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au du
SudSahara
N°01
septembre-OCTOBRE 2011
L a l e t t r e d u d é p a r t e m e n t A f r i q u e s u b s a h a r i e n n e d e l’ AFD
l’Editorial
Akwaba ! A ni sé ! Karibu !
B
ienvenue Au sud du Sahara ! Voici le premier numéro de cette lettre bimestrielle, qui est celle des professionnels du département Afrique subsaharienne de l’AFD, qu’ils soient à Paris ou dans l’une de ses trente agences
ou représentations africaines. Dans le jargon si riche en acronymes de l’AFD on parle d’AFR. Trois lettres pour
qualifier une équipe qui travaille quotidiennement au plus près des réalités économiques et sociales du continent,
à travers un réseau qui couvre aujourd’hui la totalité de l’Afrique subsaharienne. Cette expertise fait autorité, et
par là même, constitue une des richesses de l’AFD. Au sud du Sahara souhaite proposer un éclairage régulier sur
l’actualité et les défis de l’émergence africaine.
On a déjà beaucoup écrit sur les mutations démographiques inédites en cours, la croissance forte et résiliente du
continent ou l’essor de ses villes et de sa classe moyenne. Succédant à des décennies d’images le plus souvent
catastrophistes, pessimistes ou résignées, voici qu’arrive progressivement une Afrique en mouvement, “nouvelle
frontière” de la croissance mondiale et porteuse des forces vives de demain. Ce mouvement un peu fort de balancier traduit bien l’évolution rapide de la perception symbolique qui s’opère : l’Afrique n’est déjà plus cantonnée
à la marge du monde, puisqu’elle est au centre des enjeux globaux actuels et de ceux des décennies à venir. C’est
une bonne nouvelle. Que cette vision soit partagée le plus largement possible !
Mais l’ampleur des défis ne doit pas être sous évaluée pour autant. L’Afrique devra d’abord loger et nourrir un
milliard de femmes et d’hommes supplémentaires d’ici 2050. L’accès aux services de base que sont l’eau, l’énergie,
les transports, la santé ou l’éducation devra dans le même temps être assuré pour deux milliards de personnes, alors
qu’ils ne suffisaient pas, ni hier, ni aujourd’hui à satisfaire les besoins des 850 millions d’habitants. Enfin, l’évolution
favorable d’un indicateur macroéconomique, fût-il le PIB par habitant, ne fera pas, à lui seul, le décollage du continent,
notamment en raison des disparités qui existent entre les économies et surtout à l’intérieur des pays. Pour réussir,
la croissance devra être inclusive, portée notamment par un secteur privé formel fortement créateur d’emplois et
générateur de ressources pour les Etats. L’Afrique doit pour cela gagner la confiance des investisseurs, tant continentaux qu’internationaux.
Au sud du Sahara tentera d’enrichir, en fonction de l’actualité africaine, la perception que l’on peut avoir des dynamiques à l’œuvre sur le continent. Trois rendez-vous structureront chaque numéro : un dossier thématique ou
géographique, un regard sur notre action, et un agenda africain pour le trimestre à venir.
Le premier numéro d’Au sud du Sahara revient notamment sur la sortie de crise en Côte d’Ivoire et tente d’apporter
un éclairage sur les défis de la relance ivoirienne et sur ses enjeux régionaux. Les contributeurs de cette lettre sont les
femmes et les hommes qui font la richesse de notre réseau africain, et pour tout cela je les en remercie.
Je vous souhaite une très bonne lecture et vous remercie par avance pour vos critiques et vos conseils bien entendu.
Dov Zerah
Directeur général de l’AFD
02
06
07
DOSSIER
FOCUS ACTIVITÉ
agenda africain
Les défis de la relance ivoirienne
L’AFD en zone franc
4ème trimestre 2011
lE DOSSIER
défis et enjeux de la relance ivoirienne
défis et enjeux de la relance ivoirienne
Les ivoiriens ont su éviter le pire. Le pays est fragile, mais debout. Que reste-t-il du miracle
après quinze ans de crise économique, budgétaire, sociale, politique, et après plusieurs années de conflit
armé dont le paroxysme fut atteint au mois de février 2011 ? Les formes et le rythme que prendra
la relance ivoirienne se posent au pays, à la sous-région et à leurs partenaires.
La crise ivoirienne,
du miracle consumé à l’étincelle
Les récents affrontements armés à Abidjan furent le point d’orgue d’une crise politique de succession qui débute au milieu des années 1990.
Elle prend racine bien au-delà, dans un temps plus long, celui du décollage économique et de la transition démographique.
D
ès 1960, la Côte d’Ivoire mise sur ses atouts
et fait des cultures d’exportation (cacao,
café, hévéa, palmier à huile...), le moteur de son
développement. La jeune république s’appuie sur
l’avancée d’un front pionnier, aux dépens de la forêt, grâce à une importante main d’œuvre en provenance de différentes régions et des pays voisins.
DU MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT
À SON ESSOUFFLEMENT
Ce modèle a fort bien fonctionné jusqu’au début des années 1980. La croissance économique
ivoirienne est alors soutenue, générant une
rente importante, accaparée et gérée par l’Etat.
Elle a notamment permis d’équiper le pays en
infrastructures, d’améliorer l’accès aux services
sociaux et d’amorcer le développement des régions septentrionales.
Le modèle s’est pourtant vite essoufflé. Sur le
plan conjoncturel, deux évènements ont fortement fragilisé l’édifice. Au retournement des
cours mondiaux des produits qu’exportait la
Côte d’Ivoire, s’est ajouté le recours à un endettement excessif pour pallier la contraction
induite de ses ressources financières. Faute de
pouvoir honorer le service de la dette, le passage
obligé par les institutions de Bretton Woods en
échange de leurs concours financiers, imposa
des programmes d’ajustement structurel qui
contraignirent plus encore les capacités d’intervention de l’Etat.
Structurellement, le modèle de développement
ivoirien a achoppé sur deux points. Le pays n’a pas
su créer une industrie compétitive tournée vers
l’exportation lui permettant un meilleur équilibre
entre secteurs primaire et secondaire.
Le pays n’a pas non plus anticipé l’épuisement
progressif du stock de terres disponibles pour la
poursuite d’une mise en valeur agricole extensive, sans que soit substitué à cette dernière un
modèle plus intensif. Ainsi, au début des années
au sud du sa h ara - n ° 1
quatre-vingt, l’économie ivoirienne s’essouffle
et la rente agricole ne suffit plus aux besoins de
redistribution.
EXPLOSION DÉMOGRAPHIQUE
ET TENSION FONCIÈRE
Dans le même temps, et en deux générations
seulement, la population ivoirienne a quintuplé.
A ce rythme, le simple maintien du niveau de PIB
par tête aurait supposé un taux de croissance
annuel moyen supérieur à 3 %. Mais la magie
des mots, sous le vocable de “miracle ivoirien”,
a trop longtemps occulté ce risque majeur. Cette
tendance lourde a provoqué une double tension
en ville et dans les campagnes.
À Abidjan, dont la population est passée de
300 000 habitants en 1960, à plus de quatre millions aujourd’hui, est arrivé sur le marché du travail un volant de main d’œuvre qui dépassait, et
de loin, les capacités d’absorption de l’économie
urbaine. Une population de jeunes chômeurs ou
de personnes en situation de grande précarité
s’est alors rapidement développée.
Dans les campagnes, l’appel à la main d’œuvre
(allogène ou allochtone) pour la mise en valeur
des terres et des cultures d’exportation débute
dès l’entre deux guerres et s’accroît significativement à partir des années 1950. Les conflits
agraires liés à ces mouvements de population
sont au moins aussi vieux.
Mais le mouvement massif, impulsé à l’indépendance par Félix Houphouët Boigny, pour
conquérir de nouveaux espaces à cultiver en
faisant appel à la force de travail étrangère à qui
l’on proposait en retour un accès à la terre, s’est
heurté au rapport contradictoire entre diminution des surfaces cultivables et explosion démographique.
De nombreux affrontements dans l’ouest et le
sud-ouest du pays autour du contrôle du foncier rural, ont eu lieu bien avant l’éclatement de
02
la crise politique des quinze dernières années.
L’ÉTINCELLE POLITIQUE
L’invention du concept d’“ivoirité” par le Président
Henri Konan Bédié, puis l’emploi qu’en fit Laurent
Gbagbo, dans le but d’écarter de la course à la
présidence le candidat Alassane Dramane Ouattara accusé de n’être pas un véritable Ivoirien, a
pour origine ce contexte. Une croissance insuffisante, la paupérisation de la population urbaine, la
présence importante de travailleurs immigrés et
la tension foncière ont fait converger les discours
politiques vers les questions identitaires.
La jeunesse urbaine désœuvrée a été un réservoir
de recrutement tant pour des activités illégales
que pour servir les ambitions d’entrepreneurs politiques. Ils y ont recruté de “Jeunes Patriotes” pour
les uns ou le “Commando Invisible” pour les autres.
JEAN-BERNARD VÉRON RESPONSABLE
DE LA CELLULE CRISES ET CONFLITS DE L’AFD
Croissance démographique
en Côte d’Ivoire
3,4 millions
d’habitants en 1960
21
millions
d’habitants en 2010
0,6 %
par an
C’est la croissance
moyenne du PIB en Côte d’Ivoire
depuis 2000.
L a l e t t r e d u d é p a r t e m e n t A f r i q u e s u b s a h a r i e n n e d e l’ AFD
le
ledossier
dossier
défis et enjeux de la relance ivoirienne
Côte d’Ivoire,
à la recherche du temps perdu
Le miracle ivoirien a fait long feu et le pays vient de traverser près de deux décennies de conflits plus ou moins ouverts.
Pourtant, le socle économique du pays a fait preuve d’une grande résilience et la Côte d’Ivoire conserve un potentiel économique inégalé au sein de l’UEMOA.
Est-ce à dire que le décollage longtemps retardé de la Côte d’Ivoire peut être à nouveau envisagé ?
L
es luttes politiques et militaires fratricides
ont eu des conséquences désastreuses
pour la population, la cohésion nationale et la
compétitivité de l’économie ivoirienne. Tout
en s’attelant à la construction de l’avenir de
leur pays à travers la mise en œuvre de l’ambitieux programme du Président Ouattara pour
les cinq années à venir, les Ivoiriens doivent
d’abord gérer le lourd héritage des deux dernières décennies.
Tourner la page
d’un déclin annoncé
La Côte d’Ivoire, si souvent montrée en
exemple et promise à un statut de pays
émergent il y a trente ans déjà, est classée à
l’Indice de Développement Humain (IDH) en
2010 au 149 ème rang, sur 169 pays, loin derrière le Cameroun, après le Bénin, le Togo
et le Sénégal. Le taux d’alphabétisation des
15-24 ans et le taux net de scolarisation primaire ont chuté à respectivement 53% et
56% en 2008, tandis que la poliomyélite et le
choléra ont fait leur réapparition dans la capitale. L’atteinte des Objectifs du Millénaire
pour le Développement n’y est pas envisageable d’ici 2015.
En réalité, les principaux indicateurs de
développement de la Côte d’Ivoire déclinent régulièrement depuis la fin de l’âge
d’or des années 1970, avec la chute des
cours des matières premières agricoles et
la détérioration des termes de l’échange
conjuguée à la surévaluation du franc CFA
au milieu des années 1980, puis du fait de
quinze années de crise politico-militaire et
d’impéritie. Le taux de pauvreté est ainsi
passé de 10 % de la population en 1985 à
49 % en 2008 1.
Le bilan de cette longue parenthèse de crise
latente et de conflits ouverts est lourd. Il faut
d’abord bâtir une cohésion nationale. La moitié nord du pays doit être réintégrée dans la
vie économique, le réseau des infrastructures,
des institutions et des services sociaux. Il faut
également construire un Etat moderne doté
de pouvoirs et d’institutions intègres et transparentes, en mesure de fournir aux popula-
au sud du sa h ara - n ° 1
tions des services de qualité. Le pays devra
se doter de services publics marchands professionnels et nouer des partenariats avec le
secteur privé pour redonner sa place à l’économie. Le chemin est encore long qui mènera
la Côte d’Ivoire au statut de pays émergent.
relancer une économie
qui périclite...
Le coup d’Etat de 2002 a provoqué la partition de fait de la Côte d’Ivoire. L’économie
de sa moitié nord a vu son accès au port
d’A bidjan et au poumon économique qu’est
la capitale brutalement fermé. Si les grandes
entreprises ont réussi à maintenir leur activité,
notamment dans la filière cotonnière et le
négoce de produits agricoles, la friche industrielle qu’est devenue Bouaké, la capitale du
Nord ivoirien, témoigne du choc économique
induit par la crise politique.
Au Sud, l’économie ivoirienne s’est réorganisée autour de la ville d’Abidjan. Même
amputée de sa moitié nord, la Côte d’Ivoire
a conservé alors son statut de première économie de l’UEMOA. Le pays est demeuré le
premier producteur mondial de cacao et le
premier producteur africain de caoutchouc,
et a continué d’héberger un nombre élevé
d’industries et de commerces à vocation
sous-régionale, voire internationale. Dans
ce contexte, la Côte d’Ivoire a toujours été
reconnue pour la compétence de ses élites
économiques.
Toutefois, son développement a été contraint
par la situation de crise latente. Les taux des
prêts bancaires demeurent élevés et leur maturité limitée en raison du risque pays. L’environnement des affaires s’assombrit, avec
une administration (notamment fiscale et
douanière) prédatrice et une justice partiale.
Globalement, les politiques publiques sont
peu claires et donnent le sentiment d’un pilotage court-termiste peu propice à l’investissement de long terme. La qualité de l’éducation
et de la formation se dégrade, de même que
les infrastructures routières et ferroviaires. Le
déficit des secteurs de l’eau et de l’électricité
se creuse, empêchant la réalisation des inves-
03
tissements de capacité nécessaires à la croissance économique.
... mais qui continue de
disposer d’un socle solide
et d’atouts inégalés dans
la sous région
Malgré cela, le socle économique de la Côte
d’Ivoire a fait preuve de résilience et demeure
une base solide. Aujourd’hui, avec un président légitimement élu, la Côte d’Ivoire retrouve politiquement la place qui lui revient
au cœur de la sous-région et au sein de la
communauté internationale. Pour que ce renouveau se traduise aussi économiquement,
le gouvernement doit faire preuve d’une volonté politique forte.
Peu de pays d’Afrique subsaharienne possèdent autant d’atouts que la Côte d’Ivoire
L’évolution de l’indice
de développement humain
ivoirien par rapport
à celui de ses voisins
0,48
0,46
0,44
0,42
0,4
0,38
0,36
0,34
0,32
0,3
1990
1995
Sénégal
Côte d’Ivoire
2000
Cameroun
Togo
2005
2010
Benin
Source : Rapport sur le développement humain 2010, PNUD
“Le taux de pauvreté
est passé de 10%
de la population en 1985
à 49% en 2008.”
L a l e t t r e d u d é p a r t e m e n t A f r i q u e s u b s a h a r i e n n e d e l’ AFD
le
ledossier
dossier
défis et enjeux de la relance ivoirienne
Côte d’Ivoire, à la recherche du temps perdu (suite)
pour réussir le pari de redressement à
marche forcée qu’il s’est fixé. Sa position
géographique de hub économique au sein
de la communauté sous-régionale (UEMOA
et CEDEAO) dynamise le tissu économique
ivoirien. Le pays bénéficie également de la
richesse de ses sous-sols, avec un potentiel
minier et pétrolier conforté par les récentes
découvertes dans le golfe de Guinée.
Sa position dominante sur le marché mondial du cacao est complétée par des complexes agro-industriels performants insérés dans l’économie mondiale (hévéa,
palmier à huile, coton, etc). Le pays est également reconnu pour son savoir faire en
matières de services publics marchands et
de services sociaux. La Côte d’Ivoire possède
en effet une longue expérience des partenariats public privé (PPP) dans des domaines très
divers (BOT et concessions dans les services
publics marchands, délégation de service public dans la santé et l’éducation, universités privées, jumelages universitaires, etc.). Enfin, si son
réseau d’infrastructures de base est à rénover,
il a une densité supérieure à la moyenne des
pays de la région (zones industrielles, aéroport,
ports autonomes, réseau revêtu, artère internet haut débit, etc.).
La volonté de la nouvelle équipe au pouvoir
à redresser le pays semble, sous réserve de
confirmation dans la durée, bien présente. Trois
mois après la fin de la crise, de premiers éléments significatifs allant dans ce sens peuvent
être relevés. Chaque ministre dispose dorénavant de sa feuille de route, d’un cadre logique
et d’une matrice de résultats à valider d’ici fin
2011. Par ailleurs, la transparence et l’éthique
sont mises en avant, dans la presse notamment,
comme nouvelles normes de gouvernance et
chaque ministre a signé la charte d’éthique du
gouvernement.
mitamment un dialogue public-privé nourri
et l’assainissement visible et durable du climat
des affaires. C’est la clé pour attirer les Investissements Directs Etrangers dans le pays et
permettre à l’Etat d’emprunter sur les marchés
pour financer son programme économique.
Les partenaires techniques et financiers que
sont la Banque Mondiale, la France, et l’Union
Européenne, devraient compter dans cet effort
de redressement, ayant ensemble les capacités
et la volonté d’intervenir massivement et sur le
long terme.
L’enjeu sera de ne laisser aucun secteur orphelin de l’aide extérieure lorsque les ressources
nationales ne permettront pas d’atteindre les
objectifs fixés. Ainsi, de façon assez classique,
les bailleurs devront répondre présents pour
le financement des infrastructures et des secteurs sociaux, notamment pour rattraper le
dramatique décrochage des indicateurs de
l’éducation et de la santé durant les deux dernières décennies.
Mais ils devront également avoir le courage
d’accompagner l’Etat ivoirien sur des problématiques plus complexes, requérant expertise
et ingénierie. Le financement de l’agriculture,
sinistré en Côte d’Ivoire, l’emploi et la réinsertion dans un contexte post-crise, les PPP pour
le financement des infrastructures les plus
ambitieuses (notamment dans les domaines
de l’énergie et des transports) et l’intégration sous-régionale, afin de rendre à la Côte
d’Ivoire son rôle de moteur de la croissance de
l’hinterland, sont au premier rang de ces défis
posés aux bailleurs par la relance ivoirienne.
E volution de la part
des Investissements directs
étrangers dans le PIB ivoirien
et dans la sous-région
5
4
3
2
1
2007
Côte d’Ivoire
UEMOA 1/
2010
Afrique subsaharienne 2/
Agence AFD d’Abidjan
Bd. François Mitterrand 01
Abidjan 01
Côte d’Ivoire
Pays couverts
Côte d’Ivoire, Libéria
Directeur
Philippe-Cyrille Berton
de l’agence AFD d’Abidjan
2009
Source : FMI, juin 2011
directeur
Philippe-Cyrille Berton
Tél
(225) 22 40 70 40
Fax
(225) 22 44 21 78
[email protected]
Anne-Lise Rêve chargée de mission
à l’agence AFD d’Abidjan
“En 2010, l’indice
de développement
humain de la Côte
d’Ivoire classe le
pays au 149ème rang
sur 169.”
Inciter ses partenaires
au développement à être
à la hauteur de l’enjeu
Le succès de l’entreprise de reconstruction du
pays engagée par la nouvelle équipe reposera
avant tout sur le degré de confiance des opérateurs économiques et des investisseurs, source
de croissance potentielle à deux chiffres dans
la mise en œuvre du programme présidentiel. Il
s’agira pour le gouvernement de multiplier les
partenariats public-privé et de mener conco-
au sud du sa h ara - n ° 1
2008
Source : Ministère ivoirien du Plan et du Développement,
Institut national de la statistique, Enquête sur le niveau de vie
des ménages 2008, p.5
1
04
L a l e t t r e d u d é p a r t e m e n t A f r i q u e s u b s a h a r i e n n e d e l’ AFD
le
ledossier
dossier
défis et enjeux de la relance ivoirienne
Les économies sous-régionales
et la crise ivoirienne
La Côte d’Ivoire accueille plus de sept millions de ressortissants étrangers, soit 35% de sa population totale,
en provenance des pays frontaliers. Cette proportion dit à elle seule le rôle central que joue le pays dans les dynamiques d’échanges
en Afrique de l’Ouest. La crise ivoirienne a-t-elle changé la donne ?
M
algré plusieurs années de croissance atone
voire de récession durant les années de
crise les plus sombres, la Côte d’Ivoire conserve
un poids économique important en Afrique de
l’Ouest. Deuxième économie derrière le géant
nigérian en termes de PIB, elle devance toujours
ses deux concurrents, le Ghana et le Sénégal.
Plus de 50% des exportations agricoles de la
sous-région sont ivoiriennes et le pays accueille
plus des deux tiers des industries régionales. Ainsi, aux pires moments de la crise, les autres pays
ont dû trouver des palliatifs aux blocages liés aux
péripéties ivoiriennes.
Une circulation des hommes,
des biens et du capital
contrainte par la crise
Depuis 2002, date de la scission du pays, on estime à 360 000 le nombre de burkinabés rentrés
au pays (10% des travailleurs installés en Côte
d’Ivoire). Il est difficile de quantifier la perte de
ressources en termes de transferts financiers
(remises de migrants) occasionnée par ces migrations, tant la part des flux informels est importante. En revanche, ces mouvements de populations ont déjà un effet sur la densité des régions
d’accueil et y renforcent les tensions foncières,
sociales et économiques 1.
La crise ivoirienne a également affecté les échanges
commerciaux au sein de l’Afrique de l’Ouest. Non
seulement parce que le pays est une terre de destination pour les exportations des pays voisins
et une terre d’origine pour les importations (les
importations du Burkina Faso en provenance de
Côte d’Ivoire représentent presque 20% des importations totales de ce pays selon les données
sur le commerce formel), mais également parce
que la Côte d’Ivoire est un chemin d’accès vers ou
depuis le reste du monde pour les pays enclavés
que sont le Burkina Faso, le Mali ou le Niger. Ceuxci ont ainsi été contraints de trouver des voies
de contournement, lors de la coupure physique
du lien avec Abidjan et le Golfe de Guinée. Les
ports de Téma, de Lomé et de Dakar ont alors
servi de débouché, mais au prix d’une hausse des
coûts de transaction, ce qui a renchérit le coût
des échanges intra-régionaux et avec le reste du
monde. Egoume et Nayo (2011)2 montrent ainsi
que la crise ivoirienne s’est traduite par une baisse
du potentiel commercial de l’UEMOA. Pour la
seule Côte d’Ivoire, ils estiment à 40% la perte des
au sud du sa h ara - n ° 1
échanges avec l’UEMOA occasionnée par la crise.
Au paroxysme de la crise, le Trésor ivoirien était
le premier émetteur sur le marché monétaire
régional, avec un encours de près des deux tiers
des bons du Trésor détenus par les banques de la
région, soit 600 milliards de FCFA. Les banques du
Bénin, du Sénégal et du Burkina Faso, en sus des
banques ivoiriennes, étaient alors exposées, avec
environ 15% de l’encours détenu par les banques
dans chacun de ces trois pays. Une crise persistante aurait créé une accumulation d’impayés sur
les titres publics ivoiriens et une désorganisation
du marché monétaire et financier de l’Union.
Des mécanismes de refinancement, en accord
avec la banque centrale (BCEAO), ont permis de
rééchelonner les bons et les obligations du Trésor
ivoirien. De même, les banques de l’Union ont bénéficié d’une injection importante de liquidités de
la BCEAO pour pallier la fermeture des banques
commerciales privées en Côte d’Ivoire de février
à fin avril 2011.
Et puis, sans aucun doute, une reprise vigoureuse
de l’économie ivoirienne ne pourrait avoir qu’un
effet positif d’entrainement sur la région. Une relance de l’activité économique par une poussée
de la demande intérieure ivoirienne conduirait les
entreprises à créer davantage de richesses dans la
région. Le niveau des recettes fiscales afficherait
ainsi une meilleure position, permettant la mise
en œuvre de véritables programmes d’investissement, dans les infrastructures notamment, dont
l’ensemble de la région pourrait tirer des bénéfices.
Il convient ainsi d’identifier les secteurs d’intégrations fortes, permettant aux économies régionales
d’être complémentaires et non dépendantes. Cela
passe avant tout par une volonté politique, monétaire et financière affirmée. Les bailleurs sont aux
côtés des Etats et des institutions pour financer les
meilleures synergies de développement régional.
Emmanuelle Roumégous économiste
au département Afrique subsaharienne de l’AFD
oumar sylla
Mais quels liens avec les
performances de croissance ?
Les stratégies de contournement, de nouvelles alliances et l’existence de solutions alternatives ont
sans doute permis aux économies de la région les
plus liées avec l’économie ivoirienne et potentiellement les plus fragiles d’éviter d’être aspirées
par le marasme économique ivoirien. On pourra
ainsi constater que le Burkina Faso, dont les relations économiques avec la Côte d’Ivoire sont sans
doute les plus étroites au sein de la région, est
finalement le pays de l’UEMOA qui a connu les
meilleures performances de croissance ces dernières années. Performances qui le rapprochent,
selon le FMI, des meilleurs performeurs d’Afrique
subsaharienne3. En 2001, le pays réalisait 6,6% de
croissance alors que l’économie ivoirienne stagnait ; en 2003, il réalisait 7,8% de croissance alors
que le PIB ivoirien se contractait de 1,7%. Le Mali,
autre économie fortement liée à la Côte d’Ivoire,
suit juste derrière en termes de performances
macroéconomiques au cours de ces dix dernières
années. Est-ce à dire que la croissance entre les
pays de la région n’est pas liée, sûrement pas, une
analyse quantitative serait nécessaire. Et nous ne
mesurons pas encore l’impact régional de cette
nouvelle crise de 2011, bien plus profonde que les
crises passées (les dernières prévisions tablent sur
une récession de 5,8%).
05
chargé de projets à l’agence
AFD d’Abidjan
Croissance comparée
des PIB au Burkina, Mali et RCI
depuis 10 ans
15
10
5
0
-5
-10
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
(prev)
Burkina Faso
Mali
RCI
2/3
des Bons du Trésor détenus par les
banques de l’UEMOA sont ivoiriens.
F . Courtin, F. Fournet, P. Solano, : “La crise ivoirienne et les migrants
burkinabés”, Afrique contemporaine n° 236, pp. 13-26, 2011
P. Egoumé-Bossogo, A. Nayo : Feeling The Elephant’s Weight:
“The Impact of Côte d’Ivoire’s Crisis on WAEMU Trade”, Avril 2011 ;
IMF, Working Paper
3
Perspectives économiques régionales, FMI, octobre 2010
1
2
L a l e t t r e d u d é p a r t e m e n t A f r i q u e s u b s a h a r i e n n e d e l’ AFD
l’activité
au sud du sahara
L’A FD en zone franc
Par rapport aux années précédentes, l’AFD est en avance sur sa feuille de route 2011 et les autorisations d’engagement
du groupe en Afrique subsaharienne atteignent 1.2 milliard d’euros au 31 août. Cela se ressent en zone franc où l’activité
est en forte croissance ces derniers mois, au bénéficie des Etats et pour le financement de leurs infrastructures.
A
la fin du deuxième trimestre 2011, les autorisations d’engagement du groupe AFD en
zone franc atteignent déjà 650 M€ et sont supérieures à celles accordées pour l’ensemble de
l’exercice 2010 (534 M€). Si les prévisions pour
les deux derniers trimestres de l’année en cours
se confirment, l’activité du groupe AFD en zone
franc pourrait atteindre 1,3 Md€ en 2011, un record absolu. Il s’agirait alors d’une croissance d’activité de plus de 153% par rapport à 2010. Cette
évolution résulte notamment de la forte hausse
des autorisations d’engagement pour le compte
de l’Etat français, à travers une activité exceptionnelle due à la mise en œuvre d’un important
Contrat de Désendettement et de Développement1 (C2D) au Cameroun et d’un prêt budgétaire de 350 M€ en Côte d’Ivoire (voir encadré).
Mais elle résulte également d’une croissance de
l’activité courante.
... en faveur des etats
Ainsi, au cours des deux premiers trimestres 2011,
l’activité en prêts souverains représente 82% de
l’ensemble de l’activité du groupe AFD en zone
franc. Les autorisations d’engagement en prêts
aux Etats de la région atteignent ainsi 532 M€ à la
fin du mois de juin 2011, contre 105 M€ pour l’ensemble de l’exercice 2010. Le prêt exceptionnel
accordé à l’Etat ivoirien explique pour une part la
prépondérance du financement souverain. Mais
les projections faites pour les deux derniers trimestres confirment cette tendance qui s’explique
par plusieurs dynamiques convergentes. Parmi
celles-ci, l’amélioration de la situation budgétaire
des Etats de la région leur permet à nouveau de
financer une partie de leurs investissements, notamment en infrastructures, par le recours à l’endettement extérieur.
... pour l’adduction d’eau,
le développement urbain,et
l’énergie
Cette capacité des Etats à financer leurs programmes d’investissement de long terme se
retrouve dans la concentration sectorielle de
l’activité de l’AFD. Sans compter le cas particulier du financement du redémarrage en Côte
d’Ivoire (350 M€), l’activité souveraine de l’AFD
pour le financement des infrastructures en zone
franc a atteint 230 M€ à la fin du troisième trimestre 2011. Parmi les projets ou programmes
financés, on peut ainsi retenir l’appui au secteur
de l’électricité au Sénégal, le développement
urbain à Douala (voir encadré), ou le développement des infrastructures touristiques au Sénégal
et aux Comores.
Gérald Collange directeur adjoint du
département Afrique subsaharienne de l’AFD
Les Contrats de Désendettement et de Développement (C2D) sont,
en complément de la réduction de dette des pays pauvres très endettés
(initiative PPTE) dans le cadre du Club de Paris, un effort bilatéral
additionnel de la France pour transformer en subvention les reliquats de
dettes provenant de l’Aide Publique au Développement française. Les
reliquats de dette sont ainsi payés à la France puis rendues sous formes
de subventions allouées à certains secteurs prioritaires du développement
des pays bénéficiaires.
1
Un deuxième pont sur le Wouri
La ville de Douala, au Cameroun, concentre
95 % du commerce extérieur national et
50 % de celui du Tchad et de la République
Centrafricaine. L’épicentre de la chaîne
de transport du pays est l’axe routier qui
traverse Douala d’Est en Ouest. Il ne suffit
plus à absorber le trafic urbain et le fret.
L’AFD s’est engagée dans la mise à niveau
de cet axe transversal en trois étapes
convergentes. Après le financement de
la réhabilitation de l’accès Est en 2010,
l’AFD finance la construction du second pont
au sud du sa h ara - n ° 1
sur le Wouri en 2011 (133 M€) et étudie
la réhabilitation de l’accès Ouest.
La convention signée entre la République
du Cameroun et l’AFD le 13 juillet 2011
prévoit un financement composé de 100 M€
en prêt souverain et de 33 M€ imputés sur
le deuxième C2D signé la même année.
Ce montage financier, mixant prêt souverain
et C2D, pourrait être à nouveau utilisé pour
financer un ambitieux projet d’assainissement
pluvial dans la ville de Douala, et des
programmes agricoles du pays.
06
49%
des financements
pour les infrastructures
153%
d’activité supplémentaire en zone franc
soutenir la sortie de crise
en côte d’ivoire
L’AFD a mis en place, avec
la garantie de l’Etat français
un prêt budgétaire de 350 millions
d’euros destiné à financer les
dépenses prioritaires de l’Etat
ivoirien, au moment où le pays
sortait de la crise postélectorale
qui aura finalement duré plus
de 4 mois. Les fonds de la
première tranche (200 millions
d’euros), versés le 28 avril
2011, soit à peine plus de 2
semaines après la fin de la
crise, ont été essentiellement
affectés au paiement des salaires
des fonctionnaires ivoiriens et
à l’assainissement d’Abidjan,
profondément marquée par plusieurs
jours de combats. La seconde
tranche du prêt (150 millions
d’euros) a été décaissée le 12
juillet 2011. Elle est affectée
à la relance économique du pays
avec le financement partiel du
plan d’apurement des arriérés de
l’Etat à l’égard du secteur privé
et au financement partiel des
dépenses socialement urgentes du
programme présidentiel d’urgence,
touchant les secteurs de l’eau,
de l’éducation et de la santé.
La mise en place rapide
de ce prêt d’urgence aura sans
aucun doute contribué à la
stabilisation du pays et facilité
le rétablissement de ses relations
avec la communauté internationale
des bailleurs de fonds avec le
réengagement du FMI, de la Banque
mondiale et de la BAD notamment
dès le début du mois de juin 2011.
L a l e t t r e d u d é p a r t e m e n t A f r i q u e s u b s a h a r i e n n e d e l’ AFD
l’agenda africain
du 4 ème trimestre 2011
événements
du 10 octobre au 31 décembre 2011
Conférences
internationales
et régionales
S ommet du G20
3 et 4 novembre 2011 / CANNES, france
4 ème Forum de haut niveau sur
l’efficacité de l’Aide
29 novembre au 1er décembre 2011
BUSAN, Corée du Sud
20 : conférence
G
sur le développement
21 octobre 2011 Paris/France
Jour
nées européennes
du développemen
15-16 décembre 2011
Varsovie/Pologne
A ssises de la coopération
décentralisée
2 décembre 2011 Bamako/Mali
C onférence du MAEE et de l’AFD
sur l’histoire de l’Aide
8 décembre 2011 Paris/France
infrastructures
Atelier national sur
le programme de redressement
du secteur électrique guinéen
novembre 2011 / conakry, Guinée
ongrès de l’énergie en Afrique
C
6 et 7 décembre 2011 / dakar, sénégal
agriculture et
sécurité alimentaire
F orum international
“Solidarité pour l’eau dans
les pays du Bassin du Niger”
17 et 18 octobre 2011 / Bamako, Mali
3 ème conférence africaine de
l’irrigation et du drainage :
“Sécurité alimentaire en Afrique
et changement climatique :
améliorer la contribution de
l’irrigation et du drainage”
29 novembre au 2 décembre 2011
bamako, mali
Atelier
sur la sécurité
alimentaire du Zimbabwe
1ère semaine d’octobre 2011
Harare, Zimbabwe
développement durable
F orum africain
du développement durable
4 au 6 octobre 2011 / bamako, mali
onférence des parties
C
à la convention cadre
des Nations-Unies
sur les changements
climatiques (COP 17)
28 novembre au 9 décembre 2011
durban, afrique du sud
F orum régional
sur la science, la technologie
et l’innovation pour l’Afrique
9 au 12 novembre 2011 / nairobi, kenya
4 ème Club des investisseurs
de Proparco : “les nouveaux
acteurs en Afrique : des BRICs
aux pays méditerranéens”
18 octobre 2011 / paris, france
Private equity in Africa summit
1 9 octobre 2011 / londres, angleterre
Forum
international sur
le financement des PME
au Sénégal
18 et 19 novembre 2011 / dakar, sénégal
4 ème Salon international
de l’entreprise, de la PME
et du partenariat PROMOTE
3 au 11 décembre 2011
Yaounde, Cameroun
Jour
née Entreprises et
développement
25 et 26 octobre 2011 Paris France
développement urbain
S éminaire sur le financement
du logement social et la
régénération urbaine
11 au 13 octobre 2011
johannesburg, afrique du sud
au du
SudSahara
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Publié par le département Afrique subsaharienne de l’Agence
Française de Développement
5, rue Roland Barthes,75012 Paris. Téléphone : 01 53 44 37 50.
www.afd.fr
Directeur de la publication : Dov Zerah
Directeur adjoint de la publication : Yves Boudot
Rédacteur en chef : Benoît Verdeaux
Comité éditorial : Gérald Collange, Emmanuelle Roumégous,
Vanessa Jacquelain, Benoît Verdeaux.
Ont participé à ce numéro : Jean-Bernard Véron,
Philippe-Cyrille Berton, Anne-Lise Rêve, Oumar Sylla,
Emmanuelle Roumégous, Corinne de Peretti,
Philippe Lagier, Gérald Collange
Création graphique :
28, rue du Faubourg Poissonnière 75010 Paris, Téléphone : 01 40 34 67 09, www.noise.fr /
Édition et coordination : Lionel Bluteau et Marion Pierrelée.
éducation / santé
onférence internationale
C
sur la planification familiale
29 novembre au 2 décembre 2011
dakar, sénégal
C olloque de l’UNICEF
sur la transmission du VIH
16-17 novembre 2011 Paris/France
au sud du sa h ara - n ° 1
secteur privé
07
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