OFCE policy brief | 3
Un
policy-mix
en deçà de l’enjeu de la stagnation séculaire
Au cours de l’été 2012, l’intervention de la BCE et de Mario Draghi (le fameux
«whatever it takes») a marqué un tournant dans la conception de l'Union, ouvrant la
voie à une solidarité limitée entre les États membres, tout en permettant de résoudre
temporairement la crise des dettes souveraines.
Ce changement de doctrine s’est effectué en contrepartie d’un assainissement
budgétaire forcé. La politique budgétaire a eu un impact fortement négatif de 2011 à
2013 (voir le tableau 1), ce qui a contribué à l'aggravation de la crise. La consolidation
précoce a été une erreur. L'austérité-panique1 face aux menaces de sanctions par les
marchés financiers ne rétablit pas la confiance et ne peut qu'approfondir et diffuser la
récession. Comme nous l'avons analysé dans les précédents iAGS, la réduction du
déficit budgétaire en présence de multiplicateurs budgétaires élevés est inefficace. Une
meilleure approche aurait été de retarder l’ajustement budgétaire, dès lors que la
contrainte intertemporelle des États était assurée.
La politique budgétaire a cessé d’être restrictive dans la zone euro en 2015. La
Commission Juncker a pris note de la situation inquiétante et a proposé en 2015 un
plan pour stimuler l'investissement privé dans l'UE, témoignant d’une prise de
conscience sur la nécessité d’une action concertée en faveur de l’investissement. Il en
résulte une nouvelle doctrine selon laquelle il faut une relance à l’échelle de la zone
euro pour échapper au piège de la stagnation séculaire. Le Plan Juncker a échoué sur les
deux aspects. Son impact a été globalement positif, mais ni la stimulation nécessaire à
court terme ni l'augmentation de la croissance potentielle à long terme ne se produi-
ront dans la forme actuelle du plan. La raison en est que, au fond, le Plan Juncker est
une réduction additionnelle du taux d'intérêt. Le Plan Juncker doit être compris comme
une assurance supplémentaire sur les projets d'investissement, mais pas comme un
outil pour renverser la logique de la stagnation séculaire.
Le ralentissement de la croissance du PIB signifie que les flux monétaires futurs ne
vont pas alléger le poids des dettes (publiques et privées) comme cela a été le cas après
Tableau 1.
Décomposition des prévisions à court terme pour la zone euro
2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018
Croissance du PIB 2,0 1,6-0,9-0,2 1,2 1,9 1,6 1,4 1,3
Effet sur la croissance du PIB du…
Prix du pétrole 0,0 -0,3 -0,2 0,0 0,1 0,5 0,3 0,0 -0,1
Compétitivité-prix 0,4 0,4 0,5 0,1 -0,2 0,4 0,3 0,2 0,1
Conditions financières -0,2 0,0-0,6-0,4 0,1 0,0-0,1 0,1 0,1
Politique budgétaire -0,2 -1,2 -2,2 -1,2 -0,5 -0,3 0,0 0,0 -0,2
Ralentissement du commerce dans les pays émergents 0,0 0,0 0,0 0,0 -0,1 -0,2 -0,1 -0,1 -0,1
Brexit 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 -0,1 0,0
Acquis 0,2 0,5 -1,1 -0,3 0,8 0,1 0,1 0,0 -0,1
Autres 0,0 0,0 0,0 0,0 -0,1 -0,1 -0,1 0,0 0,0
Impact total 0,2 -0,6 -3,6 -1,8 0,1 0,5 0,4 0,1 -0,3
Croissance hors chocs 1,9 2,2 2,7 1,5 1,1 1,5 1,3 1,3 1,6
Croissance potentielle 0,9 0,9 0,8 0,8 0,9 0,9 0,9 0,9 0,9
Écart de croissance* -2,1 -1,4 -3,1 -4,1 -3,8 -2,8 -2,1 -1,5 -1,1
* L'écart de production est la différence entre le niveau effectif du PIB et le PIB potentiel.
Source : AMECO, calculs et prévisions iAGS 2017.
1.
« Panic-driven austerity » pour re-
prendre l’expression utilisée par
Paul De Grauwe et Yuemei Ji
(2013). Voir http://voxeu.org/ar-
ticle/panic-driven-austerity-eu-
rozone-and-its-implications.