L’ARCHITECTURALE CARCÉRALE EN FRANCE
/124
Entre planification à grande échelle et redéfinition
programmatique: une nouvelle page de l’histoire
de l’architecture carcérale
Au esiècle, l’installation d’établissements pénitentiaires repose souvent sur
l’investissement et l’appropriation de bâtiments existants: anciens couvents
ou bâtiments militaires. Cependant, la volonté de construire de nouvelles pri-
sons conduit à des réflexions qui dépassent largement les frontières françaises.
L’apport de l’anglais Jeremy Bentham qui élabore le concept de panoptique
à la toute fin du esiècle et propose de l’appliquer au système carcéral, fut
à ce titre fondamental 6. Il propose un modèle de prison fondé sur un système
rayonnant, un bâtiment en anneau sur six étages dans lequel les cellules
occupent toute la circonférence (fig. 1). Au centre se trouve une tour plus basse
correspondant à l’espace du surveillant. L’idée est de «tout voir sans être vu».
Deux autres types d’organisation, d’origine américaine cette fois, marquent
le esiècle: ce sont les systèmes auburnien et pennsylvanien. La prison de
la Santé à Paris (-, arch.: ÉmileVaudremer) constitue à elle seule
une illustration de l’indécision qui règne encore dans les années quant
au système d’enfermement à privilégier (individuel ou collectif), mais aussi
des influences de l’étranger sur la façon de concevoir des prisons 7. Pourtant,
dès , le recueil de Louis-Pierre Baltard 8 avait témoigné de la volonté des
architectes mais aussi des pouvoirs publics de dégager des plans-types. Trois
configurations y étaient proposées: le plan rayonnant, le plan en croix et le
plan en Y.Hormis quelques chantiers majeurs (prison des Baumettes inspirée
à Gaston Castel par la prison de Fresnes et prison de Fleury-Mérogis conçue
selon de nouveaux préceptes par Guillaume Gillet 9), peu d’établissements
pénitentiaires sont construits au cours des trois premiers quarts du esiècle
et lorsque construction il y a, il s’agit toujours d’une opération ponctuelle et
6 Pour plus de détails sur le dispositif de Jeremy Bentham, consulter Jeremy Bentham,
Panoptique : mémoire sur un nouveau principe pour construire des maisons d’inspection,
et nommément des maisons de force, Paris, Édition de Paris, Imprimerie nationale,
(réédition Paris, Hachette, ) ; pour plus d’informations sur le concept de panoptisme,
consulter Michel Foucault, Surveiller et punir. La naissance de la prison, Paris, Gallimard, .
7 Alice Thomine, ÉmileVaudremer (-). La rigueur de l’architecture publique, Paris,
Picard, .
8 Louis-Pierre Baltard, Architectonographie des prisons ou parallèle des divers systèmes de
distribution dont les prisons sont susceptibles selon le nombre et la nature de leur population,
l’étendue et la forme des terrains, Paris, .
9 Éléonore Marantz, «La prison des Baumettes: imaginer, projeter et construire un espace
carcéral pendant l’entre-deux-guerres», François Dieu, Paul Mbanzoulou (dir.), op. cit.,
p.- ; Franck Delorme, «Guillaume Gillet, architecte, acteur majeur du renouveau du parc
pénitentiaire dans les années », François Dieu, Paul Mbanzoulou (dir.), op. cit., p.-.