Jacques CAMUS - Conseiller Pédagogique en Education Musicale de l’Orne -
Si l’on devait caractériser la musique du XX° siècl e par un seul mot, il faudrait choisir le mot
« rythme »… En effet, malgré le peu de recul dont nous disposons, une évidence s’impose d’elle-
même : l‘importance prise par le rythme dans toutes les musiques nées avec le siècle (jazz, rock,
rap, etc…)
Le rythme à l’école, cela passe avant tout par l’acquisition de compétences transversales, au
premier chef desquelles il faut placer la pulsation. Aucun enfant ne devrait quitter le CM2 sans maî-
triser parfaitement la pulsation. Ce qui n’est pas le cas malheureusement !...
La majorité des œuvres musicales (99 %) sont soutenues par une pulsation (il existe cepen-
dant des exceptions comme le grégorien, les musiques « planantes » et relaxantes, certaines musi-
ques contemporaines).
Néanmoins cette pulsation peut être « manifestée » ou « non manifestée». On parlera de pul-
sation manifestée lorsqu’on entend nettement dans le morceau un instrument ou un autre son qui
joue cette pulsation. A contrario, dans beaucoup d’oeuvres, la pulsation est présente mais on ne
l’entend pas, elle est sous-jacente, elle n’est jouée par aucun instrument...
La musique, dans sa dimension collective, d’activité de groupe, ne peut se passer de pulsa-
tion : c’est le « cœur qui fait battre la musique », c’est la colonne vertébrale autour de laquelle les
musiciens se retrouvent, elle est le repère qui permet la structuration du groupe et lorsqu’en
classe il est difficile de faire jouer tout le monde bien ensemble, c’est parce que chaque individu n’a
pas suffisamment maîtrisé cette compétence pour lui-même et par voie de conséquence met en pé-
ril le travail collectif en ne sachant pas s’accorder avec la pulsation commune au groupe.
Qu’est-ce que la pulsation ? C’est un élément rythmique, manifesté ou non manifesté, qui
divise le discours musical en parties égales et dont la caractéristique principale est la régularité : les
frappés d’une pulsation, manifestés ou intériorisés, sont toujours espacés régulièrement. Avec les
petits, on parlera du « cœur qui bat dans la musique »… Il peut battre normalement, lentement au
repos, vite dans le sport, mais il bat toujours d’une façon régulière, sans à-coup.
En fait, il faudrait parler « des » pulsations. En effet, on peut en général trouver ou frapper au
moins trois pulsations sur une musique donnée : par exemple sur une carrure de 4 temps, on peut
produire 4 frappés, 8 frappés ou 2 frappés, le tempo de base restant le même ; sur une carrure de 3
temps, on peut avoir 1 frappé, 3 frappés ou 6 frappés, le tempo de base restant le même. Du mo-
ment que ces trois manières de frapper sont régulières, elles ont droit à l’appellation de pulsation
(contrairement au « dessin rythmique »)… cf le schéma plus loin...
Peu importe par quels moyens pédagogiques ou grâce à quelles sortes de musiques, on fera
acquérir ce sens de la pulsation (car les méthodes peuvent changer, les principes eux resteront tou-
jours les mêmes) : l’important c’est de comprendre que l’acquisition de cette compétence rythmique
doit absolument passer par le corps et être pratiquée très longtemps (tout au long du cycle 1 et 2
au minimum) de façon à faire partie intégrante des compétences transversales de l’élève.
Le seul critère du sens rythmique chez l’enfant, sera sa capacité à superposer un rythme
à une pulsation de base, c’est-à-dire suivre un rythme quelconque avec une partie de son corps
tout en frappant ou en continuant à suivre une pulsation. En somme, être capable de maintenir
deux rythmes en même temps ( pulsation + formule rythmique). Mais avant d’y arriver, il faudra
passer par toute une progression pédagogique (voir plus loin)...
Avant de travailler le rythme avec les enfants, il faut également avoir présent à l’esprit l’âge et
les possibilités des enfants… Certains rythmes, certaines formules rythmiques ne peuvent être abor-
dés par des enfants trop jeunes, tout simplement en raison de l’état de leurs possibilités musculai-
res (attention donc : se limiter en maternelle à des formules très simples ; ce qui est important ce
n’est pas que l’enfant connaisse et sache interpréter des formules rythmiques compliquées mais d’a-
bord et surtout, de savoir synchroniser une formule rythmique avec la pulsation)
Une progression logique voudrait donc que l’on travaille sur la pulsation avant de travailler
sur les formules rythmiques. Ce n’est pas ce que l’on voit dans les petites classes en général
les maîtresses sont contentes de faire voir le nombre de formules apprises dans l’année...! Bien sûr,
Avant de commencer un travail rythmique...
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certains diront que des enfants très jeunes sont capables de reproduire des formules parfois même
difficiles… Et il est aussi utile de le faire à condition qu’on ne perde pas de vue que l’objectif final,
c’est qu’ils arrivent un jour à synchroniser ces formules avec une pulsation commune au groupe !
Selon le critère défini plus haut, on ne peut pas dire que ces enfants auront acquis le sens du rythme
s’ils n’ont pas encore acquis cette compétence transversale qui consiste à superposer un rythme à
une pulsation, pourtant si essentiel dans n’importe quel type de pratique instrumentale !
Progression possible (généralités) :
Dans un premier temps, profitons de toutes les occasions qui nous sont données pour repérer, trouver,
frapper la pulsation moyenne (d’abord dans la vie courante - horloge, cœur, etc… - puis en musique -
comptines, chansons, jeux dansés...) Des études médicales prouvent que la position la plus naturelle
pour les petits c’est : assis sur une chaise, en frappant avec les deux mains sur ses genoux
Ensuite, on apprendra à marcher sur place, à se balancer d’un pied sur l’autre en suivant la pulsation
(plus délicat)…
Les danses et jeux dansés seront un excellent moyen de sensibilisation à la pulsation, surtout les dan-
ses traditionnelles à condition que la pulsation soit vraiment respectée et que les enfants cherchent à
s’accorder avec elle ; au début il n’y aura pas accord parfait des pas avec la pulsation, mais la persévé-
rance portera ses fruits un jour ; ne pas se décourager ! Se méfier donc, si l’objectif pédagogique est de
travailler sur l’acquisition de cette compétence, de certaines chorégraphies ou évolutions dites
« contemporaines » dans lesquelles on demande aux enfants surtout de jouer avec toutes les parties de
son corps, d’explorer l’espace, etc... sans rechercher vraiment la synchronisation parfaite des évolutions
avec la pulsation... Tout cela est utile mais ne sert à rien pour l’acquisition du sens rythmique !
Ensuite au cycle 2 (G.S ou C.P par exemple) on travaillera les autres pulsations (double et moitié de la
moyenne). D’abord indépendamment de la pulsation moyenne, puis en rapport avec elle, en passant de
l’une à l’autre…. Pour ce faire, on utilisera la technique de la « pulsation parlée » sur une carrure de
quatre temps : tout en frappant la pulsation moyenne (1 2 3 4) on énonce à voix haute la pulsation rapide
(1 et 2 et 3 et 4 et) puis une fois bien installée, on frappe tout ce qu’on dit (= 8 frappés) ; on revient en-
suite à la pulsation moyenne en ne frappant cette fois-ci que les chiffres et en ne frappant rien sur les
« et »; puis pour passer à la « demie-pulsation », on ne frappe plus que le 1 et le 3, tandis que sur le 2 et
le 4, on fait un mouvement « dans le vide » (absolument indispensable avec les plus jeunes)
Exemple sur une « carrure » de 4 :
Moitié de la moyenne 1 . 3 . (= 2 frappés)
Pulsation moyenne 1 2 3 4 (= 4 frappés)
Double de la moyenne 1 et 2 et 3 et 4 et (= 8 frappés)
En inscrivant le schéma précédent au tableau, les enfants se rendront vite compte que certains frappés
« tombent » verticalement en même temps et que cette concordance est à la base de tout...
Lorsque tout cela est bien acquis et maîtrisé par tout le monde, on peut donc commencer à mettre en
place de petites polyrythmies en utilisant les 3 pulsations et en distribuant les rôles à des instruments
de famille différente (peau, bois, métal par exemple), mais là aussi nécessité d’une progression :
Maître : pulsation frappée + enfants : chant ou parlé-rythmé en accord avec la pulsation du Maître
2 groupes d’élèves ( groupe 1: pulsation moyenne + groupe 2 : pulsation double ou demie)
En cycle 3 : aller vers la maîtrise de la synchronisation individuelle rythme + pulsation
Il ressort donc de ce que l’on vient de dire qu’il ne faut pas attendre le CM pour travailler sur la polyryth-
mie... Mais comment faire avec des G.S qui n’ont pas encore acquis la pulsation ? Si l’on ne peut pas en-
core confier la pulsation à un petit groupe, c’est l’enseignant ou un métronome qui manifestera la pulsa-
tion. Ainsi, lorsqu’ils répéteront leur petite formule rythmique, la pulsation sera auditivement présente
dans la classe et les enfants devront faire un effort pour centrer leur attention sur ce qu’ils sont en train
de jouer sans être gênés déjà par cette pulsation qu’ils entendent...
La « porte étroite » (accès à « l’initiation »), ce sera ensuite la capacité à synchroniser tout simplement la
formule « deux croches/noire » (Ex : « Prom’nons-nous» dans les bois...) avec une pulsation. Lorsque
cela est acquis, toutes les difficultés sont permises...!
Ce n’est qu’au CM qu’on pourra prétendre aborder la « polyrythmie individuelle » qui exige que l’enfant
soit capable maintenant de synchroniser seul (avec 2 groupes musculaires différents) formule et pulsa-
tion (par exemple : marquage de la pulsation aux pieds + formules rythmiques en frappés de mains) ...
Bien sûr, nous sommes loin d’avoir épuisé la question de la pulsation, il y aurait encore
beaucoup de choses à dire, de conseils à donner… Ces quelques mots étaient destinés à évi-
ter les erreurs pédagogiques les plus grossières, à donner un point de vue d’ensemble sur la
question et à fournir quelques pistes pour démarrer le travail.
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GLOSSAIRE essentiel du rythme
La Pulsation : élément rythmique, manifesté ou non dans la musique, qui divise le discours en
parties égales et dont la caractéristique essentielle est la régularité
(Concept introduit assez tard... Dans les années soixante, on parlait encore de « temps » à la place
de pulsation !)
« Les » pulsations : on peut en général trouver deux ou trois pulsations dans une musique ;
pulsation moyenne, double de la moyenne, moyenne divisée par deux ;
le point commun qui permet de les appeler pulsation c’est la régularité
Rythme : mot à écarter de son vocabulaire lorsqu’on veut parler avec précision car
il existe au moins 200 définitions du mot rythme !!
Dessin rythmique : c’est ce que les gens appellent en général rythme... Il s’agit de quelque
chose qui n’est pas régulier car constitué par les syllabes du texte de la
chanson ou les notes de la mélodie...
(Si je frappe toutes les syllabes de la chanson « Au clair de la lune », je me rends compte
que je reste plus longtemps sur les deux syllabes de « lu...ne » que sur « Au clair de... »;
les frappés ne sont pas réguliers donc il ne s’agit pas d’une pulsation !)
Temps : c’est une durée ; c’est l’espace temporel qui existe entre 2 pulsations.
I .......... ....... I
Pulsation temps Pulsation
Tempo : c’est l’allure plus ou moins rapide donnée à la pulsation..
Exemple : si nous chantons 3 fois la même chanson en suivant un métronome réglé successivement
sur 60, 100 et 150..., la chanson sera chantée de plus en plus vite. La pulsation devient de plus en plus
rapide. Mais elle est toujours régulière ; c’est simplement l’espace entre deux frappés qui s’est réduit et
qui oblige à accélérer !
Attention
: les jeunes enfants ont un rythme de base plus rapide que celui de l’adulte
(enfant : entre 100/110 pulsations par minute ; adulte autour de 70/80 pulsations par minute) ;
en tenir compte lorsqu’on propose des exercices pour apprendre à maintenir la régularité de la pulsation...
Ostinato rythmique : petite formule rythmique (qu’on peut inventer ou trouver dans les
chansons) que l’on répète « obstinément », à l’identique, tout au
long de la chanson ou du morceau en guise d’accompagnement
Binaire / ternaire : temps divisible par deux ou par trois
(ne pas confondre « ternaire » avec « mesure à 3 temps » !)
Contre-temps : frappé ou attaque du son situé entre 2 pulsations
CITATIONS
Maurice MARTENOT (in « Principes de formation musicale et leur application »)
Définition de la pulsation : « La pulsation est la sensation d’un mouvement musculaire de préfé-
rence infime et très bref se renouvelant à intervalles réguliers »
Critère du sens rythmique : « Il convient d’entraîner un groupe musculaire à la répétition régulière
d’un même geste qui deviendra la « pulsation-jalon », puis cela étant acquis, de faire exprimer la
formule rythmique par un autre groupe musculaire. C’est de l’indépendance motrice entre ces
deux groupes musculaires que dépendra l’éveil du sens rythmique. Aussi peut-on affirmer
que le critère du sens rythmique réside dans cette indépendance... Nous avons adopté l’exécution
de la pulsation par un léger et vif frappement d’une main dans le creux de l’autre et l’expression
de la pulsation par la voix parlée... Il est essentiel au début de faire appel toujours aux mêmes
groupes musculaires... »
« Le rythme a une puissance formatrice exceptionnelle »
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