proportion de tumeur localement avancée pT3 chez les
noirs, 69% versus 57% dans une étude récente de
POWELL [28] ainsi que la plus forte proportion de
marges chirurgicales positives chez les noirs (58%
contre 40% dans la même étude). Ces données sont
confirmées par plusieurs autres auteurs [21, 31] qui
décrivent une différence statistiquement significative
entre les deux communautés concernant les taux d’ef-
fractions capsulaires et de marges d’exérèse positives
sur les pièces de prostatectomie radicale [28], de même
qu’un score de Gleason plus élevé chez les noirs. Nos
données sont opposées puisqu’à l’inverse de ce qui est
constaté aux Etats-Unis le taux de tumeurs pT3 et le
taux de marges d’exérèse positives sont moins impor-
tants dans le groupe de patients noirs. Là encore, les rai-
sons de telles différences ne sont pas établies mais
résultent possiblement d’une différence de comporte-
ment biologique du cancer de la prostate à un stade pré-
coce dans les communautés noires des deux pays, due à
des facteurs environnementaux (climatiques ou alimen-
taires) voire même génétiques, en raison du métissage
antillais ou des pays africains d’origine des noirs.
Enfin, concernant l’échappement biologique après
prostatectomie radicale, nous ne constatons pas de dif-
férence significative entre les différentes communau-
tés, à l’inverse là encore de ce qui est constaté aux
Etats-Unis [22]. Néanmoins, lorsque les patients noirs
récidivent, ils le font plus précocement que les blancs
ce qui peut témoigner d’un comportement évolutif dif-
férent des tumeurs résiduelles après prostatectomie
radicale dans ces groupes ethniquement différents.
Nos données confirment donc que l’influence des races
sur l’histoire naturelle des tumeurs de la prostate est pro-
bablement variable d’un pays à l’autre et qu’aucun
modèle n’est strictement superposable à un autre. Le
comportement biologique des tumeurs prostatiques
détectées et opérées dans la communauté française d’ori-
gine afro-antillaise est certainement influencé par de
nombreux facteurs (environnementaux, comportemen-
taux ou génétiques) différents de ceux d’autres pays.
CONCLUSIONS
Cette étude, menée chez des français d’origine afro-
antillaise, vivant en métropole depuis plusieurs années,
ne confirme pas toutes les données nord américaines.
- Le score de Gleason n’est pas différent de celui des
caucasiens, ni sur les biopsies au moment du diagnos-
tic, ni sur les pièces de prostatectomie radicale en cas
de tumeur cliniquement localisée à la glande.
- Le taux de tumeurs localement avancées (pT3) est
même significativement plus élevé chez les caucasiens
en cas de prostatectomie radicale.
- Le taux de marges d’exérèse positives, qui certes ne
reflète pas complètement les caractéristiques de la
tumeur et comporte une part subjective liée à l’opéra-
teur, est plus élevé dans le groupe caucasien.
- Les noirs progressent après prostatectomie radicale
dans les mêmes proportions que les caucasiens.
Néanmoins, certaines caractéristiques sont identiques à
celles des Etats-Unis :
- Les noirs sont plus jeunes au moment du diagnostic et
au moment de la prostatectomie radicale.
- Les tumeurs prostatiques, détectées au moment du
diagnostic chez les noirs, semblent plus volumineuses,
car elles sont détectées avec plus de biopsies positives
et plus de tissu biopsique est envahi par la tumeur.
- Les noirs progressent biologiquement plus vite que
les caucasiens après prostatectomie radicale.
Ces données préliminaires donnent à penser que les his-
toires naturelles des tumeurs prostatiques chez les noirs
d’Amérique du Nord et de France sont possiblement
différentes, influencées par des facteurs d’environne-
ment (climatiques, alimentaires…) qui restent à étudier.
Les différences de flux migratoires entre les deux conti-
nents, c’est-à-dire les pays africains d’origine des
migrants, peuvent également expliquer certaines diffé-
rences génétiques, qui influenceraient les caractéris-
tiques du cancer de la prostate dans ces communautés.
Ces données, nouvelles en Europe, nécessitent incons-
testablement des investigations supplémentaires sur de
plus larges cohortes de patients et dans d’autres pays.
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