Mutation des dispositifs de mesure d’audience Master 1 Médias Information Communication Guillaume Sire Institut Français de Presse Propos liminaires – Une page web rien que pour vous : http://guillaumesire.wordpress.com/mutation-desdispositifs-de-mesure-daudience/ (Ou bien guillaumesire.wordpress.com > Enseignements) – Mes coordonnées – Mail : [email protected] – Twitter : @guillaumesire Objec2f du cours Comprendre les évolu2ons du secteur de la mesure d’audience, les ques2ons qu’elles soulèvent et ce que ces évolu2ons et ces ques2ons impliquent pour les acteurs concernés. Examen 1 Question de cours (une seule question obligatoire) 1 Question ouverte (au choix parmi deux questions) Introduction Comment peut-on quantifier et qualifier un public ? 1. « Mesurer » le public, un non-sens ? Quand est-ce qu’on passe du stade “plusieurs individus” au stade “un public” ou “des publics” ? 1. « Mesurer » le public, un non-sens ? } Le Paradoxe Sorite (IVe siècle av. J.-C. : Eubulide) } } Combien de grains faut-il amasser pour faire un tas ? Combien de grains dois-je enlever du tas pour que ce ne soit plus un tas ? 1. « Mesurer » le public, un non-sens ? } } } La quantité peut-elle être une qualité ? Une qualité peut-elle être qualifiable ? Le rôle de la mesure d’audience : inventer une façon de compter et de qualifier en même temps ? 1. « Mesurer » le public, un non-sens ? } Problème de la poule et de l’oeuf : la mesure vient-elle avant ou après le public ? 1. « Mesurer » le public, un non-sens ? } Cocktail de la mesure d’audience } } } } } Dénombrement : Combien sont-ils ? Qualité : qui sont-ils ? Comportement : que font-ils ? Goûts : qu’aiment-ils ? Impact : qu’ont-ils compris ? Retenu ? Ont-ils changé ? 1. « Mesurer » le public, un non-sens ? } “Les mesures d’audience ne mesurent pas tant le public que le travail qui a permis de le produire : elles sont des objets techniques performatifs : comme tout procédé de quantification, par leur diffusion et leurs usages argumentatifs, elles configurent et agissent sur la réalité qu’elles évaluent.” (Méadel, 2010, p. 7) 1. « Mesurer » le public, un non-sens ? Je ne dois pas seulement mesurer le public, je dois également persuader les autres que ma mesure est la bonne, monétiser cette mesure, l’affiner, la mettre en circulation. } Ceux dont je fais « un public » peuvent changer leur comportement étant donné mes propres actions, regimber, contester, se réapproprier mes propres mesures pour me contrer } 1. « Mesurer » le public, un non-sens ? } Digression : la carte, le territoire, le topographe et les habitants du territoire 2. Finalement, qu’est-ce que le public ? } Attention à ne pas commettre l’erreur classique (Esquenazi, 2006) : Croire que la connaissance du produit (émission, film, site) permet de comprendre son public } « Libération est un journal de gauche, ceux qui lisent Libé votent à gauche » De ce point de vue l’étude du public des médias se résumerait à l’étude des médias 2. Qu’est-ce que le public ? } « L’analyse des publics, c’est-à-dire de personnes placées par choix ou même par hasard devant des produits médiatiques et cherchant à les interpréter, à leur trouver une signification, interdit toute prétention à décrire de façon univoque le sens de ces produits. La signification n’est pas quelque chose qui se décrète. Elle n’est pas non plus une fonction invariante, liée à des propriétés supposées de ces objets. Elle dépend de la façon dont les publics appréhendent ces produits. (Esquenazi, 2006, p. 12) 2. Qu’est-ce que le public ? } Le public comme communauté imaginaire } } Les médias ont « inventé » le public Avant les industries de l’info et du divertissement (à l’ère prémédiatique), pas de problème du public : communauté de normes et de valeur partagées entre auteurs (de théâtre, de musique, de livres) et les spectateurs, auditeurs, lecteurs 2. Qu’est-ce que le public ? } Le public comme communauté imaginaire } Norbert Elias a expliqué dans son Mozart, sociologie d’un génie (1991)comment l’idée de public naît au moment où l’œuvre musicale commence, avec Beethoven, à s’adresser non plus à une communauté close mais à un ensemble d’individus dispersés et isolés formant une « communauté imaginaire » : un public au sens moderne du terme 2. Qu’est-ce que le public ? } Le public comme communauté imaginaire } } } La naissance des industries culturelles génère des publics ouverts et dispersés. Au dix-neuvième apparaît le financement par la publicité et les petites annonces (première publicité dans la presse : Emile de Girardin, 1836) Dès lors, de nombreuses interrogations : } } Doit-on supposer qu’un ensemble est homogène du fait même de son rassemblement ? Et dans ce cas, à quel point « homogène » ? (Pensez à la finale de la coupe du monde de foot) 2. Qu’est-ce que le public ? } Selon le sociologue John Hartley (1992), le public télévisuel n’existe pas… il est une fiction inventée par les producteurs de télévision… un mirage… Dont « l’audience » est le vilain nom (car le mot « public » fait penser à espace public, débat public, chose publique…) 2. Qu’est-ce que le public ? } Propos à nuancer } Par exemple, les travaux de Dominique Pasquier sur le courrier des fans de la série Hélène et les garçons montrent que « l’expérience télévisuelle est une occasion sociale, parmi d’autres, qui permet de marquer son appartenance » (Pasquier, 1999, p. 188) } Pour Dayan, l’expérience du téléspectateur, isolé devant son poste de télévision, contient un caractère collectif. Le téléspectateur, consciemment ou non, s’imagine comme participant à un collectif plus large de téléspectateurs. Un public ne pourrait exister que sous forme réflexive, c’est-à-dire que « son existence passerait par une capacité à s’auto-imaginer, par des modes de représentation du collectif, par des ratifications de l’appartenance » (Dayan, 2000, p.433). 2. Qu’est-ce que le public ? } Le public comme masse } En France, l’apparition entre 1835 et 1870 des quotidiens populaires, romans-feuilletons et des premiers magazines sont consubstantiels de l’apparition d’une idée de public comme « masse » (Mollier, 2001) } Gustave Le Bon : La Psychologie des Foules, 1895 Ecole de Francfort et industries culturelles (Adorno, Horkeimer) : La Dialectique de la Raison, 1947 } } Uniformisation supposée, manipulation 2. Qu’est-ce que le public ? } Le public comme masse } } Paul Lazarsfeld montre qu’il faut nuancer cela en montrant notamment que les médias n'ont pas d'influence directe sur les électeurs, mais qu'ils structurent en revanche les perceptions des leaders d'opinion qui eux possèdent une très forte capacité d'influence. Il pense que l'influence des médias dépend des opinions prééxistantes et du réseau de relations interpersonnelles du récepteur, ainsi que de son champ social. Le récepteur est donc davantage sensible aux opinions qui lui sont proches. Ainsi, un émetteur ne réussirait pas à changer l'opinion de son récepteur si celle-ci est déjà opposée. 2. Qu’est-ce que le public ? } Les publics identifiés } } } On postule un lien entre la capacité de faire public et le contexte social des individus Pierre Bourdieu (La Distinction, 1979) montre que les classes dominées économiquement se préparent culturellement à l’existence qu’elles vont devoir mener en privilégiant des goûts conformes à leur situation. Selon cette approche, trois sortes de public : } } } Public dominé qui se satisfait d’une culture de seconde zone fournies par les industries culturelles Public économiquement dominant, culture luxueuse et excluante Public économiquement à l’aise qui défendent les valeurs d’une culture universelle 2. Qu’est-ce que le public ? } Les publics identifiés } Bernard Lahire a proposé plus récemment une version moins déterministe (La Culture des individus, 2004) } } Sans nier le poids des caractéristiques sociales, il propose de considérer les acteurs comme des individus pluriels, pourvus de plusieurs identités qu’il engagent selon les contextes Le public est déterminé par ses actions, dans un espace-temps donné, en tant que public… 2. Qu’est-ce que le public ? } Les publics identifiés } } } } } } De nouveaux facteurs rentrent en compte (et non la seule hiérarchie sociale) : Genre Nationalité Cadre familial, Itinéraire On rend aux « grains de sable » leur individualité : on défait les tas, on retrouve les grains ! 2. Qu’est-ce que le public ? } Les publics actifs } } } } } Un public composé d’acteurs plutôt que d’individus Un acteur agit Il passe pour cela par un tissu de relations : un réseau Théorie de l’acteur-réseau (Hennion, Latour) : tracer les actions, les associations et les médiations Antoine Hennion étudie les amateurs de musique et « part de l’écoute », en considérant les dispositifs sociotechniques 3. Economie de l’attention 3. Economie de l’attention 3 modèles de l’économie de l’attention qui correspondent à: } Différentes façons de monétiser l’attention } Différentes façons de mesurer ce qu’on veut monétiser } Différents outils de mesure } Différents publics ? 3. Economie de l’attention 1. Les 3 modèles de l’économie de l’attention 3. Economie de l’attention 1. Les 3 modèles de l’économie de l’attention 3. Economie de l’attention 1. Les 3 modèles de l’économie de l’attention 3. Economie de l’attention 1. Les 3 modèles de l’économie de l’attention 3. Economie de l’attention 1. Les 3 modèles de l’économie de l’attention 3. Economie de l’attention 1. Les 3 modèles de l’économie de l’attention 3. Economie de l’attention 2. Comment valorise-t-on l’attention ? 4. Marchés multiversants Sur les marchés multiversants, je peux construire un public pour faire grandir ce public (effets directs) et je peux ensuite qualifier et quantifier ce public pour le valoriser sur d’autres versants (effets indirects) 4. Marchés multiversants 1. Effets de réseaux directs La présence d’un nouvel utilisateur augmente la valeur pour tous les nouveaux utilisateurs Loi de Metcalfe [U=n*(n-1)/2)] 4. Marchés multiversants } On subventionne les premiers entrants du réseau 4. Marchés multiversants } Les limites du modèle (Rohlfs, 1974) } 1) Taille optimale : à partir d’un certain nombre d’utilisateurs, congestion.. } 2) Coût de desserte : a quel point est-il intéressant de couvrir les zones de faible densité démographique ? 4. Marchés multiversants 2. Les marchés bifaces et les effets de réseaux croisés } La présence d’un nouvel entrant sur la face n°1 crée une augmentation de la valeur aux yeux des consommateurs de la face n°2 4. Marchés multiversants } Exemple d’effet de réseaux croisé : la publicité 4. Marchés multiversants } Problème de « circularité » (Evans, 2003 ; Caillaud et Jullien, 2003) : si un groupe manque à l’appel sur un versant, la demande tend à disparaître sur l’autre versant } Deux types de solution : la subvention d’une catégorie d’agent ou l’investissement sur un des versants } Si ces subventions et/ou ces investissements sont importants, des effets de réseaux croisés se mettent en place, par lesquels l’attraction d’un seul côté du marché suffit, par effet de débordement, à capturer l’ensemble des deux marchés (Wauthy, 2008, p. 49). 4. Marchés multiversants } Subvention totale : gratuité ! } C’est le cas de la presse gratuite et d’une quantité innombrable de services numériques } Le coup classique : } } } } } Marché à un seul versant Effets de réseaux directs Diversification : Marché multiversant Effets de réseaux indirects Succès sur les deux tableaux 4. Marchés multiversants } Attention avec le financement par la publicité } Publiphilie, publiphobie ? Certains médias ont des lecteurs publiphiles (ex : mode) } Les effets de réseaux croisés ont alors lieu dans les deux sens } Sur Internet, le ciblage publicitaire (modèle du filtre & modèle de la réciprocité) aide à augmenter la publiphilie } 4. Marchés multiversants } 3. La spirale de diffusion (Furhoff, 1973) } } } } } } Je subventionne et j’investis pour offrir un service attrayant Je diffuse mon service à fond : j’attire les publicitaires Je récolte plus d’argent sur le marché de la publicité : j’investis dans la qualité et la diffusion Je diffuse mon service encore plus à fond… etc. A l’inverse, je diffuse peu mon service, j’attire peu de publicitaires… etc. Une concentration inévitable ? 4. Marchés multiversants } La mesure d’audience permet sur ces marchés : } } } } } } } } } } De maximiser les chances de spirale D’augmenter l’attrait pour les publicitaires Donc le prix Donc les revenus De personnaliser les services De fragmenter les cibles Donc d’augmenter l’attrait pour les utilisateurs et pour les publicitaires Donc le prix Donc les revenus… Encore faut-il savoir mesurer l’audience, construire des idnicateurs, fabriquer un public, le faire circuler, rendre les auditeurs « audibles »