Laurence Luyé-Tanet Apaisez votre esprit par la méditation Un ouvrage paru sous la direction de Stéphanie Assante La méditation – une question spirituelle Aïe ! Ça commence peut-être mal pour certains d’entre vous ! Le terme « spirituel » vous fait sûrement penser à la religion ? Justement, avant d’entrer dans le vif du sujet, un petit coup de projecteur me semble nécessaire. La spiritualité est un terme un peu fourre-tout où on loge un brin d’exotisme, beaucoup d’illusions et de fantasmes, dont on parle sans vraiment savoir de quoi l’on parle. L’image que l’on y associe n’est pas toujours flatteuse, voire parfois suspecte… quand elle n’est pas associée à une secte. La tendance est plutôt de séparer le côté spirituel du côté matériel. Le côté matériel est plutôt associé au côté rationnel et se réfère parfois au scientifique. Malgré cette tendance très rationnelle, le public s’intéressant à la spiritualité reste pourtant nombreux. Inversement, dans ce public « spirituel », on rencontre également beaucoup de personnes rejetant l’aspect matériel. Que ce soit une manière de voir ou une autre, les deux repoussent l’autre versant. Et s’il ne s’agissait pas de l’un ou de l’autre, mais des deux ? Apaisez votre esprit par la méditation Il semble même qu’une passerelle soit en train de s’établir entre ces deux pôles que sont les côtés matériel et spirituel grâce à des études sur le lien du corps et de l’esprit. La méditation est d’ailleurs au cœur de ces études, ce qui donne une autre ouverture à la médecine. On ne peut pas tout ramener à la matière, au même titre que tout ramener au domaine spirituel n’est pas sensé. Nous avons besoin de ces deux aspects. Je vous convie donc à visiter le domaine de l’esprit dans ses différentes terres au fil des chapitres. Une question d’intérieur et d’extérieur On pourrait envisager les choses en termes d’intérieur et d’extérieur. L’extérieur étant ce que l’on perçoit, une forme de manifestation. L’intérieur étant, quant à lui, plus subtil. Et c’est avec cet espace intérieur que le domaine spirituel va être en relation. Le mot spirituel vient du latin spiritus qui signifie esprit, luimême dérivé du grec pneuma. En ce qui concerne le domaine de l’esprit, on peut s’y intéresser de deux manières. L’une est la psychologie, l’autre est la spiritualité. Le mot psychologie vient du grec psychè qui signifie âme, souffle de vie. La plupart des personnes, en se référant à la psychologie, se réfèrent à la pathologie, ce qui est extrêmement restrictif. Freud a mis en évidence cette dimension intérieure qu’est le psychisme via l’inconscient. Jung l’a ouverte à d’autres dimensions beaucoup plus proches du sens étymologique du mot. Il a introduit la notion de spiritualité dans la dynamique psychique. La dimension « spi » 10 La méditation – une question spirituelle est l’extension du psy à d’autres dimensions, notamment notre dimension la plus haute que l’on peut encore appeler le Divin. Jung l’a très bien introduite dans ses différents écrits. Il a fait référence à certaines expériences personnelles, il a explicité la synchronicité et l’archétype du Soi, qui relèvent de cette dimension spirituelle. On y retrouve un lien avec les philosophies orientales sur lesquelles il s’était d’ailleurs penché. Beaucoup de « psy » actuels ont perdu la dimension « spi » de l’accompagnement. De nombreux consultants de psy ignorent cette dimension « spi » et se cantonnent à une notion pathologique plus ou moins importante. Ce que l’on cherche, c’est à aller mieux, à trouver la cause. Et cette recherche se fait à l’extérieur de soi la plupart du temps. Quant au domaine « spi », il est souvent anti « psy ». Et si les deux coexistaient et n’étaient que deux points de vue d’une même dimension ? Et cette dimension, c’est tout simplement celle du domaine de l’esprit. La spiritualité se rapporte donc au domaine de l’esprit qui englobe la dimension psychique. Il est pour moi une autre notion qui est indissociable de celle du psychisme, c’est celle du Thérapeute (avec une majuscule). Je m’appuierai sur les enseignements de JeanYves Leloup concernant les Thérapeutes d’Alexandrie. Dans sa présentation, Jean-Yves Leloup nous invite à considérer ces hommes et ces femmes du Ier siècle de notre ère, pour comprendre ce que recouvre ce mot. Philosophes voués à servir, ces Thérapeutes ne guérissaient pas, mais soignaient. Le mot thérapeute signifie : prendre soin. Selon le philosophe Philon d’Alexandrie, les Thérapeutes ont pour fonction de prendre soin de l’Être dans sa globalité, c’est-à-dire dans ses dimensions corps-âme-esprit. 11 Apaisez votre esprit par la méditation Dans ce cheminement autour du « prendre soin », une des étapes est celle de prendre soin des dieux, c’est-à-dire des grandes images qui nous habitent, encore appelées les archétypes. La question devient alors, quelle image d’homme, de femme, m’habite ? Quelles valeurs m’animent ? Les dieux pour les anciens représentaient des états de conscience que nous avions à visiter dans notre quotidien. Pour les Thérapeutes d’Alexandrie, la maladie était le signe que l’homme a perdu l’orientation juste de son désir. C’est chez ces mêmes Thérapeutes que l’espace était offert pour se poser les questions : « Qu’est-ce que je désire vraiment ? Quelles sont les valeurs qui orientent ma vie ? » Les Thérapeutes prennent soin aussi de leurs émotions, non pour les rejeter, mais pour les accueillir comme telles et ne plus s’identifier à elles. Enfin, un autre point important de cette démarche des Thérapeutes d’Alexandrie est la prière. Il ne s’agit pas de réciter des prières extérieures, mais de se relier à la source de son être. Voici présentés, grâce aux points qui précèdent, les fondements de la méditation. À la lumière de ces fondements de la méditation, on peut prendre conscience de la relation entre le psychisme et la spiritualité. Une voie spirituelle conduit la personne à retrouver le lien intérieur avec son Être, en pratiquant l’observation de ses processus psychiques (pensées et émotions), en apprenant à ne pas les nourrir, en cherchant et en cultivant les valeurs essentielles à sa vie. Ce chemin s’appelle la connaissance de soi. La méditation est une des voies qu’il emprunte. 12 La méditation – une question spirituelle Le bouddhisme Souvent assimilé à une religion, le bouddhisme est avant tout une philosophie dont les principes s’insèrent particulièrement dans notre vie moderne. Une présentation succincte du bouddhisme vous permettra de mieux comprendre les différents points de la méditation. Le bouddhisme vient de l’enseignement du Bouddha. Bouddha signifie l’Éveillé, l’Illuminé, littéralement « celui qui connaît ». Le nom de Bouddha a été donné au prince indien Gautama lorsqu’il a atteint l’Éveil (la Connaissance). L’histoire de Bouddha Le prince Siddharta Gautama vivait au palais de son père. Ce dernier le protégeait des difficultés du monde en le maintenant au palais. À l’âge de 29 ans, le prince décida d’en sortir et c’est alors qu’il rencontra les malades, les affligés, la mort… et toutes les souffrances du monde. Touché par tout ce qu’il constatait, il chercha un moyen pour échapper à cette souffrance. Il pratiqua nombre de techniques de yoga, d’austérités au niveau du corps, la méditation, jusqu’au jour où il eut l’Illumination. Il devint ainsi le Bouddha du sanskrit bodhi1 (éveil). Il connut la Réalité du monde. À partir de là, il enseigna à des disciples qui, eux-mêmes, diffusèrent son enseignement. C’est ainsi qu’est né le bouddhisme et que ses bases ont été diffusées. 1 Bodhi (l’éveil) ne doit pas être confondu avec buddhi qui est la capacité discriminatoire de l’esprit. 13 Apaisez votre esprit par la méditation L’enseignement du Bouddha repose sur « l’objectif » de libérer les êtres vivants du cycle de la souffrance. Il s’appuie sur le constat que Bouddha a fait de la condition humaine et sur le chemin intérieur qu’il a parcouru pour parvenir à cette libération. C’est ce que nous allons voir un peu plus bas. L’enseignement L’enseignement repose sur le Dharma, la « Loi » de l’ordre cosmique. Il a été conservé dans trois grands livres, appelés « les trois corbeilles ». L’un de ces livres contient principalement les règles qui ordonnent la vie du moine, c’est le livre de la discipline. Un autre, le livre (ou collection) des discours, traite de la doctrine de la délivrance telle qu’elle a été exposée dans les Quatre Nobles Vérités. Enfin, la collection philosophique comprend exclusivement les recherches psychologiques. Cette dernière partie, élaborée après la précédente, est constituée de six livres développant les éléments psychiques internes et externes. Ce sont ces deux derniers livres, dans leur aspect pratique, qui nous concernent tous à travers la méditation. Le Dharma peut se résumer à ce que l’on appelle les Quatre Nobles Vérités. La méditation, dans le cheminement qui vous est présenté dans ce livre, s’articule autour de ces quatre aspects. La première, la vérité de la souffrance, nous apprend brièvement que toutes les vies sont sujettes à la souffrance qui est la conséquence de leur état. La seconde, la vérité sur l’origine de la souffrance, nous apprend que toutes les souffrances ont leur racine dans le désir aveugle, ignorant et avide. Elle déclare également la raison des injustices qui paraissent dans la nature. Enfin, elle montre qu’il n’y a pas d’effets sans causes ni raisons. 14 La méditation – une question spirituelle La troisième, la vérité sur la cessation de la souffrance nous apprend que toute souffrance peut être éliminée par la suppression de tout désir et de l’ignorance. La quatrième, la vérité sur la voie qui mène à la cessation de la souffrance s’appelle l’Octuple Sentier. Elle comprend la compréhension juste, la pensée juste, la parole juste, les moyens d’existence justes, l’effort juste, l’attention juste et la concentration juste. Cet Octuple Sentier est un cheminement intérieur. Enfin, j’ajouterai à cette très brève présentation du bouddhisme une parole donnée par le Bouddha : « Soyez à vous-même votre propre lumière, votre propre refuge, ne cherchez pas d’autre refuge. » Il a également précisé que l’on ne pouvait se libérer de l’ignorance simplement par l’étude des Saintes Écritures, ni par les veilles sévères et prolongées, par des mortifications… Enfin, il ajoute ne pas s’adonner à une vie déréglée, vulgaire, inutile et non plus ne pas s’adonner aux austérités qui sont inutiles et inefficaces. Il a rejeté ces deux extrêmes et a trouvé la voie du juste milieu. Ainsi, le Bouddha apprend que chaque progrès intérieur est obtenu par la connaissance personnelle et que les dogmes et croyances autoritaires sont exclus. C’est dans cette voie du juste milieu que se situent les pratiques de méditation. Comme vous l’aurez compris, elles ne vous demandent pas de suivre d’enseignements spécifiques et encore moins de quitter votre propre tradition. Cette voie du juste milieu permet une meilleure connaissance de soi, conduit à un équilibre et à un cheminement intérieur. 15 Apaisez votre esprit par la méditation Ce que vous devez retenir des Quatre Nobles Vérités, c’est que cet enseignement nous révèle notre condition d’être humain et la voie pour être mieux. C’est un chemin de conscience, un chemin vers soi, et la méditation nous donne les moyens de parcourir ce chemin. La méditation nous permet de prendre conscience de nos phénomènes intérieurs : pensées, émotions… qui nous créent des problèmes, soit tout ce que l’on peut appeler la souffrance. La méditation, par les diverses approches, nous permet de cheminer de plus en plus profondément vers cette connaissance intérieure, par la prise de conscience que ces processus ne sont que des projections du mental, jusqu’à la rencontre d’un espace au-delà de la souffrance, soit l’état de méditation. Dans ce cheminement, vous allez passer par la rencontre avec ce qui vous motive souvent pour entreprendre la méditation, à savoir le calme mental, le lâcher-prise… qui sont les étapes de ce chemin vers l’Éveil qu’est la méditation. On pourrait le formuler encore différemment en disant que dans la méditation, vous cheminez vers l’Éveil, c’est-à-dire vers la connaissance intérieure de vos propres phénomènes. Le constat ou la première des Quatre Nobles Vérités. Toute vie est sujette à la souffrance, physique et mentale, telle que les maladies, les préoccupations, les problèmes, la mort… C’est le propre de notre incarnation. Nous pourrions encore l’appeler le constat du stress. 16 La méditation – une question spirituelle L’origine de cette souffrance ou la seconde des Quatre Nobles Vérités. Il n’y a pas d’effets sans causes ni raisons. Le désir aveugle, l’ignorance et l’avidité sont à la base de cette souffrance. Nous pouvons par exemple traduire cela dans nos états de jalousie, de jugements immédiats… Enfermés dans ces états mentaux, nous souffrons. C’est une part de ce que l’on peut considérer comme le manque de confiance en soi. Autre constat, qui est plutôt une bonne nouvelle, réside dans la troisième Noble Vérité qui nous apprend que toute souffrance peut être éliminée par la suppression de tout désir et de l’ignorance. Certes, cela ne va pas se faire tout seul et les moyens nous sont donnés à l’étape suivante. Enfin, la quatrième Noble Vérité nous indique le chemin, nous donne les moyens de supprimer cette souffrance. C’est dans la voie de la méditation que nous allons voir tous ces phénomènes intérieurs, tant au niveau physique que psychique. Il ne s’agit pas de les repousser, mais de les constater. À partir de ce constat, nous allons observer les processus des pensées et des émotions, nos états d’être… C’est grâce à ce constat que nous allons peu à peu pouvoir prendre du recul, aller vers un lâcher-prise… Dans notre vie, nous avons tendance à repousser tous ces phénomènes intérieurs. Le chemin de la méditation est un face à face avec nous-mêmes, dans lequel nous regardons ce qui se passe. Grâce à ce face à face, les phénomènes vont s’apaiser, disparaître, jusqu’à ce que nous atteignions le calme intérieur, voire que nous connaissions certains états spécifiques de la méditation. 17 Apaisez votre esprit par la méditation Ces constats intérieurs nous conduisent vers une prise de conscience de nos jugements, que nous allons voir s’évanouir au fur et à mesure du temps pour nous situer dans une voie d’équilibre, appelée la voie du juste milieu. Nous la percevrons grâce à cet équilibre intérieur qui s’installera, par l’apaisement de nos pensées dans une pensée juste, par un équilibre de nos paroles (sortir des critiques stériles…). Enfin, ce réajustement n’est pas l’obéissance à des règles externes, mais le résultat d’une prise de conscience intérieure. C’est ce que l’on peut encore appeler le chemin de la Conscience. Le bouddhisme est une philosophie dont nous pouvons tirer un bénéfice. L’engagement dans la voie bouddhiste est une décision personnelle qui conduit notamment à une étude beaucoup plus approfondie des textes. Comme Sa Sainteté le dalaï-lama l’a précisé dans ses ouvrages, il n’est pas nécessaire de quitter ses croyances ou sa religion pour bénéficier des enseignements du bouddhisme. Les valeurs transmises par le bouddhisme sont des valeurs universelles d’amour et de compassion. La méditation est une voie universelle. 18 Dépoussiérer la méditation Entachée d’idées reçues, de clichés, mise à toutes les sauces, réduite à une technique de gestion du stress, la méditation existe depuis la nuit des temps et jalonne diverses traditions, qu’elles soient orientales ou occidentales. Méconnue, elle s’adresse cependant à tous. Les idées reçues sur la méditation –– Pour méditer il faut être bouddhiste. La méditation est avant tout une expérience à la portée de toute personne désirant arrêter de courir après le temps. Elle permet de retrouver la paix intérieure. Elle a été introduite en Occident par le biais de techniques orientales comme le yoga, dont elle est partie intégrante. Elle a eu le vent en poupe dans les années 1970-1980 avec la méditation transcendantale. Par ses principes qui sont l’immobilité et le recentrage, elle est le vecteur qui permet Apaisez votre esprit par la méditation l’accès à notre intériorité et à la connaissance de soi. Intériorité et connaissance de soi sont les piliers des traditions orientales telles que le bouddhisme. –– Je ne suis pas assez calme pour méditer. La méditation va développer le calme et en particulier le calme mental. Le calme est ce vers quoi la méditation nous permet de tendre, ça n’est pas la condition pour accéder à la méditation. Au fur et à mesure de votre constance dans la pratique, ce calme va s’installer dans votre vie en dehors des temps de pratique. Vous pourrez en mesurer les effets non seulement au niveau physique, mais également mental. Vous augmenterez votre capacité à prendre du recul face aux événements. Face aux problèmes, les solutions émergeront plus facilement. –– Il faut s’asseoir en lotus. N’importe quelle position assise convient pour la méditation. La posture du lotus est un cliché. Elle demande une grande souplesse au niveau des hanches et, mal prise, elle est plus nuisible que bénéfique. La posture du lotus, comme toute posture, dépend de la morphologie de chacun et doit se préparer. Dans la tradition du yoga, elle se place en fin de séance et suppose par conséquent que ses points clés aient été préparés auparavant, grâce, notamment, à toutes les autres postures. 20 Table des matières Avant-propos........................................................................................... 5 La méditation – une question spirituelle................................................ 9 Une question d’intérieur et d’extérieur...........................................10 Le bouddhisme................................................................................13 Dépoussiérer la méditation................................................................... 19 Les idées reçues sur la méditation...................................................19 Le succès de votre méditation.........................................................21 Dépasser les obstacles...................................................................... 27 De la tête au corps pour aller vers le cœur........................................... 31 Cheminer vers la tranquillité et un espace intérieur stable�����������32 Cheminer vers son centre pour débrancher le mental....................41 Cheminer vers un autre point de vue.............................................49 Le chemin du corps.........................................................................54 De la technique à une nouvelle relation avec soi................................. 67 Les formes de méditation...............................................................67 Développer l’état de présence........................................................79 De l’agitation au calme..................................................................84 Apaisez votre esprit par la méditation La concentration.............................................................................92 Vivre le moment présent................................................................99 Le processus mental et les pensées..............................................104 Le stress et la méditation.................................................................... 113 L’importance de la respiration......................................................113 Une question de rythme................................................................118 Prévention et réduction du stress par la méditation.....................120 D’un art de vivre à l’expérience intérieure......................................... 129 La transformation intérieure............................................................... 136 Ma rencontre avec la méditation........................................................ 139 Bibliographie........................................................................................ 141 Achevé d’imprimer