S c i e n c e , t e c h n o l o g i e , a r m e m e n t
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programme thermonucléaire. C’est cet organisateur hors pair et ultra
influent que l’Atomic Energy Commission (AEC), le CEA américain, charge
de lancer le nouveau centre de développement des "armes de génocide".
Il faut un directeur à ce qu’on appelle aujourd’hui le Lawrence Livermore
Laboratory et Lawrence choisit l’un de ses assistants, Herbert York qui,
après quelques années à Livermore, sera à la fin de la décennie à la tête
de toute la recherche-développement 119 (R&D) militaire américaine.
Obligé de diminuer ses activités pour raison de santé, York se retranche
dans une université californienne, participe à des négociations et
colloques sur le contrôle des armements et, à partir de 1970, écrit de
nombreux articles et livres 120 sur la course aux armements dont
l’absurdité et les dangers lui apparaissent de plus en plus clairement.
En particulier, York publie en 1976 un petit livre sur les discussions qui,
à la suite de la première explosion atomique soviétique d’août 1949,
eurent lieu à la fin de l’année quant à l’opportunité de lancer un
programme massif de développement de la bombe H. Son livre reproduit
en appendice l’intégralité du rapport, maintenant public, dans lequel le
General Advisory Committee (GAC) 121, comité consultatif de l’AEC,
déconseillait cette décision pour des raisons d’ordre pratique et éthique.
Truman la prit quand même à la fin de janvier 1950 sous l’influence de
Atomic Bomb (Simon & Schuster, 1988), p. 643, et Martin Sherwin, A World Destroyed
(Knopf, 1975), appendice, p. 298.
119 Expression désignant l’ensemble des activités de recherche scientifique et technique. On
distingue la recherche de base ou fondamentale, sans but pratique, la recherche
appliquée, orientée vers la résolution de problèmes techniques, enfin le développement
beaucoup plus coûteux : conception du schéma technique détaillé, production et essais
d’un prototype industrialisable. Les distinctions ne sont pas toujours très claires.
120 Particulièrement Race to Oblivion (Simon & Schuster, 1970), The Advisors :
Oppenheimer, Teller, and the Superbomb (Freeman, 1976), Making Weapons, Talking
Peace (Basic Books, 1988), ses mémoires.
121 Le GAC, présidé par Oppenheimer, était composé de quelques scientifiques (L. A.
DuBridge, James B. Conant, E. Fermi, I. I. Rabi, Cyril Stanley Smyth), d’Oliver E. Buckley,
président des Bell Labs, le plus grand laboratoire de recherche industrielle du monde
(AT&T) où l’on vient de découvrir les transistors, et de Hartley Rowe, ingénieur et vice
président de la United Fruit Co. qui, pendant la guerre, avait notamment supervisé les
activités industrielles de l’AEC. Au procès Oppenheimer, Rowe déclarera qu’il était
radicalement opposé à la bombe H parce que « I can’t see why any people can go from
one engine of destruction to another, each of them a thousand times greater in potential
destruction, and still retain any normal perspective in regard to their relationships with
other countries and also in relationship with peace... I don’t like to see women and
children killed wholesale because the main element of the human race are so stupid that
they can’t get out of war and keep ont of war »