Questions de communication
14 | 2008
Moteurs de recherche. Usages et enjeux
Les effets persuasifs de l’e-publicité perçue « sans
conscience » en vision périphérique
Implications pour les recherches sur la réception des medias
Persuasive Effects of the E-advertising perceived without awareness in
peripheral vision. Implications for Research on the Reception of Media
Didier Courbet, Marc Vanhuele et Frederic Lavigne
Édition électronique
URL : http://
questionsdecommunication.revues.org/1100
DOI : 10.4000/
questionsdecommunication.1100
ISSN : 2259-8901
Éditeur
Presses universitaires de Lorraine
Édition imprimée
Date de publication : 1 décembre 2008
Pagination : 197-219
ISBN : 978-2-86480-981-4
ISSN : 1633-5961
Référence électronique
Didier Courbet, Marc Vanhuele et Frederic Lavigne, « Les effets persuasifs de l’e-publicité perçue
« sans conscience » en vision périphérique », Questions de communication [En ligne], 14 | 2008, mis en
ligne le 18 janvier 2012, consulté le 31 janvier 2017. URL : http://
questionsdecommunication.revues.org/1100 ; DOI : 10.4000/questionsdecommunication.1100
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DIDIER COURBET
Institut de recherche en sciences de l’information et de la communication –Médi@sic
Aix-Marseille Université
MARC VANHUELE
Groupement de recherche et d’études en gestion, CNRS
HEC, Paris
FRÉDÉRIC LAVIGNE
Laboratoire de psychologie cognitive et sociale
Université de Nice-Sophia Antipolis
LES EFFETS PERSUASIFS DE L’E-PUBLICITÉ PERÇUE
«SANS CONSCIENCE »ENVISION PÉRIPHÉRIQUE.
IMPLICATIONS POUR LES RECHERCHES
SUR LA RÉCEPTION DES MÉDIAS
Résumé.Àl’aide d’uneexpérimentation,nous montrons quedesmessages
publicitairessur l’internetapparaissant dans lechamp visuelpériprique
provoquent deseffets favorablessur lesjugements etlesintentions dachatdes
marquespublicisées,alorsquelesrécepteursn’ontpas«conscience »qu’elles
sont entréesdans leur champ visuel. Nous étudions également l’évolution des
effets cognitifsetattitudinauxhuitjoursaprèslexposition. Pour montrerces
inuences de manière rigoureuse,nousavons conçuune méthode de présentation
contingentecouplantune caméra lmantles mouvementsoculaires etunsystème
informatiquefaisant automatiquement disparaîtrelesbannrespublicitairess
queleregarddel’internautesedéplace dans leur direction. Aprèsavoirproposé
une explication quantaux processussocio-cognitifs impliqués dans l’inuence,
nous ouvrons de nouvellesperspectivespour larecherche sur laréception de la
communication médiatique.
Mots clés. Communication persuasive, publicité, inuence,internet,attitude,
cognition implicite, mémoireimplicite, subliminal,caméradenregistrement des
mouvementsoculaires.
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Parrapportauxautresmédias,l’internetconduitàdévelopperdes
types de réception spéciques.Surleplan technique,premièrement,
en couplantdes images xes, des images animées, des textes, des
sons etlaparticipation comportementaledel’internauteavec lasouris,
l’internetprovoqueunhyperstimulation sensoriell.Sur leplan
sémiotique, deuxmementladifférence de latélévision,ducinéma
ou de laradio,un individuquiroitetanalyseun genremédiatique
particuliersur l’écranasouvent enmêmetemps dans son champ visuel
dautrestypesde messagesde genresdifférents. Ainsi, l’écran-mosaïque
de l’internetprovoque-t-ilunhyperstimulation informationnell.Sur
le placonomique, troisièmementtantdonné quelenancementdu
médiaest assuréparlapublicité, cettedernreest omniprésentesur
lenet. Depuisson apparition,lapart de l’e-publicitédans lespenses
publicitairesdesannonceurs,tous médiasconfondus,necessedecroître.
Elleest passée de 2,6%en2001à7%en2007. Cestroiscaractéristiques
incitent lesinternautesàdévelopperdesstratégiesde réception
spéciques et,notammentsélectionner activementl’information pour
nepasrisquerunesurcharge cognitive.La perception sélectiverapide
desinternauteslesconduitnéralement àneplus regarderlesmessages
publicitaires,deplus enplus nombreux,etàneplus yporterattention.
Eneffet,lesétudesdespublicitairesmontrent quelamoyennedutauxde
clic sur l’e-publicitéparinternauteest passée de 1%en1999 à0,15%
en2006. Silaplupart desbannrespublicitairesapparaissant enhaut
etsur lescôtésde l’écrannesont pasregardées,ellesentrent tout de
mêmedans lechamp visueldesrécepteurs. Laissent-ellesunetrace
dans lamémoiredesrécepteurs?Quels sont leurseffets cognitifset
attitudinaux?Malgrél’omniprésence de lapublicitésur l’internet,peu
de recherchesont étudié lesprocessus de réception etlesprocessus
d’inuence des messagespublicitaires présentsdans le champ visuel
péripriquedurécepteur maissur lesquels lesrécepteursn’ont pasalloué
d’attention. Les chercheurs s’intéressantàlaréception etàl’inuence de
lacommunication persuasiveont essentiellement étudié dessituations
où lesrécepteurs,actifscognitivement,focalisent de l’attention sur les
messages(Derbaix,Grégory,2004;Meyers-Levy,Malaviya,1999). Or,face
àlamultiplication dessupports médiatiquesvéhiculant desmessages
publicitaires,lessituations où lessujets sociauxn’allouent pasdattention
auxpublicitéssont bienplus fréquentesquecellesoùlessujets sociaux
focalisent de l’attention. Quelquesexpérimentations ont étudié leseffets
despublicitésperçuessans attention. Cependant,nous montrons que
lesprécédentesrecherchesnesont pasconcluantes. Ellesutilisent des
thodes quinegarantissentpas queles récepteurs n’ontpas xé
visuellement un ou plusieurséléments dumessage publicitaire.
L’objectif de laprésenterechercheest détudierexpérimentalement la
réception etl’inuence des messages publicitaires surl’internetquinesont
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ni xés visuellement,niperçusavec de l’attention dans uncontexteoùles
récepteurs sontincapables de «reconnaître »les marques ayantgu
dans lespublicités. Dans ce but,nous utilisons uneméthode quimontre
sans ambiguïtéetde manrerigoureuselaprésence deffets cognitifset
attitudinaux.Aprèsavoirindiquélecontextetoriqueeteffectuéune
syntsedesprécédentesrecherchessur cettequestion,nous précisons
lesobjectifsethypotsesde notreexpérience puisexpliquons la
méthodologie utilisée.Nous présentons ensuitelesrésultats etles
discutons enexaminant quelquesnouvellesperspectivesqu’ils ouvrent
pourles recherches surlaréception etl’inuence de la communication
médiatique. Nouvaluonsenn les limites de l’expérience.
Contexte d’étude de la réception :
socio-cognition et mémoire implicite
Nous voulons étudierleseffets cognitifsetattitudinauxdespublicitéssur
l’internetetcertains processus quilessous-tendent dans lesconditions
suivantes:pendant qu’unepersonneest occupée àlireun textenon
publicitairesur un siteWeb,desmessagespublicitairessignéspardes
marquesinéditesapparaissent dans unezonedel’écransituée dans son
champ visuelpériprique, cest-à-direhorsdeszonesde vision centrale
sur lesquellesest focalisée son attention. Lesmarquesapparaissent à
une distancesufsammentéloignée dupointde xation visuelle pour
que, quandon lesluimontreexplicitement quelquesminutesaprès,la
personnesoitincapabledelesreconnaîtreetdisenelesavoirjamais
vuesauparavant. Dans ce contextederéception quel’on rencontre
dans lavie quotidienne, sideséléments dumessage sont traitéspar
lesystèmecognitif, ilest probablequelesindividus n’ensoient pas
«conscients ».Unévénement psychologique(processus,traitements,
stimulus)est dit«non conscient»quandlessujets sont incapables
de produireintentionnellement uneréponsesymboliqueetverbalesur
l’événement (Dijksterhuis,Aarts,Smith, 2005:79-81). Autrement dit,en
simpliant,est«non conscient»cequinepeut pas être verbalisé par
l’individu(nous opérationnalisonscestermesprécisément plus loin).
Dèslors,lepnomènecommunicationnelorientelaconstruction du
contextetoriquecognitif.Actuellement,deuxprincipauxparadigmes
s’intéressent,demanredifférenteetcomplémentaire, àlacognition
humaine:leparadigmedusystèmedetraitement de l’information ( sti)
etleparadigmedelacognition située,apparu plus récemment. Parses
fondements épistémologiquesetsesméthodologies,leparadigmedela
cognition située (Suchman,2007) est adaptépour lesrecherchessur la
réception médiatiquelorsqu’ilsagitdétudierdesprocessus cognitifsquele
sujetpeut verbaliser(Courbet,Fourquet,2003). Cependant,nous voulons
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étudierdesprocessus cognitifsqui, seréalisant enparallèled’unetâche
de lecturedemandant de l’attention,sont tellement «microscopiques»
qu’ils nepeuvent pasêtreverbalisés. Leparadigmestietlaméthode
expérimentalesont doncadaptéspour construireun cadredétude valide
desmicro-processus eteffets cognitifslsànotresituation de réception.
Auseinduparadigmestidans lequelsinsèrecetravail,lesrecherchesen
psychologie cognitivesur lamémoireimplicite(Kirsner,1998)constituent
unebasetoriquepertinentepour leschercheursensciencesde la
communication quiveulent mieuxconnaîtrelestraitements socio-
cognitifsetleseffets psychologiques«non conscients »delapublicité, et
plus néralement,delacommunication persuasive(Chabrol,Courbet,
Fourquet-Courbet,2004). Plus largement,cetteexpérimentation s’insère
dans lecourant desrecherchesmicro-communicationnellesportant sur
lesinteractionsentresujets sociauxetmédias,dont certains fondements
épistémologiques,toriquesetméthodologiquesont étédiscutéspar
DidierCourbet,Marie-PierreFourquet-CourbetetClaude Chabrol
(2006).
Face àun écrand’ordinateur,dans un contextederéception de lapublicité
sur l’internet,letraitement visueldesstimulifaitparticipertroisrégions
duchamp visuel:larégion fovéale, larégion péripriqueparafovéaleet
larégion péripriquesituée au-delàdelarégion parafovéale.La région
fovéale estréduitunangle de 2degrés autourdupointde xation
visuelle (équivalentàuncercle situéautourdupointde xation visuelle
de 2,1cmde rayon,pour un individusituéà60cmde l’écran).Les
stimuliapparaissant dans cetterégion sont clairement perçus.La région
péripriqueparafovéales’étendde2à6degrésautourdupoint de
xation visuelle (6degrés équivalentàunrayon de 6,5 cm pourun
individusituéà60cmde l’écran). Lesstimuliapparaissant dans cette
région sont moins clairement perçus maispeuvent fairel’objetd’un
traitement pré-attentif,unesortedetraitement «pré-conscient »destiné
notamment àfaires’orienterautomatiquement l’attention sur desstimuli
quirequrent immédiatement uneallocation dattention.Plus l’angle
passeles6degrésdans larégion péripriquesituée au-delàdela
région parafovéale, moins ilest possibledereporterdesinformations sur
lestimulus (Bargh, Chartrand, 2000).
Sinspirant de lapsychologie cognitive, plusieursrecherchesont montré
quecertains éléments desmessagespublicitairesentrant dans lapartie
péripriqueduchamp visueldesrécepteurs,sont perçus ettraités
sans attention etprovoquent deseffets psychologiques. Ils conduisent à
améliorerlattitude àl’égarddesmarquespublicisées(Janiszewski, 1988,
1990,1993)formeruneimpression de familiaritéavec lamarque(Fang,
Singh, Ahluwalia,2007),ou àaccroîtrelaprobabilitéquelamarquesoit
considérée dans leprocessus de choixd’un futur achat(Shapiro,1999).
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