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Formation et Profession • Juin 2007
de Révolution tranquille dans plusieurs écoles qué-
bécoises qui n’avaient pas encore pris le tournant de
la laïcité. Nombre d’enseignants, de directions d’école
et de parents devront, à bien des égards, être con-
vaincus de la valeur de ce nouveau programme. On
peut anticiper que le défi lié à l’adoption de ce pro-
gramme dans certaines écoles publiques pourra être
aussi grand que dans les écoles privées confessionnel-
les.
Plusieurs raisons peuvent expliquer la création de ce
nouveau programme. Évoquons notamment, pour
ce qui est de sa dimension religieuse, qu’il apparaît
important que tous les enfants du Québec soient so-
cialisés à l’ensemble des traditions religieuses qui ont
façonné notre société, et qui font encore – les débats
actuels sur les accommodements raisonnables le
montrent bien – la manchette des actualités. Ce pro-
gramme vise à préparer les élèves à mieux compren-
dre la société multiconfessionnelle dans laquelle ils
vivent. Surtout, il vise à aider les élèves à mieux com-
prendre les personnes qui appartiennent à des tradi-
tions confessionnelles différentes de la leur. Dans une
société multiethnique comme la nôtre, il est souhai-
table que tous les jeunes Québécois puissent être
outillés pour réfléchir, comprendre et peut-être même
se positionner d’un point de vue éthique dans le large
champ du religieux. Parmi les raisons d’un autre or-
dre qui expliquent la création de ce nouveau pro-
gramme, soulignons la position intenable du Qué-
bec qui donnait des privilèges aux catholiques et aux
protestants. Ce système de privilèges religieux, rendu
possible par la clause dérogatoire, induisait énormé-
ment d’insatisfaction parmi les Québécois qui ont
depuis longtemps déserté les églises, mais aussi parmi
ceux qui étaient exclus de ces privilèges.
On pourrait d’emblée se questionner sur l’opportu-
nité d’enseigner dans un même programme deux
matières, soit l’éthique et la culture religieuse, qui
sont, en fait, deux champs de connaissance bien dis-
tincts. Pourquoi avoir réuni l’éthique et la culture
religieuse ? Doit-on applaudir le choix du ministère
ou bien se demander avec le philosophe de l’Univer-
sité de Montréal Daniel Weinstock s’il n’aurait pas
été préférable de séparer ces deux matières ? Pour
calmer le jeu, le ministère indique dans son pro-
gramme que les apprentissages spécifiques à chaque
matière pourront être présentés séparément. Or, les
deux matières pourront également être traitées en-
semble. Il n’en tient alors qu’aux enseignants de choi-
sir. Il est certain que pour plusieurs d’entre eux, qui
distinguent encore difficilement l’éthique, la morale
et la religion, le défi d’un enseignement séparé de ces
deux matières est de taille. Un risque de confusion
demeure.
Ce risque de confusion est d’autant plus grand qu’on
parle au ministère d’un enseignement intégré. Cela
signifie essentiellement que, souhaite-t-on, l’éthique
et la culture religieuse ne soient pas enseignées en pa-
rallèle ou en alternance – une semaine l’enseignant
fait de l’éthique et l’autre semaine il fait de la culture
religieuse –, mais en même temps. Cette question de
la séparation ou de l’intégration des deux matières
fera assurément couler beaucoup d’encre. Il n’est pas
certain que tous les enseignants soient à l’aise avec
cet enseignement bicéphale.
Diverses raisons fondent la décision d’inclure dans
un même programme d’études la formation éthique
et la formation relative à la culture religieuse. En ef-
fet, il ne s’agit pas, selon les fonctionnaires du minis-
tère, de spécialiser les élèves, mais bien de les initier à
ces matières. Il est vrai que le temps alloué à l’ensei-
gnement de ces matières est si infime que les élèves
vont survoler les territoires de l’éthique et de la cul-
ture religieuse au lieu de les approfondir. Enfin, on
croit également au ministère que ces matières n’ont
pas à être cloisonnées, car les univers sociaux qu’elles
présentent, bien que spécifiques, peuvent être com-
plémentaires. Cette question reste ouverte, et il est à
parier que de nombreux débats verront le jour à ce
sujet.
Afin de montrer quelle est la place de ce programme
dans la réalité de la classe, il est important de connaî-
tre les orientations du programme et les nouvelles
obligations des enseignants. Je les résume ici en 12
points.
1. Il faut d’abord savoir que les enseignants du Qué-
bec, autant au secteur privé qu’au secteur public,
ne pourront être exemptés de cet enseignement.
On se souvient qu’un enseignant pouvait être
exempté de l’ancien programme d’enseignement
de la religion confessionnelle.