« démarchandisation » (limiter les
besoins monétaires, s’appuyer sur le
domaine public, développer la démo-
cratie participative et la gouvernance
des communs…).
Cette alternative, le collectif Oui-
Share la défend depuis 2012. Société
collaborative ne se veut pas un mani-
feste idéologique mais se concentre
sur des exemples précis, des ques-
tions liées au développement du
modèle collaboratif. Optimiste, le
texte ne cède pourtant pas à toutes
les sirènes de l’utopie, mettant en
avant le risque de précarisation des
travailleurs et la nécessité de contrer
la fragmentation du marché du travail
par la mise en place de structures
syndicales solides. Comme Bernard
Perret, Flore Berlingen, qui signe la
dernière partie du livre, n’oublie pas
l’État dans le modèle à venir :
Le rôle du politique reste donc
incontournable et complémentaire à
celui des initiatives évoquées […] :
quelle meilleure place que celle du
terrain, de l’action, de la construc-
tion de solutions pour repérer les
enjeux à porter au débat politique ?
(p. 100).
Bien sûr, tout n’est pas parfait dans
les modèles dessinés ; mais à l’heure
où nous sommes entourés de nostal-
giques et de pessimistes, on ne peut
que se réjouir que des intellectuels et
des citoyens se mettent à l’œuvre
pour penser et mettre en place de
nouvelles solutions.
Alice Béja
Julia Cagé
Sauver les médias.
Capitalisme, financement
participatif et démocratie
Paris, Le Seuil, coll. « La République
des idées », 2015, 115 p., 11,80 €
La presse d’information politique
et générale va mal, très mal. Le
numérique a amplifié l’effet des fac-
teurs structurels de crise : désaffec-
tion du lectorat, baisse des ventes et
croissance des coûts. Le livre de Julia
Cagé rappelle les éléments d’un
désastre annoncé : concurrence
accrue pour les revenus issus de la
publicité, dont le prix baisse inexo-
rablement, moindre appétit des lec-
teurs pour une presse payante de
qualité. Les journaux répondent à la
baisse des revenus par la réduction
des charges, qui entraîne une nou-
velle dégradation de la qualité. Celle-
ci accentue à son tour le déclin du
lectorat, engendrant une spirale
infernale à laquelle le numérique
donne un coup d’accélérateur qui
peut être mortel : sur l’internet, où
des milliards de pages sont en
concurrence, le prix de la publicité
s’effondre et le consentement à payer
s’avère faible et même inexistant
pour certains lecteurs.
Côté demande, l’auteure montre,
données à l’appui, que la lecture est
considérablement plus courte et
hachée en mode numérique. Peut-
être sous-estime-t-elle une dérive de
la demande qui ne saurait relever
uniquement des évolutions de l’offre
et qui se traduit par deux tendances :
demande de spécialisation accrue et
demande d’infotainment.
Du côté de l’offre, Julia Cagé
relève à juste titre le déclin du
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