intégration sociale, intégration spatiale

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INTÉGRATION SOCIALE, INTÉGRATION SPATIALE
Catherine Rhein
Belin | L'Espace géographique
2002/3 - tome 31
pages 193 à 207
ISSN 0046-2497
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Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Rhein Catherine, « Intégration sociale, intégration spatiale »,
L'Espace géographique, 2002/3 tome 31, p. 193-207.
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EG
2002-3
Morphologie spatiale
Morphologie sociale I
p. 193-207
Intégration sociale,
intégration spatiale
Catherine Rhein
UMR LADYSS 7533, Université de Paris X,
200 avenue de la République, 92001 Nanterre cedex
es dimensions de l’intégration
sont plurielles. Le terme d’intégration est utilisé en économie : la
question se décline alors à différentes échelles, de celle des Étatsnations pris dans la mondialisation
à celle des jeunes, des femmes, des
exclus du marché de l’emploi.
L’intégration est une notion très
utilisée en sociologie, dans des
acceptions qui vont d’une conception très construite sur le plan
théorique, en par ticulier chez
Durkheim et à partir de lui, à des
conceptions plus opératoires, qui
concernent à peu près tous les
champs du travail social1. Enfin il
existe aussi, et peut-être surtout,
une dimension politique de l’intégration qui complète les deux
autres dimensions. Elle rejoint la
dimension économique, dans une
acception géopolitique, mais qui
peut aussi bien désigner la question
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RÉSUMÉ.— La notion d’intégration est
ABSTRACT.— Social integration, spatial
aujourd’hui chargée de sens si différents
qu’elle est difficile à utiliser de manière
rigoureuse. Le concept d’intégration avait été
défini par Émile Durkheim, il y a un siècle,
dans son œuvre inaugurale, De la division
du travail social : ce vrai concept était intégré
à une théorie du « vouloir-vivre ensemble »
qui était alors fondatrice à la fois dans la
sociologie universitaire et dans
l’État-providence. Depuis lors, ce concept
a été actualisé, en particulier par
la sociologie de l’immigration
et par la sociologie politique, au cours
des dernières décennies.
integration. — The concept of «integration» is
charged with so many different meanings
today that it is difficult to apply it in a strict
sense. Émile Durkheim defined integration a
century ago in his inaugural work, The
Division of Labour in Society. The concept
was included in a theory of «wanting to live
together», a founding theory for both
university sociology and the welfare state.
The concept of integration has since been
updated, particularly in recent decades by
the sociology of immigration and political
sociology.
CITOYENNETÉ, DURKHEIM,
INTÉGRATION SOCIALE,
SÉGRÉGATION, SOCIOLOGIE
DE LA CONNAISSANCE
CITIZENSHIP, DURKHEIM,
SEGREGATION, SOCIAL INTEGRATION,
SOCIOLOGY OF KNOWLEDGE
1. Logement, travail, famille, « minorités »
et populations immigrées, délinquance,
femmes seules, handicapés, jeunes,
personnes âgées.
@ EG n°3
2002
193
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L
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de la citoyenneté, pour ce qui concerne particulièrement, en France, l’immigration.
Nous ne traiterons, dans ce texte, que de l’intégration en sociologie, non en économie. L’objectif de cet article n’est pas, en effet, d’explorer toutes les dimensions et
toutes les significations de la notion : nos compétences ne le permettent pas, un article
n’y suffirait pas.
L’intégration fait aujourd’hui partie de ces notions qui polarisent le débat politique, le galvanisent, tout en posant aux sciences sociales, de manière récurrente, le
problème de ses définitions et de son inscription dans des registres très variés et dans
des problématiques très différentes. En dépit de cette surcharge sémantique et de cette
polysémie théorique, ce terme continue d’être utilisé, dans des sens toujours différents.
Ainsi en est-il des propositions de formalisation de Claude Grasland, contenues dans le
projet APN (www.parisgeo.cnrs.fr/cg/ms2/index htm), d’assimiler les notions d’interaction et d’intégration. Ces propositions posent un problème épistémologique qui tient
au fait que formaliser n’est pas théoriser. Ainsi C. Grasland propose-t-il des outils et
une méthode d’analyse des formes d’interaction qui n’est pas pour autant une théorie
de l’intégration sociale ou sociospatiale ; et ces propositions présentent des similitudes
avec celles faites par de nombreux sociologues, il y a plusieurs décennies, d’opérationnaliser les notions de distance sociale, d’intégration, d’aliénation, d’assimilation et de
ségrégation. Ces tentatives ont engendré alors de vifs débats théoriques.
Les sens et la valeur heuristique de la notion d’intégration n’ont cessé d’évoluer,
des travaux fondateurs d’Émile Durkheim, aux acceptions contemporaines, telles
qu’elles sont précisées dans différents champs et sur divers registres, de la sociologie
politique, par Dominique Schnapper, à la sociologie de l’immigration, au travail
social, au discours politique. L’analyse des antonymes d’intégration est révélatrice de
la diversité des usages d’intégration. De manière théorique, ce terme s’oppose en effet
à la fois à celui d’anomie, telle que la définit Émile Durkheim, dans De la division du
travail social comme dans le Suicide, mais aussi à celui d’aliénation, telle que la définit
Marx dans les Manuscrits de 1844, ou dans une acception très différente, dans la
sociologie et la psychosociologie en France et aux États-Unis. Ainsi du débat qui
opposa, dans les années 1960, Michel Amiot, Alain Touraine et Daniel Vidal au
psychosociologue Melvin Seeman (Touraine et al., 1967) sur l’aliénation au travail.
Nous rappellerons, dans la première partie de ce texte, ce qu’est l’intégration
dans la sociologie de Durkheim dont la conception est doublement fondatrice en
sociologie et, dans une perspective plus large, pour les fondements de l’État-Providence, en pleine élaboration au moment où Durkheim y travaille. Les usages du
concept durkheimien dans certaines sociologies, son rejet dans d’autres cadres théoriques, font l’objet de la deuxième partie. Après Durkheim, en effet, d’autres sociologues reprennent cette conception, cherchent à la rendre opératoire. D’autres, au
contraire, la renient pour des raisons théoriques. D’autres encore, comme Robert
Castel, Jacques Donzelot et Dominique Schnapper, l’actualisent. Sur le plan épistémologique, le concept durkheimien d’intégration renvoie en effet à une conception de
l’ordre social et des relations entre individu et société, entre État et groupes sociaux,
qui est doublement de nature politique. C’est pourquoi sa formalisation, c’est-à-dire
sa réduction à des flux, à des distances ou à des proximités, le dénature au sens
propre. Aussi, dans la troisième partie, examinerons-nous non pas ce que peut être
l’intégration spatiale, mais plutôt quels sont les rôles et les dimensions de l’espace,
dans ses différentes acceptions, dans les processus d’intégration-exclusion sociale.
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L’intégration selon Durkheim
La question de l’intégration sociale est, pour Durkheim, celle d’un « vouloir-vivre
ensemble » dont la nature diffère de celle du contrat social selon Rousseau ou encore
selon Hobbes. Sur le plan théorique, le contrat social lie entre eux les individus et
cette adhésion est un acte volontaire. Cette perspective, dans laquelle l’individu
constitue le fondement de la société, de l’État, de l’autorité politique, diffère de celle,
fondatrice en sociologie, selon laquelle « la société et l’État sont des réalités […] définies, distinctes de leurs parties2 ».
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De la division du travail social, qui constitue la thèse de doctorat de philosophie de
Durkheim, est une œuvre singulière. Elle semble totalement détachée du contexte
dans lequel elle est écrite, mais ce n’est qu’une apparence, nous le montrerons plus
loin. Cette thèse est une œuvre ambitieuse : elle se veut universelle, c’est-à-dire
concernant toutes les sociétés, et ahistorique. Son objet porte sur la nature du
« vouloir-vivre ensemble » dans les sociétés industrielles, à division du travail social
avancée. Ainsi É. Durkheim distingue deux formes de solidarité : une solidarité mécanique, caractéristique des sociétés peu industrialisées et à faible division du travail, et
une solidarité organique, spécifique aux sociétés industrialisées. L’industrialisation,
ainsi que « l’augmentation de la densité matérielle et morale des sociétés » sont les
deux facteurs majeurs du changement social et, en particulier, de la différenciation
des sociétés et de leur évolution d’une forme de solidarité à l’autre.
Les sociétés à division du travail avancées doivent continuer d’être intégrées : dans
ces sociétés complexes, c’est la division du travail qui est le facteur de la solidarité. C’est
une thèse que H. Spencer, grand propagateur du darwinisme social3, avait énoncée dans
Political institutions (1882). Dans sa thèse, Durkheim attribue à l’État un rôle plus
important que ne le fait Spencer. Ce dernier considère, dans le droit fil de l’économie
politique libérale, alors en pleine élaboration, que l’État est appelé à disparaître,
puisque, dans ces sociétés complexes, le marché et les individus ont la capacité d’assurer
à eux seuls la régulation sociale et économique. Dans la perspective durkheimienne,
l’État n’est pas du tout appelé à disparaître, bien au contraire, puisque sa fonction est de
contribuer à « assurer solidarité et moralité », fonctions assumées plutôt par la famille et
par la religion dans les sociétés segmentaires (Besnard et al., 1993, p. 260-261).
La différenciation des fonctions, c’est-à-dire des métiers et des classes sociales,
n’exclut pas un mouvement d’intégration nationale (langue, coutumes et droit) qui
peut aussi être compris comme un mouvement de concentration et de centralisation
administrative en ce qui concerne l’appareil d’État. Dans la conception durkheimienne
de l’évolution des sociétés, le droit se transforme : d’un droit répressif, on passe à un
droit restitutif, qui serait aujourd’hui dénommé droit « redistributif ». Cette évolution
suit celle des sociétés : des sociétés à solidarité mécanique, dans lesquelles les fonctions
sont peu différenciées, l’on passerait à des sociétés à solidarité organique, aux fonctions
très différenciées et à la division du travail très développée. Simultanément, se développeraient des processus d’individuation, par affaiblissement de la « conscience collective ».
L’espace, chez Durkheim, n’est pas traité en tant que tel, du moins tel qu’il est conçu
en géographie. C’est une composante de chacune des trois grandes caractéristiques du
milieu humain, objet de la morphologie sociale:
195 Catherine Rhein
2. Nous suivons là
la présentation que fait
M. Troper de la théorie
du contrat social. Il faudrait
prolonger et préciser
cette analyse par celle
de la doctrine juridique
allemande de l’État et
de la sociologie, notamment
dans la Division du travail
social (DTS) de Durkheim et
dans la sociologie de
Max Weber.
3. Non des idées
darwiniennes, à proprement
parler : sur l’importance de
cette distinction,
cf. D. Guillo, in Sciences
sociales et sciences de la vie.
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La nature de l’intégration dans la Division du travail social (1892)
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• la densité dynamique
et morale, dont l’état
Type de société
État de la conscience collective
Type de droit
d’« effervescence » est
atteint dans les grandes
Solidarité mécanique
Communauté
Renforcement de la
Répressif
Gemeinschaft
conscience collective
métropoles et dans les
Transcendance
hauts lieux, et dont
(religiosité et force des liens sociaux)
l’importance théorique
Communisme
justifie la fondation
Solidarité organique
Société
État faible de la
Restitutif
d’une « morphologie
Gesellschaft
conscience collective
Coopératif
sociale », branche de la
Mutuelle dépendance
Contractuel
sociologie très proche de
Irreligion
la géographie humaine
C. Rhein (dir.), d’après De la division du travail social (1967, p. 21 notamment)
(Rhein, 1984) ;
• le progrès technologique, qui a des effets sur les distances : ainsi en est-il du développement du chemin de fer, mentionné par Durkheim ;
• le volume des sociétés, traité notamment par les formes d’habitat et par ses structures spatiales.
À chaque caractéristique correspondent différents éléments de l’espace. En
d’autres termes, Durkheim ne s’intéresse pas à un « espace » géographique dans sa complétude, avec ses réseaux, ses logiques, ses structures : il s’intéresse à ceux des éléments
de l’espace géographique qui lui semblent pertinents, selon les questions abordées.
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Intégration durkheimienne et construction de l’État-providence en France
4. R. A. Jones, p. 11-42,
« La science positive de la
morale en France : les
sources allemandes de la
Division du travail social »,
dans P. Besnard et al., 1993.
5. Léon Bourgeois publie
Solidarité en 1896, puis
Le Solidarisme en 1902.
Durkheim veut se situer de
façon différente : Bourgeois
fait œuvre d’essayiste,
là où Durkheim s’engage
différemment, peut-être de
manière plus souterraine.
Dans ses travaux sur la solidarité et le lien social, Durkheim poursuit plusieurs
objectifs. Il cherche à fonder une morale, « une science positive de la morale », à la
suite des juristes, philosophes et historiens du droit allemands4. Ces préoccupations
ne concernent pas tant la géographie, ni d’ailleurs les sociologies contemporaines,
qu’un champ différent des sciences sociales en pleine constitution, le champ politico-idéologique ; le problème est en effet, pour Durkheim, de contribuer à l’élaboration d’une morale laïque qui pourrait être substituée à la morale chrétienne.
L’objectif est aussi de contribuer à l’élaboration de ce « vouloir-vivre ensemble »
dont les fondements diffèrent profondément de ceux de la théorie du contrat social.
Le contexte sociopolitique est marqué par la montée des socialismes, plus précisément par le développement de tensions de plus en plus fortes entre Républicains de
progrès et courants socialistes. Durkheim veut contribuer à l’élaboration d’une troisième voie entre libéralisme et socialisme : non qu’il soit farouchement opposé à ce
dernier courant, mais il appartient à une tendance très modérée du socialisme et tient
à prendre ses distances du militantisme et du champ politique, tout en cherchant à
contribuer aux réflexions sur le solidarisme, à son élaboration comme doctrine, celle-là
même qui a permis la fondation, en droit, de ce qui est devenu l’État-providence5
Une analyse du contexte académique dans lequel Durkheim écrit sa thèse
révèle l’ampleur des transformations en cours en France depuis la fin du Second
Empire. Ces changements induisent notamment une actualisation des enseignements de l’histoire et de la philosophie dans l’Université, et l’introduction de la géographie et de la sociologie comme disciplines universitaires dans les facultés de
lettres. La vigueur des réactions d’hostilité manifestée par les courants néolibéraux
et cléricaux marque, s’il en était besoin, l’ampleur de cette actualisation idéologique
© L’Espace géographique 196
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Tabl. 1/ Le paradigme durkheimien
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et les réactions hostiles, voire haineuses, à l’égard de Durkheim qui fait bien figure
de théoricien d’une IIIe République laïque triomphante6.
En fait, au-delà des enjeux strictement académiques, Durkheim veut contribuer,
avec C. Bouglé, F. Buisson, L. Bourgeois et d’autres juristes, philosophes et sociologues, à la fondation, en droit et en politique, d’une troisième voie entre socialismes
et néolibéralismes. C’est la raison pour laquelle ses travaux fourmillent de constantes
réfutations d’A. Comte et du positivisme, de Saint-Simon et du socialisme utopique,
de Marx, de façon implicite et, à l’opposé, de Spencer, porteur du darwinisme social
et du néolibéralisme.
Ainsi Durkheim recherche, avec d’autres, les moyens d’une régulation des rapports
sociaux, au sens marxien, par l’État. Entre néolibéralisme et socialisme, ce groupe
recherche une troisième voie, dans laquelle l’État régule, plus qu’il n’arbitre et dans
laquelle les corporations remplaceraient avantageusement les syndicats ouvriers. Ainsi,
sous la IIIe République, à partir de 1880, les réaménagements de l’action de l’État portent en particulier sur le domaine de la santé publique et de la mutualisation des risques
(naissance des premières caisses d’assurances-retraite et d’assurances-maladie), sur la
régulation des rapports sociaux dans le travail (conventions collectives de 1886, loi sur
les accidents du travail), sur l’éducation (lois Ferry de 1881, 1882 et 1884 instituant la
scolarité primaire obligatoire et impliquant les communes dans le financement des équipements pour l’enseignement primaire), le développement des lycées, des collèges et de
l’Université, les libertés publiques (loi sur la liberté d’association de 1901), la laïcité, par
le réaménagement des relations entre Église et État, notamment par la loi de séparation
Église-État de 1905 mettant fin au Concordat, enfin les lois sur l’administration municipale donnant aux communes d’importantes prérogatives, notamment en matière
d’enseignement, mais bridant toute velléité d’action sur le plan économique7.
Ainsi, dans la France des années 1880-1910, les relations entre État et société civile
sont en complet renouvellement, tant du côté des Républicains que du côté du socialisme, notamment dans les réflexions autour du socialisme municipal et des municipalismes, que dans le socialisme utopique et l’anarcho-syndicalisme, qui survivent dans les
coopératives, les courants mutualistes et les communes ouvrières, face à une structuration nationale et internationale des courants socialistes dans la IIe Internationale socialiste, dans la Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) en particulier.
Tel est, tout au moins, l’état de la scène politique nationale dans les années
durant lesquelles Durkheim rédige cette thèse. Mais il y a beaucoup plus qu’un effet
de contexte : Durkheim est bien un acteur engagé dans le champ politico-idéologique :
il n’est certes pas directement impliqué sur cette scène politique. Mais son intervention, comme celles de ses collègues, leurs réflexions sont sans doute plus fondamentales et plus discrètes que les déclarations tonitruantes. Ces interventions contribuent
à légitimer l’idéologie laïque et républicaine de la IIIe République, parfois a posteriori,
mais de toute évidence de façon très spécifique à la France.
L’héritage durkheimien
Le concept durkheimien d’intégration gardera toujours, par les conditions de sa création, un statut épistémologique un peu particulier. Nous venons d’indiquer très brièvement quelle posture occupe Durkheim, quelle contribution il apporte ainsi dans un
contexte politico-idéologique en plein aggiornamento. Ainsi Durkheim n’a pas, sur la
197 Catherine Rhein
6. Ainsi W. Lepenies (1990,
p. 43-77) indique-t-il
Ch. Péguy, H. Bergson,
le groupe Agathon parmi
les ennemis déclarés
du groupe durkheimien.
7. Par l’arrêt Casanova, Conseil
d’État, 1906, qui marque les
réticences des Républicains
de progrès à l’égard
du socialisme municipal,
en plein essor et en pleine
élaboration théorique
en Belgique ; voir
notamment les propositions
de César de Paepe.
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question de la « neutralité axiologique », la même position que Max Weber. Enfin la
conception durkheimienne de l’intégration est trop profondément liée au droit français, notamment au droit du travail, pour n’avoir pas eu de descendance : mais cette
descendance est plurielle. Ainsi les sociologies s’inscrivant dans cette tradition durkheimienne sont porteuses d’une conception de l’intégration qui ne peut être qu’un
peu différente de la version originale, plus limitée dans leurs ambitions, et nécessairement remaniée en fonction du contexte dans lequel elle est utilisée. Nous le montrerons à propos de deux ensembles de recherches se revendiquant aujourd’hui de la
tradition durkheimienne : il s’agit d’une part des travaux de Dominique Schnapper
sur la question de l’immigration et de la citoyenneté, et d’autre part de ceux de
Jacques Donzelot et Philippe Estèbe portant sur la politique de la ville, sur les effets
du processus de décentralisation et sur les nouvelles modalités d’intervention de l’État
qu’ils impliquent. Par ailleurs, d’autres courants sociologiques renient cette tradition
pour des raisons d’ordre théorique.
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8. Les réflexions de
N. Poulantzas se
développent au fil de ses
ouvrages : Les Classes
sociales dans le capitalisme
aujourd’hui, publié en 1974,
L’État, le pouvoir,
le socialisme, en1978.
9. CERFI : groupe de
recherche « Centre d’Études
et de Recherches sur la
Famille et les Institutions ».
R. Castel en fut proche,
J. Donzelot en fit partie,
avec Lion et Numa Murard,
S. Magri, L. Mozère,
A. Querrien, F. Fourquet.
10. Ainsi de l’ouvrage de
R. Castel, Le Psychanalysme,
et de ceux de J. Donzelot sur
La Police des familles et
L’Invention du social (1984).
L’intégration sociale, comme processus, n’est pas une question recevable dans le cadre
théorique des néomarxismes. Cette notion n’a en effet pas de sens dans une conception
où la société civile est fondamentalement déchirée par les luttes de classes, entre bourgeoisie et prolétariat, luttes dans lesquelles l’État joue difficilement un rôle d’arbitre, se
plaçant plutôt, par les politiques d’équipements et de développement qu’il impulse et
qu’il finance, du côté des forces capitalistes. Telle est du moins la thèse du Capitalisme
Monopoliste d’État (CME), élaborée notamment par l’économiste Philippe Herzog,
développée en sociologie politique par Jean Lojkine. Cette thèse diffère de celle de
Nicos Poulantzas, attribuant à l’État une autonomie plus grande, sinon totale8.
Dans la sociologie actionnaliste développée par Alain Touraine, celle des
mouvements sociaux, qui se veut une sociologie postmarxiste, la notion d’intégration
n’est pas absente, mais elle est définie différemment du concept durkheimien. Dans
cette sociologie, en effet, la lutte des classes n’est plus centrale. Cette sociologie
s’intéresse aux fractures autres que les conflits de classes, productrices d’autres identités ou autour desquelles s’élaborent d’autres identités sociales. Ce sont ces fractures
qui engendrent des mouvements sociaux (femmes, homosexuels, mouvements régionalistes, écologie politique) différents de ceux engendrés par la lutte des classes, en
particulier du mouvement ouvrier, et dans un cadre idéologique où celle-ci est dominante et jugée telle. Dans la perspective tourainienne, ce sont ces nouvelles fractures
qui sont au principe de ces mouvements, à leur tour générateurs de changements
sociaux. L’intégration est un processus qui devient pluriel et multidimensionnel, du
point de vue des acteurs sociaux, dont l’identité est plurielle.
Un troisième courant rejette aussi le concept d’intégration tel qu’il est défini par
Durkheim, incompatible avec la conception de la société dont il est porteur. Dans des
perspectives différentes à la fois de celles des sociologies néomarxiste et actionnaliste,
le philosophe Michel Foucault et, autour de lui, le CERFI 9. Robert Castel et
Jacques Donzelot développent alors des travaux contribuant à une critique radicale
des institutions. École, famille, travail ou encore psychanalyse sont dénoncées comme
entreprises de « normalisation », ces institutions étant à la fois garantes et moyens de
contrôle social10. L’objet de ces travaux s’est déplacé, par rapport à la perspective durkheimienne, de la société et des groupes et classes qui la constituent, à l’individu : le
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Le rejet de la notion d’intégration par les sociologies des années 1960-1970
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contrôle social est considéré comme une entreprise fondamentalement répressive et
l’intégration sociale ne peut se faire que contre l’individu et contre l’épanouissement
de ses désirs. Certains disciples de Foucault ont cependant dépassé cette perspective,
en revenant à une conception de l’intégration issue de la tradition durkheimienne et
en l’actualisant. Tel est le cas de Robert Castel, par Les Métamorphoses de la question
sociale, ainsi que de Jacques Donzelot à propos de ses analyses de la politique de la
ville11, travaux que nous reverrons plus loin.
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L’intégration en sociologie politique.— Aujourd’hui, la question de l’intégration est associée à celle du lien social et de la citoyenneté. Ainsi dans les travaux de Dominique
Schnapper, l’intégration est considérée comme un enjeu politique majeur pour le
corps social pris dans son ensemble. Au fil de ses travaux sur l’intégration et l’immigration12, elle élabore une sociologie politique accordant une grande importance à la
nation comme concept et à sa construction. Il y est question d’une intégration dans
ses rapports à la citoyenneté, au sens que lui donne le droit français de la nationalité,
et non d’une acception large, de type durkheimien, du terme d’intégration incluant
citoyenneté, civilité, intégration économique et sociale des individus. Sur l’immigration, D. Schnapper développe ses réflexions sur la distinction entre droit du sol et
droit du sang, ainsi que sur toutes les situations très complexes engendrées, au fil des
processus de colonisation et de décolonisation, et des procédures dérogatoires qui ont
été adoptées concernant la nationalité des immigrés issus des anciennes colonies.
Dans La Relation à l’autre, notamment, D. Schnapper s’oppose aux tenants du
communautarisme, qui souhaitent l’inscription des différences culturelles, religieuses
et linguistiques dans les institutions. D. Schnapper se trouve ainsi en désaccord avec
le philosophe Alain Renaut13 sur l’inscription, dans la Déclaration universelle des droits
de l’homme, des « droits culturels ». Pour D. Schnapper, « les droits des communautés
s’arrêtent […] là où la possibilité d’un monde commun se trouve mise en jeu, notamment dès lors que la question d’une « langue de la République » unique est posée14. Si
D. Schnapper reste dans le droit fil de la tradition durkheimienne, c’est à la fois pour
cette conception de la Nation et de l’intégration, mais aussi pour la position particulière qu’elle occupe aussi dans la refondation, en droit, de cette question : ainsi a-telle été membre de la commission de la nationalité, mise en place après le vote des
lois Pasqua de 1986 sur la nationalité et présidée par Marceau Long, et vient-elle, en
2001, d’être nommée membre du Conseil constitutionnel. Enfin, c’est le principe,
sinon les termes de cette tradition durkheimienne, qu’elle respecte, sensible à l’évolution du corps social : « De Durkheim à Becker ou à Goffmann, c’est en termes
d’“ intégration ” (que le concept soit utilisé ou non) qu’on a analysé les modes de formation et de perpétuation de l’ordre social. S’il se trouve aujourd’hui progressivement remplacé par celui de « régulation », c’est sans doute parce que la réalité, les
formes du lien social ont changé avec les transformations de la société moderne. On
est passé d’une situation dans laquelle dominait l’intégration collective par conformité des individus à un système de normes produites et contrôlées par les instances
de socialisation (Églises, syndicats, armée, école) couronnées par l’État, qui en
garantissait l’existence et le pouvoir, à une situation où l’intégration par le respect
des normes collectives, tout en se maintenant, coexiste avec de nouvelles formes de
vie commune » (Schnapper, 1991, p. 310).
199 Catherine Rhein
11. R. Castel propose une
relecture de la notion
d’intégration chez
Durkheim, p. 444-446 dans
Les Métamorphoses de la
question sociale, 1995.
Voir aussi Donzelot,
p. 23-27 et 164 dans
l’État-Animateur, 1994.
12. La France de l’intégration.
(1990), La Communauté
des citoyens, sur l’idée
moderne de nation (1994),
puis La Relation à l’autre
(1998).
13. Auteur de l’ouvrage Alter
Ego, 1999.
14. Entretien avec N. Weill,
Le Monde, 28 février 2001.
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L’intégration durkheimienne réactualisée
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15 .Comme le révèle
l’interrogation du thésaurus
de sociologie de la
bibliothèque de l’IRESCO,
ainsi que les ouvrages
édités par G. Ferréol (1992,
1998), ou encore par les
références plus précises
citées pour chacun des
champs.
Intégration et politique de la ville.— La référence à la perspective durkheimienne et
son actualisation sont aussi inscrites dans les réflexions de J. Donzelot et P. Estèbe
(1994, p. 17) sur ce que peuvent être, dans les années 1990, les rôles de l’État en
matière d’intégration. Ces réflexions partent du constat de la crise du « couplage entre
la protection et l’intégration », couplage qui était précisément le fruit politico-juridique
des travaux théoriques menés sur la solidarité par les penseurs de la IIIe République,
dont Durkheim faisait partie. Pour J. Donzelot et P. Estèbe (1994, p. 27), dans l’Étatprovidence ainsi conçu et construit, la crise sociale actuelle, en particulier la redéfinition du travail et du non-travail qu’elle implique, qui est aussi une crise de
l’État-providence, tient au fait que « l’intégration se fait par le travail et par une protection sociale indexée sur celui-ci, lequel fait de plus en plus défaut ».
En somme, les auteurs considèrent que le modèle intégrateur élaboré à la fin du
XIXe siècle se délite aujourd’hui, et retrouvent, pour le dire, le souffle durkheimien :
« La substitution du terme d’insertion à celui d’intégration paraît comme la conséquence de ce déplacement de l’enjeu de l’action publique de la recherche du consensus dans la société de production vers la production de la société là où le lien social
se désagrège. L’intégration consiste en l’inscription de l’individu dans le collectif.
[…] Par la coïncidence entre condition politique et condition sociale, le collectif particulier intègre l’individu et permet sa propre intégration. En ce sens, l’intégration
consiste en l’art de “ policer ” les forces sociales “ organisées ”. Elle nécessite un primat du collectif sur l’individuel, puisque c’est par son appartenance à telle ou telle
condition que l’individu se fera entendre par la consultation. Cette formulation du
rapport individu-société perd toute pertinence lorsqu’on essaie de l’appliquer à la
part de la population qui flotte dans les parages de la société, installée dans le renoncement à l’affirmation de soi, condamnée à la dépendance sociale. Faire encadrer
l’individu par sa collectivité d’appartenance pour l’intégrer à la société n’a pas grand
sens dès lors qu’il s’agit de lutter contre la perte d’identité sociale du collectif où il se
situe, contre la “ mort sociale ” où il entretient ses membres. » (Donzelot et Estèbe,
1994, p. 95-96).
C’est singulièrement dans la politique de la ville que J. Donzelot et P. Estèbe
voient « l’émergence d’une nouvelle fonction de l’État » (ibid., p. 231). C’est une solution singulière au sens où la ville n’est plus, depuis 1715, un « objet » politique en tant
que tel ; mais pour ces deux auteurs, elle apparaît bien comme « échelle pertinente
pour l’action [étatique] », entre échelles locale et internationale, la première n’étant
pas, contrairement aux attentes, « le contrepoids de l’international », mais dominée par
la seconde (ibid., p. 226). Pour J. Donzelot et P. Estèbe : «…[la ville] se trouve ainsi
consacrée comme la forme moderne de l’être ensemble, celle qui émerge (ou qui subsiste) lorsque les autres ne font plus le poids pour la société. Elle devient la plaie et le
remède, le lieu où apparaissent les déchirures du lien social, mais aussi l’entité dont
on escompte une solution » (ibid., p. 232).
De l’État-providence aux politiques publiques et au travail social.— Les multiples
formes que peut prendre « l’intégration sociale », à des niveaux théoriques très différents, beaucoup plus modestes, ont engendré des travaux nombreux qui n’en sont
pas moins importants pour notre propos. Les grands champs d’analyse de l’intégration15 coïncident avec ceux de l’intervention de l’État dans les champs suivants :
l’emploi, le travail et les professions, l’exclusion du marché du travail, le chômage et
les procédures d’insertion et de formation (Paugam, 2000, 2001 ; Penven, 1998) ; les
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interventions sur des catégories d’âge, notamment sur les jeunes, les personnes
âgées, les familles monoparentales (Augustin, 1996 ; Berhil, 1998) ; les handicapés et
les personnes dépendantes (Bodin, 1999) ; l’immigration (Dewitte, 1999 ; PecquenardImbert, 1999 ; ADRI, 1999) ; la ville et la ségrégation (Delevoye, 1997).
Des travaux théoriques de D. Schnapper, de ceux de R. Castel comme de
J. Donzelot et P. Estèbe, aux enquêtes sur les modalités d’intégration et d’insertion
de populations fragiles, marginalisées, défavorisées, il n’apparaît pourtant pas de
rupture, dans les sciences sociales et dans le rapport que celles-ci entretiennent avec
le champ politico-idéologique. Les premiers ont un effet de légitimation sur les
seconds, mais éventuellement aussi d’une mise à distance critique, tandis que les
seconds donnent corps à ces théories, et peuvent éventuellement leur ouvrir de nouvelles perspectives. Le travail mené par J. Donzelot et P. Estèbe sur l’État-animateur,
fondé sur l’examen de la politique de la ville, de son évolution et de ses moyens, en
est un exemple riche.
Ces travaux, développés dans le cadre de la recherche urbaine en particulier,
permettent de montrer que la notion d’intégration, telle qu’elle est issue de la tradition durkheimienne, s’inscrit de manière complexe à la fois comme vrai concept
dans la stricte construction durkheimienne, mais aussi comme notion et enjeu
politico-idéologique. Cette notion a resurgi dans les années 1970, alors que les
transformations radicales de l’immigration, en structures et en volume, et les
recompositions du travail mettaient en question ce « modèle français d’intégration »
construit au temps de Durkheim et aux contours bien plus larges que la seule question de la citoyenneté. En somme, l’intégration est une notion complexe, qui
n’appartient pas seulement au « strict » registre sociologique : c’est une notion performative, constitutive du champ politique français. Lui dénier cette dimension
revient à la dénaturer.
Intégrations sociale et spatiale ou intégration socio-spatiale ?
Ainsi peut-on opérationnaliser cette notion d’intégration sans la dénaturer ? Plusieurs
chercheurs l’ont tenté, avec des succès divers, en France et aux États-Unis, depuis un
demi-siècle. Parmi ces tentatives, certaines accordent une place à « l’espace », sans
pour autant que cette place soit centrale, ni qu’elle soit univoque : c’est par l’examen
de deux de ces recherches que nous montrerons qu’il ne peut y avoir, du moins en
géographie et en sciences sociales, d’intégration spatiale qui ne soit sociale. Ce postulat a des incidences méthodologiques importantes telles que la nécessité de prendre
simultanément en compte des échelles différentes, la spécification des dimensions de
l’espace les plus pertinentes, enfin l’articulation de processus de nature différente.
Quoi qu’il en soit, la seule « proximité » spatiale de groupes ou d’individus ne saurait
être considérée comme l’indice sûr d’une quelconque intégration.
L’intégration sociale et son opérationnalisation
Les premières tentatives d’opérationnalisation de la notion d’intégration remontent
aux années 1940, coïncidant avec l’essor de la quantification et l’élaboration d’indices
en sciences sociales et politiques (Angell, 1942, 1949, 1972). Ces tentatives sont loin
de faire l’unanimité : elles correspondent souvent à une commande sociale extérieure
au champ académique, et leur élaboration théorique apparaît souvent secondaire :
201 Catherine Rhein
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16. W. Landecker renvoie ici à
l’article d’A. Hawley
« Dispersion vs.
Segregation : apropos of a
solution of race problems »,
Papers of the Michigan
Academy of Science, Arts
and Letters, vol. 30, 1944.
17. Jahn, Schmid and Shrag,
1947 ; Hornseth, 1947.
Sur le contexte de
production de ces indices,
voir Rhein, 1994.
c’est sur ce dernier point que les débats porteront, des indices de ségrégation à ceux
d’aliénation. On doit ainsi considérer comme une avancée intéressante la proposition
de W. Landecker (1965, p. 47) de distinguer quatre types d’intégration : ce sociologue estime en effet que l’intégration est une notion multidimensionnelle et renonce
à en donner une définition unique et générale. Ces quatre types, précise-t-il, « se réfèrent chacun à un aspect particulier de la nature des groupes par rapport auxquels se
définit une certaine forme d’intégration » : soit l’intégration culturelle (ou concordance entre les normes d’une culture), l’intégration normative (ou conformité de la
conduite aux normes), l’intégration communicative (ou échange de significations
dans le groupe), enfin l’intégration fonctionnelle (ou interdépendance due aux
échanges de services). »
C’est à propos de la mesure du troisième type d’intégration, l’intégration communicative, que W. Landecker s’intéresse aux efforts entrepris en matière de ségrégation
sociospatiale. Il justifie ainsi sa démarche : « le développement des communications
entre sous-groupes d’une population constitue un aspect particulier de ce type d’intégration. Il semble qu’on puisse le mesurer de différentes façons. Une première
méthode fait porter l’accent sur les barrières opposées à la communication16 ». Ainsi,
conclut-il, « la ségrégation écologique des minorités, pour laquelle des procédures de
mesure complexes ont été élaborées, est une base possible pour cette méthode », renvoyant aux premiers travaux et aux premiers débats portant sur les indices de ségrégation sociospatiale17.
Bien plus tardive, mais techniquement et méthodologiquement proche de ces
travaux, la recherche de N. Robin sur l’intégration sociospatiale des familles maghrébines en Île-de-France est une des rares, du moins en France, à s’inscrire dans ce
courant de recherches, en majorité américaines. Cette contribution a le mérite de
distinguer trois dimensions de l’intégration sociale : la participation des immigrés à
la société qui les accueille, l’insertion (ou adaptation), enfin l’assimilation, qui est
définie, chez N. Robin (1994, p. 9), par « l’intériorisation des normes et valeurs de
la culture du pays d’accueil ». Il faut indiquer que cette dernière acception de l’assimilation diffère de celle de la tradition sociologique de Chicago. De façon plus
générale, ces trois dimensions, telles qu’elles sont définies par l’auteur, ne recoupent pas celles en usage dans les sociologies française et américaine contemporaines, réduisant ainsi la portée de ce travail. L’auteur prolonge son effort de
définition et d’opérationnalisation par la construction de quatre indicateurs portant
sur le tissu urbain, sur le parc de logements, sur le degré de « pluri-ethnicité », enfin
sur la catégorie socioprofessionnelle des ménages (ibid., p. 169 sqq). Si cet effort
reste inabouti, il est cependant respectable et indique toute la difficulté et la complexité de l’opérationnalisation de la notion d’intégration, dans le cadre d’une
recherche pourtant circonscrite, à la fois sur le plan social et sur le plan spatial.
Enfin, il convient de ne pas réifier les outils mêmes utilisés. Ainsi en est-il de
l’analyse des réseaux sociaux, évoquée par Claude Grasland. Cet ensemble d’outils
est abondamment utilisé par les sociologues pour formaliser un ensemble très circonscrit de relations sociales au contenu bien précisé. Et ces outils sont en particulier
utilisés comme outils d’analyse exploratoire : leur intérêt théorique devient important
et peut engendrer, du reste, des débats très vifs sur la question des structures de
classes et sur celle, plus méthodologique, de la monographie comme moyen d’étudier les structures des couches populaires (Gribaudi, 1995, 1998 ; Gribaudi et Blum,
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1990). Les rapports interclasses tels qu’ils sont révélés lors de mariages et à l’occasion des rencontres ont fait l’objet de travaux des démographes M. Bozon et F. Héran
(1987, 1988), du sociologue-statisticien A. Desrosières (1978), et de l’historien
A. Prost (1999). Dans ces différents usages, l’espace n’est pas pris en compte, en tant
que tel : son rôle, pluriel, doit toujours être déconstruit, comme l’indique du reste
M. Gribaudi.
Pour conclure sur ces tentatives d’opérationnalisation, les indices comme outils
de mesure de la ségrégation sociospatiale ou, de manière équivalente, de nonintégration sociospatiale, ne cessent de susciter deux grands courants de critiques.
Tout d’abord, les indices de ségrégation ou de dissymétrie n’auraient aucune « véritable dimension spatiale ». Ce sont effectivement de simples indices de « concentration
territoriale » de populations. Cette objection ne nous semble pas la plus importante,
notamment parce que, depuis lors, d’autres indices ont été développés qui remédient
à ce défaut18. Surtout, de notre point de vue, ces mesures ne suffisent pas : ce sont des
outils, fort utiles, mais qui ne résolvent qu’une partie des problèmes méthodologiques
et épistémologiques soulevés par la question de l’intégration. C’est la raison pour
laquelle le recours aux indices est moins fréquent dans la sociologie américaine, c’està-dire là où ces indices avaient été élaborés et utilisés de manière très large.
Aujourd’hui, l’usage de ces indices est principalement extra-académique : c’est bien
un outil de mesure, utilisé dans le cadre d’actions en justice, par les minorités pour
faire valoir leur droit et c’est cet usage très particulier qui explique qu’une méthodologie ait été élaborée et soit constamment actualisée. En revanche, plus fondamentalement, c’est toute la question de l’inscription de cette notion d’intégration
sociospatiale dans un cadre théorique qui est posée dans des tentatives telles que celle
de C. Grasland.
Proximité spatiale et intégration sociale
La proximité spatiale est une notion en apparence neutre et qui semble aller de soi. Et
le constat de la proximité spatiale amène souvent à conclure à l’existence de relations,
d’interactions entre objets proches, qu’il s’agisse de groupes sociaux, d’individus,
voire d’objets de toute autre nature19. Du constat de la proximité à l’hypothèse d’une
« interaction », et de cette hypothétique « interaction » au postulat d’une non moins
hypothétique « intégration » sociale par la proximité spatiale, il n’y a que deux pas, souvent franchis, en particulier en urbanisme et en géographie. Or plusieurs recherches
rendent compte, au contraire, de la complexité et de la diversité des rapports sociaux
à prendre en compte dans l’analyse des relations pouvant exister entre « proximité spatiale et distance sociale » : la proximité spatiale n’est pas nécessairement l’indice fiable
d’une proximité sociale. Par ailleurs, la nature et le contenu de cette « proximité
sociale » restent à établir.
Cette mise en équivalence est dénoncée par J.-C. Chamboredon et M. Lemaire
dans un article célèbre, déjà ancien puisque publié en 1970, sur les relations entre
« proximité spatiale et distance sociale ». Quoique les auteurs ne le précisent pas, la
notion de « distance sociale » apparaît dans les années 1920 dans la tradition sociologique de Chicago, notion que reprend E. Bogardus, lui-même issu de cette tradition. Bogardus tente de rendre cette notion opératoire par l’élaboration d’échelles de
distance sociale, vivement critiquées, parce que trop réductrices. L’article des sociologues français a d’autres bases théoriques ; il part d’une critique des travaux sur la
203 Catherine Rhein
18. Voir les bilans proposés
par D. Wong, « Spatial
indices of segregation »,
Urban Studies, 1993,
vol. 30, n° 3 et
« Geostatistics as measures
of spatial segregation »,
Urban Geography, 1999,
vol. 20, n° 7.
19. Plantes, animaux, pour
l’écologie biologique.
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sociabilité dans les grands ensembles. Dans plusieurs enquêtes sociologiques effectuées dans les années 1960, les auteurs relèvent la trace d’une construction idéologique du grand ensemble comme utopie d’une société sans classes, au sein duquel se
développent des formes nouvelles de sociabilité, non marquées par des rapports de
classes. Pourtant, argumentent J.-C. Chamboredon et M. Lemaire, une telle image ne
correspond pas à la réalité : la population logée en grand ensemble est une population
préconstruite, au sens où elle n’a choisi ni son lieu de résidence, ni ses voisins, ni son
environnement. Au contraire, ce sont les organismes bailleurs qui la choisissent, pour
ceux de ces ménages qui résident dans le parc social. Les auteurs ont donc mené
enquête, de leur côté, et indiquent, dans la présentation de leurs résultats, que les
formes de sociabilité dépendent bien davantage des origines sociales et de l’âge des
individus que des lieux dans lesquels ils résident. La proximité spatiale n’abolit pas,
concluent-ils, les frontières de classes : elle ne peut donc être un indice efficace d’intégration sociale.
Cette utopie, dénoncée il y a trente ans, renaît aujourd’hui dans le principe de
«mixité sociale», inscrit dans la loi Solidarité et Renouvellement Urbain. Cette hypothétique
mixité sociale serait atteinte par une meilleure répartition spatiale des logements sociaux.
André Vant avait déjà souligné le caractère prescriptif de ce terme, selon lequel « le
mélange spatial des activités et des catégories sociales est [supposé constituer] une des
conditions fondamentales d’apparition d’un rapport social égalitaire» (Vant, 1986, p. 21).
La seconde recherche, exemplaire dans l’analyse des relations entre proximité
spatiale et distance sociale, est celle des sociologues-démographes américains,
Douglas Massey et Nancy Denton, dans American apartheid, dont une traduction
française a été publiée en 1993. Les auteurs démontrent que la ségrégation sociospatiale délibérée des ménages noirs dans un petit nombre de quartiers des métropoles américaines a produit des effet sociaux en chaîne : concentration de l’extrême
pauvreté, difficultés des ménages à résider ailleurs, d’où intériorisation d’une « culture de pauvreté » et naissance d’une « underclass ». La démonstration vaut pour les
États-Unis où les processus de valorisation-dévalorisation très rapides sur le marché immobilier sont induits par les changements de composition raciale des quartiers. Ces changements sont souvent provoqués par des agents immobiliers qui
tirent grand profit de ces processus, en répandant la rumeur d’une « invasion » de
ménages noirs : c’est le processus dit du blockbusting. Puis les institutions financières jouent à leur tour un rôle dans la dévalorisation des quartiers en voie
d’« invasion » en pratiquant le redlining, c’est-à-dire en refusant d’y accorder des
prêts pour l’accession à la propriété et à l’amélioration des logements. L’inscription
spatiale de cette ségrégation socioethnique a deux caractéristiques : une extrême
concentration des Noirs dans les mêmes quartiers, et l’exclusivité de ces quartiers
comme lieux de résidence des ménages noirs. L’apport sans doute le plus important et le plus original de ces travaux tient dans quatre simulations, menées sous
des hypothèses différentes dans la dissimilarité des répartitions et dans la concentration relative des minorités, qui constituent une véritable démonstration de l’efficacité des ces processus : c’est, à notre connaissance, la seule démonstration
existant en la matière (Massey, Denton, 1993, p. 330-331).
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Dans les sciences sociales, en particulier en sociologie, la tendance est à se défier de
plus en plus de notions telles que l’intégration, et à recourir à des termes plus précis,
moins généraux, moins chargés de sens, bref plus clairs. Car à trop vouloir signifier,
souvent, les concepts y perdent leur sens et leur force. Aussi proposons-nous un travail de clarification d’ordre théorique et épistémologique, à l’instar de celui mené par
R. Brubaker (2001) à propos de l’identité et à la suite de J. Barou (1993), pour l’intégration. Ainsi un examen des synonymes d’intégration — absorption, assimilation,
fusion — indique que le terme est, en France, préféré à celui d’assimilation, utilisé
aux États-Unis, notamment dans la tradition sociologique de Chicago, par
R.E. Park, par L. Wirth, mais aussi en écologie biologique (Chapoulie, 2001). C’est le
cas de nombreuses autres notions comme anomie, aliénation, exclusion, synonymes
ou antonymes de la notion d’intégration (Besnard, 1987 ; Rhein, 1978, 1979).
L’objectif de cet article était de montrer toute la complexité de la notion
d’intégration. Le respect de cette complexité implique un travail théorique
important et le développement d’une méthode qui ne doit pas se limiter à la
seule question de la « mesure ». Les indices et mesures de proximité spatiale
sont certes des outils utiles, sans aucun doute, et éventuellement très féconds,
mais ils restent des outils. L’évocation de la définition durkheimienne de l’intégration était, dans cette perspective, indispensable à nos yeux : dans le cadre
théorique durkheimien, il s’agit d’un vrai concept. L’opérationnalisation de ce
concept en fait une notion beaucoup plus floue, sur le plan théorique. Elle
peut permettre l’élaboration d’une mesure dont l’efficacité est à chercher dans
un registre très différent de celui de la théorie sociologique, celui de l’intervention publique et de l’action sociale lato sensu. Menés dans les années 1960 et
1970, les débats autour de la quantification et de l’opérationnalisation des
concepts sociologiques de ségrégation, d’aliénation, d’intégration, aboutissent
tous à cette conclusion qu’il faut choisir entre formaliser et théoriser. Mais il
est vain de chercher à concilier les deux objectifs, irrémédiablement irréconciliables sur le plan épistémologique.
Si la géographie veut réellement démontrer la spécificité et l’ampleur de ses
apports vis-à-vis des autres sciences sociales, il est indispensable qu’elle prenne
connaissance des définitions existantes des concepts et notions communs à ces différentes sciences sociales, et qu’elle respecte un certain nombre de règles sur le plan
épistémologique. La naturalisation d’une notion — celle d’intégration, par exemple,
ou de distance sociale — engendre des problèmes théoriques et méthodologiques qui
ont fait l’objet d’importants débats dans les sociologies française et américaine, dès les
années 1940. Peut-être pourrions-nous faire l’économie de ces débats et entrer de
plain-pied dans les débats contemporains, tout différents, sur la nature du lien social
dans ses rapports avec les échelles et les formes d’intervention étatique ?
205 Catherine Rhein
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Conclusion
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