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AFVP Monographe - Pathologies du sommeil
Chapitre 15
Trouble du sommeil dans la broncho-pneumopathie
chronique obstructive (BPCO)
Sy DUONG-QUY, Thong HUA-HUY
Service de Physiologie Explorations Fonctionnelles,
AP-HP Groupe Hospitalier Cochin St Vincent de Paul, Hôpital Cochin, Paris
Introduction
Les troubles du sommeil sont fréquents chez les patients atteints de BPCO. Ils sont
parfois négligés par les pneumologues, plus préoccupés par l’état respiratoire du
patient. Dans ce chapitre, l’étude des troubles du sommeil chez les BPCO est divisée
en trois parties : l’impact du sommeil sur la BPCO, l’impact de la BPCO sur le sommeil,
et l’association entre la BPCO et le syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du
sommeil (SAHOS).
L’impact du sommeil sur la BPCO
L’impact du sommeil sur la ventilation normale
Les facteurs qui jouent un rôle dans la détérioration de la saturation en oxygène
(SaO2) au cours du sommeil paradoxal normal, sont l’hypoventilation alvéolaire et la
diminution de la ventilation/minute, causes d’hypoxémie.
Dans les conditions normales, le contrôle de la ventilation varie selon les états de veille
et de sommeil et dépend du type de régulation soit « métabolique » soit
« comportementale » (voir chapitre correspond). Ainsi, le sommeil a plusieurs impacts
sur la fonction respiratoire : il diminue les influx corticaux ainsi que la sensibilité des
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centres respiratoires et celle des chémorécepteurs et des mécanorécepteurs, se
traduisant par une hypoventilation ; il augmente aussi la résistance des voies aériennes
supérieures, entraînant des apnées ; il diminue le tonus musculaire respiratoire et la
capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) et augmente la résistance des voies aériennes
inférieures, majorant l’inégalité de ventilation/perfusion (VA/Q).
Au cours du sommeil, on observe ainsi une augmentation de la PaCO2 ou hypercapnie
ainsi qu’une diminution de la PaO2 ou hypoxémie associées à une chute de la réponse
ventilatoire à l’hypercapnie de 50% par rapport à l’état de veille.
L’impact du sommeil sur la BPCO
Chez les BPCO, tous les éléments cités ci-dessus aggravent donc l’état d’hypoxémie
ou l’hypoxémie-hypercapnique qui préexiste souvent à l’état de veille et au repos à un
stade avancé de la BPCO. Cet effet est plus marqué au cours du sommeil paradoxal.
En plus, au cours du sommeil, la commande ventilatoire chez les BPCO est
signicativement diminuée, liée à la réduction de la sensibilité du centre respiratoire à la
stimulation des chémorécepteurs.
Parmi les BPCO ayant une hypoxémie diurne modérée (PaO2 > 60 mmHg), selon les
études, le pourcentage de patients présentant une désaturation nocturne varie de 30%
à 70% et les périodes de désaturation les plus importantes se développent au cours du
sommeil paradoxal. En revanche, chez les BPCO ayant une hypoxémie diurne sévère
(PaO2 < 60 mmHg), l’aggravation nocturne de l’hypoxémie est presque constante.
L’impact de la BPCO sur le sommeil
L’impact de la BPCO sur la qualité du sommeil
Les étiologies des troubles du sommeil chez les BPCO sont multiples telles que
l’anxiété, le syndrome pressif, l’hypoxémie au repos, les apnées du sommeil, la
désaturation nocturne …
Dans la BPCO, la qualité du sommeil sera inévitablement altérée dans l’évolution de la
maladie, liée probablement au degré de sévérité de l’obstruction bronchique. Les
principaux troubles du sommeil sont l’insomnie et la somnolence diurne. Les données
des études épidémiologiques montrent qu’il y a une diminution du temps de sommeil
total chez les BPCO, et en particulier chez les BPCO sévères. Chez ces patients,
l’architecture du sommeil est souvent perturbée et caractérisée par une diminution du
sommeil activé (sommeil avec les mouvements rapides des yeux = REM en anglais ou
sommeil paradoxal) et du sommeil lent profond. Cette perturbation est aggravée
également par l’augmentation de la fréquence des changements de stade et du
nombre de micro-éveils.
En utilisant les questionnaires qui permettent d’évaluer la qualité du sommeil (PSQI, par
exemple), certaines études ont montré que chez les BPCO traitées et contrôlées, la
qualité du sommeil était nettement supérieure à ceux ayant plusieurs épisodes
d’exacerbation et instables. De plus, la qualité du sommeil est fortement diminuée par la
dégradation de l’état respiratoire du patient se traduisant par une désaturation et une
hypoxémie nocturne.
L’impact de la BPCO sur la désaturation nocturne
En effet, la désaturation nocturne est fréquente chez les BPCO au cours du sommeil
paradoxal. Elle est jugée responsable de la mauvaise qualité du sommeil et de
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l’hypertension pulmonaire. Plusieurs études ont montré que chez les BPCO ayant une
hypoxémie au repos, l’oxygénothérapie à faible débit par voie nasale amélioraient
significativement la qualité du sommeil. Cependant, il est important de définir les
critères de désaturation dans cette population. Dans la BPCO, la saturation nocturne
est définie par une chute de la saturation en oxygène pendant plus de 30 % du temps
d’enregistrement interprétable avec un niveau de saturation en oxygène (SaO2)
inférieur à 90 % ou une SaO2 moyenne inférieure à 90 % sur l’ensemble du temps de
l’enregistrement.
Selon la nouvelle recommandation, la surveillance de la saturation nocturne n’est pas
obligatoire chez tous les BPCO. Par ailleurs, l’oxygénothérapie pendant la journée ou
la ventilation non invasive (VNI) pendant la nuit n’est pas recommandée. Cependant,
chez les BPCO ayant une hypoxémie diurne au repos, l’oxygénothérapie nocturne peut
être prescrite sans enregistrement préalable de la saturation nocturne. La saturation
nocturne sévère est observée quasi-constamment chez les patients dont l’hypoxémie
diurne est importante. En outre, il existe aussi une corrélation significative entre la
désaturation nocturne et la vérité de l’hypercapnie diurne. Mais, cette dernière est
rarement corrigée par l’oxygénothérapie au cours du sommeil et à long terme.
L’impact de la BPCO sur l’hypoxémie
Chez les BPCO, l’hypoxémie limite non seulement les activités quotidiennes et
physiques des patients mais elle affecte aussi le rythme circadien et l’architecture du
sommeil. Les périodes d’hypoxémie les plus profondes surviennent surtout chez ceux
ayant un emphysème centrolobulaire. Selon JC. Meurice, ces anomalies sont en
rapport avec plusieurs facteurs tels que l’hypersécrétion bronchique, la diminution des
débits expiratoires maximaux, la fatigue des muscles respiratoires ou les
hétérogénéités de rapport ventilation perfusion. Parmi ces facteurs, l’hypoventilation
alvéolaire, liée à la fatigue des muscles respiratoires et à la distension thoracique, et la
détérioration de l’inégalité de ventilation – perfusion sont les principaux mécanismes.
Le syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil
(SAHOS) chez les BPCO
Définition
L’association entre le SAOS et la BPCO est connue sous le terme « overlap syndrome
» (en anglais) ou « syndrome de recouvrement », décrit premièrement en 1985 par
Flenley. Ce syndrome est caractérisé par une désaturation nocturne et une hypoxémie
très sévère évoluant vers une hypertension pulmonaire (HTP), un cœur pulmonaire
chronique et une hypercapnie diurne. La BPCO, caractérisée par l’obstruction des voies
aériennes distales, est un facteur déterminant de l’insuffisance respiratoire diurne du
SAHOS.
Prévalence de l’ovelap syndrome
Le SAHOS est probablement moins fréquent chez les BPCO par rapport à la
population générale. Dans une étude de cohorte dans une population de 6 000 patients,
Sanders et coll. ont montré que l’index d’apnées/hypopnées (IAH) n’était pas différent
entre les BPCO modérées et la population générale. Selon certains auteurs,
l’association entre la BPCO et le SAHOS se rencontre dans moins de 5% des SAOS.
Chez l’adulte de plus de 40 ans, l’association de ces deux pathologies se retrouve chez
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environ 0,5% - 1% des patients. Deux études, réalisées aux Etats-Unis et en Pologne,
ont montré que la prévalence du SAHOS n’était pas plus importante chez les BPCO
que dans la population générale.
Dans un travail récent, basé sur l’analyse des études de cohorte citées au-dessus,
Weitzenblum et coll. ont constaté que la BPCO ne favorisait pas l’apparition d’un
SAHOS et l’association des deux affections est le fruit du hasard et non la conséquence
d’un lien physiopathologique entre BPCO et SAHOS. En particulier, les auteurs ont noté
que les patients ayant un overlap syndrome (patients overlap) avaient une désaturation
en oxygène plus importante que les BPCO non SAHOS présentant le même degré
d’obstruction bronchique ainsi que chez les SAHOS isolés.
Diagnostic de l’overlap syndrome
Chez les BPCO, la présence des signes cliniques tels que le ronflement, détecté
habituellement par les conjoints, l’hypersomnolence excessive diurne ou l’hypoxémie
disproportionnée par rapport au degré de l’obstruction sont des indicateurs objectifs en
faveur d’un SAHOS. La polysomnographie doit être envisagée pour confirmer l’overlap
syndrome. L’oxymétrie nocturne peut être réalisée de façon systématique chez les
BPCO avec hypoxémie diurne, pour dépister précocémentles BPCO overlaps. En
revanche, dans le bilan du SAHOS, les explorations fonctionnelles respiratoires (EFR)
doivent être réalisées systématiquement chez les fumeurs symptomatiques (toux,
expectoration) ou asymptomatiques afin de confirmer l’existence d’un trouble
respiratoire obstructif associé.
Conséquences de l’overlap syndrome
Dans l’overlap syndrome, le trouble du sommeil est devenu plus fréquent et plus
marquant par rapport à la BPCO seule. La coexistence d’une BPCO et d’un SAHOS
augmente ainsi le retentissement de chaque pathologie sur l’architecture du sommeil.
De plus, elle aggrave l’hypoxémie nocturne et l’hypercapnie diurne. Ainsi, les patients
overlaps ont un risque accru d’exacerbations de BPCO et de morbidité et mortalité
cardiovasculaire. Les troubles du rythme liés à l’hypoxémie nocturne ont été bien
documentés chez ces patients. L’overlap syndrome majore aussi le risque d’HTP chez
les BPCO n’ayant pas d’obstruction bronchique sévère (BPCO modérée). En effet, dans
la BPCO, l’HTP ne survient que chez les patients ayant une obstruction bronchique
sévère et une hypoxémie de repos importante (stade III - GOLD).
Traitement de l’overlap syndrome
Dans le traitement du SAHOS, l’administration nocturne de la pression positive continue
(PPC) est le traitement de référence. L’efficacité de ce traitement a été déjà démontrée
dans le chapitre précédent. Dans une étude récente, Marin et coll. ont démontré que les
patients ovelaps (213 patients) sans traitement par PPC avaient plusieurs épisodes
d’exacerbations sévères nécessistant une hospitalisation avec un taux de mortalité plus
élevé par rapport aux patients BPCO non overlaps (210 patients). Le traitement efficace
par PPC nocturne chez les patients souffrant de l’overlap syndrome (228 patients
BPCO modérés) a permis de réduire significativement la fréquence d’exacerbations et
d’hospitalisations ainsi que la mortalité globale à un niveau comparable avec celui des
patients BPCO sans SAHOS. Cependant, l’efficacité et la tolérance de la PPC chez les
BPCO sévères avec l’overlap syndrome n’a pas encore été éclaircie.
En effet, dans l’overlap syndrome, la PPC nocturne peut aggraver l’hyperinflation
dynamique déjà présente chez les BPCO avec une obstruction sévère. Dans ce
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contexte, le recours de la PPC par la VNI en double niveau de pression semble plus
efficace et mieux toléré. Selon les experts, le niveau de pression expiratoire doit être
conditionné par la présence des troubles respiratoires apnéiques tandis que le niveau
d’aide inspiratoire dépend alors de la vérité des phénomènes d’hypoventilation
alvéolaire. L’efficacité de ce traitement doit être vérifié par polygraphie ventilatoire voire
par la polysomnographie.
L’oxygénothérapie nocturne chez les patients dont la PPC ou la VNI ne permettent pas
d’assurer une saturation en oxygène supérieure à 90% est nécessaire. Dans certaines
situations l’hypoxémie diurne persiste malgré la PPC ou la VNI nocturne,
l’oxygénothérapie de long durée (OLD) semble indispensable et doit être envisagée.
Conclusion
Les trouble du sommeil dans la BPCO ne sont pas négligeables. Comme dans les
autres affections chroniques, la BPCO perturbe considérablement la qualité et
l’architecture du sommeil. La coexistence de la BPCO et du SAHOS ou « overlap
syndrome » doit être recherchée de façon systématique dans la pratique courante afin
d’instaurer un traitement adéquat et adapté. Des études de cohorte nationales et
internationales sur ce sujet sont nécessaires afin d’élaborer dans l’avenir un
consensus multidisciplinaire dans la prise en charge des troubles du sommeil chez les
BPCO.
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