assuré de ne plus devoir débattre de l'élé-
ment générateur de son dommage, puisque
l'illégalité se déduira en principe automati-
quement de l'arrêt rendu par le Conseil
d'État au contentieux de l'annulation, alors
que, dans le cadre d'une action en respon-
sabilité civile devant les juridictions de
l'ordre judiciaire, la partie adverse conteste
le plus souvent le caractère quasi délictuel
de l'illégalité constatée par le Conseil d'État.
Il s'agit là, en réalité, d'une nouvelle respon-
sabilité objective créée par le législateur
(11) ;
— la requête en annulation sur laquelle la
demande d'indemnité réparatrice vient se
greffer ne doit pas nécessairement avoir
abouti, puisqu'une illégalité de l'autorité
peut parfaitement se déduire d'un arrêt de
rejet. Tel sera le cas, par exemple, lorsque
l'acte attaqué a été annulé par un autre
arrêt du Conseil d'État ou qu'il a été retiré
par la partie adverse en cours d'instance et
que la requête est alors rejetée parce
qu'elle n'a plus d'objet. La situation est plus
incertaine lorsque le requérant vient à per-
dre son intérêt en cours d'instance, en rai-
son de circonstances externes à l'instance.
Le Conseil d'État a développé, à ce propos,
une jurisprudence, fort contestable, tendant
à exiger que l'intérêt soit maintenu tout au
long de la procédure, de telle manière qu'il y
a perte de cet intérêt, et, partant, irrecevabi-
lité du recours, dans le chef d'un agent qui,
après avoir été lésé dans le cours de sa car-
rière administrative en s'étant vu évincé irré-
gulièrement d'une promotion, se trouve
pensionné en raison de son âge en cours
d'instance (12). À partir du moment où, à
l'avenir, c'est le Conseil d'État lui-même qui
sera amené à se prononcer sur une
demande d'indemnisation du dommage, la
question se pose de savoir s'il ne sera pas
obligé d'examiner, quant au fond, le carac-
tère régulier, ou non, de l'acte administratif
attaqué pour faire suite à une demande
d'indemnité, même en cas de rejet du
recours en annulation. Les travaux prépara-
toires confirment expressément que « la
demande d'indemnité pourrait être formu-
lée, non seulement lorsque le Conseil d'État
annule un acte, un règlement ou une déci-
sion implicite de rejet, mais pour tout préju-
dice né d'une illégalité constatée dans un
arrêt », ce qui implique qu'en cas de perte
d'intérêt dans le chef du requérant,
« notamment en raison d'une évolution de
sa situation personnelle », le Conseil d'État
ne pourra plus, comme dans le passé, clô-
turer là l'examen du dossier par une déci-
sion de rejet, mais se verra obligé de statuer
sur la légalité de l'acte attaqué, si le requé-
rant a introduit simultanément une demande
d'indemnisation à ce sujet (13). Dans cette
(11) Puisque la seule constatation de l'illégalité suffit,
il n'y a plus lieu de débattre de la notion de faute, ni,
partant, d'erreur invincible ou d'autre cause exonéra-
toire. La nouvelle loi institue ainsi « une obligation de
résultat renforcée, une véritable obligation de
garantie » (F. Glansdorff, « L'indemnité réparatrice :
une nouvelle compétence du Conseil d'État vue par
un civiliste », J.T., 2014, p. 475, qui ajoute cepen-
dant qu'il existe une seconde solution possible, con-
sistant à « se raccrocher » à la jurisprudence de la
Cour de cassation et à tenir compte des éventuelles
causes d'exonération de responsabilité. L'avis émis
par la section de législation ne va cependant claire-
ment pas en ce sens).
(12) Cfr notamment C.E., 5 novembre 1997, Taveir-
ne, n
o
69.471 ; 7 février 2005, Dupont, n
o
140.256 ;
M. Leroy, Contentieux administratif, 5
e
éd., Anthe-
mis, 2011, p. 475 ; P. Coenraets, « La notion d'inté-
rêt à agir devant le Conseil d'État : difficile équilibre
entre l'accès au prétoire et la prohibition de l'action
populaire », in Le Conseil d'État de Belgique 50 ans
après sa création, op. cit., p. 349 ; J. Sohier,
« L'intérêt à agir devant le Conseil d'État face aux
exigences du délai raisonnable », A.P.T., 2006,
p. 140. Dans le cadre de cette jurisprudence restric-
tive, le Conseil d'État a eu l'occasion de préciser que
l'intérêt qui consisterait uniquement à établir la res-
ponsabilité éventuelle de l'autorité en raison d'un
acte qui aurait été jugé illicite, n'est pas suffisant. Par
un arrêt du 10 novembre 1999, la Cour constitution-
nelle a eu cependant l'occasion d'exprimer de sé-
rieux doutes à ce propos, en énonçant, en substan-
ce, que « par le caractère automatique que la perte
d'intérêt revêt, l'interprétation donnée à l'article 19 a
des effets disproportionnés, car elle aboutit à une dé-
cision d'irrecevabilité du recours, sans que soit exa-
miné s'il subsiste, en réalité, un intérêt à ce recours,
et sans tenir compte des éléments qui ont pu en re-
tarder l'examen. Un requérant ne perd pas nécessai-
rement tout intérêt à l'annulation d'une nomination il-
légale lorsqu'il est admis à la retraite. (...) En outre,
un arrêt d'annulation facilitera l'établissement de la
faute de l'Administration, s'il introduit une action de-
vant le juge civil » (C.A., 10 novembre 1997, n
o
117/
99 ; dans le même sens, 21 janvier 2004, n
o
13/04).
Le Conseil d'État n'a cependant pas modifié diamé-
tralement sa jurisprudence concernant l'intérêt, puis-
qu'il apparaît que, si le juge administratif ne rejette
plus « automatiquement » les requêtes d'agents
pensionnés en cours de procédure qui attaquent une
promotion dont ils ont été évincés, il examine dans
quelle mesure l'annulation éventuelle pourrait leur
apporter un avantage... avant de conclure plus ou
moins systématiquement par la négative ! (M. Leroy,
Contentieux administratif, op. cit., p. 475).
(13) Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n
o
5-2233/1, op.
cit., p. 8. La section de législation avait relevé, en
son avis, que l'intention exprimée au cours des tra-
vaux préparatoires n'était pas adéquatement expri-
mée dans le texte de loi proposé, dès lors que, lors-
qu'un requérant perd son intérêt au cours de
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