Topics Geo – Catastrophes naturelles 2015

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TOPICS
GEO
Catastrophes naturelles 2015
Analyses – Évaluations – Positions
Édition 2016
La Terre a de la fièvre
Durant l’année la plus chaude depuis le début des
­relevés de température, El Niño a fortement influencé
les évènements météorologiques. PAGE 20
Changement climatique
L’année des décisions
Népal
Un pays sous les
­décombres
Technique d’analyse
Réévalution des données
>> Tous les articles de ce magazine sont
aussi disponibles sur notre site Internet :
www.munichre.com/topicsgeo2015
Avant-propos
Chères lectrices, chers lecteurs,
En 2015, le bilan des sinistres liés aux catastrophes naturelles a de nouveau été relativement modéré. Le préjudice
total et les dommages assurés ont même été inférieurs
aux moyennes des 30 dernières années. L’oscillation climatique naturelle El Niño a eu à cet égard une influence
marquante sur le déroulement des évènements climatiques. Ce phénomène a également contribué à réduire
l’activité cyclonique dans l’Atlantique nord.
Bien que, du fait que les pays à forte pénétration d’assurance ont été épargnés, le préjudice pécuniaire ait été
limité, le nombre d’évènements dommageables recensés
a de nouveau été très élevé. Notamment les pays émergents et en voie de développement ont connu de grosses
inondations et de violentes vagues de chaleur. Mais l’évènement le plus dévastateur de l’année a eu lieu au Népal :
le toit du monde a été ébranlé par des séismes qui ont
coûté la vie à plus de 9 000 personnes.
2015, troisième année record consécutive pour ce qui est
de la température moyenne annuelle globale, a aussi été
marquée, sur le plan politique, par le changement climatique : le tournant ébauché lors de la Conférence de Paris
sur le climat permet d’espérer que le changement climatique pourra être freiné à un stade où les risques restent
maîtrisables dans la plupart des régions du globe.
Ces sujets ainsi que d’autres questions d’actualité sont
traités et quantifiés dans le présent numéro de Topics
Geo, avec une analyse des processus qui y sont liés. Je
vous souhaite une intéressante lecture.
Munich, février 2016
Torsten Jeworrek
Membre du Directoire de Munich Re et
Président du Comité de réassurance
NOT IF, BUT HOW
Munich Re Topics Geo 2015
1
Gros plan : 2015 a été l’année du climat. Tandis
que de nouveaux records de température ont
été battus et que l’année a été marquée par un
puissant phénomène El Niño, la politique climatique globale a enfin connu une relance. De
nouveaux jalons ont été posés en juin lors de la
rencontre du G7 à Elmau et en décembre à l’occasion de la Conférence de Paris sur le climat.
Gros plan
4 Données climatiques 2015
Le changement climatique ne fait pas
de pause : les températures moyennes
­globales en 2015 sont les plus élevées
jamais mesurées.
8 « Nous avons évité l’incontrôlable ! »
Le climatologue Hans Joachim
Schelln­huber s’entretient avec Peter
Höppe des résultats de la COP21.
12 L’assurance climatique : composante d’une
croissance durable
Des solutions d’assurance aident les
pays en développement à mieux s’adapter
au changement climatique.
2
Munich Re Topics Geo 2015
19 COP21 – Saisissons les nouvelles
­opportunités !
Peter Höppe s’exprime sur les
perspectives qu’ouvre la Conférence
de Paris sur le climat.
22 L’enfant terrible du climat
L’année 2015 nous a offert l’un des
­phénomènes El Niño les plus puissants
jamais mesurés. Ses effets se sont fait
ressentir en de nombreux endroits de la
planète.
4
Sommaire
Portraits de catastrophes
30 Secousses sur le toit du monde
Au printemps 2015, de violentes secousses
sismiques ont touché le Népal et les États
voisins.
35 Le désert d’Atacama sous les eaux
La survenance dans le désert d’un
sinistre dû aux inondations qui se chiffre
en ­milliards semble tenir de la fiction.
­Pourtant, au nord du Chili, ce scénario est
devenu réalité.
Portraits de catastrophes : Le Népal était ­connu
comme étant une région à hauts risques en
matière de séismes. En avril 2015, la région de
l’Himalaya a été frappée par une catastrophe
dévastatrice.
28
41 Une tempête monstre se termine sans
trop de dégâts
L’ouragan Patricia a constitué l’un des
cyclones tropicaux les plus puissants
jamais enregistrés. Grâce à des circonstances favorables, les dégâts sont
restés limités.
45 L’État doré en proie aux flammes
Le risque d’incendie de forêt a fortement
augmenté en Californie en raison des
­périodes de sécheresse dont le pays a été
victime ces dernières années.
NatCatSERVICE et recherche
54 Rétrospective annuelle – L’année en chiffres
Une présentation des chiffres et des photos
de l’année, du point de vue global, régional
et de l’évolution au fil des ans
62 Élargissement innovant des possibilités
d’analyse des évènements historiques
Pour les analyses globales, les sinistres doivent
pouvoir être comparés dans le temps et dans
l’espace à l’aide d’une normalisation.
Observation de la Terre par satellite
67 C’est une chance pour la gestion des risques,
lorsque fournisseurs et utilisateurs coopèrent
plus étroitement.
70 Violents orages sur l’Europe
L’intensité des orages violents augmente.
Tout se joue dans la prévention.
74 Séismes virtuels en 3D
Les superordinateurs peuvent simuler les
tremblements de terre et leurs répercussions.
De nouvelles connaissances en perspective.
NatCatSERVICE et recherche :
Les images réalisées depuis l’espace
peuvent ouvrir de nouvelles chances en
matière de gestion des risques. Il s’agit de
saisir ces opportunités.
52
Standards
1 Avant-propos
50 Des catastrophes qui font date
76 Contacts
77 Mentions légales
Munich Re Topics Geo 2015
3
Gros plan
4
Munich Re Topics Geo 2015
Données climatiques
2015
Eberhard Faust
La Terre a de la fièvre : les températures moyennes à la
­surface du globe en 2015 sont les plus élevées jamais
­mesurées. Et malgré les variations enregistrées certaines
années, on constate que la tendance à la hausse à long
terme se poursuit. Le changement climatique ne connaît
pas de répit.
L’année 2014 avait déjà été la plus chaude depuis le
début de l’étude des séries temporelles en 1880,
même si, d’après les données de la NOAA, elle ne
devançait que de peu les années 2005 et 2010. Mais
les valeurs enregistrées en 2015 sont encore plus élevées : en effet, d’après les données publiées par la
NOAA à la mi-janvier 2016, 2015 a été de loin l’année
la plus chaude à l’échelle de la planète. La température moyenne globale de la surface de la Terre et de
la mer a dépassé de 0,90 °C la valeur moyenne du
XXe siècle qui était de 13,9 °C, battant ainsi de 0,16 °C
le record de 2014 (0,74 °C). En 2015, la température
moyenne du globe a pour la première fois dépassé la
barre de 1 °C au-dessus de la moyenne de la période
1850–1900, qui correspond encore au niveau de température de l’ère pré-industrielle. Ainsi, en une année
seulement, le réchauffement climatique a déjà atteint
la moitié de la limite des 2 degrés et deux tiers du
seuil de 1,5 degré, qui constituent l’objectif fixé par
l’Accord de Paris (COP21).
Le très puissant épisode El Niño qui s’est manifesté
dans le Pacifique tropical depuis le mois de mars 2015
est l’une des raisons expliquant les températures élevées enregistrées l’année dernière ; ainsi, une grande
quantité d’énergie thermique a été libérée dans l’atmosphère et les effets à distance ont entraîné une
modification des systèmes de circulation. Il a également fait beaucoup trop chaud dans le nord-est du
Munich Re Topics Geo 2015
5
Gros plan
Pacifique, y compris dans la moitié ouest de l’Amérique du Nord. L’Eurasie ainsi que la région Afriqueocéan Indien ont elles aussi été confrontées à des
anomalies thermiques positives.
En termes de précipitations, dans le courant de l’année, les effets typiques d’El Niño se sont fait de plus
en plus sentir sur les régions concernées (davantage
d’informations à ce sujet dans l’article « L’enfant terrible du climat » à partir de la page 22). Au nombre de
ces impacts figurent la sécheresse qui a sévi dans le
nord-est du Brésil et le nord de l’Amérique du Sud,
dans les Caraïbes et le nord-ouest de l’Amérique du
Nord ainsi que dans de grandes parties du sud de
l’Afrique, la mousson d’été restreinte dans certaines
régions de l’Inde, la sécheresse dans certaines parties
de l’Asie du Sud-Est et de l’Indonésie ainsi que dans
certaines régions du sud et de l’est de l’Australie. Les
excédents de précipitations dans les régions du sud
et du sud-est de l’Amérique du Nord, dans le sud du
Brésil et le nord-est de l’Argentine, dans le sud de
l’Inde ainsi que sur les îles Britanniques sont également typiques du phénomène El Niño.
Il ne fait aucun doute que l’évolution des températures et des précipitations constitue un indice incontestable de l’impact d’El Niño, mais il est vrai aussi
que ce signal à long terme du changement climatique
vient s’ajouter à la variabilité naturelle du climat sur
différentes échelles de temps. Le très puissant phénomène El Niño, qui a contribué à l’augmentation de la
température moyenne annuelle en 2015, pourrait fort
bien avoir encore les mêmes répercussions en 2016.
Cet effet de superposition avec la variabilité naturelle
du climat signifie aussi qu’à l’avenir, certaines années
seront de nouveau marquées par une température
moyenne un peu moins élevée à la surface de la Terre.
La fluctuation des températures dans la série temporelle des températures moyennes annuelles du globe
enregistrées dans le passé est donc en grande partie
due aux variations climatiques entre El-Niño et La Niña.
Néanmoins, les récentes valeurs records de la température moyenne annuelle montrent qu’il n’y a plus
d’interruption avérée de la progression de la température moyenne du globe dans les données actuelles : la
tendance à la hausse à long terme se maintient.
Écart de la température moyenne du globe
par rapport à la moyenne de 1901 à 2000
15 des 16 années les plus chaudes enregistrées se situent dans
la période allant de 2001 à 2015.
1,0
°C
0,9
0,8
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0,0
–0,1
–0,2
–0,3
–0,4
–0,5
1880
1890
1900
1910
1920
1930
Source : Munich Re, sur la base des données NCDC/NOAA
6
Munich Re Topics Geo 2015
1940
1950
1960
1970
1980
1990
2000
2010
Écart régional de la température moyenne
annuelle de 2015 par rapport à la moyenne
de 1981 à 2010
À l’exception de l’est du Canada, les températures de la quasi-totalité de la surface terrestre et de la plupart des étendues
occupées par les océans ont contribué à l’important écart de la
température moyenne annuelle par rapport à la moyenne de la
période 1981–2010. Sur dix des douze mois de l’année 2015, la
température mensuelle moyenne du globe a battu les records
enregistrés jusque-là.
–5
–4
–3
–2
–1
0
1
2
3
4
5
plus chaud
plus froid
Écart régional des précipitations
annuelles de 2015 par rapport à la
moyenne de 1961 à 1990
Sur les terres, les précipitations annuelles de l’année 2015
relevées dans les stations prises en compte ici étaient
­inférieures de 23 millimètres par rapport à la moyenne de
1 033 millimètres durant la période de référence 1961–1990.
0
25
50
75
100
125
150
175
200
plus sec
plus humide
Source : National Centers for Environmental Information/
NOAA
Munich Re Topics Geo 2015
7
Gros plan
8
Munich Re Topics Geo 2015
« Nous avons évité
l’incontrôlable ! »
Après le sommet sur le climat à Paris, Hans Joachim
Schellnhuber, directeur de l’Institut de Potsdam
pour la recherche sur les incidences climatiques, et
Peter Höppe, directeur du département Geo Risks
Research/Corporate Climate Centre chez Munich Re,
se sont réunis à Potsdam pour discuter des résultats.
Peter Höppe : Monsieur Schellnhuber, vous avez participé à de nombreuses manifestations dans le cadre
du sommet sur le climat à Paris. Que pensez-vous du
résultat dans l’ensemble ?
Hans Joachim Schellnhuber : Pour résumer l’essentiel, je dirais que l’esprit de Paris a chassé le spectre
de Copenhague. Toutefois, il nous reste encore beaucoup à faire et nous pouvons aller encore plus loin.
PH : J’ai été surpris de voir que les 195 pays se sont
engagés en faveur de l’objectif visant à limiter le
réchauffement climatique à nettement moins de 2 °C
et qu’ils ont ainsi rectifié la barre. Comment faut-il
définir le cadre réglementaire pour atteindre cet
objectif ?
HJS : Les hommes politiques ont découvert la protection du climat, et je m’en réjouis. Il est tout à fait
logique de limiter la hausse de la température sur
notre planète à un maximum de 1,5 à 2 °C. Pourtant, je
ne suis que partiellement satisfait en ce qui concerne
la neutralité carbone d’ici à 2070 ou 2080. Si l’on traduit l’Accord de Paris en scénarios d’émissions, on
devrait atteindre la décarbonisation déjà entre 2050
et 2070. Voilà le problème.
PH : Outre l’atténuation (mitigation), c’est-à-dire les
mesures de réduction des émissions de gaz à effet de
serre, l’adaptation aux conséquences inéluctables du
changement climatique prend une large place dans
l’Accord de Paris. Les 100 milliards de $US convenus
pour le soutien des pays émergents ont été confirmés,
ce qui est un point très important. Que faudra-t-il
encore faire d’autre pour être mieux armé face aux
conséquences du changement climatique ?
HJS : Le mot-clé est pour moi le « renforcement des
capacités », donc le développement des structures et
des compétences. Ici il ne s’agit pas que d’argent. Je
me suis récemment rendu au Cameroun et j’ai appris
la chose suivante : quand les Britanniques se sont
retirés de ce pays dans les années soixante, il y avait
49 stations météorologiques. Il n’en reste que trois
dans les grands aéroports. Nous devons cependant
mettre en place des capacités et des structures permettant à ces pays de recevoir l’argent, le soutien et
l’expertise et de les transformer en mesures efficaces.
C’est capital pour les pays situés au sud du Sahara.
Munich Re Topics Geo 2015
9
Gros plan
PH : À l’article 8 de l’Accord de Paris, il est question de
protection d’assurance comme éventuelle solution
pour l’adaptation au changement climatique. Dans
votre nouveau livre « Auto-immolation » vous vous
appuyez sur des informations provenant de la base de
données NatCatSERVICE de Munich Re pour décrire
les tendances relatives aux catastrophes naturelles et
aux sinistres en découlant. Après Paris, quel rôle les
assurances jouent-elles en matière d’adaptation ?
HJS : Si nous avançons vers de nouvelles conditions
climatiques entraînant des évènements extrêmes –
et un réchauffement global de 2 °C s’accompagne de
nouvelles conditions climatiques – et si nous voulons
mettre en place des mécanismes de protection pour
les populations les plus vulnérables afin d’en atténuer
les conséquences, nous n’y parviendrons qu’avec des
assurances. Le problème est que ceux qui en ont le
plus besoin ne peuvent pas payer les primes d’assurance. C’est pourquoi nous devons mettre en place un
système de solidarité global. Il serait intéressant de
savoir quels groupes sont réellement concernés par les
évènements extrêmes. Pouvons-nous prouver à partir
de données que les pauvres sont les plus touchés ?
PH : Oui, c’est possible. Nous avons évalué les données de notre base NatCatSERVICE en fonction de
différentes catégories de revenus. Nous faisons la distinction entre les pays très pauvres, les pays à revenu
moyen et les pays riches. On y reconnaît clairement
que les plus pauvres sont les plus touchés, notamment lorsqu’on met les dommages en rapport avec le
PIB et avec ce que les personnes possèdent ou sont
en mesure d’acheter.
HJS : Donc par rapport au revenu ?
PH : Tout à fait. Les pays riches peuvent payer les
conséquences d’une catastrophe, ils ont des assurances et un accès rapide aux moyens financiers pour
soutenir ou relancer leur économie. En revanche, les
pays à faible revenu sont pris au piège de la pauvreté
s’il n’y a pas de soutien, par exemple, de la part d’une
assurance, qui les remet sur pied économiquement.
Une autre raison pour laquelle les pays pauvres sont
plus touchés par le changement climatique est qu’ils
sont situés principalement dans des climats extrêmes.
C’est pour cette raison que nous avons créé la Munich
Climate Insurance Initiative (MCII) il y a près de 10 ans.
Et peu avant Paris, les États du G7 ont lancé un grand
projet d’assurance climatique, parallèlement au processus de négociation concernant la protection du
­climat. Y voyez-vous une contribution précieuse pour
l’ensemble du processus de négociation ?
HJS : Et comment ! Je suis tout simplement enthousiasmé, d’autant plus que l’initiative du G7 est apparue
peu avant Paris. C’était exactement le bon signal. Mais
il y a encore un autre aspect que nous ne devrions pas
négliger : si l’on parle d’adaptation comme stratégie
globale, c’est probablement la migration qui est la
stratégie d’adaptation la plus importante de toutes.
Pourtant, tout le monde ne dispose pas des moyens
nécessaires. De nombreuses personnes vivant dans
des zones à risques sont obligées d’y rester, car elles
manquent d’argent, mais aussi d’informations. Si la
température augmente de 2 °C, les déplacements de
populations seront difficiles à éviter.
PH : Cela vaut notamment pour les États insulaires.
HJS : Déjà, en cas de hausse de la température de
moins de 2 °C, les Maldives sont vouées à disparaître – c’est un fait. Mais même les habitants d’autres
régions sont touchés par des régimes climatiques et
pluviométriques en mutation. Si nous voulons donc
aider les personnes et atténuer les conséquences,
nous devons peut-être aussi réfléchir à de nouvelles
formes d’assurance afin d’encourager la mobilité des
personnes concernées, même si cela dépasse le cadre
traditionnel de l’assurance.
>> Vous trouverez un enregistrement vidéo de
l’ensemble de l’entretien entre Peter Höppe
et Hans Joachim Schellnhuber sur notre site
www.munichre.com/topicsgeo2015
10
Munich Re Topics Geo 2015
PH : Munich Re fait ici partie des pionniers et met déjà
depuis longtemps à disposition les données relatives
aux sinistres. Nous avons aussi démontré qu’il y a eu
des changements concernant les évènements météorologiques en attirant l’attention sur les problèmes qui
y sont liés. Et nous proposons de nouvelles approches,
comme la micro-assurance. Qu’attendez-vous de l’industrie des assurances dans les années à venir ?
HJS : Permettez-moi avant tout d’insister encore sur
le fait que vous jouez ici un rôle déterminant à deux
égards. Vous êtes, à l’échelle mondiale, parmi ceux
qui fournissent les meilleures données sur le développement des évènements extrêmes et de la sinistralité,
et pratiquement tout le monde consulte les tableaux
et diagrammes de Munich Re. En outre, vous avez une
unité à part entière spécialisée dans le changement
climatique, et vous avez très tôt songé à d’autres
formes et concepts d’assurance pour offrir une protection aux personnes ne pouvant pas souscrire une
assurance autrement. Toutefois, il serait à mon avis
tout à fait logique que vous envisagiez aussi de renoncer à des investissements dans le secteur de l’énergie
fossile. Vous augmentez vous-mêmes vos risques en
finançant la formation de tempêtes tropicales – cela
n’a aucun sens.
PH : C’est certes quelque chose que nous devons examiner. Mais permettez-moi d’aborder la recherche climatologique. Vous avez mis sur pied l’un des instituts
les plus renommés pour la recherche sur les incidences climatiques. Voyez-vous, après Paris, la nécessité de repenser votre travail ?
HJS : Les résultats de Paris sont aussi très positifs
pour la recherche sur les incidences climatiques. Je
me suis assez souvent trouvé dans la situation désagréable de devoir esquisser des scénarios futurs dans
le cadre desquels la recherche se heurte à ses limites.
On ne peut guère faire de constats scientifiquement
valables lorsque les scénarios sont si dramatiques
que l’impact sur notre planète devient imprévisible.
Mais si nous parvenons à limiter le réchauffement
global à nettement moins de 2 °C, une analyse d’impact solide s’avère tout à fait possible, même si nous
nous éloignons alors déjà largement des conditions
que nous connaissons actuellement sur la Terre. Nous
avons pour l’instant évité l’incontrôlable, ou plutôt :
nous avons la chance de l’éviter – maintenant, il s’agit
de contrôler l’inévitable.
Munich Re Topics Geo 2015
11
Gros plan
12
Munich Re Topics Geo 2015
L’assurance
­climatique :
­composante d’une
croissance durable
Ernst Rauch
Les conférences internationales qui ont eu lieu en 2015
ont mis l’accent sur les politiques climatiques et ouvert de
nouvelles voies. Pour la première fois, les outils d’assurance
sont apparus comme des solutions pour aider les pays en
développement et les pays émergents à s’adapter au changement climatique. Pour y parvenir, le secteur économique
privé et les États doivent donc collaborer dans ce domaine.
En 2015, la politique climatique internationale était
axée sur deux thèmes : d’une part, les programmes
nationaux de réduction des émissions polluantes
visant à limiter la hausse des températures mondiales
à moins de 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle,
d’autre part, les mécanismes d’adaptation ayant pour
objectif d’amortir les effets du changement climatique,
ainsi que leur financement. Les grandes décisions de
portée internationale ont été prises dans le cadre de la
campagne « Road to Paris », une série de conférences
consacrées à différents aspects relatifs au climat et à la
question du développement durable. Cette campagne
a débouché sur l’Accord de Paris adopté en décembre.
Il comprend des engagements à long terme au sein de
la communauté internationale portant sur la protection
du climat et l’adaptation aux conséquences (dommageables) désormais inévitables du changement climatique. L’accord doit être ratifié par les États membres
des Nations unies d’ici avril 2017, avant d’entrer en
vigueur à partir de 2020.
Munich Re Topics Geo 2015
13
Gros plan
Bien que ces évènements aient lancé la communauté
internationale sur la voie de la décarbonisation (abandon des énergies fossiles), les risques liés aux catastrophes naturelles d’origine météorologique devraient
très vraisemblablement continuer à augmenter dans
un premier temps. La raison en est simple : le dioxyde
de carbone a un temps de résidence atmosphérique
moyen, et par conséquent un impact écologique, d’une
durée de cent ans environ. Au cours de ces dernières
décennies, nous avons vu les intempéries se multiplier
et s’intensifier un peu partout à travers le monde,
notamment des épisodes de fortes précipitations et
des vagues de chaleur.
Les pays en développement sont particulièrement vulnérables
Les pays à faible revenu sont particulièrement vulnérables : ces phénomènes météorologiques tuent plus
de pauvres que de riches, tant au regard du nombre
total de victimes que du pourcentage de la population.
En outre, les dégâts matériels qui ne peuvent être réparés faute de moyens financiers entraînent des pertes
de niveau de vie sur le long terme.
D’après les analyses du NatCatSERVICE de Munich Re,
les catastrophes naturelles d’origine météorologique
ont coûté la vie à près de 850 000 personnes entre
1980 et 2014. 62 % de ces victimes (soit 527 000 personnes) bénéficiaient d’un revenu inférieur à 3 $US par
jour (groupes de revenus définis par la Banque mondiale, voir graphique à droite) et comptaient parmi les
habitants les plus pauvres de la planète. Ces personnes ne représentaient pourtant que 12 % de la
population mondiale en 2014. Si l’on observe le groupe
de revenu juste au-dessus (revenu allant jusqu’à envi-
ron 11 $US par jour), le taux de victimes est certes nettement inférieur, mais il confirme tout de même que le
taux de mortalité reste plus élevé chez les populations
à faible revenu en cas de catastrophe provoquée par
des intempéries. D’après nos évaluations, les causes de
ce constat sont évidentes : l’insuffisance des ressources financières et le manque d’informations sur les
mesures de protection sont à l’origine du nombre élevé
de victimes.
La palette d’options qui existent pour s’adapter au
changement climatique est spécifique à chaque risque
et à chaque région, mais peut être scindée en deux
grandes catégories :
1.Les mesures de prévention ex ante visant à limiter
les conséquences des catastrophes naturelles : systèmes d’alerte précoce, mais aussi mesures de protection propres aux bâtiments et réglementations
en matière d’occupation et d’utilisation des sols.
2.Les mesures ex post visant à faire face aux conséquences des catastrophes : aides humanitaires et
systèmes de financement. Ces solutions contribuent à surmonter les conséquences économiques
et favorisent les processus de réparation et de
reconstruction, créant ainsi de la résilience.
L’assurance climatique : un outil essentiel ­d’adaptation
au changement
Dans un document final d’une conférence de l’ONU sur
le climat, les outils d’assurance ont été pour la première fois identifiés comme des moyens permettant de
faciliter l’adaptation au changement climatique. Dès
juin 2015, les États membres du G7 ont lancé une ini-
Repères chronologiques de la campagne « Road to Paris »
Tout au long de l’année 2015, une série de conférences a permis
de tracer la voie vers une convention-cadre sur le climat sous
l’égide de l’ONU. Vous pouvez retrouver plus d’informations sur
ce processus en consultant notre site Internet : www.munichre.
com/klimawandel
14
Forum
­économique
mondial
Conf. mond.
de l’ONU sur la
réduct. des risques de catastrophe
Conférence ­
du G7 sur
­l’assurance des
risques climatiques
Forum de
l’ONU sur
l’énergie
durable pour
tous
Sommet
du G7
Conférence
sur le
changement
­climatique
Sommet de
l’ONU sur le
développement
durable
COP21 de la
CCNUCC
Davos
21–24 janvier
Sendai
16–17 mars
Berlin
7 mai
New York
17–22 mai
Elmau
7–8 juin
Bonn
1–11 juin
New York
25–27
­septembre
Paris
30 novembre–
11 décembre
Munich Re Munich Re Topics
TopicsGeo
Geo2015
2015
Victimes* des suites d’intempéries
à l’échelle mondiale 1980–2014 : 850 000
Groupes de revenu selon la définition de la Banque mondiale
62 %
Pays à faible revenu annuel (≤ 1 005 $US)
14 % Pays à revenu annuel moyen (1 006–3 975 $US)
11 %
Pays à revenu annuel relativement élevé
(3 976–12 275 $US)
13 %
Pays à revenu annuel élevé (≥ 12 276 $US)
* Excepté les victimes de la faim
Population mondiale en 2014 :
7,2 milliards
12 %
57 %
15 %
16 %
Sources : Munich Re, NatCatSERVICE, Banque mondiale
Munich Re Topics Geo 2015
15
Gros plan
tiative sur l’assurance contre les risques climatiques
(« InsuResilience ») à l’occasion du sommet d’Elmau,
soulignant ainsi l’importance des outils de transfert
des risques, en particulier pour les pays en développement et les pays émergents.
L’objectif est de permettre à 400 millions de personnes
vivant dans les pays en développement et dans les
pays émergents d’être couvertes par une assurance climatique d’ici 2020. Cela pourra s’appliquer à grande
échelle, sous la forme d’assurances couvrant les États
(« assurance indirecte de la population ») ou à petite
échelle, sous la forme d’assurances destinées aux particuliers (« assurance directe des personnes »).
Les indemnisations dépendent de paramètres météorologiques clairement définis, tels que la pluviométrie
ou la vitesse du vent. On les qualifie de concepts de
couverture ou de déclencheurs paramétriques. Chaque
personne peut s’assurer, selon ses besoins, contre la
sécheresse, les tempêtes ou les fortes précipitations,
tous ces phénomènes pouvant être mesurés de façon
objective. Ce système garantit des conditions de police
d’assurance très transparentes et allège les démarches
administratives nécessaires pour l’évaluation des prestations, ce qui permet d’assurer la rapidité de l’indemnisation suite à des intempéries. Il faut toutefois noter
que les déclencheurs paramétriques ne présentent pas
que des avantages mais aussi un risque de base
(lorsque le sinistre survient avant que le point de
déclenchement n’ait été atteint). Grâce à la simplicité
de ce système de versement basé sur des critères paramétriques, il existe déjà des solutions d’assurance à
petite et à grande échelle dans de nombreux pays en
développement, qui, selon la décision du G7, pourront
servir de base.
La croissance durable restera lettre
morte tant qu’il n’existera pas d’outils
d’assurance permettant de lutter
contre les chocs économiques
­résultant de catastrophes naturelles.
Des solutions d’assurance conçues de manière intelligente peuvent encourager la mise en place de mesures
de prévention (via le transfert de connaissances et/ou
la franchise de sinistre). Elles peuvent aussi se révéler
être des outils efficaces pour le financement de la
charge de sinistres. Afin de lutter contre les chocs
financiers, dans le secteur privé comme à l’échelle de
l’État, il est essentiel de limiter les conséquences économiques négatives à long terme. La mise en place de
solutions d’assurance contre les risques climatiques
encourage l’élaboration de structures sociales et économiques solides, et crée de la résilience.
16
Munich Re Topics Geo 2015
Les partenariats entre les institutions publiques et
­privées sont nécessaires
Pour atteindre l’objectif fixé par le G7, les États
concernés devront, d’une part, prendre activement
des mesures régulatoires adaptées et participer
financièrement au projet. D’autre part, la mise en
place d’aides financières internationales ou d’une
aide de lancement s’appuyant sur des fonds dédiés
au ­climat, tels que le Fonds vert pour le climat (FVC),
est une voie prometteuse.
Ce n’est que de cette façon qu’il sera possible de
mettre en place, dans les pays en développement et les
pays émergents, des systèmes d’assurance durables,
c’est-à-dire financés de manière stable et sur le long
terme, permettant à leurs habitants de mieux s’adapter
aux risques liés au changement climatique.
Ce type de solutions d’assurance climatique peut servir
d’exemple pour les partenariats entre le secteur public
et le secteur privé. La répartition des rôles entre les
partenaires est clairement définie en fonction des compétences et des ressources de chacun :
–le secteur public fixe le cadre juridique et réglementaire, ainsi que les objectifs politiques et sociaux. Il
peut également soutenir, sur le plan national ou international, l’élaboration de banques de données météorologiques, la conception de systèmes d’information
en matière de risques et le développement des
connaissances parmi la population.
–Le secteur des assurances est responsable du développement et de la mise en place de solutions d’assurance contre les risques climatiques. Pour cela, elle
met à profit son savoir-faire, des modèles de risques
et des exemples de « bonnes pratiques » tirés
d’autres pays, et fournit avant tout un capital-risque.
Pour que ce mécanisme fonctionne de manière
durable et stable, les primes perçues doivent être en
adéquation avec les risques. C’est seulement ainsi
que ces derniers se voient attribuer une valeur réaliste qui correspond à leur potentiel de sinistre et
encourage les mesures destinées à les réduire.
Autrefois, les différences de perspectives entre économie privée et secteur public sur les questions de financement des risques faisaient entrave à l’élaboration de
systèmes d’assurance dans les pays économiquement
faibles. Mais il y a désormais une véritable prise de
conscience sur l’extrême urgence de ces pays à s’adapter aux conséquences du changement climatique.
Évolution cumulative du produit intérieur
brut des États après un gros sinistre
Dans les années qui suivent une catastrophe naturelle de
grande ampleur, le produit intérieur brut (PIB) diverge du PIB
que le pays aurait eu sans cet évènement. On constate clairement que l’évolution est plus positive dans les pays bénéficiant
d’un système d’assurance complet. Les graphiques montrent la
différence d’évolution du PIB par rapport à un développement
des richesses qui n’aurait subi aucune perturbation.
a) États bénéficiant d’un système
d’assurance complet en matière de
catastrophes naturelles
2%
1
0
–1
2
4
6
8
10 ans
–2
b) États qui ne bénéficient d’aucun
système d’assurance en matière de
catastrophes naturelles
1%
0
–1
2
4
6
8
10ans
–2
–3
Source : Munich Re, représentation schématique basée sur le
travail de Peter et al., Bank for International Settlements 2012
Munich Re Topics Geo 2015
17
Gros plan
Le rapport aux questions énergétiques
En 2015, le thème de l’énergie a été étroitement lié à
celui du climat et aux objectifs des politiques de développement, notamment dans le cadre du deuxième
forum des Nations unies sur l’énergie durable pour
tous (SE4ALL) qui s’est déroulé à New York. Il s’est inscrit dans la lignée de la manifestation de lancement de
la Décennie de l’énergie durable pour tous de l’ONU
(2014–2024) et a fixé les objectifs suivants pour 2030 :
– r endre les services énergétiques modernes accessibles à tous
–multiplier par deux le taux de croissance de l’efficacité énergétique à travers le monde (rapport entre
consommation d’énergie et produit intérieur brut)
–multiplier par deux la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique mondial
D’après les estimations de la Banque mondiale, il faudrait investir 600 à 800 milliards de $US supplémentaires par an dans le secteur énergétique afin de parvenir à déployer les technologies pauvres en CO2
nécessaires pour atteindre ces objectifs. Des statistiques plus récentes de l’Agence internationale de
l’énergie (AIE) annoncent des chiffres encore plus élevés. Mobiliser de telles sommes représente un enjeu
conséquent. Mais cet objectif semble réalisable si l’on
prend en compte le fait que le total mondial de
330 milliards de $US de capital investi chaque année
dans les technologies des énergies renouvelables a été
multiplié par plus de cinq entre 2004 et 2015.
Le secteur des assurances peut encore une fois apporter une précieuse contribution en assurant les risques
et en rendant les projets énergétiques plus attractifs
pour les investisseurs. Beaucoup de ces solutions de
transfert de risques sont encore des produits spéciaux
qui nécessitent une expertise spécifique. À la manière
des solutions d’assurance pour l’adaptation au changement climatique, le rôle des pouvoirs politiques est de
lancer des signaux clairs et d’appuyer les objectifs des
politiques énergétiques à l’aide d’initiatives concrètes.
Le but serait d’arriver à une standardisation en matière
de financement et de transfert des risques via les partenariats public-privé, et par conséquent, à un meilleur
rapport coût-efficacité. Par ailleurs, dans le cadre de sa
gestion de placements, le secteur de l’assurance peut
jouer un rôle important en tant qu’investisseur dans
des projets énergétiques.
En 2015, la politique climatique internationale a ouvert
la voie à de nouvelles approches. Munich Re soutient l­­e
développement de systèmes d’assurance pour les
catastrophes naturelles et climatiques grâce à son
expertise dans le domaine des géosciences et de la
souscription, aux données de sinistres contenues dans
la banque de données NatCatSERVICE et à l’apport de
capital-risque privé.
18
Munich Re Topics Geo 2015
Chronique
COP21 –
­Saisissons les
nouvelles
opportunités !
2015 a été, à différents égards, l’année du climat : elle
nous a offert un nouveau record en terme de température globale, lequel, en raison d’un épisode El Niño très
intense, a même largement battu celui de la dernière
année la plus chaude, enregistrée en 2014, comme pour
fournir un autre argument de poids en vue des négociations sur le climat. Tout au long de l’année, alors que la
Conférence de Paris approchait, le suspense s’est
accentué et les attentes ont pris une très grande
ampleur. Tout le monde était conscient qu’un échec
comme en 2009 à Copenhague signerait la fin du processus de négociation sous l’égide des Nations unies ; il
fallait empêcher que cela ne se produise.
Au mois de juin, les nations du G7 avaient bien préparé
le terrain en réaffirmant leurs engagements pour limiter
le réchauffement planétaire et soutenir financièrement
les pays en développement. Et la COP21 a été marquée
par une véritable nouveauté : les États participants se
sont mis d’accord sur un projet qui, au cours des cinq
prochaines années, devrait permettre à 400 millions de
personnes supplémentaires dans les pays en développement d’avoir recours à des solutions d’assurance
pour se protéger contre les dommages croissants causés par les épisodes météorologiques extrêmes. Avec
cette toute nouvelle initiative, un signal clair a été
envoyé : nous prenons les problèmes des populations
des pays en développement au sérieux et nous sommes
prêts à assumer nos responsabilités en ce qui concerne
les émissions. À mon avis, ce geste a influencé de façon
positive l’atmosphère dans laquelle se sont déroulées
les négociations, car celle-ci pâtit d’habitude de l’antagonisme entre les nations à l’origine du changement climatique et les pays qui en souffrent le plus.
L’excellente organisation de la Conférence par les hôtes
français et la remarquable conduite des négociations par
Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, ont joué un rôle favorable. L’état d’esprit positif
qui régnait a stimulé la bonne volonté de nombreux
pays plutôt enclins à bloquer les négociations et a permis de réaliser une avancée considérable. Je pense que
le résultat de ce sommet consacré au climat correspond à ce que l’on pouvait faire de mieux actuellement.
En se donnant pour objectif de contenir l’augmentation
moyenne de la température globale « nettement en
dessous de 2° C », c’est une limite encore plus stricte
que celle prévue initialement que l’on s’est fixée. Mais
l’Accord de Paris comporte certains risques : les chefs
de gouvernement doivent encore le faire ratifier ; il n’a
pas été prévu de sanctions si les objectifs de réduction
des émissions, librement définis, ne sont pas tenus, et il
est possible de se retirer du traité.
Par ailleurs, il nous faut être tout à fait conscients du
fait que, même si toutes les promesses sont tenues et
que les objectifs de réduction sont revus tous les cinq
ans, rien ne peut plus arrêter le changement climatique.
En dépit de tout cela, la Conférence de Paris a quand
même marqué un tournant : pour la plupart des pays, les
chances d’arriver à contenir le changement climatique et
à le maîtriser dans une certaine mesure ont considérablement augmenté. Mais les impacts constatés aujourd’hui
déjà avec le réchauffement planétaire, qui a tout juste
atteint jusqu’ici 1° C, vont s’intensifier et rendre nécessaires des efforts d’adaptation plus massifs.
Nous estimons également très positif le fait que, dans
l’article 8 de l’Accord de Paris, les solutions d’assurance
soient maintenant officiellement considérées comme
faisant partie des possibilités d’adaptation. Les solutions de pool déjà opérationnelles pour la couverture
des dommages causés par les phénomènes météorologiques extrêmes dans les pays pauvres, telles que l’African Risk Capacity (ARC), la Caribbean Catastrophe Risk
Insurance Facility (CCRIF) et la Pacific Catastrophe
Risk Assessment and Financing Initiative (PCRAFI)
sont perçues comme de bonnes initiatives pouvant être
encore davantage développées.
Maintenant, c’est à nous, assureurs, qu’il incombe de
donner vie aux nouvelles opportunités qui se présentent.
En tant que réassureur opérant à l’échelle mondiale,
nous connaissons mieux que personne les expositions
aux risques qui sont très différentes d’une région à
l’autre, la façon dont celles-ci évoluent et les vulnérabilités. La gestion des risques, notamment de ceux qui
découlent du changement climatique, est au cœur de
notre métier. Après la Conférence de Paris, la voie est
ouverte pour apporter notre expertise en vue d’accroître
de façon pertinente la résilience de la société humaine
vis-à-vis des conséquences à présent inévitables du
réchauffement gobal. Saisissons cette opportunité !
Prof. Dr. Dr. Peter Höppe,
directeur du département Geo
Risks Research/Corporate
­Climate Centre de Munich Re
[email protected]
Munich Re Topics Geo 2015
19
Gros plan
1997/1998 : +2,8 °C
Lors de l’évènement El Niño de 1997–1998, jusqu’ici le plus intense des épisodes de
ce type, l’écart maximum de température (moyenne hebdomadaire) dans la région
Niño 3.4 était de 2,8 °C au-dessus de la moyenne à long terme.
2015/16 : +3,1 °C
Jusqu’en décembre 2015 inclus, l’écart maximum hebdomadaire de température
­(15–21 novembre) dans la région Niño 3.4 était déjà de 3,1 °C.
5° N
Région Niño 3.4
5° S
170° W
La variabilité naturelle caractérisée par El Niño ­et
la Niña constitue l’une des plus importantes du
­système climatique mondial. Elle a des conséquence
considérables pour certaines régions.
20
Munich Re Topics Geo 2015
120° W
Munich Re Topics Geo 2015
21
Gros plan
L’enfant terrible
du climat
Eberhard Faust
L’année 2015 nous a offert un phénomène El Niño
­particulièrement puissant. Ses effets se sont fait ressentir
en de nombreux endroits de la planète. Des épisodes de ce
type pourraient se reproduire de manière plus fréquente
dans les années à venir.
Ce phénomène climatique, surnommé à l’origine El
Niño (littéralement l’« Enfant Jésus ») par les pêcheurs
péruviens, a commencé à se développer au mois de
mars 2015, jusqu’à devenir l’un des plus importants
de ce type jamais enregistré depuis les années 1950.
Si l’on mesure la partie océanique du phénomène et
que l’on suit les températures de surface de l’océan
hebdomadaires sur la région Niño 3.4 (pages 20 et
21), on constate qu’à la fin de l’année 2015, le plus
important écart par rapport à la moyenne de la
période climatique de référence (de 1981 à 2010)
représentait 3,1 °C. Cela dépasse la mesure du phénomène de 1997–98, considéré à l’époque comme le « El
Niño du siècle » (figure 1).
Toutefois, les modifications de la circulation atmosphérique résultant de la perturbation océanique ont
été plus importantes qu’aujourd’hui au moment des
deux grands épisodes de 1982–83 et 1997–98.
El Niño est un phénomène climatique qui touche à la
fois l’océan et l’atmosphère. Afin d’obtenir une évaluation globale de son intensité, il est donc pertinent de
synthétiser les données océaniques et atmosphériques
sous un seul indice.
Tel est l’objectif de l’indice multivarié d’ENSO (Multivariate ENSO Index – MEI) défini par Wolter et Timlin,
22
Munich Re Topics Geo 2015
qui prend en compte la pression atmosphérique au
niveau de la mer, les composantes des vents de direction nord-sud et ouest-est, la température de la surface de la mer, la température de l’air près de la surface et la couverture nuageuse dans la zone du
Pacifique tropical. À partir de ces données, on observe
que le phénomène El Niño de 2015, jusqu’au mois de
décembre inclus, est le troisième plus important épisode de ce type depuis 1950 (figure 2).
Pendant un épisode El Niño, on enregistre généralement une augmentation de la température de surface
dans la partie équatoriale est de l’océan Pacifique, qui
atteint ses valeurs les plus élevées vers la fin d’année.
En raison de ce phénomène, les nuages de pluie en
altitude associés aux surfaces océaniques chaudes se
déplacent dans les zones centrales et orientales du
Pacifique proche de l’Équateur. Dans l’ouest du Pacifique tropical, des côtes nord et nord-est de l’Australie
à l’Asie du Sud-Est, le climat devient alors anormalement sec, tandis que les parties centrales et orientales
du Pacifique, de l’Équateur au nord du Pérou, sont
marquées par un climat anormalement pluvieux.
D’autres effets typiques du phénomène El Niño ont été
présentés dans Topics Geo 2014, téléchargeable sur
notre portail Clients connect.munichre.
Indice Niño 3.4 hebdomadaire
Figure 1 : L’intensité des éléments océaniques des phénomènes El Niño et La Niña peut se mesurer à partir de la variation
hebdomadaire de la température de surface de la mer au sein de
la région Niño 3.4 dans le Pacifique tropical (5° N–5° S, 170–
120° O). On constate alors que l’épisode de 2015–16 dépasse
celui de 1997–98.
Indice Niño 3.4
3,0
2,0
1,0
0,0
–1,0
–2,0
–3,0
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
Source : Munich Re, basé sur les données du centre de prévision
climatique (Climate Prediction Center) de l’agence NOAA
Indice multivarié d’ENSO de 1950 à 2015
Figure 2 : L’indice multivarié d’ENSO permet de mesurer
­l’intensité globale d’un phénomène El Niño ou La Niña
au niveau océanique et atmosphérique. D’après cet indice,
­l’épisode de 2015-16 se classe troisième après ceux de
1997–98 et 1982–83.
Indice multivarié d’ENSO
3,0
2,0
1,0
0,0
–1,0
–2,0
–3,0
1950
1954
1958
1962
1966
1970
1974
1978
1982
1986
1990
1994
1998
2002
2006
2010
2014
Source : Munich Re, basé sur Earth System Research
Laboratory, Physical Sciences Division, NOAA
Munich Re Topics Geo 2015
23
Gros plan
Après la phase de démarrage jusqu’au moment le
plus intense du phénomène (« onset year »), suit
généralement un recul vers des données plus neutres
après le début de la nouvelle année (« decay year »).
Suivant ce schéma, les épisodes El Niño de forte
intensité atteignent leur paroxysme aux alentours du
passage à la nouvelle année et s’écartent assez souvent des prévisions au cours de la « decay year ». Cela
signifie que, pendant la seconde partie de l’année, El
Niño fait place à sa petite sœur refroidissante, La
Niña. Les effets de El Niño vont alors en quelque sorte
s’inverser : les alizés vont amener de l’eau chaude vers
les côtes ouest du Pacifique tropical, c’est-à-dire au
nord-est de l’Australie, en Indonésie et en Asie du SudEst, ce qui va renforcer les précipitations. À l’inverse,
sur les côtes orientales du Pacifique tropical et les
côtes équatoriales de l’Amérique du Sud, le climat sera
plutôt sec, tandis que l’océan va sensiblement se
refroidir. Même si, en ce début d’année 2016, on ne
peut pas encore avoir de certitude sur l’apparition d’un
phénomène La Niña, les probabilités restent fortes.
Modification de l’activité cyclonique
Parmi les effets secondaires notables en cas de fort
épisode El Niño que l’on a pu observer une nouvelle
fois en 2015, on relève une modification de l’activité
des cyclones tropicaux dans différents bassins océaniques. Dans l’Atlantique nord, l’activité des ouragans
diminue car les conditions atmosphériques propices à
la formation et au développement des cyclones tropicaux sont particulièrement défavorables dans la partie tropicale ouest de l’Atlantique. Cela s’explique
notamment par le renforcement des vents cisaillants
qui se forment près de la surface de l’océan en raison
d’un courant d’altitude plus vigoureux en direction de
l’est et d’alizés d’est plus puissants que la normale. De
plus, l’air d’altitude descend au niveau de la mer, ce qui
entraîne un réchauffement et une sécheresse au niveau
local et freine les effets de la convection, un principe
physique qui permet la formation des cyclones tropicaux. Cette saison, l’énergie cumulative des cyclones
tropicaux (ACE) était de seulement 60 % par rapport
à la moyenne de la période climatique de référence
allant de 1981 à 2010, avant tout en raison des effets
que nous venons de citer.
En revanche, l’activité cyclonique inhabituellement
élevée dans l’est du Pacifique nord est une autre des
conséquences typiques de El Niño. Dans cette zone,
l’énergie cumulative des cyclones tropicaux correspondait à 219 % de la moyenne de la période de référence. Cette augmentation s’explique par le fait que
les rafales descendantes qui se forment en cas de fort
épisode El Niño sont moins importantes qu’en
moyenne, tandis que les températures de la surface
de la mer sont plus élevées que la moyenne. Ces deux
phénomènes favorisent la formation de fortes tempêtes.
24
Munich Re Topics Geo 2015
Les conditions climatiques amenées par El Niño ont
produit un résultat similaire dans l’ouest du Pacifique
nord : la région a été marquée par plusieurs fortes
tempêtes, car leurs lieux de formation se sont déplacés vers les eaux plus chaudes de l’est et se sont rapprochés de l’Équateur. Les tempêtes restaient donc
plus longtemps au niveau des surfaces relativement
chaudes, où elles pouvaient développer de fortes
intensités avec de faibles rafales descendantes. Dans
cette région, l’énergie cumulative des cyclones tropicaux calculée en 2015 est de 161 % par rapport à la
moyenne de la période climatique de référence allant
de 1981 à 2010.
Conséquences marquantes de 2015
La carte présentée page 25 (figure 3) montre les
répercussions à distance en termes de précipitations
régionales survenant lors d’un phénomène typique El
Niño de grande intensité. Les évènements climatiques
relevés jusqu’à la fin de l’année 2015 correspondant à
ces catégories y apparaissent également. Il faut néanmoins prendre en compte le fait que les répercussions
à distance d’un épisode El Niño peuvent interférer
avec d’autres phénomènes climatiques, tels que les
phases de dipôle de l’océan Indien. En raison de ces
circonstances individuelles, chaque phénomène El
Niño a ses propres caractéristiques. Une agrégation
des sinistres ne peut avoir lieu qu’à la fin de l’épisode
de 2016.
Sur le plan macroéconomique, on observe que la
croissance réelle du PIB ralentit temporairement et de
manière significative dans certains pays en cas de
phénomène El Niño de forte intensité. On peut
notamment citer en exemple des pays comme l’Indonésie, l’Afrique du Sud et l’Australie. D’une part, cela
est dû aux baisses de rendement agricoles causées
par la chaleur et la sécheresse. C’est pourquoi les
récoltes de café, de cacao et d’huile de palme ont
reculé en Indonésie par exemple. D’autre part, la production et les exportations de nickel destiné à la production d’acier diminue, car lorsque le niveau d’eau
est bas, la production d’énergie hydraulique et le
transport fluvial sont limités. Par la suite, on relève
des inflations globales sur divers biens économiques
du secteur de l’agroalimentaire ou de la métallurgie.
Cependant certains pays, comme les États-Unis,
connaissent une croissance temporaire de leur PIB en
cas de fort épisode El Niño. Cela s’explique par la
baisse du nombre d’ouragans, ainsi que par la modification des températures et des précipitations, qui
favorisent la production agricole du soja par exemple.
Les pays en lien étroit avec les États-Unis tels que le
Canada ou le Mexique profitent également de ces
effets. (Cashin et al., 2015).
Évènements survenus en 2015 en raison
du phénomène El Niño
Figure 3 : Zones généralement touchées par une anomalie de
précipitations par rapport à la moyenne à long terme en raison
du phénomène El Niño. Les écarts par rapport à la moyenne
peuvent être plus ou moins importants dans certaines parties de
ces zones selon les saisons et peuvent s’inverser dans certains
cas. Des ensembles d’évènements spécifiques à chaque région
survenus au cours de l’année 2015 sont également représentés.
Impacts of El Niño on Precipitation
Storms, floods
UK, Ireland
DEC
Drought, heat, wildfires
USA, Canada
JUN–OCT
Drought, heat
China
JUN–OCT
Floods
India, Sri Lanka
NOV–DEC
Storms, floods
USA
OCT–DEC
Drought
Central America
JAN–NOV
Storms, floods
Ecuador
MAR
Storms, floods
Chile
MAR
Drought
Caribbean
FEB–OCT
Drought
Ethiopia
JUN–OCT
Drought, heat
Brazil
JAN–OCT
Drought
Southern Africa
JAN–DEC
Storms, floods
Argentina, Brazil,
Paraguay, Uruguay
AUG–DEC
Heavy rain,
landslide
China
DEC
Drought
India
JAN–SEPT
Floods
Kenya,
Tanzania,
Somalia
since NOV
Floods, landslides
Indonesia, Malaysia
NOV–DEC
Drought
Taiwan
APR–NOV
Drought, heat
Philippines
JAN–DEC
Drought, wildfires
Indonesia
JUN–NOV
Drought, heat, wildfires
Australia
DEC
Région à tendance humide
Région à tendance sèche
Évènement(s)
PériodeRegions with drier tendency
Sécheresse, vague de chal., feux de forêt
Juin–oct. 2015
Intempéries, inondations
Oct.–déc. 2015
Sud des États-Unis
Sécheresse
Jan.–nov. 2015
Amérique centrale
Sécheresse
Fév.–oct. 2015
Caraïbes
Intempéries, inondations
Mars 2015
Équateur
Intempéries, inondations
Mars 2015
Sécheresse, vague de chaleur
Janv.–oct. 2015
Intempéries, inondations
Août.–déc. 2015
Inondations, tempêtes
Déc. 2015
Sécheresse
Juin–oct. 2015
Inondations
depuis nov. 2015
Sécheresse
Janv.–déc. 2015
Sécheresse
Jan.–sept. 2015
Inde
Inondations
Nov.–déc. 2015
Inde, Sri Lanka
Sécheresse, vague de chaleur
Juin–oct. 2015
Fortes pluies, glissement de terrain
Déc. 2015
Sécheresse
Avril–nov. 2015
Taïwan
Sécheresse, vague de chaleur
Janv.–déc. 2015
Philippines
Inondations, glissements de terrain
Nov.–déc. 2015
Ouest de l’Indonésie, Ouest de la Malaisie
Sécheresse, feux de forêt
Juin–nov. 2015
Sécheresse, vague de chaleur, feux de forêt
Déc. 2015
Source : Munich Re, NatCatSERVICE ; Zones based on Davey
et al, Climate Risk Management 1 (2014); International Research
Institute for Climate and Society, Columbia University.
Regions with wetter tendency
Région(s)
Nord-ouest États-Unis, Sud-ouest Canada
Nord du Chili
Nord-est du Brésil
N-E Argentine, Sud Brésil, Parag., Urug.
Royaume-Uni, Irlande
Éthiopie
Kenya, Tanzanie, Somalie
Afrique australe
Nord-est de la Chine
Sud de la Chine
Indonésie
Sud-est de l’Australie
Munich Re Topics Geo 2015
25
Gros plan
Outre les évènements climatiques représentés à la
figure 3, d’autres conséquences notables sont également à noter. L’une des plus importantes réside dans
le fait que le phénomène El Niño a contribué à l’élévation de la température mondiale moyenne particulièrement élevée de 2015, qui devient ainsi l’année la
plus chaude depuis le début des mesures. Sur le plan
écologique, l’intensité du réchauffement de l’océan
est, selon l’agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA), à l’origine du troisième plus grand épisode global de blanchissement
des coraux, depuis ceux enregistrés en 1998 et 2010.
À cause de la hausse des températures résultant des
agressions climatiques, les coraux rejettent les algues
qui vivent habituellement en symbiose dans leurs tissus et prennent un aspect plus pâle. Dans le même
temps, ils perdent leur principale source d’alimentation, constituée par les algues, et deviennent plus vulnérables aux maladies. Si la situation se prolonge
au-delà de plusieurs mois, on assiste à un dépérissement des coraux. Les structures de récifs se dégradent
alors rapidement, tout comme leur fonction de protection des littoraux contre les tempêtes. Ils ne peuvent
plus servir d’habitat pour les poissons et d’autres
espèces importantes sur le plan écologique et économique. Tout ceci se répercute sur l’industrie du tourisme. Le phénomène a commencé dès le milieu de
l’année 2014 dans le Pacifique nord et s’est étendu au
Pacifique sud et à l’océan Indien. Hawaï est depuis
très touché, mais le risque est également présent
dans les Caraïbes. D’après les études qui ont été réalisées, le phénomène devrait perdurer au cours de
­l’année 2016.
Des épisodes El Niño de forte intensité de plus en
plus fréquents à l’avenir
Les épisodes El Niño de grande ampleur comme celui
de 2015-16 pourraient se produire de plus en plus fréquemment au cours de ce siècle, si l’évolution du
changement climatique actuelle se poursuit (scénario
de statu quo ou « business as usual »). C’est le résultat d’une étude réalisée par d’éminents chercheurs
spécialisés dans le phénomène ENSO (Cai et al.,
2014). D’après les prévisions, les épisodes El Niño de
forte intensité, qui se sont produits environ tous les
20 ans ou rarement entre 1891 et 1990, devraient doubler de fréquence sur la période allant de 1991 à 2090.
Cela s’explique principalement par l’important
réchauffement de la partie est du Pacifique équatorial
dû à la progression du dérèglement climatique. Les
fortes températures nécessaires à la formation d’une
phase El Niño de forte intensité seront donc de plus
en plus facilement atteintes.
26
Munich Re Topics Geo 2015
On ne qualifie pas un épisode El Niño d’extrême en
fonction du degré d’anomalie de la température de
surface de la mer, mais d’après les anomalies de précipitations qui en résultent dans la région Niño 3, à partir d’un taux minimum de 5 millimètres par jour. On
considère que les phénomènes extrêmes liés aux
répercussions atmosphériques ont le même effet sur
l’atmosphère.
Si, suite aux décisions prises dans le cadre de la
COP21 à Paris, les émissions de polluants s’avèrent
inférieures à celles du scénario de statu quo, la progression des épisodes El Niño extrêmes devrait évidemment être plus faible.
Limites en termes de prévisibilité
Afin de faciliter la gestion des risques, il serait crucial
d’être en mesure de prévoir une variation climatique
comme El Niño six à huit mois à l’avance (voir à ce
sujet Topics Geo 2014). Cependant, la genèse de ce
type de phénomène dépend d’évènements parfois difficilement prévisibles sur de courts laps de temps. Les
modèles restent donc relativement imprécis en ce qui
concerne la dynamique temporelle ou l’intensité maximale des épisodes. Depuis environ fin avril 2015, la
moyenne d’ensemble des modèles de prévisions internationaux listés par l’International Research Institut for
Climate and Society faisait ressortir une intensité
maximale située dans la partie supérieure de la tranche
modérée (indice Niño 3.4 ≈1,5). À partir de mai 2015, on
a finalement pronostiqué un évènement de forte intensité, même si l’amplitude annoncée s’est avéré moins
importante que dans la réalité.
Références
W. Cai, S. Borlace, M. Lengaigne, P. van Rensch, M. Collins,
G. Vecchi, A. Timmermann, A. Santoso, M.J. McPhaden,
L. Wu, M.H. England, G. Wang, E. Guilyardi, et F-F. Jin, 2014:
Increasing frequency of extreme El Niño events due to
­greenhouse warming. Nature Climate Change, DOI: 10.1038/
NCLIMATE2100
Cashin, P., K. Mohaddes, et M. Raissi, 2015: Fair Weather or
Foul? The Macroeconomic Effects of El Niño. International
Monetary Fund, Working Paper WP/15/89, 29 pages.
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NOT IF, BUT HOW
Munich Re Topics Geo 2015
27
Portraits de catastrophes
2015 – 7,8
Victimes : 9 000 ; bâtiments détruits : 600 000 ; bâtiments endommagés : 280 000
1833 – 7,6
Victimes : 500 ; bâtiments détruits : 4 000 ; bâtiments endommagés : n.c.
1934 – 8,0
Victimes : 10 700 ; bâtiments détruits : 80 000 ; bâtiments endommagés : 120 000
De nouveau, des séismes catastrophiques ont frappé le toit du
monde. Malgré les expériences acquises lors des catastrophes
précédentes, les conséquences des évènements survenus
au printemps 2015 ont été désastreuses pour le Népal. L’aide
internationale a beau être intense, l’absence de gestion des
risques et la mauvaise organisation entravent la reconstruction.
28
Munich Re Topics Geo 2015
Katmandou
1988 – 6,9
Victimes : 1 450 ; bâtiments détruits : 23 000 ; bâtiments endommagés : 80 000
Munich Re Topics Geo 2015
29
Portraits de catastrophes
30
Munich Re Topics Geo 2015
Secousses sur
le toit du monde
D’importantes secousses sismiques ont touché le Népal et les
États voisins d’Inde, de Chine et du Bangladesh au printemps 2015.
Leurs conséquences ont été dévastatrices, en particulier dans
la région rurale située au nord-ouest de la capitale, Katmandou.
Martin Käser et
Wilhelm Morales Avilés
Népal
Montant des dommages
causés par le séisme de 2015 :
5,1 milliards de $US
Produit intérieur brut du Népal
en 2014 : 19,7 milliards de $US
Hauteur des dommages par
­rapport au PIB de 2014 : 26 %
L’Himalaya n’est pas seulement la
plus vaste chaîne de montagnes de la
planète, il abrite aussi les plus hauts
sommets du monde. Sa formation
résulte de la collision entre la plaque
tectonique indienne et la plaque eurasienne, qui a commencé il y a environ
65 millions d’années. Aujourd’hui, la
plaque indienne se déplace d’environ
4 à 5 cm vers le Nord chaque année,
faisant ainsi remonter l’Himalaya
d’environ un centimètre par an. La
force exercée par la collision des
plaques surpasse parfois la résistance
au cisaillement de la roche sur laquelle
repose l’Himalaya. Cela entraîne de
brusques déplacements de blocs de
roche, qui se frottent les uns contre
les autres pendant quelques secondes
et provoquent de puissants séismes.
Des déplacements allant jusqu’à
quatre mètres
Un séisme de ce type a frappé le
Népal le 25 avril 2015, à midi moins
cinq. Il s’est produit sur l’une des
lignes de faille principales le long du
massif de l’Himalaya. Son épicentre
se situait près de la ville de Gorkha et
sa magnitude était de 7,8. La région
rurale au nord-ouest de la capitale
Katmandou a été particulièrement
touchée. Un déplacement de terrain
atteignant 4 m a eu lieu à une profondeur estimée entre 10 et 25 km, sur
une surface de rupture orientée vers
le nord. Au total, cette surface de rupture s’étendait sur 100 km de long et
80 km de large. Dans la région épicentrale, des mouvements telluriques
d’intensité IX sur l’échelle de Mercalli
(allant jusqu’à XII) ont été relevés.
Dans les régions montagneuses
situées plus au nord, d’importants
glissements de terrain et des avalanches se sont déclenchés et ont
enseveli des villages entiers encaissés dans les vallées profondes.
Une centaine de répliques sismiques
de plus ou moins grande ampleur se
sont produites les jours suivants
(figure 1). Avec une magnitude de 7,3,
la plus forte réplique enregistrée s’est
produite le 12 mai, à nouveau aux
alentours de midi, à environ 80 km de
Katmandou. Elle a provoqué de nouveaux dégâts et touché les organismes
d’aide humanitaires déjà présents sur
place.
Munich Re Topics Geo 2015
31
Portraits de catastrophes
Le Népal dans la tourmente
De nombreuses écoles détruites
Figure 1 : La terre a continué de bouger pendant plus de deux mois dans le nord
du Népal après le premier séisme du 25 avril.
25.4.2015
26.8.1833
12.5.2015
Katmandou
15.1.1934
21.8.1988
Répliques
Magnitude
4,0–4,9
5,0–5,9
≥ 6,0
Frontières du pays
Date
Zone de fracture
en avril 2015
30/06/2015
25/04/2015
Épicentres de
séismes historiques
Source : Munich Re, d’après les données du Centre sismologique du Népal
(Nepal Seismological Centre) ; Carte : Esri
Part des dommages dans différents secteurs
Figure 2 : La majeure partie des sinistres concernent les habitations privées.
59 %Secteur privé :
maisons, appartements,
propriétés privées
20 %Secteur public :
bâtiments publics, hôpitaux,
écoles, monuments
­historiques, environnement
11 %Économie :
agriculture, commerce,
industrie, tourisme, finance
10 %Infrastructure :
électricité, communication,
transport, eau/eaux usées,
autres infrastructures
Source : Munich Re, d’après les données de la Commission nationale
de planification (National Planning Commission) du gouvernement népalais
32
Munich Re Topics Geo 2015
Ces séismes ont coûté la vie à près de
9 000 personnes au Népal, en Inde, en
Chine et au Bangladesh. On a recensé
plus de 23 000 blessés et un demi-million de sans-abri. Bien que le Népal
dispose d’une norme de construction
nationale depuis 1994, les bâtiments
répondent rarement à cette réglementation. Ainsi, les matériaux de con­
struction (argile, tuile, bambou et
bois) sont souvent de mauvaise qualité et les méthodes de construction
présentent des faiblesses structurelles (absence d’élément d’étaiement
ou mesures de renforcement insuffisantes).
Le nombre d’écoles touchées est particulièrement important. En effet,
plus de 6 000 infrastructures scolaires ont été sévèrement endommagées ou totalement détruites. Si le
séisme ne s’était pas déclenché un
samedi, mais un jour de semaine, il
aurait fait beaucoup plus de victimes
parmi les enfants.
Séisme de Gorkha :
le bilan aurait pu être plus lourd
Le Népal est considéré comme l’une
des régions sismiques les plus vulnérables de notre planète. Il peut se produire des secousses plus fortes et des
mouvements de terrains plus violents
que ceux survenus lors du séisme de
Gorkha. L’importante sédimentation
de la partie sud de l’Himalaya (dans la
vallée de Katmandou par exemple)
peut encore venir amplifier ces phénomènes. De ce point de vue, le bilan
du séisme de Gorkha aurait pu être
bien plus lourd.
Les catastrophes sismiques historiques dans la région de Katmandou
ont eu lieu en 1833 (magnitude 7,6),
1934 (magnitude 8,0) et 1988 (magnitude 6,9) (voir graphique pages 28–29).
En 1934, 10 700 personnes ont été
tuées, près de 80 000 bâtiments ont
été détruits et plus de 120 000 con­­
structions ont été endommagées.
Plus de 50 ans plus tard, le séisme de
1988 a coûté la vie à 1 450 personnes
et endommagé plus de 80 000 bâtiments, malgré une magnitude relativement faible. Des lignes ferroviaires,
Les modestes constructions en argile
n’ont pas résisté face à la force du
séisme ; de nombreux villages de
montagne ont été rayés de la carte.
D’innombrables glissements de terrain ont aggravé les destructions.
Munich Re Topics Geo 2015
33
Portraits de catastrophes
des ponts et des routes ont également été touchés.
Peu de dommages assurés
Les dommages économiques globaux
dus aux séismes du 25 avril et 12 mai
ont été estimés à 5,6 milliards de $US
(90 % survenus au Népal, et 210 millions assurés). Les assureurs Vie estiment qu’ils n’auront pas à verser plus
d’un million de $US aux victimes
autochtones, car seule une minorité
d’entre elles étaient assurées (environ
4 %). Les bâtiments d’habitation, les
infrastructures scolaires et universitaires, le patrimoine culturel et les
établissements de santé ont été les
plus sévèrement touchés (figure 2).
La plupart des habitations privées ne
bénéficiaient d’aucune protection
d’assurance. Seuls les dommages survenus sur les bâtiments récents, dont
la construction avait été financée par
des banques, étaient couverts en
grande partie.
Le tourisme occupe une place importante dans l’économie népalaise. Le
pays accueille plus d’un demi-million
de visiteurs chaque année et on a
estimé à 20 000 le nombre de touristes
étrangers présents au moment du
séisme d’avril. De nombreux monuments de renommée mondiale et
classés pour la plupart au patrimoine
mondial de l’humanité ont subi de
graves dégâts. Parmi ces bâtiments,
700 édifices historiques, souvent des
pagodes et des stūpas typiques de la
culture bouddhiste, ne pourront pas
être reconstruits.
En raison de l’importance de l’activité
touristique, le gouvernement népalais
a voulu que les principaux lieux touristiques (la place Durbar de Bhaktapur, la place Hanuman Dhoka Durbar
de Katmandou, le stūpa de Bodnath,
la place Durbar de Patan, le temple
de Pashupatinath) soient de nouveau
accessibles au plus vite. En outre, dès
le début du mois de juin, le ministère
de la culture et du tourisme a classé
le Népal comme étant redevenu une
destination touristique sûre. Toutefois, les travaux de reconstruction des
principaux sites culturels devraient
encore durer au moins cinq ans.
34
Munich Re Topics Geo 2015
Des alpinistes parmi les victimes
Augmenter la sensibilité aux risques
Les montagnes constituent une
autre attraction touristique. Le mont
Everest, qui culmine à 8 848 mètres
d’altitude et qui a été déplacé de 4 cm
en direction du sud-ouest par le séisme,
est une destination très prisée. Une
avalanche de neige et de glace causée par le tremblement de terre a fait
de nombreuses victimes sur la montagne voisine de Pumori, à plus de
7 000 m d’altitude. Au moins 19 alpinistes et sherpas sont morts sur le
camp de base de l’Everest et d’autres
ont été blessés.
Grâce au programme d’initiative
communautaire Global Earthquake
Model (GEM), soutenu notamment
par Munich Re, une étude sur la
menace sismique et le degré de
risque au Népal a été publiée en août
2015. Les résultats de cette étude
constituent une base importante
pour les décisions politiques en
matière d’occupation des sols, de
normes de construction, d’organisation du marché des assurances et de
planification d’urgence. En évaluant
précisément les risques, il est possible de limiter les conséquences
sociales et économiques des séismes.
Deux semaines après le séisme, le
gouvernement a rouvert la route historique du glacier du Khumbu sous la
pression d’expéditions internationales
(communiqué de la fédération du tourisme népalais : « … les ascensions
vont reprendre, il n’y a aucune raison
pour que les alpinistes renoncent
leurs expéditions »). Mais peu de
temps après, les autorités népalaises
et chinoises ont décidé d’interdire
toute expédition. Le mont Everest n’a
donc pas été gravi en 2015, ce qui
n’était pas arrivé depuis 1941.
Un fonds de plusieurs milliards qui
tarde à être réparti
La communauté internationale et des
organisations caritatives ont accordé
des fonds de plusieurs milliards au
Népal jusqu’à la fin du mois de juin. En
raison de litiges autour de la nouvelle
Constitution du pays, les victimes
n’ont perçu quasiment aucune aide de
l’État. Au lendemain du séisme, les
autorités ont fait l’objet de critiques
car la complexité des procédures
douanières ralentissait l’acheminement
des aides. Devant le manque de soutien de l’État, les personnes touchées
par la catastrophe ont dû trouver de
l’aide par leurs propres moyens, quand
ils en avaient la possibilité. Elles se
sont tournées vers des membres de
leurs familles et des proches résidant
à l’étranger ou ont essayé de réunir de
l’argent pour les travaux de reconstruction en partant travailler au Qatar
ou en Arabie Saoudite.
Le projet de gestion des risques
« Kathmandu Valley Earthquake Risk
Management Project », également
soutenu par Munich Re, avait déjà
été lancé en 1995. Son objectif est de
bâtir des infrastructures scolaires
plus résistantes, en prenant en
compte des modèles de construction
parasismiques et des éléments de
renforcement de bâtiments efficaces.
300 écoles bénéficient déjà de ce
programme et 270 d’entre elles se
trouvent dans la zone qui a récemment été touchée par les séismes.
Aucun de ces bâtiments n’a subi de
lourds dégâts, tandis que 80 % des
autres écoles du pays ont été sévèrement touchées, voire détruites.
Parmi les autres conséquences positives du projet, on peut également
citer le fait que de nombreux villages
ont mis en œuvre les connaissances
en matière de construction parasismique sur des habitations récemment construites. Le Népal a l’intention de remplacer toutes les écoles
détruites du pays par de nouveaux
bâtiments renforcés dans un délai
ambitieux de cinq ans. Le coût de ces
constructions est estimé à 400 millions de $US. Les organisations internationales sont sceptiques quant à la
faisabilité des délais. Afin de les respecter, le pays devrait reconstruire
plus de 1 200 bâtiments par an.
Le désert d’Atacama
sous les eaux
Ce n’est pas tous les jours qu’un sinistre se chiffrant en milliards
se produit dans le désert, surtout lorsqu’il est causé par des
inondations. Le nord du Chili en a fait la douloureuse expérience.
Wolfgang Kron
Chili
Inondations dans l’Atacama en
2015 : 1,5 milliard de $US
(0,5 milliard de $US assurés)
Inondations au Chili 1995–2014 :
0,6 (0,06) milliard de $US
Cat. naturelles au Chili 1995–
2014 : 34,7 (9,0) milliards de $US
(Valeurs de 2015)
Les inondations éclair comptent
parmi les catastrophes naturelles les
plus dangereuses ; pratiquement
aucun endroit n’est à l’abri de celles-ci.
Telle est la triste expérience vécue
l’année passée, au Chili, par la population vivant dans le désert d’Atacama,
l’une des régions les plus arides de la
Terre. Là-bas, la constatation à priori
paradoxale selon laquelle, dans le
désert, davantage de personnes
meurent par noyade plutôt que de
soif s’est avérée exacte.
Sur la plus grande partie de l’Atacama, au nord du Chili, il ne tombe
en moyenne que quelques millimètres de précipitations par an.
Nombreux sont les endroits où l’on
ne voit pas la moindre goutte de pluie
pendant plusieurs années. Cela est
en partie dû à la situation géographique de cette zone, entre un massif
côtier dépassant 2 000 mètres d’altitude et les Andes, dont une partie
culmine à plus de 6 000 mètres : ces
deux chaînes montagneuses forment
une double ombre pluviométrique.
Cinq millimètres de pluie –
en moyenne annuelle
La position même de la région, entre
le 20e et le 30e degré de latitude sud,
exposée essentiellement à des masses
d’air qui se réchauffent en descendant, favorise également le climat
extrêmement aride qui y règne. Par
ailleurs, le courant de Humboldt, un
courant marin froid qui longe la côte
du Chili, empêche l’évaporation et
donc la formation de nuages pluvieux.
Pour qu’il pleuve malgré tout, il doit
régner dans l’atmosphère un certain
nombre de conditions bien particulières. C’est ce qui s’est produit à la
fin du mois de mars 2015 lorsque,
au terme de près de dix années de
sécheresse et à la fin d’un été extrêmement chaud, un front froid venant
du sud-ouest a amené de l’air humide
sur cette région désertique. Durant
trois jours, des précipitations intenses,
par rapport aux quantités habituelles,
se sont abattues sur le pays.
60 millimètres de précipitations en
une journée
Le 25 mars, on a mesuré à certains
endroits plus de 60 millimètres de
pluie, qui n’a pas pu être absorbée
par le sol aride du désert. Les cours
d’eau tels que la rivière Copiapó,
asséchée depuis 17 ans, se sont en
très peu de temps transformés en
flots torrentiels. Le terrain étant
dépurvu de végétation et donc sensible à l’érosion, les ruissellements
torrentiels qui se sont produits ont
Munich Re Topics Geo 2015
35
Portraits de catastrophes
« Désert d’eau »
Le désert chilien d’Atacama abrite de nombreuses richesses minières ;
c’est aussi l’une des régions les plus arides du globe. Pourtant, en mars 2015,
des inondations ont provoqué des dommages dans de nombreux endroits.
Pérou
La Paz
Bolivie
laissé la place à des coulées de boue
destructrices. Les torrents d’eau ont
arraché d’énormes blocs de roche
des pentes montagneuses. Les villes
de Copiapó et Antofagasta ont été
touchées par ces inondations éclair.
Cela ne s’était plus produit depuis
80 ans. À Quillagua, l’endroit le plus
aride de la Terre, où les dernières
véritables pluies remontaient à 1919,
il est tombé quatre millimètres d’eau.
Et cette petite quantité a suffi à
endommager des habitations.
Arrêt de l’exploitation dans les mines
de cuivre
Le désert d’Atacama n’étant que faiblement peuplé, le préjudice total
estimé à 1,5 milliard de $US et les
500 millions de $US de dommages
assurés étonnent à première vue.
Mais il ne faut pas oublier qu’un tiers
de la totalité du cuivre extrait dans le
monde provient de gisements dispersés dans tout le Chili. Plusieurs
mines ont dû provisoirement interrompre leurs activités. Le transport
jusqu’aux zones d’extraction et à partir de celles-ci se faisant sur des
lignes de chemin de fer en grande
partie privées et assurées, ce sont les
dommages à l’infrastructure qui ont
constitué la plus grande part des
énormes coûts occasionnés par ce
sinistre.
Iquique
Quillagua
Antofagasta
Chañaral
Copiapó
Mines
Argentine
Atacama
Localités touchées par les
inondations
Précipitations
23–26 mars
> 20 mm
> 40 mm
Valparaíso
> 60 mm
Santiago
Chili
Source : Munich Re d’après DMC, Sección Meteorología Agrícola
36
Munich Re Topics Geo 2015
Mais les conséquences sur les zones
habitées ont, elles aussi, été considérables ; des localités entières ont été
inondées. La catastrophe a fait
31 morts et plusieurs disparus. Plus
de 2 000 maisons ont été entièrement détruites et plus de 6 250 sévèrement endommagées. À cela sont
venus s’ajouter des dommages dans
le secteur agricole, car les cultures
intensives de raisin de table et d’olives le long de la rivière Copiapó ont,
elles aussi, été touchées. La récolte
du raisin 2015 était certes en grande
partie terminée, mais les nombreuses vignes enfouies sous la boue
figée laissent entrevoir des pertes
considérables pour les années à
venir.
Les lits des cours d’eau asséchés
depuis des années se sont en très peu
de temps transformés en flots torrentiels. Lorsqu’elles s’écoulent rapidement, les eaux constituent un danger
mortel dès qu’elles atteignent la hauteur des genoux.
Munich Re Topics Geo 2015
37
Portraits de catastrophes
Le 25 mars 2015, il a plu dans le désert d’Atacama. À
certains endroits, il est tombé jusqu’à 60 mm de précipitations. Tandis qu’ailleurs, une telle quantité quotidienne
de pluie ne représente presque rien, elle correspond ici
au total des précipitations sur 12 mois. Ni la nature ni les
habitants ne sont préparés à un tel cas de figure.
Moyenne annuelle
1950–2014
J F M A M J J A S O N D
5 mm en
moyenne
annuelle
5 mm de précipitations correspondent à 5 l d’eau qui tombent sur
une surface d’1 m2. Cela correspond à la contenance d’un petit seau.
38
Munich Re Topics Geo 2015
2015
J F M A M J J A S O N D
60 mm
en une
journée
60 mm de précipitations (60 l/m2) suffisent à
remplir environ la moitié d’une baignoire.
Munich Re Topics Geo 2015
39
Portraits de catastrophes
Les assureurs mis à contribution
Le Chili fait partie des pays exposés
à de nombreuses forces de la nature.
Outre les inondations dans le désert
d’Atacama, le pays a été l’année passée le théâtre de deux irruptions volcaniques, d’un violent tremblement
de terre accompagné d’une vague
sismique de cinq mètres de hauteur
ainsi que de sécheresses et de feux
de brousse. Alors que le taux de
pénétration de l’assurance chez les
ménages privés urbains et les commerçants est en moyenne relativement élevé, les zones rurales telles
que celles touchées en mars sont à la
traîne.
Du fait des standards élevés qu’elle
privilégie dans le cadre de sa politique de souscription, l’industrie
chilienne des assurances est solide
et la plupart du temps suffisamment
réassurée contre les grosses catastrophes. C’est ainsi que les puissants
séismes survenus ces dernières
années ont pu être pris en charge
sans grandes difficultés.
Les dommages assurés estimés à un
demi-milliard de $US proviennent en
très grande partie de l’industrie
minière et d’infrastructures privées
telles que des routes, des ponts et
des installations d’alimentation en
eau. Plus de la moitié des canaux d’irrigation et près de 30 % des surfaces
plantées ont été fortement endommagées par les coulées de boue.
Il est quasiment impossible de se
protéger contre les inondations éclair
Les inondations éclair font partie des
aléas naturels les plus dangereux, et
ce aussi parce que l’on a encore tendance à les sous-estimer. L’année
passée, 105 évènements de ce type
ont été recensés à travers le monde ;
chacune de ces catastrophes a fait
au moins cinq morts alors que cela
aurait pu être évité dans de nombreux cas. Même s’il est compréhensible de vouloir sauver sa voiture d’un
40
Munich Re Topics Geo 2015
parking souterrain envahi par les
eaux, cela est toujours extrêmement
dangereux.
L’eau arrive souvent à une vitesse
vertigineuse, elle ne connaît pratiquement aucun obstacle et a une
force incroyable. Comme la plupart
des véhicules sont de toute manière
assurés, leur perte est généralement
indemnisée.
Il n’est pas facile de prendre des
mesures de prévention contre les
inondations éclair extrêmes. Elles se
produisent généralement à l’endroit
même où tombent les précipitations
et se déplacent souvent à grande
vitesse, même en dehors des cours
d’eau. Leur rareté (dans un même
endroit) et leur grande force de destruction font qu’il est quasiment
exclu de pouvoir prendre des
mesures sur le plan des constructions. La seule façon d’éviter les
risques est de bâtir le plus possible à
l’écart des lignes les plus basses
dans les vallées ou sur les versants,
celles-ci constituant les potentiels
axes de concentration des ruissellements torrentiels.
Il peut également être utile de placer
toutes les ouvertures des bâtiments,
par lesquelles l’eau est susceptible
de pénétrer, à quelques décimètres
au-dessus du sol. Cela ne protège
certes pas contre les phénomènes
extrêmes, mais empêche au moins
que les inondations éclair modérées
causent des dommages.
Les inondations soudaines sont un
sujet idéal pour l’assurance du fait
qu’elles peuvent se produire presque
partout et que la construction d’ouvrages de protection n’apporte, dans
nombre de cas, pas grand chose sur
le plan économique. Contre ce type
de risque naturel, il n’est pas de
mesure préventive plus efficace
qu’une assurance.
Alors que, face à un évènement climatique inhabituel, l’être humain, pris au
dépourvu, est souvent durement touché, la nature, elle, s’en accommode.
Après des années sans précipitations,
la végétation s’est réveillée dans l’Atacama et les mauves, qui ne fleurissent
habituellement que tous les cinq à
sept ans, ont transformé le désert en
une mer de fleurs.
Une tempête monstre se
termine sans trop de dégâts
Un ouragan de catégorie 5 qui touche terre déclenche souvent une
catastrophe. Cela n’a pas été le cas avec Patricia, un cyclone
très intense, mais de taille réduite, sur la côte pacifique mexicaine.
Doris Anwender
Mexique
Ouragan Patricia 2015 :
550 millions de $US
Montant moyen annuel des
sinistres liés à des cyclones
tropicaux (2000–2014) :
1,8 milliard de $US
Dommages assurés 2015 :
25 millions de $US
Montant moyen annuel des
dommages assurés liés aux
cyclones tropicaux (2000–2014) :
410 millions de $US
(valeurs de 2015)
Le Pacifique nord a connu en 2015
une saison cyclonique d’une activité
inhabituelle. Ainsi, le 23 octobre
2015, de nouveaux records ont été
battus par l’ouragan Patricia : son
arrivée sur les terres dans le Pacifique
oriental a été la plus puissante jamais
enregistrée depuis le début des relevés météorologiques et il a été globalement l’un des ouragans les plus violents jamais recensés. Toutefois,
grâce à des circonstances favorables,
les dommages ont été peu importants.
L’eau très chaude le long des côtes
mexicaines, anomalie produite par le
phénomène El Niño, a servi de réservoir d’énergie à l’ouragan Patricia. En
outre, la formation de cyclones tropicaux dans cette région a été favorisée
par de faibles différences de vent
entre le sol et les couches supérieures
de l’atmosphère. De fait, dans le Pacifique oriental, avec la survenance de
dix ouragans de catégories 3, 4 et 5
sur l’échelle de Saffir-Simpson, la
moyenne à long terme de 4,1 pour les
années 1981–2010 a été largement
dépassée. Avant Patricia, le dernier
ouragan de catégorie 5 à s’être formé
dans ce bassin océanique et à avoir
touché terre date de 1959.
Des pointes de vent de 400 km/h
Patricia a débuté le 20 octobre 2015,
à partir de la formation d’une dépression tropicale, environ 300 kilomètres au sud du golfe de Tehuantepec, dans le sud du Mexique. La zone
dépressionnaire s’est déplacée direction ouest-nord-ouest, parallèlement
à la côte, et a atteint le 22 octobre la
force d’un ouragan de catégorie 1. Au
cours des 15 heures suivantes, l’ouragan Patricia s’est intensifié de façon
explosive, et dans la nuit du 22 au 23
octobre, les mesures de vitesse de
ses vents permettaient de le classer
en catégorie 5, la plus élevée sur
l’échelle de Saffir-Simpson.
En raison des températures inhabituellement élevées de la mer (31 °C)
et des vents cisaillants faibles, la
tempête s’est même encore intensifiée durant les douze heures suivantes, s’accompagnant de rafales de
vent avec des pointes estimées à
près de 400 km/h. On estime que la
force de vent maximale moyennée
sur une minute a atteint le record de
325 km/h.
Légèrement affaibli, l’ouragan a touché terre 24 heures plus tard, près de
Munich Re Topics Geo 2015
41
Portraits de catastrophes
Dans l’œil de la tempête
Figure 1 : Évolution de la pression (trait vert) et force du vent schématique
(zones de couleur) de l’ouragan Patricia durant sa traversée de la localité de
Emiliano Zapata (près du point d’arrivée sur les terres).
1000 mb
980
960
940
Minimum : 938 mb
18 h 12
920
17 h
18 h
19 h
20 h
21 h
Vent destructeur
Vent fort
Source : Munich Re, sur base J. Morgerman & E. Sereno: ­iCyclone chase report
Patricia arrive sur les terres
Figure 2 : La région touchée par le champ de tempête de Patricia est très
­faiblement peuplée. De plus importantes zones d’habitation comme Puerto
­Vallarta, Manzanillo et Guadalajara ont été épargnées par l’ouragan.
Puerto Vallarta
Guadalajara
Mexico
Manzanillo
Densité de population
(habitants au km2)
1
0 –10
2
11–100
3
101–1.000
4
1.001–10.000
5
> 10.000
Source : Munich Re ; densité de population : LandScan (2009)TM,
UT BATTELLE, LLC pour le U.S. Department of Energy
42
Sous l’influence du relief montagneux à proximité de la côte, l’ouragan s’est rapidement affaibli et s’est
désintégré en l’espace de 24 heures
au-dessus des montagnes du
Mexique central. Ses restes ont
donné lieu pendant une courte
période à une dépression pluvieuse
au-dessus du sud des États-Unis,
sans conséquences notoires.
Des dégâts limités malgré un
­classement en catégorie 5
Œil (sans vent)
Évolution de la pression
Classification sur
l’échelle Saffir-Simpson
Cuixmala dans l’État mexicain de
Jalisco. Le centre de surveillance des
ouragans aux États-Unis (National
Hurricane Center) a évalué qu’à ce
stade, la vitesse maximale du vent
était de 270 km/h (moyennée sur
une minute), avec des rafales atteignant jusqu’à 340 km/h dans la
réserve de biosphère de Chamela-Cuixmala.
Munich Re Topics Geo 2015
C’est avant tout grâce à sa faible étendue que, malgré une force de vent
record, Patricia a provoqué des dégâts
relativement peu importants au
Mexique. Il est même possible que
Patricia ait été le cyclone tropical
ayant provoqué le moins de dégâts
dans l’hémisphère occidental, alors
qu’il avait touché terre en tant qu’ouragan de catégorie 5. Le champ de
vents de force ouragan ne s’étendait
que sur environ 200 kilomètres. Atteignant moins de 20 kilomètres, le diamètre de l’œil de Patricia, sur le mur
duquel sont survenus les vents les
plus forts et les plus gros dommages,
était aussi extrêmement réduit.
À cela est venu s’ajouter le fait que
l’ouragan s’est déplacé à 23 km/h, ce
qui représente une vitesse de progression extrêmement rapide pour
ces latitudes. Cela a réduit le temps
durant lequel il pouvait développer
son potentiel maximum de destruction. Les vitesses maximales du vent,
concentrées dans le mur arrière de
l’œil de Patricia, n’ont tenu que 17
minutes (voir figure 1). Le champ de
pluies est également passé rapidement, de sorte qu’il y a eu très peu
d’inondations. Cependant, d’après la
Commission nationale de l’Eau au
Mexique (Conagua), les valeurs quo-
L’énergie éolienne s’abat sur l’énergie
fossile : l’ouragan Patricia a fait preuve
d’une très grande violence sur son
passage. Fort heureusement, la région
touchée était limitée et faiblement
peuplée.
Munich Re Topics Geo 2015
43
Portraits de catastrophes
tidiennes des précipitations ont
atteint en partie 300 millimètres.
La taille d’une tempête souvent plus
déterminante que son intensité
Le champ de vents étroit de Patricia
est passé au-dessus d’une région
relativement peu peuplée et a
presque complètement épargné la
ville touristique de Puerto Vallarta,
située au nord, et la ville portuaire de
Manzanillo, au sud (voir figure 2). Il
faut également souligner que si la
catastrophe annoncée a pu être évitée, c’est aussi parce que les autorités avaient ordonné suffisamment tôt
les évacuations nécessaires et que la
population avait été mise à l’abri.
Patricia démontre que l’appréciation
des ouragans ne peut pas se faire uniquement en fonction des forces de
vent maximales ou de la classification
en niveaux d’intensité. Si l’on ne prend
pas en considération certains facteurs,
tels que la taille de la tempête et l’étendue de l’œil, l’image de la situation de
risque peut en être faussée. Les tempêtes de grande étendue comme Ike,
qui en 2008 a atteint le Texas sous
forme d’ouragan de catégorie 2, et
Sandy, qui, en 2012, a balayé New York
avec à peine l’intensité d’un ouragan,
ont causé par exemple largement plus
de dégâts que Patricia.
Dans les régions touchées, comme
dans la localité de Emiliano Zapata,
l’ouragan a causé les dégâts typiques
dus à un vent violent : maisons écroulées, toitures soufflées, pylônes électriques en béton pliés, arbres déracinés ou cassés. Les dommages
assurés ont atteint 25 millions
de $US, le préjudice économique
a totalisé 550 millions de $US.
44
Munich Re Topics Geo 2015
En outre, l’influence exercée par la
topographie de la côte n’est pas à
négliger. En ce qui concerne Ike,
Sandy et même Katrina (2005), les
dommages ont été dans chacun des
cas occasionnés en grande partie par
l’onde de tempête entraînée par l’ouragan. Par contre, sur la côte mexicaine, l’inclinaison abrupte du fond
océanique a empêché la formation
d’une importante onde de tempête,
et les énormes vagues générées par
l’extrême force du vent de Patricia
ont rebondi sur la côte très escarpée.
De la chance dans la malchance
La superficie restreinte et, qui plus
est, relativement peu peuplée touchée par l’ouragan, la rapidité du passage de la zone de tempête ainsi que
les conditions peu favorables à la formation d’une onde de tempête ont
permis d’éviter la survenance de plus
gros dommages. Cela apparaît nettement lorsqu’on compare la situation
avec l’ouragan Odile, qui, en 2014, a
touché la péninsule de Basse-Californie. Odile n’était qu’un ouragan de
catégorie 3, mais il a frappé une
région comportant de nombreux
complexes hôteliers de luxe et a
occasionné des pertes assurées
dépassant 1,2 milliard de $US. Cela
laisse deviner quelle aurait pu être
l’ampleur des dégâts si un ouragan
de même intensité que celle de Patricia avait frappé Puerto Vallarta, l’un
des plus grands sites touristiques du
Mexique. En résumé, on peut dire
qu’avec l’ouragan Patricia, le Mexique
a eu de la chance dans la malchance.
L’État doré en
proie aux flammes
Le risque de feux de forêt et de brousse a considérablement
­augmenté en Californie pendant la période de sécheresse dont
elle a été victime ces dernières années. En 2015, deux feux ont
­provoqué les plus graves incendies que le nord de l’État ait connus.
Mark Bove
Californie
Superficie brûlée 2015 :
364 000 ha
Superficie brûlée en moyenne
entre 2002 et 2014 :
234 000 ha/an
La Californie présente depuis plusieurs années un risque très élevé de
feux de forêt et de brousse. Malgré
deux feux isolés de grande ampleur,
les dégâts ont été minimes car les
incendies sont survenus dans des
zones très peu habitées. Après un
nouvel hiver sans épisode pluvieux
notable, la sécheresse s’est aggravée
de jour en jour sur toute la première
moitié de 2015. À Los Angeles, il n’est
tombé qu’environ 100 millimètres de
pluie, soit 170 millimètres de moins
que la normale. Plus au nord, à Fresno
et à Sacramento, toutes deux situées
dans la zone d’agriculture intensive
de la Vallée centrale, les précipitations ont été respectivement inférieures à la normale de 170 et 120 millimètres. Après quatre années de
déficit similaire, les indices d’aridité
laissent prévoir la plus grave période
de sécheresse connue en Californie
depuis les années 1840.
Le phénomène se manifeste de
manière particulièrement évidente
dans la Sierra Nevada, dont les sommets enneigés assurent habituellement en grande partie l’approvisionnement en eau de la Californie
pendant les mois d’été secs. Le plus
bas record, qui s’est établi à 25 % de
la quantité de neige normale en 2014,
a encore été largement battu en 2015
avec un chiffre de seulement 5 %. Le
manque de neige, associé aux faibles
quantités d’eau souterraine et de surface disponibles, a conduit le pays à
appliquer des restrictions de consommation d’eau au niveau national pour
la première fois de son histoire.
La sécheresse augmente le risque
d’incendie
En raison de cette sécheresse persistante, les arbres, les broussailles et
l’herbe se sont transformés en un
mélange inflammable. Outre l’aridité,
les vents forts sont la deuxième
condition météorologique favorable à
la formation de feux de forêts de
grande ampleur. Les vents de Santa
Ana, qui soufflent principalement
dans le sud, mais également dans le
nord de la Californie, entrent ici en
jeu. Ils se forment dans les zones de
haute pression au-dessus des
régions désertiques de l’ouest des
États-Unis et deviennent de plus en
plus secs, chauds et rapides à
mesure qu’ils descendent des montagnes. Ils peuvent atteindre une
vitesse de plus de 140 km/h.
Munich Re Topics Geo 2015
45
Portraits de catastrophes
Feux de brousse
Cependant, les vents de Santa Ana ne
sont pas à l’origine de la formation des
deux importants feux de brousse et de
forêt survenus en 2015, l’incendie de
Valley et celui de Butte. Les flammes
ont principalement été ravivées par les
vents qu’elles produisaient : l’air
ambiant chauffé par les flammes se
dilate et prend de l’altitude de telle
façon que l’air riche en oxygène qui se
trouve au niveau du sol se déplace
vers le foyer de l’incendie. Le feu
s’étend alors rapidement et renforce
ce phénomène atmosphérique en raison de la faible humidité de l’air et de
la présence abondante de matière
combustible. Dans les cas extrêmes,
cela peut déclencher un vent tempétueux. On parle alors de tempête de
feu. Ce phénomène est favorisé en
fonction du relief du terrain. Ainsi, sur
les versants, les flammes se propagent
rapidement vers le haut ; d’autre part,
les terrains vallonnés peuvent accélérer les mouvements d’air.
Comté de Lake
Sacramento
Napa
San Andreas
Comté de
Calaveras
San Francisco
Surface de l’incendie
Gros incendies dans le nord de la
Californie
Frontières du comté
Source : Munich Re, d’après les données du California Department of Forestry and
Fire Protection (surfaces des incendies) et de l’Esri, World Imagery (image satellite)
Tableau comparatif des incendies de grande ampleur
survenus aux États-Unis
L’incendie de Valley, qui s’est déclaré
le 12 septembre dans le comté de
Lake, un peu au nord de la région viticole de Napa Valley, est rapidement
devenu incontrôlable. Au bout de six
heures, il avait déjà touché 40 km2,
puis 200 km2 le lendemain. Plus de
10 000 habitants du comté ont été
sommés de quitter leur domicile en
raison de la rapide progression du feu.
Les deux incendies de 2015 comptent parmi les plus vastes et les plus
­dévastateurs de l’histoire des États-Unis. Le tableau suivant présente les dix
incendies les plus importants en nombre de bâtiments brûlés (montant des
dommages aux valeurs d’origine).
Nom de
­l’incendie
Mois/
année
Comté(s) touché(s),
État
Superficie
brûlée (ha)
Bâtiments
brûlés*
Préjudice total en
M de $US
Dommages assurés
en M de $US
Morts
Oakland Hills
10/1991
Alameda, CA
647
2 900
2 500
1 700
25
Cedar
10/2003
San Diego, CA
110 579
2 820
2 000
1 060
15
Valley
09/2015
Lake, Napa, Sonoma, CA
30 783
1 910
1 400
960
4
Bastrop
09/2011
Bastrop, TX
13 903
1 673
750
530
4
Witch
10/2007
San Diego, CA
80 124
1 650
1 700
1 300
2
Old
10/2003
San Bernardino, CA
36 940
1 003
1 500
980
6
Jones
10/1999
Shasta, CA
10 603
954
> 50
donnée non disp.
1
Butte
09/2015
Amador, Calaveras, CA
28 679
818
400
260
2
Paint
06/1990
Santa Barbara, CA
1 983
641
400
265
1
Fountain
08/1992
Shasta, CA
25 884
636
>160
donnée non disp.
0
* comprend tous les types de bâtiments : maisons, granges, étables, cabanes, etc.
Source : Munich Re NatCatSERVICE, Cal Fire, PCS
46
Munich Re Topics Geo 2015
Les feux de forêt et de brousse se
­propagent souvent très rapidement
dans la nature, en particulier sur les
coteaux.
Munich Re Topics Geo 2015
47
Portraits de catastrophes
Certaines petites agglomérations ont
été presque entièrement détruites
par les flammes. Le 6 octobre, date à
laquelle l’incendie a enfin pu être
maîtrisé, plus de 1 900 bâtiments
avaient été réduits en cendres, dont
1 300 habitations et 70 commerces.
Seuls deux incendies dans l’histoire
de la Californie ont détruit plus de
bâtiments.
L’incendie de Butte, dans les collines
du piémont de la Sierra Nevada à
l’est de Sacramento, s’est déclaré
trois jours plus tôt, le 9 septembre. Il
s’est également répandu très rapidement et, en l’espace de seulement
quelques heures, il a recouvert une
surface de 60 km2, qui a plus que
doublé le lendemain (130 km2). La
nature du terrain a rendu les travaux
d’extinction relativement difficiles et
San Andreas, chef-lieu du comté, a
dû être temporairement évacuée.
Bien que la ville n’ait finalement subi
aucune perte, l’incendie de Butte a
détruit 475 habitations et 343 autres
bâtiments.
Aspects assurantiels et
­enseignements à tirer en matière
de souscription
Les dégâts causés par les deux
incendies ont été estimés à 1,8 milliard de $US, dont 1,2 milliard étaient
assurés. 80 % des dommages ont été
provoqués par l’incendie de Valley. Il
s’agit donc de l’incendie le plus coûteux qu’ait connu la Californie depuis
celui de Witch, à San Diego, en 2007
(1,5 milliard de $US de dommages
assurés, aux valeurs de 2015) et
après la tempête de feu de Oakland
Hills dans le nord de la Californie en
1991 (3 milliards de $US de dommages assurés). Comme dans la plupart des gros incendies de ce type,
la majeure partie des dégâts concernait des habitations et des voitures
brûlées. Hormis quelques rares
exceptions, les entreprises sont plus
rarement touchées, dans la mesure
où elles sont souvent implantées
dans des zones urbanisées.
48
Munich Re Topics Geo 2015
Parmi les exceptions, on trouve certains petits commerces de détail ou
des commerces spécialisés, qui se
développent parallèlement à l’expansion des agglomérations. On peut
également citer les complexes de
vacances et les infrastructures de loisirs qui se trouvent dans les zones
forestières.
Les incendies dévastateurs sont
moins courants dans le nord que dans
le sud de la Californie. D’une part, les
précipitations sont normalement plus
abondantes dans le nord, particulièrement dans la région densément peuplée qui borde la baie de San Francisco, que dans la région de Los
Angeles ou de San Diego. D’autre
part, les vents de Santa Ana sont
moins fréquents dans le nord de
l’État. En outre, les agglomérations
peuvent moins facilement se développer dans le paysage vallonné de la
baie de San Francisco que sur les sols
plats du sud de la région, où elles
s’étendent toujours plus dans des
zones autrefois inhabitées. Il en
résulte une plus grande concentration
de valeurs dans les espaces situés
entre zones urbanisées et nature.
Certains endroits sont quasiment
inaccessibles et il est presque impossible de les protéger. Parfois, les
sapeurs-pompiers sont contraints de
renoncer à sauver des bâtiments pour
essayer d’empêcher les flammes de
se propager encore davantage. Le
bilan d’un incendie sur un bâtiment
ne peut donc prendre que deux
formes : soit le bâtiment résiste à l’incendie en subissant des dégâts
minimes, soit il brûle entièrement.
Mais même dans les zones touchées
par le feu, tous les bâtiments ne sont
pas toujours détruits. La plupart s’en
sortent avec seulement quelques
traces de fumée et de suie.
Prévisions en termes de sécheresse
en Californie
Grâce à un épisode El Niño de forte
intensité, la Californie a bénéficié de
précipitations supérieures à la
moyenne au cours de l’hiver 2015–16,
ce qui a permis d’apaiser la situation
pendant quelques temps. Mais les
fortes pluies perturbent l’équilibre
des sols sur les coteaux récemment
touchés par le feu et augmentent
ainsi le risque de glissements de terrain et de coulées de boue.
À l’avenir, les dommages assurés provoqués par les gros incendies dans
l’ouest des États-Unis devraient
gagner en fréquence et en gravité. Il
s’agit avant tout d’une conséquence
de la pression persistante de l’urbanisation dans des zones inhabitées
jusqu’alors, accompagnée d’une
hausse de la valeur des biens. Par ailleurs, le manque de moyens alloués
par l’État pour la lutte contre les
incendies empêche de couvrir les
biens de manière adaptée.
La modification des facteurs environnementaux est également responsable de l’augmentation du risque de
feux de forêt. La hausse des températures causée par le dérèglement
climatique rallonge la saison des feux
de forêt car la neige fond plus tôt
dans l’année. À cela s’ajoute une
baisse de la nappe phréatique et de
l’humidité des sols, ce qui augmente
la quantité de plantes sèches et de
matière combustible. Enfin, la chaleur et la sécheresse agressent les
arbres qui sont par conséquent plus
exposés aux maladies et aux infestations par des insectes. Ainsi, en Californie, plus de 12,5 millions d’arbres
ont déjà succombé à une infestation
de scolytes. Avec un climat de plus
en plus sec dans cette région, les
risques de feux de forêt vont continuer à augmenter.
Expect the unexpected:
Natural disasters in Australia
and New Zealand
L’Australie et la Nouvelle-Zélande sont exposées à de multiples risques naturels.
En outre, les risques liés aux inondations, aux cyclones, à la grêle, aux feux
de brousse, aux séismes et aux éruptions volcaniques évoluent rapidement.
Notre brochure « Expect the unexpected » donne un aperçu intéressant des
faits scientifiques et des conséquences économiques des divers évènements
naturels survenant dans cette partie du monde.
Une description détaillée est présentée sur notre site :
www.munichre.com/auznz-natcat
NOT IF, BUT HOW
Munich Re Topics Geo 2015
49
Catastrophes naturelles dans l’histoire
Des catastrophes
qui font date
1815
2015 est l’année
­commémorative de
­plusieurs catastrophes
naturelles qui, en raison
d’une caractéristique
particulière, se sont
­inscrites dans l’histoire.
200 ans
1815
Lors de l’éruption volcanique la plus puissante
enregistrée dans l’histoire de l’humanité, le
volcan Tambora, sur ­l’île
indonésienne de Sumbawa, rejette 140 gigatonnes de magma et
tue 71 000 personnes.
L’année qui a suivi est
qualifiée dans l’histoire
d’« Année sans été »,
accompagnée de
famines à travers toute
l’Europe.
1915
50
Munich Re Topics Geo 2015
100 ans
1915
Le 13 janvier, un tremblement de terre détruit
presque entièrement
Avezzano, une ville des
Abruzzes, dans le
centre de l’Italie : un
seul bâtiment résiste,
plus de 11 000 (85 %)
des 13 000 habitants
sont tués. C’est après
ce cataclysme que l’on
a commencé à s’intéresser à la prévention et
à la protection civile.
50 ans
1965
Au début du mois de
septembre, l’ouragan
Betsy balaye le golfe du
Mexique et le sud des
États-Unis. C’est le premier évènement météorologique à avoir occasionné des dommages
assurés dépassant
500 millions de $US.
1965
1975
40 ans
1975
En juin, des pluies diluviennes frappant la province chinoise du
Henan entraînent la
rupture de plus de 60
digues et provoquent
une catastrophe encore
jamais enregistrée à la
suite de précipitations :
26 000 personnes
périssent noyées et au
moins 145 000 meurent
de maladie ou de faim.
1995
30 ans
1985
Malgré un épicentre
situé à plus de 350 km
au large de la côte du
Pacifique, le séisme
survenu le 19 septembre
provoque à Mexico de
terribles dégâts et fait
9 500 morts. Le soussol mou sur lequel est
construit la ville amplifie les mouvements de
terrain qui peuvent être
20 fois plus intenses ;
ce phénomène mis en
évidence lors du séisme
de Mexico est appelé
« effet de site ».
1985
20 ans
1995
Avec le séisme de Kobe,
survenu le 17 janvier,
on enregistre pour la
première fois un sinistre
économique totalisant
100 milliards de $US ;
les répercussions
se font sentir dans le
monde entier. Ce
séisme démontre la vulnérabilité de l’économie
globale face aux
grandes catastrophes.
10 ans
2005
Fin août, l’ouragan
Katrina dévaste une
grande partie de la côte
américaine du golfe du
Mexique et submerge la
Nouvelle-Orléans.
Représentant un préjudice total de 125 milliards de $US, Katrina
reste à ce jour l’évènement météorologique le
plus onéreux jamais
enregistré ; elle laisse
aussi pour le secteur
assurantiel la facture la
plus lourde de tous les
temps, avec des dommages assurés de
60,5 milliards de $US.
2005
Munich Re Topics Geo 2015
51
NatCatSERVICE et Recherche
52
Munich Re Munich Re Topics Geo 2015
Satellites
Superordinateurs
Statistiques
Petra Löw
Les activités du Groupe de recherche
Geo Risks Research de Munich Re
sont très diversifiées. Disposer d’un
champ de vision élargi est l’un des
atouts les plus importants pour un
réassureur opérant à l’échelle mondiale. Innovation, créativité et imagination, associées à une expertise
détaillée sont garantes de mouvement et de développement sur les
marchés.
Les données satellites à haute résolution sont déjà utilisées depuis de
nombreuses années dans le cadre de
l’estimation post-évènement, pour
apprécier les évènements dommageables actuels. La nouvelle technologie satellite et les nouvelles techniques d’exploitation améliorent
énormément l’application pratique et
permettent d’obtenir rapidement des
évaluations de dommages de très
bonne qualité, sans qu’une multitude
d’inspecteurs-régleurs aient à se
déplacer. Cependant les méthodes
utilisées à cet effet doivent être adaptées aux besoins du secteur assurantiel. Dans ce contexte, nos experts,
qui bénéficient des connaissances
techniques nécessaires et d’une
solide expérience de ces systèmes,
peuvent apporter leur contribution.
La modélisation des évènements sismiques et leur représentation tridimensionnelle ouvrent de nouvelles
possibilités pour une meilleure compréhension des forces extrêmes libérées lors de violentes secousses telluriques. Ce domaine captivant a
incité Munich Re a entamer en la
matière une coopération avec l’École
polytechnique de Milan.
Au cours de ces dernières années, les
orages violents ont gagné en intensité, non seulement aux États-Unis
mais aussi sur le continent européen.
Chaque année, les chutes de grêle,
notamment, coûtent des milliards à
l’industrie des assurances.
Comment les évènements dommageables se sont-ils développés à
l’échelle mondiale durant ces dernières décennies et quelles sont les
raisons de cette évolution ? Depuis
très longtemps déjà, Munich Re s’intéresse de façon approfondie à ces
questions. Les méthodes utilisées
dans ce contexte ont constamment
été améliorées, ajustées et actualisées sur la base des connaissances
scientifiques les plus récentes. Les
tendances ainsi que leurs causes ne
peuvent être identifiées et analysées
qu’en fonction de l’évaluation des
valeurs socioéconomiques, de la
variabilité du climat et du changement climatique.
Le NatCatSERVICE de Munich Re
offre un panorama détaillé des évènements dommageables et se
concentre sur l’analyse des séries
chronologiques. Pour la première
fois, l’ensemble de nos statistiques et
de nos analyses ressortant de la présente publication sont accessibles
sous forme de graphiques interactifs
en ligne.
>> Rendez-vous sur notre site
www.munichre.com/topicsgeo2015
Munich Re Topics Geo 2015
53
NatCatSERVICE et Recherche
L’année en chiffres –
au niveau global
Depuis 2011, année où les charges
d’indemnisation liées aux catastrophes naturelles avaient atteint de
nouvelles dimensions, 2015 est la
quatrième année consécutive de
faible sinistralité. Bien que la charge
de sinistres ait été modérée par suite
de la quasi-absence de catastrophes
extrêmes, le préjudice total de 2015 a
représenté 100 milliards de $US,
dont 30 milliards à la charge des
assureurs. Non seulement le montant total des sinistres est resté inférieur à la moyenne des dix années
précédentes de quelque 180 milliards de $US, mais il s’est aussi
maintenu en dessous de la moyenne
à long terme enregistrée sur les 30
dernières années (130 milliards
de $US). En revanche, les dommages
assurés ont atteint à peu de chose
près la charge de sinistres de 2014
(31 milliards de $US) et un ordre de
grandeur similaire à la moyenne à
long terme des 30 dernières années
(34 milliards de $US). En 2015,
23 000 personnes ont perdu la vie
dans des catastrophes naturelles, ce
qui représente un nombre trois fois
supérieur à l’année précédente qui,
avec quelque 7 700 morts, compte
parmi les années ayant enregistré le
moins de victimes. Quant au nombre
des évènements, les déclarations se
sont maintenues à la hausse avec
une envergure toujours plus importante, ce qui a entraîné une augmentation des évènements (1 060). L’augmentation la plus forte a été
enregistrée pour les dommages peu
importants et minimes, qui comportent le plus d’impondérables. À ce
sujet, l’article de la page 62 aborde
de manière détaillée le thème de la
comparabilité des évènements historiques et des évènements actuels.
54
Munich Re Topics Geo 2015
Évènements : 1 060
Répartition en pourcentage
Nombre d’évènements
Les catastrophes survenues dans le
monde entier peuvent être classées
en quatre groupes principaux : 6 %
des évènements survenus l’année
passée sont imputables à des phénomènes géophysiques (tremblements
de terre, tsunamis, éruptions volcaniques) et présentent le plus grand
écart par rapport à la moyenne à long
terme qui se situe à 12 %. 94 % des
évènements relèvent de phénomènes
météorologiques ; 41 % sont imputables à des tempêtes et 42 % à des
inondations, 11 % concernent des
évènements climatologiques (sécheresse, vagues de chaleur et incendies
de forêts). La répartition des évènements météorologiques entre les différents risques correspond à la
moyenne à long terme.
Évènements géophysiques
Évènements météorologiques
Évènements hydrologiques
Évènements climatologiques 6%
41 %
42 %
11 %
Victimes* : 23 000
Répartition en pourcentage
Victimes
Avec 23 000 victimes recensées,
2015 reste en dessous de la moyenne
des 10 ainsi que des 30 années passées. Cependant, quelques évènements très graves ont eu lieu au
cours de l’année. 80 % sont survenus
sur le continent asiatique, ce qui est
bien plus que la moyenne à long
terme d’environ 70 %. La catastrophe
ayant provoqué le plus de victimes a
été, de loin, la série de tremblements
de terre qui a secoué, fin avril, le
Népal et les pays voisins : Inde, Chine
et Bangladesh. 9 000 personnes y
ont perdu la vie. Cet évènement fait
partie des 15 tremblements de terre
ayant causé le plus de victimes dans
le monde depuis 1980.
Évènements géophysiques Évènements météorologiques Évènements hydrologiques Évènements climatologiques * hors personnes disparues
Source : Munich Re, NatCatSERVICE
42 %
10 %
24 %
24 %
Une vague de chaleur survenue en
mai et juin en Inde et au Pakistan a
coûté la vie à près de 3 700 personnes. En Europe également, le
temps chaud et sec a eu de graves
conséquences : 1 200 personnes sont
décédées.
pête hivernale Goliath a totalisé, avec
de graves orages, tornades et fortes
averses, ainsi qu’une tempête de
neige dans le sud-ouest du pays, près
de 550 millions de $US de dommages assurés. 45 personnes ont
trouvé la mort pendant ces épisodes.
Sinistres
En dehors de l’Amérique du Nord,
l’Europe et l’Asie ont, elles aussi, été
touchées : la tempête hivernale
Niklas a sévi en mars et avril sur
toute l’Europe, et les tempêtes Desmond et Eva ont provoqué de très
importantes inondations pendant
l’hiver en Grande-Bretagne. Au total,
les sinistres survenus en Europe ont
coûté au secteur de l’assurance près
de 5 milliards de $US. En août, le
typhon Goni s’est abattu sur le Japon,
la Corée et les Philippines et a provoqué des dommages assurés s’élevant
à 1,4 milliard de $US. Le marché de
l’assurance australien a également
été frappé par plusieurs évènements
en 2015, dont des intempéries
accompagnées de grêle et de crues
éclair ainsi qu’une tempête hivernale
en avril. Le préjudice total pour 2015
se monte à près de 2 milliards de $US.
La charge totale des sinistres liée aux
catastrophes naturelles au cours de
l’année passée affiche un total de
100 milliards de $US. 31 évènements
ont dépassé la barre du milliard, dont
le tremblement de terre au Népal, les
tempêtes hivernales aux États-Unis,
au Canada et en Europe, les typhons
en Chine, au Japon et aux Philippines, les inondations à grande
échelle en Grande-Bretagne, ainsi
qu’une série de périodes de sécheresse qui a touché pratiquement tous
les continents. Dans une comparaison sur le long terme, la charge des
sinistres résultant d’évènements
géophysiques s’est réduite de 22 à
7 %, tandis que pour les tempêtes,
elle est passée de 40 à 47 %. Les évènements hydrologiques sont restés
pratiquement au même niveau, soit
environ 28 %, ceux liés au climat ont
légèrement augmenté, passant de la
moyenne de 13 à 18 %. Les périodes
de sécheresse jouent un rôle particulièrement important dans les secteurs agricoles des États-Unis, du
Canada, de l’Europe et de la Chine.
Le NatCatSERVICE de Munich Re
estime à environ 30 milliards de $US
la charge de sinistres pour l’assurance mondiale en 2015. Comme
pour le coût total des sinistres, c’est
la quatrième année consécutive que
ce montant affiche un repli, et la
valeur la plus basse depuis 2009.
58 % de tous les dommages assurés
sont survenus en Amérique du Nord,
19 % en Europe, 8 et 12 % en Australie et en Asie, et enfin 3 % en Amérique du Sud. Les évènements les
plus coûteux sont constitués par une
série de tempêtes hivernales aux
États-Unis et au Canada, qui ont provoqué des dommages assurés de
2,1 milliards de $US. Plusieurs épisodes d’intempéries occasionnés aux
États-Unis en avril et en mai ont
entraîné des pertes assurées de respectivement 1,2 et 1,4 milliard
de $US. À la fin de l’année, la tem-
Préjudice total : 100 milliards de $US
Répartition en pourcentage
Évènements géophysiques Évènements météorologiques Évènements hydrologiques Évènements climatologiques 7%
47 %
28 %
18 %
Dommages assurés : 30 milliards
de $US
Répartition en pourcentage
Évènements géophysiques Évènements météorologiques Évènements hydrologiques Évènements climatologiques 2%
69 %
19 %
10 %
Source : Munich Re, NatCatSERVICE
Munich Re Topics Geo 2015
55
NatCatSERVICE et Recherche
Nombre de catastrophes de 1980 à 2015
1 200
1 000
800
600
400
200
0
1980
1985
1990
Évènements géophysiques :
1995
2000
2005
2010
2015
2010
2015
Évènements hydrologiques :
tremblement de terre, tsunami,
activité volcanique
inondation, mouvement de terrain
Évènements climatologiques :
Évènements météorologiques :
tempête tropicale, tempête extratropicale, tempête convective, tempête locale
températures extrêmes, sécheresse,
incendie de forêt
Préjudice total et dommages assurés en milliards de $US de 1980 à 2015
350
300
250
200
150
100
50
0
1980
1985
Préjudice total*
(aux valeurs de 2015)
Dont dommages assurés*
(aux valeurs de 2015)
Source : Munich Re NatCatSERVICE
56
Munich Re Topics Geo 2015
1990
1995
2000
2005
Évolution du préjudice total
Évolution des dommages assurés
*corrigé des effets de l’inflation au moyen
de l’indice des prix à la consommation du
pays concerné, avec prise en compte des
variations des taux de change
L’année en chiffres –
par région
Amérique du Nord
22 % de tous les évènements survenus dans le monde en 2015 ont été
enregistrés en Amérique du Nord (y
compris l’Amérique centrale et les
Caraïbes), et 800 personnes au total
y ont perdu la vie. Sur les 30 milliards
de $US représentant le préjudice
total direct, 17 milliards de $US ont
été pris en charge par le secteur
assurantiel, soit plus de la moitié. Dix
évènements ont dépassé le milliard
en terme de préjudice total ; parmi
eux, trois évènements ont dépassé le
milliard de $US en terme de pertes
assurées : il s’agit entre autres des
tempêtes hivernales et des intempéries et inondations qui ont eu lieu aux
États-Unis et au Canada. La charge
totale des évènements dommageables a totalisé, rien que pour les
États-Unis, 24 milliards de $US, dont
14 milliards étaient assurés. Certaines régions des États-Unis et du
Canada ont souffert d’une sécheresse extrême en 2015. La production
agricole a subi les préjudices les plus
importants. Le coût total des
sinistres a atteint plus de 2 milliards
de $US. En 2015, la saison des ouragans a été modérée. La charge de
sinistres totale générée par les tempêtes tropicales dans l’Atlantique n’a
pas dépassé 1,5 milliard de $US, un
montant bien en deçà des moyennes
des années précédentes.
Amérique du Sud
Environ 100 évènements dommageables ont été recensés en 2015 sur
le continent sud-américain. Ce sont
principalement des inondations et
des intempéries qui ont coûté la vie à
370 personnes et provoqué un préju-
dice total direct de près de 2 milliards de $US. En outre, il s’est produit une série de petits tremblements
de terre et un évènement puissant au
Chili, provoquant un tsunami. La
magnitude du tremblement de terre
atteignait Mw 8,3, son épicentre était
situé dans la province d’Araucania. Le
préjudice total a atteint 800 millions
de $US, dont 350 millions étaient
assurés.
Évènements dommageables en 2015
Répartition en pourcentage par continent
Nombre d’évènements : 1 060
Amérique du Nord,
Amérique centrale, Caraïbes
Amérique du Sud
Europe Afrique
Asie
Australie/Océanie
32 %
3%
13 %
3%
44 %
5%
Europe
En 2015, 13 % de tous les évènements dommageables se sont produits en Europe. Ils ont entraîné la
mort de près de 1 600 personnes,
principalement lors des vagues de
chaleur au cours des mois d’été. Le
coût total des sinistres s’est élevé à
13 milliards de $US. Les dommages
assurés ont totalisé 5,6 milliards
de $US. C’est principalement en Allemagne, mais aussi dans d’autres
régions de l’Europe, que la tempête
hivernale Niklas a ravagé de vastes
superficies de fin mars à début avril.
Vers la fin de l’année, les tempêtes
hivernales Desmond et Eva ont
apporté d’intenses précipitations et
provoqué de vastes inondations en
Grande-Bretagne. Le sinistre total a
atteint pratiquement 3 milliards de
$US, dont presque 2 milliards ont
incombé au secteur assurantiel. En
2015, des évènements de petite
envergure ont également provoqué
d’importants dégâts. C’est justement
lors d’intempéries accompagnées de
fortes pluies que le risque de crues
éclair est important. Fin septembre,
20 personnes ont perdu la vie en
France, sur la Côte d’Azur, suite à un
évènement de ce type. Le front d’intempéries a également frappé l’Es-
Victimes* : 23 000
Amérique du Nord,
Amérique centrale, Caraïbes
Amérique du Sud
Europe Afrique
Asie
Australie
4%
2%
7%
7%
80 %
<1 %
*Nombre de victimes, hors famine et hors
personnes disparues
Source : Munich Re NatCatSERVICE
Munich Re Topics Geo 2015
57
NatCatSERVICE et Recherche
pagne et l’Italie. Au total, les pertes
assurées ont atteint 700 millions
de $US.
En 2015, l’Europe de l’Est et une partie de l’Europe centrale ont été frappées par une forte sécheresse, provoquée par un déficit de précipitations
considérable et des températures
élevées. La sécheresse a particulièrement affecté les récoltes en Roumanie, mais aussi en Pologne et en
République tchèque. Le préjudice
total est estimé à 1,5 milliard de $US.
Afrique
En 2015, le continent africain a été
frappé presque exclusivement par
des événements météorologiques,
avec au premier plan des épisodes de
sécheresse, des inondations, des
intempéries et deux cyclones tropicaux. Au total, une centaine d’événements dommageables ont été enregistrés. La charge de sinistres totale
a atteint 3 milliards de $US, dont
seulement une faible part était assurée. Près de 1 700 personnes ont
trouvé la mort au cours de ces épisodes catastrophiques, notamment
lors d’inondations. Deux périodes de
sécheresse qui ont sévi l’une dans le
sud de l’Afrique et l’autre en Éthiopie
ont constitué les évènements les plus
coûteux de 2015. Le préjudice total
occasionné par ces deux évènements
a atteint 2 milliards de $US.
Asie
39 % de tous les évènements dommageables recensés dans le monde ont
eu lieu en Asie, où 80 % des victimes
sont à déplorer. 44 % du préjudice
total, mais seulement 12 % des pertes
assurées ont été occasionnés en Asie.
Treize évènements ont généré un coût
total de dommages atteignant ou
dépassant un milliard de $US. Fin
avril, plusieurs secousses sismiques
ont ébranlé certaines régions de l’Asie
du Sud. Les séismes ont provoqué
d’importantes destructions, principalement au Népal. Plus de 500 000
maisons et bâtiments officiels ont été
détruits. Le préjudice total a atteint
4,8 milliards de $US. 9 000 personnes
ont perdu la vie. Le Bangladesh, la
Chine et l’Inde ont également été touchés, avec des dommages totalisant
presque 500 millions de $US. Du mois
58
Munich Re Topics Geo 2015
de juillet au mois de novembre, l’Inde
a subi plusieurs graves inondations.
Les fortes pluies de mousson ont
entraîné des débordement de fleuves.
Le coût total des dommages, ventilé
sur deux évènements principaux, a
atteint 5 milliards de $US, dont le secteur de l’assurance a assumé une part
d’environ 800 millions. La saison des
typhons, très active, a provoqué des
dégâts à hauteur de 11,5 milliards
de $US. Par ailleurs, en Asie, de
vastes zones ont été en proie à la
sécheresse et aux incendies de forêts.
Il importe de mentionner ici avant tout
les incendies à forte propagation qui
ont frappé l’Indonésie : dus à l’extrême
sécheresse, mais aussi à des départs
de feu volontaires, ils ont provoqué un
smog pendant plusieurs mois sur la
région.
Australie/Océanie
Les principaux évènements météorologiques survenus en 2015 se sont
concentrés sur cette région, au total
presque 80 %. L’évènement le plus
coûteux pour le secteur assurantiel et
l’économie globale a été une tempête
hivernale qui s’est abattue en avril sur
la Nouvelle-Galles du Sud et a provoqué des dégâts s’élevant à 1,3 milliard
de $US, dont 730 millions pris en
charge par les assureurs. Le cyclone
Marcia a touché les terres dans le
Queensland. La charge totale des
sinistres liés à des catastrophes naturelles en Australie a représenté
3,9 milliards de $US, dont 2,1 milliards étaient assurés.
Le cyclone Pam a balayé Vanuatu, les
Îles Fidji et Kiribati. La charge de
sinistres des deux évènements a
atteint 1,3 milliard de $US pour l’économie, les pertes assurées, quant à
elles, se sont chiffrées à 550 millions
de $US. En 2015, la Nouvelle-Zélande
n’a pratiquement pas connu d’évènements sévères ; il s’est produit
quelques inondations locales qui ont
provoqué des dégâts totalisant 200
millions de $US.
Nos analyses et graphiques actuels
ainsi que des représentations cartographiques sont téléchargeables gratuitement à partir de la rubrique
Touch Natural Hazards sur notre site
>> www.munichre.com/touch
Évènements dommageables en 2015
Répartition en pourcentage par continent
Préjudice total : 100 milliards de $US
Amérique du Nord,
Amérique centrale, Caraïbes
Amérique du Sud
Europe Afrique
Asie
Australie/Océanie
32 %
3%
13 %
3%
44 %
5%
Dommages assurés : 30 milliards de $US
Amérique du Nord,
Amérique centrale, Caraïbes
Amérique du Sud
Europe Afrique
Asie
Australie
Source : Munich Re NatCatSERVICE
58 %
3%
19 %
<1 %
12 %
8%
Évènements dommageables en 2015
Pourcentage des dommages assurés dans le préjudice total par continent
8%
45 %
56 %
1%
27 %
48 %
Dommages non assurés
Dommages assurés
Évènements dommageables en 2015 comparés à la période allant de 1980 à 2014
Répartition mondiale en pourcentage des dommages assurés sur les différents continents
17 %
64 %
12 %
19 %
12 %
58 %
<1 %
<1 %
1%
6%
3%
8%
Dommages assurés 2015
Dommages assurés 1980–2014*
*Corrigés des effets de l’inflation au moyen
de l’indice des prix à la consommation du
pays concerné, avec prise en compte des
variations des taux de change
Source : Munich Re NatCatSERVICE
Munich Re Topics Geo 2015
59
NatCatSERVICE et Recherche
Photos de l’année
Janvier–mars
16–25 février
18–21 février
Inondations : sud de l’Afrique
Tempête d’hiver : États-Unis, Canada
Cyclone Marcia : Australie
Préjudice total : 480 millions de $US
Préjudice total : 2 800 millions de $US
Préjudice total : 800 millions de $US
Dommages assurés : très faibles
Dommages assurés : 2 100 millions de $US
Dommages assurés : 400 millions de $US
Victimes : 288
Victimes : 40
Victimes : 1
25 avril
23–28 mai
Mai–juin
Tremblement de terre : Népal, Chine, Inde
Intempéries, crues éclair : États-Unis
Vague de chaleur : Pakistan, Inde
Préjudice total : 4 800 millions de $US
Préjudice total : 2 700 millions de $US
Préjudice total : faible
Dommages assurés : 210 millions de $US
Dommages assurés : 1 500 millions de $US
Dommages assurés : très faibles
Victimes : 9 000
Victimes : 32
Victimes : 3 670
16 septembre
30 septembre–6 octobre
1er–5 octobre
Tremblement de terre : Chili
Crues éclair : France, Italie, Espagne
Typhon Mujigae : Chine, Philippines
Préjudice total : 800 millions de $US
Préjudice total : 950 millions de $US
Préjudice total : 3 500 millions de $US
Dommages assurés : 350 millions de $US
Dommages assurés : 700 millions de $US
Dommages assurés : faibles
Victimes : 15
Victimes : 20
Victimes : 22
60
Munich Re Topics Geo 2015
23–26 mars
30 mars–1er avril
19–24 avril
Crues éclair : Chili
Tempête d’hiver Niklas : Europe
Tempête d’hiver : Australie
Préjudice total : 1 500 millions de $US
Préjudice total : 1 400 millions de $US
Préjudice total : 1 300 millions de $US
Dommages assurés : 500 millions de $US
Dommages assurés : 1 000 millions de $US
Dommages assurés : 730 millions de $US
Victimes : 31
Victimes : 11
Victimes : 7
Juin–novembre
6–11 septembre
12 septembre–8 octobre
Feux de forêt : Indonésie
Inondations : Japon
Feux de forêt : États-Unis
Préjudice total : 1 000 millions de $US
Préjudice total : 1 400 millions de $US
Préjudice total : 1 400 millions de $US
Dommages assurés : très faibles
Dommages assurés : 650 millions de $US
Dommages assurés : 960 millions de $US
Victimes : 19
Victimes : 8
Victimes : 4
2–6 octobre
17–27 novembre
Décembre
Inondations : États-Unis
Feux de forêt : Australie
Inondations : Royaume-Uni, Irlande
Préjudice total : 1 700 millions de $US
Préjudice total : 200 millions de $US
Préjudice total : 1 500 millions de $US
Dommages assurés : 400 millions de $US
Dommages assurés : 120 millions de $US
Dommages assurés : 1 000 millions de $US
Victimes : 21
Victimes : 2
Victimes : 5
Source : Munich Re NatCatSERVICE
Munich Re Topics Geo 2015
61
NatCatSERVICE et Recherche
Élargissement innovant
des possibilités
d’analyse d’évènements
historiques
Sur la trace des « hot spots » économiques
Figure 1 : niveau du PIB utilisé comme intermédiaire
pour l’évolution des valeurs, réparti sur une grille de
1°x1° pour les années 1980 et 2015. Plus une cellule
est rouge, plus elle contribue au PIB d’un pays
(mesuré en valeur nominale $US) .
Source : Munich Re, données de la Banque mondiale
1980
Jan Eichner, Petra Löw,
Markus Steuer
Les catastrophes naturelles survenues par le passé fournissent des
informations précieuses pour l’appréciation des risques actuelle, à condition de transférer les données relatives aux sinistres correctement à
l’époque présente. Les tendances qui
ressortent de ces données relèvent
de nombreuses influences variables
dans le temps et dans l’espace qu’il
convient de filtrer.
Pour établir l’évolution d’une tendance, il faut se baser sur le développement des valeurs socio-économiques et les modifications
concernant les périls naturels, par
exemple la variabilité et le changement climatiques. Dans ce contexte,
les facteurs économiques en matière
d’exposition sont généralement plus
déterminants. Autre composante
importante pour les tendances : la
prise en compte accrue d’évènements dommageables minimes, car
l’information s’est améliorée au fil du
temps dans les pays industrialisés et
émergents. Si l’on souhaite évaluer
l’influence des différents facteurs, il
faut que les données spatiales et
temporelles relatives aux sinistres
puissent être comparées à l’aide
d’une base de calcul économique
globale.
Inflation et normalisation
Pour évaluer les évènements historiques selon les critères actuels, il faut
se poser deux questions, apparemment semblables mais pourtant fondamentalement différentes : (a) Que
62
Munich Re Topics Geo 2015
coûterait aujourd’hui le sinistre provoqué par l’évènement X ? (b) Quels
dommages causerait aujourd’hui
l’évènement X ? Alors que pour
répondre à la première question, on
prend en considération les types de
sinistre et ne s’intéresse qu’à l’évolution de la valeur monétaire de l’ensemble des dégâts, on doit, pour
répondre à la question (b), réévaluer
le sinistre selon les conditions
actuelles et donc tenir compte des
changements pour les valeurs exposées et la vulnérabilité.
Dans le premier cas, il suffit de reporter l’inflation sur les données historiques de sinistres à l’aide d’un indice
des prix établi. Il est ici important
que l’indice reflète bien l’évolution
réelle des prix dans la région concernée et se rapporte à la monnaie dans
laquelle est exprimée la valeur des
dégâts dans le pays concerné.
Quant à la deuxième question qui
porte sur l’ampleur qu’atteindraient
aujourd’hui les dégâts économiques
d’un évènement historique, il faut en
plus procéder à un ajustement des
valeurs telles qu’elles ont évolué localement. Cet ajustement est appelé
normalisation. Si l’on considère les
sinistres assurés en tenant compte
des changements subis par le taux
de pénétration de l’assurance, on
parle d’indexation. Des valeurs
macroéconomiques comme le produit intérieur brut (PIB) se sont imposées à l’échelle mondiale pour la normalisation des données de sinistres
(voir aussi Topics Geo 2012).
2015
10 3
10 6
10 9
10 12
Source : Munich Re, données de la Banque mondiale
Le revenu détermine la catégorie
de catastrophe
La classification d’une catastrophe naturelle dépend
du lieu où elle survient. Si, selon la Banque mondiale,
un pays fait partie de la catégorie de revenus (CR)
faibles, on atteint le niveau catastrophique maximal
lorsque les dégâts se montent à 100 millions de $US.
Pour les pays riches, ce cas de figure se produit pour
une valeur multipliée par 30. Le nombre des victimes
joue également un rôle prépondérant.
Catégorie de
catastophe (CC) :
CR élevé
0
1
2
3
4
≥ 0
≥ 3 ≥ 30 ≥ 300 ≥ 3 000
CR moyen supérieur ≥ 0
≥ 1 ≥ 10 ≥ 100 ≥ 1 000
CR moyen inférieur
≥ 0 ≥ 0,3
≥ 3
≥ 30
≥ 300
CR faible
≥ 0 ≥ 0,1
≥ 1
≥ 10
≥ 100
Victimes
0
≥ 1 ≥ 10 ≥ 100 ≥ 1 000
Paliers des dégâts en millions de $US normalisés
Source : Munich Re
Les données de bonne qualité sont
disponibles et facilement accessibles. Pour cela, on multiplie une
valeur de sinistre historique par un
facteur de normalisation qui correspond au rapport entre le PIB actuel et
le PIB au moment de survenance de
l’évènement dans le passé. En partant du principe que ce rapport entre
les PIB représente proportionnellement l’évolution des valeurs sur place,
on peut calculer la valeur attendue
des sinistres obtenue si l’évènement
se reproduisait de nos jours. Cependant, il n’est pas tenu compte des
influences résultant des changements que subit la vulnérabilité.
Nouvelle approche : normalisation
spécifique au risque et appliquée à
une cellule
Si les données de PIB se rapportent à
un pays entier ou à une zone considérablement plus grande que la
région touchée par la catastrophe
naturelle, on ne peut pas vraiment se
fonder sur un rapport proportionnel
entre le PIB national et l’évolution
locale des valeurs. Pour contrer cette
distorsion, nous avons conçu une
méthode que nous appelons la normalisation régionalisée appliquée à
un risque. Ce modèle de normalisation repose sur une grille de 1°x1°.
Pour chaque cellule, on calcule proportionnellement pour chaque année
le PIB du pays, en commençant par
l’année 1980. La pondération est réalisée avec l’évolution de la population
dans la cellule, partiellement interpolée et extrapolée (figure 1). La particularité de cette approche réside
dans le fait que chaque cellule individuelle contient une série chronologique avec la part du PIB qui lui correspond depuis 1980. Les cellules qui
se superposent à des frontières géographiques sont divisées et la part
qui leur correspond leur est attribuée.
NatCatSERVICE, la banque globale
de données des sinistres de
Munich Re, archive les coordonnées
géographiques pour les localités et
régions qui sont le plus touchées par
un évènement dommageable. Ces
dernières forment la base de ce qu’on
appelle une « empreinte de dégâts »
(footprint) d’un évènement. En outre,
chaque risque naturel (orage, crue
éclair ou tempête hivernale) présente
une étendue individuelle, qu’on
appelle « empreinte du risque ».
Empreintes
Une tempête hivernale couvre une
surface qui est souvent nettement
supérieure à celle d’un orage dont
l’étendue géographique en général
dépasse largement celle des crues
éclair qui se produisent après de
fortes précipitations. L’objectif est
d’atteindre un genre de compromis
géométrique entre l’empreinte du
risque et l’empreinte des dégâts sur
la grille de 1°x1°.
Pour chaque évènement, les informations de sinistres géocodées et le
modèle de sélection spécifique au
risque sur lequel ces informations
s’appuient révèle une empreinte de
normalisation individuelle. Elle
indique les cellules à utiliser pour
former le facteur de normalisation.
NatCatSERVICE a déterminé les
empreintes typiques pour cinq types
fondamentaux d’évènements dommageables. Classés en fonction du
degré de propagation, ils s’énumèrent
comme suit :
1.évènements à petite échelle (par
exemple crues éclair, glissements
de terrain et impacts de foudre) ;
Empreintes de différentes catastrophes
naturelles
Figure 2 : chaque catastrophe naturelle produit
des dégâts spécifiques, soit son « empreinte de
dégâts ». Il va de soi que pour les tempêtes
comme l’ouragan Katrina de 2005 ou la tempête hivernale Martin de 1999, cette empreinte
est plus importante que celle d’orages violents
localisés.
Ouragan Katrina 2005 aux États-Unis
Tempête hivernale Martin 1999 en
France et en Espagne
Inondations 1991 en Chine
2.évènements localisés (par
exemple orages violents, tremblements de terre, feux de brousse et
de forêt) ;
3.inondations (crues fluviales) ;
4.évènements côtiers (cyclones tropicaux, ondes de tempête, tsunamis) ;
Orages violents 2001 en Europe
5.évènements étendus (par exemple
tempêtes hivernales, sécheresses
et vagues de chaleur).
La figure 2 présente une sélection
d’exemples pour quelques-uns de ces
modèles de sélection par cellule spécifiques au risque. Des figures de ce
type ont été établies pour les quelque
28 000 évènements survenus par
pays depuis 1980 et enregistrés au
NatCatSERVICE. Afin de déterminer
le facteur de normalisation respectif,
on additionne les valeurs des cellules
d’une même empreinte pour l’année
Source : Munich Re
Munich Re Topics Geo 2015
63
NatCatSERVICE et Recherche
où l’évènement dommageable est survenu et on compare cette valeur au
total des valeurs des cellules de la
même empreinte de l’année en cours.
Le tableau de la page 65 montre les
résultats obtenus pour les 10 évènements sélectionnés.
La figure 4 (page 66, colonne de
droite) représente l’évolution des
totaux annuels dans le monde entier
des sinistres dus aux catastrophes
naturelles avec valeurs nominales,
constantes (corrigées des effets de
l’inflation), basées sur les cellules et
normalisées, sur une période de 1980
à 2015, pour tous les types de risque
naturel. On reconnaît un certain aplatissement de la progression du montant des dommages en valeurs normalisées par rapport à la progression
des valeurs nominales et constantes.
Cependant, cette diminution doit être
interprétée avec précaution car
d’autres tendances peuvent se dessiner par région et par risque, mais ne
sont pas visibles dans une analyse
globale.
La figure 3 représente deux exemples
de tendances régionales pour les
montants de dégâts causés par des
orages violents en Amérique du Nord
et par des inondations en Europe.
L’augmentation des dégâts provoqués
par des orages violents dans l’application normalisée suit les observations
météorologiques faites aux ÉtatsUnis : une augmentation de l’intensité
des orages violents et donc dévastateurs avec la formation de tornades et
de fortes averses de grêle. Pour l’évaluation de la tendance négligeable
des dégâts normalisés provoqués par
des inondations, il faut tenir compte
du fait que depuis les inondations
catastrophiques de 2002, de nombreuses mesures de protection ont
été améliorées. Ces mesures ont été
efficaces : malgré des paramètres
hydrauliques similaires, les dégâts
provoqués par les inondations de
2013 sont largement en dessous de la
valeur de 2002, quand on compare les
valeurs normalisées.
64
Munich Re Topics Geo 2015
Le nombre d’évènements importe peu
La méthode de normalisation présentée ici permet de déterminer pour
n’importe quelle région l’évolution
dans le temps des montants des
sinistres propres à un risque spécifique. Pour étudier l’évolution économique mais aussi évaluer les risques,
il faut au préalable s’assurer que le
recensement des évènements dommageables a été fait de la même
manière sur toute la période concernée, ce qui n’est pas le cas pour la plupart des régions. Par exemple, Internet a grandement contribué à mieux
recenser en particulier les évènements de moindre envergure qu’il y a
disons 30 ans. Cet effet a une
influence capitale sur la tendance à
l’augmentation des évènements dommageables, comme on le voit sur la
figure 4 (colonne de gauche, en haut).
Mais cette tendance n’a pas d’influence notable sur la courbe des
montants des dégâts car les montants annuels, tous types de risque
naturel confondus, dépendent d’un
petit nombre d’évènements dommageables de grande envergure qui eux,
ont toujours été enregistrés.
Une meilleure comparaison possible
grâce à la classification différenciée
Pour pouvoir analyser l’influence des
évènements dommageables (petits ou
grands) sur les statistiques de
sinistres, il est important de procéder
à une classification réfléchie de ces
évènements. On pourrait appliquer
trois paliers (par exemple 10, 100 et
1 000 millions de $US) sur les données relatives aux sinistres normalisées pour classer les évènements survenus dans le monde entier en
fonction de la gravité des dégâts économiques qu’ils ont créés. Cependant,
une telle classification ne tient pas
compte du fait que des sinistres d’un
montant de 100 millions de $US n’ont
pas la même importance pour un pays
comme Haïti ou le Bangladesh que,
par exemple, pour les États-Unis ou
l’Allemagne. On peut atténuer ces différences géographiques et économiques en divisant encore les paliers.
Pour ce faire, on prend les quatre catégories de revenus que la Banque mondiale utilise pour effectuer sa classification annuelle de tous les pays. Le
PNB par habitant augmente d’un fac-
teur d’environ 3 à 4 pour chaque catégorie de revenus. Les mesures de classification des catastrophes du tableau
de la page 62 sont basées sur cette
classification selon laquelle la gravité
d’un évènement mesurée selon le
montant des dégâts dépend du
groupe de revenus. En outre, le
nombre de victimes est également
inclus dans la mesure de la gravité.
Le montant des dégâts et le groupe de
revenus normalisés d’un pays ainsi
que le nombre de victimes déterminent la catégorie d’une catastrophe.
C’est la méthode la plus solide pour
pouvoir comparer les conséquences
économiques des catastrophes naturelles par région et par période. Après
avoir appliqué cette approche à tous
les évènements dommageables de la
base de données NatCatSERVICE, on
constate que seuls les évènements
graves de chaque année référencée
importent vraiment pour établir l’évolution des statistiques des montants
liés aux sinistres (figure 4, tout en bas
à droite). Le nombre d’évènements de
petite envergure qui a augmenté au
cours des dernières années grâce à de
meilleurs moyens de recensement ne
joue guère sur les statistiques
(contrairement aux statistiques sur le
nombre) (voir figure 4, rangée du
milieu). Même si le nombre d’évènements enregistrés avec de faibles
dégâts est bien plus élevé qu’avant,
cela n’a pratiquement aucune
influence sur le montant total des
dommages.
Après normalisation et filtrage à l’aide
des catégories de catastrophes naturelles (CC), il reste donc des tendances et des variations résiduelles
dont l’attribution met à jour les variations de vulnérabilité (par exemple
une meilleure protection contre les
inondations, des normes de construction plus strictes ou des systèmes
d’avertissement plus perfectionnés)
ainsi que les variations du risque
naturel lui-même (intensités plus ou
moins fortes et fréquences des évènements liés aux risques naturels). Pour
pousser encore plus loin la différenciation, il faut observer les statistiques par région et par risque. Pour
ce type d’analyses plus poussées, la
méthode présentée ici forme une
base appropriée.
Exemples de tendances régionales des montants des sinistres
Figure 3 : sinistres annuels en valeurs nominales et normalisées provoqués par des orages violents en Amérique du Nord, et dégâts causés
par les inondations en Europe. Alors que l’augmentation des dégâts
normalisés dus aux orages violents est causée par des phénomènes
météorologiques, il ne faut pas oublier de tenir compte des mesures
de protection mises en place au cours des dernières années pour
expliquer l’évolution des dégâts provoqués par les inondations.
Dégâts liés à des orages violents en Amérique du Nord
(en milliards de $US)
Sinistres provoqués par des inondations en Europe
(en milliards de $US)
50
50
40
40
30
30
20
20
10
10
0
0
1980
1985
1990
1995
2000
2005
2010
2015
1980
1985
1990
1995
2000
Sinistres originaux en milliards de $US
Sinistres originaux en milliards de $US
Sinistres normalisés en milliards de $US
Sinistres normalisés en milliards de $US
Tendance linéaire des dégâts normalisés
Tendance linéaire des dégâts normalisés
2005
2010
2015
Source : Munich Re NatCatSERVICE
Comparatifs des sinistres originaux et normalisés des plus gros évènements depuis 1980
Le tableau représente, après normalisation, les évènements les plus
dévastateurs depuis 1980 et permet de comparer directement les
sinistres originaux et normalisés. Il met à jour deux effets remarquables : au Japon, les sinistres normalisés des deux grands tremblements de terre sont moins importants que les sinistres originaux, ce
qui est dû non seulement à la stagnation économique du Japon mais
aussi et en grande partie à la baisse du yen par rapport au dollar US
depuis quelques années. Autre cas extrême : la Chine. On y constate
les plus gros effets de la normalisation. L’énorme essor économique
le long des grandes voies navigables et des côtes chinoises entraîne
un facteur de normalisation de 24, par exemple pour les inondations
survenues dans l’est de la Chine en 1991. Ces exemples de chiffres
montrent bien les potentiels de dégâts qui résident dans les catastrophes naturelles historiques si elles survenaient de nos jours.
Année
Évènement
Région touchée
Sinistres originaux en
valeur nominale
(en milliards de $US)
Dégâts normalisés
(en milliards de $US)
2011
Tremblement de terre et tsunami à Tohoku
Japon
210
174
2005
Ouragan Katrina
États-Unis
125
167
1991
Inondations dans l’est de la Chine
Chine
6,8
165
2008
Tremblement de terre dans le Sichuan
Chine
85
156
1998
Inondations à Jangtse
Chine
16
130
1994
Séisme de Northridge
États-Unis
44
91
1995
Tremblement de terre de Kobe
Japon
100
90
1992
Ouragan Andrew
États-Unis et Bahamas
27
82
1988
Tremblement de terre de Spitak
Arménie et Turquie
14
71
2012
Ouragan Sandy
États-Unis, Caraïbes et Bahamas 68,5
70
Source : Munich Re NatCatSERVICE
Munich Re Topics Geo 2015
65
NatCatSERVICE et Recherche
Nouvelle évaluation des évènements dommageables historiques
Figure 4 : statistiques sur le nombre selon la classification des catastrophes naturelles (à gauche) et montants annuels correspondants
pour la totalité des sinistres directs. Le message essentiel de cette
figure : les évènements CC0 ne contribuent pratiquement pas au
montant total des sinistres cumulés. La courbe du montant total des
sinistres est essentiellement déterminée par les évènements dommageables les plus importants et les plus graves (CC4).
Nombre d’évènements dommageables de la CC0 à la CC4
Total annuel mondial sin. cumulés en Mds de $US (CC0-CC4)
1.200
450
400
1 000
350
800
300
250
600
200
400
150
100
200
50
0
0
1980
CC4
1985
1990
CC3
1995
CC2
2000
2005
CC1
2010
2015
CC0
1980
1985
Valeurs normalisées 1990
1995
2000
Valeurs corrigées inflat. 2005
2010
2015
Valeurs nominales
Nombre d’évènements dommageables de la CC1 à la CC4
Total annuel mondial sin. cumulés en Mds de $US (CC1-CC4)
800
450
400
350
600
300
250
400
200
150
200
100
50
0
0
1980
CC4
1985
1990
CC3
1995
CC2
2000
2005
2010
2015
CC1
1980
1985
Valeurs normalisées 1990
1995
2000
Valeurs corrigées inflat. 2005
2010
2015
Valeurs nominales
Nombre d’évènements dommageables de la CC4
Total annuel mondial sinistres cumulés en Mds de $US (CC4)
45
450
40
400
35
350
30
300
25
250
20
200
15
150
10
100
5
50
0
0
1980
1985
1990
1995
CC4
2005
2010
2015
1980
1985
Valeurs normalisées Source : Munich Re NatCatSERVICE
66
2000
Munich Re Topics Geo 2015
1990
1995
2000
Valeurs corrigées inflat. 2005
2010
2015
Valeurs nominales
L’observation de la
Terre par satellite –
Une chance pour la
gestion des risques
Andreas Siebert
Même si des images satellites sont
disponibles depuis des décennies,
les assureurs y ont encore peu
recours pour la gestion des risques.
Les fournisseurs et les utilisateurs
doivent intensifier leur coopération
pour exploiter le potentiel de cette
source de données et d’informations.
Depuis les années 1980 déjà, le programme américain Landsat et le programme français SPOT fournissent
des images prises depuis l’orbite terrestre destinées à des applications
civiles. Aujourd’hui, le nombre croissant de fournisseurs nationaux et
commerciaux sur le marché de la
télédétection permet aux personnes
intéressées de recourir à une multitude de systèmes satellitaires, tel
que le programme Copernicus de
l’Union européenne. Sept missions
satellitaires spécialement conçues,
réalisées par les satellites Sentinels,
constituent le cœur de la composante spatiale de ce programme. Les
Sentinels prennent des images radar
et spectrales en vue d’observer la
Terre et de surveiller les océans et
l’atmosphère.
Outre les satellites, des avions et des
drones fournissent aussi des images
de la surface de la Terre prises à
faible altitude. Tandis que les satellites se prêtent bien à l’observation
de vastes régions telles que des étendues inondées, les drones, eux,
offrent des avantages quand il s’agit
de surfaces plus petites ou de complexes industriels.
Résolution – le maître-mot dans le
secteur
Grâce à la diversité des fournisseurs
de données, la résolution temporelle
s’est nettement améliorée au cours
de ces dernières années. Aujourd’hui,
de nombreuses régions de la Terre
sont survolées pratiquement tous les
jours par au moins un système prenant des images de celles-ci. Autrefois, cela se produisait plutôt une fois
par semaine. Mais de nos jours, le
défi consiste à repérer les données
appropriées dans cette « jungle de
fournisseurs » fortement fragmentée.
La résolution spatiale, c’est-à-dire la
capacité d’enregistrer des détails,
constitue un critère essentiel dans le
cadre de l’imagerie satellite numérique. Plus le nombre de cellules de
trame (pixels) disponibles pour l’enregistrement d’une surface donnée
est important, plus le niveau de
détails est élevé. Alors qu’autrefois,
des résolutions de l’ordre de plusieurs dizaines de mètres étaient
d’usage, de nos jours, on peut identifier des objets à une échelle décimétrique. Les experts l’appellent THR,
« très haute résolution ». Cette
« finesse des détails » permet de distinguer clairement des bâtiments,
des infrastructures et même des
véhicules. En revanche, il faut être
prêt à recueillir un volume de données sensiblement plus élevé, ce qui
ne devrait pas poser de problème,
surtout lorsque les régions analysées
sont de petite taille.
Munich Re Topics Geo 2015
67
NatCatSERVICE et Recherche
Données d’observation de la Terre (satellites, vues aériennes, drones) :
valeur ajoutée pour l’industrie des assurances illustrée au moyen d’exemples choisis
Données brutes
­d’observation de la Terre
Traitement d’image en
rapport avec le risque
Combinaison avec des
données d’assurance
Valeur ajoutée pour
la gestion des risques
Zones d’impact
d’un évènement
Visualisation
Surfaces
­urbanisées
Surfaces agricoles
Modèles
­topographiques
numériques
Catégories de
bâtiments
Indice de
­végétation
Zones arides
Détection
d’incendies de
forêt
Fuites de chaleur
Surveillance
­systématique
(avant/après)
Garanties
­(marché/client)
Vulnérabilité
Scénarios
Lieux du risque
Zones de cumuls
Sites à risques
Sinistres
Complexes
­industriels
Pénétration
de l’assurance
Modélisation
en 3D
Source des images satellites : GAF AG, © Antrix, GAF, ASI, e-geos, Airbus,
­DigitalGlobe, USGS/NASA
68
Munich Re Topics Geo 2015
Modélisation
des risques
Évaluation
des risques
Estimation
des sinistres
Contrôle
des cumuls
Détection
de fraudes
Potentiels
de marchés
Développement
de produits innovant
Outre la résolution temporelle et spatiale, la résolution spectrale joue un
rôle important pour les capteurs de
télédétection. Celle-ci dépend des
longueurs d’ondes du rayonnement
électromagnétique saisies par les
capteurs (lumière visible, infrarouge
proche ou lointain, par exemple).
Habituellement, les satellites réalisent des prises de vue sur différents
canaux spectraux. Quand ils saisissent la lumière visible, cela ressemble à la vue depuis un avion. Les
canaux infrarouges, par contre,
peuvent renseigner sur l’état de la
végétation ou la vitalité des plantes.
Cela est utile pour l’assurance des
risques agricoles et les estimations
de récolte. Les images thermiques
affichent des différences de température et sont utilisées pour les questions climatiques et la surveillance
des centrales, notamment en vue de
détecter des fuites de chaleur.
Parmi les images pouvant être fournies par les différents canaux spectraux, on peut aussi citer les prises
de vue radar fonctionnant selon le
principe RSO (radar à synthèse d’ouverture). Leur principal avantage est
qu’elles ne sont pas tributaires des
conditions météorologiques parce
qu’elles permettent de voir ce qu’il
y a sous la couche nuageuse.
Construire des passerelles
Les données satellites font partie des
« géodonnées » étant donné qu’elles
sont dotées d’un géoréférencement.
Par conséquent, ces informations
sont principalement utilisées dans le
cadre de l’analyse des risques naturels. Les experts en géorisques y ont
aussi recours pour la surveillance
météorologique à court terme et pour
la surveillance climatique à long
terme. Les outils de prestations de
service aux clients font également
appel aux données satellites, notamment pour la visualisation et l’orientation, comme c’est le cas dans Google Earth. Ce programme, qui n’existe
que depuis 2005, est devenu indispensable pour un grand nombre
d’applications cartographiques.
Notre outil de prestations de service
en matière de risques naturels
NATHAN (Natural Hazards Assessment Network) repose aussi sur ces
techniques de visualisation. Les
informations satellites sont moins
« visibles » dans les analyses complexes de données, comme par
exemple dans les cartes des risques
naturels. Cela vaut tant pour notre
zonage des risques de grêle que pour
notre carte des risques d’incendie de
forêt ou les zones de risques d’inondation détaillées. Ces dernières utilisent des modèles topographiques
numériques exacts établis à partir
d’images satellites.
Les données satellites ont tout
d’abord commencé à être utilisées
dans la souscription et la gestion des
risques par le biais des applications
post-évènement et post-catastrophe.
On se sert ici d’images actuelles pour
déterminer la zone sinistrée et, dans
le meilleur des cas, aussi l’intensité
des dommages. En recourant à des
procédés géoanalytiques, ces zones
d’impact peuvent ensuite être mises
en rapport avec les garanties consenties. Il est ainsi possible de réaliser
rapidement des estimations du dommage réalistes pour l’assurance
Dommages et l’assurance des
risques agricoles.
La résolution temporelle de meilleure
qualité apporte un support technique
sous forme d’images qui aide à
mieux accomplir les tâches de surveillance. On pourrait envisager des
applications dans le domaine de l’ingénierie qui permettent d’observer
l’avancée de projets de construction
ou bien le développement et l’état
d’installations infrastructurelles.
Formuler les besoins de manière
­précise
Par le passé, il s’est avéré à de nombreuses reprises que le dialogue
entre les gestionnaires de risques et
les fournisseurs de données ou de
services ne se déroulait pas de façon
optimale. La raison en était principalement qu’il y avait un manque de
compréhension mutuelle et que les
besoins des gestionnaires de risques
ou les limites techniques des fournisseurs n’étaient pas assez pris en
considération. Avec l’avancée du Big
Data et du Data Analytics dans de
plus en plus de domaines d’activité,
le nombre de nouveaux fournisseurs
et start-up proposant des solutions
pour les assureurs s’est multiplié.
Pour une collaboration fructueuse,
il est avant tout nécessaire que les
fournisseurs étudient les moyens
techniques dont ils disposent pour
répondre aux besoins des gestionnaires de risques. Les experts en
risques doivent également apporter
leur contribution. Ils doivent donner
une orientation plus claire aux fournisseurs de données afin d’exploiter
le potentiel d’innovation technique.
Les demandes telles que « nous
avons besoin de meilleures données
de sinistres » sont définitivement
trop imprécises et donnent immanquablement lieu à des déceptions de
part et d’autre. Il ne faut pas sous-estimer le long chemin que parcourent
les images et les données qu’elles
contiennent, car, pour devenir des
informations exploitables pour la
souscription, celles-ci doivent en partie passer par des procédés de traitement d’images et d’interprétation
complexes.
Nos experts dans le domaine des
géodonnées et des satellites se
tiennent à la disposition de nos
clients et de toutes les personnes
intéressées pour mener avec eux un
dialogue professionnel.
Munich Re Topics Geo 2015
69
BLINDTEXT
NatCatSERVICE
et Recherche
Violents orages
sur l’Europe
Eberhard Faust
L’intensité des orages a augmenté
dans certaines régions européennes
au cours des dernières années. La
prévention reste la condition sine qua
non pour réduire la gravité des
sinistres.
zone méditerranéenne et se dirige
vers le nord ont souvent pour origine
une dépression située dans l’ouest du
bassin méditerranéen, mais sont provoqués en raison de la présence
locale de cellules orageuses.
Les orages violents peuvent se produire partout en Europe. Une activité
orageuse particulièrement élevée est
présente dans les régions du sudouest, du centre, du sud et du sud-est
du continent : l’activité la plus
intense a été constatée dans le nord
de l’Italie, dans la plaine du Pô, directement au sud des Alpes. L’activité
est également intense au nord des
Alpes, dans un corridor en forme de
coude qui s’étend de la moitié nord
de la Suisse jusqu’aux régions autrichiennes, en passant par le sud de
l’Allemagne. On retrouve encore
d’autres régions touchées au pied
des Pyrénées et dans le sud-est de
l’Espagne, près du Massif Central en
France, ainsi que dans les régions
montagneuses du sud-est de l’Europe.
Les principaux responsables de
sinistres
Directement au-dessus des hautes
montagnes, l’activité orageuse
intense est réduite car en raison des
températures faibles qui y règnent au
niveau du sol et du faible taux d’humidité, l’action de la convection est
elle aussi faible, en moyenne. Dans
les régions européennes du nord et
du nord-ouest, ce qui inclut également les côtes, l’activité orageuse
baisse progressivement. Les
sinistres liés aux inondations de l’automne sur la côte méditerranéenne
française ou dans le nord de l’Italie
dues à un flux entrant qui part de la
70
Munich Re Topics Geo 2015
Les années passées, les graves
orages qu’a subis l’Europe ont souvent provoqué des sinistres assurés,
de plus d’un milliard d’€, principalement à cause de la grêle et des bourrasques, mais aussi suite aux crues
éclair. Par exemple, les graves orages
des 27 et 28 juillet 2013 qui se sont
abattus dans le nord et le sud-est de
l’Allemagne ont coûté aux assurances 3,8 milliards de $US. Souvent,
les bâtiments sont eux aussi endommagés par les grêlons qui, du fait
qu’ils ne tombent pas directement à
la verticale sous l’effet du vent,
attaquent les murs isolés de l’extérieur et enlèvent la mince couche de
crépi jusqu’au tissu armé. D’autres
surfaces verticales, par exemple les
éléments de façade, les enseignes
lumineuses ou les systèmes de protection solaire des vitrines, sont aussi
endommagés. En règle générale, on
constate que les toits et les murs/
éléments de façade des bâtiments
sont les acteurs principaux des
sinistres dus à la grêle. Les dégâts
sur les toitures et à l’intérieur des
bâtiments peuvent être amplifiés par
les pluies ultérieures qui pénètrent
surtout dans les vieux bâtiments
dont l’intérieur n’est plus protégé à
cause des toitures détruites.
Les dix plus gros sinistres normalisés assurés dus aux orages intenses
en Europe depuis 1980
Les sinistres des années passées ont été convertis sur la base de l’évolution du
PIB de chaque pays afin de les estimer comme des biens sinistrables existants
(valeurs pour 2015). Sept des dix plus gros évènements dépassent un milliard
de $US en sinistres assurés. Et sept des dix plus gros sinistres ont eu lieu au
cours des huit dernières années. Les valeurs annuelles des sinistres normalisés
dus aux orages intenses sont consultables en ligne (www.munichre.com/topicsgeo2015).
Date
27–28.7.2013
7–10.6.2014
Évènement
Pays touchés
Total des
sinistres, en
millions de $US
(valeur 2015)
Sinistres
assurés, en
millions de $US
(valeur 2015)
Tempêtes de grêle, intempéries
Allemagne
5 000
3 800
Intempéries (Ela), tempêtes de grêle
France, Belgique, Allemagne
3 800
3 000
Tempêtes de grêle
Allemagne (Munich)
5 400
2 700
12.7.1984
Morts
6
28.5–2.6.2008
Intempéries (Hilal), crues éclair
Allemagne
1 800
1 300
3
23–24.7.2009
Intempéries, tempêtes de grêle
Autriche, République tchèque,
Allemagne, Pologne, Suisse
2 200
1 300
11
15.6.2010
Crues éclair, inondations
Sud de la France
1 600
1 100
4–9.11.2011
Inondations, crues éclair
France, Italie, Espagne
2 100
1 100
2–3.7.2011
Crues éclair, intempéries
Danemark (Copenhague)
1 500
900
3–4.10.1988
Crues éclair
Sud de la France
1 400
870
3–9.11.1987
Crues éclair, glissements de terrain
Sud-est de l’Espagne
4 400
820
27
15
11
16
Source : Munich Re, NatCatSERVICE
Outre les dégâts sur les bâtiments
d’habitation et industriels, les dégâts
supportés par les assurances de
transport et automobiles contribuent
fortement au montant total des
sinistres, en particulier quand des
entrepôts de voitures ou de nombreux véhicules en circulation aux
heures de pointe sont touchés. Il est
clair que si les matériaux de
construction ont une plus grande
valeur, ce qui entraîne aussi des réparations plus coûteuses, les sinistres
dus aux orages violents et surtout à
la grêle et aux bourrasques augmentent eux aussi.
La situation des risques potentiels
change
De récentes recherches scientifiques
suggèrent que les sinistres potentiels
issus des épisodes de grêle en
Europe n’évoluent pas simplement
en raison de la croissance des valeurs
sinistrables et des coûts de réparation. La fréquence et l’intensité des
orages subissent, elles aussi, une
évolution.
Le potentiel énergétique des processus convectifs est décrit par l’énergie
potentielle de convection disponible
(CAPE = Convective Available Potential Energy) des orages : les caractéristiques thermodynamiques de l’atmosphère et leurs limites inférieures
permettent de déduire si l’énergie
disponible est suffisante pour des
processus convectifs. Les relevés
nécessaires pour cette analyse sont
effectués régulièrement par des stations météorologiques configurées
Munich Re Topics Geo 2015
71
NatCatSERVICE et Recherche
spécifiquement dans ce but. Une
étude récente (Mohr und Kunz 2013)
a constaté au niveau de ces stations
d’importantes tendances à la hausse
généralisées pour l’énergie orageuse
potentielle disponible en Europe sur
la période de 1978 à 2009. Les
régions principalement touchées
sont l’Europe Centrale et de l’Est,
mais également le sud de la France
et le nord de l’Italie.
Cette augmentation est principalement due à la croissance de l’humidité dans les couches inférieures de
l’atmosphère, une conséquence physique inévitable du réchauffement à
long terme. Au-dessus des mers
chaudes, plus d’eau s’évapore, et l’atmosphère peut présenter une teneur
en vapeur d’eau supérieure d’environ
7 % par degré Celsius d’augmentation de température dans un environnement saturé de vapeur d’eau. Dans
les processus convectifs lors de la
formation d’orages, l’air contenant de
la vapeur d’eau monte car il est spécifiquement plus léger que l’air sec
environnant. En outre, au niveau de
chaque transition des phases de l’eau
(gazeuse, liquide, gelée), une énergie
thermique supplémentaire se dégage
et favorise la convection. L’augmentation de la vapeur d’eau est donc
l’élément énergétique qui favorise la
convection. Ces tendances mesurées
au niveau des stations qui
influencent l’énergie orageuse disponible correspondent également aux
tendances constatées pour d’autres
indices de convection. Cependant,
ces grandeurs informent uniquement
sur le potentiel orageux, pas sur la
probabilité et la fréquence d’évolution de ce potentiel vers des orages
intenses en raison des mécanismes
de déclenchement comme les vastes
processus d’élévation ou les fronts.
L’énergie cinétique de la grêle augmente
Pour le sud-ouest de l’Allemagne, les
données des assurances, par
exemple le nombre de jours de
sinistres de grêle avec des sommes
dépassant certaines valeurs limites,
démontrent une augmentation des
évènements qui vont de pair avec
72
Munich Re Topics Geo 2015
l’augmentation locale de l’énergie
orageuse disponible et avec d’autres
variables liées aux orages (Kunz et al.
2009).
Des observations réalisées en France
(Atlantique/Pyrénées) avec des grêlimètres (hail pads) qui mesurent
l’énergie cinétique des grêlons ont
constaté des augmentations considérables de la moyenne annuelle de
l’énergie cinétique par averse de
grêle, de l’ordre de 70 % sur la
période de 1989 à 2009 (Berthet et
al. 2011), mais sans démontrer une
tendance quelconque sur la fréquence annuelle des évènements de
chutes de grêle. Dans le nord de l’Italie aussi, d’importantes croissances
de près de 60 % de l’énergie cinétique d’évènements intenses (les
10 % supérieurs) ont été observées
sur la période de 1975 à 2009 (Eccel
et al. 2012).
Dans ce contexte, il est intéressant
de noter que le niveau d’altitude de
l’isotherme 0 °C influence considérablement la granulométrie lors d’un
évènement grêligène, et donc l’énergie cinétique. Plus le réchauffement
augmente, plus le niveau d’altitude
de l’isotherme 0 °C monte. Dans ces
conditions, lors d’un orage de grêle,
les plus petits grêlons (environ < 1cm
de diamètre) fondent plus rapidement pendant leur chute. C’est pourquoi les analyses des grêlimètres
affichent des diminutions correspondantes lorsque la frontière de l’isotherme 0 °C se situe à une altitude
plus élevée. En revanche, dans les
couches plus importantes situées
sous la frontière de l’isotherme 0 °C,
il se forme en moyenne une zone de
vents ascendants plus prononcée qui
peut produire des grêlons plus gros
quand il fait plus chaud.
C’est pourquoi, dans ce cas, il y a plus
de gros grêlons (environ > 1 cm de
diamètre) qui arrivent au sol. Comme
l’altitude moyenne de l’isotherme
0 °C a augmenté au cours des
années passées, on peut supposer
que ce processus a déjà contribué à
l’augmentation de l’énergie cinétique
observée lors des épisodes de grêle,
et qu’il pourrait à l’avenir contribuer
encore plus à cette croissance (Dessens et al. 2015).
Les évènements grêligènes sont de
plus en plus fréquents
En ce qui concerne les changements
futurs de l’activité orageuse dans le
cadre du changement climatique, le
cinquième Rapport d’évaluation du
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat paru en
2013 constate : « D’une manière
générale, les évènements observés
dans les régions du monde analysées
jusqu’à présent suggèrent une tendance selon laquelle les conditions
environnementales sont propices aux
orages intenses, mais trop peu
d’études y ont été consacrées pour
permettre d’évaluer la probabilité de
cette évolution » (IPCC 2013, WG I, p.
1078).
Citons ici deux études qui ont eu
pour objet d’évaluer différents
sinistres assurés : dans le cas d’une
hausse de la température de 1 °C,
l’augmentation du coût des sinistres
causés par la grêle est, aux Pays-Bas,
de l’ordre de 25 à 29 % pour l’assurance des cultures en extérieur, et de
116 à 134 % pour l’assurance de l’horticulture sous serres (Botzen et al.
2010).
Les projections réalisées dans le
cadre d’un projet du Gesamtverband
der Deutschen Versicherungs­
wirtschaft (GDV – Fédération allemande des sociétés d’assurances),
conduit en partenariat avec des instituts de recherche sur le climat,
indiquent, en ce qui concerne le taux
de sinistres annuel de l’assurance
Habitation résultant des intempéries
estivales dominées par la grêle, pour
la période de 2011 à 2040, une augmentation de 15 % par rapport à la
période de référence allant de 1984 à
2008 ; pour la période de 2041 à
2070, ces projections prévoient une
augmentation de 47 %. Le scénario
d’émission présupposé (SRES A1B)
et le réchauffement global qui en
résulte devraient rester plus ou
moins constants jusqu’aux années
2040 (Gerstengarbe et al. 2013) si la
limite du réchauffement est maintenue à 2 °C.
Mais au delà des pourcentages, qui
cachent en fait de nombreuses incertitudes en ce qui concerne les
modèles et les scénarios de concentration des gaz à effet de serre, il faut
savoir que, même si l’humanité parvenait à ne pas dépasser la limite des
2 °C, on doit quand même s’attendre
à une augmentation considérable au
cours des décennies à venir.
Projection des sinistres causés par les tempêtes/la grêle en été
Évolution projetée du taux de sinistres estival résultant des tempêtes/de la
grêle (assurance Habitation) pour les périodes 2011 à 2040 et 2041 à 2070,
par rapport à la période de référence allant de 1984 à 2008. Les sous-unités
spatiales sont définies par des caractéristiques de sinistres homogènes et ne
correspondent à aucune région administrative ou courante dans l’assurance.
Changement prévu du taux de sinistres moyen annuel tempêtes/grêle en été,
pour la période de 1984 à 2008 en Allemagne
La prévention pour éviter les sinistres
Pour le preneur de risques, cela signifie que les efforts visant à améliorer
la résistance à la grêle des matériaux
de construction, l’utilisation de filets
anti-grêle et d’une manière générale,
les efforts pour la prévention des
sinistres vont prendre de plus en plus
d’importance. Car, outre les changements possibles en termes de
risques, les biens sinistrables vont
eux aussi augmenter.
Pour cette raison, le secteur de l’assurance favorise les mesures visant à
améliorer la capacité de résistance
des bâtiments. En Suisse, l’Association des établissements cantonaux
d’assurance incendie a introduit le
« Répertoire de la protection contre
la grêle » qui classe le niveau de
résistance à la grêle déterminé pour
différents matériaux utilisés comme
enveloppe du bâtiment. Les entreprises peuvent soumettre leurs produits à une procédure de certification
lors de laquelle les surfaces sont soumises à des tirs de grêlons aux caractéristiques définies. Si l’essai est
réussi, ces produits sont ajoutés à ce
répertoire. Grâce à des initiatives de
ce type, les fabricants de matériaux
peuvent intégrer la prévention des
sinistres à leur avantage sur leurs
concurrents. La prévention peut donc
être prise en compte dès la conception par les maîtres d’ouvrage de
sorte à minimiser la probabilité des
coûts élevés en réparations.
1984–2008
Taux de sinistres moyen :
0,034 ‰
Taux de sinistres
0,00
0,05
0,10
0,15
2011–2040
Différence moyenne par rapport à
1994–2008 : +0,005 (+15 %)
Différence sur la période
1984–2008
–0,01
0,00 0,01
0,02 0,03
2041–2070
Différence moyenne par rapport à
1994–2008 : +0,016 (+47 %)
Différence sur la période
1984–2008
–0,01
0,00 0,01
0,02 0,03
>> Pour les références à cet article,
voir l’article au même intitulé sur
notre site Internet
www.munichre.com/topicsgeo2015
Source : rapport final du projet mené par la Fédération allemande des sociétés
­d’assurances (GDV) sur les répercussions du réchauffement climatique sur la
­sinistralité dans le secteur de l’assurance en Allemagne, décembre 2011
Munich Re Topics Geo 2015
73
NatCatSERVICE et Recherche
Séismes virtuels
en 3D
Marco Stupazzini
Les superordinateurs permettent de
simuler des tremblements de terre et
leurs répercussions en 3D. L’analyse
de ces simulations fournit un outil
précieux pour la gestion des risques,
même si le domaine d’utilisation est
encore limité.
Le 17 janvier 1995, un puissant
séisme a ravagé la ville de Kobe, au
Japon. Il a fait près de 6 500 morts et
plusieurs dizaines de milliers de
sans-abri. Après cette catastrophe, le
gouvernement japonais a fait
construire « E-defense », la plus
grande table vibrante du monde
(www.bosai.go.jp/hyogo). Il s’agit
d’une installation impressionnante
pouvant simuler le comportement
des bâtiments lors de tremblements
de terre en leur imposant des mouvements dans les trois dimensions de
l’espace. Cette immense plateforme
expérimentale a ouvert aux ingénieurs des possibilités d’analyse radicalement nouvelles et a permis à un
certain nombre de scientifiques de
réaliser leur rêve en soumettant des
édifices à de fortes oscillations du sol
pour les tester.
Pourrait-on aussi faire de même pour
les séismes ? Serait-il possible, dans
le cadre d’une gigantesque expérience, de déclencher des secousses
telluriques dans le but d’étudier leurs
effets ? Deux choses s’y opposent :
d’une part, ce serait extrêmement
difficile car même un petit séisme de
74
Munich Re Topics Geo 2015
magnitude Mw = 5,0 libère à lui seul
une quantité d’énergie comparable à
celle de la bombe larguée sur Hiroshima en 1945. D’autre part, ce serait
très risqué.
Mais heureusement, il existe une
autre façon de procéder. Les superordinateurs permettent de créer un
laboratoire virtuel dans lequel des
évènements rares et imprévisibles
tels que les tremblements de terre
peuvent être simulés et analysés
sous certains aspects physiques. On
va ainsi pouvoir collecter de nouvelles données scientifiques, car les
séismes restent un phénomène complexe et dynamique dans le cadre
duquel la propagation des ondes joue
un rôle central.
Pour évaluer les répercussions d’un
évènement, on utilise jusqu’à présent
des cartes statiques montrant les
amplitudes maximales du mouvement du sol observées ou obtenues
par modélisation. Même si cette
méthode a ses limites, elle s’avère
judicieuse dans la plupart des cas :
−−La carte est normalement calculée
sur la base des équations de prédiction du mouvement du sol
(GMPE – Ground Motion Prediction
Equations), autrement dit à partir
d’un modèle de régression empirique simplifié reposant sur l’observation des mouvements du sol lors
de séismes précédents. Ce modèle
doit permettre de prévoir l’ampleur
des mouvements en fonction
d’autres paramètres tels que la distance par rapport à l’épicentre, la
magnitude du séisme, le mécanisme au foyer et les effets du soussol (intensification ou amortissement).
−−Ce sont les données relevées lors
d’un séisme, pour autant qu’on en
dispose, qui servent à améliorer la
carte.
−−Par conséquent, il est tout à fait
possible que cette carte ne tienne
pas compte ou ne rende pas les
effets spécifiques du séisme considéré.
Un tremblement de terre libère en
peu de temps une énorme quantité
d’énergie, principalement sous la
forme de mouvements, mais aussi de
son et de chaleur. Il génère donc
d’une part des déplacements du sol
durables, et d’autre part des ondes
sismiques qui se propagent dans le
sol. Si l’on disposait d’un nombre suffisant de sismomètres (appareils
capables d’enregistrer les mouvements du sol en fonction du temps)
installés aux bons endroits, il nous
serait possible de représenter ce
mouvement ondulatoire élasto-dynamique comme un film. En règle
générale, cela n’est malheureusement pas faisable car peu de pays
disposent de réseaux de points de
mesure suffisamment denses ; par
ailleurs, il faut souvent attendre longtemps avant que ne se produise un
autre séisme.
Par le biais des GMPE, il est généralement possible, lors d’un tremblement de terre, de calculer le mouvement du sol à partir de la magnitude
du séisme, de la distance par rapport
à l’épicentre et des conditions géologiques locales. Mais cela n’est pas
toujours le cas, notamment lorsque
la région concernée présente une
géologie complexe et qu’elle se
trouve tout près de la source sismique, autrement dit de la faille ellemême. Dans ce cas, pour pouvoir
décrire correctement les mouvements du sol, une modélisation s’appuyant sur d’autres paramètres physiques s’impose.
Pour mieux comprendre, prenons
une analogie simple : supposons qu’à
l’aéroport vous récupérez votre valise
sur le tapis roulant du carrousel à
bagages. Vous constatez alors que le
code de la serrure ne fonctionne pas :
en effet, ce n’est pas la bonne valise.
Vous vous êtes fié(e) à certaines
caractéristiques de votre valise (couleur, taille, poids) que celle-ci partage
avec de nombreux autres bagages.
Vous avez correctement identifié la
« valise moyenne », mais ce n’est pas
elle qui vous intéresse. Ce que vous
voulez, c’est retrouver le bon bagage,
c’est-à-dire le vôtre.
San Francisco, Los Angeles et Tokyo
sont trois exemples dans le cas desquels on ne devrait pas, en termes de
gestion des risques, se fier au mouvement du sol moyen dont les prévisions font état. Si l’on ne tient pas
compte des corrélations spatiales
dans le cas de ces villes, on risque de
commettre de grosses erreurs lors de
l’évaluation des dommages.
La simulation basée sur la physique
est une technique qui tient compte
de ce type de données et donne un
tableau plus réaliste du scénario sismique approprié. C’est une méthode
qui se distingue substantiellement
des équations de prédiction du mouvement du sol, dans la mesure où elle
décrit la physique des tremblements
de terre de manière plus réaliste.
Par contre, les GMPE visent à modéliser l’accélération maximale du sol
de façon simplifiée à l’aide de paramètres s’appuyant moins sur des
observations. La méthode de la simulation basée sur la physique est donc
appropriée lorsqu’il s’agit de reproduire certaines propriétés complexes
des matériaux ou des phénomènes de
propagation des ondes sismiques tels
que les effets de champ proche au
voisinnage immédiat de l’hypocentre
et les effets de résonance dans les
bassins à sol/sous-sol alluvial mou ou
dans la croûte terrestre.
La modélisation du séisme du
22 février 2011 à Christchurch est un
exemple qui illustre bien à quel point
cette méthode est performante. Pour
réaliser cette modélisation, on a
comparé la totalité du déroulement
temporel du tremblement de terre, et
pas seulement le mouvement maximal du sol, avec les sismogrammes
modélisés. Les résultats ont montré
que cette technique est suffisamment perfectionnée pour permettre,
au sein d’un domaine de fréquence
donné, de mieux comprendre les
mouvements du sol à proximité d’une
faille, dans un environnement 3D
extrêmement complexe du point de
vue géotechnique et géologique.
La méthode de la simulation basée
sur la physique ayant prouvé sa fiabilité, sismologues et ingénieurs ont
décidé de reproduire les mouvements sismiques de tremblements
de terre survenus dans le passé et de
simuler les mouvements du sol générés par la rupture de failles bien
connues. Ce type de simulations a
été réalisé non seulement pour San
Francisco, Los Angeles et Tokyo,
mais aussi pour Istanbul, Wellington
et Santiago du Chili.
Mais l’utilisation de cette technique
est encore limitée, car elle ne fonctionne que dans les régions pour lesquelles on dispose d’une quantité
suffisante d’informations géotechniques et géologiques de qualité. Les
coûts de réalisation des calculs sont
par ailleurs très élevés. Néanmoins, il
s’agit sans aucun doute d’une
approche prometteuse pour comprendre les conséquences des tremblements de terre, phénomène naturel rare mais potentiellement
destructeur. En collaboration avec
l’École polytechnique de Milan,
Munich Re travaille à une méthode
permettant d’exploiter les avantages
de la simulation basée sur la physique et d’intégrer des scénarios en
3D dans nos modèles probabilistes
de tremblement de terre (http://
speed.mox.polimi.it).
Propagation des ondes sismiques
Exemples de simulation basée sur la physique : les trois premières images montrent
les vitesses du sol modélisées (en centimètres
par seconde), perpendiculairement à la faille,
pour un scénario de magnitude 7,0 survenant
dans les environs d’Istanbul. On y voit les
­clichés pris 15, 25 et 35 secondes après le
début de la rupture. La photo du bas montre la
vitesse maximale du sol mesurée dans la zone
examinée.
Temps : 15 s
Temps : 25 s
Temps : 35 s
Vitesse maximale du sol
Sources : Munich Re, Politecnico di Milano
Munich Re Topics Geo 2015
75
Contacts
76
Dr.-Ing. Wolfgang Kron est
Senior Consultant pour les
risques hydrologiques dans le
département Geo Risks
Research.
[email protected]
Dr. Doris Anwender est
­Consultant pour les risques
atmosphériques au sein du
département Corporate
­Underwriting/Geo Risks.
[email protected]
Petra Löw est Consultant au
sein de NatCatSERVICE dans le
département Geo Risks
Research.
[email protected]
Mark Bove est météorologue dans
le département Underwriting
­Services/Risk Accumulation chez
Munich Reinsurance America, Inc.
[email protected]
Twitter: @MarkCBove
Wilhelm Morales Avilés est
­Consultant pour les risques geophysiques dans le département
Corporate Underwriting/Geo
Risks.
[email protected]
Dr. Jan Eichner est Senior
Consultant au sein du département Geo Risks Research et
directeur de NatCatSERVICE.
[email protected]
Ernst Rauch dirige le Corporate
Climate Centre dans le département Geo Risks Research.
[email protected]
https://au.linkedin.com/in/­
ernst-rauch-b5174b101
Dr. Eberhard Faust est expert en
chef pour les risques naturels au
sein du département Geo Risks
Research.
[email protected]
Andreas Siebert dirige le secteur
spécialisé Geospatial Solutions
dans le département Corporate
Underwriting.
[email protected]
https://au.linkedin.com/in/­
andreassiebert
Prof. Dr. Dr. Peter Höppe dirige
le département Geo Risks
Research/Corporate Climate
Centre.
[email protected]
https://de.linkedin.com/in/peterhoeppe/de
Markus Steuer est Consultant
au sein de NatCatSERVICE dans
le département Geo Risks
Research.
[email protected]
Dr. habil. Martin Käser est
Senior Consultant pour les
risques géophysiques dans le
département Corporate
Underwriting/Geo Risks.
[email protected]
https://de.linkedin.com/in/
käser-munich-mr-600631101
Dr. Marco Stupazzini est
­Consultant pour les risques géophysiques au sein du département Corporate Underwriting/
Geo Risks.
[email protected]
https://www.linkedin.com/in/
marcostupazzini
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Téléphone : +49 89 38 91-0
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Contact
Dr.-Ing. Wolfgang Kron
Téléphone : +49 89 38 91-52 60
Téléfax : +49 89 38 91-7 52 60
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Date de clôture de la rédaction : 15 janvier 2016
Rédaction
Beate Brix, Munich Re
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Allemand 302-08874
Anglais 302-08875
Français 302-08876
Espagnol 302-08877
Italien 302-08878
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P. 76 : Fotostudio Meinen
Topics Geo – 50 catastrophes naturelles graves survenues en 2015
N°
Date
Évènement
1 Janv.–mars Inondations
Région
2 Janv.–déc.
Sécheresse
Malawi,
Mozambique
États-Unis
3 Janv.–déc.
Sécheresse
Inde
4 Janv.–déc.
Sécheresse
5 8–11/1
6 1–16/2
7 16–25/2
8 18–21/2
9 Fév.−mars
10 9–16/3
11 23–26/3
12 30/3–1/4
Afrique australe
Tempêtes d’hiver
Allemagne,
Elon, Felix
Scandinavie,
Royaume-Uni
Inondations, intem- Bulgarie, Grèce
péries
Tempête hivernale États-Unis,
Canada
Cyclone Marcia
Australie
Avalanches, dégâts Afghanistan
causés par l’hiver
Cyclone Pam, onde Vanuatu
de tempête
Crues éclair
Chili
13 7–10/4
Tempête d’hiver
Niklas
Intempéries
Allemagne,
Pays-Bas
États-Unis
14 18–21/4
Intempéries
États-Unis
15 19–24/4
Australie
16 25/4
Tempête d’hiver,
crues éclair
Séisme
17 25/4
Tempête de grêle
Australie
Népal
18 30/4–4/5
Crues éclair, intem- Australie
péries
Sécheresse
Roumanie,
Pologne
20 Avril–sept. Sécheresse
Canada
Morts
PréjuDomdice
mages
total
assurés
en millions de $US
288
1 800
1 500
98
1 500
3
560
21 12/5
Séisme
Népal, Inde
Chine
24 Mai–juin
25 1/6
26 2-5/6
Inondations, glissements de terrain
Intempéries, crues
éclair, inondations
Vague de chaleur
Tornade
Crues éclair
27 23/6–7/7
Inondations
Chine
28 Juin-août
Vague de chaleur
Europe
29 Juin-août
Inondations
Myanmar
23 23–28/5
États-Unis
Pakistan, Inde
Chine
Ghana
14
740
2 800
2 100
1
800
400
291
10
11
520
1 500
500
11
1 400
1 000
3
1 600
1 200
1 300
940
7
1 300
730
9 000
4 800
210
400
330
500
280
6
1 500
1 300
228
800
35
1 000
32
2 700
1 400
20
100
15
27
1 400
1 250
132
300
19
1 000
Sécheresse
Éthiopie
Incendies de forêt
Indonésie
32 2–14/7
Typhon Chan-hom
Chine
1
1 400
33 4–5/7
Intempéries, tempête de grêle
Allemagne,
Belgique
2
450
19
450
125
1 500
37 2–13/8
38 15–25/8
39 25–31/8
40 6–11/9
41 9/9–8/10
42 16/9
Typhon Soudelor,
Chine, Taïwan
inondations
Typhon Goni
Japon, Philip(Ineng), inondations pines, Rép. pop.
dém. de Corée
Tempête tropicale Caraïbes
Erika, crues éclair
Inondations
Japon
Incendies de forêt
(Napa Valley et
Butte)
Séisme, tsunami
43 30/9–6/10 Crues éclair, intempéries
44 1–5/10
Typhon Mujigae,
inondations
45 2–6/10
Inondations, crues
éclair
46 26/10
Séisme
47 17–27/11
48 Nov.–déc.
Feux de brousse
(Pinery Fields)
Inondations
49 Décembre Inondations, tempêtes d’hiver
50 24/12/15– Intempéries, tornades, inondations
2/1/16
600
3 670
444
263
31 Juin–nov.
Intempéries, temChine
pête de grêle, crues
éclair
35 28/7-30/8 Inondations, glisse- Inde
ments de terrain
36 Juillet–août Inondations
Pakistan
150
31
30 Juin–déc.
34 19–27/7
380
40
19 Avril–août
22 18–22/5
480
500
350
238
180
39
2 800
120
73
2 000
1 400
36
450
8
1 400
650
4
1 600
1 200
Chili
15
800
France
20
950
Chine
22
3 500
États-Unis
21
1 700
Pakistan,
Afghanistan
Australie
401
300
2
200
Inde
597
3 500
5
3 000
45
1 200
États-Unis
Royaume-Uni,
Irlande
États-Unis
Commentaires, description du sinistre
Fortes pluies saisonnières, orages, crues éclair. > 1 million de maisons endommagées/détruites. Graves dégâts
dans l’agriculture. Apparition d’épidémies. Sans-abri : > 720 000, personnes touchées : > 1,4 million.
Sécheresse extrême, précipitations faibles, tarissement de plusieurs lacs, températures élevées. > 12 millions
d’arbres touchés. Approvisionnement en eau touché. Récoltes affectées sur plus de 2 000 km2.
Environnement sec dû au retard et à la faiblesse de la mousson, > 70 % de déficit pluviométrique. Récoltes
affectées sur 37 000 km2, > 30 % de pertes de récoltes. Personnes touchées : 6 millions d’agriculteurs.
Environnement sec, précipitations faibles. Approvisionnement en eau touché. Coupures de courant. Commerce interrompu. Pertes dans l’agriculture et l’élevage. Famine. Personnes touchées : > 3,7 millions.
2 systèmes dépressionnaires, fortes vitesses du vent, orages, grêle, fortes pluies et chutes de neige. Plusieurs
milliers de bâtiments, d’écoles endommagés. Accidents dûs aux conditions météorologiques, trafic aérien et
ferroviaire perturbé. Aéroport (Helgoland) endommagé. Coupures de courant.
Orages, fortes vitesses du vent, fortes pluies (93 mm/24 h), onde de tempête. > 2 300 maisons endommagées.
Routes inondées. 70 km2 de terres cultivées sous les eaux.
Fortes vitesses du vent, tempête de glace, fortes chutes de neige, pluies verglaçante. Maisons endommagées.
Canalisations éclatées. Trafic aérien et ferroviaire perturbé. Commerce interrompu. Écoles fermées.
Cyclone cat. 5. Orages, rafales jusqu’à 285 km/h, crues éclair. > 55 000 maisons endomm./détruites. Véhicules
abîmés. Trafic aérien/ferroviaire touché, ports fermés, exportations de charbon perturbées.
Avalanches, tempête de neige, fortes chutes de pluie, de neige, crues éclair. > 9 000 maisons, 2 écoles, mosquées endommagées/détruites. Routes bloquées. Arbres déracinés. Blessés : 96, pers. touchées : > 28 000.
Cyclone cat. 5. Rafales jusqu’à 290 km/h, fortes pluies, hautes vagues (jusqu’à 8 m). > 14 000 maisons endommagées/détruites. Récoltes (> 90 %) détruites, pertes de bétail. 150 blessés, pers. touchées : > 160 000.
Orages, fortes pluies, glissements de terrain. Débordement de fleuves. > 20 000 maisons endommagées/
détruites. Hôpitaux endommagés. Ponts emportés. Exploit. minière interrompue. Pers. touchées : > 29 000.
Fortes vitesses du vent, rafales jusqu’à 150 km/h, fortes pluies. Véhicules endommagés. Dégâts étendus sur les
câbles aériens, véhicules ferroviaires endommagés. Trafic aérien perturbé. Porte-conteneur échoué.
Orages, tornades, rafales jusqu’à 320 km/h. > 100 maisons endomm./détruites. Voitures, bateaux abîmés.
Ponts endomm./détruits. Lignes électr. endomm. Trafic aérien perturbé. Animaux de zoo tués. > 20 blessés.
Orages, tornades, vitesses du vent jusqu’à 112 km/h, grêle, fortes pluies. Crues éclair. Maisons, immeubles
commerciaux, centre commercial endommagés. Véhicules endommagés. Lignes électriques endommagées.
Fortes vitesses du vent, fortes pluies (300 mm/24 h). > 100 maisons endommagées/détruites. Voitures,
bateaux, ponts endommagés/détruits. Trafic aérien perturbé, ports fermés, exportations de charbon touchées.
MW 7,8. Fortes pluies, avalanches, glissements de terrain. > 920 000 maisons, monuments historiques abîmés/
détruits. Blessés : > 21 000, pers. évacuées : > 65 000, sans-abri : 52 000, personnes touchées : 8,3 millions.
Orages, fortes vitesses du vent, fortes pluies, gros grêlons, crues éclair. Plusieurs bâtiments d’usine, entrepôts
détruits, nombreuses habitations endommagées. Métro endommagé. Routes inondées.
Orages, violentes rafales, fortes pluies (350 mm/24 h). Nombreuses maisons sous les eaux. Plantages, récoltes
(surtout bananes, noix de macadamia, fraises, canne à sucre) endommagés/détruits.
Environnement sec, précipitations faibles. Approvisionnement en eau touché. Pertes dans l’agriculture,
> 16 600 km2 de terres cultivées, aquaculture, tourisme touchés.
Environnement sec (40 % de la quantité normale de précipitations). Récoltes diminuées de 30 %, infestation
d’insectes, cheptel réduit. 80 % des agriculteurs touchés.
Répliques atteignant MW 7,3, autres secousses jusqu’à MW 6,3. Glissements de terrain, éboulements de rochers.
> 760 maisons endommagées/détruites. Blessés : > 3 600, sans-abri : > 3 900, personnes touchées : 7 800.
Fortes pluies saisonnières, coulées de boue. Écroulement d’un immeuble de 9 étages, > 84 000 maisons endommagées/détruites. Pertes dans l’agriculture. Personnes évacuées : > 290 000, personnes touchées : > 3,7 millions.
Orages, tornades, grêle, fortes pluies. Débordement de fleuves, digues submergées. > 5 000 maisons endommagées/détruites. 10 000 véhicules endommagés. Ponts détruits.
Températures élevées (48 °C). Décès dus à la canicule.
Orages, fortes vitesses du vent, fortes pluies. Naufrage d’un bateau de croisière sur le Yangtsé.
Fortes pluies > 180 maisons endommagées/détruites, écoles inondées. Approvisionnement en eau touché.
Coupures de courant. Blessés : > 400, sans-abri : > 14 000, personnes touchées : > 51 000.
Fortes pluies saisonnières, crues éclair, glissem. de terrain. > 170 000 maisons endommagées/détruites. Pertes
dans l’agriculture, > 900 km2 de terres cultivées touchées. Sans-abri : 230 000, pers. touchées : > 9,6 millions.
Diverses vagues de chaleur. Températures jusqu’à 45 °C. Routes endommagées. Approv. en eau touché, exploitations fermées car pénurie d’électricité. Hécatombe de poissons dans les rivières. Décès dus à la canicule.
Fortes pluies saisonnières (200 mm/24 h), crues éclair. > 520 000 maisons endommagées/détruites. Centres
médicaux, monastères, écoles endommagés. Grosses pertes dans l’agriculture. Pers. touchées : > 1,8 million.
Graves situations de sécheresse, précipitations faibles. Pénurie de nourriture. Personnes touchées : > 7,1 millions.
Feux de forêt, de brousse, incendies de surface, > 26 000 km2 détruits par les flammes. Fumée répandue sur
une large échelle, smog, pollution de l’air. Aéroports, 6 000 écoles fermés. Personnes touchées : 40 millions.
Typhon de catég. 4. Vitesses du vent atteignant jusqu’à 190 km/h, crues éclair, glissements de terrain, onde de
tempête. > 3 700 maisons endommagées/détruites. Pertes dans l’agriculture. Personnes évacuées : > 1,4 million. Personnes touchées : > 3,5 millions.
Système dépressionnaire, orages, grêle (grêlons de 9 cm de diamètre), fortes pluies, crues éclair. De nombreuses habitations et une église endommagées. Plusieurs centaines de véhicules endommagés. Dommages
causés aux installations photovoltaïques.
Fortes vitesses du vent, grêle, fortes pluies (250 mm/24 h). >27 000 maisons endommagées/détruites. Centrales hydrauliques détruites. Véhicules emportés par les eaux. Personnes évacuées : > 160 000, personnes
touchées : > 4,1 millions.
Fortes pluies saisonnières, crues éclair, glissements de terrain. Plusieurs milliers de villages inondés. > 820 000
maisons endommagées/détruites. Pertes considérables dans l’agriculture. Personnes touchées : > 106 millions.
Fortes pluies saisonnières, fonte des neiges, débordement de lacs glaciaires. > 33 000 maisons endommagées/détruites. Agriculture touchée. > 1,2 million évacués, > 160 000 sans-abri, pers. touchées : > 1,5 million.
Typhon de cat. 5. Fortes pluies (> 600 mm/24 h), hautes vagues (> 9 m). > 72 000 maisons endommagées/
détruites. > 6,8 millions de pers. privées d’électricité. > 720 000 évacués, personnes touchées : > 3,1 millions.
Typhon de cat. 4. Rafales jusqu’à 250 km/h, fortes pluies (250 mm/24h), inondations. > 8 800 maisons
endommagées/détruites. Infrastructure touchée, trafic ferroviaire/ aérien perturbé. Dégâts dans l’agriculture,
500 000 foyers privés d’électricité.
Tempête tropicale. Fortes pluies (320 mm/12 h), glissements de terrain, crues éclair, hautes vagues. Débordements
de fleuves. Aéroport endommagé. Pertes dans l’agriculture. Sans-abri : > 7 900, personnes touchées : > 20 000.
Fortes pluies (540 mm/24 h), crues éclair, > 450 glissements de terrain. Rupture de digues, > 60 débordements de fleuves. Commerce interrompu.
Feux de forêt et de brousse en Californie, > 600 km2 dévastés par le feu. Fortes vitesses du vent, environnement
sec. > 2 000 maisons endommagées/détruites. Pertes de bétail. > 10 000 évacués, > 23 000 sans-abri.
350 MW 8,3. Tsunami, glissements de terrain, éboulements de rochers. Trafic aérien perturbé. Exploit. minière interrompue. Dégâts dans l’élevage et l’aquaculture. > 6 000 blessés, pers. touchées : > 1 million, sans-abri : 9 000.
700 Intempéries, tornades, fortes précipitations (196 mm/24 h), crues éclair, hautes vagues. Plusieurs maisons
endommagées. Des milliers de véhicules endommagés. Trafic ferroviaire perturbé. Campings évacués.
Typhon cat. 4. Tornades, rafales jusqu’à 240 km/h, fortes pluies (250 mm/24 h), gliss. de terrain, hautes
vagues. > 19 000 maisons détruites. Récoltes touchées sur > 2 800 km2 . > 220, blessés, > 210 000 évacués.
400 Orages, fortes pluies (> 500 mm/12 h). Débordement de fleuves, rupture de digues. 1 800 véhicules, plusieurs
bateaux endommagés. Autoroutes, routes et ponts endommagés.
MW 7,5. Glissements de terrain. > 150 000 maisons endommagées/détruites, > 1 400 écoles endommagées.
Routes bloquées. Blessés : > 2 200, personnes touchées : > 78 000.
90 Feux de brousse, fortes vit. du vent, températures élevées (> 39 °C). 830 km2 détruits par le feu. 77 maisons
endommagées/détruites. > 380 bâtiments agricoles, 600 km2 de terres cultivées détruits, pertes de bétail.
700 2 ondes de crue. Fortes pluies saisonnières. > 81 000 maisons endommagées/détruites. Aéroport endommagé, 8
avions endommagés. Usines stoppées. Sans-abri : 1,8 million, personnes touchées : 3 millions.
2 000 Tempêtes Desmond et Eva. Fortes vitesses du vent, fortes pluies. Débordements de fleuves et de canaux. > 7 000
maisons, un porte-conteneurs, des ponts endommagés. Des dizaines de milliers de maisons sans électricité.
550 Orages, plusieurs tornades, crues éclair. > 2 900 maisons endommagées/détruites. Véhicules abîmés. Arbres
déracinés. > 160 000 personnes sans électricité. Trafic aérien perturbé. Pertes de bétail (30 000 bovins).
Topics Geo – Carte mondiale des évènements naturels 2015
33
41 2
49
13
20
28
50
14
23 45
7
43
5
12
6
46
19
9
36
24
39
30
26
3432
21 25
16
22
3
48
3529
44
27 38
37
40
31
8
15 10
1
11
42
1 060 évènements naturels, dont
50 évènements importants (sélection)
4
Évènements géophysiques : séisme, tsunami, éruption volcanique
Évènements météorologiques : tempête tropicale, tempête extratropicale, tempête convective, tempête locale
Évènements hydrologiques : inondation, mouvement de terrain
Évènements climatologiques : températures extrêmes, sécheresse,
incendie de forêt
18
47
17
© 2016
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Königinstrasse 107, 80802 München, Allemagne
Numéro de commande 302-08876
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