Cancérologie moléculaire Jean-Yves SCOAZEC Service de Pathologie morphologique et moléculaire, Département de Biopathologie AMMICa, CNRS UMS3655/INSERM US23 Gustave Roussy, Villejuif Le pathologiste: un rôle essentiel • Le diagnostic de cancer repose sur le pathologiste • La prise en charge du malade nécessite une preuve anatomopathologique Les apports du pathologiste • Diagnostic – Apporter la preuve du cancer – Identifier, nommer et classer le cancer – Contribuer à : • déterminer le stade évolutif (bilan d’extension) • évaluer le risque évolutif (pronostic) – Aider à la prise en charge thérapeutique • Dépistage et prévention – Diagnostiquer les lésions précancéreuses • Biologie des tumeurs – Recherche translationnelle – Transfert de nouveaux outils diagnostiques Les apports de la pathologie moléculaire • Diagnostic – Apporter la preuve du cancer – Identifier, nommer et classer le cancer – Contribuer à : • déterminer le stade évolutif (bilan d’extension) • évaluer le risque évolutif (pronostic) – Aider à la prise en charge thérapeutique • Dépistage et prévention – Diagnostiquer les lésions précancéreuses • Biologie des tumeurs – Recherche translationnelle – Transfert de nouveaux outils diagnostiques RCP cancer Envoi au clinicien Réception du prélèvement Production d’un compte rendu Etape technique Diagnostic Lecture et interprétation Techniques complémentaires Diagnostic Le processus de l’examen anatomopathologique Les outils et les techniques d’analyse morphologique • Les techniques conventionnelles • Les techniques d’analyse moléculaire in situ Les outils et les techniques • Les techniques conventionnelles – Histologie – Histochimie – Analyse ultrastructurale • Les techniques d’analyse moléculaire in situ – Immunohistochimie – Hybridation in situ – Cytogénétique moléculaire in situ (FISH) Les outils et les techniques • Les techniques conventionnelles – Histologie – Histochimie – Analyse ultrastructurale • Les techniques d’analyse moléculaire in situ – Immunohistochimie – Hybridation in situ – Cytogénétique moléculaire in situ (FISH) Analyse histologique: l’outil de base du diagnostic et du phénotypage «Polypes» du côlon Adénomes Muqueuse normale Polypes hyperplasiques «Polypes» du côlon: adénomes Stade pré-invasif: adénome Stade invasif: adénocarcinome IMMUNOHISTOCHIMIE • Objectif: – Détecter une protéine donnée (ou un peptide) dans une préparation cellulaire ou tissulaire • Principe : – utilisation d’un anticorps spécifique – révélation du complexe antigèneanticorps par un système permettant sa visualisation par un outil microscopique IMMUNOHISTOCHIMIE Substance fluorescente Anticorps Enzyme Métal lourd Protéine cible Immunohistochimie: un outil fondamental Des techniques maîtrisées, standardisées, automatisées Des applications diagnostiques, pronostiques et théranostiques HYBRIDATION IN SITU • Objectif : – Détecter une séquence d’acides nucléiques (ADN ou ARN) dans une préparation cellulaire ou tissulaire • Principe : – utilisation d’une sonde moléculaire spécifique – détection des hybrides par une technique permettant leur visualisation par un outil microscopique HYBRIDATION IN SITU • Applications: limitées en diagnostic, larges en recherche EBV infection associated with gastric adenocarcinoma: EBER detection by ISH Kerroucha et al, Ann Pathol 2004;24:228 CYTOGENETIQUE MOLECULAIRE IN SITU Labeling of specific chomosomal sequences by molecular probes: - identification of chromosomes (or chromosome segments) - identification of specific domains Cytogénétique moléculaire in situ amplification du chromosome 17 (Her2/neu) CYTOGENETIQUE MOLECULAIRE IN SITU • Applications en cancérologie – Amplification, modifications de nombre – Réarrangements • Techniques de révélation – Fluorescence (FISH) – Technique enzymatique (CISH) – Technique argentique (SISH) Les outils du pathologiste • Biologie moléculaire appliquée aux tissus – analyse à partir d’acides nucléiques extraits d’échantillons cellulaires ou tissulaires, congelés (ADN, ARN) ou fixés (ADN) – adaptation de toutes les techniques existantes • PCR, séquençage, pyroséquençage, CGH, NGS, méthylation Les nouvelles responsabilités du pathologiste • Conditionnement adapté des prélèvements – Choix du fixateur / cryopréservation témoin AFA Bouin Clarke Formol pH7.4 Formol Les nouvelles responsabilités du pathologiste • Gestion des étapes préanalytiques – Contrôle histologique de la qualité et de la représentativité de l‘échantillon • cellularité tumorale • nécrose – Préparation spécifique de l’échantillon • macrodissection • microdissection tissulaire MACRODISSECTION MICRODISSECTION From: Palm Systems Une station de microdissection Indications actuelles validées de l’étude moléculaire des tumeurs • Indications diagnostiques – Sarcomes (diagnostic et classification) – Leucémies et lymphomes (diagnostic, classification, suivi des traitements) – Cancer du côlon chez le malade de moins de 50 ans (identification de risque de prédisposition familiale) – Tumeurs pédiatriques (diagnostic et classificaiton) – Tumeurs neurologiques (pronostic, prise en charge thérapeutique) Indications actuelles validées de l’étude moléculaire des tumeurs • Indications théranostiques – – – – – – – Cancer du sein: HER2 Cancer de l’estomac: HER2 GIST: PDGFRA et KIT Cancer du côlon : EGFR, K-ras, N-ras, H-ras, b-raf Mélanome: b-raf Cancer du poumon: EGFR, K-ras, b-raf, ALK, ROS1 Gliomes: LOH1p19q, méthylation de MGMT Démarche diagnostique Identifier, nommer et classer Cancer du côlon Identifier le cancer Adénocarcinome colique, lieberkühnien moyennement différencié Carcinomes du côlon • Plusieurs aspects différents … Lieberkuhnien Colloïde muqueux Adénocarcinome Epidermoïde Endocrine Un type, un traitement La diversité des cancers … • Dans chaque organe, coexistent plusieurs types histologiques de carcinomes, possédant des caractéristiques cliniques et évolutives différentes Les apparences trompeuses … Les apparences trompeuses … cytokératines EMA C’est un carcinome prenant l’aspect d’un sarcome … Cancer du côlon Tis T1 T2 T3 T4 épithélium muqueuse muscularis mucosae sous-muqueuse musculeuse adventice Guider le traitement • Des critères tirés de l’analyse conventionnelle – Exemple: adénocarcinomes du côlon • Si présence de ganglions envahis (N+) à l’examen de la pièce opératoire, indication d’une chimiothérapie • Si pas de ganglions envahis (N0), pas d’autre traitement EC cytoplasme Prolifération cellulaire Mutations du gène K-Ras Etude des nucléotides c34G , c35G du codon 12 et c37G, c38G du codon 13 du gène K-Ras (exon 2) 5’----GGTGGC---3’ codon base 12 1 2 13 1 2 mutation GGT AGT G12S GGT CGT G12R GGT TGT G12C GGT GAT G12D GGT GCT G12A GGT GTT G12V GGC AGC G13S GGC CGC G13R GGC TGC G13C GGC GAC G13D GGC GCC G13A GGC GTC G13V Recherche des mutations 1- Extraction d’ADN tumoral (tumeur I ou métastase) 2- Amplification de la zone d’intérêt par PCR, générant quantité de fragments d’ADN identiques aisément analysables T- T+ une Codon 12 sauvage GGT Codon 13 sauvage GGC A Codon 12 GAT G12D T Codon 12 GTT G12V C Codon 12 GCT G12A A Codon 13 GAC G13D Principe du test d’instabilité des microsatellites 1- Extraction d’ADN à partir de la tumeur et du tissu sain 2- Etude de la taille de 5 microsatellites: bat25, bat26, NR21, NR24 et mono27, après PCR Tumeur MSS N N T T N T Tumeur MSI-H N N T T N T Le syndrome de Lynch est lié à une mutation germinale d’un des gènes MMR: MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2. Inactivation d’un gène MMR , dans les cellules tumorales, conduisant à une instabilité génétique 1er évènement: mutation constitutionnelle 2ème évènement: mutation acquise (somatique) (toutes les cellules) (cellules tumorales) Alternative au test MSI: IHC des protéines MMR MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2 Méthode indirecte. Tissu normal Tissu tumoral Système de réparation post-réplicatif de l’ADN (MMR) A G 5’ 3’ AAA TTT T CACACACA GTGTGTGT 3’ 5’ GT 5’ 3’ hMSH2 hMSH6 hMLH1 hPMS2 A T hMSH2 hMLH1 AAA TTT hMSH3 hPMS2 CACACACA GTGTGTGT 3’ 5’ Interprétation de l’immunohistochimie MLH1 PMS2 MSH2 MSH6 Résultat - - + + Altération de + - + + Altération de + + - - Altération de + + + - Altération de MLH1 PMS2 MSH2 MSH6 Une instabilité des microsatellites est retrouvée dans près de 15% des CCR: - 12% correspondent à des formes sporadiques (non familiales) - 3% correspondent à des syndromes de Lynch Comment les différencier? Les formes sporadiques sont dues à l’hyperméthylation du promoteur du gène MLH1 Ces tumeurs présentent donc une perte d’expression de MLH1 Au laboratoire mise en évidence de cette hyperméthylation par deux techniques, après traitement de l’ADN par le bisulfite de Na : - la MSP methyl specific PCR (qualitative) - le pyroséquençage (quantitative) T- 1 2 3 4 5 6 7 8 9 T- 1 2 3 4 5 6 7 8 9 U+ M+ MSP PCR u PCR m Pyroséquençage Promoteur non méthylé Promoteur méthylé cancer spectre HNPCC avant 60 ans Test MSI MSS MSI-H Extinction MSH2 et/ou MSH6 PMS2 seul IHC Extinction MLH1 Analyse du promoteur Promoteur non méthylé Analyse constitutionnelle des gènes MMR Promoteur méthylé «Polypes» du côlon Adénomes Muqueuse normale Polypes hyperplasiques LOH Hypométhylation de l’ADN LOH 5q APC Normal Mutation 12p K-Ras Adénome Bas grade LOH 18q SMAD 2 SMAD4 DCC Adénome Haut grade LOH 17p p53 Carcinome Mutation 12p K-Ras Inactivation d’un gène du MMR (hMLH1, hMSH2 ++) MSI Mutation de gènes cibles Polypes hyperplasiques • Un cadre hétérogène – Forme microvésiculaire • Mutations de b-raf – Forme riche en cellules caliciformes (cellules à gobelet) • Mutations de K-ras – Forme pauvre en mucines • Altération moléculaire non identifiée Polypes festonnés sessiles/ adénomes festonnés sessiles • Côlon droit • Anomalies architecturales : – Ramification, bourgeonnement, dilatation et horizontalisation des glandes • Activité de prolifération : – Extension au 1/3 sup • Dysmaturation : – proportion des cellules caliciformes idem en profondeur et en surface • Mb basale non épaissie Altérations génétiques • Mutations b-raf: fréquentes • Mutations K-ras: absentes • Phénotype hyperméthylateur: fréquent MLH1 Cancérologie moléculaire ≠ Cancérologie génomique Le « retour » de l’immunohistochimie: « protéogénomique » GENE MUTATION FAUX SENS PROTEINE MODIFICATION DE SEQUENCE -Absence de détection -Détection par anticorps spécifique MODIFICATION FONCTIONNELLE -Anomalie de localisation -Anomalie de dégradation (perte d’expression, accumulation) MUTATION NON SENS MUTATION TRONCANTE PROTEINE TRONQUEE - Absence de détection AMPLIFICATION SUREXPRESSION DELETION REGULATIONS EPIGENETIQUES PERTE D’EXPRESSION VARIATIONS D’EXPRESSION Exemple HYPERMETHYLATION = PERTE D’EXPRESSION GENE GENE PROTEINE PROTEINE PARTENAIRE PROTEINE PROTEINE CIBLE GENE PROTEINE PROTEINE PARTENAIRE Anomalie d’expression Anomalie de localisation Anomalie de dégradation (perte d’expression, accumulation) GENE PROTEINE PROTEINE CIBLE Anomalie d’expression Immunohistochimie: alternative ou complément à la biologie moléculaire B-raf V600E Immunohistochimie: alternative ou complément à la biologie moléculaire ALK translocation Immunohistochimie: alternative ou complément à la biologie moléculaire MS-PCR 60% MethyLight 33% Pyroséquençage 42% MS-HRM 33% MGMT • Étude immunohistochimique de SDHB dans 2 séries rétrospectives de tumeurs (n=175) de statut moléculaire déjà connu • 1 série prospective de tumeurs (n=45) avec étude immunohistochimique de SDHB suivie d’une étude moléculaire • 2 anticorps anti-SDHB testés (monoclonal de souris et polyclonal de lapin) Facteurs du microenvironnement tumoral (stroma) • Cellules immunitaires et inflammatoires: – réponse immune (immunothérapie) • Cytométrie en flux • Immunohistochimie – Dénombrement – Distribution • Réseau vasculaire – Angiogenèse • Imagerie fonctionnelle • Immunohistochimie IN VIVO « SPECIMEN » EX VIVO IMAGERIE TISSULAIRE RADIOLOGIE ET ENDOSCOPIE PATHOLOGIE BIOLOGIE CELLULAIRE ET MOLECULAIRE Limites de l’approche morphologique • Image unique et instantanée – Absence de suivi au cours du temps – Reconstruction, par l’interprétation, des processus dynamiques • Prélèvement – accessibilité et choix de la cible – induction d’artefacts • Echantillon – représentativité • Techniques – standardisation • Analyse et interprétation – standardisation, reproductibilité, quantification Le pathologiste: une position privilégiée • Par sa position dans la chaîne diagnostique – Le clinicien suppose – Le radiologue propose – Le pathologiste dispose • Par son mode de fonctionnement Échantillon Technique Analyse Interprétation Diagnostic Un changement de paradigme • Une position différente dans la chaîne diagnostique • De nouveaux modes de fonctionnement Échantillon Conditionnement Transfert • De nouvelles interactions fonctionnelles