N160°E situé en mer tend à prouver
l’existence de cette fracturation qui serait d’autant plus intense qu’on se rapprocherait
du couloir en question. Dans cette hypothèse, au niveau du champ exploité, il est
probable que la fracturation subméridienne se présente sous forme d’un réseau de
fractures NS discrètes, susceptibles de connecter des failles EW entre elles. En
revanche en mer, cette fracturation subméridienne est certainement mieux exprimée,
ce qui favoriserait des débits importants favorisés par la connectivité NS.
4.5. CIRCULATION DES FLUIDES ET RECHARGE DU SYSTÈME
GÉOTHERMAL
En termes de perméabilité, on rappelle que les conduits les plus productifs sont les
failles EW redressées, et dans une moindre mesure certains faciès lithologiques
comme les niveaux sableux.
Circulations géothermales. Les simulations, qui tendent à reproduire le
comportement hydrodynamique des puits BO-4 et BO-6 au cours de la mise en
production de BO-5 par calage des simulations aux observations, ont permis de
conceptualiser la fracturation du champ d’exploitation comme un milieu dual ayant des
caractéristiques de double perméabilité et de double porosité simultanément (Sbai,
2007). Les deux familles de fractures orientées principalement NS et EW n’ont pas les
mêmes caractéristiques hydrodynamiques et de transferts. Les fractures EW
constituent la principale ressource mobilisant les volumes nécessaires aux captages,
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
35
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
alors que les fractures NS sont probablement partiellement colmatées, ou peu ouvertes
par rapport aux fractures EW dans un contexte extensif NNE-SSW, ou encore
n’intersectent pas toujours la famille EW.
D’après le modèle hydrogéologique (Lachassagne et al., sous presse), les réseaux de
failles E-W et de fractures N-S sont connectés (au moins à l’échelle de la partie sud du
réservoir géothermal), et concourent à un comportement « en grand » du réservoir
plutôt qu’à un compartimentage par zones principales de fractures. Cette organisation
favoriserait le fonctionnement de cellules de convection dans le réservoir (fig. 15).
Par ailleurs, le test de traçage initialisé en 2003 en injectant du 1,6-nds dans le puits
BO-4 montre qu’après 12-16 mois, ce traceur finit par atteindre les puits BO-5 et BO-6,
dont les trajectoires et les cibles se situent au nord-ouest et au nord-est du puits BO-4
(Sanjuan et al., 2004). L’existence de conduits horizontaux ou redressés de direction
N-S est, donc, nécessaire pour expliquer ces résultats. Des vitesses apparentes
moyennes de circulation de fluide avaient été estimées à 0,04-0,06 m/h entre BO-4 et
BO-54.
Figure 15 - Modèle hydrogéologique du Champ de Bouillante (Lachassagne et al., sous presse)
4
Il faut cependant souligner que, pendant les neuf premiers mois après l’injection du traceur, les forages
BO-5 et BO-6 n’avaient pas été mis en production, et que pendant la période qui a suivi ces neuf mois et
juste avant l’apparition du traceur dans BO-5, seul ce forage produisait.
36
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Le test de traçage des fluides réalisé en 2007 (Sanjuan et al., 2008) met en évidence
une connexion préférentielle entre BO-2 et BO-4, qui n’a pas été observée dans le
sens inverse en 1998 (Sanjuan et al., 2001), ce qui suggère un sens d’écoulement du
fluide géothermal du nord vers le sud. Selon Lachassagne et al. (sous presse), ce sens
d’écoulement NÆS, convergent avec le sens du flux de chaleur, pourrait s’expliquer
par l’appartenance à une boucle de convection, qui serait ascendante au niveau de
BO-6 et de BO-2 et descendante au niveau de BO-4. Au cours de ce test, les vitesses
moyennes apparentes de circulation des fluides ont été estimées à 0,3-0,4 m/h. Ces
vitesses correspondraient à celles du fluide circulant de BO-2 vers BO-6 et BO-4 par
l’intermédiaire du niveau producteur le plus superficiel, situé à une profondeur de 500700 m de ces deux derniers puits. Il faut, néanmoins, garder à l’esprit que ces vitesses
ont été déterminées pour un débit d’exploitation donné et qu’il n’y a pas eu d’autres
estimations pour des conditions d’exploitation différentes.
Fuites et recharge du système. Le réservoir géothermique, du fait de l’existence de
sa couverture argileuse imperméable à smectite, semble avoir un débit de fuite très
faible, qui a été estimé de l’ordre de 1 à 10 m3/h (Lachassagne et al., sous presse). Ce
débit de fuite se traduit par la présence de sources thermales, localisées en grande
majorité en zone littorale (exutoire lié à la topographie) ou en mer, ce qui ne constitue
pas pour autant un argument pour limiter l’extension du réservoir géothermal côté
continent.
Hors exploitation, ce débit de fuite est compensé par une recharge au même débit
assurée à environ 42 % par des eaux météoriques infiltrées à l’aplomb du domaine
continental de l’aquifère et à 58 % environ par de l’eau de mer infiltrée au droit du
domaine océanique. Le débit de recharge du réservoir géothermal en eau douce (0,5 à
5 m3/h tout au plus) ne constitue qu’une très faible fraction de la recharge des
aquifères (en majorité de sub-surface) : quelques millimètres par an tout au plus, pour
une recharge totale évaluée à 150 à 400 mm/an selon les bassins versants.
Au sein du réservoir, les flux d’eau souterraine liés à la convection doivent être très
supérieurs aux flux de fuite de l’aquifère vers la surface/recharge. Par ailleurs, le stock
d’eau présent au sein des parties perméables du réservoir géothermique est supérieur
de plusieurs ordres de grandeur aux flux de fuites annuelles (moins de 10 000 à
100 000 m3/an).
L’absence de micro-sismicité induite suggère que l’extraction de fluide sans réinjection
se fait de façon asismique, ce qui argumente en faveur d’une recharge continue
empêchant les fractures de se refermer.
Une zone profonde de mélange. À partir d’arguments isotopiques du 7Li (Sanjuan et
al., 2008 ; Millot et al., soumis en 2009), il est proposé l’existence d’une zone de
mélange des eaux météoriques et marines, à la transition entre le plancher océanique
et les laves andésitiques sus-jacentes. Cette interface, estimée à une profondeur
supérieure à 3 km (voire 5-6 km) sous Basse-Terre est un site privilégié de circulation
de fluides (Chan et al., 2002). Cette zone profonde de mélange pourrait être connectée
au réservoir actuellement exploité grâce à l’accident régional de Bouillante-Capesterre,
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
37
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
dont l’extension
plurikilométrique.
horizontale
(>
50
km)
autorise
une
extension
verticale
Enfin, compte tenu de son orientation perpendiculaire au trait de côte (partie en mer et
partie à terre) et de son extension régionale, la faille E-W à NW-SE de CapesterreBouillante-(Marsolle) constituerait un conduit majeur le long duquel fonctionneraient à
l’échelle plurikilométrique des cellules de convection E-W. Ces cellules permettraient la
descente d’eaux froides de part et d’autre du réservoir (58 % marine, 42 %
météorique), puis la remontée de fluides chauds vers le réservoir de Bouillante à partir
d’une zone de mélange située à plus de 3 km de profondeur. De telles cellules
pourraient également exister au niveau des îlets Pigeon, au nord, et de Thomas, au
sud.
4.6. SOURCE DE CHALEUR DU SYSTÈME GÉOTHERMAL
En l’état des connaissances, le magmatisme de la Chaîne volcanique de Bouillante
constitue la source de chaleur du champ géothermique de Bouillante la plus probable :
- dans l’emprise de cette Chaîne volcanique, un alignement d’expressions
géothermales de surface allant des îlets Pigeon (sources en mer) au nord à Anse à
Thomas au sud, en passant par la baie de Bouillante témoigne de fuites de fluides
provenant d’un réservoir géothermique haute température. En revanche, plus au
sud-est, aucun indice de fuite similaire n’a été mis en évidence à partir des résultats
obtenus en géochimie sur les eaux des sources thermales localisées dans le massif
volcanique de la Soufrière. D’ailleurs, des différences très marquées existent entre
les gaz issus de la Soufrière et du champ géothermique de Bouillante, notamment
au niveau de leur signature en 3He/4He (Sanjuan et al., 2001) ;
- l’âge de la Chaîne volcanique de Bouillante est d’environ 500 000 ans dans la zone
de Bouillante alors que l’âge connu comme le plus précoce des manifestations
géothermales y est d’environ 320 000 ans, c'est-à-dire 200 000 ans après le
volcanisme, ce qui exclut de fait le volcanisme de la Soufrière (d’âge inférieur à
0,2 Ma). Le champ de Bouillante s’apparente à un système épithermal neutre et ce
type de système hydrothermal se développe classiquement entre 1 Ma et
200 000 ans après l’activité volcanique (White and Hedenquist, 1995) ;
- un faisceau d’arguments justifie l’individualisation de cette série volcanique : i) le
caractère pétrologiquement homogène (série de type tholéiitique) de la Chaîne
volcanique de Bouillante, ii) sa cohésion dans l’espace et dans le temps, iii) sa forte
composante hydromagmatique, iv) la présence de produits de plus en plus
différenciés et de plus en plus récents, à mesure que l’on progresse vers le sud ; v)
l’alignement de la chaîne le long d’une direction structurale régionale N160°E. En
outre, ces arguments vont dans le sens d’une connexion des petits appareils
volcaniques de la chaîne avec un réservoir magmatique commun qui serait contrôlé
en grand par le jeu décrochant senestre de l’accident régional de Montserrat Bouillante - Les Saintes (fig. 2, 3). Le caractère tholéiitique de la lignée résulte d’une
fusion partielle de la croûte océanique subductée au droit de cet accident. Le
magma issu de cette fusion pourrait, ensuite, être bloqué en profondeur pour
constituer un réservoir magmatique commun (profondeur indéterminée). Vers
38
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
l’extrémité sud de la chaîne volcanique (absence d’expresions géothermales de
surface), ce réservoir commun pourrait se ramifier en une ou plusieurs chambres
magmatiques secondaires où se produit la différenciation à plus faible profondeur (à
la verticale de la zone Tarare - Danois) ;
- du point de vue géodynamique, le volcanisme andésitique de Basse-Terre (depuis la
zone septentrionnale jusqu’à la Soufrière) se caractérise par une lignée calcoalcaline, résultant de la fusion de la plaque américaine à une centaine de kilomètres
de profondeur (avec chambres magmatiques situées entre 5 et 10 km de profondeur
avant de gagner la surface), alors que celui de la Chaîne de Bouillante, limité à la
bordure occidentale de l’arc, est de type tholeiitique, résulte de la fusion de la croûte
océanique et pourrait marquer la bordure de l’ouverture du bassin arrière-arc de
Grenade ;
- la simulation thermique, qui a consisté à reproduire les conditions thermiques du
réservoir géothermal de Bouillante (gradient élevé en sub-surface suivi d'une
température constante d'environ 250 °C reconnue sur plus de < 600 m en
profondeur), montre que, pour un réservoir épais de 2 à 3 km où les zones faillées
sont 100 à 1 000 fois plus perméables que la matrice, alors la profondeur de 7 km
sous Bouillante (fixée a priori comme source magmatique) est à une température de
400 à 500 °C (Sanjuan et al., 2008).
L’hypothèse d’une chambre magmatique (pluton) en cours de refroidissement depuis
500 000 ans, sous la Chaîne volcanique de Bouillante est à étudier.
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
39
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
5. Scénario d’évolution spatio-temporelle
de Bouillante
La synthèse des connaissances décrites dans les chapitres précédents, permet de
proposer un scénario d’évolution spatio-temporelle de Bouillante, depuis l’activité
magmatique précoce jusqu’au développement du champ géothermique.
Entre 1,1 Ma et 200 000 ans, la Chaîne volcanique de Bouillante se développe à terre
comme en mer, suivant un axe subméridien long d’une vingtaine de kilomètres contrôlé
par le décrochement N160°E (système de Montserrat-Bouillante-Les saintes), alors
qu’à Bouillante, à l’échelle locale, la mise en place vers 500 000 ans des appareils
volcaniques de Dos Marsolle-Desmarais est contrôlée par le couloir EW de MarsolleMachette (système de graben de Marie-Galante). La source de chaleur du champ
géothermique proviendrait d’un réservoir magmatique commun en cours de
refroidissement, située en profondeur sous la Chaîne volcanique de Bouillante.
200 000 ans, au plus, après l’activité magmatique, le système géothermal de Bouillante
va se développer dans ce contexte structural favorable et plus précisément dans
l’emprise d’un mini-graben situé à l’intersection entre deux accidents majeurs. Ce
graben est composé d’un réseau de failles EW « en touche de piano » qui, compte
tenu de leur pendage subvertical, est favorable à l’ouverture en tension (forte
composante par rapport au cisaillement pendant l’extension régionale NNE-SSW) et
donc à la circulation de fluides géothermaux. Ce réseau est adossé au couloir régional
compris entre Marsolle et Pointe à Lézard.
Les fluides chauds montent dans le bâti de préférence le long de ce couloir tectonomagmatique. Quand ces fluides arrivent à proximité de la surface, les appareils
volcaniques, peu perméables de type Dos Marsolle-Desmarais, qui occupent la partie
sommitale du couloir de Marsolle, font écran à leur émergence dans l’emprise du horst.
En profondeur, les fluides quittent alors la faille majeure et sont focalisés dans le minigraben de la baie de Bouillante (exempt de volcanisme récent). Pour ce faire, les
fluides empruntent le réseau de failles subverticales normales (Cocagne, Plateau,
Baie…), sachant qu’en profondeur ces failles, principalement pentées nord, sont
susceptibles d’être greffées à la zone de faille majeure de Marsolle, à pendage sud.
Avec l’arrivée des fluides, des halos d’altération zonés se développent
progressivement à l’échelle du réservoir, centré sous la baie de Bouillante et la faille de
Marsolle. Ce réservoir chaud (250-260 °C) se retrouve, alors, « capé » d’une
couverture argileuse à smectite qui va progressivement faire écran aux fluides
ascendants chauds. Le réservoir est alors le siège d’une intense circulation de fluides
géothermaux empruntant les différents conduits possibles (failles EW en priorité,
fissuration N-S supposée, horizons sableux…) suivant des mouvements de convection,
homogénéisant autour de 260 °C la température du réservoir.
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
41
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
En surface, de faibles quantités de fluides s’échappent du réservoir en empruntant des
failles (notamment celle de Marsolle), bien que ces discontinuités soient en grande
partie colmatées par des produits argileux, imperméables, lorsqu’elles recoupent la
zone d’altération à smectite. Vers 320 000 ans, lorsque le système s’est développé
près de la surface (partie apicale du réservoir), l’arrivée de fluides très chauds (250 °C)
en lien avec la faille de Marsolle, aurait provoqué une éruption phréatique, susceptible
d’avoir causé un cratère de type maar amagmatique en baie de Bouillante.
Aujourd’hui, l’équilibre thermique existant entre les altérations hydrothermales et les
températures du réservoir indique que le champ de Bouillante est en phase prograde
(= croissante) de développement thermique et que de fait, un refroidissement naturel
de la ressource n’est pas a craindre.
42
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
6. Discussion et conclusions
6.1. QUESTIONS EN SUSPENS ET AXES DE RECHERCHE PROPOSÉS
Compte tenu du nombre restreint de forages géothermiques, centrés sur la baie de
Bouillante et des conditions difficiles d’observation à l’affleurement, les données
robustes dont on dispose sur le champ de Bouillante sont limitées, à savoir :
- les données de terrain : cartographie du volcanisme, analyse structurale des
affleurements, manifestations hydrothermales de surface, analyses des eaux
thermales et des gaz ;
- les données directes en forages : températures, zonalité des altérations
hydrothermales, zone de production, log géologique, composition géochimique et
isotopique des fluides ;
- les données indirectes en géophysique et notamment le profil électrique jusqu’à
800 m de profondeur, et les profils sismiques en mer.
De fait, de nombreuses questions scientifiques restent en suspens mais des
hypothèses de travail sont proposées dans le cadre de cette synthèse. Pour y
répondre, des axes de recherche sont proposés et devraient permettre de confirmer ou
non ces hypothèses de travail :
- Source de chaleur magmatique et refroidissement thermique ? La chaîne
volcanique de Bouillante est-elle contrôlée par le décrochement NNW-SSE reconnu
au large de Basse-Terre ? Existe-t-il une chambre magmatique commune à la
chaîne volcanique (20 km en N-S) jalonnant cette faille majeure et si oui, à quelle
profondeur est-elle localisée ? La mise en place d’une telle chambre subméridienne
est-elle possible en régime extensif NNE-SSW ? Comment évaluer la trajectoire de
l’isotherme 250 °C en profondeur à l’échelle de la chaîne volcanique de Bouillante ?
Si une chambre magmatique profonde est reconnue, quel est le rôle des
corrugations sur la fréquence des champs géothermiques (cf. travaux de GuillouFrottier et Burov, 2003) ? Si on considère que le champ de Bouillante en cours
d’exploitation est circonscrit en surface entre Descoudes, au sud, et Machette, au
nord, existe-t-il d’autres bulles thermiques au nord ou au sud de Bouillante, dans
l’emprise de la chaîne volcanique, et si oui, selon quelle fréquence ?
· Interprétation des données gravimétrie et magnétisme, visant à détecter, si elle
existe, une chambre magmatique subméridienne en cours de refroidissement
(anomalie gravimétrique lourde versus magnétique faible), et à quelle
profondeur ?
· Étude pétrographique du volcanisme récent visant à déterminer la pression de
mise en place des magmas et donc leur profondeur (1 à 3 kbars / 3 à 9 km ?).
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
43
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
· À l’échelle de la Chaîne volcanique de Bouillante (20 km en N-S),
modélisation thermique et tracé de l’isotherme 250 °C en fonction de la profondeur
du magma en cours de refroidissement depuis 500 000 ans.
- Géométrie et périmètre du réservoir, actuellement exploité et exploitable ?
Quelle est le périmètre (N, S, E, W) du réservoir thermique (260 °C) de Bouillante
entre 0 et 6 km de profondeur ? Quelle est la géométrie 3D des failles perméables et
d’éventuels conduits N-S supposés lors des tests de traçage? Pour consolider le
modèle de mini-graben de Bouillante adossé au couloir majeur de Marsolle, il
convient de s’assurer notamment que ce couloir est composé d’une faille régionale
(à localiser précisément) et qu’il constitue un horst (sismique en mer).
· En surface, besoin d’un schéma structural du champ de Bouillante à réaliser à
partir des données existantes (affleurement, géophysique en mer, à terre, etc.) et
d’acquisition de données nouvelles pour une meilleure cartographie des failles via
une grille d’analyses de gaz et une campagne sismique à terre. Ces nouvelles
données couplées aux données structurales, devraient permettre de repérer des
fuites le long de fractures E-W et N-S et notamment au niveau des accidents
compris entre Marsolle et Machette (future cible géothermique de Géothermie
Bouillante).
· En profondeur, faire des mesures dans les puits (imageries de paroi pour
déterminer l’orientation des structures productrices et des infos sur les contraintes
in situ), en particulier si on fait un puits de réinjection.
· Réinterprétation des données géophysiques anciennes et récentes (gravi, mag) et
acquisition de nouvelles données (MT, sismiques à terre) afin de préciser les
extensions, tout azimut, du champ de Bouillante (et pas seulement suivant le profil
électrique 2D en N-S) ?
· Vers le nord en premier lieu : le champ reconnu s’arrête-il à Pointe à Lézard
(hypothèse développée dans cette synthèse) ou se poursuit-il vers le nord et
jusqu’où ?
· Vers le sud, la cible proposée via la géophysique de Muscade a-elle été
vraiment reconnue en forage, comment expliquer les fuites de fluide géothermal
à Thomas ?
· Vers l’ouest au niveau de la baie : le réservoir est-il défini jusqu’à la faille
N160°E ) ?
· Vers l’est : confronter les données gravi-mag. pour déterminer l’azimut de
l’extension et sa longueur.
· En profondeur au-delà de -600 m, nécessité d’une campagne MT, pour
déterminer notamment la hauteur du réservoir et ses extensions E-W et N-S.
Ces données complémentaires devraient permettre de confirmer et d’infirmer
l’hypothèse d’un volume du « réservoir thermique » reconnu au niveau de Bouillante
qui avoisinerait 12 km3. Suivant cette hypothèse, l’enveloppe du réservoir thermique
dessine une forme de poing, en 2D (coupe N-S), large d’environ 2 km et qui s’enracine
vers 2 500-3 000 m de profondeur dans le couloir tectono-magmatique de MarsolleMachette (soit une hauteur de réservoir estimée à plus de 2 km). Suivant l’axe E-W du
44
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
graben de Bouillante, on suppose une largeur du réservoir thermique de l’ordre du km
à terre et d’environ 2 km en mer jusqu’à l’accident majeur N160°E (fig. 12 et 13).
- Cellule de convection multi-échelle? À l’échelle décakilométrique, quel est le rôle
de la faille majeure E-W sur la montée des magmas, sur la montée des eaux
profondes issues de la zone de mélange, sur la recharge du réservoir ? À l’échelle
du champ, quels sont, s’ils existent, les circuits descendants de fluides refroidis (rôle
de la faille de Machette) ?
· Imager les cellules de convection par des techniques innovantes, notamment dans
la faille majeure EW en profondeur et dans les failles secondaires EW du
réservoir.
· rechercher les circuits descendants (downflow) (thermomètrie off-shore dans la
Baie ou d'autres techniques à partir des données de températures présentées
sour forme cartographique.
· Extension et profondeur de la zone de mélange : deux hypothèses : i) zone
localisée sous la baie de Bouillante avec des fuites vers îlets Pigeon au nord ou
Anse à Thomas au sud ou ii) zone de mélange continue sous la Chaîne
volcanique de Bouillante ?
- Rôle du volcanisme récent sur le fonctionnement du système géothermal 2. À
l’échelle locale de Bouillante, les appareils sont-ils contrôlés par le couloir fracturé
E-W ? Est-ce aussi le cas au sud de Bouillante, au niveau des appareils volcaniques
de Muscade-Thomas et au nord au niveau des îlets à Pigeon ? L’anomalie électrique
résistante, observée en surface au nord de Marsolle (fig. 3 et 11), correspond-elle
sur toute sa longeur au volcanisme récent de la chaîne de Bouillante peu affecté par
l’altération de surface ? Immédiatement au nord de Bouillante, si l’hypothèse d’un
volcanisme récent (d’environ 500 m d’épaisseur à valider) jouant un rôle d’écran à la
circulation des fluides géothermaux est fiable, peut-on envisager l’existence de
champs cachés sous cet écran ou alors l’existence de « lateral flow » refroidis sous
les laves récentes (anomalie C2 et C3 de la figure 11) ?
· Estimation de l’épaisseur du volcanisme récent au nord de Bouillante via la
géophysique (mag, gravi, électrique) et son rôle structural (orientation des dykes).
- Durée du système géothermal ? Depuis quand le système géothermal fonctionnet-il ? L’explosion phréatique supposée et les brèches associées à adulaireillite/smectite datées vers 320 000 ans, avec indication d’ébullition, marquent-elles le
début du système géothermal ? Dans quelles conditions, ces brèches se sont-elles
développées ?
· Datation de l’altération hydrothermale en Ar/Ar sur d’autres brèches à adulaire et
autres produits symptomatiques et l’altération géothermale.
· Analyse texturale de la brèche.
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
45
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
6.2. RECOMMANDATIONS ET GUIDES D’EXPLORATION
Fort de cette synthèse, à l’échelle du champ géothermique de Bouillante s.s., on
recommande de forer la partie nord du réservoir, c'est-à-dire au niveau de la faille de
Marsolle s.l. (de Marsolle à Pointe à Lézard) qui a pour double avantage de concerner
la zone apicale du réservoir géothermique (non exploitée) et sa partie la plus fracturée
(en accord avec la cible de priorité 1 définie par Sanjuan et al., 2005). Si l’hypothèse
d’une fracturation subméridienne croissante en se rapprochant de la faille majeure
N160°E (connue en mer) est avérée, on recommande de se rapprocher autant que
possible de cette zone de fracturation favorable à la circulation des fluides
géothermaux.
D’autre part, le modèle proposé dans cette synthèse permet d’extraire des guides
d’exploration, adaptés à la recherche de champs géothermiques analogues à celui
actuellement exploité à Bouillante (tabl. 2), que ce soit en Guadeloupe dans l’emprise
de la Chaîne volcanique de Bouillante ou dans d’autres îles en contexte d’arc des
Petites Antilles.
Type de contrôle
Chaîne volcanique de
Bouillante et
fracturation précoce
Champ géothermique
et fracturation
Guides régionaux à l’échelle
de l’île de Basse-Terre
Alignement sub-méridien (20 km)
d’appareils volcaniques (en mer et à
terre) le long de la faille régionale NNWSSE (100 km)
Possible réservoir magmatique N-S de
20 km de long, contrôlé par la faille
NNW-SSE
Champ situé à l’intersection entre deux
systèmes tectoniques majeurs :
décrochement régional NNW-SSE de
Montserrat-Bouillante-Les Saintes
(100 km) et faille normale majeure E-W
à ESE-WNW de Bouillante-Capesterre
(30 km)
Appareil phréatique et
réservoir géothermal
Circulations
géothermales
Tronçon de faille régionale E-W de type
Bouillante-Capesterre (et rôle des N-S ?)
comme zone de circulation de fluide
entre la zone de mélange (profondeur ?)
et le réservoir superficiel exploité.
Guides locaux à l’échelle
du champ de Bouillante
Appareils volcaniques de Courbaril,
Démarrais, contrôlés à l’échelle de
Bouillante par le couloir tectonique E-W
de Marsolle-Machette (1 km de large)
Source thermique possible : chambre
magmatique située en profondeur, dans
l’emprise du couloir E-W, sous les
appareils volcaniques de Courbaril,
Démarrais.
Champ situé dans un mini-graben (2 km
en E-W) composées de failles E-W à
pendage nord greffées sur une faille
majeure à pendage sud (Marsolle et
machette, en position de horst). Ce
graben est limité par des appareils
volcaniques récents.
Cratère possible dans la baie de
Bouillante (100 m de diamètre ?)
constituant probablement un maar
amagmatique situé à l’aplomb du
réservoir géothermal (marqueur de la
zone apicale du réservoir).
Absence d’appareil volcanique récent à
l’aplomb du champ de Bouillante s .s.
Réservoir thermique fracturé, caractérisé
par une zonation classique à smectite
(cap rock) / illite-smectite / illite (chlorite)
et un champ de fracture à dominante
E-W permettant le développement de
cellules hydrothermales.
Tableau 2 - Proposition de guides d’exploration, issus du modèle conceptuel de Bouillante
et adaptés à la prospection de ce type de champ géothermique en domaine d’arc insulaire.
46
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
6.3. COMPARAISON AVEC LES PALÉO-SYSTÈMES ÉPITHERMAUX
NEUTRES À AU-AG
Le champ de Bouillante, fonctionnement actuellement, s’apparente aux paléosystèmes épithermaux neutres à Au-Ag (Clark et Williams-Jones, 1990 ; White et
Hedenquist, 1995 ; Corbett, 2001). En ce sens, l’expérience acquise dans le domaine
minier doit pouvoir être en partie transférée et valorisée dans le domaine de la
géothermie haute énergie et inversement (tabl. 3).
Pour conclure, cette synthèse des travaux récents effectués sur le champ de Bouillante
nous a permis de proposer un modèle de champ novateur, fondé sur des données de
terrain solides et sur des hypothèses de travail essentielles à la réflexion (ann. 1). On
montre in fine, que la complexité du champ de Bouillante requiert, d’une part, une
approche multidisciplinaire essentielle à sa compréhension, et d’autre part, l’acquisition
indispensable de nouvelles données (forages et terrain) permettant de valider les
hypothèses énoncées.
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
47
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Champ géothermique actuel
de Bouillante
Contexte géodynamique
Environnement volcanique
Environnement tectonique
régional
Laps de temps entre
volcanisme et circulations
hydrothermales
Distance entre la source
magmatique et le champ
géothermique de surface
Durée de vie du système
hydrothermal
Nature du fluide
Composition du fluide en
métaux
Source de fluide
Altération hydrothermale
Température
Profondeur de mise en place
Minéralisation
Champs/gisements de
références
Paléosystèmes épithermaux
neutres à Au-Ag
Arc insulaire
(subduction d’une plaque océanique sous une autre plaque océanique)
Andésitique (de plus en plus différencié
Andésite à rhyolite
en allant vers le sud)
Zone d’intersection entre deux failles
Fréquent décrochement majeur
régionales : normale WNW-ESE et
décrochante NNW-SSE.
Entre les appareils volcaniques de
Entre système porphyrique (magma)
Bouillante (~ 0,5 Ma) et le début
et minéralisation épithermale : entre
supposé du système géothermal
0,2 et 1 Ma fréquemment
(0,3 Ma)
Æ ~200 000 ans
Sous-jacente mais à quelle
Le transport latéral peut atteindre
profondeur est la chambre ?
10 km (entre le magma et le
Existence possible d’un batholite N-S de gisement).
20 km de long ?
Fréquente ride plutonique comme à
Baia Mare (Roumanie)
0,5 à 3 Ma (Silberman, 1985).
Durée ≥ 0,3 Ma
PH neutre à légèrement acide,
< 3,4 % NaCl
Ag, Au, As, Hg ± Pb, Zn, Sb, Se (rare
Cu)
42 % d’eaux météoriques et 58 % d’eau
À dominante météorique et/ou marine,
de mer
rare trace magmatique
Altération classique à cœur potassique (illite ± adulaire) passant à une zone à
interstratifiée illite-smectite puis une zone à smectite seule (cap rock).
250 - 260 °C
Typiquement de l’ordre de 190-250 °C
(entre 320 et 100 °C)
Toit du réservoir compris entre 300 m au Veines minéralisées mises en place
nord et 600 m au sud
entre 0 à 1-2 km
Baie de Bouillante : bloc de brèche à
Veine rubanée ou brèche en cocarde,
à quartz, calcédoine, illite, adulaire,
adulaire, illite-smectite, silice ± jarosite,
rhodocrosite (Mn), plati-calcite, barite,
calcite.
En forage, précipitation de silice, calcite, et en faible quantité : pyrite,
sphalerite, electrum, gold, galena ±
oxyde Mn, Fe et de sphalérite, galène ±
arsenopyrite, chalcopyrite, argentite,
pyrite chalcopyrite, argentite (Ag2S).
tetrahedrite.
Bouillante
e.g. : Tavatu, Emperor (Fidji), Thames
(Nouvelle Zélande), Edie Creek,
Mount Kare, Porgera (PNG), Pongkor
(Indonésie)
PH = 5,3 ± 0,3
20 g/l NaCl (2 % éq NaCl)
As, Zn, Fe, Cs (Au ?)
Tableau 3 - Comparaison entre le champ géothermique de Bouillante et les systèmes
épithermaux neutres à Au-Ag (White et Hedenquist, 1995 ; Corbett, 2001).
48
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
7. Bibliographie
Andreieff P., Bouysse Ph., Westercamp D. (1987) - Géologie de l’arc insulaire des
Petites Antilles et évolution géodynamique de l’Est-Caraïbe. Thèse de doctorat d’État
ès Sciences, Université de Bordeaux I, 360 p.
Bourgeois B., Debeglia N. (2008) - Reconnaissance géophysique du site
géothermique de Bouillante. Interprétation du levé magnétique et compléments
d’interprétation du panneau électrique. Rapport BRGM/RP-56195-FR, 106 p.
CFG (2003) - Champ géothermique de Bouillante : synthèse lithologique des nouveaux
puits BO-5, BO-6 et BO-7 et corrélation entre puits. Note technique CFG, 37 p.
Chan L.H., Alt J.C., Damon A.H. (2002) - Lithium and lithium isotope profiles through
the upper oceanic crust: a study of seawater-basalt exchange at ODP sites 504B and
896A. Earth and Planetary Sci. Lett., 201, 187-201.Clark J.R., Williams-Jones A.E.
(1990) - Analogues of epithermal gold–silver deposition in geothermal well scales.
Nature 346, p. 644-645.
Corbett G.J. (2001) - Pacific rim Epithermal gold mineralisation: in Hancock, G., ed.,
Geology, exploration and mining conference, July 2001, Port Moresby, Papua New
Guinea, Proceedings: Parkville, The Australasian Institute of Mining and Metallurgy,
p. 56-68.
Fabriol H. (2001) - Champ géothermique de Bouillante : synthèse des études
géophysiques. Rapport BRGM/RP-50259-FR, 43 p.
Fabriol H., Bitri A., Bourgeois B., Debeglia N., Genter A., Guennoc P., Jousset P.,
Miehe J.M., Roig J.Y., Thinon I., Traineau H., Sanjuan B., Truffert C. (2005) Geophysical methods applied to the assessment of the Bouillante geothermal field
(Guadeloupe, French West Indies). Proceedings World Geothermal Congress 2005,
Antalya, Turkey, 24-29 April 2005, 6 p.
Feuillet N., Manighetti I., Tapponnier P. (2001) - Extension active perpendiculaire à
la subduction dans l’arc des Petites Antilles (Guadeloupe, Antilles françaises). C. R.
Acad. Sciences de la Terre et des planètes, 333, p. 583-590.
Feuillet N., Manighetti I., Tapponnier P. (2002) - Arc parallel extension and
localization of volcanic complexes in Guadeloupe, Lesser Antilles. Journal of
Geophysical Research, 107, B12, p. 2331-2359.
Gadalia A., Gstalter N., Westercamp D. (1988) - La chaîne volcanique de Bouillante,
Basse-Terre de Guadeloupe, (Petites Antilles) : Identité pétrographique,
volcanologique et géodynamique, Géologie de la France, vol. 2–3, p. 101-130.
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
49
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Genter A., Traineau H. (2004) - Synthèse méthodologique sur l’exploration
géothermique haute énergie dans les DOM : approche géologique. Projet GHEDOM,
BRGM/RP-53130-FR, 86 p.
Guillou-Frottier L. (2003) - Compilation et analyse des données thermiques sur le
champ géothermique de Bouillante. Premières interprétations pour le fonctionnement
du champ géothermique. Rapport final BRGM/RP-52452-FR. 50 p.
Guillou-Frottier L., Burov E. (2003) - The development and fracturing of plutonic
apexes: implications for porphyry ore deposits. Earth and Planetary Science Letters,
Volume 214, Issues 1-2, p. 341-356.
Guisseau D., Patrier-Mas P., Beaufort D., Girard J.-P., Inoue A., Sanjuan B., Petit
S., Lens A., Genter A. (2007) - Significance of the depth-related transition
montmorillonite-beidellite in the geothermal field of Bouillante (Guadeloupe, Lesser
Antilles). American Mineralogist, vol. 92, p. 1800-1813.
Jousset Ph., Chouet B. (soumis en 2009) - Long-period seismicity in hydrothermal
systems: Evidence for underground geyser-type activity at Bouillante, Guadeloupe
(French Antilles). Soumis à Geophysical Research Letters.
Jousset Ph. (2006) - Sismologie large bande : méthodologie et applications, apport en
géothermie haute enthalpie à Bouillante (Guadeloupe). Rapport BRGM/RP 54701-FR,
100 p.
Komorowski J.-C., Boudon G., Semet M.P., Beauducel F., Anténor-Habazac C.,
Bazin S., Hammouya G. (2005) - Guadeloupe. In: J.M. Lindsay, R.E.A. Robertson,
J.B. Sheperd & S. Ali (Eds), Volcanic Atlas of the Lesser Antilles, Seismic Research
Unit, The University of the West Indies, Trinidad and Tobago, WI, p. 65-102.
Krupp R.E., Seward T.M. (1987) - The Rotokawa geothermal system, New Zealand;
an active epithermal gold-depositing. Economic Geology. Vol. 82: p. 1109-1129
Lachassagne P., Maréchal J.-C., Sanjuan B. (sous presse) - Hydrogeological model
of a high-energy geothermal field (Bouillante area, Guadeloupe, French West Indies). A
paraître à Hydrogeology Journal.
Mas A., Guisseau D., Patrier-Mas P., Beaufort D., Genter A., Sanjuan B., Girard
J.P. (2006) - Clay minerals related to the hydrothermal activity of the Bouillante
geothermal field (Guadeloupe). J. of Volcan. and Geoth. Research, 158, p. 380-400.
Millot R., Scaillet B., Sanjuan B. (soumis en 2009) - Lithium isotopes in island arc
geothermal systems: Guadeloupe, Martinique (French West Indies) and experimental
approach. Soumis à Geochimica and Cosmochimica Acta.
OVSG-IPGP (2008) - Bilan mensuel de l’activité volcanique de la Soufrière de
Guadeloupe et de la sismicité régionale. No. 2008-06, juillet 2008, 4 p.
50
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Patrier P., Beaufort D., Mas A., Traineau H. (2003) - Surficial clay assemblage
associated with the hydrothermal activity of Bouillante (Guadeloupe, French West
Indies). J. of Volcan. and Geoth. Research, 126, p. 143-156.
Pays R. (2005) - Mise en évidence d’altérations hydrotherales fossiles de haute
température à la surface du champ géothermique de Bouillante (Guadeloupe). Rapport
de Master 2 Recherche Geomatériaux-Eaux, Univ. Poitiers, 37 p.
Rad S. (2007) - Mécanismes et temps d’érosion dans les îles volcaniques : apport des
séries de l’uranium, des éléments majeurs et traces, exemple des Antilles et de La
Réunion. Thèse de l’Université Paris 7 - IPGP, spécialité géochimie, 196 p.
Samper A., Quidelleur X., Lahitte P., Mollex D. (2007) - Timing of effusive volcanism
and collapse events within an oceanic arc island: Basse-Terre, Guadeloupe
archipelago (Lesser Antilles arc). Earth and Planetary Sciences Letters, 258, p. 175191.
Sanjuan B. (2001) - Champ géothermique de Bouillante (Guadeloupe) : synthèse des
travaux réalisés en géochimie avant 1999. Rapport BRGM/RC-51672-FR, 64 p.
Sanjuan B., Lasne E., Brach M. (2001) - Bouillante geothermal fluid: mixing and
water/rock interaction processes at 250°C. Proceedings, 10th Water-Rock Interaction
(WRI-10), Cagliari, Italy, June 10-15.
Sanjuan B., Le Nindre Y.M., Menjoz A., Sbai A., Brach M., Lasne E. (2004) Travaux de recherche liés au développement du champ géothermique de Bouillante
(Guadeloupe). Rapport BRGM/RP-53136-FR, 166 p.
Sanjuan B., Lopez S., Guillou-Frottier L., Le Nindre Y.-M., Menjoz A. (2008) Travaux de recherche liés au projet GHEDOM-ADEME (2006-2008). Rapport final
BRGM/RP-56432-FR, 214 p.
Sanjuan B., Traineau H. (2000) - Avancement des travaux scientifiques menés par le
BRGM et la CFG sur le champ géothermique de Bouillante, Guadeloupe, dans le cadre
de la convention n° 99.05.028 entre Géothermie Bouillante et l'ADEME (juillet 1999 janvier 2002). Rapport n° 2000 CFG 018, 43 p.
Sanjuan B., Traineau H., Lasne E., Brach M. (2002) - Travaux scientifiques menés
par le BRGM et la CFG sur le champ géothermique de Bouillante (Guadeloupe) dans
le cadre de la convention n° 99.05.028 établie entre Géothermie Bouillante et l'ADEME
(juillet 1999 - janvier 2002). Rapport final BRGM, 127 p.
Sanjuan B., Traineau H. (2008) - French West Indies: Development of the Bouillante
geothermal field in Guadeloupe. IGA News, Newsletter of the International Geothermal
Association, July-September 2008, Quaterly n° 73, p. 5-9.
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
51
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Sanjuan B., Traineau H., Roig J.Y., Miehé J.M., Cotiche C., Lachassagne P.,
Maréchal J.-C., Fabriol H., Brach M. (2005) - Reconnaissance du potentiel
géothermique du secteur nord de la baie de Bouillante, en Guadeloupe, par des
méthodes d’exploration de surface. Rapport BRGM/RC-53634-FR, 120 p.
Sbai A. (2007) - Modèle double porosité - double perméabilité du champ proche de
l’exploitation géothermique à Bouillante (Guadeloupe). Rapport BRGM/RP-55418-FR,
44 p.
Simmons S.F., Christenson B.W (1994) - Origins of calcite in a boiling geothermal
system American Journal of Science, vol. 294, p. 361-400.
Thinon I., Guennoc P., Bitri A., Truffert C. (sous presse) - Study of the Bouillante
Bay (West Basse-Terre Island shelf): contribution of geophysical surveys to
understanding of the structural context of Guadeloupe (French West Indies − Lesser
Antilles). Accepted to BSGF.
Traineau H., Sanjuan B., Beaufort D., Brach M., Castaing C., Correia H., Genter A.,
Herbrich B. (1997) - The Bouillante geothermal field (F.W.I.) revisited: new data on the
fractured geothermal reservoir in light of a future stimulation experiment in a low
productive well. In: Proceedings, Twenty-Second Workshop on Geothermal Reservoir
Engineering, Stanford University, Stanford, California, January 27-29, 1997, SGP-TR155, p. 97-104.
White N.C., Hedenquist J.W. (1995) - Epithermal gold deposits: styles, characteristics
and exploration. SEG Newsletters, October 1995, 23, p. 1, 9-13.
52
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Annexe 1
Fiche signalétique du champ géothermique
de Bouillante, Guadeloupe
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
53
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
GÉOLOGIE
GÉOGRAPHIE
Le champ de Bouillante se situe sur la côte ouest de l’île de Basse-Terre
(archipel de la Guadeloupe), à environ 15 km au nord-ouest du volcan de
la Soufrière. L’île de Basse-Terre, la plus occidentale et la plus haute de
l’archipel de la Guadeloupe (1 467 m), appartient à l’arc volcanique des
Petites Antilles.
Contexte
géodynamique
Le volcanisme d’arc de Basse terre (et plus globalement des Petites
Antilles) s’est développé sur la croûte océanique de la plaque Caraïbe.
Long de 850 km en N-S, l’arc marque la subduction de la lithosphère
Atlantique sous cette plaque Caraïbe à la vitesse de 2 cm/an suivant une
direction sud-ouest. L’arc insulaire, à nouveau actif depuis le Miocène,
est situé entre la fosse de subduction et le plateau sous-marin de Tobago
à l’est et le bassin arrière-arc de Grenade à l’ouest.
Contexte
volcanique local
Le champ de Bouillante est encaissé dans un substratum volcanique
attribué, en grande partie, à la chaîne axiale des Pitons de Bouillante
(1,02 à 0,43 Ma) - qui affleure en position axiale de Basse-Terre - et à
son démantèlement. Des appareils volcaniques récents (1,1 et 0,2 Ma),
appartenant à la « Chaîne Volcanique de Bouillante » reposent sur ce
substratum. Aligné sur une bande d’environ 20 km en NS et 4 km en EW,
le volcanisme de la « Chaîne de Bouillante », de type tholéiitique, jalonne
l’accident N160°E rattaché au système de Montserrat-Bouillante-Les
Saintes.
Contrôle volcanostructural
Le champ de Bouillante est positionné dans la zone d’intersection entre
i) un accident majeur décrochant N160°E sous-marin, qui se situe dans
le prolongement du système normal-senestre de Montserrat-Bouillante et
ii) l’extrémité occidentale de la faille régionale ESE-WNW de BouillanteCapesterre qui constitue un accident majeur du système de graben de
Marie-Galante.
Le volcanisme récent de la Chaîne de Bouillante, probable source de
chaleur du champ géothermique, apparaît contrôlé : i) à l’échelle de la
chaîne subméridienne de Bouillante, par l’accident sous-marin N160°E et
ii) à l’échelle locale, par des failles E-W et notamment le couloir majeur
de Marsolle-Machette.
Le système géothermal de Bouillante se développe dans l’emprise d’un
mini-graben. Adossé à la faille majeure normale de BouillanteCapesterre-(Marsolle), ce graben est composé d’un réseau de failles
antithétiques E-W « en touche de piano » qui compte-tenu de leur
pendage subvertical à nord, favorise l’ouverture en tension (extension
NNE-SSW) et la circulation des fluides géothermaux.
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
55
RÉSERVOIR
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
56
Altération
hydrothermale et
roche couverture
(cap rock)
Quatre zones d’altération pervasive sont reconnues en s’approchant du
réservoir :
- zone à smectite dioctaédrique de type montmorillonite prédominante
(< 100°C) en sub-surface, résultant de processus supergène en lien
avec la nappe phréatique ;
- zone à smectite dioctaédrique de type beidellite (110 à 163 °C),
prédominante jusqu’à 260-300 m de profondeur (cap rock) ;
- zone à interstratifiés à illite/smectite à partir de 260 m, qui s’enrichit
progressivement en illite entre 300 et 700 m de profondeur, pour des
températures comprises entre 180° et 250 °C. De l’épidote et de la
wairakite (zéolite de haute température) apparaissent vers 310-350 m
(T > 200 °C) ;
- zone à chlorite, très développée au delà de 700 m de profondeur dans
les tufs inférieurs, à des températures stables de l’ordre de 250-260 °C
(réservoir).
Outre la zone imperméable à smectite, les produits volcaniques récents
de la Chaîne de Bouillante pourraient constituer un écran à la montée
des fluides.
Réservoir
hydraulique
Alimentation en eau du réservoir essentiellement faite par l’intermédiaire
des failles à dominante E-W (deux aires de recharge : la mer et les
Pitons de Bouillante).
Dans l’emprise du « réservoir thermique », deux types de conduits pour
les fluides :
- type fissural correspondant à des failles subverticales à dominante E-W
et N-S ;
- type aquifère poreux correspondant à des sédiments détritiques comme
les horizons discontinus de sable de plage situés à 400 m dans les
puits BO-2/BO-3.
Mise en évidence d’au moins deux niveaux producteurs : l’un à 330600 m de profondeur et l’autre à 800-1 100 m de profondeur. Ce dernier
niveau est le plus producteur. Les tests de traçage indiquent la présence
d’un important volume d’eau dans le réservoir supérieur à 30 millions
3
de m . avec sens d’écoulement des fluides vers 330-600 m de
profondeur du nord vers le sud (de BO-2 vers BO-4).
Profondeur et
géométrie du
réservoir thermique
Le toit du « réservoir thermique », situé à la base de la zone à smectiteillite, s’approfondit en allant du nord (~ 330 m dans le BO-2) vers le sud
(~ 500 m dans les puits BO-5 et BO-6 et ~ 600 m dans le puits BO-4) du
champ géothermique, c'est-à-dire en s’éloignant de la zone apicale du
réservoir, centrée sous la baie de Bouillante et son extension orientale à
terre. Le volume du réservoir est estimé à environ 2 km en NS et 3 km en
EW, avec une hauteur de réservoir supposé d’environ 2 km, soit environ
12 km3, alors que le volume de fluides est estimé à plus de
3
30 millions de m .
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
RESSOURCE GÉOTHERMALE
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Expressions
géothermales de
surface
Circonscrites au pourtour et dans la baie de Bouillante, les expressions
de surface sont sous forme de sources thermales et d’émissions de gaz,
prépondérants sur les fumerolles et sols chauds. La densité d’indices
culmine dans la baie de Bouillante, à environ 500 m de la plage de l’Anse
Marsolle, sous forme de sources sous-marines proches de 120 °C et de
dégagements gazeux. La baie de Bouillante aurait été le siège d’une
explosion phréatique de type maar amagmatique, comme le suggère les
nombreux blocs de brèche hydrothermale collectés à proximité de la faille
de Marsolle dans le secteur de Courbaril. Cette brèche, dont
l'assemblage à adulaire, I/S est caractéristique de fluides de haute
température (~200 °C), résulterait de la rencontre de fluides géothermaux
très chauds (réservoir sub-affleurant) avec la nappe phréatique froide.
Fuites naturelles du réservoir estimées entre 1 et 10 m3/h.
Composition
chimique et
isotopique du fluide
Fluide géothermal sous forme liquide dans le réservoir. Il s’agit d’une
saumure de composition chlorurée sodique (NaCl), de salinité avoisinant
20 g/l et de pH autour de 5,3 ± 0,3.
Réservoir alimenté par de l'eau de mer (58 %) et de l'eau douce
superficielle (42 %), dont le mélange a atteint un état d'équilibre chimique
avec la roche encaissante à une température de 250-260 °C
Signature isotopique en 13C et 3He/4He des gaz incondensables associés
indiquant une origine à la fois magmatique, marine et météorique des
gaz.
Signature isotopique en lithium-7 des roches du réservoir en contact avec
le fluide géothermal profond estimée à - 2,6 ± 0,5 ‰, pouvant être
caractéristique de la zone de transition entre les formations andésitiques
volcaniques et le plancher océanique basaltique, site privilégié de
circulation de fluides.
Puits et débits
d’exploitation
Entre 1974, 2001 et 2005, 7 puits réalisés (BO-1 à BO-7) dont 3 puits
généralement en production, à savoir BO-4, BO-5, BO-6. Pas de puits de
ré-injection à ce jour. Débit fluide total à partir des trois forages = de
l’ordre de 530 t/h en mars 2009.
Lors de l’exploitation, le fluide produit est séparé en surface, à 160 °C,
avec 80 % d’eau et 20 % de vapeur utile. Les gaz incondensables,
essentiellement constitués de CO2 (> 90 %), représentent environ 0,4 %
de la masse de vapeur d’eau. Centrale électrique de type double flash
avec deux turbines (5 Mwe et 10 Mwe).
Conditions
pressiontempérature
Température de 250-260 °C au niveau du réservoir exploité. Pression en
tête de puits : 19 à 22 bars (en production). Absence de vapeur dans le
réservoir à ce jour et pression 40 à 100 bars. Constat d’une baisse
sensible de la pression avec risque de vapeur au toit du réservoir
superficiel d’où un projet de ré-injection en 2009.
Usage
Le champ de Bouillante a été découvert dans les années 1970,
développé dans les années 1980 et mis en production en 1986, avec
extension en 2005. Il produit actuellement 15 MWe, à savoir 6 à 8 % des
besoins en électricité de l’île.
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
57
SIGNATURES GÉOPHYSIQUES
SIGNATURES GÉOCHIMIQUES
SIGNATURES GÉOLOGIQUES
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Structural
Schéma structural du champ caractérisé épar un mini-graben adossé à une
faille normale régionale.
Volcanisme
Cartographie du volcanisme et du magmatisme associé comme source de
chaleur potentiel.
Expression de
surface
Marqueur de d’un réservoir superficiel proche :
- présence de sources chaudes sous-marines (jusqu’à 120 °C en baie de
Bouillante), sols chauds, fumerolles… ;
- probable maar amagmatique avec brèches associées HT à adulaire-I/S.
Altération
hydrothermale
Zonalité de altérations hydrothermales de type neutre (smectite / illitesmectite / illite, chlorite).
Géothermomètrie
Géochimie eaux
Température du fluide dans le réservoir (système convectif) = 250-260 °C.
Délimitation du réservoir superficiel via l’analyse des sources hydrothermales
sous-marines dans la baie de Bouillante et au large de Pointe à Lézard,
montrant des fuites de fluide géothermal de composition chimique semblable
à celle des fluides actuellement exploités.
Géochimie Gaz
Délimitation du réservoir superficiel via l’analyse d’émanations d’hélium
d’origine profonde (fuite du réservoir) (supérieure à la concentration
atmosphérique : 5,4 ppm He).
Géochimie
isotopique
source des fluides (eau de mer 58 % versus eau douce superficielle 42 %) et
existence d’une zone de mélange (zone de transition édifice volcanique et
croute océanique).
Électrique
(dipôle-dipôle)
(2004-2007)
Bande conductrice sub-continue (de résistivité inférieure à 2,5 ohm.m),
interprétée comme la zone argileuse à smectite « plus froide »
(T < 200 °C). Elle dessine un « champignon » dont le chapeau, développé
entre Descoudes et Pointe à Lézard, marquerait le sommet des cellules
convectives hydrothermales (upflow), alors que de part et d’autre du champ,
les anomalies conductrices plus profondes (C2, C3, C4) sont interprétées soit
comme des zones d’écoulement de fluides refroidis latéralement (downflow),
soit comme le couverture argileuse (cap-clay) d’un réservoir géothermal plus
profond (vers 1 000 m de profondeur).
Magnétisme
(2003-2005)
Atténuation du signal magnétique en baie de Bouillante et vers Pointe à
Lézard, indicateur d’une démagnétisation hydrothermale indiquant la
proximité d’un réservoir superficiel (fuite).
Sismique réflexion
Haute résolution et
bathymétrie
(2003)
Thermique
Mise en évidence à partir de réflecteurs superficiels (100 premiers mètres),
faille majeure N165°E et faille majeure E-W (= faille de Marsolle au centre de
la baie), avec notamment une remontée de substratum.
Sismique Large
Bande
(2005-2009)
58
Trajectoire superficielle des isothermes via la mesure en sub-surface des
gradients thermiques.
Traces d’ébullition vers 100 m de profondeur déduite de petits séismes
répétés et superficiels, dits Longue-Période (fréquences 0,2 - 5 Hz), le long
de la faille de Pointe à Lézard.
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
SIGNATURE
TOPOGRAHIQUE
Baie et Anse
Pas de trace de subsidence associée à l’exploitation du réservoir.
SIGNATURE
SATELLITAIRE
Radar
Marqueur de zone hydrothermalisée, effondrée au sud de la faille de
Marsolle et/ou affectée par un cratère de type maar (explosion phréatique
possible).
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
59
Champ géothermique haute température de Bouillante, Guadeloupe
Fabriol H., Bitri A., Bourgeois B., Debeglia N., Genter A., Guennoc P., Jousset P., Miehe J.M.,
Roig J.Y., Thinon I., Traineau H., Sanjuan B., Truffert C. (2005) - Geophysical methods applied to
the assessment of the Bouillante geothermal field (Guadeloupe, French West Indies). Proceedings
World Geothermal Congress 2005, Antalya, Turkey, 24-29 April 2005, 6 p.
Feuillet N., Manighetti I., Tapponnier P. (2001) - Extension active perpendiculaire à la subduction
dans l’arc des Petites Antilles (Guadeloupe, Antilles françaises). C. R. Acad. Sciences de la Terre et
des planètes, 333, p. 583-590.
Gadalia A., Gstalter N., Westercamp D. (1988) - La chaîne volcanique de Bouillante, Basse-Terre
de Guadeloupe, (Petites Antilles) : Identité pétrographique, volcanologique et géodynamique, C. R.
Acad. Sci. Paris, Earth and Planetary Sciences Géologie de la France, vol. 2–3, p. 101-130.
Guisseau D., Patrier-Mas P., Beaufort D., Girard J.-P., Inoue A., Sanjuan B., Petit S., Lens A.,
Genter A. (2007) - Significance of the depth-related transition montmorillonite-beidellite in the
geothermal field of Bouillante (Guadeloupe, Lesser Antilles). American Mineralogist, vol. 92, p. 18001813.
PRINCIPALES REFERENCES
Jousset Ph. (2006) - Sismologie large bande : méthodologie et applications, apport en géothermie
haute enthalpie à Bouillante (Guadeloupe). Rapport BRGM/RP 54701-FR, 100 p.
Komorowski J.-C., Boudon G., Semet M.P., Beauducel F., Anténor-Habazac C., Bazin S.,
Hammouya G. (2005) - Guadeloupe. In: J.M. Lindsay, R.E.A. Robertson, J.B. Sheperd & S. Ali
(Eds), Volcanic Atlas of the Lesser Antilles, Seismic Research Unit, The University of the West
Indies, Trinidad and Tobago, WI, p. 65-102.
Lachassagne P., Maréchal J.-C., Sanjuan B. (2008) - Hydrogeological model of a high-energy
geothermal field (Bouillante area, Guadeloupe, French West Indies). Accepté à Hydrogeology
Journal.
Mas A., Guisseau D., Patrier-Mas P., Beaufort D., Genter A., Sanjuan B., Girard J.-P. (2006) Clay minerals related to the hydrothermal activity of the Bouillante geothermal field (Guadeloupe). J.
of Volcan. and Geoth. Research, 158, p. 380-400.
Millot R., Scaillet B., Sanjuan B. (2009) - Lithium isotopes in island arc geothermal systems:
Guadeloupe, Martinique (French West Indies) and experimental approach. Soumis à Geochimica
and Cosmochimica Acta.
Patrier P., Beaufort D., Mas A., Traineau H. (2003) - Surficial clay assemblage associated with the
hydrothermal activity of Bouillante (Guadeloupe, French West Indies). J. of Volcan. and Geoth.
Research, 126, p. 143-156.
Sanjuan B., Traineau H. (2008) - French West Indies: Development of the Bouillante geothermal
field in Guadeloupe. IGA News, Newsletter of the International Geothermal Association, JulySeptember 2008, Quaterly n° 73, p. 5-9.
Thinon I., Guennoc P., Bitri A., Truffert C. (sous presse) - Study of the Bouillante Bay (West
Basse-Terre Island shelf): contribution of geophysical surveys to understanding of the structural
context of Guadeloupe (French West Indies − Lesser Antilles).
Traineau H., Sanjuan B., Beaufort D., Brach M., Castaing C., Correia H., Genter A., Herbrich B.
(1997) - The Bouillante geothermal field (F.W.I.) revisited: New data on the fractured geothermal
reservoir in light of a future stimulation experiment in a low productive well. Proceedings, TwentySecond Workshop on Geothermal Reservoir Engineering Stanford University, Stanford, California,
January 27-29, p. 97-103.
60
BRGM/RP-57252-FR – Rapport final
Centre scientifique et technique
Département Géothermie
3, avenue Claude-Guillemin
BP 36009 – 45060 Orléans Cedex 2 – France – Tél. : 02 38 64 34 34
Téléchargement