Université lumière Lyon 2 Institut d'Études Politiques de Lyon Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto Le mécanisme de développement propre peutil remplir simultanément les objectifs de lutte contre le changement climatique et de promotion du développement durable des pays en voie de développement ? BOUQUET Vincent Diplôme de l'Institut d'Études Politiques de Lyon Séminaire d'économie du développement durabl Sous la direction de Lahsen Abdelmalki Soutenu le 3 septembre 2009 Avec pour jury messieurs Lahsen Abdelmalki et P. Laurent Table des matières Remerciements . . Introduction . . Chapitre 1: Présentation du Mécanisme de développement propre dans son contexte . . Première section: Le réchauffement climatique . . 1) État des lieux . . 2 ) Les conséquences du réchauffement climatique . . 3) Les principaux responsables du réchauffement climatique . . Deuxième section: La gouvernance internationale sur le climat . . 1) La convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques . . 2) Le Protocole de Kyoto . . 3) Les mécanismes de flexibilité du Protocole de Kyoto . . Troisième section : Les modalités du mécanisme de développement propre . . 1) L'additionnalité . . 2) Le cycle des projets MDP . . 3) Les acheteurs des crédits carbone générés par le MDP . . Chapitre 2: Le Mécanisme de développement propre remplit-il efficacement l'objectif de lutte contre le changement climatique ? . . Première section: Le MDP participe à l'engagement des pays développés et des PED dans la lutte contre le réchauffement climatique . . 5 6 9 9 10 11 13 15 15 16 18 20 21 21 22 23 23 1) Le MDP participe à l'engagement des pays de l'Annexe B dans la lutte contre le réchauffement climatique . . 24 2) Le MDP participe à l'engagement des PED dans la lutte contre le réchauffement climatique . . 26 Deuxième section: Le MDP désincite relativement les pays développés à « décarboniser » leur économie, et il a une portée limitée . . 27 1) Le MDP désincite les pays développés à adopter des mesures domestiques suffisantes pour combattre le réchauffement climatique . . 2) Le MDP gaspille les investissements nécessaires pour lutter contre le réchauffement climatique . . 3) Une additionnalité douteuse . . 4) Un engorgement administratif et une portée limitée . . Chapitre 3: Le Mécanisme de développement propre remplit-il efficacement l'objectif de promotion du développement durable des pays en voie de développement ? . . Première section: Le MDP comme source d'investissement et de bénéfices environnementaux . . 1) De nouveaux flux d'investissements dans les PED . . 2) Une amélioration de l'environnement local et une préservation des ressources locales . . 27 29 30 30 33 33 34 3) Des conditions favorables pour les PMA . . 36 36 4) Le MDP participe au financement d'un fond d'adaptation contre les changements climatiques . . 37 Deuxième section : Le MDP favorise les pays émergents, met en compétition les PED, et nuit à la position future des PED dans les négociations de la CCNUCC . . 1) Le MDP ne concerne que quasi exclusivement les pays émergents . . 37 38 2) La mises en compétition des PED pour attirer les projets MDP : une course au moins-disant en matière de développement durable . . 39 3) Le MDP affaiblit la position des PED dans les négociations futures dans le cadre de la Convention climat . . 40 Chapitre 4 : Comment le Mécanisme de développement propre peut-il simultanément remplir les objectifs de lutte contre le changement climatique et de développement durable ? . . Annexe 2: Infographie complémentaire . . 42 42 42 44 45 45 48 50 52 52 54 Annexe 3 : Article 12 du Protocole de Kyoto relatif au Mécanisme de développement propre . . 58 Première section: Deux objectifs qui tendent à s'opposer ? . . 1) Deux objectifs qui tendent globalement à s'opposer . . 2) Dans certains cas particuliers ces deux objectifs ne s'opposent pas . . Deuxième section : Les solutions possibles . . 1) Réformer et durcir le MDP . . 2) Agir par delà le MDP . . Conclusion . . Annexes . . Annexe 1 : Glossaire . . Annexe 4 : Le rôle clef de l'Union Européenne dans le Mécanisme de développement propre . . Bibliographie . . Ouvrages . . Sites Internet . . 59 62 62 63 Remerciements Remerciements Je tiens à remercier Mr Abdelmalki pour m'avoir accueilli dans son séminaire d'économie du développement durable et pour m'avoir encadré au cours de l'élaboration de mon mémoire. Je tiens également à remercier l'ensemble des auteurs cités dans ce mémoire sans qui mon travail n'eut été possible. Merci aussi à mes parents qui m'ont soutenu matériellement tout au long de mes études, et qui n'ont jamais été avares de bons conseils. BOUQUET Vincent_2008 5 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto Introduction Pendant plus de trente ans, les questions environnementales de la plus grande importance pour les pays en voie de développement (PED) ont été mises de côtés et remplacées par les préoccupations environnementales des pays développés. En effet, la question du changement climatique est bien moins urgente pour les PED que de fournir de l'eau potable, ralentir l'érosion des sols, traiter les déchets, ralentir la désertification, et réduire la pollution de l'air. De plus le développement est prioritaire sur l'environnement pour les PED, leur priorité absolue étant de sortir la majorité de leur population de la pauvreté. Cependant le réchauffement global causé essentiellement par les émissions humaines de gaz à effet de serre (GES) aura pour principales victimes les PED à moyen et à long terme du fait de leur faible capacité d'adaptation. En effet les phénomènes météorologiques extrêmes (les cyclones, les sécheresses, les inondations..), la montée du niveau de la mer, et le changement des conditions agricoles toucheront de plein fouet l'économie et le développement des PED du fait à la fois de leur position géographique mais aussi de leur faible capacité d'adaptation. Ainsi, la lutte contre le réchauffement climatique s'inscrit clairement dans la promotion à long terme du développement durable des PED, même si elle ne représente qu'une faible partie de la promotion du développement durable des PED ; en effet, le développement durable comprend trois « piliers » qui sont l'économique, le social, et l'écologique, et la lutte contre le réchauffement climatique ne concerne que le pilier écologique, et qu'une faible partie de celui-ci. En somme, les efforts multilatéraux de lutte contre le réchauffement climatique semblent monopoliser l'agenda international et laisser de côté la promotion du développement durable à plus court terme des PED (qui s'opère notamment à travers l'aide publique au développement -APD- et la réduction de la pauvreté). Au sein de la gouvernance mondiale sur le climat, un instrument unique fait le lien entre la lutte contre le réchauffement climatique et la promotion du développement durable des PED dans son intégralité. Il s'agit du Mécanisme de développement propre (MDP). Le MDP est l'un des trois mécanisme de flexibilité du Protocole de Kyoto signé en 1997 et entrée en vigueur en 2005. Le protocole de Kyoto, qui est le traité fils de la Convention cadre des Nations Unies contre les changements climatiques (CCNUCC) signée en 1992, propose un calendrier de réduction des émissions des six principaux GES qui sont considérés comme la cause principale du réchauffement climatique des cinquante dernières années. A ce titre, il comporte des engagements chiffrés de réduction des émissions pour les 37 pays industrialisés qui l'ont ratifié (c'est à dire tous les principaux pays développés à l'exception notable des États-Unis), avec une réduction globale de 5,2% des émissions de dioxyde de carbone (CO2) d'ici 2012 par rapport aux émissions de 1990. Pour arriver à cet objectif 1 global, ces États dits de l'Annexe B se sont chacun vu attribuer un objectif national de 2 « réduction » de leurs émissions de GES. Il revient ensuite à chaque état d'allouer des quotas aux principales activités polluantes se trouvant sur son territoire à travers un Plan d'allocation national des quotas (PNAQ). Dans le but de faciliter ces réductions par les pays 1 Ces pays qui ont des objectifs chiffrés de réduction de leurs émissions de GES sont appelés ainsi parce qu'ils sont listés dans l'Annexe B du Protocole de Kyoto 2 Le terme de réduction figure entre guillement car certains pays se sont vus reconnaître des objectifs se traduisant par une stagnation de leur émissions ou par une hausse amoindrie de leurs émissions 6 BOUQUET Vincent_2008 Introduction développés concernés, le Protocole de Kyoto a introduit trois mécanismes dits de flexibilité qui reposent sur la logique du marché. Le premier d'entre eux instaure un système de Permis d'émissions négociables (PEN). Le troisième instaure le MDP. A l'heure actuelle, le MDP est le seul mécanisme de flexibilité du Protocole de Kyoto qui concerne les PED. Le MDP permet à une entreprise d'un pays soumis à des objectifs de réduction des émissions de GES de récupérer sous forme de "crédits carbone" les émissions de GES qu'elle évite grâce à un investissement physique, par exemple la modernisation d'une usine, dans un pays n'ayant pas de tels objectifs - généralement des PED et plus particulièrement des pays émergents. L'entreprise est ensuite libre d'affecter ces crédits à des unités situées ailleurs dans le monde, ou de les vendre sur les marchés d'échanges de crédit carbone. Le MDP crée un lien entre la lutte contre le réchauffement climatique et la promotion du développement durable à plus court terme des PED, en exigeant que les « projets MDP » (pour être éligibles) participent au développement durable du pays hôte. Il revient à chaque pays hôte de définir ses critères de développement durable. Le développement durable se définit comme « une développement qui répond aux besoins des générations du 3 présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » . Une question se pose alors. Le MDP peut-il remplir simultanément et efficacement les objectifs de lutte contre le changement climatique et de promotion du développement durable des pays en voie de développement ? Et si ce n'était pas le cas dans quelle mesure le MDP peut-il être réformé afin de mieux remplir ces objectifs, et quelles peuvent être les mesures alternatives ? Les réponses à ces questions sont de la plus haute importance dans la mesure ou il est quasi certain que tout traité futur pour combattre le réchauffement climatique, tel celui qui sera adopté à Copenhague en décembre 2009 dans le cadre de la Convention climat, inclura des solutions basées sur le marché tout comme le MDP et l'échange de permis d'émission. Ces marchés des droits à polluer, s'ils doivent réussir à accomplir les objectifs environnementaux d'un futur traité, ont besoin d'incorporer les succès et d'éliminer les défauts des marchés des droits à polluer précédents. Étant donné le développement rapide des projets MDP et des échanges des crédits carbone qu'ils génèrent, le temps est venu pour une telle analyse ; et ce d'autant plus que le MDP est le seul mécanisme de flexibilité basé sur le marché à engager les PED dont l'implication est cruciale dans la lutte contre le réchauffement climatique du fait de leur croissance escomptée (aussi bien économique que démographique. Nous étudierons dans un premier chapitre le contexte des projets du mécanisme de développement propre, c'est à dire le réchauffement climatique et ses conséquences, la gouvernance internationale sur le climat dont le Protocole de Kyoto est le dernier aboutissement, les mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto, et en particulier les modalités du MDP. Nous analyserons ensuite dans un second chapitre dans quelle mesure le MDP est efficace pour lutter contre le changement climatique, en séparant les points positifs des points négatifs. Puis dans un troisième chapitre nous analyserons dans quelle mesure le MDP est efficace pour promouvoir le développement durable des PED, encore une fois en séparant le positif du négatif. Enfin nous verrons comment le MDP est difficilement à même de concilier ces deux objectifs simultanément, et nous étudierons alors dans quelle mesure le MDP pourrait être réformé et qu'elles sont les mesures alternatives possibles pour promouvoir à la fois la lutte contre le changement climatique et le développement durable des PED. 3 Cette définition la plus commune fut établie par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement dans le rapport Brundtland en 1987. BOUQUET Vincent_2008 7 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto 8 BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 1: Présentation du Mécanisme de développement propre dans son contexte Chapitre 1: Présentation du Mécanisme de développement propre dans son contexte Les modèles utilisés par les climatologues prévoient une augmentation de la température moyenne du globe de 2°C entre 1990 et 2100 en cas de doublement de la concentration de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère. Un tel scénario est plus que probable du fait de la croissance économique et démographique des pays en voie de développement (PED). Afin de lutter contre ce réchauffement climatique lourd de conséquences pour la vie humaine, une gouvernance internationale sur le climat a été mise en place. Elle repose sur la Convention cadre des Nations Unies contre les changements climatiques (CCNUCC), ou Convention climat, adoptée en 1992. Le protocole de Kyoto, considéré comme le traité-fils de la CCNUCC, a été adopté en 1997 et est entré en vigueur en 2005. Ce dernier prévoit une réduction des émissions de GES pour les 36 pays industrialisés qui l'ont ratifié, appelés pays 4 de l'Annexe B , avec un objectif de réduction global de 5,2% des émissions de dioxyde de carbone (CO2) d'ici 2012 par rapport aux émissions de 1990. Le Protocole de Kyoto prévoit trois mécanismes de flexibilité afin de réduire le coût de la complétion de ses objectifs: les permis d'émission négociables (PEN), la mise en œuvre conjointe (MOC), et le mécanisme de développement propre.(MDP). Le MDP permet à une entreprise d'un pays développé soumis à des objectifs de réduction des émissions de GES de récupérer sous forme de "crédits carbone" les émissions de GES qu'elle évite grâce à un investissement dans les PED n'ayant pas de tels objectifs ; ces crédits carbone peuvent être utilisés par les pays de l'Annexe B pour atteindre leurs propres objectifs d'émission. Un projet MDP doit se traduire par des réductions additionnelles par rapport à un scénario de référence, et doit suivre un cycle prédéfini pour être validé et recevoir ses crédits carbones appelés Unités de réduction certifiée des émissions (URCE). Dans ce chapitre nous allons donc étudier le réchauffement climatique, ses conséquences, et ses principaux responsables dans une première section. Puis nous traiterons de la gouvernance internationale sur le climat dans une deuxième section. Et pour finir nous analyserons les modalités du MDP dans une troisième section. Première section: Le réchauffement climatique 4 On parle de pays de l'Annexe B car les pays développés astreints à des réductions d'émission sont regroupés dans l'Annexe B du Protocole de Kyoto. On notera que les États-Unis et l'Australie font partie des pays de l'Annexe B mais qu'ils n'ont pas ratifié le Protocole de Kyoto. Ainsi quand on parlera des pays de l'Annexe B on entendra par la tous les pays de l'Annexe B à l'exception des États-Unis et de l'Australie. On confond souvent les pays de l'Annexe B avec les pays de l'Annexe I ; en effet, les pays de l'Annexe I de la CCNUCC se sont engagé à réduire leurs émissions de GES sans objectif précis tandis que les pays de l'Annexe B (qui regroupent plus ou moins les même pays) se sont engagés à travers le Protocole de Kyoto à respecter des objectifs chiffrés de réduction de leurs émissions de GES. BOUQUET Vincent_2008 9 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto 1) État des lieux Onze des douze dernières années figurent parmi les douze années les plus chaudes depuis 1850 (date à laquelle ont débuté les relevés instrumentaux de la température à la surface du 5 globe). Le quatrième rapport du Groupe intergouvernemental d'étude sur le climat (GIEC ) estime la tendance linéaire au réchauffement entre 1906 et 2005 à 0,74°C. Parallèlement, l'élévation du niveau de la mer concorde avec le réchauffement climatique observé au cours du siècle passé ; ainsi sur l'ensemble de la planète, le niveau moyen de la mer s'est élevé de 1,8 mm/an depuis 1961 et de 3,1 mm/an depuis 1993, sous l'effet de la dilatation thermique et de la fonte des glaciers, des calottes glaciaires et des nappes glaciaires polaires. En effet, les données satellites dont on dispose depuis 1978 montrent notamment que l'étendue annuelle moyenne des glaces a diminué de 2,7% par décennie dans l'océan arctique, avec un recul plus marqué en été (7,4%). Le GIEC avance avec un degré de confiance très élevé que les activités humaines menées depuis 1750 ont eu pour effet net de réchauffer le climat. Les principales activités humaines incriminées sont l'émission de GES ainsi que le déboisement. En effet, les GES présents dans l'atmosphère retiennent sur terre la chaleur apportée par le rayonnement solaire. On appelle ce phénomène l'effet de serre ; il fonctionne comme suit. La plus grande partie du rayonnement solaire traverse directement l’atmosphère pour réchauffer la surface du globe. La terre, à son tour, renvoie cette énergie dans l’espace sous forme de rayonnement infrarouge de grande longueur d’onde. Les GES tels que le CO2 absorbent ce rayonnement renvoyé par la terre, empêchent l’énergie de passer directement de la surface du globe vers l’espace, et réchauffent ainsi l’atmosphère. La végétation terrestre quant à elle stocke le CO2, on parle de puits de carbone ; sa diminution entraine donc une augmentation de la présence de CO2 dans l'atmosphère, une augmentation de l'effet de serre, et un réchauffement climatique. Or les émissions de GES imputables aux activités humaines augmentent dangereusement ; elles ont augmenté de 6 70% entre 1970 et 2004, comme nous pouvons le voir sur le graphique ci-dessous . De plus la tendance à l'augmentation des émissions de GES s'est accélérée dans les dernières années. 5 Suite au rapport Brundtland de 1987 (« notre avenir à tous») sonnant l'alarme sur le phénomène de réchauffement climatique (« global warming »), en 1988 l'Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) fondent le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) afin d'examiner la situation de façon critique, à la demande du G7. 6 10 http://www.greenfacts.org/en/climate-change-ar4/figtableboxes/figure-20.htm BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 1: Présentation du Mécanisme de développement propre dans son contexte 7 Émissions globales de GES 1970-2004 Si rien n'est entrepris pour lutter contre, cette tendance devrait dramatiquement s'aggraver avec le développement industriel (émetteur de GES) des PED, et plus particulièrement avec le développement industriel rapide des pays émergents tels que la Chine, l'Inde, le Brésil, et dans une moindre mesure le Mexique et l'Afrique du Sud. Ainsi, les modèles utilisés par les climatologues prévoient une augmentation de la température moyenne du globe de 2°C entre 1990 et 2100 en cas de doublement de la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Si rien n’était entrepris pour limiter l’augmentation de la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, un réchauffement beaucoup plus élevé pourrait être à prévoir. Or, l’étude des climats du passé, ou paléoclimatologie, montre qu’une variation de quelques degrés seulement de la température moyenne de la planète transforme profondément la physionomie de notre planète, et peut par conséquent avoir des conséquences désastreuses pour l'humanité. 2 ) Les conséquences du réchauffement climatique Nous allons maintenant étudier les conséquences du réchauffement climatique sur notre planète et sur la vie humaine. 7 Source: IPCC Climate Change 2007: « mitigation, summary for policymakers », p4 BOUQUET Vincent_2008 11 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto Tout d'abord, la fonte d’une partie des glaces polaires et le réchauffement des océans pourraient entraîner une élévation du niveau des mers, que les hypothèses moyennes évaluent à 50 cm, menaçant 92 millions de personnes vivant dans les zones côtières. Dans un rapport publié en 2007, les experts du GIEC avaient prédit une augmentation du niveau des océans de 18 à 59 cm, voire jusqu'à 76 cm si l'on tient compte de la fonte des glaciers et banquises, selon des scénarios prévoyant une hausse des températures de 1,1 à 6,4 degrés d'ici 2100. Selon certaines hypothèses, une perte de terres de 6 % pour les Paysbas, et de 17 % pour le Bangladesh serait à prévoir. En France, certaines régions côtières seraient affectées, notamment les espaces deltaïques comme le delta du Rhône. Les pays les plus touchés seront les pays dits AOSIS (en anglais, Alliance of Small Island States) c'est à dire les 43 pays membres de l'organisation intergouvernementale regroupant les pays aux côtes basses et les petits pays insulaires. Cette alliance, crée en 1990 pour consolider les voix des petits PED insulaires face à la lutte contre le changement climatique, représente 28% des PED, 20% des membres des Nations Unies et 5% de la population mondiale. Les 43 pays AOSIS comprennent notamment les îles Comores, les Seychelles, l'île Maurice, les Maldives, les îles Bahamas, le Belize, le Cap Vert, Cuba, Chypre, Grenade, la Guinée-Bissau, la Guyane, Haïti, la Jamaïque, le Surinam, la Papouasie Nouvelle Guinée, la Dominique, ainsi que les îles Fidji, Vanuatu et Tuvalu. Le problème est que les pays AOSIS sont à la fois les pays les plus touchés par le réchauffement climatique, et ceux qui ont la plus faible capacité d'adaptation, car ils figurent parmi les pays les plus pauvres de la planète. Par ailleurs, la situation des pays AOSIS est profondément injuste car ce sont eux qui souffriront le plus du réchauffement climatique alors qu'il n' y ont quasiment pas contribué. En effet, leurs émissions passées et présentes de GES sont quasiment nulles du fait de leur faible développement économique. C'est pourquoi les pays AOSIS figuraient à l'avant-garde des négociations du Protocole de Kyoto afin que des actions soient entreprises pour lutter contre le réchauffement climatique. Le réchauffement climatique accroit également les risques de famine en changeant les conditions agricoles et en favorisant la désertification. Ainsi, les risques de disette alimentaire et de famine peuvent s’accroître dans certaines régions de la planète telles l'Asie (du Sud, de l’Est, et du Sud-est), et les régions tropicales d’Amérique Latine et d'Afrique. Le réchauffement climatique a également des conséquences négatives sur la santé de l'humanité. Les vagues de chaleur seront plus intenses et plus longues : on prévoit donc un accroissement consécutif des maladies cardio-vasculaires ; indirectement, un certain nombre de maladies se transmettront plus facilement (malaria, paludisme, dengue, fièvre jaune, encéphalites...). La transmission de ces maladies est de plus favorisée par le bouleversement des flux migratoires des animaux et des insectes qui est lui aussi une conséquence du réchauffement climatique. Le réchauffement climatique accroit par ailleurs les risques de phénomènes météorologiques extrêmes tels les cyclones, les crues et les sécheresses. On prévoit une augmentation de la fréquence et de la durée des grandes crues et des grandes sécheresses. L'ampleur des cyclones serait également revue à la hausse selon le quatrième rapport du GIEC. Enfin, le réchauffement climatique entraine un changement des courants marins. Ainsi, certains chercheurs envisagent la possibilité d’un ralentissement du « gulf stream » au niveau du nord de l’océan Atlantique, ce qui aurait pour conséquence une forte baisse de la température moyenne en Europe occidentale alors que le niveau de cette température aurait tendance à s’élever sur le reste du globe. Ces changements de température à la 12 BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 1: Présentation du Mécanisme de développement propre dans son contexte surface du globe s'accompagnent d'un changement de la pluviométrie aux conséquences néfastes pour l'agriculture des PED. Les conséquences du réchauffement climatique se feraient déjà ressentir. En effet, un rapport de mai 2009 du Forum humanitaire mondial (la fondation présidée par l'ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan) intitulé "L'impact humain du changement climatique - anatomie d'une crise silencieuse" conclue que le réchauffement climatique est 8 d'ores et déjà responsable de 300 000 morts par an La moitié de ces victimes meurent de la faim. Vient ensuite la santé, le réchauffement climatique apparaissant comme un vecteur d'une diffusion plus large de certaines maladies. Ainsi il a été identifié 10 millions de nouveaux cas de malaria, la diffusion de cette maladie ayant causé 55 000 morts. Les pays pauvres sont de loin les plus exposés à ces conséquences néfastes du changement climatique (la famine, et la maladie). Du Sahara au Moyen-Orient, jusqu'à l'Asie centrale et à certaines régions d'Asie du Sud-Est, ils forment cette ceinture semi-aride où les sécheresses récurrentes et la désertification sont déjà à l'œuvre. La Somalie, le Burundi, le Yémen, le Niger, l'Erythrée, l'Afghanistan, l'Ethiopie, le Tchad, le Rwanda et les Comores sont à la fois les pays les plus vulnérables au réchauffement et ceux qui ont la plus faible capacité financière pour y répondre. Ironie du sort, ces pays pauvres sont ceux qui ont la moins grande responsabilité historique dans le réchauffement climatique à travers l'émission de GES... 3) Les principaux responsables du réchauffement climatique Avec seulement 4% de la population mondiale les États-Unis sont responsables de plus de 20% des émissions globales de GES, et ce alors que les États-Unis n'ont pas d'engagements contraignants de limitation de leurs émissions, le Sénat américain ayant refusé de ratifier le Protocole de Kyoto par un score sans appel de 97 voix contre et zéro voix pour. La Chine est le deuxième pays émetteur de GES, et est en voie de dépasser 9 les émissions des États-Unis si ce n'est déjà fait . L'Union Européenne (UE) arrive en 10 troisième position juste devant la Russie. En prenant en compte les émissions liées à la déforestation et à l'utilisation des sols (la végétation capte le CO2 qui est de loin le principal gaz à effet de serre présent sur notre planète), l'Indonésie et le Brésil sont alors respectivement le troisième et le quatrième pays plus gros contributeur à l'effet de serre du fait de la déforestation massive s'opérant sur leur territoire. A titre de comparaison, 136 PED sont responsables ensemble de seulement 24% des émissions de GES. La plupart des émissions de GES des PED proviennent et proviendront des pays émergents tels que la Chine (24%), l'Inde (8%) , le Brésil, et le Mexique. Actuellement, les pays développés, et non les PED, sont donc les principaux responsables des émissions de GES globales mais la tendance devrait s'inverser d'ici peu sous l'effet conjugué de la croissance économique et de la croissance démographique des PED. En effet, les pays développés enregistrent en moyenne une croissance de 1% de leur PIB par an contre 3,5% en moyenne pour les PED, et cette tendance devrait continuer. En même temps la population mondiale va continuer à augmenter, passant de 6 milliards à 8,4-12 milliards d'individus d'ici 2100, et la très large majorité de cette croissance démographique va avoir lieu dans les PED. Ces deux forces 8 9 10 Le réchauffement climatique provoque 300 000 morts par an, Le monde, L. Caramel, 30/05/2009 La Chine aurait remplacé les États-Unis dès 2006 en tant que plus gros émetteur mondial de GES. On notera que l'UE n'est pas un pays, et qu'elle n'arrive en troisième position que par l'addition des émissions de GES de ses pays membres. BOUQUET Vincent_2008 13 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto quasiment « inarrêtables » - le développement économique et la croissance démographique des PED - auraient pour conséquence une augmentation des émissions de carbone des 11 PED de 31% du total mondial en 1990 à 60% en 2030 . Par ailleurs, l'urbanisation des PED contribue aussi à l'augmentation des émissions de GES des pays du Sud à travers 12 le développement d'activités émettrices de GES tels le BTP , le transport (l'urbanisation accroit les temps de transport) et l'énergie (chauffage, climatisation). En effet, les villes des pays en développement absorbent 70 millions de nouveaux habitants par an. La population urbaine de ces pays devrait doubler d'ici à 2050. 5,3 milliards d'êtres humains vivront alors 13 en ville, dont 80 % dans des pays pauvres . Par ailleurs, les pays développés ont, en plus de leurs émissions actuelles importantes, une responsabilité historique dans le niveau de GES présent dans l'atmosphère terrestre. En effet, le raisonnement derrière la responsabilité historique des pays riches est que le principal GES est le CO2 (il représente plus de trois quarts des émissions de GES en prenant en compte la participation au réchauffement global) et que ce dernier reste dans l'atmosphère pendant 100-120 ans (voire jusqu'à 200 ans selon certaines estimations). Or les pays développés ont commencé leur révolution industrielle dès le XIXème siècle (1750 même pour la Grande Bretagne), et l'ont fortement poursuivi depuis 1945. Quand on additionne les émissions de CO2 émises depuis 1950, le fossé entre les pays développés et les PED se creuse: les émissions cumulées des pays développés représentent presque le double des tonnes de CO2 émises par les pays à revenu intermédiaire, et quatre fois 11 12 13 14 Roberts and Parks (2007), p. 218-219 Le BTP est une abréviation désignant le secteur du bâtiment et des travaux publics. La priorité à la réduction des émissions de CO2 nuit aux villes du Sud, Le Monde, 16/07/09 BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 1: Présentation du Mécanisme de développement propre dans son contexte plus que les émissions cumulées de la majorité de la population mondiale qui vit dans 14 des pays pauvres . Globalement les 20% les plus riches de la population mondiale sont responsables de plus de 60% des émissions mondiales de GES. Ce chiffre excède les 80% 15 si on prend en compte les émissions de GES passées . C'est la raison pour laquelle certains 16 auteurs n''hésitent pas à parler de la « dette écologique » des pays développés (même 17 si ce concept a originellement une portée beaucoup plus large ). Voilà pourquoi il figure au nombre des grands principes établis par la Convention Climat de 1992 (la CCNUCC) la notion de « responsabilité commune mais différenciée ». Ce principe est à la base du refus légitime des PED d'accepter des engagements contraignants de limitation d'émission de GES tant que les pays développés n'auront pas apporté la preuve de leur volonté « d'être à l'avant garde de la lutte contre les changements climatiques ». En effet, les PED, n'ayant qu'une faible responsabilité historique dans l'émission de GES et ayant un droit légitime à sortir la majorité de leur population de la pauvreté à travers le développement économique, ne devraient pas agir immédiatement sans une aide suffisante du Nord. Nous allons maintenant étudier la Convention Climat (CCNUCC), son traité-fils le Protocole de Kyoto, ainsi que les trois mécanismes de flexibilité de ce dernier parmi lesquels figure le MDP. Deuxième section: La gouvernance internationale sur le climat 1) La convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques Durant les années 1960 et 1970, les préoccupations écologiques de diverses natures se multiplient. En 1983, les Nations Unies créent la Commission mondiale sur l'environnement et le développement, mieux connu sous le nom de Commission Brundtland (du nom de son dirigeant, Gro Harlem Brundtland, alors Premier ministre de la Norvège). En 1987, la commission Brundtland publie un rapport intitulé « notre avenir à tous » qui va populariser les notions de réchauffement climatique (« global warming ») et de développement durable (« sustainable development »). Suite au rapport Brundtland de 1987 qui sonne, entre autres, l'alarme sur le phénomène du réchauffement climatique, en 1988 l'Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) fondent le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) afin d'examiner la situation de façon critique, à la demande du G7. Le GIEC publie son premier rapport en 1990, et ce dernier confirme alors les informations scientifiques à 14 15 16 17 Roberts and Parks (2007), p. 150 Roberts and Parks, 2007, p. 10 Voir les travaux de Juan Martinez-Allier de l'ONG équatorienne Accion Ecologica (2001). Cette dette écologique des pays développés comprend non seulement la responsabilité historique des pays développés dans l'émission de GES, mais aussi leur exploitation des ressources naturelles du reste du monde, ainsi que leurs délocalisations vers le reste du monde de leurs activités les plus polluantes. BOUQUET Vincent_2008 15 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto l'origine des préoccupations sur le changement climatique. Ce rapport incite l'ONU à établir une Convention cadre sur les changements climatiques (la CCNUCC), adoptée en juin 1992 à Rio de Janeiro lors dela Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement (CNUED), informellement connue sous le nom de Sommet de la Terre. La CCNUCC, aussi appelée Convention climat, est un traité international dont l'objectif ultime est de « stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique ». 18 Ce traité entre en vigueur en mars 1994 après avoir été ratifié par 189 pays dont les ÉtatsUnis et l'Australie. L'organe suprême est la conférence des parties (COP, pour l'anglais « Conference Of the Parties »), cette dernière est composée de tous les États parties et vérifie leur bonne application des objectifs de la convention. Cependant, cette convention ne contient aucun objectif juridiquement contraignant. Les pays développés et les pays en transition vers une économie de marché sont regroupés au sein de l'Annexe I de la CCNUCC. Les pays de l'Annexe I acceptent de réduire leurs émissions de GES. Les PED ne se sont pas engagés à « décarboniser » leur économie, cependant les PED ont la possibilité de rejoindre volontairement les pays de l'Annexe I lorsque leur économie sera suffisamment développée. Le reste de la gouvernance internationale sur le climat que nous allons étudier, c'est à dire le Protocole de Kyoto et ses mécanismes de flexibilité, repose sur la CCNUCC qui joue donc un rôle central. 2) Le Protocole de Kyoto Le protocole de Kyoto est considéré comme le traité fils de la CCNUCC car c'est lui qui vient définir les moyens pour parvenir à l'objectif fixé. Les négociations du protocole de Kyoto s'ouvrent en décembre 1997 à Kyoto, et ce dernier est ouvert à la ratification le 16 mars 1998. Ainsi, le protocole de Kyoto fixe des objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effets de serre à 38 pays industrialisés listés dans l'Annexe I. Ces derniers doivent réduire leurs émissions de GES, entre 2008 et 2012, de plus de 5% par rapport à 1990, où elles représentaient 40% des émissions mondiales. Les engagements chiffrés du protocole de Kyoto concernent les six principaux gaz à effet de serre produits par l'activité humaine: le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), l'hexafluorure de soufre (SO6), les hydrofluorocarbures (HFC), les perfluorocarbures (PFC) et l'oxyde nitreux ou protoxyde d'azote (N2O). Le GES de référence est le CO2 car il représente près des trois quarts des émissions de 19 GES humaines, comme nous pouvons le voir sur le graphique ci-dessous . Les cinq autres GES cités plus haut sont convertis en tonnage équivalent de CO2 (tCO2e) en prenant en compte leur participation au réchauffement global sur 100 ans (PRG). Ainsi par exemple, les HFC ont un PRG 1350 fois plus élevé que le CO2, et le N2O a un PRG 310 fois plus élevé que le CO2. 18 La CCNUCC compte actuellement 192 membres et quatre observateurs. 19 16 Source: EPA, Methane to Market Partnership Fact Sheet Brochure BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 1: Présentation du Mécanisme de développement propre dans son contexte Il a été posé deux conditions à l'entrée en vigueur du protocole de Kyoto. D'une part, ce dernier devait être ratifié par au moins 55 pays ; cette première condition fut remplie le 4 juin 2002 avec la ratification du Japon. D'autre part, les pays soumis à des engagements 20 chiffrés de leurs émissions de GES (les pays de l'Annexe B, aussi dits pays de l'Annexe I ) devaient représenter 55% des émissions de GES des pays listé dans l'Annexe du protocole ; cette seconde condition fut remplie le 18 novembre 2004 avec la ratification du protocole de Kyoto par la Russie. Le protocole de Kyoto est alors entré en vigueur 90 jours après la complétion de ces deux conditions, c'est à dire le 16 février 2005. Il n'est alors ratifié que 21 par 172 États, les États-Unis ayant notamment refusé de ratifier le Protocole de Kyoto. Le Protocole de Kyoto ne prévoit pas d'engagements chiffrés des PED mais certains de ces derniers -les pays émergents- pourraient se voir attribuer des quotas d'émissions après 2012 selon le bilan des négociations de la conférence sur le climat de Copenhague de décembre 2009 qui définira l'après-Kyoto, le Protocole de Kyoto n'étant applicable que pour la période 2005-2012. Les émissions de GES des PED posent problème car les PED ont une forte croissance économique qui est nécessaire à leur développement ainsi qu'une forte croissance démographique. Ainsi, par exemple, la Chine est déjà devenue le plus gros émetteur de CO2 (en 2006) avec 24% des émissions tandis que l'Inde représente 8% de ces émissions. Cependant au vu de la responsabilité historique des pays développés en termes d'émission de GES, et de la nécessité pour les PED d'avoir une croissance porteuse de développement (afin de sortir la grande majorité de leur population de la pauvreté), les PED ont logiquement refusé tout engagement chiffré lors des négociations du Protocole de Kyoto. Cela fait partie du principe d'une responsabilité commune mais différenciée qui est un des trois grands principes reconnus par la CCNUCC. Cependant il est apparu comme indispensable 20 Voire la note 4, page 9. 21 Depuis la ratification du Protocole de Kyoto par l'Australie en 2008, les Etats-Unis constituent le seul pays des 38 pays de l'Annexe B soumis à des encagement chiffrés de réductions de leurs émissions de GES à ne pas avoir ratifier le Protocole de Kyoto. BOUQUET Vincent_2008 17 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto d'associer les PED aux efforts multilatéraux de lutte contre le changement climatique à travers un mécanisme de flexibilité appelé le MDP. Pour comprendre véritablement le MDP, il est nécessaire de comprendre les trois mécanismes de flexibilité du Protocole de Kyoto, car c'est sur ces derniers que repose ce qu'on appelle la « finance carbone » - à laquelle participe de manière notable le MDP – et aussi parce que ces trois mécanismes de flexibilité reposent sur une même logique comme nous allons le voir. Nous allons donc maintenant étudier les trois mécanismes de flexibilité du Protocole de Kyoto. 3) Les mécanismes de flexibilité du Protocole de Kyoto Le protocole de Kyoto prévoit trois mécanismes de flexibilité: le mécanisme des permis d'émission négociables (PEN), l'action conjointe ou mise en œuvre conjointe (MOC), et le mécanisme de développement propre (MDP). A l'heure actuelle seul le MDP concerne les PED mais les PED pourraient être concernés par les deux autres mécanismes de flexibilité dans un futur relativement proche selon ce qui sera décidé à la conférence sur le climat de Copenhague en décembre 2009. Les mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto reposent sur les forces du marché afin d'internaliser au marché les externalités négatives que sont les émissions de GES selon le principe du pollueur payeur. Les mécanismes de flexibilité visent avant tout à réduire le coût du respect de leurs engagements chiffrés par les pays de l'Annexe B. Les trois mécanismes de flexibilité constituent des systèmes de compensation externe (« offsets », en anglais) car ils viennent compléter les actions domestiques afin de réduire les émissions de GES des pays de l'Annexe B. a) Le mécanisme des permis d'émission négociables (PEN) Il s’agit d’un système de marché de permis d’émission de GES exprimé en tonnage équivalent de CO2 (tCO2e). Ce mécanisme est défini par l'article 17 du protocole de Kyoto. Principal mécanisme prévu par le Protocole de Kyoto, le mécanisme des permis négociables vise à encourager le plus rapidement possible l’amélioration des systèmes de production les plus polluants et les moins efficaces. Tout effort de réduction des émissions dans de tels systèmes aura en effet un faible coût comparé à un effort de réduction dans un système déjà performant. La logique veut qu'on réduise les émissions de GES là où cette réduction est la moins couteuse. En effet la présence de GES dans l'atmosphère est un phénomène global et peu importe l'origine géographique des réductions d'émission pour lutter contre le réchauffement climatique. Le protocole de Kyoto a fixé un quota d'émission « gratuit » par pays tandis que chaque pays répartit ces quotas entre ses industries les plus polluantes à travers des Plans nationaux d'allocation des quotas (PNAQ). En France, c'est la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui gère le PNAQ français. Une entreprise peut vendre ou racheter des permis d'émissions sur les marchés prévus à cet escient. Si le total des émissions de l'entreprise est inférieur aux quotas qui lui ont été attribués, elle va alors vendre une partie de ses quotas d'émission et dégager un surplus financier. Si le total des émissions de l'entreprise est supérieur aux quotas qui lui ont été attribués, elle va alors devoir acheter des quotas d'émission afin de respecter la limite d'émission qui lui a été imposée par l'État. Les émissions annuelles sont affectées au passif de la société. Le bilan doit être équilibré à l'actif par le volume de quotas initialement attribué, augmenté des achats et diminué des ventes. Plusieurs marchés de permis d'émission ont été mis en place à l'échelle d'entreprises, de groupes d'entreprises, ou d'États. Le marché de permis d'émission qui est de très loin le plus important en termes de volumes des transactions effectuées est l'UE-ETS (pour European Union – Emission Trading Scheme, en anglais). Cependant, il 18 BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 1: Présentation du Mécanisme de développement propre dans son contexte existe d'autres marchés globaux de permis d'émissions comme l'Intercontinental Exchange, le Chicago Climate Exchange et la bourse de Montréal. Le mécanisme des permis d'émission négociables joue un rôle central au sein des trois mécanismes de flexibilité du Protocole de Kyoto ; en effet, les crédits carbones générés par la Mise en oeuvre conjointe et par le Mécanisme de développement propre constituent eux aussi des permis d'émission négociables, même si leur nature est différente des permis d'émission négociables alloués dans le cadre des PNAQ. En effet, la « monnaie CO2 », les crédits carbones, circule par le biais de « billets » virtuels, qui ne sont pas tous de même nature ; elle existe sous différents types d'actifs. A l'échelon international s'échangent les Unités de quantité attribuées (UQA), ou Assigned Amount Units en anglais (AAU) ; le volume total d'UQA émis est la somme des quantités de quotas attribués aux pays ayant ratifié le Protocole de Kyoto. Il existe également des actifs provenant des projets de réduction des émissions que nous allons étudier plus loin. Les actifs générés par la Mise en œuvre conjointe sont les Unités de réduction des émissions (URE), ou Emission Reduction Units en anglais. Les actifs générés par le Mécanisme de développement propre sont les Unités de réduction certifiée des émissions (URCE), ou Certified emission reductions (CER) en anglais. Enfin les Unités d'absorption (UA), ou RMU en anglais, sont les crédits d'émission générés par les puits de carbone, c'est à dire les projets qui au lieu de réduire les émission de CO2, permettent de les absorber ou de les neutraliser au moins temporairement. Pour finir, l'UE émet aussi ses propres actifs puisqu'elle possède son propre marché du carbone. Les quotas délivrés par les États européens aux exploitants s'appellent les EUA, pour European Union Allowances, et sont échangeables uniquement sur le marché européen. Pour qu'un détenteur de quotas européens puisse effectuer des opérations sur le marché international, il doit convertir ses EUA en UQA. A l'inverse, les URE et les URCE sont directement utilisables sur le marché communautaire suite à une directive européenne de 2005. Globalement, le marché du carbone a représenté 86 millions d'euros de transaction en 2008, soit le double de l'année 2007. b) La mise en œuvre conjointe (MOC) ou action conjointe (Joint Implementation) La mise en œuvre conjointe, aussi appelée action conjointe (Joint Implementation, en anglais), concerne les projets industriels ou forestiers visant à lutter contre l’effet de serre entre pays membres de l'Annexe B du protocole de Kyoto, c'est à dire entre les pays développés accompagnés des économies d'Europe de l'Est « en transition vers une économie de marché » qui sont soumis à des limitations chiffrées de leurs émissions de GES. Ce mécanisme de flexibilité prévu par l'article 6 du protocole de Kyoto ne concernera pas les PED tant qu'aucun de ces derniers n'aura de limite contraignante en terme d'émission de GES. Il pourrait cependant concerner les pays émergents (tels la Chine, l'Inde, le Brésil, le Mexique, et l'Afrique du Sud) si ces derniers venaient à accepter des objectifs chiffrés de leurs émissions de GES à la conférence de Copenhague sur le climat de décembre 2009 concernant la période de l'après Kyoto, c'est à dire après 2012. Ces projets permettent de générer des crédits d’émission de gaz utilisables par les investisseurs. Ces projets ont actuellement essentiellement lieu en Russie et en Europe de l'Est, soit dans les pays les plus pauvres des membres de l'Annexe 1 soumis à des quotas d'émission de GES. L'ampleur de la MOC reste très limitée comparée à l'ampleur du MDP qui constitue le troisième mécanisme de flexibilité du protocole de Kyoto ; les estimations actuelles sont que les crédits carbone générés par le MDP seront presque dix fois supérieurs à la fois en BOUQUET Vincent_2008 19 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto volumes produits et en valeurs financières aux crédits carbones générés par la MOC sur 22 la période allant de 2008 à 2012 . c) Le mécanisme de développement propre (MDP) Comme on l'a vu en introduction, le MDP permet à une entreprise d'un pays soumis à des objectifs de réduction des émissions de GES d'investir dans un PED afin de réduire ses émissions de GES en obtenant en contrepartie des « crédits carbone » utilisables pour respecter ses quotas d'émission chiffrés ou revendables sur le marché de la finance carbone. L'objectif du MDP est double puisqu'il s'agit « d'aider les Parties ne figurant pas à l'Annexe I à parvenir à un développement durable » tout en aidant « les parties visées à l'Annexe I à remplir leurs engagements chiffrés de limitation et de réduction » (article 23 12 §2 du Protocole de Kyoto ). Les projets MDP ont généré 16 milliards de dollars d'investissement entre 2002 et 2006. En 2007 les projets MDP ont généré 12,8 milliards de dollars soit le double du résultat de l'année 2006. Cela représente peu mais il faut relativiser car d'une part ces financement additionnels sont en pleine expansion, et d'autre part ils constituent un dixième de l'Aide Publique au Développement (APD). Le MDP concerne toutes les activités émettrices de GES à l'exception du nucléaire et des puits de carbone. En effet, les seuls puits de carbone autorisés sont le boisement et le reboisement, la prévention 24 du déboisement n'étant pas autorisée, notamment à cause du risque de « fuite » (le déboisement empêché dans une zone peut très bien avoir lieu dans une autre zone). Le boisement consiste à implanter des arbres sur une zone qui était non-boisée en 1990. Le reboisement consiste à implanter des arbres dans une zone qui a été déboisé depuis 1990. A la date de mars 2009, 1431 projets ont été enregistrés ; ces projets sont censés réduire les émissions de GES de 220 millions de tonnes d'équivalent CO2 par an. Il y encore 4000 autres projets en attente de certification. Ces projets réduiraient les émissions de CO2 de plus de 2,5 milliards de tonnes d'ici la fin de l'année 2012. Cependant les taux de certification précédents suggèrent que seulement une fraction de ces projets sera certifiée. A titre de comparaison, les émissions actuelles de l'UE-15 sont d'environ 4,2 milliards de tonnes d'équivalent CO2. La majorité des crédits carbones générés par les projets MDP jusqu'à maintenant provient des projets de destruction des HFC. Néanmoins il n'y a qu'un nombre limité de tels projets globalement, la majorité ayant déjà été certifiée. Les projets MDP qui se développent le plus concernent l'efficience énergétique et les énergies renouvelables. Troisième section : Les modalités du mécanisme de développement propre 22 Les projets MDP actuellement enregistrés ou en train d'être enregistrés sont censés fournir 2,6 milliards d'URCE d'ici 2012 tandis que les projets MOC sont censés fournir moins de 0,2 milliards d'URE. Voir Jorgen Fenhann, UNEP-Risoe centre, CDM-JI Pipeline Database, at http:/www.cdmpipeline.org. 23 24 20 Voir l'annexe 3 pour retrouver l'intégralité de l'article 12 du Protocole de Kyoto. On parle de « leakage » dans la littérature anglo-saxonne. BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 1: Présentation du Mécanisme de développement propre dans son contexte 1) L'additionnalité Pour être validé, un projet MDP doit se traduire par des réductions additionnelles d'émission de GES. Ainsi l'évaluation des activités des projets MDP est complexe et comporte deux étapes: la définition ex ante de la référence d'une part, et la mesure des émissions pendant la durée de vie du projet d'autre part. L'additionnalité d'un projet MDP est jugée à l'aune d'un scénario de référence (baseline, en anglais) qui décrit ce qu'aurait été le niveau des émissions en l'absence du projet MDP. La principale difficulté est la définition de références fiables, permettant d'évaluer l'impact additionnel des activités mises en œuvre, car le scénario de référence est un scénario fictif qui doit prendre en compte de nombreux paramètres. Ainsi, par exemple, pour un site industriel donné on doit prendre en compte les émissions actuelles de GES, le taux de croissance de l'activité et son impact sur ce qu'auraient été les émissions futures du site industriel en l'absence du projet MDP, les améliorations technologiques qui auraient eu lieu sans le financement additionnel procuré par le projet MDP... Cette évaluation se fait actuellement au cas par cas, et elle engendre un engorgement administratif avec de nombreux projets MDP en attente de validation. 2) Le cycle des projets MDP 25 Les accords de Marrakech de 2001 (COP 7 ) ont fixé les règles auxquelles doivent répondre les projets MDP. Les développeurs d'un projet doivent tout d'abord élaborer un descriptif du projet, et des méthodologies approuvées permettant de définir le niveau de référence et le plan de surveillance des réductions d'émission de GES. Ils doivent également recueillir l'approbation du projet par le pays hôte. Cette approbation se fait par l'Autorité Nationale Désignée (AND) du pays hôte - il existe une AND dans chaque PED signataire du Protocole de Kyoto. Il revient à l'AND de définir les critères de développement durable que le projet MDP doit remplir. Les développeurs d'un projet doivent ensuite faire appel à un certificateur indépendant, appelé Entité Opérationnelle Désignée, qui dira s'ils ont rempli les prescriptions fixées notamment en matière d'additionnalité. Cette étape s'appelle la validation, et l'Entité Opérationnelle Désignée est souvent appelée le validateur. Tous les validateurs doivent être approuvés par le Bureau Exécutif (aussi appelé Conseil Exécutif dans la littérature française portant sur le sujet) du MDP (BEMDP). Si le validateur estime que les prescriptions fixées par les accords de Marrakech sont respectées, il recommande au BEMDP d'enregistrer le projet. Si le BEMDP n'a pas émis d'opposition au terme d'un délai de huit semaines, le projet est automatiquement enregistré et peut donc commencer à revendiquer des crédits basés sur la réduction d'émission de GES. Ces réductions doivent être surveillées et vérifiées par une autre Entité Opérationnelle Désignée (différente de celle qui a procédé à la validation du projet) avant que le BEMDP ne délivre les crédits carbones sous la forme d'Unités de Réduction Certifiée des Émissions (URCE). La surveillance, la vérification et la délivrance des URCE durent pendant toute la période au cours de laquelle le projet revendique des crédits correspondant à des réductions d'émissions de GES. Le BEMDP supervise la mise en place du MDP. C'est lui qui décide en dernier ressort de l'enregistrement des projets et de la délivrance des crédits d'émission. Il lui appartient aussi d'approuver les méthodologies d'évaluation et de suivi des projets, mais aussi d'accréditer les Entités Opérationnelles Désignées appelées à intervenir dans le processus de validation 25 En anglais COP signifie Conference of the Parties. En somme, une COP est une conférence internationale réunissant les pays signataires de la Convention climat (CCNUCC) de 1992 qui constitue la « COP 1 » dans la terminologie de la CCNUCC. BOUQUET Vincent_2008 21 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto des projets. Le BEMDP comporte 10 membres issus des différents groupes de Parties au Protocole de Kyoto (les pays signataires). 3) Les acheteurs des crédits carbone générés par le MDP 26 Selon l'article 12, alinéa 3 du Protocole de Kyoto , les réductions d'émissions certifiées ayant lieu dans le cadre de projets MDP peuvent être utilisées par les pays développés (pays de l'Annexe B) « pour remplir une partie de leurs engagements ». Ainsi, les États sont largement majoritaires parmi les « investisseurs »: ils représentent 71% des investissements recensés. La Banque mondiale a une place centrale dans la finance carbone par ses fonds multi-investisseurs et en exerçant le rôle de gestionnaire pour le compte des gouvernements ; c'est l'option qu'ont retenue notamment l'Italie, l'Espagne, le Danemark et les Pays-Bas. Au total la Banque mondiale détiendrait autour de 20% des parts de marché sur les transactions de crédits carbone issus de projets MDP. Le Royaume-Uni, à travers la City, est devenue en 2006 la capitale financière des échanges de crédits carbone, en totalisant la moitié des achats de crédits carbone issus de la MOC ou du MDP. Cependant la plupart des investisseurs des projets MDP sont des investisseurs privés qui revendent leurs crédits carbone ainsi générés aux États de l'Annexe B. Il existe également un marché secondaire des crédits carbone générés par les projets MDP, les 27 URCE, dans lequel interviennent différents acteurs financiers . Maintenant que nous avons introduit le MDP dans son contexte et que nous avons expliqué ses principales modalités, nous allons pouvoir étudier convenablement dans quelle mesure le MDP remplit à la fois son objectif de lutte contre le changement climatique et son objectif de promotion du développement durable des PED. Nous commencerons par l'objectif essentiel du MDP qui est la lutte contre le changement climatique, du fait que ce mécanisme de flexibilité du Protocole de Kyoto s'inscrit dans la Convention climat dont l'objectif ultime est la lutte contre les changements climatiques. Par ailleurs, comme nous l'avons vu en introduction la lutte contre le réchauffement climatique fait aussi partie de la promotion du développement durable des PED à plus long terme, même si elle ne concerne qu'une partie (la lutte contre le réchauffement climatique) d'un des trois « piliers » (l'écologique) du développement durable des PED ( développement durable qui comprend pour trois « piliers » l'économique, le social et l'écologique). 26 Voir l'annexe 3 pour retrouver l'intégralité de l'article 12 du Protocole de Kyoto. 27 22 Banque mondiale (2009), State and trends of the carbon market – 2009 BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 2: Le Mécanisme de développement propre remplit-il efficacement l'objectif de lutte contre le changement climatique ? Chapitre 2: Le Mécanisme de développement propre remplit-il efficacement l'objectif de lutte contre le changement climatique ? Comme nous venons de le dire, la lutte contre le changement climatique constitue l'objectif essentiel du MDP car ce dernier, en tant que mécanisme de flexibilité du Protocole de Kyoto, s'inscrit dans le cadre de la Convention climat (la CCNUCC) dont l'objectif ultime est la lutte contre les changements climatiques. Le MDP conjugué aux autres mécanismes de flexibilité du Protocole de Kyoto participe à l'internalisation par le marché des externalités négatives que sont les émissions de GES. Il se pose alors la question de savoir si cette internalisation est actuellement efficace. Par ailleurs le MDP contribue à l'engagement diplomatique des PED dans la lutte contre le changement climatique, en les faisant participer au marché du carbone mis en place par le Protocole de Kyoto, et en les préparant à entrer dans un système d'engagements chiffrés de réductions de leurs émissions de GES. Cependant dans un certain nombre de cas, tels les projets de recapture des HFC et du N2O, le MDP n'internalise les émissions de GES qu'à un coût extrêmement élevé. Par ailleurs, de nombreux projets MDP recevraient une subvention indue, accordée par leur statut de MDP qui leur octroie des crédits carbone, du fait qu'ils ne respecteraient pas réellement le critère d'additionnalité prévu par les accords de Marrakech. Pour finir, les projets MDP ne peuvent participer à la lutte contre les changements climatiques que de manière limitée du fait d'un important engorgement administratif dans la validation de tels projets. Ainsi nous allons nous efforcer de faire le bilan de la participation du MDP à la lutte contre le changement climatique, en traitant dans une première section les points positifs, et dans une seconde section les points négatifs. Première section: Le MDP participe à l'engagement des pays développés et des PED dans la lutte contre le réchauffement climatique Le MDP est reconnu comme ayant un double rôle ; il permet à la fois aux pays de l'Annexe B de limiter le coût du respect de leurs objectifs chiffrés tout en réduisant le coût de la réduction globale des émissions de GES là où elle a lieu, et il permet également d'engager les PED dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ainsi nous allons d'abord étudier comment le MDP participe à l'engagement des pays de l'Annexe B dans la lutte contre le réchauffement climatique, puis nous verrons dans quelle mesure le MDP participe à l'engagement des PED dans la lutte contre le réchauffement climatique. BOUQUET Vincent_2008 23 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto 1) Le MDP participe à l'engagement des pays de l'Annexe B dans la lutte contre le réchauffement climatique Le MDP participe à l'engagement des pays de l'Annexe B (les pays développés et les pays en transition vers une économie de marché) dans la lutte contre le réchauffement climatique en leur permettant de réduire le coût du respect de leurs engagements chiffrés de réduction de leurs émissions. D'autre part, le MDP participe partiellement à l'application du principe du pollueur payeur tout comme les deux autres mécanismes de flexibilité du Protocole de Kyoto. En effet une entreprise ne respectant pas son quota d'émission alloué nationalement (à travers le PNAQ) doit alors acheter des crédits carbones pour compenser son surplus d'émission de GES, et parmi ces crédits carbones figurent les URCE générés par le MDP. a) Le MDP participe au contrôle du coût du respect des engagements chiffrés Comme on l'a vu dans le premier chapitre, un des objectifs du MDP est « d'aider les parties visées à l'Annexe I à remplir leurs engagements chiffrés de limitation et de réduction de 28 leurs émissions prévus à l'article 3 » (article 12 §2 du Protocole de Kyoto ). En effet, il est économiquement plus rentable de réduire les émissions de GES dans les PED que dans les pays développés de l'Annexe I car d'une part l'économie des PED repose sur une forte « intensité carbone » (l'intensité carbone se définissant comme le nombre d'unités de CO2 émises par unité du Produit National Brut -PNB-) et d'autre part le coût de réduction des émissions y est largement inférieur. Ainsi, cela revient largement moins cher d'éviter une tonne d'équivalent carbone (tCO2e) d'émission dans les PED que dans 29 les pays développés. A titre d'exemple, selon une étude datant de 2002, une tonne de CO2 économisée en Europe coûterait en moyenne 80€ tandis qu'une tonne de CO2 économisée en Chine nécessiterait en moyenne 3€ d'investissement et se vendrait sur le marché international autour de 10-20€ ; ce coût n'a pas du subir une très forte augmentation depuis. Ainsi, le système du MDP constitue une formidable réserve de quotas d'émission pour les pays développés devant respecter leurs quotas attribués d'émission. En effet, les pays de l'Annexe B ont accepté une baisse globale de 5,2% de leurs émissions d'ici 2012 par rapport aux niveaux d'émission de 1990 avec des objectifs nationaux différenciés. L'Union Européenne a notamment accepté une baise de ses émissions de 8% d'ici 2012 par rapport à son niveau d'émission de 1990. Il est judicieux de se demander si les pays développés auraient accepté une telle baisse de leur émission si ils n'avaient pas eu accès aux trois mécanismes de flexibilité du Protocole de Kyoto et en particulier au Mécanisme de développement propre. En effet, le Mécanisme de développement propre a une place pro-éminente parmi les trois mécanismes de flexibilité du Protocole de Kyoto. Les projets MDP ont générés plus de dix fois plus de crédits carbones que les projets MOC jusqu'à maintenant, et la différence s'accroit: en 2008 les projets MDP ont généré 389 millions de 30 tonnes d'équivalent CO2 (tCOe) contre 20 millions pour les projets MOC . Ainsi le MDP, en permettant aux pays de l'Annexe I de réduire « leurs » émissions à faible coût (on parle de « cost control » dans la littérature anglo-saxonne), participe à l'engagement chiffré des pays développés dans la lutte contre le changement climatique. 28 29 30 24 Voir l'annexe 3 pour retrouver l'intégralité de l'article 12 du Protocole de Kyoto. L'étude est d'Annie Vallée et se retrouve dans son ouvrage Économie de l'environnement (Seuil, 2002). Banque mondiale, State and trends of the carbon market 2009, mai 2009. BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 2: Le Mécanisme de développement propre remplit-il efficacement l'objectif de lutte contre le changement climatique ? Par ailleurs, « écologiquement » parlant, ou du moins en matière de lutte contre le réchauffement climatique, il revient au même qu'on économise une tonne d'émission d'équivalent CO2 dans un pays développé ou dans un PED car la présence de GES dans l'atmosphère est un phénomène global. Ainsi, le MDP est efficace afin de lutter contre le changement climatique car il permet d'éviter plus d'émissions de GES avec un investissement moindre. b) Le MDP participe à l'application du principe du pollueur payeur En 1920, un économiste libéral britannique, Arthur-Cecil Pigou (1877-1959), publie The Economics of Welfare, un ouvrage fondateur qui est à l'origine du concept d'externalité 31 négative. Les externalités recouvrent les impacts, positifs ou négatifs, qu'une activité économique peut avoir sur d'autres acteurs sans qu'ils soient reflétés dans le prix payé. On parle d'externalités positives quand l'impact est positif (c'est le cas, par exemple, des pôles de compétitivité en France) ou d'externalités négative quand l'impact est négatif. Les différentes pollutions ayant pour origine une activité économique sont donc des externalités négatives, c'est le cas notamment des émissions de gaz à effet de serre (GES). En effet, comme on l'a montré dans le premier chapitre, les émissions de GES participent au réchauffement climatique qui est lourd de conséquences pour l'ensemble de l'humanité. Ainsi, le coût de réduction des émissions de GES à un niveau ne perturbant pas l'activité 32 humaine est estimé à 1 trillion de dollars! L'atmosphère peut donc être considérée comme un bien public mondial. Pigou, dans son ouvrage sus-mentionné, introduit également la notion de taxes dites « pigouviennes » afin de lutter contre les externalités négatives, en prenant l'exemple des escarbilles des locomotives à vapeur qui génèrent des feus de forêt. Ces taxes prélevés sur les activités générant des externalités négatives par le gouvernement permettent de dédommager les victimes de ces externalités négatives. Par générosité on lui attribue aussi la paternité des écotaxes incitatives qui suivent le même raisonnement fondé sur le principe du pollueur payeur. Pour revenir au MDP, ce dernier participe à l'application du principe du pollueur payeur. En effet, les gros pollueurs privés de l'Annexe B dépassent les quotas qui leur on été alloués au plan national et doivent alors se tourner vers la finance carbone afin d'acheter assez de permis d'émission pour compenser leur excès d'émission. Cependant, comme on l'a vu dans le chapitre un, les crédits carbones générés par les projets MDP ne constituent qu'une partie des actifs de la finance carbone. En effet, une entreprise d'un pays de l'Annexe B ayant dépassé son quota d'émission attribué (sous forme d'UQA, ou d'EUA au sein de l'Union Européenne) peut alors se tourner vers les crédits carbones générés par les mécanismes de projet (la MOC et le MDP) ou vers les crédits carbones des installations industrielles ayant émis moins que le nombre de permis d'émission leur ayant été attribué. Néanmoins on notera que l'application du principe du pollueur payeur n'est que partielle dans le Protocole de Kyoto car les principales activités polluantes des pays de l'Annexe B reçoivent des quotas d'émission « gratuits » (pour l'instant, mais cela devrait changer) de la part des Plans nationaux d'allocation des quotas, et ces dernières ne payent un surplus (sous la forme d'achat de crédits carbones et notamment d'URCE) que si elles dépassent ces quotas d'émission alloués gratuitement. 31 A. Marshall crée en 1890 la notion d'externalité de croissance, qui est en somme une externalité positive résultant de la proximité de plusieurs industries en pleine croissance. 32 http://www.independent.co.uk/environment/1000000000000-the-cost-of-capping-greenhouse-gas-emissions-418181.html Ce chiffre a été calculé par un rapport du cabinet PricewaterhouseCoopers en 2006. BOUQUET Vincent_2008 25 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto 2) Le MDP participe à l'engagement des PED dans la lutte contre le réchauffement climatique En premier lieu, les projets MDP peuvent potentiellement véritablement révolutionner la voie de développement des PED en leur fournissant un accès à de nouvelles technologies moins polluantes et à de nouveaux savoir-faire. De telles technologies concernent l'efficience énergétique des procédés industriels, l'accès aux énergies renouvelables (le photovoltaïque, l'éolien, et la biomasse), la recapture des gaz émis par les activités industrielles... L'existence de telles avancées, même mineure quantitativement à l'échelle du pays, peut constituer un nouveau modèle de développement qui émet peu de GES pour les PED. Par ailleurs, le MDP contribue à l'engagement diplomatique des PED dans le cadre de la CCNUCC et plus particulièrement du Protocole de Kyoto afin de lutter contre les changements climatiques. En étant déjà parties prenantes au Protocole de Kyoto et en se familiarisant avec se mécanismes de flexibilité basés sur le marché (l'échange de permis d'émission, et les crédits carbone générés par les projets MDP), les PED se préparent également sur la voie d'engagements chiffrés de leurs émissions de GES, notamment pour les pays émergent tels la Chine, l'Inde, le Brésil et le Mexique. De tels engagement chiffrés pour les pays émergents pourraient voir le jour dès 2012 selon l'issu de la conférence de Copenhague de décembre 2009 sur la lutte contre les changements climatiques. De plus, le MDP contribue au développement des capacités institutionnelles des PED pour lutter contre le réchauffement climatique. En effet, pour chaque pays, une Autorité Nationale Désignée (AND) sert de point de contact pour les questions relatives au MDP. Il s'agit fréquemment d'une unité administrative dépendant d'un ministère chargée de la mise en œuvre du MDP et du suivi de l'approbation des projets. Les AND constitue l'avantgarde des capacités institutionnelles futures des PED qui lutteront contre le réchauffement climatique. Comme on vient de l'évoquer, le développement des MDP peut constituer une première étape vers une extension progressive aux PED du système d'engagements contraignants mis en place au sein de l'Annexe I. En effet, le processus de définition d'un corpus de références (des émissions actuelles, projet par projet) élaboré par la validation des projets MDP peut constituer la base des futurs critères d'allocation de quotas aux PED le moment venu. Ainsi on pourrait utiliser ces informations pour élaborer des limites sectorielles sur lesquelles pourrait s'asseoir l'évaluation des projets MDP, afin de définir des limites nationales d'émission de GES. On pourrait également définir des matrices technologiques, aussi appelé « benchmarking », afin de définir par exemple au delà de quel contenu carbone la fabrication du kWh est additionnelle peut être éligible comme projet MDP dans telle pays ou dans telle région. Les budgets d'émission non-contraignants pourraient constituer une solution intermédiaire. Dans une contribution diffusée à l'occasion du quatrième forum de l'OCDE sur les changements climatiques (Paris, 12 mars 1999), Cédric Philibert a formulé une proposition originale d'insertion des PED dans un système international d'échange de PEN. Les PED se verraient alors « donner un nombre fini de permis afin de pouvoir entrer dans l'échange, sans se voir soumis à une vraie limite d'émissions [...] Les PED pourraient ensuite vendre des permis si leurs émissions réelles [...] se trouvent finalement inférieures à leur budget sans pour autant avoir à faire face à des procédures de non-respect ni même à subir un blâme si leurs émissions réelles se trouvent plus importantes que leur budget ». 26 BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 2: Le Mécanisme de développement propre remplit-il efficacement l'objectif de lutte contre le changement climatique ? L'élaboration de scénario de référence pour certaines activités par le processus de validation des projets MDP pourrait donc constituer une première étape vers un tel scénario. Deuxième section: Le MDP désincite relativement les pays développés à « décarboniser » leur économie, et il a une portée limitée Malgré ses qualités que nous venons d'étudier, le MDP n'est pas exempt de défaut dans son objectif de lutte contre le réchauffement climatique. En effet, le MDP désincite relativement les pays développés à « décarboniser » leur économie en leur permettant d'acheter des permis d'émission issus de projets MDP dans les PED. De plus, le MDP n'internalise pas efficacement au marché les externalités négatives que sont les émissions de GES. Les projets MDP gaspillent les précieux investissements pour lutter contre le réchauffement climatique en octroyant beaucoup plus de permis d'émission revendables sur le marché que le coût initial de l'investissement pour réduire les émissions de GES, et ce dans un certain nombre de cas non négligeables, tels que dans les projets MDP de recapture du HFC et du N2O. Par ailleurs, beaucoup de projets MDP ont une additionnalité douteuse, c'est à dire qu'ils auraient eu lieu sans le financement additionnel fourni par la revente des crédits carbones générés par le projet. Pour finir, le MDP a une portée limitée qui est en grande partie due à un engorgement administratif. 1) Le MDP désincite les pays développés à adopter des mesures domestiques suffisantes pour combattre le réchauffement climatique Meena Raman, de la branche de l'ONG les Amis de la Terre située Malaysie, estime que « les pays riches profitent du MDP pour ne pas modifier leur mode de vie ni réduire leurs émissions domestiques, pourtant très supérieures à celles des pays du Sud. Ce faisant, ils diffèrent les investissements impératifs chez eux pour de futures réductions radicales de leurs émissions d’ici 2050 : la compensation carbone ruine les chances de réduire les émissions des pays riches de 40 % d’ici 2020 et de 90 % au moins d’ici 2050, objectifs nécessaires basés sur la science. ». L’UE elle-même en reste à un objectif de réduction de 20 %, ou 30 % si un accord international a lieu...Or, la reconnaissance des « contributions historiques », c’est à dire de la dette écologique des pays du Nord vis à vis des pays du Sud, suppose des politiques différenciées qui ne peuvent être négociées que dans le cadre des Nations Unies. Cela suppose surtout des transferts financiers et technologiques très importants que les firmes transnationales, détentrices des brevets, tentent de freiner pour ne pas voir éroder leur position dominante sur le marché des nouvelles technologies écologiques. Le cas de l'Union Européenne illustre bien ce dilemme. En accord avec la directive européenne de 2005, le flot des crédits carbones générés par les projets MDP peut bénéficier aux pays membres de l'UE comme suit. Le responsable du projet MDP reçoit des crédits carbones appelés URCE après que le projet MDP ait complété avec succès le cycle de projet du MDP (cf. supra). Il les vends ensuite à un opérateur (une compagnie qui dirige une installation qui doit participer au échanges de EUA, European Union Allowances). L'opérateur peut alors demander la conversion des URCE BOUQUET Vincent_2008 27 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto en montant équivalent d'EUA. Ces EUA peuvent alors être utilisés par la compagnie pour respecter le quota d'émission de ses installations (ces quotas sont définis au niveau national par le PNAQ) et par le pays hôte pour respecter son quota d'émission national (défini à la fois par le protocole de Kyoto et par l'Union Européenne). Hors actuellement presque tous les 15 « principaux » membres de l'UE (c'est à dire les membres de l'UE qui ne sont pas en transition vers une économie de marché, les pays membres de l'UE avant les élargissements de 2004 et de 2007) remplissent difficilement leur objectif chiffré de réduction es émissions de GES ; ainsi les crédits carbones des projets MDP peuvent leur être crucial afin de respecter leurs engagements chiffrés. Cependant l'utilisation cumulée des trois mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto doit respecter l'obligation de suplémentarité.Cette provision a été incluse dans les accords de Marrakech sous la pression de l'UE. Cette obligation de suplémentarité signifie concrètement qu'au moins 50% des réductions d'émission doivent être réalisées par des mesures domestiques, et qu'un pays ne peut réaliser qu'au maximum 50% de ses réductions d'émission grâce aux trois mécanismes de flexibilité du Protocole de Kyoto. Les émissions vérifiées de l'UE en 2005 et 2006 étaient d'approximativement 2,2 milliards de tonnes CO2e. A partir de ce niveau, les réductions d'émission nécessaire pour respecter les quotas de la période 2008-2012 avoisinent les 133 millions de tonnes par an, mais les importations autorisées de crédits carbone provenant de projets MDP ou MOC sont de 278 millions de tonnes par an, autorisant ainsi une augmentation nette des émissions au sein de l'ETS européen compensée par des réductions d'émission dans les PED (car on a vu que les projets MDP généraient dix fois plus de crédits carbones que les projets MOC à l'heure actuelle).. Les émissions auraient d'ailleurs augmenté de 1% en 2007 au sein de l'ETS 33 européen . Ce phénomèn est loin d'être marginal puisque selon les estimations des experts les projets MDP pourraient générer d'ici à 2012 l'équivalent des émissions cumulées du Canada, de la France, de l'Espagne et de la Suisse. Déjà en 2006, 35% du marché mondial du carbone exprimé en tonnes de CO2 était constitué de crédits issus de mécanismes de projets (c'est à dire essentiellement de projets MDP et dans une moindre mesures de projets MOC). Ainsi, le MDP aurait pour effet pervers de relativement « désinciter » les pays développés, en particulier l'UE, à réduire leurs émissions nationales par des actions domestiques. Hors selon le principe de la la responsabilité commune mais différenciée, il appartient avant tout aux pays développés de réduire leurs émissions nationales de GES de manière avant-gardiste. Certaines prévisions sont même alarmantes. Ainsi, dans un rapport de juin 2007, la division britannique du World Wide Fund for Nature (WWF) estime qu'entre 88% et 100% des réductions d'émission imposées aux sites européens pourront être compensées par l'achat de crédits URCE provenant des projets MDP situés dans les 34 PED . Or pour avoir 50 % de chances seulement de rester en deçà d’une élévation de 2° C 35 de la température mondiale, selon le GIEC et les récents résultats scientifiques, l’objectif doit être au minimum de réduire de 40 % par rapport à 1990 les émissions de gaz à effets de serre dans les pays riches d’ici 2020... 33 Scneider (2007): Is the CDM fulfilling its environmental and sustainable development objectives? ; EU ETS emissions likely to have increased in2007: CITL Data, PointCarbon, 2 Avril 2008 34 35 28 Emission Impossible: access to JI/CDM credits in phase II of the EU Emission Trading Scheme, WWF-UK, juin 2007 GIEC, Bilan 2007 des changements climatiques: rapport de synthèse, Genève, Suisse, 2007 BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 2: Le Mécanisme de développement propre remplit-il efficacement l'objectif de lutte contre le changement climatique ? 2) Le MDP gaspille les investissements nécessaires pour lutter contre le réchauffement climatique Bien qu'il engage des financements privés qui dans certains cas n'auraient pas lieu (car un projet MDP rapporte à l'investisseur des crédits carbones, des URCE, revendables sur le marché des permis d'émission), le MDP constitue dans un certain nombre de cas un gaspillage des financements dont on a besoin pour réduire les émissions de GES. En effet, la destruction des polluants (principalement les HFC et le N2O) s'effectue à faible coût et rapporte des quantités astronomiques de crédits carbone. C'est pourquoi elle représentait deux tiers des volumes d'URCE en 2005, et encore la moitié en 2006. Cependant la source de ces grands projets MDP se tarissant, un basculement s'est opéré en 2007 vers la substitution de combustibles et l'accroissement de l'efficacité énergétique 36 des installations qui représentaient 40% des projets MDP en part de volume d'URCE . Malgré ce renversement de la tendance, le cas des projets MDP portant sur la destruction des HFC et du N2O restent emblématiques de certaines faiblesses du MDP, car ils génèrent d'énormes quantités de crédits carbone en échange d'un faible investissement, et gaspillent donc les ressources utilisées pour lutter contre le changement climatique tout en générant de nouveaux crédits carbone que pourront notamment racheter les pays de l'Annexe B, contribuant ainsi à un relatif mantien de leur émissions de GES. Nous allons donc maintenant étudier les cas particuliers mais quantitativement importants de la destruction du HFC 23 et du N2O. Le cas du HFC 23 Au départ la vaste majorité des projets MDP était constituée de projets de réduction des émissions de HFC-23, un GES 11 700 fois plus puissant que le CO2. Ces projets de diminution des émissions de HFC-23 sont extrêmement rentables car ils génèrent donc d'énormes quantités de crédits carbones, d'URCE pour utiliser la terminologie du MDP, à un coût très faible. Ce gaz est principalement émis comme déchet dans la production d'un autre gaz, le HFC-22. Ce dernier est utilisé dans certains climatiseurs, et comme matière première pour les produits plastiques de forte performance ; il constitue un remplacement partiel d'autres gaz qui ont été interdits car ils détruisaient la couche d'ozone. Il a été démontré que la vente des crédits carbone générés par la capture du HFC-23 était plus rentable 37 que la production du gaz réfrigérant qui menait à sa création en premier lieu . Ainsi les manufactures de gaz réfrigérants ont pu se transformer subitement en entreprises générant de larges volumes de crédits carbone. Les paiements aux manufactures de gaz réfrigérants, au gouvernement chinois (qui taxe lourdement ces projets MDP qu'il monopolise à plus de 80%), et aux investisseurs du marché du carbone par les gouvernements et les acheteurs de crédits carbones avoisineront au total 4,7 milliards de dollars tandis que les coûts de réductions de ces émissions sont estimés à moins de 100 millions de dollars... Le cas du N2O Le N2O est un gaz à effet de serre 310 fois plus puissant que le CO2. La majeure partie des émissions de N2O liées aux activités humaines provient de la fabrication industrielle de l'acide adipique (servant de matière première dans la fabrication du nylon) et de l'acide nitrique (servant de matière première dans la fabrication d'engrais à base de nitrate d'ammonium). Comme pour les projets HFC-23, les projets N2O représentent une opportunité d'abattement à très faible coût des émissions de GES. 36 Banque mondiale, données 2007 37 Wara, Michael, Measuring the Clean Development Mechanism's Performance and Potential, Stanford, 2006 BOUQUET Vincent_2008 29 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto Conclusion Dans ce système, mieux vaut disposer d'une usine fortement émettrice de HFC ou de N2O que d'implanter une ferme éolienne ou des capteurs solaires sur une nouvelle installation. De plus ces deux cas emblématiques remettent en question l'efficience économique de l'abattement des émissions de GES par le MDP qui s'effectue souvent avec un faible rapport entre les émissions évitées et les investissements utilisés. De plus cette faible efficience économique du MDP s'aggrave quand on prend en compte le fait que de nombreux projets MDP ne sont pas véritablement « additionnels » vu qu'ils auraient quand même eu lieu en l'absence du statut MDP du projet, comme nous allons le voir maintenant. 3) Une additionnalité douteuse Le cas de la Chine est l'exemple le plus important et explicite de cette additionnalité douteuse d'un certain nombre de projets MDP. En effet la Chine accapare plus de 80% des crédits carbone générés par le MDP, et le cas du développement d'énergies autre que le charbon y est emblématique de cette additionnalité douteuse. En effet, en Chine, les centrales à charbon génèrent approximativement 80% de la puissance électrique nationale. Face à la croissance économique effrénée du pays, de nombreuses centrales à charbon continuent d'être construites à un rythme étonnant qui équivaudrait à construire l'ensemble des centrales électriques américaines en moins d'une décennie. Par conséquent, la Chine est devenu un importateur net de charbon après de nombreuses années où elle était un exportateur net de charbon. Ainsi la Chine est confrontée non seulement à des contraintes d'approvisionnement en charbon car elle dépend de l'offre du reste du monde, mais aussi aux maladies liées à la pollution de l'air telle l'asthme infantile. C'est pourquoi l'actuel plan économique chinois en cinq ans prévoit des investissements majeurs dans l'énergie hydroélectrique, l'énergie éolienne, et l'énergie issue du gaz afin de diversifier son approvisionnement électrique et de réduire sa dépendance excessive au charbon. Or aujourd'hui, la quasi totalité des nouvelles installations électriques reposant sur l'hydroélectricité, l'éolien, et le gaz est candidate pour être reconnue comme projets MDP se traduisant par des réductions d'émission de GES. Cependant, comme nous l'avons vu plus haut, les projets MDP sont censés se traduire par des réductions des émissions de GES additionnelles par rapport à la situation de référence, c'est à dire en l'absence d'investissements supplémentaires générés par la validation des projets MDP ; en Chine ce n'est clairement pas le cas car ces projets reconnus pour la plupart comme des projets MDP auraient eu lieu de toute façon car ils sont dans la continuité de la politique du gouvernement chinois. Par ailleurs, l'additionnalité des projets électrique en Chine est également douteuse du point de vue des investisseurs. En effet, la plupart des investisseurs auraient investit dans ces installations électriques en Chine de toute manière vu l'importance de ce marché en pleine expansion. De plus, les firmes ont également un intérêt stratégique à s'implanter en Chine, et à s'accaparer les marchés publics chinois (en étant bien vu du gouvernement chinois notamment afin de pouvoir participer à des marchés publics futurs) au vu du taux de croissance économique effréné de ce pays qui avoisine les 10%. 4) Un engorgement administratif et une portée limitée 30 BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 2: Le Mécanisme de développement propre remplit-il efficacement l'objectif de lutte contre le changement climatique ? A l'heure actuelle (en mars 2009), plus de 1431 projets MDP ont achevé leur enregistrement, la dernière étape après laquelle les crédits carbones (appelés URCE) peuvent être générés. 4000 projets supplémentaires sont à différents stages du processus de validation des projets MDP. Ainsi on note un premier engorgement administratif dans l'enregistrement des projets MDP. De plus, les projets une fois enregistrés doivent à leur tour être opérationnels, et produire de véritables réductions d'émission de GES qui sont ensuite vérifiées, menant finalement à l'émission de crédits carbone (appelés URCE) par le BEMDP. Le rythme actuel de délivrance d'URCE par le BEMDP ne représente que de 1% à 2% du rythme actuel nécessaire pour délivrer tous les URCE aux projets MDP en cours d'enregistrement (dont le nombre est répertorié dans le tableau qui suit). Nombre de projets MDP en cours de certification: un engorgement administratif indéniable 38 Cet engorgement administratif est une des raisons de la portée limitée du MDP. En effet, les projets MDP ont généré seulement 16 milliards USD d'investissement entre 2002 et 2006. En 2007 les MDP ont généré 12,8 milliards USD soit le double du résultat de l'année 2006. Le MDP a donc une portée limitée dans la lutte contre le réchauffement climatique, lutte qui nécessiterait beaucoup plus d'investissements afin de réduire les émissions globales de GES. Cependant ce financement reste « mieux que rien » dans la mesure où l'aide au développement totale représente 78 milliards de dollars par an, dont environ 10% sont destinés à l'écologie, et encore moins à la lutte contre le réchauffement climatique. Cette engorgement administratif nuit part ailleurs à la promotion du développement durable par le MDP car moins il y a de projets MDP et moins il y a de bénéfices additionnels relatifs au développement durable des PED. Conclusion Nous venons de démontrer que le MDP affichait un bilan mitigé dans son objectif de lutte contre le changement climatique. Certes il constitue première étape décisive afin d'engager tous les pays au niveau multilatéral mais il accuse de nombreux défauts comme 38 Source: UNEP Risoe Centre, 2009 http://cdmpipeline.org/overview.htm BOUQUET Vincent_2008 31 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto nous venons de le voir. Nous allons maintenant étudier dans quelle mesure le MDP remplit l'objectif de promotion du développement durable des PED. 32 BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 3: Le Mécanisme de développement propre remplit-il efficacement l'objectif de promotion du développement durable des pays en voie de développement ? Chapitre 3: Le Mécanisme de développement propre remplit-il efficacement l'objectif de promotion du développement durable des pays en voie de développement ? A l'origine, beaucoup d'espoirs ont été placés dans le MDP du fait que dans les textes les projets MDP devaient participer au développement durable des PED. Ainsi, nombreux sont ceux qui espérèrent de nouveau flux d'investissement, des transferts de technologie et de savoir faire, de nouvelles perspectives d'emploi, une amélioration de l'environnement local, le développement des capacités institutionnelles des PED, l'accès à de nouveaux services à la personne humaine... Cependant, depuis que les projets MDP se sont effectivement mis en place, beaucoup d'analystes sont préoccupés par le fait que les pays de l'Annexe B et les PED hôtes auraient perdu de vu la partie développement durable du MDP. Il est perçu par beaucoup que les investisseurs se concentrent seulement sur l'obtention du plus grand nombre possible de crédits carbone, et que un certain nombre de pays hôtes est plus intéressé par le fait d'assurer un accès à de nouvelles sources d'IDE que par la mise en place des politiques et des systèmes requis pour promouvoir des bénéfices en matière de développement durable. Cependant il est important de noter qu'il existe une très grande hétérogénéité parmi les PED ; ainsi le MDP bénéficie principalement aux pays émergents et surtout à la Chine qui constituent des marchés très attractifs pour les investisseurs, et ce au détriment des autres PED, notamment des PMA et des pays d'Afrique noire. Nous allons donc étudier dans une première section dans quelle mesure le MDP peut participer au développement durable des PED, puis nous verrons dans une deuxième section à quel point le MDP échoue dans son objectif de promotion du développement durable des PED. Première section: Le MDP comme source d'investissement et de bénéfices environnementaux A travers le texte du protocole de Kyoto on ne retrouve le terme de développement durable que trois fois. En effet, pour différents auteurs, il y a une supposition non-écrite dans le protocole de Kyoto: les projets qui sont bons pour la réduction des émissions de carbone devraient être aussi bon pour le développement durable des PED (Kolshus et al. 2001). Reste à le vérifier... Comme on l'a déjà vu la lutte contre les changements climatiques fait certes partie de la promotion du développement durable des PED mais que dans une faible mesure vu qu'elle ne concerne qu'une partie (la lutte contre le réchauffement climatique) BOUQUET Vincent_2008 33 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto d'un des trois « piliers » (l'écologique) du développement durable (développement durable qui contient pour trois « piliers » l'économique, le social et l'écologique). Cela explique en partie pourquoi les projets MDP sont censés, dans le texte du Protocole de Kyoto (article 12, alinéa 2), « aider les Parties ne figurant pas a l’annexe I à parvenir a un développement durable ». Nous rajouterons que par développement durable nous entendons bien évidemment le développement durable dans son intégralité avec ses trois piliers: l'économique, le social et l'écologique. Nous allons maintenant étudier comment les nouveaux flux d'investissement liés au MDP (grâce aux crédits carbone octroyés) contribuent à aider les PED à parvenir à un développement durable. Puis nous analyserons ensuite comment les projets MDP contribuent également à améliorer l'environnement local, et donc les conditions de vie des habitants des PED hôtes. 1) De nouveaux flux d'investissements dans les PED Le MDP permet de nouveaux flux d'investissement dans les PED. En effet, quand un projet industriel ou forestier obtient le statut de projet MDP, cela lui permet d'obtenir des permis d'émissions (appelés URCE) revendables sur le marché du carbone. Cette manne financière additionnelle obtenue grâce au MDP rend certains projets attractifs aux investisseurs traditionnels, alors qu'ils ne le seraient pas en l'absence de la manne financière générée par le statut de projet MDP. Ces investissements de nature très diverse contribuent ainsi au développement économique du pays hôte. Ces projets permettent notamment un relatif retour financier aux entités locales ; cela revient au pays hôte, à travers son Autorité Nationale Désignée, de définir l'ampleur nécessaire de ce retour financier. Par ailleurs ces projets MDP réduisant les émissions de GES contribuent à un relatif transfert de technologies et de savoir-faire, et ce dans de nombreux domaines tels l'efficience énergétique, les énergies renouvelables (l'hydroélectricité, l'éolien, le photo-voltaïque, la biomasse...), et la recapture des GES émis par les procédés industriels des activités locales. Les projets MDP, à travers les flux d'investissement qu'ils suscitent sont également source de nouveaux emplois au niveau local dans les PED, et ce dans des pays où le chômage et le travail précaire sont des phénomènes particulièrement inquiétants. Par ailleurs, selon l'article 12 du Protocole de Kyoto, il revient au pays hôte de définir les critères de développement durable que doit satisfaire le projet MDP. Ce sont les Autorités Nationales Désignées qui sont chargées de définir ces critères de développement durable. Certains pays utilisent des critères standardisés tandis que d'autres utilisent des critères ad hoc. Tous les PED ne définissent pas le développement durable de la même manière. Ainsi, par exemple, la Chine met l'accent de manière quasi exclusive sur le pilier économique du développement durable. Le fait que ce soit au pays hôte de définir ce qu'il entend par développement durable apparaît a priori comme une bonne idée car ce sont les habitants locaux qui sont le plus à même de définir les manières d'améliorer leur bien être. De plus, ce processus évite l'élaboration d'une définition internationale du développement durable assortie de critères à respecter obligatoirement, définition qui aurait donné lieux à moult querelles diplomatiques et qui n'aurait certainement pas pu aboutir sur quelque chose de concret. Il est important de souligner que ce sont essentiellement les pays émergents qui sont en mesure de dicter des critères de développement durable plus stricts de part leur position privilégiée d'un point de vue économique. En effet, de tels pays, tels la Chine, l'Inde, le Brésil et le Mexique, sont stratégiquement très importants pour les firmes transnationales qui cherchent à s'y implanter pour profiter des débouchés importants suscités par la forte 34 BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 3: Le Mécanisme de développement propre remplit-il efficacement l'objectif de promotion du développement durable des pays en voie de développement ? croissance économique de ces pays. Nous allons encore une fois prendre l'exemple de la Chine vu qu'il est le plus emblématique, et vu que la Chine accapare plus de 80% de crédits carbones générés par les projets MDP. Conscient de sa position privilégiée, le gouvernement chinois a pu établir un certain 39 nombre de règles visant à maintenir sur son territoire les bénéfices financiers du MDP . Il taxe ainsi les revenus carbone des projets réalisés sur son territoire à des seuils variables, selon les types de projets, et fixe un prix minimum de vente des crédits générés en fonction des prix observés sur le marché international du carbone. Surtout, les projets doivent, selon la législation en vigueur, être réalisés par une entreprise chinoise, ou par une entreprise 40 commune (« joint venture », en anglais ) dans laquelle la part des capitaux étrangers ne dépasse pas 49%. Il s'agit indéniablement d'une manière efficace de s'assurer que l'argent du projet MDP sera bien injectée dans l'économie chinoise. Même si ces mesures sont peu appréciées, elles ne découragent néanmoins pas les investisseurs au vue de l'importance des débouchés sur le marché chinois en pleine croissance. De plus, les pays hôtes peuvent offrir des incitations fiscales pour les projets MDP offrant des bénéfices substantiels en matière de développement durable. Ainsi, par exemple, la Colombie offre des allègements fiscaux et des indemnités pour aider le développement des projets MDP, et des bénéfices divers qui leurs sont liés, sur son territoire, 41 à travers le décret 2755 (Art. 1) adopté en 2003 . Ce décret offre une exemption fiscale de 15 ans sur les revenus issus des ventes de l'électricité provenant de projets MDP reposant sur l'éolien, la biomasse, et les résidus agricoles. Pour pouvoir bénéficier de cette exemption fiscale, les investisseurs doivent allouer au moins la moitié de leurs revenus provenant des crédits carbone générés par le projet MDP (les URCE) à des projets visant à réaliser des avantages sociaux locaux. Les pays hôtes auraient les moyens de promouvoir leur développement durable même lorsque certains projets MDP apportent peu en matière de promotion de leur développement durable. En effet, par delà les effets « directs » des projets MDP sur le développement durable du pays hôte, les projets MDP donnent lieu à un partage de la rente des crédits carbone ainsi générés entre l'investisseur et le gouvernement du pays hôte. Ces permis d'émission, appelés URCE, représentent, une fois revendu sur le marché des permis d'émission, une manne financière non négligeable. Cette manne financière peut contribuer à promouvoir le développement durable du pays hôte (ou d'une de ses régions) par l'action du gouvernement concerné et ce quand bien même le projet MDP initial apportait peu de bénéfices directs en matière de développement durable. Ainsi, certains PED se sont engagés à investir dans des projets de développement avec les recettes de leur part des crédits carbone issus des projets MDP fournissant peu de bénéfices en matière de développement. C'est par exemple le cas de la Chine qui s'est engagée à le faire avec sa part des URCE issus des projets MDP de capture des gaz HFC (que nous avons étudié au deuxième chapitre). Pour finir le MDP participe au développement des capacités institutionnelles des PED afin de lutter contre les changements climatiques. En effet, pour pouvoir accueillir des projets MDP sur son territoire chaque pays hôte doit mettre en place une Autorité Nationale Désignée (AND) chargée de toutes les questions relatives au MDP (critères de 39 40 Bernier, Aurélien (2008), Le climat otage de la financ Une joint venture est une entité formant une nouvelle personnalité juridique, crées par deux entreprises ou plus, et détenues à parts variables par ces dernières. 41 Cosbey et al. (2005) Realizing the development dividend: making the CDM work for Developing Countries, p. 47 BOUQUET Vincent_2008 35 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto développement durable à respecter, sélection des projets, participation relative au calcul des scénario de référence...). De plus, certaines ONG ainsi que certains programmes nationaux et internationaux d'aide au développement aident les PED à mettre en place ces AND en leur fournissant une aide technique et financière, et ce notamment dans les PMA. En développant ainsi leurs capacités institutionnelles chargées de s'occuper de la question du réchauffement climatique, les PED développent leurs capacités à « décarboniser » leur économie et à préserver leur environnement. Nous allons maintenant analyser comment le MDP contribue pour les PED à l'amélioration de leur environnement local et à la préservation de leurs ressources naturelles. 2) Une amélioration de l'environnement local et une préservation des ressources locales En réduisant les émissions de GES locales, les projets MDP peuvent apporter un certain nombre d'effets bénéfiques sur l'environnement local. De tels effets incluent une meilleure qualité de l'air et de l'eau, une meilleure préservation des sols, une électrification des zones rurales et des zones éloignées, une meilleure auto-suffisance énergétique locale... La réduction des émissions de dioxyde de souffre par les centrales à charbon peut limiter les pluies acides qui ont lieu dans la Chine du Sud et la Chine de l'Est, par exemple. En effet, les particules de dioxyde de souffre (issues de l'utilisation du charbon comme combustible) dans les grandes villes de l'Inde et de la Chine sont présentes dans des quantités plus de trois fois supérieures à celles recommandées par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). De même une part croissante des projets MDP reposent sur l'utilisation d'énergies renouvelables ce qui pourrait entrainer une plus faible utilisation des centrales thermiques qui sont impliquées dans la pollution de l'eau et l'accumulation de déchets solides qui reposent souvent dans des décharges à ciel ouvert et nuisent à la santé des populations locales. Les projets MDP concernant les énergies renouvelables, le boisement et le reboisement ainsi que les petits projets MDP améliorent bien souvent le cadre de vie des communautés locales. Par ailleurs, les projets qui visent à accroitre l'efficience énergétique d'installations industrielles déjà existantes et les projets MDP d'installation d'énergies renouvelables permettent aux PED de mieux préserver leurs ressources naturelles tels le gaz, le charbon, et le pétrole. 3) Des conditions favorables pour les PMA La banque mondiale dispose d'un fonds qui fournit des crédits carbones aux projets MDP qui fournissent des bénéfices conséquents aux communautés locales, en particulier dans 42 les pays les moins avancés (PMA) . Les adhérents du fonds sont issus de l'Annexe B, ce sont soit des acteurs du secteur privé, soit des gouvernements acheteurs de crédits carbone.En parallèle à cet effort, il existe une action parallèle de la Banque mondiale dénommée PCFPlusvisant à développer les capacités institutionnelles des PMA et à donner à ces derniers des conseils techniques relatifs au MDP. Les méthodologies relatives à la validation des projets MDP sont également simplifiés pour les PMA. De plus, les projets MDP dans les PMA sont exempts de la taxe de 2% sur les crédits carbone ainsi générés 42 36 Cosbey et al. (2005) Realizing the development dividend: making the CDM work for Developing Countries BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 3: Le Mécanisme de développement propre remplit-il efficacement l'objectif de promotion du développement durable des pays en voie de développement ? qui vise à financer le fonctionnement du BEMDP ainsi qu'un fonds spécial dédié à l'aide à l'adaptation au changement climatique, comme nous allons le voir maintenant. 4) Le MDP participe au financement d'un fond d'adaptation contre les changements climatiques L'article 12, alinéa 8, du Protocole de Kyoto stipule que: « La conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au présent protocole veille à ce qu'une part des fonds provenant d'activités certifiées soit utilisée pour couvrir les dépenses administratives et aider les pays en développement Parties qui sont particulièrement vulnérables aux effets défavorables des changements climatiques à financer le coût de l'adaptation. » Il a été décidé en 2001, lors des accords de Marrakech (COP 7), que la part des crédits carbone générés par les projets MDP utilisée pour aider les pays parties qui sont particulièrement vulnérables aux effets néfastes du changement climatique (les pays AOSIS, par exemple) serait de 2% des URCE générés par les projets MDP. Il a également été décidé que les projets MDP localisés dans les PMA seraient exempts de cette taxe. Cette taxe de 2% sert également à couvrir les frais administratifs du BEMDP, le reste étant versé à un Fonds d'adaptation. Ce fond d'adaptation s'éleve pour l'année 2008 à environ 43 125 millions de dollars (les projets MDP ayant générés en 2008 6,5 milliards de dollars de 44 crédits carbones en incluant les projets MDP situés dans les PMA, mais ces derniers ne représentent qu'une part très marginale de ces 6,5 milliards de dollars). Cependant, malgré cette aide octroyée aux pays les plus vulnérables au changement climatique, qui font pour la plupart partie des PMA, ces derniers ne représentent qu'une infime partie des projets MDP comme nous allons le voir dans la partie qui suit. Deuxième section : Le MDP favorise les pays émergents, met en compétition les PED, et nuit à la position future des PED dans les négociations de la CCNUCC Avant tout il est important de noter que le MDP ne se développe pour l'instant que quasi exclusivement dans les pays émergents et non dans les pays qui en auraientt le plus besoin en matière de développement durable, notamment les PMA et les pays d'Afrique Noire. De plus le MDP hypothèque l'avenir des PED notamment en épuisant leur potentiel de réductions des émissions à faible coût, qu'il n'auront donc plus lorsque le temps viendra où ils auront eux aussi des engagements chiffrés. Par ailleurs le MDP ne contribue que peu au développement durable des pays hôte notamment du fait qu'il met les PED en compétition pour attirer les investisseurs, les incitant ainsi à définir des critères de développement durable (que doivent satisfaire les projets MDP) peu contraignants. Enfin le MDP n'a qu'une 43 44 http://www.adaptation-fund.org/ Banque mondiale, State and trends of the carbon market 2009, mai 2009, p. 1 BOUQUET Vincent_2008 37 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto portée limitée d'un point de vue financier, et épuise par ailleurs les précieuses capacités institutionnelles des PED. 1) Le MDP ne concerne que quasi exclusivement les pays émergents Les projets MDP se développent quasi exclusivement dans les pays émergents déjà favorisés par les investisseurs internationaux, et non dans les pays pauvres qui en auraient le plus besoin afin de parvenir à un développement durable. Trois pays captent 85% des URCE issus des projets MDP. Il s'agit de la Corée du Sud, de l'Inde et en particulier de la Chine qui à elle seule en rafle près de 70%. Par ailleurs, la pénétration des marchés des pays émergents à fort potentiel de croissance est un enjeu stratégique pour de nombreux investisseurs. Le MDP n'apparaît donc pas comme un instrument de développement, mais comme un outil supplémentaire pour solliciter les investisseurs et les attirer dans les pays 45 dont l'économie est déjà attractive comme nous pouvons le voir sous le graphique qui suit . Prévision des volumes d'URCE délivrés par pays d'ici 2012 46 Au niveau régional, ce sont également les pays les plus développés qui s'accaparent l'essentiel des projets MDP aussi bien en terme de nombre de projets que en quantité d'URCE. Ainsi en Amérique Latine, le Brésil et dans une moindre mesure le Mexique prédominent. En Afrique, l'Égypte, la Tunisie et l'Afrique du Sud accaparent la majorité des projets MDP. L'Asie apparaît comme un région prédominante en termes de localisation des projets MDP avec les nombreux projets situés en Chine, en Inde et en Corée du Sud. Ainsi au niveau continental, l'Amérique Latine et surtout l'Afrique apparaissent comme laissés pour compte par le MDP. Répartition des projets MDP par pays entre 2004 et 2009 45 Voir notamment: Bernier, Aurélien (2008), Le climat otage de la finance 46 47 38 UNEP-Risoe Centre, http://cdmpipeline.org/cdm-projects-region.htm Source: UNEP Risoe Centre, 2009 http://cdmpipeline.org/cdm-projects-region.htm BOUQUET Vincent_2008 47 Chapitre 3: Le Mécanisme de développement propre remplit-il efficacement l'objectif de promotion du développement durable des pays en voie de développement ? Il est particulièrement frappant de constater que l'Afrique (qui est souvent fusionnée avec l'État d'Israël dans les statistiques) ne pèse que quelque pour cent des crédits carbone générés par les projets MDP (2 à 3% selon les différentes estimations menées à différents moments) alors que l'Afrique Noire connaît actuellement un regain d'intérêt pour ses champs pétroliers et ses mines dont l'exploitation est très polluante. L'Afrique du Sud, l'Égypte, la Tunisie et Israël totalisent 85% des crédits générés contre 14% pour l'Afrique Noire. Or 14% des 3% que pèse le continent dans le bilan mondial ne représente quasiment rien, quatre 48 pour mille, précisément . 49 Dans un rapport publié en 2006 , la Banque mondiale explique pourquoi l'Afrique Noire n'attire que très peu de projets MDP. En fait, la plus grande partie de l'électricité produite en Afrique Noire l'est à partir de technologies qui n'émettent pas de CO2, comme l'hydroélectricité. Il n'y a donc aucun intérêt pour une firme à mettre en œuvre des projets MDP d'accès à l'énergie dans cette région, puisqu'ils ne généreront aucun crédit carbone (les projets MDP doivent satisfaire le critère d'additionnalité comme on l'a vu plus haut, notamment en démontrant qu'ils génèrent une économie de CO2 émis par rapport à une situation de référence). Nous venons de voir que les projets MDP avaient essentiellement lieu dans les pays émergents et en particulier en Chine, au détriment des autres PED qui en auraient le plus besoin, notamment les PMA et les pays d'Afrique Noire. Un autre phénomène vient aggraver le manque de promotion du développement durable de la plupart des PED ; le MDP entraine une compétition entre les PED afin d'attirer le plus de projets MDP, et pour cela il y a une course au moins disant en matière d'exigence de développement durable comme nous allons le voir. 2) La mises en compétition des PED pour attirer les projets MDP : une course au moins-disant en matière de développement durable On a vu qu'il revenait aux pays hôtes, les PED, de définir les critères de développement durable que doit respecter le projet MDP pour être accepté par l'Autorité Nationale Désignée (qui a elle même défini ces critères). Hors, les investisseurs internationaux, pour la plupart 48 49 Bernier, Aurélien, Le climat otage de la finace, 2008 State and trend of the carbon market 2006 – A focus on Africa, Banque mondiale, novembre 2006 BOUQUET Vincent_2008 39 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto les firmes et les pays de l'Annexe I, ont un large choix devant eux quant à la sélection du pays pour la mise en œuvre d'un projet MDP. Ainsi les pays hôtes, à travers leurs AND, auraient tendance à ne pas adopter des critères de promotion du développement durable trop contraignants pour les investisseurs afin de recevoir le plus d'investissements possible sous forme de projets MDP. Ainsi la « course » aux projets MDP évitera presque entièrement les régions du monde qui en ont le plus besoin, tout comme c'est le cas pour les IDE. Le MDP n'apparaît donc pas comme un instrument de développement, mais comme un outil supplémentaire pour solliciter les investisseurs et les attirer dans les pays dont l'économie 50 est déjà attractive . Cependant cette mise en compétition reste relative pour les grands pays émergents qui sont déjà très attractifs pour les investisseurs comme nous l'avons vu avec le cas de la Chine qui veille aux retombées économiques locales des projets MDP et taxe ces projets de manière relativement importante comme nous l'avons souligné dans la première partie de ce chapitre trois. 3) Le MDP affaiblit la position des PED dans les négociations futures dans le cadre de la Convention climat Pour beaucoup d'analystes, le MDP a pour vocation naturelle d'intégrer les PED dans un système d'échanges de droits d'émission avant que ces pays n'aient d'engagements chiffrés. Aussi l'aboutissement logique du MDP est l'extension aux PED d'un système de quotas d'émission contraignants, et c'est là que réside le problème. En effet, la logique première du MDP est de réduire les émissions globales de GES au moindre coût, en les réduisant dans les systèmes productifs les moins performants au plus faible coût. Hors ces opportunités de réduction des émissions de GES à faible coût (appelées « low-hanging fruits » dans la littérature anglo-saxonne) se seront déjà relativement taries lorsque le temps 51 viendra où les PED auront des objectifs quantifiés de réduction de leurs émissions . Ainsi le MDP peut être vu comme le synonyme d'une exploitation précoce par l'Annexe I des « gisements » de réductions d'émission à faible coût unitaire situés sur le territoire des PED volontaires. Certains dénoncent derrière la notion d'application Nord-Sud une tentative néocolonialiste des pays les plus riches, qui chercheraient à assurer la pérennité de leurs modes de vie non durable en exploitant une nouvelle fois les « richesses naturelles » du Sud. 50 Cependant il convient de relativiser cette affirmation par l'hypothèse très probable que les volumes d'émission réduits au titre du MDP resteront longtemps marginaux par 52 rapport à l'augmentation nette des émissions des PED . De plus, quand bien même le MDP réduirait la marge de manœuvre des PED cela reposerait sur un choix volontaire puisqu'ils revient aux pays hôtes d'accepter ou non la présence sur leurs territoire de tel ou tel projet MDP (bien qu'on pourrait contre-argumenter, là encore que les élites des pays du Sud ont tendance à privilégier les gains à court et moyen terme à ceux à long terme). Ces arguments Schneider (2007), is the CDM fulfilling its environmental and sustainable development Bernier, Aurelien (2008), Le climat otage de la finance 51 Voir notamment: Banuri et Gupta (2000), the CDM and sustainable development: an economic analysis Boyd et al. (2007), the CDM: an assesment of current practice and future approach for policy, Tyndal centre for climate change research (G.B.) Philibert, (1999), Mécanisme de développement propre, fiche n°11 préparée pour le Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement, 1999 52 Banuri et Gupta (2000), the CDM and sustainable development: an economic analysis Philibert (1999) Mécanisme de développement propre, fiche n°11 préparée pour le Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement 40 BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 3: Le Mécanisme de développement propre remplit-il efficacement l'objectif de promotion du développement durable des pays en voie de développement ? viennent également relativiser la crainte légitime que « l'abaissement » des émissions de GES des PED à travers le MDP placera les PED dans une position où ils pourront réclamer moins de quotas d'émission qu'ils le devraient. Nous venons de voir que le MDP ne tient pas ses promesses en matière de promotion du développement durable des PED malgré les grandes attentes qu'il a suscité. Beaucoup des lacunes du MDP en matière de promotion du développement durable des PED seraient dues à la finalité même du MDP qui est de réduire les émissions de GES au moindre coût comme nous l'avons vu dans le chapitre 2. Nous allons maintenant voir en quoi la dualité d'objectifs du MDP pourrait expliquer une partie de ces lacunes, et quelles mesures pourraient être entreprises afin d'y remédier. BOUQUET Vincent_2008 41 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto Chapitre 4 : Comment le Mécanisme de développement propre peut-il simultanément remplir les objectifs de lutte contre le changement climatique et de développement durable ? Dans les chapitres deux et trois nous avons vu que le MDP souffrait d'importantes lacunes nuisant gravement à la complétion de ses deux objectifs, la lutte contre le changement climatique et la promotion du développement durable des PED. La question se pose maintenant de savoir dans quelle mesure ces lacunes seraient dues au fait que le MDP vise à remplir simultanément deux objectifs différents. Nous allons donc analyser dans une première section dans quelle mesure ces deux objectifs tendent à s'opposer et quelles en sont les conséquences. Puis dans une deuxième section nous étudierons les solutions possibles pour remédier à ces lacunes, en distinguant d'une part les réformes souhaitables du MDP et de son application, et d'autre part les mesures alternatives qui pourraient être mis en œuvre dans le cadre de la Convention Climat afin de remplir les deux objectifs susmentionnés que le MDP est censé remplir. Première section: Deux objectifs qui tendent à s'opposer ? Dans cette section nous allons étudier dans quelle mesure les objectifs du MDP de lutte contre le réchauffement climatique et de promotion du développement durable des PED tendent globalement à s'opposer, puis nous verrons dans quels cas particuliers ils ne s'opposent pas. 1) Deux objectifs qui tendent globalement à s'opposer 53 Dans l'étude mené par Cosbey et al. en 2005 auprès de différents intervenants dans le MDP (les investisseurs, les ONG, les différentes agences intergouvernementales intervenant dans l'environnement ou le développement...), la plupart des gens sollicités percevaient une tension intrinsèque au MDP causé par son objectif dual. Pour certains, il n'est tout simplement pas possible pour le MDP de fournir à la fois des bénéfices en matière de développement durable et de fonctionner comme un mécanisme de marché efficace permettant des réductions d'émission à faible coût. Pour d'autres, la source sous-jacente 53 42 Cosbey et al. (2005) Realizing the Development Dividend: Making the CDM Work for Developing Countries, IISD BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 4 : Comment le Mécanisme de développement propre peut-il simultanément remplir les objectifs de lutte contre le changement climatique et de développement durable ? de tension serait que le développement durable est défini différemment par les membres des communautés locales, les gouvernements nationaux et les communautés globales. Le système a vraisemblablement été construit dans une logique de rentabilité, il serait 54 donc plus honnête de l'assumer comme tel ; en effet le MDP vise avant tout à réduire les émissions de GES globale au plus faible coût, c'est donc la finalité même du MDP qui 55 est mise en cause . En effet, pour les investisseurs, promouvoir le développement durable des pays hôte a un coût, et en conséquence la majorité de ces derniers cherchent donc à générer le plus de crédits carbone possible au plus faible coût, tendant ainsi à délaisser la promotion du développement durable des PED Par ailleurs, les outils de régulation (que nous avons étudiés dans le chapitre un) qui ont été développés par le MDP (cf. les méthodologies relatives aux scénarios de référence et à la supervision, l'évaluation de l'additionnalité...) se sont concentrés quasi exclusivement sur le côté carbone de l'équation, en tentant de calculer précisément chaque tonne de réduction des émissions. Cependant, le potentiel du MDP à promouvoir le développement durable des PED n'a pas reçu le même niveau de considération. Il y a de nombreux projets qui pourraient contribuer significativement à satisfaire les besoins fondamentaux des gens vivant dans des pays ou des sous-régions pauvres. Pour illustrer ce propos nous allons prendre l'exemple d'un projet proposé pour étendre 56 l'électrification rurale dans un pays ou une région pauvre . Imaginons que le gouvernement du PED en question recherche des ressources pour un programme visant à étendre l'accès général à l'électricité de X% à Y% durant les 15 prochaines années. Une étude du scénario de référence (préalable à tout projet MDP comme nous l'avons vu au chapitre un) indiquerait que l'usage actuel de kérosène et de diesel par les habitants locaux est faible à cause de leur niveau de pauvreté et à cause des prix élevés du kérosène et du diesel en comparaison avec leurs revenus. L'étude de faisabilité d'un projet MDP d'électrification rurale viendrait alors pointer du doigt le fait qu'une fois que ces habitants recevront un accès à un approvisionnement en électricité fiable, ils augmenteront alors très certainement leur consommation globale d'électricité, augmentant ainsi leurs émissions de GES. Cela limite le potentiel du MDP à supporter de tels programmes. Hors, fournir un accès à des services aussi essentiels que l'électricité sert le développement des PED en visant à améliorer les conditions de vie et les revenus des habitants concernés. La logique du MDP de réductions des émissions de GES se basant sur des scénarios de référence « statiques » (ne prenant pas en compte le développement légitime des services élémentaires à la personne humaine) a donc pour effet de réduire l'opportunité pour les gens pauvres de profiter de services élémentaires tels le logement à bas prix, l'éducation, la santé, et la gestion des déchets et de l'eau courante... Encourager la satisfaction de ces besoins élémentaires, avec un impact carbone sur l'environnement qui reste minimum, devrait être au centre de l'objectif du MDP. Cela requererait le développement de nouvelles méthodologies pour le MDP comme nous allons le voir dans la deuxième section de ce chapitre. 54 55 56 Bernier, Aurélien, (2008), Le climat otage de la finance Olsen (2007), the CDM's contribution to sustainable development: a review of the literature Banque mondiale (2009), State and trends of the carbon market – 2009 BOUQUET Vincent_2008 43 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto 2) Dans certains cas particuliers ces deux objectifs ne s'opposent pas a) Les projets MDP de « haute qualité » Il existe des projets MDP de « haute qualité » certifiés par des ONG qui contribue de manière notable au développement durable du pays hôte. L'exemple le plus connu est 57 le label écologique « Gold Standard » élaboré par WWF . Les initiateurs du projet MDP suivent alors volontairement une série de critères plus stricts que les règles normales définies par le BEMDP, et demandent aux Entités Opérationnelles Désignées de vérifier qu'ils ont respecté ces critères et qu'ils puissent donc bénéficier du label « Gold Standard ». Les projets MDP aspirant au Gold Standard sont évalués sur la base d'une matrice d'indicateurs de développement durable dans les domaines écologiques, économiques et sociaux. Les seuls projets éligibles sont les projets concernant les énergies renouvelables (avec une réserve qui est que les projets d'hydroélectricité doivent être de petite taille) et l'efficience énergétique. Les obligations relatives au niveau de référence, à l'additionnalité, à l'évaluation des impacts, et à la consultation du public sont plus exigeantes que pour les projets MDP traditionnels. Le nombre de projets MDP certifiés par ce Gold Standard semble toutefois relativement limité comparé à l'ensemble des projets MDP. Ce label est néanmoins soutenu par plus de 60 organisations non gouvernementales (ONG). De même, la Banque mondiale dispose d'un fonds appelé « Community Development Carbon Fund » qui a pour investisseurs les gouvernements et les entreprises des pays de l'Annexe I. Ce fonds se concentre sur les projets MDP de faible envergure dans les petits PED qui sont plus favorables au développement durable des pays hôtes. De tels projets sont habituellement laissé de côté par les investisseurs traditionnels. Les activités concernées par ce fonds relèvent de l'efficience énergétique, des énergies renouvelables et du traitement des déchets solides. Ce fonds a été lancé en 2003, est ne représente 58 actuellement que 128 millions de dollars (avec neuf gouvernements et 16 entreprises y participant) mais reste emblématique des efforts qui pourraient être entrepris. Les exemples du Gold Standard de WWF et du Community Development Carbon Fund de la Banque mondiale montrent que certains investisseurs, des gouvernements ou des entreprises de pays de l'Annexe I, sont près à payer un « surplus » financier pour promouvoir le développement durable du pays hôte du MDP. Une telle motivation peut être politique (pour les gouvernements) ou stratégique (pour les firmes qui veulent avoir une bonne image auprès du public). b) Les projets MDP « unilatéraux » Certains chercheurs des PED plaident en faveur d'un plus grand développement des projets 59 MDP unilatéraux afin d'augmenter la participation stratégique des pays hôtes dans le MDP. La plupart des projets MDP implique un investisseur d'un des pays de l'Annexe B. Cependant il existe des projets MDP dont les investisseurs sont issus des PED ( comme les gouvernements des pays hôte ou bien les ONG locales de développement), on parle alors de projets MDP unilatéraux. Ce type de projet MDP a été autorisé en février 2005 lors de la 18ème réunion du BEMDP qui a autorisé l'enregistrement d'un projet hydroélectrique 57 http://www.cdmgoldstandard.org/ 58 59 44 Banque mondiale, Annual report 2008: carbon finance for sustainable development Cosbey et al. (2005), Realizing the development dividend: making the CDM work for Developing Countries, p. 33 BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 4 : Comment le Mécanisme de développement propre peut-il simultanément remplir les objectifs de lutte contre le changement climatique et de développement durable ? de petite taille au Honduras qui n'avait pas d'investisseur déclaré issu de l'Annexe B. Ces projets MDP unilatéraux sont généralement beaucoup plus favorables au développement durable du pays hôte. En effet, l'existence de ce type de projet MDP permet aux acteurs issus des PED de promouvoir des projets MDP qui ne seraient pas attractifs pour la plupart des investisseurs issus des pays de l'Annexe B, comme des projets offrant d'importants dividendes en matière de développement mais qui usent des technologies peu rentables ou qui sont de trop petite taille pour attirer les investisseurs traditionnels. Les projets MDP unilatéraux ne représentent cependant qu'une infime portion de l'ensemble des projets MDP pour l'instant. c) Conclusion Les projets MDP de haute qualité ainsi que les projets MDP unilatéraux font partie des projets MDP à favoriser afin de renforcer l'impact du MDP sur le développement durable des PED. Nous allons maintenant étudier dans la section suivante les autres réformes qui devraient être apportées au MDP afin qu'il soit mieux à même de lutter contre le changement climatique tout en promouvant le développement durable des PED Deuxième section : Les solutions possibles Dans cette section nous allons tout d'abord voir les réformes possibles du MDP, avant d'étudier les mesures alternatives ou supplémentaires qui seraient nécessaires afin de lutter à la fois contre le changement climatique et de promouvoir le développement durable des PED. 1) Réformer et durcir le MDP Dans cette sous-section, nous allons étudier les réformes possible et souhaitables du MDP afin qu'il soit mieux à même de participer à la lutte contre le réchauffement climatique et à la promotion du développement durable des PED Nous allons donc analyser les effet bénéfiques qu'auraient l'imposition de quotas géographiques et sectoriels, la réforme des méthodologies employées dans le cycle des projets candidats au MDP, et une meilleure définition des critères de développement durable que doit satisfaire les projets MDP. a) Imposer des quotas géographiques et des quotas sectoriels La proposition d'imposer des quotas géographiques et des quotas sectoriels aux projets 60 MDP a été faite en 2001 par Rowlands . Les quotas géographiques viendraient apporter une solution au manque de développement de projets MDP dans les PED qui auraient le plus besoin qu'on les aide à promouvoir leur développement durable ; ces quotas géographiques devraient être à la fois continentaux et nationaux car on a vu dans le chapitre trois qu'il y avait de grandes inégalités continentales et nationales dans la répartition des projets MDP (les pays émergents et en 60 Rowlands, I.H2. (2001), The Kyoto Protocol’s ‘Clean Development Mechanism’: A sustainability assessment. Third World Quarterly, 22.5: 795-811 BOUQUET Vincent_2008 45 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto particulier la Chine accaparant la quasi totalité des projets MDP), et donc dans la promotion du développement durable qu'il apporte. Les quotas sectoriels viendraient apporter une solution aux problèmes actuellement rencontrés dans le cas des projets de destruction de GES à faible coût rapportant une quantité disproportionnée de crédits carbone (les projets de recapture du HFC et du N2O que nous avons étudiés dans le chapitre deux), nuisant ainsi à la lutte contre le changement climatique. Par ailleurs de tels quotas sectoriels favoriseraient également le développement durable des PED en promouvant le développement de projets MDP apportant d'importants bénéfices en matière de développement durable des pays hôtes ; de tels projets sont par exemple les projets d'efficience énergétique, les projets d'énergies renouvelables, les projets de faible envergure basés sur les communautés locales, et les projets de boisement et de reboisement. b) Réformer les méthodologies et le cycle des projets MDP Il convient tour d'abord de réformer en profondeur le critère d'additionnalité. En effet, de nombreux projets MDP ne sont pas réellement additionnels (même si ils ont été jugés comme tels lors du processus de certification), c'est à dire qu'ils auraient eu lieu sans l'apport financier supplémentaire apporté par les crédits carbone octroyés, les URCE. Ainsi, il conviendrait de renforcer les capacités administratives du BEMDP pour qu'il puisse lui même vérifier l'additionnalité des projets candidats au statut de MDP. En effet, ce sont actuellement des entités opérationnelles désignées financées par les investisseurs qui sont censés fournir la preuve de l'additionnalité du projet (additionnalité aussi bien environnementale, à travers la réduction des émissions ou les émissions évitées, que financière, le projet ne pouvant se faire que avec la manne financière découlant du statu de projet MDP lui octroyant des crédits carbone revendable sur le marché). Par ailleurs, on a vu dans le chapitre trois, avec le cas emblématiques de l'Afrique Noire, que les scénarios de référence statiques (à l'aune desquels est jugée l'additionnalité environnementale du projet) nuisaient au développement des projets MDP dans les pays les plus pauvres vu qu'ils n'ont que de faibles émissions de GES, et offre donc peu d'opportunité de réduction de ces émissions à travers les projets MDP. Pour participer au développement économique et social de ces pays pauvres, le MDP requererait de nouvelles méthodologies qui ne considéreraient pas que les émissions de référence (« baselines », en anglais) sont statiques et qu'elles devraient rester au niveau actuel à perpétuité. Les nouvelles méthodologies devraient établir des émissions de références « dynamiques » qui incorporeraient les aspirations au développement en se basant par exemple sur des sets d'indicateurs tels les Objectifs du millénaire pour le développement et/ou d'autres indicateurs nationaux ou régionaux. Cela permettrait d'internaliser la provision de services basiques dans le scénario de référence à l'aune duquel serait jugé le projet MDP. Une façon de rendre cette approche opérationnelle serait de créer une liste indicative des activités de développement éligibles pour recevoir le statut de projet MDP. Dans le chapitre deux on a vu qu'il existait un engorgement administratif des projets MDP. Cette engorgement administratif nuit aux deux objectifs étudiés du MDP, la lutte contre le changement climatique et la promotion du développement durable des PED, dans la mesure où il limite le nombre de projets MDP et donc la « portée » générale du MDP. Cette engorgement administratif s'explique par deux causes principales: le manque de capacités administratives et financières du BEMDP, et le fait que le critère d'additionnalité financière et environnementale d'un projet MDP est jugé projet par projet. Ainsi il conviendrait, d'une part de renforcer les ressources alloués au BEMDP, et d'autre part de développer des approches 46 BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 4 : Comment le Mécanisme de développement propre peut-il simultanément remplir les objectifs de lutte contre le changement climatique et de développement durable ? sectorielles. De telles approches sectorielles, appelées « top-down » dans la littérature anglo-saxonne (en opposition à l'approche « bottom-up », projet par projet), consisterait à définir des critères d'additionnalité pour des secteurs entiers de l'économie d'un pays. Cela permettrait de faciliter la mise en place des projets MDP pour les investisseurs, et qui dit plus de projets MDP dit plus de retombées en matière de lutte contre le réchauffement climatique et de promotion du développement durable des PED. Certes cela nécessiterait un investissement initial plus élevé mais cela préparerait également le chemin à l'entrée des PED dans un système de quotas d'émissions attribuées (contraignant, ou non contraignant comme nous le verrons plus loin). Pour finir, la participation des communautés locales aux projets MDP pourrait être à 61 la fois bénéfique au développement durable du pays hôte et à l'investisseur . En effet, la participation des communautés locales peut d'une part favoriser les bénéfices en matière de développement durable liés au projet MDP car les communautés locales sont plus à même de définir leurs priorités en matière de développement durable que leur gouvernement à travers son Autorité nationale désignée, et d'autre part réduire les coûts du projet MDP si les résidents participent, par exemple, à la mesure et à la surveillance des émissions. Cette proposition pour être effective requerrait une modification des règles pour la méthodologie de surveillance des émissions des projets de faible envergure. c) Établir une meilleur définition des critères de développement durable que doivent satisfaire les projets MDP Une meilleure définition du développement durable serait souhaitable même si elle soulèverait un certain nombre de problèmes. En effet, le développement est un processus d'amélioration du bien être, et le bien-être ne peut être défini que par ceux impliqués dans ce processus. C'est pourquoi les règles actuelles régissant le MDP ont délégué la définition du développement durable aux pays hôtes des projets MDP, qui définissent, à travers leur Autorités Nationales Désignées (AND), les critères de développement durable qu'un projet sur leur territoire doit remplir pour être éligible comme projet MDP. Cependant la délégation de la définition du développement durable aux pays hôtes participe à une course au moins-disant en matière de développement durable entre les pays hôtes afin d'attirer les investisseurs de projets MDP. Ainsi, on pourrait envisager une définition multilatérale du développement durable dans le cadre de la Convention climat qui imposerait un certain nombre de critères minimums, que viendraient compléter les différentes définitions nationales du développement durable. Ces critères minimum que devraient respecter toutes les AND dans leur définition des critères de développement durable pourraient être complétés par l'adoption multilatérale de principes et de codes de conduite noncontraignants, qui seraient développés en critères substantiels au niveau domestique. d) Renforcer la « suplémentarité » des crédits MDP pour les pays de l'Annexe I dans le respect de leurs réductions d'émission 62 Selon le GIEC et les récents résultats scientifiques, l’objectif doit être au minimum de réduire de 40 % par rapport à 1990 les émissions de gaz à effets de serre dans les pays riches d’ici 2020 pour avoir 50 % de chances seulement de rester en deçà d’une élévation de 2° C de la température mondiale. Hors on a vu dans la section une du chapitre 61 62 Cosbey et al. (2005) Realizing the Development Dividend: Making the CDM Work for Developing Countries, IISD GIEC, Bilan 2007 des changements climatiques: rapport de synthèse, Genève, Suisse, 2007 BOUQUET Vincent_2008 47 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto deux, avec l'exemple de l'Union Européenne, que le MDP désincitait relativement les pays développés à réduire leurs émissions domestiques de GES en leur permettant d'acheter les permis d'émissions générés par les projets MDP. L'UE s'est imposé une obligation de « suplémentarité » de 50%, c'est à dire que l'ensemble des mécanismes de flexibilité du Protocole de Kyoto (que nous avons étudiés dans le chapitre un), parmi lesquels figure le MDP dans une quantité non négligeable, ne peuvent participer aux réductions chiffrées des émissions de l'UE qu'à hauteur de 50% ce qui est déjà énorme. Ainsi il faudrait renforcer cette obligation de «suplémentarité » au sein de l'UE mais également dans les autres pays de l'Annexe B. e) Conclusion Malgré la possibilité de réformer le MDP comme on vient de le voir afin qu'il puisse à la fois mieux contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique et à la promotion du développement durable des PED, certains (tels l'ONG Les Amis de la Terre) plaident en faveur de l'abrogation pure et simple du MDP au vu de ses importants défauts que nous avons étudiés dans les deuxièmes sections des chapitres deux et trois. Bien que peu probable, cette possibilité devrait toutefois être considérée. On pourrait par exemple radicalement modifier le MDP pour le concentrer exclusivement sur la réduction des émissions de GES à moindre coût et l'accompagner de mesures complémentaires dans le 63 style du Fonds d'adaptation ou d'un « fonds mondial vert » comme nous allons le voir dans la sous- section qui suit. 2) Agir par delà le MDP Les solutions possibles adressant à la fois la lutte contre l'effet de serre et à la promotion du développement durable des PED sont nombreuses, nous n'allons donc étudier que les principales, les plus intéressantes et les plus originales. Parmi elles figurent l'idée de budget d'émission non-contraignant pour les PED, la création d'un « fonds mondial vert » financièrement substantiel, et une plus grande implications des pays émergents et non de l'ensemble des PED dans la lutte contre le changement climatique. De telles mesures pourraient être appliquées que le MDP soit simplement réformé comme on vient de le voir dans la section précédente, ou que le MDP soit tout simplement supprimé comme le réclament certaines ONG telles Les Amis de la Terre. a) Adopter la notion de « budget d'émission non contraignants » Un certain nombre d'acteurs, les États-Unis surtout, attendent que les pays émergents aient des budgets d'émission contraignants, et considèrent que le MDP est une étape vers cette finalité. Cependant, cela semble politiquement improbable en l'absence d'une aide substantielle du Nord au Sud. Ainsi, les budgets d'émission non-contraignants pourraient constituer une solution intermédiaire comme nous l'avons vu dans le chapitre deux. Dans une contribution diffusée à l'occasion du quatrième forum de l'OCDE sur les changements 63 Boyd et al. (2007), the CDM: an assesment of current practice and future approach for policy, Tyndal centre for climate change research (G.B.) 48 BOUQUET Vincent_2008 Chapitre 4 : Comment le Mécanisme de développement propre peut-il simultanément remplir les objectifs de lutte contre le changement climatique et de développement durable ? 64 climatiques (Paris, 12 mars 1999), Cédric Philibert a en effet formulé une proposition originale d'insertion des PED dans un système international d'échange de PEN. Les PED ayant négocié de tels budgets d'émission non contraignants pourraient, si leurs émissions réelles sont inférieures au terme de chaque période, vendre des droits d'émission ainsi dégagés. Mais ils n'encourraient pas de pénalités en cas de dépassement du budget alloué. Il serait ainsi possible d'impliquer sans trop attendre les PED dans un système de permis d'émission négociables. Les PED contribuant le plus à la lutte contre le réchauffement climatique, dégageraient ainsi une certaine manne financière, en revendant leurs permis d'émission initialement alloués et non utilisés, qui pourrait être réinvestie dans les différents aspects du développement durable des PED concernés. b) Vers un « fonds mondial vert » ? Lors des négociations de Bonn en août 2009 (en vue de la préparation du sommet de 65 Copenhague de décembre 2009) , la proposition du Mexique (faite en mai 2009 ) d’« un fonds mondial vert » alimenté par des contributions versées par tous les pays du monde – sauf les plus pauvres – et calculées selon les émissions historiques de GES, les émissions actuelles et le PIB, aurait été acceptée. Des engagements conséquents sont nécessaires : en avril 2009, les pays africains faisaient savoir que ce fonds devait atteindre 267 milliards de dollars par an. Pour les Amis de la Terre et Attac, ce fonds qui vise à financer l’atténuation et l’adaptation dans les pays du Sud devra s’appuyer sur un financement public, obligatoire, régulier et géré dans le cadre de l’ONU. Ce fonds permettra de « décarboniser » et de moderniser l'économie de l'ensemble des PED. Il permettrait notamment de nouveaux investissements dans l'ensemble des PED (et non pas seulement dans les pays émergents comme le fait le MDP) avec des retombées en matière de développement durable telles la génération d'emplois, le transfert de technologies et de savoir-faire, l'amélioration de l'environnement local, une plus grande conservation des ressources locales... c) Engager spécifiquement les pays émergents Lors de la Journée mondiale de l'environnement, le 5 juin 2009, le président mexicain Felipe Calderon avait annoncé un Programme spécial sur le changement climatique (PECC), qui prévoit de diminuer graduellement les émissions - à raison de 50 millions de tonnes par an d'équivalent d'oxyde de carbone d'ici à 2012. De même que les pays de l'Annexe B sont à l'avant-garde de la lutte contre le changement climatique au niveau global, les pays émergents pourraient être à l'avant garde des efforts des PED contre le changement climatique. Ainsi ils pourraient se voir attribuer des budgets d'émission contraignants en échange d'une assistance technique et financière des pays du Sud. Pour les autres PED, et en particulier les PMA, l'urgence constitue non pas la lutte contre les causes du réchauffement climatique mais la lutte contre la pauvreté, et dans une moindre mesure la lutte contre les conséquences du réchauffement climatique. Hors la vulnérabilité au changement climatique n'est qu'un problème de pauvreté, et pour sortir de la pauvreté ces PED ont besoin d'un développement économique qui sera nécessairement émetteur de GES. 64 Philibert, Cédric, (1999a), Comment les échanges de permis d'émissions peuvent bénéficier aux pays en développement, papier diffusé lors du 4ème forum de l'OCDE sur les changements climatiques (Paris, 12 mars 1999) 65 Les bonnes intentions du Mexique sur le climat, Joële Stolz, Le Monde, 24/06/2009 BOUQUET Vincent_2008 49 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto Conclusion Il a été démontré au cours de ce mémoire que le MDP ne constituait avant tout qu'un moyen pour les pays développés de réduire le coût du respect de leurs objectifs chiffrés de réduction de GES prévus au Protocole de Kyoto, dans le cadre de la Convention climat. L'impact du MDP sur la lutte contre le réchauffement climatique est mitigé puisque bien qu'il permette une « réduction » des émissions globales de GES à faible coût, il désincite relativement les pays développés à réduire leurs émissions domestiques, en leur fournissant des permis d'émission achetables sur les marché de la finance carbone auxquelles participent les projets MDP. Hors c'est avant tout aux pays développés qu'il revient de réduire leurs émission du fait de leur responsabilité historique dans l'émission de GES et du fait de leur fort niveau de développement . En effet, les PED aspire légitimement à un développement économique qui sera nécessairement émetteur de GES afin de sortir la majorité de leur population de la pauvreté. Cependant, le MDP garde le mérite d'impliquer la coopération entre les pays développés et les PED dans la lutte contre le réchauffement climatique, et d'aider à promouvoir une réduction des émissions globales de GES à faible coût. Par ailleurs, on a démontré que le MDP ne respectait son objectif de promotion du développement durable des PED que pour les pays émergents, et en particulier la Chine, et non pas pour les pays les plus pauvres qui en auraient le plus besoin. En effet, la part des projets MDP situés dans les pays les plus pauvres n'est que marginale. Ainsi l'objectif de promotion du développement durable des PED du MDP peut apparaître aux yeux de certains comme un alibi pour que les pays développés puissent continuer à maintenir leurs conditions de vie reposant sur des émissions de GES insoutenables, en achetant les crédits carbone générés par le MDP qui constituent une réserve de droits à polluer. Ainsi, à quelques exceptions près (tels les projets MDP de haute qualité, et les projets MDP unilatéraux), le MDP ne peut pas remplir simultanément les objectifs de lutte contre le changement climatique et de promotion du développement durable des PED, le MDP favorisant avant tout les réductions d 'émissions de GES à faible coût au détriment du développement durable. Ces deux objectifs du MDP tendent à s'opposer dans la mesure ou tout investissement supplémentaire pour promouvoir le développement durable des PED, élève le coût des réductions des émissions de GES dans les PED à travers un projet MDP. Cependant le MDP ne doit pas nécessairement être supprimé, on a vu qu'il pouvait être réformé afin de satisfaire les deux objectifs étudiés. Il faudrait ainsi imposer des quotas géographiques et sectoriels, réformer et durcir le cycle des projets MDP pour que les projets soient véritablement additionnels, engager plus de moyen pour le BEMDP afin de mettre fin à l'engorgement administratif des projets MDP, et augmenter les obligations de « suplémentarité » pour les pays de l'Annexe B. Ce que nous avons étudié relativement au MDP a une grande portée dans la mesure ou les négociations futures de la Convention cadre des Nations Unies contre les changements climatiques, dont la prochaine étape aura lieu à Copenhague en décembre 2009 afin de définir les mesures à appliquer après 2012, date d'échéance de la première période du Protocole de Kyoto, déboucheront très certainement sur des mécanismes de flexibilité basés sur le marché en accompagnement des objectifs chiffrés de réductions de GES pour un certain nombre de pays. Hors, le MDP partage ses défauts avec la Mise en œuvre 50 BOUQUET Vincent_2008 Conclusion conjointe dont le champs d'application devrait s'étendre si les pays émergents venaient à accepter des objectifs chiffrés de limitations de leurs émissions de GES. Il conviendrait ainsi d'une part d'optimiser l'internalisation par le marché des émissions de GES, et d'autre part d'adopter d'autres mesures tels un « Fonds vert mondial », financés par les pays développés, afin de d'aider les PED à émettre peu de GES tout en continuant de se développer économiquement afin de sortir la majorité de leur population de la pauvreté. On peut également envisager de concentrer exclusivement le MDP sur la réduction des émissions de GES à faible coût, et de participer parallèlement au développement durable des PED à travers des fonds multilatéraux substantiels d'aide au développement. BOUQUET Vincent_2008 51 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto Annexes Annexe 1 : Glossaire Annexe 1 : L'annexe un de la convention cadre des nations unies sur les changements climatiques regroupe les pays développés et les pays en transition vers une économie de marché. Ces pays se sont engagés à réduire leurs émissions de GES. Annexe B : L’annexe B du protocole de Kyoto établit la liste des États visés par des engagements chiffrés de réduction d'émission de gaz à effet de serre. Il s’agit uniquement des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et des pays d’Europe de l’Est « en transition vers une économie de marché ». AOSIS :Alliance of Small Island States. Cette organisation intergouvernementale regroupe les pays aux côtes basses et les petits pays insulaires ; elle est composée de 43 pays membres. Cette alliance représente 28% des PED, 20% des membres des Nations Unies et 5% de la population mondiale. APD : Aide publique au développement BEMDP : Bureau Exécutif du Mécanisme de Développement Propre, structure de l'Organisation des Nations Unies chargée de valider les projets du Mécanisme de Développement Propre CCNUCC : Convention cadre des Nations Unis sur les changement climatiques, aussi appelée Convention climat dans la littérature française. Elle a été adoptée à Rio de Janeiro en 1992 par 154 États plus la communauté européenne. Elle est entrée en vigueur le 21 mars 1994. Elle ne contient aucun objectif juridiquement contraignant. Le protocole de Kyoto adopté en 1997 est considéré généralement comme le traité fils de la CCNUCC. CDC : Caisse des Dépots et de Consignation. Institution financière française impliquée dans la finance carbone en tant qu'investisseur et gestionnaire du PNAQ. CH4 : le méthane CO2 : dioxyde de carbone, aussi appelé gaz carbonique ETS : Emission Trading Scheme. Système international d'échanges de quotas de CO2 prévu au protocole de Kyoto. Le marché européen est appelé EU-ETS pour European Union Trading Scheme. EUA : European Union Allowances. Allocation de permis (quantités) d'émission de CO2 délivrés aux principaux sites polluants dans le cadre du marché européen. FEM : Forum des Économies Majeures qui regroupe les 16 pays les plus émetteurs de GES, notamment les pays de l'UE15, les États-Unis, mais aussi les pays émergents tels la Chine, l'Inde, le Brésil et le Mexique. 52 BOUQUET Vincent_2008 Annexes GES. : gaz à effet de serre. Les gaz à effet de serre ciblés par le protocole de Kyoto sont au nombre de six : le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O), l’hexafluorure de soufre (SF6), les hydrofluorocarbures (HFC), les hydrocarbures perfluorés ou perfluorocarbures (PFC). Une conversion permet de ramener toutes les émissions en « équivalents CO2 », le dioxyde de carbone étant le principal responsable de l’effet de serre et, par conséquent, l’unité de référence. HFC: les hydrofluorocarbures IDE : Investissements directs à l'étranger GIEC: Groupe intergouvernemental sur l'Évolution du Climat. Il est crée en 1988, à la demande du G7, par deux organismes de l'ONU: l'Organisation Météorologique Mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE). MDP : Mécanisme de Développement Propre N2O : le protoxyde d'azote ou oxyde nitreux OCDE : Organisation de coopération et de développement économique ONG : Organisation non gouvernementale ONU : Organisation des Nations Unies MDP : Mécanisme de développement propre. C'est le mécanisme de flexibilité du protocolede Kyoto qui associe les pays en voie de développement. Il permet à une entreprise d'un pays développé (pays de l'Annexe 1 soumis à des réductions chiffrées de ses émission de gaz à effet de serre) qui investit dans un projet en vue d'une réduction des émissions de gaz à effet de serre dans un pays en voie de développement de rapatrier la valeur financière des ces réductions quantifiées en équivalence de CO2. MOC : la Mise en œuvre conjointe (Joint Implementation, en anglais) PED : pays en voie de développement PEN : permis d'émission négociables PMA : pays les moins avancés PRG : participation au réchauffement global, sur une période de cent ans. Elle est calculée par rapport à la PRG du CO2 (le GES de référence) qui est donc de 1 PFC : les hydrocarbures perfluorés ou perfluorocarbures PNAQ : Plan National d'Allocation des Quotas. Pour un pays signataire du protocole de Kyoto engagé sur des objectifs chiffrés de réduction d'émission de gaz à effet de serre, il s'agit d'un plan précisant la quantité totale de quotas qu'il a l'intention d'allouer pour une période considére et la manière dont il se propose de la répartir entre ses installations. PNUE : Programme des Nations Unies pour l'Environnement. Il fut crée en 1972 à la conférence de Stockholm. SO2 :dioxyde de souffre. Il est essentiellement utilisé dans l'industrie pour la production d'acide sulfurique. La houille de mauvaise qualité et le pétrole contiennent des composés de souffre et génèrent du dioxyde de soufre lors de leur combustion. SF6 :l’hexafluorure de soufre tCO2e: équivalence de la puissance d'un gaz à effet de serre en tonne de CO2 UE : Union Européenne. Elle est actuellement composée de 27 pays membres. BOUQUET Vincent_2008 53 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto URCE : unité de réduction certifiée des émissions (Certified Emission Reductions - CER - , en anglais) URE : Unité de réduction des émissions. Crédit carbone généré par un projet de Mise en oeuvre conjointe (MOC), négociable sur le marché international prévu au protocole de Kyoto et sur les marchés régionaux tels l'ETS de l'UE. UQA : Unité de quantité attribuée. Allocation délivrée dans le cadre du marché international prévu au protocole de Kyoto. Annexe 2: Infographie complémentaire 66 67 66 Source: wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Gaz_%C3%A0_effet_de_serre 67 54 Source: wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Gaz_%C3%A0_effet_de_serre BOUQUET Vincent_2008 Annexes L'intensité carbone des économies nationales en 2000 68 68 Source: World Resources Institute CAIT Database, 2007 (données pour l'année 2000) BOUQUET Vincent_2008 55 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto 69 Émissions de CO2 par personne et par an 69 56 Souce: Communauté Européenne, EC-JRC/PBL EDGAR version 4.0, 2009 http/edgarjrc.ec.europa.eu/.2009 BOUQUET Vincent_2008 Annexes Durée de séjour dans l'atmosphère des principaux gaz à effet de serre gaz à effet de serre formule durée de séjour (ans) dioxyde de carbone CO2 200 (variable) méthane CH4 12 ± 3 protoxyde d'azote N2O 120 dichlorodifluorométhane (CFC-12) CCl2F2 102 chlorodifluorométhane (HCFC-22) CHClF2 12,1 hexafluorure de soufre SF6 3 200 70 PRG à 100 ans 1 23 310 6 200 - 7 100 1 300 - 1 400 22800 Nombre de projets MDP par pays en Amérique Latine: 71 la prédominance du Brésil et du Mexique 70 71 Wikipedia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Gaz_%C3%A0_effet_de_serre UNEP-Risoe Centre, http://cdmpipeline.org/cdm-projects-region.htm BOUQUET Vincent_2008 57 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto Nombre de projets MDP par pays en Asie: 72 la prédominance de la Chine et de l'Inde Annexe 3 : Article 12 du Protocole de Kyoto relatif au Mécanisme de développement propre Article 12 1. Il est établi un mécanisme pour un développement propre. 2. L’objet du mécanisme pour un développement propre est d’aider les Parties ne figurant pas a l’annexe I a parvenir a un développement durable ainsi qu’a contribuer a l’objectif ultime de la Convention, et d’aider les Parties visées a l’annexe I a remplir leurs engagements chiffrés de limitation et de réduction de leurs émissions prévus a l’article 3. 3. Au titre du mécanisme pour un développement propre: a) Les Parties ne figurant pas à l’annexe I bénéficient d’activités exécutées dans le cadre de projets, qui se traduisent par des réductions d’émissions certifiées; b) Les Parties visées à l’annexe I peuvent utiliser les réductions d’émissions certifiées obtenues grâce a ces activités pour remplir une partie de leurs engagements chiffrés de limitation et de réduction des émissions prévus a l’article 3, conformément a ce qui a été déterminé par la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au présent Protocole. 4. Le mécanisme pour un développement propre est placé sous l’autorité de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au présent Protocole et suit ses directives; il est supervisé par un conseil exécutif du mécanisme pour un développement propre. 72 58 UNEP-Risoe Centre, http://cdmpipeline.org/cdm-projects-region.htm BOUQUET Vincent_2008 Annexes 5. Les réductions d’émissions découlant de chaque activité sont certifiées par des entités opérationnelles désignées par la Conférence des Parties agissant en tant que réunion des Parties au présent Protocole, sur la base des critères suivants: a) Participation volontaire approuvée par chaque Partie concernée; b) Avantages réels, mesurables et durables liés a l’atténuation des changements climatiques; c) Réductions d’émissions s’ajoutant a celles qui auraient lieu en l’absence de l’activité certifiée. 6. Le mécanisme pour un développement propre aide a organiser le financement d’activités certifiées, selon que de besoin. 7. La Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au présent Protocole élabore à sa première session des modalités et des procédures visant a assurer la transparence, l’efficacité et la responsabilité grâce a un audit et a une vérification indépendants des activités. 8. La Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au présent Protocole veille à ce qu’une part des fonds provenant d’activités certifiées soit utilisée pour couvrir les dépenses administratives et aider les pays en développement Parties qui sont particulièrement vulnérables aux effets défavorables des changements climatiques à financer le coût de l’adaptation. 9. Peuvent participer au mécanisme pour un développement propre, notamment aux activités mentionnées a l’alinéa a) du paragraphe 3 ci-dessus et a l’acquisition d’unités de réduction certifiée des émissions, des entités aussi bien publiques que privées; la participation est soumise aux directives qui peuvent être données par le conseil exécutif du mécanisme. 10. Lesréductions d’émissions certifiées obtenues entre l’an 2000et le début dela première période d’engagement peuvent être utilisées pouraider arespecter lesengagements prévus pour cette période. Annexe 4 : Le rôle clef de l'Union Européenne dans le Mécanisme de développement propre L'Union européenne joue un rôle clef au sein du MDP car ses pays membres constituent les premiers acheteurs des crédits générés par le MDP. De plus, le marché européen du 73 carbone, l'EU-ETS , est le marché financier où les crédits carbone générés par le MDP, les URCE, s'échangent le plus. En accord avec la directive européenne, le flot des crédits carbones générés par les 74 projets MDP peut bénéficier aux pays membres de l'UE comme suit . Le responsable du projet MDP reçoit des crédits carbones appelés URCE après que le projet MDP ait complété avec succès le cycle de projet du MDP (cf supra). Il les vends ensuite à un opérateur (une compagnie qui dirige une installation qui doit participer au échanges de EUA, European 73 http://ec.europa.eu/environment/climat/emission/index_en.htm 74 Langrock & Sterl, Linking CDM & JI with EU Emission Allowance Trading, 2004 BOUQUET Vincent_2008 59 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto Union Allowances). L'opérateur peut alors demander la conversion des URCE en montant équivalent d'EUA. Ces EUA peuvent alors être utilisés par la compagnie pour respecter le quota d'émission de ses installations (ces quotas sont définis au niveau national par le PNAQ) et par le pays hôte pour respecter son quota d'émission nationale (défini à la fois par le protocole de Kyoto et par l'Union Européenne). Hors actuellement presque tous les 15 « principaux » membres de l'UE (c'est à dire les membres de l'UE qui ne sont pas en transition vers une économie de marché, les pays membres de l'UE avant les élargissements de 2004 et de 2007) remplissent difficilement leur objectif chiffré de réduction es émissions de GES ; ainsi les crédits carbones des projets MDP peuvent leur être crucial afin de respecter leurs engagements chiffrés. Cependant l'utilisation cumulée des trois mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto doit respecter l'obligation de suplémentarité.Cette provision a été incluse dans les accords de Marrakech sous la pression de l'UE. Cette obligation de suplémentarité signifie concrètement qu'au moins 50% des réductions d'émission doivent être réalisées par des mesures domestiques, et qu'un pays ne peut réaliser qu'au maximum 50% de ses réductions d'émission grâce aux trois mécanismes de flexibilité du Protocole de Kyoto. Les émissions vérifiées de l'UE en 2005 et 2006 étaient d'approximativement 2,2 milliards de tonnes CO2e. A partir de ce niveau, les réductions d'émission nécessaire pour respecter les quotas de la période 2008-2012 avoisinent les 133 millions de tonnes par an, mais les importations autorisées de crédits carbone provenant de projets MDP ou MOC sont de 278 millions de tonnes par an, autorisant ainsi une augmentation nette des émissions au sein de l'ETS européen compensée par des réductions d'émission dans les PED (car on a vu que les projets MDP généraient dix fois plus de crédits carbones que les projets MOC à l'heure actuelle).. Les émissions auraient d'ailleurs augmenté de 1% en 2007 au sein de l'ETS 75 européen . Ce phénomèn est loin d'être marginal puisque selon les estimations des experts les projets MDP pourraient générer d'ici à 2012 l'équivalent des émissions cumulées du Canada, de la France, de l'Espagne et de la Suisse. Déjà en 2006, 35% du marché mondial du carbone exprimé en tonnes de CO2 était constitué de crédits issus de mécanismes de projets (c'est à dire essentiellement de projets MDP et dans une moindre mesures de projets MOC). Ainsi, le MDP aurait pour effet pervers de relativement « désinciter » les pays développés, en particulier l'UE, à réduire leurs émissions nationales par des actions domestiques. Hors selon le principe de la la responsabilité commune mais différenciée, il appartient avant tout aux pays développés de réduire leurs émissions nationales de GES de manière avant-gardiste. Certaines prévisions sont même alarmantes. Ainsi, dans un rapport de juin 2007, la division britannique du World Wide Fund for Nature (WWF) estime qu'entre 88% et 100% des réductions d'émission imposées aux sites européens pourront être compensées par l'achat de crédits URCE provenant des projets MDP situés dans les 76 PED . Hors pour avoir 50 % de chances seulement de rester en deçà d’une élévation de 2° C 77 de la température mondiale, et selon le GIEC et les récents résultats scientifiques, l’objectif doit être au minimum de réduire de 40 % par rapport à 1990 les émissions de gaz à effets de serre dans les pays riches d’ici 2020. Il faudrait donc comme on l'a vu au chapitre quatre 75 Scneider (2007): Is the CDM fulfilling its environmental and sustainable development objectives? ; EU ETS emissions likely to have increased in2007: CITL Data, PointCarbon, 2 Avril 2008 76 77 60 Emission Impossible: access to JI/CDM credits in phase II of the EU Emission Trading Scheme, WWF-UK, juin 2007 GIEC, Bilan 2007 des changements climatiques: rapport de synthèse, Genève, Suisse, 2007 BOUQUET Vincent_2008 Annexes renforcer l'obligation de « suplémentarité » au sein de l'UE pour que l'utilisation des crédits carbone générés par le MDP reste très marginale. Par ailleurs, l'UE joué également un rôle important dans le MDP avec ses programmes 78 de facilitation des projets MDP. En effet, elle a crée l'ENCOFOR qui est un rpogramme de facilitation des projets MDP de boisement et de reboisement bénéficiant aux communautés locales ; ce programme a été fondé sur des études de cas en Bolivie, en Équateur, en Ouganda et au Kenya. 79 De même, l'UE a un autre programme de facilitation des projets MDP en Chine avec pour objectif de mieux aider la Chine à parvenir à un développement durable. Pour finir l'UE est à l'avant garde des négociations climatiques qui dicteront l'avenir du MDP ou du mécanisme qui le remplacera. 78 79 http://www.joanneum.at/encofor/index.html http://www.euchina-cdm.org/ BOUQUET Vincent_2008 61 Le Mécanisme de Développement Propre du Protocole de Kyoto Bibliographie Ouvrages Banque mondiale (2009), State and trends of the carbon market – 2009 Banuri et Gupta (2000), the CDM and sustainable development: an economic analysis Bernier, Aurélien, Faut-il brûler le protocole de Kyoto, le Monde diplomatique, décembre 2007 Bernier, Aurélien, Le climat, otage de la finance, édition Mille et une Nuit, 2008 (133p.) Brown & Corbera (2003), multi-criteria assesment framework for carbon-mitigation projects: putting « development » in the centre of the decision-making, Tyndal centre for climate change research (G.B.) Brown et al. (2004), How do CDM projects contribute to sustainable development, Tyndal centre for climate change research (G.B.) Boyd et al. (2007), the CDM: an assesment of current practice and future approach for policy, Tyndal centre for climate change research (G.B.) Cornut (2000), MDP: traduire opérationnellement l'exigence d'additionnalité environnementale Cosbey et al. (2005) Realizing the Development Dividend: Making the CDM Work for Developing Countries, IISD GIEC, Bilan 2007 des changements climatiques: rapport de synthèse, Genève, Suisse, 2007 Grubb, Michael, On Carbon Prices and Volumes in the Evolving 'Kyoto Market', OECD, Paris, 2003 Huang et Barker (2009), the CDM and sustainable development: a panel data analysis Kallhauge et al. (eds.): Global Challenges. Furthering the Multilateral Process. 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