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L’industrie de la punition :
Prison et politique pénale en Occident
de Nils Christie
Présentation de l’auteur :
L’auteur Nils Christie est actuellement professeur de criminologie de la faculté d’Oslo.
Il appartient par ailleurs à la commission royale dans son pays pour l’organisation de la police
et de l’éducation, est président du « Scandinavian Council for Criminology » et est enfin le
directeur de « L’institut de criminologie et de loi pénale en Norvège ».
Pour compléter ses activités, il est membre de l’Académie des Sciences en Norvège et en
Suède.
« L’industrie de la punition » a été rédien 1993 mais a de nombreuses fois été réactualisé,
les derniers chiffres cités dans l’ouvrage datent de 2000.
Résumé de l’ouvrage :
Ce criminologue appelle à la réflexion sur la pénalisation croissante.
Cet ouvrage se veut être un livre pédagogique se posant comme un signal d’alarme face aux
taux record d’emprisonnement.
Selon la pensée de l’auteur, la surpopulation carcérale n’est pas due à la croissance de
la délinquance mais à la création de nouveaux textes incriminateurs.
Il rejette l’idée que le taux d’incarcération serait un indicateur de la criminalité.
« Le crime n’existe pas en soi mais advient. C’est une création des sociétés humaines ».
Nils Christie suit la théorie criminaliste (aussi appelée pénaliste) selon laquelle la criminalité
occidentale contemporaine s’explique par les politiques criminelles pratiquées.
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Cette théorie s'appuie sur le constat selon lequel : entre des Etats dont les structures sociales et
économiques sont identiques, il existe une divergence quant au volume d’emprisonnement.
Exemple : Etats-Unis ≠ Canada.
En plus de constater une pénalisation croissante dans certains Etats (exemple les
Etats-Unis), il pose le fait que dès la fin des années 1970, on est passé à un renforcement du
traitement pénal des problèmes sociaux, au détriment du traitement social.
Le second point soulevé par l’auteur : l’emprisonnement est devenu trop systématique.
En France, dès 1791 le code pénal a placé l’enfermement au centre du dispositif judiciaire et a
généralisé la peine privative de liberté.
Il constate que la pénalisation a eu pour conséquence principale l’augmentation de la
population carcérale. Il évoque ainsi la notion de surpopulation et ce qu’elle engendre
humainement, c’est-à-dire des conditions déplorables d’incarcération dans les établissements
pénitentiaires.
Il déplore le fait que les minorités socialement défavorisées sont surreprésentées dans
les prisons. Il prend l’exemple de la population noire aux Etats-Unis presque la moitié de
la population carcérale est noire alors qu’ils ne représentent que 13% de la population
américaine. Il évoque ainsi le terme de « rebut social », cette notion se définit comme le rejet
par l’Etat d’une certaine catégorie de la population jugée inutile. Ce rejet se traduit par une
répression accrue de cette population.
Il constate en plus l’importance de l’industrie carcérale dans l’économie nationale de
ce pays. L’emprisonnement est vu comme une ressource naturelle. Le détenu n’est plus un
homme de part ses conditions de détention, mais est en fait instrumentalisé économiquement
par le Politique, dans le but d’un enrichissement.
Aux Etats-Unis, les hommes politiques et les autorités forment des groupes de pression afin
d’obtenir de nouveaux établissements pénitentiaires qui sont des stimulants de l’économie. Ce
nouveau secteur est une industrie en pleine expansion, il existe en effet outre Atlantique une
véritable industrie pénitentiaire se divisant en trois catégories : la construction, l’équipement
et la gestion.
Deux entreprises privées de construction et d’organisation des prisons sont même cotées en
bourse (Corrections Corporation of America et Wacken Hut). C’est un phénomène
particulièrement inquiétant qui est largement développé par l’auteur.
La principale motivation à la pénalisation serait ainsi d’ordre économique.
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Comme Wacquant dans son ouvrage « Punir les pauvres », l’auteur fait référence à la
fin de son ouvrage aux camps de concentration en tant que produit de l’industrialisation, et
affirme que le système carcéral des Etats-Unis se dirige dans la même direction, tout comme
d’autres pays industrialisés.
C’est une comparaison plutôt choc qui termine cet ouvrage !
Commentaires :
Cet ouvrage s’adresse à tous, c’est d’ailleurs ce qu’énonce l’auteur « De façon
imaginaire, j’écris pour mes tantes préférées, c’est-à-dire pour le commun des mortels », il
est dès lors impossible de reprocher à l’auteur le fait que son ouvrage ne soit pas abordable.
Au contraire, sa pensée, ses constats sont accompagnés de diagrammes, d’exemples, ce qui
rend l'ouvrage intéressant et attrayant.
Quant à son contenu, même s’il a été rédigé en 1993 et réactualisé pour la dernière fois
en 2000, il n’a pas perdu de sa pertinence. Les thèmes abordés sont toujours d’actualité en
France : * Pénalisation croissante : loi du 9/03/2004 sur la criminalité organisée, loi du
18/03/2003 qui a renforcé la répression de la prostitution…
* Surpopulation carcérale : 47000 en 2001, 60925 en 2005.
* Déshumanisation des prisons : la France suit la voie des Etats-Unis puisque les
établissements récemment construits, s’appuient sur l’autosurveillance, la limitation des
déplacements avec une utilisation massive de l’électronique et de la vidéosurveillance.
* La prison comme vecteur économique : l’industrie de la punition est en effet un
vecteur de redressement économique, elle est qualifiée par certains de « poumons d’acier »
pour l’économie française. L’ancien ministre de la Justice Dominique Perben avait par
exemple décidé d’implanter deux nouveaux centres pénitentiaires dans deux régions ils
pouvaient être économiquement les plus utiles. Pour gérer ce développement, il est même
apparu nécessaire pour le gouvernement de mettre en place en 2002, un secrétaire d’Etat aux
Programmes immobiliers de la justice.
Il faut craindre ce développement qui peut déboucher sur l’entrée d’entreprises privées
comme aux Etats-Unis. En effet les entreprises privées ne sont pas pour défendre l’intérêt
général mais seulement leurs intérêts économiques.
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Peut-être peut-on lui reprocher l’assimilation des prisons américaines aux camps de
concentration, cependant si les démocraties occidentales ne peuvent à l’évidence pas être
totalement assimilées aux régimes nazi et stalinien, on ne peut pas non plus se contenter de les
opposer, et c’est dès lors à juste titre que Nils Christie nous met en garde sur la direction que
prennent ces démocraties.
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