CFPlus information complÉMENTAIRE GO Soigner les maladies et les malaises chroniques Carmel M. Martin MB BS MSc PhD MRCGP Can Fam Physician 2007;53:2086-2091 Commentaire L e fardeau personnel et économique des maladies et malaises chroniques pose un sérieux défi aux Canadiens1. Les politiques publiques sont fortement axées sur les maladies chroniques et insistent sur une restructuration du système de santé sous forme de différents modèles visant à améliorer la prévention et la prise en charge des maladies chroniques2,3. En tant que principaux dispensateurs de soins chroniques, les médecins de famille sont appelés à relever ces défis. La médecine familiale est-elle tiraillée entre le fardeau des maladies chroniques et les restructurations du système? Ou bien la médecine familiale est-elle en face de multiples possibilités d’actualiser ses principes fondamentaux? Nature des problèmes Si les ouvrages cliniques et les politiques et organisations reliées à la santé ne font souvent pas de distinction entre maladie chronique et malaise chronique, ce sont deux notions différentes qu’il importe de préciser (Tableau 14-6). La maladie chronique est définie en fonction de la classification biomédicale des maladies et elle inclut le diabète, l’asthme et la dépression4. Le malaise chronique désigne l’expérience personnelle de vivre avec les afflictions qui accompagnent souvent les maladies chroniques. Les systèmes de santé n’y prêtent souvent pas attention, parce qu’il n’entre pas dans une catégorie biomédicale ou administrative6. Les principes de la médecine familiale préconisent pour les maladies chroniques des soins centrés sur le patient5. Les maladies et les malaises chroniques se produisent selon des interdépendances complexes et se poursuivent pendant toute la vie. Ils sont grandement influencés par la situation socioéconomique, l’éducation, l’emploi et l’environnement2. Par conséquent, à moins de régler les problèmes concernant les déterminants sous-jacents de la santé, du bien-être et du contexte communautaire, grâce à une série de mesures de promotion de la santé et d’autonomisation dans la gamme des situations, allant de la santé à la maladie et au malaise, l’écart dans les résultats chez les plus démunis continuera de s’élargir2. Modèle de soins chroniques Le modèle de soins chroniques (MSC) se définit comme la prévention, le diagnostic, la prise en charge et la palliation des maladies chroniques. Il est accepté internationalement comme la principale réponse stratégique aux maladies chroniques7. Ce modèle exige la restructuration des soins de santé pour procurer des régimes de prestation des services de santé continus, coordonnés et à multiples facettes3. Le MSC se fonde sur une synthèse critique par Cochrane des interventions en matière de soins chroniques7. Par exemple, au nombre des principaux éléments du MSC, tels qu’identifiés dans la recherche publiée8, figure ce qui suit: • des processus personnels et thérapeutiques à l’appui de soins proactifs, y compris la planification et la coordination des soins, l’établissement ou la coordination des rendez-vous et du suivi; • des outils d’aide à la décision pour les dispensateurs, notamment des guides de pratique et des protocoles pour la prise en charge de la maladie; • des systèmes d’information pour un accès opportun aux renseignements pertinents; • du soutien permettant l’autonomisation du patient dans la prise en charge de ses soins; • des ressources communautaires pour renseigner et appuyer les patients; • le soutien systémique des soins aux maladies chroniques pour tous les dispensateurs qui font partie de réseaux de soins. Une synthèse des études contrôlées randomisées et d’études avant-après sur diverses composantes du MSC corrobore son bien-fondé, quoiqu’aucune étude publiée n’évalue l’effet global du modèle complet et que les résultats obtenus ne soient pas concluants sur la façon Suite ➨2 Ce document présente des renseignements qui complémentent un article paru dans Le Médecin de famille canadien, accessible en ligne à www.cfp.ca. Le matériel éducatif qu’il contient est considéré valide à la date de la publication, sauf indication du contraire. Les décisions cliniques doivent toujours être individualisées et le MFC n’assume aucune responsabilité associée à l’utilisation de ce matériel par les patients ou les professionnels de la santé. de mettre en œuvre les composantes adaptées9. Ce MSC est néanmoins adapté et adopté par la plupart des provinces au Canada. Les premières à le faire ont été la Colombie-Britannique et l’Alberta et le modèle a vu le jour d’ouest en est, avec le Group Health Seattle et le groupe Wagner. L’Organisation mondiale de la santé donne son aval à l’adaptation et à l’adoption sur le plan local. Ces modèles favorisent la proactivité des patients, des communautés et des dispensateurs; des soins intégrés et coordonnés, qui incluent des services en cabinet à l’appui de la conformité aux guides de pratique clinique et de la promotion de soins structurés et planifiés; le travail en équipe; la coordination des soins; et l’appui à une autogestion par le patient (Tableau 27). Variantes dans les stratégies de soins À l’heure actuelle, alors que les variantes locales du MSC sont mises en œuvre, d’intenses activités sont aussi en marche pour intégrer la médecine familiale - une discipline médicale - dans des modèles de soins primaires (SP) et de soins de santé primaires (SSP). Le modèle de soins médicaux est l’expression utilisée pour l’ensemble des interventions pour lesquelles tous les médecins sont formés en médecine occidentale. Cet ensemble comprend la présentation du problème, l’anamnèse, l’examen, les tests auxiliaires au besoin, le diagnostic, le traitement, le pronostic avec ou sans traitement, tous fondés sur un système de classification biomédicale4. Les soins de santé primaires incorporent les soins personnels avec la promotion de la santé, la prévention des maladies et le développement communautaire. La philosophie des SSP comporte des principes qui interconnectent l’équité, l’accès, l’autonomisation, l’autodétermination communautaire et la collaboration intersectorielle. Elle présuppose une compréhension des déterminants sociaux, économiques, culturels et politiques de la santé10. Les soins primaires sont plus ciblés sur le plan clinique et peuvent être considérés comme une sous-composante du système des SSP11. Jusqu’à tout récemment, les SP étaient considérés comme les soins de santé fournis par une profession médicale représentant le point d’entrée dans le système de santé. Les soins primaires au Canada sont de plus en plus de nature interdisciplinaire, compte tenu des infirmières et des autres professionnels de la santé et des services communautaires qui travaillent en équipe avec des médecins de famille. Les nouvelles orientations des SSP, énoncées dans la Déclaration de Montevideo de 200512, dont le Canada est signataire, sont principalement en réaction aux défis émergents des maladies chroniques transmissibles et non transmissibles dans le contexte de services de santé qui restent axés sur les paradigmes des soins actifs13. Le Tableau 3 montre les modèles de systèmes de santé en évolution dans lesquels la médecine familiale fonctionne ou fonctionnera à l’avenir pour offrir des soins pour les maladies et les malaises chroniques au Canada, en se fondant sur le modèle des maladies biomédicales d’une spécialité médicale14. Principes de la médecine familiale La médecine familiale intègre maladie et malaise. Les médecins de famille s’engagent à intégrer une recherche sensible, compétente et appropriée de la maladie. Ils font preuve d’une compréhension de l’expérience de la maladie que vit le patient (en particulier, ses idées, Tableau 1. Descriptions des maladies chroniques et des malaises chroniques EXPRESSION DÉfinition Maladies chroniques Les maladies chroniques ont plusieurs définitions: de longue durée, souvent précédées par une longue période de latence et caractérisées par une évolution clinique prolongée; d’étiologie multifactorielle; sans traitement curatif défini, changements graduels avec le temps, évolution asynchrone et hétérogénéité dans la susceptibilité de la population4. Les maladies dites chroniques peuvent être des maladies non transmissibles, comme le diabète, les cardiopathies, les bronchopneumopathies obstructives chroniques, le cancer et la dépression, et des maladies transmissibles, comme le sida. Les maladies chroniques font référence à un diagnostic catégorisé dans le système biomédical en fonction de l’étiologie, de la pathophysiologie, des signes, des symptômes et du traitement, qui implique aussi une longue durée prévue et l’absence de traitement curatif4. Les problèmes médicaux, les syndromes et les troubles sont semblables mais sont moins bien définis4. Malaises chroniques Les malaises chroniques désignent l’expérience de perturbations physiques ou dans la santé à long terme5, qu’ils soient reliées à une maladie transmissible ou non transmissible, un problème médical, un syndrome ou un trouble; et la façon dont la personne vit avec cette perturbation et la gère; c’est l’expérience de sensations intrusives déplaisantes et indésirables sur le plan physique ou mental, incluant des phénomènes comme la fatigue, la faiblesse, l’anomie, la confusion ou le stigmate social6. 2 ses sentiments et ses attentes) et des répercussions du malaise sur la vie du patient5. Parmi les rôles principaux du médecin de famille figure celui de «guérir» le patient en plus de prendre en charge la maladie5. Il ne s’agit pas simplement de s’attaquer aux composantes biologiques de la maladie. Si on se limite à cibler la maladie, on perd de nombreuses possibilités au chapitre de la prise en charge de la maladie chronique, de l’autogestion et de la prévention. De plus, les programmes du MSC ou de prise en charge des maladies chroniques peuvent se concentrer sur une phase particulière des soins chroniques et exclure les soins à la personne et ses malaises, en particulier lorsque le modèle de la maladie se désintègre, comme dans la phase des soins préterminaux3. Par conséquent, les médecins de famille devront de plus en plus assumer la première responsabilité des soins aux particuliers, à leur famille et à leurs communautés. Il leur faudra couvrir l’évolution asynchrone hétérogène des maladies et des malaises chroniques durant toute la vie, les soins aux problèmes asymptomatiques jusqu’aux soins actifs, chroniques et palliatifs. La médecine familiale est une discipline communautaire. L’amélioration des soins chroniques dans le système de santé, les communautés, les organisations, la Tableau 2. Modèle de soins chroniques: Les éléments essentiels d’un système de soins de santé qui favorisent des soins de grande qualité pour les maladies chroniques. Les 2 éléments sous-entendus mais «manquants» des 4 principes de la médecine familiale sont la centralité de l’expérience du patient, y compris l’autogestion (ombrage bleu) et le rôle de la médecine familiale dans des modèles multiples de systèmes de santé (ombrage vert). Soutien à l’autogestion Autonomiser les patients et les préparer à gérer leurs soins de santé. On encourage les patients à se fixer des objectifs, à identifier les obstacles et les difficultés et à surveiller leur propre état. Divers outils servent de rappels visuels. Rappeler aux patients leur rôle dans la prise en charge de leur santé. Utiliser des stratégies de soutien efficaces à l’autogestion qui incluent l’évaluation, l’établissement des objectifs, le plan d’action, la solution de problèmes et le suivi. Organiser les ressources internes et communautaires pour qu’elles permettent d’appuyer les patients dans leur autogestion sur une base continue (p. ex. groupes d’intérêts). Implication communautaire Mobiliser les ressources communautaires qui répondent aux besoins des patients: ressources communautaires, de l’école au gouvernement, de l’organisation sans but lucratif à l’organisme d’auto-assistance. Augmenter les efforts des systèmes de santé pour maintenir l’appui aux patients souffrant de malaises chroniques, leur participation et leur activité. Systèmes de santé Créer une organisation qui dispense des soins de grande qualité et sécuritaires. Le plan d’activités d’un système de santé reflète son engagement à appliquer le modèle des soins chroniques dans l’ensemble de l’organisation. Les cliniciens dirigeants sont des membres visibles et dévoués de l’équipe. Soutenir visiblement les améliorations à tous les échelons de l’organisation, en commençant par le premier dirigeant. Encourager un règlement ouvert et systématique des erreurs et des problèmes de qualité. Conception des modes de prestation Assurer des soins efficaces et efficients et l’appui à l’autogestion. Les visites régulières et planifiées de manière proactive, qui tiennent compte des objectifs du patient, aident la personne à se garder en santé optimale et permettent aux systèmes de santé de mieux gérer leurs ressources. Les visites font souvent appel aux habiletés de plusieurs membres de l’équipe. Définir les rôles et répartir les tâches entre les membres de l’équipe que comportent des interactions planifiées pour donner des soins fondés sur les données scientifiques. Fournir des services de gestions de cas cliniques pour les cas complexes qui se font suivre régulièrement par l’équipe de soins. Donner aux patients des soins qu’ils comprennent et adaptés à leurs antécédents culturels. Outils d’aide à la décision Promouvoir des soins conformes aux données scientifiques et aux préférences du patient. Les cliniciens ont un accès facile aux guides de pratique fondés sur les plus récentes données probantes pour le traitement des problèmes chroniques. La sensibilisation à la formation continue insiste sur l’utilisation des standards. Intégrer les guides de pratiques fondés sur les données scientifiques dans la pratique clinique au quotidien. Renseigner les patients sur les guides de pratique fondés sur les données scientifiques et leur donner des renseignements pour encourager leur participation. Intégrer l’expertise des consultants et les soins primaires. Systèmes d’information clinique Organiser les données pour faciliter l’efficience et l’efficacité des soins. Une liste inclusive (registre) des patients atteints d’une maladie chronique donnée donne les renseignements nécessaires à la surveillance de l’état de santé du patient et réduit les complications grâce à des rappels opportuns à l’intention des dispensateurs et des patients. Identifier les sous-populations pertinentes pour des soins proactifs. Faciliter la planification thérapeutique individuelle. Partager l’information avec les patients et les dispensateurs pour coordonner les soins. Surveiller le rendement de l’équipe de pratique et du système de soins. Pour en savoir plus sur le modèle de soins chroniques, visitez le http://www.improvingchroniccare.org/. Adaptation de Wagner et al.7 3 pratique clinique et avec les patients15 exige ce qui suit: une approche axée sur le patient plutôt que sur la maladie; la continuité dans la prise en charge, les relations et l’information; l’intégration des secteurs, des disciplines et des soins médicaux, préventifs et centrés sur la population; des modèles de financement et d’incitation appropriés. Il faut des possibilités de mobilisation de la communauté et des partenariats dans les décisions entre MF, professionnels, patients, aidants naturels, hôpitaux et membres de la communauté, ainsi que l’autonomisation des personnes, des familles et des communautés, dans la santé comme dans la maladie. Le médecin de famille est une ressource pour une population définie de patients. La médecine familiale reconnaît que certains membres de la communauté et groupes défavorisés sont aux prises avec des risques de maladie exagérément plus élevés, une plus grande souffrance dans leurs malaises et moins de capacités de faire face aux maladies et aux malaises que la population en général, en raison de la pauvreté, de l’exclusion sociale et d’autres désavantages2. Les médecins de famille se servent judicieusement des demandes de consultations auprès des spécialistes et des ressources communautaires; la gestion des ressources maximise l’efficience du système et peut mettre à profit les possibilités au sein d’un réseau communautaire de dispensateurs pour assurer l’efficacité des ressources. La relation médecin-patient constitue l’essence du rôle du médecin de famille. Conséquence involontaire des changements au système, les soins centrés sur la maladie et la population pourraient faire oublier de plus en plus la guérison des malaises grâce à une relation Tableau 3. Modèles de systèmes de santé en évolution dans lesquels fonctionne la médecine familiale: Aucun des modèles ou systèmes n’est distinct et tous changent constamment en adoptant les idées des autres et en les adaptant. Les 2 éléments sous-entendus mais «manquants» des 4 principes de la médecine familiale sont la centralité de l’expérience du patient, y compris l’autogestion (texte en bleu) et le rôle de la médecine familiale dans des modèles multiples de systèmes de santé (texte en vert). CARACTÉRISTIQUES DU MODÈLE DE SYSTÈME DE SANTÉ NOUVELLES ORIENTATIONS DES SOINS DE SANTÉ PRIMAIRES MODÈLE DE SOINS CHRONIQUES MÉDECINE FAMILIALE EN TANT QUE SPÉCIALITÉ MÉDICALE SOINS PRIMAIRES MultidisciplinAIRE Vision de la santé Absence; contrôle de la maladie; qualité de vie Absence; contrôle de la maladie Absence; contrôle de la maladie; qualité de vie Bien-être positif Centre du contrôle Gestionnaire du système de santé, autogestion Médecins Professionnels de la santé Communautés, familles, individus Insistance principale Systèmes de santé Autogestion par le patient Dispensateurs Individus Prévention de la maladie du berceau à la tombe et contrôle par des interventions médicales Axés sur la pratique Prévention de la maladie du berceau à la tombe, prise en charge et soins par des interventions des dispensateurs Axés sur la population et la communauté Améliorer la vie saine et l’équité dans la famille et la communauté de l’individu Dispensateurs de soins de santé Systèmes multidisciplinaires, y compris la collaboration entre médecins, secteurs et communautés Médecins de famille avec Médecins de famille d’autres professionnels comme membres de la santé d’équipes multidisciplinaires Réseaux multidisciplinaires incluant des MF et une collaboration intersectorielle Stratégies de promotion de la santé Systèmes de prévention et de prise en charge des maladies dans tous les secteurs de la santé Autogestion, coordination des soins, données probantes et implication communautaire Interventions médicales et systèmes Paradigme des soins actifs entre les soins secondaires et tertiaires; guides de pratique fondés sur des données probantes Systèmes de santé de la population Promotion de la santé, prévention, soins autogérés et soutien pour malaises chroniques; aborder les questions d’inégalités et des déterminants; autonomisation de la communauté; responsabilisation Système de santé de premier niveau Prévention et prise en charge des maladies chroniques; soins structurés et planifiés; autogestion avec le soutien de professionnels, de pairs et de la famille Adaptation de Rogers et al.14 4 personnelle à long terme entre le patient et le médecin12. Par contre, situer l’individu, la famille et la communauté au centre du système avec les soins aux maladies et malaises chroniques devrait permettre de restructurer les soins, permettant d’accorder plus d’importance à l’autogestion des soins, ainsi que la reconnaissance des malaises et du soutien nécessaire dans leur contexte communautaire et des déterminants de la santé. Cadre de soins chroniques Les principes de la médecine familiale concernent à la fois les maladies et les malaises chroniques, au moyen de soins longitudinaux, centrés sur le patient, fondés sur la relation, intégrés et adaptés à la communauté (Tableau 4). Par conséquent, ces principes sont en synergie avec le MSC, quoique ce dernier accorde moins d’importance au rôle du médecin de famille et à la relation médecin-patient. Dans la mise en œuvre respective des SP et des SSP en tant que systèmes multidisciplinaires et centrés sur la population, l’importante restructuration du système concorde à la fois avec le MSC et les principes de la médecine familiale. Cependant, la multiplicité des approches peut causer de la confusion et de la frustration. Il faut donc établir explicitement un cadre de soins chroniques cohérents pour s’adapter à la façon dont fonctionne la médecine familiale. Un tel cadre permettrait de définir le cheminement à suivre durant leur vie par les personnes en santé, malades ou affligées de malaises et les rôles de la médecine familiale au chapitre de la prévention, du traitement et des soins. En l’absence d’un tel cadre sur lequel recueillir des données factuelles, il se cache des menaces tout autant que des opportunités. La comparaison des rôles des principes de la médecine familiale par rapport aux modèles de systèmes de santé dans lesquelles fonctionne la médecine familiale —modèles de soins chroniques, de soins médicaux, de SP et de SSP—décrits dans les Tableaux 2 et 4, a permis de cerner des lacunes et des synergies. Plus précisément, les malaises et la guérison grâce à une relation personnelle médecin-patient à long terme peuvent être mis de côté, si on accorde trop d’importance à une approche axée sur la maladie ou centrée sur la population. Aucun des modèles de systèmes n’est distinct et tous changent constamment, en adoptant les idées des autres et en les adaptant. Les 2 éléments qui «manquent» manifestement Tableau 4. Correspondance exploratoire entre les principes de la médecine familiale et les modèles changeants de systèmes de santé: Modèles de soins chroniques, de soins médicaux, de soins primaires et de soins de santé primaires. ModÈLE MODÈLE DE SOINS CHRONIQUES MÉDECINE FAMILIALE EN TANT QUE SPÉCIALITÉ MÉDICALE MÉDECINE FAMILIALE intégrée aux soins primaires NOUVELLES ORIENTATIONS DES SOINS DE SANTÉ PRIMAIRES ++ 0 ? + Le médecin de famille est un clinicien compétent qui intègre la prise en charge de la maladie et la compréhension des malaises. ? ++ ? ? La médecine familiale est une discipline communautaire. ? + ++ ++ Le médecin de famille est une ressource pour une population définie de patients. + + ++ ++ La relation médecin-patient constitue l’essence du rôle du médecin de famille. ? + ++ 0 ++ 0 + ++ PRINCIPES DE LA MÉDECINE FAMILIALE* La médecine familiale situe l’expérience du patient en état de santé, de maladie et de malaise au cœur des systèmes de santé. L’autonomisation, ainsi que l’autogestion des soins et le soutien des pairs et de la communauté, sont essentiels. La médecine familiale fonctionne dans de multiples modèles de systèmes de soins de santé—dirigeant et adaptant la restructuration du système de santé. ++—rôle important, +—faible rôle, ?—rôle possible 0—aucun rôle actuel. *Les 2 éléments sous-entendus mais «manquants» des 4 principes de la médecine familiale sont la centralité de l’expérience du patient, y compris l’autogestion (ombrage bleu) et le rôle de la médecine familiale dans des modèles multiples de systèmes de santé (ombrage vert). 5 des 4 principes de la médecine familiale sont la centralité de l’expérience du patient, notamment l’insistance sur le soutien à l’autogestion avec une communauté mobilisée, et le rôle émergent de la médecine familiale dans de multiples modèles de systèmes de santé et leurs changements incessants. Principes additionnels Étant donné les actuels impératifs stratégiques, il importe que la médecine familiale défende la cause des soins centrés sur le patient et exerce un rôle de chef de file dans la mise en œuvre de la restructuration du système. Je propose les 2 principes suivants en complément des 4 principes actuels de la médecine familiale à titre de cadre de restructuration du système pour transiger avec le fardeau grandissant des maladies chroniques. La médecine familiale situe l’expérience du patient avec la santé, les maladies et les malaises au centre des systèmes de santé. L’autonomisation, l’autogestion et le soutien des pairs et de la communauté sont essentiels. Une personne vit l’expérience de la maladie et des malaises de manière unique durant toutes les étapes de sa vie et dans tous les environnements biologiques internes et sociaux extérieurs. Son autonomisation, c’est-à-dire le pouvoir de prendre en main sa santé et ses maladies au moyen de l’autogestion de ses soins et l’appui de la famille, des pairs et des professionnels, assurera l’obtention des meilleurs résultats pour elle15. Il existe de nombreuses relations dans les soins, des influences positives et négatives prévisibles et imprévisibles, à travers lesquelles le patient et le MF doivent naviguer. La relation à long terme médecinpatient et la structure organisationnelle de la pratique familiale et des SP procurent idéalement un lien pour la coordination des soins et la continuité entre ces trajectoires, permettant l’état de santé et l’amélioration des malaises ainsi que des maladies11. La médecine familiale doit ainsi situer l’expérience du patient au centre (et préconiser cette centralité) des soins préventifs, actifs, chroniques et palliatifs dans l’évolution asynchrone des maladies et des malaises au sein d’environnements personnels et de soins de santé complexes11. La médecine familiale fonctionne dans de multiples modèles de systèmes de santé - dirigeant et adaptant la restructuration de ces systèmes. Dans la réalité, il est difficile de mettre en œuvre le MSC complet, qui en luimême pourrait cibler plus les maladies que les malaises. Il faudrait pour ce faire un système de santé efficace et hautement fonctionnel avec des cadres appropriés pour les maladies et les malaises. Ce modèle exigerait une intégration parfaite des modes de soins, du financement et des organisations, ainsi qu’une même philosophie des soins adoptée par les patients, les aidants, les professionnels, les hôpitaux et la communauté ou une compartimentation dont la mise en œuvre n’a pas encore été éprouvée9. De plus, pour chaque personne ou communauté, il faudrait probablement des approches différentes ou multiples à différents moments. La médecine familiale fonctionne selon différents modèles pour coexister de manière interdépendante avec le temps, au fur et à mesure des diverses étapes des maladies, des malaises et des traitements11. Par conséquent, en tant qu’acteur important, elle a un rôle essentiel de chef de file dans le façonnement de soins intégrés et des changements au système selon un point de vue venant de la base. Conclusion Changer les politiques (périphériques ou en évolution) pour transformer les systèmes de santé en réponse aux défis que posent les soins chroniques concorde avec les principes de la médecine familiale au Canada. La relation médecin-patient semble particulièrement importante, quoique vulnérable dans les réformes systémiques, puisque c’est un élément des soins qui se penche— spécifiquement sur les malaises grâce à une relation thérapeutique personnelle à long terme. De plus, étant donné la complexité des modèles de réforme des systèmes de santé, un cadre élargi est nécessaire afin que se réalise le potentiel qu’a la médecine familiale de prendre en charge les maladies, la santé et les malaises. Les 4 principes de la médecine familiale représentent les valeurs fondamentales qui peuvent encadrer les modèles de restructuration du système pour transiger avec le fardeau des maladies chroniques. Je recommande 2 nouveaux principes pour compléter les 4 principes actuels de la médecine familiale. Ces principes sont nécessaires pour répondre à la reconnaissance grandissante de la centralité de l’expérience du patient, en état de santé, de maladies et de malaises, avec l’autogestion des soins et l’autonomisation. Les réformes actuelles du système de santé exigent que la médecine familiale exerce un rôle de chef de file à titre d’importante dispensatrice de soins chroniques et pendant toute la vie dans un environnement de restructuration et d’adaptation presque incessantes du système de santé. Ce leadership souple et réceptif de la médecine familiale devrait être éclairé par une compréhension des besoins individuels, communautaires et de la population et de ce qui rend les systèmes de santé efficaces. Dre Martin est professeure agrégée de médecine familiale à la Division des sciences cliniques de la Faculté de médecine du Nord de l’Ontario, à Sudbury, en Ontario. 6 Intérêts concurrents Aucun déclaré Correspondance à: Dre Carmel Martin, Faculté de médecine du Nord de l’Ontario, Division des sciences cliniques, 238, rue Bruyère, Ottawa, ON K1N 5E3; téléphone 613 878-7372; télécopieur 613 482 4609; courriel [email protected] Les opinions exprimées dans les commentaires sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles sont sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada. Références 1. Hogan S, Hogan S. How will the ageing of the population affect health care needs and costs in the foreseeable future? Document de discussion No 25. Ottawa, ON: Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada; 2002. Accessible à: http://collection.nlc-bnc.ca/100/200/301/pco-bcp/commissions-ef/future_health_care-ef/discussion_paper-e/no25/25_e.pdf. 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