DiabetesVoice Octobre 2010 • Volume 55 • Numéro 2
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Au cas où vous seriez déconcerté par la lec-
ture de cet article, sachez que les choses de-
vraient aller en empirant ! (voir graphique).
Le diabète n'est pas une condition singulière,
mais une condition chronique hétérogène
dans le cadre de laquelle le métabolisme
d'une personne varie au fil du temps. Si l'es-
sentiel du débat a jusqu'à présent porté sur
l'hyperinsulinémie, les préparations d'in-
suline et la metformine, d'autres facteurs
doivent également être pris en considération.
Le contrôle de la glycémie constitue l'ob-
jectif central du traitement des personnes
atteintes de diabète. On ignore toutefois si
ce contrôle influence le lien avec le cancer,
une controverse à l'origine du débat hype-
rinsulinémie-hyperglycémie. Les données
les plus fiables disponibles concernant cette
question proviennent d'essais randomisés
durant lesquels les patients ont été soumis
à un contrôle glycémique intensif. À ce ni-
veau, il ne semble pas y avoir de différence
nette en termes de risque de cancer entre les
personnes soumise à un contrôle strict de la
glycémie et celles faisant l'objet d'un contrôle
moins poussé.4 Le nombre de cancers dans ces
études est toutefois peu élevé et les périodes
de suivi sont courtes.
Le poids et/ou les variations de poids d'une
personne tout au long de sa vie avec le diabète
pourraient jouer un rôle important, mais
l'étude de ce domaine est très difficile. Ces
mesures augmentent souvent avec l'âge ; de
même, certains médicaments, tels que la
metformine, réduisent le poids, tandis que
d'autres (les insulines, par exemple) l'augmen-
tent généralement. En outre, de nombreuses
personnes atteintes de diabète prennent
d'autres médicaments, tels que de l'aspirine,
des statines et des antidépresseurs, qui peu-
vent également affecter le risque de cancer.
Or l'impact de ces autres médicaments sur les
personnes atteintes de diabète n'est pas clair.
Jusqu'à présent, les recherches dans ce do-
maine ont essentiellement évalué le risque
de développer le cancer. Des études sur les
résultats des personnes atteintes de diabète
de type 2 qui développent un cancer com-
mencent toutefois à voir le jour. Plusieurs
méta-analyses émanant de chercheurs du
John Hopkins Hospital (Baltimore, États-
Unis) ont montré que le diabète est associé
à une augmentation du taux de mortalité à
court terme5 et à long terme6 chez les per-
sonnes ayant un cancer. Plusieurs facteurs
pourraient expliquer ces observations, tels
que des différences au niveau du diagnostic,
parfois plus tardif, le choix du traitement, les
complications avant et après le traitement,
la sélection de traitements d'appoint et des
facteurs contradictoires en termes de décès.
En outre, malgré des contacts fréquents avec
des professionnels de la santé, les taux de dé-
pistage de routine du cancer du sein et cervical
au sein de la population sont moins élevés
chez les femmes atteintes de diabète que chez
les femmes ne présentant pas la condition.
Des recherches complémentaires dans ce do-
maine sont clairement nécessaires. Point posi-
tif : le débat intervenu au cours des 18 derniers
mois a conduit à la réunion de deux grandes
communautés de recherche – le diabète et le
cancer – qui ne se croisent habituellement pas.
La création d'un programme de bourses pour
des projets dédiés à la science fondamentale
et à l'épidémiologie du diabète et du cancer
au travers de la Fondation européenne pour
l'étude du diabète est un exemple de cette
nouvelle orientation prise par la recherche.
Dans ce contexte et en attendant les résultats
de ces recherches, des questions cliniques se
posent au quotidien pour les patients et les
cliniciens. Le document de consensus conclut,
à propos des choix thérapeutiques, que "chez
certains patients, ces problèmes requièrent un
examen plus approfondi". C'est notamment
le cas des patients atteints à la fois de diabète
et d'un cancer, pour lesquels des politiques
locales se doivent d'être développées entre
les oncologues et des diabétologues ayant des
connaissances en la matière. Les recomman-
dations en matière de dépistage du cancer à
l'attention de la population générale devraient
faire partie des soins standard dans le cas des
personnes atteintes de diabète – une case à
cocher sur le formulaire d'examen médical
annuel du diabète, par exemple. Aux États-
Unis et en Europe, les taux de prévalence du
diabète sont de 23,6 millions et 53,1 millions,
respectivement, et l'incidence du cancer de
1,4 million et 3,2 millions, respectivement. Le
suivi de ces recommandations cliniques de
base devrait par conséquent bénéficier à des
centaines de milliers de patients présentant
les deux conditions.
Des études sur les
résultats des personnes
atteintes de diabète de
type 2 qui développent
un cancer commencent
à voir le jour.
Andrew Renehan
Andrew Renehan est conférencier
principal au sein de la section Études
et chirurgie du cancer de l'Université
de Manchester, au Royaume-Uni.
Références
1 Renehan A, Tyson M, Egger M, et al. Body mass
index and incidence of cancer: a systematic
review and meta-analysis of prospective
observational studies. Lancet 2008; 371: 569-78.
2
Renehan A, Smith U, Kirkman MS. Linking
diabetes and cancer: a consensus on its complexity
[commentary] Lancet 2010; 375: 2201-02.
3 Giovannucci E, Harlan DM, Archer MC, et al.
Diabetes and cancer: a consensus report.
Diabetes Care 2010; 33: 1674-85.
4 Gerstein HC. Does insulin therapy promote,
reduce, or have a neutral effect on cancers?
JAMA 2010; 303: 446-7.
5
Barone BB, Yeh HC, Snyder CF, et al.
Postoperative mortality in cancer patients with
preexisting diabetes: systematic review and
meta-analysis. Diabetes Care 2010; 33: 931-9.
6
Barone BB, Yeh HC, Snyder CF, et al. Long-
term all-cause mortality in cancer patients with
preexisting diabetes mellitus: a systematic review
and meta-analysis. JAMA 2008; 300: 2754-64.
PRATIQUE CLINIQUE