Enfance http://www.necplus.eu/ENF Additional services for Enfance: Email alerts: Click here Subscriptions: Click here Commercial reprints: Click here Terms of use : Click here Impact clinique du Trouble décitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) sur le bégaiement de l’enfant Joseph Donaher et Corrin Richels Enfance / Volume 2013 / Issue 03 / September 2013, pp 245 - 258 DOI: 10.4074/S0013754513003066, Published online: 20 November 2013 Link to this article: http://www.necplus.eu/abstract_S0013754513003066 How to cite this article: Joseph Donaher et Corrin Richels (2013). Impact clinique du Trouble décitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) sur le bégaiement de l’enfant. Enfance, 2013, pp 245-258 doi:10.4074/S0013754513003066 Request Permissions : Click here Downloaded from http://www.necplus.eu/ENF, IP address: 88.99.165.207 on 20 Apr 2017 Impact clinique du Trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) sur le bégaiement de l’enfant Joseph DONAHER* et Corrin RICHELS** RÉSUMÉ Le syndrome de Trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) est un trouble neurologique qui touche environ 6 % à 8 % des enfants (DSM-IV-R, 2000). Les enfants porteurs de ce syndrome éprouvent fréquemment des problèmes attentionnels, présentent une activité motrice excessive, des comportements impulsifs et des déficits neurocognitifs (Goepel, Kissler, Rockstroh, & Paul-Jordanov, 2011). Ces difficultés affectent aussi souvent la production de parole et, chez certains enfants, elles peuvent se manifester par des dysfluences (Engelhardt, Corley, Nigg, & Ferreira, 2010), chez d’autres, par un bégaiement caractérisé (voir par exemple, Heitmann, Asbjørnsen, & Helland, 2004). Les logopèdes et les orthophonistes jouent un rôle essentiel dans l’équipe thérapeutique en contribuant à l’examen des compétences communicatives et en renforçant les services de thérapie (ASHA, 2005). En conséquence, les logopèdes-orthophonistes devraient avoir une connaissance parfaire du TDAH et de l’impact de ses caractéristiques comportementales sur la communication. MOTS CLÉS : BÉGAIEMENT, HYPERACTIVITÉ, TROUBLES ATTENTIONNELS *The Children’s Hospital of Philadelphia, The Center for Childhood Communication, Room 113 Children’s Seashore House, 34th Street and Civic Center Blvd, Philadelphia PA 19104, USA. Email : [email protected] **Department of Communication Sciences and Disorders, Old Dominion University, 240 Lions Child Study Center, Norfolk, VA 23529, USA. Email : [email protected] Traduction Bernadette Piérart. nfance n◦ 3/2013 | pp. 245-258 246 Joseph DONAHER et Corrin RICHELS ABSTRACT Addressing the clinical impact of ADHD on children who stutter Attention-Deficit/hyperactivity Disorder (ADHD) is a neurological disorder which affects approximately 6-8 % of children (DSM-IV-TR, 2000). Children with ADHD frequently struggle with attention, excess motor activity, behavioral impulsivity, and deficits in their neurocognitive abilities (Goepel, Kissler, Rockstroh, & Paul-Jordanov, 2011). These difficulties frequently impact the ability to produce speech and may manifest as disfluency in some children (Engelhardt, Corley, Nigg, & Ferreira, 2010) or overt stuttering in others (e.g., Heitmann, Asbjørnsen, & Helland, 2004). Speech-Language Pathologists play a vital role on the professional team by contributing information regarding functional communication skills and by advocating for therapy services (ASHA, 2005). As a result, speech-language pathologists should have a thorough understanding of ADHD and ways in which the characteristic behaviors can impact communication. KEY-WORDS: STUTTERING, HYPERACTIVITY, ATTENTION DÉFICIT Impact clinique du TDAH sur le bégaiement Le bégaiement (stuttering) est un trouble de la fluence qui affecte sérieusement l’intelligibilité de la parole et du langage. Il est caractérisé par trois types de symptômes : des spasmes et blocages des mouvements présidant à la parole, des répétitions compulsives et involontaires, des allongements d’unités brèves de la parole. Il s’accompagne des troubles respiratoires, de troubles articulatoires, de troubles de la prosodie et du rythme, ainsi que de difficultés linguistiques. Le versant psychologique du bégaiement contribue à l’entretien du trouble. On le distingue du bredouillement (cluttring), un trouble de la fluence dans lequel des morceaux de discours de la langue sont émis soit trop rapidement (parole compressée), soit irrégulièrement, soit avec les deux caractéristiques. La personne qui bredouille est incapable d’ajuster sa vitesse d’élocution aux exigences linguistiques ou motrices du contexte. Un corpus croissant de publications explore l’éventualité d’un lien entre le bégaiement et les Troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité (TDAH.). CARACTÉRISTIQUES DU TDAH Selon le DSM-IV-R (2000), les critères diagnostiques du TDAH s’appuient sur 18 symptômes répartis en deux sous-types distincts. Le premier sous-type est le TDAH avec troubles attentionnels prédominants. Les symptômes de troubles de l’attention sont décrits comme des difficultés d’organisation (par exemple, l’enfant perd fréquemment des objets), l’évitement de tâches qui exigent l’attention soutenue (par exemple, la lecture), et une forte tendance se laisser déconcentrer (par exemple, l’enfant remarque le moindre petit bruit, la moindre variation d’éclairage, etc.). Selon le DSM-IV-R (2000), 40 % des enfants porteurs d’un TDAH présentent ce type d’inattention. Le second sous-type est le TDAH avec hyperactivité-impulsivité. Les enfants qui en sont atteints sont décrits comme des enfants qui bavardent excessivement, qui remuent ou bougent continuellement et qui éprouvent en général de l’impatience (par exemple, ils répondent avant que l’enseignant ait fini de poser sa question). Le DSM IV-R (2000) estime à 50 % le nombre des enfants hyperactifs qui présentent ce sous-type nosologique. Les pourcentages résiduels d’enfants pour lesquels un diagnostic de TDAH a été posé manifestent des symptômes mixtes d’inattention et d’hyperactivité. Le diagnostic de TDAH se base sur la présence d’au moins six caractéristiques dans un même domaine spécifique, comme on peut le lire tableau 1. Ces symptômes sont typiquement présents avant sept ans et ne correspondent pas au profil de développement, au fonctionnement intellectuel ni au tableau médical du patient. Ces symptômes doivent réellement engendrer un handicap significatif dans plusieurs domaines à l’école, à la maison, au travail et dans ses compétences sociales. nfance n◦ 3/2013 247 248 Joseph DONAHER et Corrin RICHELS Tableau 1. Symptomes d’hyperactivité/impulsivité et symptômes d’inattention dans les troubles TDAH, sur la base des critères diagnostiques dérivés du DSM-IV-R (2000). Caractéristiques d’hyperactivité S’agite ou se tortille Caractéristiques des troubles attentionnels N’arrive pas à se concentrer sur des détails/néglige les erreurs Quitte sa chaise alors qu’on lui demande de A des difficultés de maintenir l’attention sur une rester assis tâche ou un jeu Agitation motrice excessive (court ou grimpe partout exagérément) Ne semble pas écouter quand on lui parle Difficultés à débuter des activités calmes Ne suit pas les instructions ou n’achève pas le travail entamé Est « monté sur ressorts, poussé par un moteur » Éprouve des difficultés d’organisation Parle souvent excessivement Évite les tâches qui exigent un effort mental soutenu S’exprime souvent ou répond avant la fin de la question Perd souvent ses objets A souvent des difficultés d’attendre pour intervenir dans les tours de parole Est souvent facilement distrait Interrompt souvent les autres Oublie beaucoup de choses dans les activités quotidiennes TDAH ET BÉGAIEMENT Un corpus croissant de publications explore l’éventualité d’un lien entre le bégaiement et les troubles TDAH. Comme nous l’avons indiqué plus haut, les estimations d’une comorbidité entre le TDAH et bégaiement sont comprises entre 4 % (Arndt & Healy, 2001) et 26 % (Riley & Riley, 2000). Les troubles TDAH ont été identifiés comme un facteur de risque pour le bégaiement chez l’adulte sur la base d’une méta-analyse d’une banque de données assez importante (Ajdacic-Gross, Vetter, Müller, Kawohl, Frey, Lupi, et al., 2010). Biederman, Faraone, Spencer, Wilens, Norman, Lapey, Mick, Lehman et Doyle (1993) ont mené des interviews structurées (questionnaires) sur 84 adultes pour lesquels un diagnostic clinique de TDAH avait été posé et qui avaient présenté divers problèmes scolaires, des troubles médicaux et psychologiques. Les résultats indiquent que 18 % de ces adultes porteurs de TDAH rapportaient une histoire de bégaiement, alors qu’il n’en avait que 2 % dans le groupe contrôle. Impact clinique du TDAH sur le bégaiement Les études sur les dysfluences dans la production des adultes porteurs de TDAH et qui ne bégaient pas relatent des difficultés de traitement du langage dues à la faiblesse de la mémoire de travail (Engelhardt, Nigg, Ferreira, & Carr, 2008). Dans une étude portant sur 194 participants âgés de 13 à 35 ans, Engelhardt, Corley, Nigg et Ferreira (2010), ont examiné le rôle de l’inhibition sur les dysfluences dans la production langagière dans un groupe contrôle (n = 86), dans un groupe pour lequel avait été posé un diagnostic de TDAH – de type « troubles attentionnels » (n = 56), et dans un second groupe pour lequel un diagnostic de TDAH – sous-type mixte (n = 52) avait été formulé. Les sujets étaient invités à construire des phrases sur présentation d’images d’objets animés, d’objets inanimés, sur lesquelles figurait dans le quadrant supérieur gauche soit un verbe non ambigu, soit un verbe ambigu. Les résultats montrent que les sujets porteurs de TDAH de type mixte les participants avec le type combiné par TDAH avaient une probabilité plus grande de présenter des dysfluences lors de réparations sémantiques. Les auteurs concluent que cette particularité se produit parce que les sujets porteurs de TDAH de type mixte éprouvent davantage de difficultés dans l’inhibition et le contrôle du comportement verbal. Bien que le travail de ces chercheurs ait porté sur les dysfluences, il est probable que les mêmes difficultés se présentent chez les personnes qui bégaient et pour lesquelles un diagnostic de TDAH a été posé ou même pour des troubles attentionnels infracliniques ou des troubles impulsifs. Dans une recherche portant sur des adultes qui bégaient, Alm et Risberg (2007) ont administré l’échelle Wender Utah Rating Scale, un questionnaire d’autoévaluation de 25 items pour l’évaluation rétrospective de symptômes de TDAH à 32 adultes qui bégaient (dans la suite du texte, « personne qui bégaie » : PQB) et à 28 sujets contrôles non bègues (dans la suite du texte, « personne qui ne bégaie pas » : PQNB). Les résultats ont montré des différences significatives, les adultes PQB rapportant des scores plus élevés de traits similaires à au TDAH durant leur enfance. Ces résultats se retrouvent également chez les enfants qui bégaient (EQB) (Arndt & Healey, 2001 ; Blood, Ridenhour, Qualls, & Hammer, 2003 ; Riley & Riley, 2000). Utilisant un dispositif d’observation transversal pour décrire la fréquence d’occurrence de comorbidité chez les enfants d’âge scolaire qui bégaient, Arndt et Healey (2001) ont réuni des données obtenues par un échantillon de 241 logopèdes-orthophonistes issues de 10 États (des États-Unis). Les résultats indiquent que 4 % des 262 enfants d’âge scolaire qui présentent un trouble de la fluence dûment vérifié avaient aussi un TDAH. Dans une recherche épidémiologique plus vaste, avec le même objectif, Blood et al. (2003) ont analysé les données de 1 184 logopèdes-orthophonistes. Les résultats indiquent que 6 % des 2 628 enfants d’âge scolaire EQB présentaient aussi un TDAH. Dans une évaluation directe d’EQB, Riley et Riley (2000) ont examiné 50 enfants d’âge scolaire avec leur Modèle des Composants Révisé. Les données indiquent que 26 % de leur échantillon présentaient un Trouble Attentionnel, qui selon le descriptif des auteurs, comportait un niveau élevé d’impulsivité, une nfance n◦ 3/2013 249 250 Joseph DONAHER et Corrin RICHELS réduction des capacités attentionnelles et une hyperactivité, qui correspondent bien à un TDAH. Il est intéressant de noter qu’un travail antérieur de la même équipe avait suggéré que la présence d’un trouble attentionnel avant la thérapie avait significativement diminué la probabilité d’une issue thérapeutique favorable (Riley & Riley, 1979). En outre, on avait pu montrer que les cliniciens pouvaient accroître les effets thérapeutiques par la présentation des résultats attendus avant de commencer les thérapies de modification de la parole (Riley & Riley, 1979). Ce constat constitue une preuve supplémentaire de l’association entre les dysfluences, le bégaiement et les compétences attentionnelles (Blood, Blood, Maloney, Weaver, & Shaffer, 2007 ; Bosshardt, 2006 ; Engelhardt et al., 2008 ; Engelhardt et al., 2010 ; Heitmann et al., 2004). CARACTÉRISTIQUES DU TDAH Selon le DSM-IV-R (2000), les critères diagnostiques du Trouble déficitaire de l’Attention avec Hyperactivité (TDAH) s’appuient sur 18 symptômes répartis en deux sous-types distincts. Le premier sous-type est le TDAH avec troubles attentionnels prédominants. Les symptômes de troubles de l’attention sont décrits comme des difficultés d’organisation (par exemple, l’enfant perd fréquemment des objets), l’évitement de tâches qui exigent l’attention soutenue (par exemple, la lecture), et une forte tendance se laisser déconcentrer (par exemple, l’enfant remarque le moindre petit bruit, la moindre variation d’éclairage, etc.). Selon le DSM-IV-R (2000), 40 % des enfants porteurs d’un TDAH présentent ce type d’inattention. Le second sous-type est le TDAH avec hyperactivité-impulsivité. Les enfants qui en sont atteints sont décrits comme des enfants qui bavardent excessivement, qui remuent ou bougent continuellement et qui éprouvent en général de l’impatience (par exemple, ils répondent avant que l’enseignant ait fini de poser sa question). Le DSM IV-R (2000) estime à 50 % le nombre des enfants hyperactifs qui présentent ce sous-type nosologique. Les pourcentages résiduels d’enfants pour lesquels un diagnostic de TDAH a été posé manifestent des symptômes mixtes d’inattention et d’hyperactivité. Le diagnostic de TDAH se base sur la présence d’au moins six caractéristiques dans un même domaine spécifique, comme on peut le lire tableau 1. Ces symptômes sont typiquement présents avant sept ans et ne correspondent pas au profil de développement, au fonctionnement intellectuel ni au tableau médical du patient. Ces symptômes doivent réellement engendrer un handicap significatif dans plusieurs domaines à l’école, à la maison, au travail et dans ses compétences sociales. TDAH ET BÉGAIEMENT Un corpus croissant de publications explore l’éventualité d’un lien entre le bégaiement et les troubles TDAH. Comme nous l’avons indiqué plus haut, les estimations d’une comorbidité entre le TDAH et bégaiement sont comprises Impact clinique du TDAH sur le bégaiement entre 4 % (Arndt & Healy, 2001) et 26 % (Riley & Riley, 2000). Les troubles TDAH ont été identifiés comme un facteur de risque pour le bégaiement chez l’adulte sur la base d’une méta-analyse d’une banque de données assez importante (Ajdacic-Gross, Vetter, Müller, Kawohl, Frey, Lupi, et al., 2010). Biederman, Faraone, Spencer, Wilens, Norman, Lapey, Mick, Lehman et Doyle (1993) ont mené des interviews structurées (questionnaires) sur 84 adultes pour lesquels un diagnostic clinique de TDAH avait été posé et qui avaient présenté divers problèmes scolaires, des troubles médicaux et psychologiques. Les résultats indiquent que 18 % de ces adultes porteurs de TDAH rapportaient une histoire de bégaiement, alors qu’il n’en avait que 2 % dans le groupe contrôle. Les études portant sur les dysfluences dans la production des adultes porteurs de TDAH et qui ne bégaient pas, relatent des difficultés de traitement du langage dues à la faiblesse de la mémoire de travail (Engelhardt, Nigg, Ferreira, & Carr, 2008). Dans une étude portant sur 194 participants âgés de 13 à 35 ans, Engelhardt, Corley, Nigg, et Ferreira (2010), ont examiné le rôle de l’inhibition sur les dysfluences dans la production langagière dans un groupe contrôle (n = 86), dans un groupe pour lequel avait été posé un diagnostic de TDAH – de type « troubles attentionnels » (n = 56), et dans un second groupe pour lequel un diagnostic de TDAH – sous-type mixte (n = 52) avait été formulé. Les sujets étaient invités à construire des phrases sur présentation d’images d’objets animés, d’objets inanimés, sur lesquelles figurait dans le quadrant supérieur gauche soit un verbe non ambigu, soit un verbe ambigu. Les résultats montrent que les sujets porteurs de TDAH de type mixte les participants avec le type combiné par TDAH avaient une probabilité plus grande de présenter des dysfluences lors de réparations sémantiques. Les auteurs concluent que cette particularité se produit parce que les sujets porteurs de TDAH de type mixte éprouvent davantage de difficultés d’inhibition et de contrôle du comportement verbal. Bien que le travail de ces chercheurs ait porté sur les dysfluences, il est probable que les mêmes difficultés se présentent chez les personnes qui bégaient (PQB, dans la suite du texte) et pour lesquelles un diagnostic de TDAH a été posé ou même pour des troubles attentionnels infracliniquess ou des troubles impulsifs. Dans une recherche portant sur des adultes PQB, Alm et Risberg (2007) ont administré The Wender Utah Rating Scale, un questionnaire d’autoévaluation de 25 items pour l’évaluation rétrospective de symptômes de TDAH à 32 adultes PQB et à 28 sujets contrôles qui ne bégayaient pas (PQNB). Les résultats ont montré des différences significatives, les adultes PQB rapportant des scores plus élevés de traits similaires à au TDAH durant leur enfance. Ces résultats se retrouvent également chez les enfants qui bégaient (EQB) (Arndt & Healey, 2001 ; Blood, Ridenhour, Qualls, & Hammer, 2003 ; Riley & Riley, 2000). Utilisant un dispositif d’observation transversal pour décrire la fréquence d’occurrence de comorbidité chez les enfants d’âge scolaire EQB, Arndt and Healey (2001) ont réuni des données obtenues par un échantillon de 241 logopèdes-orthophonistes issues de 10 États (des États-Unis). Les résultats indiquent que 4 % des 262 enfants d’âge scolaire qui présentent un trouble nfance n◦ 3/2013 251 252 Joseph DONAHER et Corrin RICHELS de la fluence dûment vérifié avaient aussi un TDAH. Dans une recherche épidémiologique plus vaste, avec le même objectif, Blood et al. (2003) ont analysé les données de 1 184 logopèdes-orthophonistes. Les résultats indiquent que 6 % des 2 628 enfants d’âge scolaire qui bégayaient présentaient aussi un TDAH. Dans une observation directe des EQB, Riley et Riley (2000) ont examiné 50 enfants d’âge scolaire avec leur Modèle des Composants Révisé. Les données indiquent que 26 % de leur échantillon présentaient un Trouble Attentionnel, qui selon le descriptif des auteurs, comportait un niveau élevé d’impulsivité, une réduction des capacités attentionnelles et une hyperactivité, qui correspondent bien à un TDAH. Il est intéressant de noter qu’un travail antérieur de la même équipe avait suggéré que la présence d’un trouble attentionnel avant la thérapie avait significativement diminué la probabilité d’une issue favorable à celle-ci (Riley & Riley, 1979). En outre, on avait pu montrer que les cliniciens pouvaient accroître les effets thérapeutiques par la présentation des effets attendus avant de commencer les thérapies de modification de la parole (Riley & Riley, 1979). Ce constat constitue une preuve supplémentaire de l’association entre les dysfluences, le bégaiement et les compétences attentionnelles (Blood, Blood, Maloney, Weaver, & Shaffer, 2007 ; Bosshardt, 2006 ; Engelhardt et al., 2008 ; Engelhardt et al., 2010 ; Heitmann, et al., 2004). Dans une étude portant sur 17 participants de 9 à 17 ans, présentant soit du bégaiement, soit du bredouillement, Heitmann, Asbjørnsen, et Helland (2004) ont trouvé que les PQB présentent des temps de réaction plus longs dans les tâches qui sollicitent le contrôle attentionnel par rapport aux personnes qui bredouillent et au groupe contrôle. Selon les auteurs, ces résultats pourraient suggérer que les PQB éprouvent plus de difficultés à inhiber l’attention des stimuli présentés dans le champ visuel droit/hémisphère gauche dans des tâches cognitives latéralisées. Néanmoins, aucune différence significative entre les trois groupes n’a été trouvée au Test de Connors de performance continue (CPT II ; Conners, 1995). Les résultats d’une recherche exploratoire portant sur l’attention visuelle chez des enfants confirment cette conclusion. Blood et al. (2007) ont examiné les performances au CPT II d’un groupe de 19 EQB dont l’âge était compris entre 9 et 11 ans et d’un groupe contrôle de 19 EQNB de même âge. Les résultats ne révèlent aucune différence significative entre les deux groupes pour cette tâche. Néanmoins, les auteurs rapportent que dans l’ensemble du groupe, les EQB avaient des scores à la sous-échelle de « prise de risque » qui suggèrent qu’ils avaient répondu au test de manière plus impulsive. Dans une recherche sur 36 EQB, d’âge scolaire, Donaher et Richels (2012) ont trouvé que 58 % (n = 21) des participants correspondaient aux critères voulus pour entamer une évaluation des symptômes caractéristiques du TDAH. Les auteurs notent prudemment que les résultats n’indiquent pas que 58 % de l’échantillon avaient un diagnostic de TDAH mais plutôt que 58 % des participants entraient dans les critères requis pour une évaluation ultérieure sur la base du rapport parental de l’échelle d’évaluation du TADH. Les résultats ont montré que les plus jeunes EQB (c’est-à-dire entre 3 ans et 5ans 11 mois) et 253 Impact clinique du TDAH sur le bégaiement les garçons EQB présentaient une plus grande probabilité de correspondre aux caractéristiques du TDAH que les enfants plus âgés EQB (c’est-à-dire entre 15 ans et 17 ans 11 mois) et les filles qui bégayaient. En outre, la présence d’un trouble concomitant (par exemple, le syndrome de Tourette ou de l’anxiété) et une histoire familiale de guérison du bégaiement étaient significativement associées avec les scores à l’échelle d’évaluation du TDAH qui avaient nécessité une évaluation ultérieure des symptômes du TDAH. Les scores élevés des EQB qui constituaient des signes d’appel du TDAH avaient des implications tant pour le traitement de la parole et du langage que pour celui du TDAH et pouvaient fournir la même indication pour la thérapie du bégaiement. Les résultats de cette étude suggèrent qu’il est nécessaire de poursuivre la recherche des liens possibles entre les caractéristiques du TDAH et le bégaiement. La figure 1 illustre trois voies spécifiques d’impact sur la fluence de la parole du TDAH. Caractéristiques du TDAH Hyperactivité Impulsivité Inattention Répercutions sur les dysfluences Répétition de mots Répétition de phrases Révisions Pauses pleines Impact sur les capacités de contrôle du bégaiement Difficultés de rétention de l’information Réduction des capacités d’évaluation et de contrôle des performances Mode de pensée dichotomique Manque de persévérance dans les activités Oublieux Exacerbation du bégaiement Accélération du débit Allongement des émissions verbales Impulsivité Rigidité de la pensée Préocuppations sociales Hyper-réactivité Figure 1. Impact des caractéristiques du TDAH sur la fluence de la parole OPTIONS THÉRAPEUTIQUES Trois options thérapeutiques ont fait preuve de leur efficacité dans le contrôle des symptômes de TDAH. Les traitements pharmacologiques utilisant des dérivés amphétaminiques, stimulants du système nerveux central sont les plus nfance n◦ 3/2013 254 Joseph DONAHER et Corrin RICHELS efficaces et leur seule utilisation pour le TDAH est efficace dans la majorité des cas (Zuyekas, Vitiello, & Norguist, 2006). Néanmoins, étant donné les effets secondaires possibles et les controverses à propos de médicaments de ce type, des médications non-stimulantes ont été utilisées au titre d’option alternative en cas d’intolérance aux stimulants (Mohammadi, Kazemi, Zia, Rezazadeh, Tabrizi, & Akhondzadeh, 2010). Ils sont néanmoins moins efficaces que les stimulants pour contrôler le noyau des symptômes du TDAH. Enfin, l’aménagement de pratiques comportementales ciblées sur les compétences sociales et une thérapie cognitivo-comportementale sur mesure a été à elle seule pleinement efficace et davantage encore en combinaison avec l’intervention pharmacologique (Watson, Richels, Michalek, & Raymer, 2012). Les logopèdes-orthophonistes doivent signaler toute modification dans le bégaiement qui pourrait être due à l’utilisation de médicaments stimulants. Il n’y a qu’un nombre limité de recherches qui décrivent les effets sur le bégaiement des médicaments utilisés contre le TDAH mais quelques études de cas rapprochent l’utilisation de médicaments stimulants avec le début ou l’exacerbation des bégaiements (Donaher, Healey, & Zobell, 2009 ; Maguire, Riley, Franklin, Maquire, Nguyen, & Brojeni, 2004 ; Burd & Kerbeshian, 1991 ; Lavid, Franklin, & Maguire, 1999). Conseiller à une famille de poursuivre ou d’interrompre une intervention médicamenteuse ne fait pas partie des actes professionnels des logopèdes. Néanmoins, tout changement significatif dans les bégaiements doit être rapporté à l’équipe médicale. Celle-ci pourra alors déterminer s’il y a lieu d’interrompre le traitement par ce médicament, d’en changer le dosage ou de passer à une substance différente. CONSIDÉRATIONS THÉRAPEUTIQUES Les thérapeutes du langage disent qu’ils rencontrent couramment dans leurs consultations beaucoup d’enfants qui bégaient et qui présentent aussi soit un TDAH confirmé, soit des symptômes similaires au TDAH. Les cliniciens rapportent souvent pour ces cas, que les cibles thérapeutiques supplémentaires sur l’attention entravent significativement l’efficacité des thérapies du bégaiement. Les logopèdes-orthophonistes intégrées dans une équipe multidisciplinaire doivent prendre en compte l’impact possible des traits du TDAH sur les succès thérapeutiques. La figure 2 illustre les mesures entreprises pour gérer les traits du TDHD dans la thérapie. Trois cas cliniques illustreront ce processus. Le premier, un garçon de 7 ans, a été diagnostiqué avec TDAH, sous-type impulsivité. Ce garçon faisait montre d’un style de communication agressif durant la thérapie de la parole, les discussions en classe et à la maison avec les membres de la famille. Sa parole était très rapide et il interrompait fréquemment ses interlocuteurs. Il est intéressant de noter que les bégaiements semblaient augmenter durant ces moments-là. En thérapie, la logopède-orthophoniste faisait du modelage ciblé sur la rapidité de la parole rapide au cours de la conversation avec ce garçon, en thérapie, et elle l’interrompait fréquemment le garçon. Elle lui 255 Impact clinique du TDAH sur le bégaiement Identifier les traits spécifiques de TDAH Déterminer les cibles comportementales positives sur la base de identification des besoins Créer un système d’observation et de contrôle des performances et l’ajuster aux besoins Figure 2. Prise en compte des caractéristiques du TDHA dans les thérapies de la parole demanda alors d’identifier ce qu’elle faisait et comment il se situait en tant que partenaire communicationnel. Ils discutèrent ensemble de la raison pour laquelle ces comportements avaient un impact négatif sur la communication et commencèrent à identifier les comportements alternatifs qui pouvaient avoir un impact positif sur la communication. Ils arrivèrent à la conclusion qu’attendre pour prendre son tour dans la conversation était préférable qu’interrompre l’interlocuteur. En outre, ils firent le constat que la précipitation dans la parole rendait le message difficile à comprendre pour autrui et augmentait la probabilité d’apparition du bégaiement. Ils établirent alors un système de récompense à utiliser dans la thérapie et à la maison. Quand la logopède-orthophoniste ou quand les parents du garçon lui enjoignaient « d’attendre de son tour » ou « de faire une pause » dans son discours pour résister « à l’envie de précipiter sa parole », ils lui donneraient un renforcement verbal et l’indiqueraient sur sa fiche d’évolution. Le garçon choisirait éventuellement les situations dans lesquelles il utiliserait les cibles thérapeutiques et examinerait après coup sa performance sa performance. On considérait comme un succès thérapeutique lorsqu’il était capable d’atteindre les cibles thérapeutiques définies et quand les auditeurs semblaient répondre favorablement au cours des interactions verbales. Le second cas clinique se rapporte une fille de 14 ans qui bégaie et présente un TDAH, de sous-type trouble de l’attention. Durant la thérapie, elle résiste fréquemment aux directives et a tendance à oublier de faire ses exercices à domicile. Nous avons eu l’impression que cela avait eu un impact négtif sur sa capacité à gérer son bégaiement, à retenir les informations discutées dans les séances de thérapie et à transférer des compétences nouvellement acquises dans de nouvelles structures. nfance n◦ 3/2013 256 Joseph DONAHER et Corrin RICHELS Avec sa logopède-orthophoniste, elle a identifié que « ne pas suivre les directives » et « oublier le travail à domicile » avaient deux conséquences majeures sur la thérapie. Elles engagèrent un débat sur la question que ces comportements étaient communs avec les enfants souffrant du TDAH et établirent un plan d’action. Elles décidèrent que les séances de rééducation commenceraient par une présentation des activités qu’elles allaient entreprendre. La séance thérapeutique allait toujours terminer avec une activité que la fille préférait comme jouer à un jeu ou raconter des blagues. Elle exécuterait chaque activité, qui serait limitée à 4 tâches séparées. Le clinicien présenterait les exercices avec des directives claires et concises et la fille répéterait chaque étape de l’activité de commencer. À la maison, ses parents suivraient des procédures identiques commençant par délimiter les activités du jour pendant le petit-déjeuner. Quand ils remarqueraient qu’elle ne suivait pas des directives ou qu’elle oubliait ce qu’elle était en train de faire, ils poseraient des questions pour la remettre sur la voie et renforceraient à nouveau la tâche à accomplir avec une récompense. Par exemple, si elle semble s’éloigner de la tâche, ils lui demanderaient, « que fais-tu avant que nous allions nager ? » Ils utiliseraient aussi des agendas et des post-it sur le frigo pour accroître la probabilité qu’elle fasse ses exercices de parole ou qu’elle utilise les stratégies acquises en rééducation. Le dernier cas clinique décrit un garçon de 17 ans qui bégaie et présente un TDAH de type mixte. Il discerne bien les manières de modifier sa parole au moment où il bégaie et peut facilement insérer des moments de détente pendant la thérapie. Cependant, ses parents regrettent qu’il n’utilise que rarement ces stratégies à la maison ou en parlant avec des amis. Ils lui rappellent fréquemment d’« utiliser ses outils » quand ils l’entendent bégayer. Cela a pour effet de précipiter son débit encore davantage avec ses parents et de refuser de leur parler. La logopède-orthophoniste a rencontré le jeune et ses parents pour discuter ses progrès. Elle a expliqué que les personnes qui ont un TDAH ont souvent du mal à contrôler leurs comportements en cours, particulièrement quand sont énervés ou confrontés à une pression temporelle. Elle a expliqué que bien qu’il puisse mettre en œuvre des stratégies de parole efficaces pendant la thérapie, le faire dans une conversation réelle est beaucoup plus exigeant. Ils ont discuté la raison : ce n’était pas de la paresse ou un refus d’utiliser ces stratégies, ou un manque de la motivation. Cela tenait plutôt à sa capacité d’utiliser ce qu’il connaissait dans des situations progressivement plus exigeantes. Après la discussion, le jeune, ses parents et la logopède-orthophoniste ont établi des règles de fonctionnement pour la rééducation de la parole. Ils ont accepté de les mettre en pratique pendant 15 minutes par jour pendant la conversation à la maison. Le jeune travaillerait en prenant de mieux en mieux conscience de ses accrocs dans sa parole et en mettant en œuvre des pauses efficaces pendant les exercices. On décida qu’en dehors de ces brefs exercices quotidiens, ses parents ne lui consacreraient du temps que s’ils l’avaient entendu utiliser réellement ses « outils ». Ceci contribuerait à accroître sa prise de conscience des moments de fluidité tout en augmentant la probabilité qu’il les reproduirait dans d’autres situations. Impact clinique du TDAH sur le bégaiement CONCLUSION L’objectif de cet article était triple : 1. discuter des caractéristiques principales du TDAH, 2. décrire comment le TDAH et certaines caractéristiques du TDAH interagissent avec le bégaiement et le renforcent potentiellement et 3. fournir des suggestions thérapeutiques pour des cliniciens dont les patients correspondent à cette description. Les logopèdes-orthophonistes sont continuellement confrontés aux nombreux facteurs qui interagissent avec les capacités de leurs patients de répondre à la thérapie, particulièrement pour les patients qui bégayent. Bien qu’il n’y ait aucune solution unique ou facile de ce problème, les logopèdes-orthophonistes peuvent aider à comprendre les difficultés de leurs patients en se familiarisant avec les caractéristiques principales des troubles concomitants auxquels se voient confrontés tant les patients que leur famille. Remerciements Nous remercions Marie-Pascale Noel (Université Catholique de Louvain) pour sa relecture critique du texte. RÉFÉRENCES Ajdacic-Gross, V., Vetter, S., Müller, M., Kawohl, W., Frey, F., Lupi, G., et al. (2010). Risk factors for stuttering: A secondary analysis of a large data base. Journal ??? Alm, P. A., & Risberg, J. (2007). Stuttering in adults: The acoustic startle response, temperamental traits, and biological factors. Journal of Communication Disorders, 40, 1-41. American Psychiatric Association (1994). Diagnostic and statistical manual of mental disorders (4th ed.). Washington, D.C.: Author. Arndt, J., & Healey, E. C. (2001). Concomitant disorders in school-age children who stutter. Language, Speech, and Hearing Services in Schools, 32(2), 68-78. ASHA position statement (2005). Roles of Audiologists and Speech-Language Pathologists Working With Persons With Attention Deficit Hyperactivity Disorder. Biederman, J., Faraone, S. 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